CONCLUSION GENERALE
Nous arrêtons ici notre thèse. Un des
résultats de notre analyse a été de joindre le concept de
l'identité (être) à celui de l'appartenance (temps) tel que
nous les rencontrons dans la philosophie sociale et politique de Mutuza. Pour y
parvenir nous avons eu à distinguer, dans le domaine social, la
séparation et la réunion de deux groupes sociaux qui se
distinguent par leurs ethnonymes (Hutu -Tutsi) auxquels on les identifie, dont
l'appartenance au glossonyme kinyarwanda est problématique et dont la
vie sur le toponyme RD Congo crée le flou constitutionnel de la
nationalité.
De la recherche philosophique du temps entropologique au
rétablissement éthique du temps anthropologique chez Mutuza, on
ne passera que par la brisure des murs d'hostilité qui nous
séparent des autres et par l'aide de chacun à sortir de
l'angoisse provoquée par l'insécurité, l'isolement, la
peur et le chaos, pour entrer dans la communion et l'unité.
Mutuza Kabe a constaté de bonne heure que
l'éloignement d'ethnoglossonyme favorise des préconceptions. Il
s'est proposé de créer une solution féconde, qui l'a
poussé à devoir réhabiliter l'image
dénaturée des institutions bantoues dont l'authentique valeur
est la communion qui nait de la confiance, de l'acceptation mutuelle et de la
liberté pour chacun d'être pleinement lui-même, dans sa
beauté et son unicité, afin d'exercer ses dons et de donner sens
à la vie.
Nous appartenons à un groupe lorsque nous marchons
ensemble - ne voyant pas nécessairement les mêmes choses, moins
encore de la même manière, mais les voyant concurremment et
concomitamment - et que nous avons conscience de notre besoin les uns des
autres, que nous soyons faibles ou forts, compétents ou non. Si nous
cheminons vers la liberté, cette appartenance n'inspirera pas de
sentiment de supériorité. Elle ne cherchera pas à exclure
le faible, le démuni ou l'étranger qui se reconnaît comme
tel, mais les inclura.
Ainsi, ce que nous disons à propos de l'identité
et de l'appartenance, du temps entropologique et des enjeux éthiques
chez Mutuza prolonge les réflexions de sa philosophie sociale et
politique en fonction de l'optique de notre contexte qui exige une
réévaluation des concepts, fruit d'une rupture
épistémologique que créent les rencontres de
différentes visions du monde. Le droit de nommer les choses explique les
pouvoir existentiel de deux civilisations en exemple chez Mutuza : la
civilisation pastorale et la civilisation agricole.
L'erreur serait seulement qu'on ait cru que, pour autant, nous
ne sommes qu'un de ces philosophes égaré dans l'anthropologie,
imprégné d'analyse mathématique, dominé par la
passion de la musique, attaché aux exigences de la biologie,
obnubilé par la méditation théologique et emballé
par les considérations métaphysiques.
Si l'on contestait une seule de nos assertions relativement
aux problèmes des éléments culturels à la
correspondance et corrélation dans les civilisations pastorale et
agricole en face de la philosophie de Mutuza, nous sommes en mesure de la
prouver à l'aide des documents officiels émanant de la
poésie dynastique du Ruanda et du Droit Coutumier relatif à
l'élevage, des interventions radiodiffusées de certains Tutsi, ou
des rapports des Nations Unies généralement approuvés par
le Ruanda et que Mutuza analyse avec grand soin.
Le plan que nous avons adopté pour exposer la
philosophie de Mutuza nous a permis de suivre, pour la première partie
intitulée vision philosophique de Mutuza, les
différents concepts philosophiques familiers à notre auteur, en
accompagnant chaque étape de sa vie d'un commentaire aussi bref que
possible. Ce qui nous a permis de découvrir le temps entropologique.
Après, nous avons tenté de rétablir le temps
anthropologique et les enjeux éthiques dans La problématique
du Mythe Hima-Tutsi en y joignant les implications d'ordres divers,
musicologiques, mathématiques, physiques...
Nous
n'avons certes pas la prétention d'avoir fait un travail
irréprochable ; encore moins nous flattons-nous d'avoir
présenté cette philosophie de Mutuza dans sa majesté. Nous
sommes dans l'intention de compléter notre recherche et de la corriger,
conformément aux observations que voudront bien nous faire nos
Pères et Frères dans ce savoir royal (qui est)
de tous et universelle (êáôà
ðàíôùí,
ôü
êáèüëïõ),
qu'est la philosophie.
Nous avons travaillé avec autant de soin et
d'exactitude qu'il nous a été possible ; mais qui peut se
flatter d'être infaillible et embrasser, d'une manière
complète et dans leur ensemble, toutes les questions de la philosophie
sociale et politique de Mutuza ?
Une analyse du temps entropologique et des
considérations des enjeux éthiques nous a permis de
découvrir que la vraie philosophie de Mutuza est
intersectionniste et intersessionniste, suivant la
pensée géométrique. Sa philosophie sociale emprunte chez
Descartes la géométrie et chez Locke la théorie politique.
Elle s'explique par l'usage qu'il fait de
la position d'un élément culturel de la
société qui peut être déterminé ou
repéré par rapport à deux institutions orthogonales
orientées, appelées groupes sociaux, au moyen des distances qui
considèrent la nature des grandeurs selon leur nature et non selon leur
valeur.
Sur la figure suivante, le point A est situé
à 1 unité de l'axe vertical, ou axe des y, et
à 4 unités de l'axe horizontal, ou axe des x. Les
coordonnées du point A sont donc 1 et 4, ce que l'on note comme
suit : A (1 ; 4). Cela signifie que, dans le repère
(xOy), O étant le point d'intersection des deux axes, ou
origine du repère, le point A a 1 comme abscisse (x)
et 4 comme ordonnée (y).
Les valeurs positives de x correspondent aux points
situés à droite de l'axe des y, et les valeurs
négatives correspondent aux points placés à gauche. De
même, les valeurs positives de y correspondent aux points
situés au-dessus de l'axe des x et les valeurs négatives
de y correspondent aux points placés en dessous. Ainsi, le
point B de la figure 1 a pour coordonnées :
x = 5, y = 0. De la même
façon, on peut déterminer la position de points dans l'espace par
rapport à trois droites concourantes perpendiculaires et
orientées (les axes), les deux premiers axes étant ceux du plan
et le troisième axe, vertical, étant généralement
appelé axe des z.
Cette intersection ouvre la perspective entre
l'identité et appartenance. La question de l'intégration et de
cohabitation, les valeurs matérielles et morales, les analogies et
homologies avec les principes mathématiques ont fait que nous soyons
obligé à quelques répétitions.
Mais nous avons préféré revenir plusieurs
fois sur les mêmes sujets que d'avoir recours à des renvois
toujours désagréables pour les lecteurs. Par exemple, en
commentant l'élément culturel de l'identité et
l'identité de cet élément culturel, en exposant les
civilisations pastorale et agricole, nous avons dû parler, non seulement
de deux visions du monde, mais des rapports qu'elles ont entre elles pour
qu'enfin le temps entropologique joue un rôle déterminant pour la
connaissance et la reconnaissance de l'identité et de l'appartenance des
peuples sous examen chez Mutuza; nous sommes revenu sur ces rapports,
plusieurs fois, lorsque le sujet le demandait.
On remarque que nous ne parlons pas des conflits entre
d'autres communautés au monde. C'est parce que la méthode
comparative est dangereuse et conduit assez facilement aux conclusions
hâtives et mène aux jugements des valeurs non philosophiques. Mais
notre jugement des valeurs consistait à nous porter sur les normes
reçues et sur les institutions en vigueur au nom des valeurs que nous
avions adoptées et que nous rencontrons dans le courant de la
réévaluation des concepts. C'est pourquoi nous avions
cherché l'axe véritable de cette philosophie dans les
institutions fondamentales des Hima-Tutsi, autrement dit dans leurs racines
métaphysiques. Nous avons aussi dû souligner que le mutuzisme,
tellement dominé par le refus de définitions en vue du
rétablissement de la notion d'équilibre social, n'arrive pas
à intégrer la genèse et l'histoire.
Nous ne disons pas que le mutuzisme nie la genèse et
l'histoire, mais nous soulignons que leurs réalisations concrètes
n'en tiennent pas, ou très peu, compte. C'est parce qu'aussi les
mêmes conflits et problèmes qui se posent ici et là ne
partent pas de mêmes contextes. Assurément, ces conflits ont une
base toute différente de l'analyse des éminents auteurs dont nous
avons parlé tout au long de cette thèse. La difficulté du
mutuzisme apparaissait alors très clairement : le refus de
définitions écroule l'édifice
épistémologique bâti à grand-peine du fait que le
développement radical semble nous donner comme outil de base la
théorie de communication. Nous avons déduit que le meilleur outil
est la théorie générale des relations à n termes,
dont on a trouvé un modèle dans la théorie des ensembles.
C'est pourquoi, nous nous sommes placé au juste milieu du courant de la
réévaluation des concepts - dans la via antiqua de la
haute scolastique - , plus prête à renoncer à une vision
d'ensemble du monde, au cosmos harmonieux - héritage de type platonicien
conservé par les antiquités ; puisque, pour cette voie, la
vérité est une et cohérente, l'erreur doit être
multiple et de ce fait, pleine de contradictions, pour bien expliquer la
philosophie de Mutuza telle qu'exposée dans La problématique
du Mythe Hima-Tutsi.
On sait que les Tutsi se font dire être d'une race
différente de Hutu, tandis qu'ils manquent non seulement la langue, mais
aussi et surtout de l'espace. C'est pourquoi Mutuza les appelle
Üèåôïé. Quant à
nous, nous n'entendons par Tutsi que l'ensemble des populations pastorales
sédentarisées qui se déclare minoritaire et au Ruanda et
en R.D. Congo ; qui n'ont pas des terres en propre, mais seulement vivent
parmi les Bantu et partagent avec eux le glossonyme kinyarwanda qui n'est autre
que le kihutu, mais qui, malheureusement, revendique leur identité
(ethnonyme Tutsi) par les liens biologiques phénotypiquement
extrabantumorphes.
Notre but étant d'aplanir, autant que possible, dans
cette thèse, les obstacles qui s'opposent à la stabilité
de la situation sociopolitique des pays des Grands Lacs, nous avons
adopté le sens le plus philosophique que présente la
problématique du Mythe Hima-Tutsi ; nous avons aussi profité
de bien distinguer entre l'idéologie de l'Education à la
citoyenneté (citoyenneté transfrontalière) et la
philosophie du Civisme et Développement.
Nous n'avons pas voulu, dans ce travail, faire étalage
d'érudition. Ce n'est pas une dissertation savante, dans l'acception
vulgaire de ce mot, que nous avons entrepris, mais c'est une recherche que nous
avons voulue claire, exacte, lucide, qui puisse être lue par des gens du
sens commun aussi bien que par d'autres scientifiques ; qui puisse
être comprise par les personnes les moins instruites.
Avons-nous réussi ? Il ne nous appartient pas de
le dire. Si notre travail n'acquiert pas l'assentiment de tous, nous
espérons qu'on l'acceptera avec autant plus de bienveillance que nous
n'avons eu pour but que d'être utile, et que nous sommes dans la
disposition de profiter de toutes les observations justes
qu'on voudra bien nous faire pour améliorer nos recherches.
Nous tenons à déclarer que nous ne suspectons
pas les intentions des Tutsi. C'est l'analyse du temps entropologique dans les
écrits de Mutuza qui nous a obligé de louvoyer par là.
Nous regardons comme des erreurs toutes les idéologies qui ne sont pas
en complète conformité avec la philosophie sociale et politique
de Mutuza, surtout dans son humanisme. Mais nous ne voulons pas croire que tous
ceux qui se trompent sont des entropoethnophages de parti pris. D'abord, pour
qu'une erreur devienne une entropoéthnie, il faut que la
société, gardienne du Civisme et Développement, ait
déclaré cette erreur contraire à son Civisme et
Développement. Pour être entropoethnophage, il faut soutenir,
malgré la vie de la société globale, une opinion
opposée à son temps anthropologique. Un homme ou un groupe
d'hommes qui se trompe peut être de bonne foi et excusable;
l'entropoethnophage est un orgueilleux et un révolté qui
mérite jugement et condamnation.
Nous voulons croire que pour les pays de Grands Lacs, il y a
plus d'hommes qui se trompent de bonne foi que des entropoethnophages
obstinés. C'est pourquoi nous leur offrons notre travail avec tous les
sentiments d'un amour vraiment fraternel, si l'amour est séparation et
réunion. Nous les prions de le lire avec autant de bonne foi qu'il a
été composé ; et que nous voulons espérer que
si la voix de la vérité se fait entendre, ils n'endurciront
pas leur coeur et ne repousseront pas la lumière qui
viendra....éclore leur appartenance à la culture de leur devenir
et réinventer leur identité.
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