Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe( Télécharger le fichier original )par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012 |
Section 4. Ingénierie sociale chez Mutuza : théorie de la communication et de la compréhension du mythe Hima-Tutsi§ 1. Relativité du sentiment de minoritaire dans la communicationLe sentiment d'appartenir à une puissance majoritaire peut être transféré à l'importance de la superficie d'un territoire national. Ainsi les nomades Tutsi qui ne sont que quelques centaines de sujets plus au moins dispersés dans le Ruanda, Burundi et qui se forcent à nous persuader de leur nationalité congolaise sous la robe de kinyarwanda, sachant que les Hutu de la RD. Congo parlent avec eux la même langue, sont aussi persuadés qu'ils sont incontestablement supérieurs aux Hutu, gens compressés dans des villages parce qu'ils se sentent maîtres de pays immenses, capables éventuellement d'imposer leurs lois aux sédentaires. Inversement, des masses d'indigènes, plus au moins intégrées dans des cités se comportent exactement selon les règles psychologiques que l'on serait tenté d'attribuer volontiers à des véritables minorités ethniques. Il existe donc un mécanisme de prise de conscience d'appartenance à un groupe « infériorisé » plus qu'à une minorité; mais les réactions collectives ou individuelles auront des conséquences diverses (même si ces réactions sont identiques), si cet état d'infériorité intéresse une classe sociale réellement minoritaire, ou cette même classe si elle est franchement majoritaire, auquel cas vient s'ajouter une nouvelle dimension de la psychologie dynamique qui est celle des foules en créant directement des conflits. Les conflits de valeurs apparaissent fort divers : valeurs personnelles contre celles d'une autre personne, valeurs personnelles contre valeurs communautaires, valeurs communautaires contre valeurs d'autres communautés, valeurs d'une minorité contre celles d'une majorité, sans oublier les valeurs internes de la personne en conflit avec elle-même, souvent à l'origine des autres conflits (Bernard Williams). Les valeurs varient selon les personnes et les communautés humaines, et sont évolutives dans le temps : la notion de valeur est relative. Pour une personne ou pour une communauté, l'échelle des valeurs peut être rapportée à une échelle des « biens » : il y a pluralité des valeurs comme des Biens. Il est très passionné de voir Mutuza élaborer la déontologie de l'Etat. Il tire des principes premiers ce qu'il doit, ce qu'il peut et ce qu'il ne doit pas faire, au lieu d'énumérer les nombreux effets désirables que nous en attendons. Quand est-il juste -si ça l'est jamais- que certaines personnes, qu'ils soient dictateurs ou majorités démocratiques, emploient la force pour obliger les autres à se soumettre à leurs choix ? Qu'est-ce qui rend la violence légitime ? Quand est-ce notre devoir que d'obéir à l'autorité politique, et quand est-il fondé à s'en servir pour distribuer des avantages aux dépens de nos concitoyens ? Voilà, nous semble-t-il, les questions de la philosophie politique. Même le conséquencialiste, s'il veut de la cohérence dans ses objectifs, doit y répondre, au moins implicitement. Les réponses explicites valent encore mieux, car elles sont ouvertes à l'examen et à la critique. Mutuza n'est pas libéral, au sens européen du terme. C'est un démocrate-social, même si on n'est pas tout à fait sûr de savoir pourquoi. Il n'a aucune obligation intellectuelle de fournir une déontologie de l'action politique, et s'il en produisait une, nous serions le dernier à tenter de prédire à quoi elle ressemblerait. Mais comme nous souhaiterions que, libéral ou pas, il trouve le loisir et l'intérêt de nous laisser quelques pistes pour le deviner. Ainsi, nous avons choisi la voie de l'arithmétique pour entrer en contact avec ce que la statistique, telle que prédite par les Viennois, secourt la science philosophique. Mutuza s'y prend facilement. C'est un esprit métaphysique et un pythagoricien sans Pythagore. Nous avons dit pourquoi la théorie pythagoricienne des nombres nous intéresse. Avec les mathématisables, les quantifiables, ces éléments constituant une forme de connaissance et de savoir, l'esprit s'épanouit en toute béatitude par la purification (êáôáñóçò). Cette purification implique la purification de chaînes de la dictature qui s'était presque assis sur la même chaise de la démocratie : la chaise conséquencialiste. La chaise conséquencialiste implique le dialogue et le débat comme l'emplacement de la commutativité et de l'associativité de l'addition et de la multiplication en mathématique. La communication doit donc s'enraciner dans cette perspective pour nous donner la valeur réelle du dialogue qui ne peut avoir lieu que dans une fonction ayant un domaine de définition bien déterminé. C'est là la seule condition de possibilité de l'existence d'une fonction. On prend alors l'addition qui est une opération commutative et associative, et l'on aura dès lors pour tous nombres x (une femme tutsie), y (un homme tutsi) et z (les enfants tutsis), il existe les égalités suivantes : x + y = y + x, relation qui traduit la commutativité de l'addition. Et (x + y) + z = x + (y + z), relation qui traduit l'associativité de l'addition. L'addition possède ainsi un élément neutre, le zéro. En effet, pour tout nombre x, on a x + 0 = x. ce qui a permis à certains de croire que le croisement entre Hutu et Tutsi ne produisait pas de progénitures hybrides car, tout compte fait, la femme tutsie cherchera à s'accoupler à un tutsi pour donner le génome tutsi. C'est vraiment l'aspect le plus animal de l'union de semblable avec le semblable. Mais une fois éloignée, elle s'accouplera à un Hutu et donnera des hybrides qu'elle n'aimera jamais. Si l'on ajoute quatre Tutsi en RD Congo qui en contient déjà cinq, on peut calculer le nombre total de Tutsi en RD Congo en les comptant un par un : on obtient alors neuf Tutsi; neuf est la somme de quatre et de cinq. Cependant, il est bien plus simple d'utiliser l'addition, qui permet de calculer la somme beaucoup plus facilement : 4 + 5 = 9. Dans ce but, il convient de mémoriser les opérations de base résultant des combinaisons les plus simples, celles des chiffres. La table suivante indique les sommes de deux chiffres quelconques de 0 à 9 : Avec les naissances, nous allons plus loin. C'est
déjà la multiplication qui est aussi une
opération commutative et associative. Pour tous nombres x,
y et z, on a, en effet, les égalités
suivantes :
x × y = y × x,
relation qui traduit la commutativité de la multiplication ;
(x × y) × z = x × (y × z),
relation qui traduit l'associativité de la multiplication.
Par ailleurs, la multiplication est distributive par rapport
à l'addition. En effet, pour tous nombres x, y et z,
on a :
x × (y + z) =(x × y) + (x × z)
1 est appelé élément neutre de la multiplication, puisque,
pour tout
nombre y,y × 1 = y ; On peut assimiler la multiplication d'entiers naturels, appelés aussi nombres entiers, à une addition répétée. Par exemple, l'expression 3 × 4 correspond à l'addition de 3 termes égaux à 4 (4 + 4 + 4), ce qui, puisque la multiplication est commutative, est équivalent à l'addition de 4 termes égaux à 3 (3 + 3 + 3 + 3). Cependant, pour de grands nombres, Comme il est le cas avec les Banyamulenge, une telle démarche s'avérant fastidieuse, on applique les règles de la multiplication qui supposent d'avoir mémoriser les résultats des combinaisons les plus simples, c'est-à-dire les multiples de base des entiers compris entre 0 et 9, illustrés par la table de multiplication suivante : Nous constatons que la multiplication est une opération dont les Tutsi se sont servie pour s'installer dans des villages des Hutu. Nous avions signalé que la razzia était une institution, la soustraction est - pas des semblables - à cet effet - mais des simulables -, une opération capable d'infliger les deuils. L'assimilation semble une bonne méthode dans cette communication. Nous en arrivons aux intimidations des pouvoirs politiques. L'AFDL ne s'y était pas retrancher, elle avait apporté l'idée d'une démocratie sociale. Idée qui était difficile à identifier à cause de la présence des étrangers en son sein. Nous avions dit que Mutuza ne définit pas la démocratie. Mais on se demande quand est-ce que les institutions démocrates-sociales ne sont-elles ni « trop à gauche » ni « trop à droite » mais pile dans le centre ? La réponse de Mutuza est qu'il est « nécessaire de les structurer conformément à l'exigence de la cohérence logique, au souci pédagogique de la communication et de la compréhension, et à la valeur de leur contenu, en les situant dans le contexte socio-culturel, pour dégager la doctrine qui inspire, en réalité, le Gouvernement AFDL »(608(*)). La démocratie de l'AFDL est démythifiée. Celle que prône Mutuza, demande aux institutions d'avoir un sens précis de réponse à la demande d'équité et de protection pour les faibles. A un endroit, avons-nous dit au premier chapitre, Mutuza demande une assurance obligatoire pour l'invalidité, le chômage et la vieillesse, et pour des moyens d'existence statutairement garantis pour quiconque est disposé à travailler. Une « réversibilité » évidente caractérise même des détails terre-à-terre de ce genre : quel est le niveau de prestations qui constitue une assurance « suffisante » contre les risques en question ? -et que signifie Diaspora disposé à travailler ? Pour quel travail ? - et qu'est-ce qui passe pour des moyens d'existence ? Certes, toutes les normes de ce qu'un Etat devrait faire ne sont pas facilement quantifiables. Tous ne peuvent pas être traduits en engagements précis. Il n'y a que les engagements précis dont on puisse dire que les hommes de l'Etat les ont respectés, ou ne l'ont pas fait, ou qu'ils ont outrepassé leurs pouvoirs, car sinon, ces affirmations ne seraient que vague rhétorique de simples assertions « irréfutables ». Par conséquent, même en condescendant (êáôÜâáóáíôé) à sortir des nobles généralités, à passer de planifier, étape par étape, des institutions qui préserveront la liberté, particulièrement la protection contre l'exploitation... au niveau plutôt ennuyeux des institutions concrètes que nous devons construire pour y parvenir, on ne préserve pas le discours mutuziste du danger de se faire retourner pour justifier quasiment n'importe quelle position, et s'y faire mettre n'importe quel contenu empirique, même si l'intention de départ était manifestement d'y fourrer de la démocratie sociale modérée. Il reste à noter que dans le monde entier tout esprit penseur se rend compte qu'il est de plus en plus difficile de comprendre la situation actuelle des Tutsi. Si nous voulons saisir les rapports des choses et la dépendance mutuelle des Hutu et des Tutsi, il faut que nous révisions notre façon de penser. Car se qui se passe actuellement concerne chacun d'entre nous. Ce n'est qu'ensemble que nous pourrons accomplir les tâches et explorer les possibilités qui s'offrent à nous. Au colonialisme et à l'injustice postcoloniale a succédé une époque de trêve sans paix véritable. Et il n'est pas sans peine d'observer la phénoménologie biologique avec laquelle les Européens traitent la question Hima-Tutsi. « Quand les premiers Européens pénétrèrent au Ruanda, à partir de 1896, ils observèrent la coexistence de plusieurs races dans ce royaume dominé par celle qui avait la stature la plus élevée et les appartements somaliens ou gala les plus visibles. Une taille élevée, un port altier et même arrogant, tels apparurent les Tutsi aux premiers voyageurs européens »(609(*)). Dans cette perspective, les forces de dissuasion mutuelle, un potentiel d'armement qui permettrait de détruire plusieurs fois l'Est de la RD Congo, le déséquilibre croissant de l'économie mondiale, la menace pesant sur le système monétaire et la confrontation d'idéologie hostiles, tout cela fait que réviser notre manière de penser est devenu une question importante. Avec cette découverte, nous avons certainement atteint le noeud de l'affaire. Mutuza, comme nous l'avons vu, a pris coutume d'énoncer des jugements normatifs en termes des conséquences qu'il désire obtenir. La démocratie doit permettre aux gouvernés de remplacer les dirigeants et de brider le pouvoir économique. Nos institutions doivent empêcher l'exploitation des moins doués, des moins impitoyables, ou des moins chanceux, doivent empêcher même de mauvais dirigeants de faire trop de dégâts. La vie politique doit être expurgée du « crime de l'anti-égalitarisme » qui donnerait à certains hommes le « droit de se servir des autres comme d'un instrument ». * 608 MUTUZA, La problématique du Mythe Hima-Tutsi, p49. * 609 Ibidem, p. 46. |
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