Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe( Télécharger le fichier original )par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012 |
§2. Relativité du sentiment de minorité et de majoritéL'histoire des peuples de la région des Grands Lacs africains est là pour attester cette cruelle et sanglante vérité, même pour les missions occidentalalisantes d'essence pacificatrice comme les sont la MONUC et l'EUFOR forgée pour la pacification des élections de 2006. « Paix, paix ! Mais il n'est pas de paix », disait le prophète Jérémie (6, 14 ; 8, 11). Amani, amani, et c'est ce que toutes les liturgies chantent, et que la conférence de Goma a adopté. Les hommes, particulièrement les swahilophones et les bahutuphones (banyarwandophones), à l'instar des Sémites, se saluent au nom de la paix mais sont aussi des fauteurs de guerres, et les plus cruelles des ces guerres sont celles qui sévissent l'Est de la RD Congo. La guerre la plus constante et la plus paradoxale, fascinante par certains de ses aspects, est celle qui oppose, depuis l'arrivée de l'homme blanc, les Tutsi aux Hutu, les Hema aux Lendu, d'où Mutuza tire et dévoile le mythe Hima-Tutsi. Nous voulons démêler l'imbroglio qui oppose en une guerre à peu près ininterrompue les Hima-Tutsi aux Hutu de qui ils ont l'accès à la communication par le kihutu (kinyarwanda), au point de paralyser le fonctionnement des institutions des pays des Grands Lacs africains. C'est le problème d'appartenance qui fait appel à l'intégration. Tout le contenu de l'appartenance s'inspire de la notion de paix. L'appartenance est finalement une opération de paix et de réconciliation entre le peuple et leur société. D'ailleurs, toutes les conférences sur les pays des Grands Lacs ont aussi ce double caractère. Conférences comme lieu dialogique par excellence, cherchent à supprimer le malentendu destructeur qui fait irruption dans la communication entre différentes entités. Cette paix, nous la recherchons par notre identité, et nous la sollicitons par négociation. Mais pourrait-on accepter qu'une communication de masse puisse nous conduire à la vérité de cette guerre ? Il est un schéma qui domine plus ou moins consciemment les conceptions modernes du phénomène de communication, héritière en cela des théories de l'information apparues à la moitié du siècle (que l'on retrouve chez Shannon ou Jakobson, par exemple) et qui identifie communication et transmission de message. Ce schéma bien connu peut être représenté comme suit :
Schéma de Jakobson 1. 251659264 Schéma de Jakobson 2. F. Jacques le nomme très justement schéma d'Hermès- Hermès, jadis dieu des voleurs et des marchands, aujourd'hui honnête émissaire des postes et télécommunications, en raison de son évidente analogie avec le transport d'un contenu d'un point à l'autre. On réalise l'emprise d'Hermès quand on compte le nombre d'expression de la vie courante qui filent cette métaphore d'un contenu/objet dont l'on remplirait des expressions linguistiques transmissibles. Il a été dénombré, par exemple une centaine de locutions de ce type couvrant 70% de la langue anglaise et qui ont pour la plupart des équivalents français. Le propre d'une métaphore étant d'être un trope d'analogie à foyer unique, elle a pour effet, d'orienter l'attention vers un aspect précis du concept. Nous avons dans le cas d'Hermès une métaphore du conduit (pour reprendre l'expression de Lakoff et Johnson) qui amène à assimiler sans plus de distinction information et communication, dans un modèle qui convient autant aux hommes qu'aux machines (il n'est, du reste, pas sans lien avec l'essor de la cybernétique dans les années 1940), et dont il n'est pas sans intérêt de noter qu'il influença des penseurs comme Morris, Fodor, et surtout Bühler (certes après que Popper fut son élève). Ce schéma couvre l'idéal de paix. Paix que l'on cherche par les dialogues, les négociations, les conversations, les discours, les publications, les analyses politiques...Mais toutefois, jamais des chercheurs autoproclamés des négociateurs ne se sont départis de l'idée que le coeur de leur étude était le message ; ils ne sont ainsi pas écartés du schéma général d'Hermès. L'on peut tout de même s'attarder quelques instants sur un travail précis qui ne manque pas d'intérêt, spécialement grâce au recul qu'il prend à l'égard de la linéarité toujours présupposée par le modèle classiques (qui est linéarité, fût-elle réversible, du conduit ou canal. Il est dû au sociologue George Gerbner qui propose d'articuler la schématisation selon deux niveaux, ou plutôt deux dimensions, l'une consistant en la perception ou réception d'un événement du monde réel (car George Gerbner tient à lier le message à la réalité, ce qui est une option relativement originale), et l'autre - qui ressort plus particulièrement du domaine de la communication - étant nommée dimension de contrôle ; elle induit une interaction entre percepteur (qui peut être un individu ou une machine) et les éventuels contenus de signification des messages ou événements perçus on obtient alors une figure communicationnelle pour que l'on s'en tienne à la paix. Malgré cela, la paix entre Hima-Tutsi et les Hutu établit certains présupposés : « ...quel que soit le défi qu'on nous lance ou le piège qu'on nous tend, nous ne pouvons, pour rien au monde, renoncer à nos devoirs des nationalistes, dont le premier est celui de rétablir l'intégrité de notre territoire et de faire respecter les droits séculaires, sinon millénaires, des populations zaïroises les plus directement concernées qui s'appellent, du Sud au Nord Kivu-Maniema, Babemba, Bavira, Bafuliro, Bashi, Bahunde, Banyanga, Batembo, Banande, Balega. De ce respect seul dépendra la solidarité de toute solution qui visera à la cohabitation pacifique des peuples frontaliers. Mais d'ores et déjà, précisions que ce respect est incompatible avec l'idéologie raciste et hégémoniste qui caractérise les Tutsi et leur histoire, et qu'eux-mêmes, hélas, entretiennent sans vergogne, mais avec tant de malices ! »(626(*)). Nicolas Cabasilas précise qu' « en disant paix, il n'entend pas seulement la paix les uns avec les autres, lorsqu'on ne veut de mal à personne, mais aussi la paix avec nous-mêmes, lorsque notre coeur ne nous contente point. Grande est l'utilité de la paix ; ou plutôt, cette vertu nous est d'une absolue nécessité. Car l'esprit agité ne saurait en aucune façon s'unir (...), en raison même d'abord de la nature de son agitation. De même que la paix veut dire l'unité dans la multitude, de même l'agitation fait de l'individu une multitude »(627(*)). Il nous faut donc justifier cette quête de paix par la recherche du savoir correct de l'élément culturel de l'identité des Hima-Tutsi. Nous devons avoir une connaissance de l'identité de cet élément culturel. Ce n'est qu'en découvrant cet élément chez les Hima-Tutsi que nous trouverons le moyen de la reprise de la critique de la raison ambiante qui s'articule autour de l'intégration et de l'identification de l'élément culturel du mythe Hima-Tutsi. * 626 MUTUZA, La Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 91-92. * 627 CABASILAS, N., Explication de la divine liturgie, 26, PG 140, 452, Cf. I Co 11, 28. |
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