Conclusion
Selon les poèmes dynastiques du Rwanda,
l'identité et l'appartenance se fondent sur le mythe de l'ethnonyme
banyarwanda et s'engagent dans un rythme qui augure le mouvement de
réunion et de séparation des fils de Kanyarwanda qui donne le
glossonyme kinyarwanda.
Servie par des circonstances successorales
particulières des Baame Hutu, la dénomination et la
dénaturalisation glossonymique de l'identité de la langue kihutu
est la mort des royautés des baame Hutu au Rwanda. Le poète
n'ayant pas la grande liberté de sortir de l'exaltation de la
royauté monarchique de l'absolutisme et divinatrice d'Imama, oeuvre pour
la différenciation de la race de dieu et de la servitude des Hutu par
la voie du mythe.
La question qu'on se posait dans ce chapitre est celle de
savoir pourquoi les Tutsi sont-ils appelés banyarwanda alors que le
kinyarwanda est bien connu comme la langue bantoue et que les Bantu du Rwanda
sont les Hutu qui, comme nous le savons, s'expriment en leur langue qui est
comme toutes les autres langues bantoues, correspondante de leur ethnonyme. Et
l'on a, au cas sous examen, le kihutu comme langue bantoue qui est
parlée au Rwanda, et que le mythe dissimile sous une appellation
savante : kinyarwanda.
Nous avons vu qu'il n'y a aucun idiome qui vienne des Tutsi.
De kihutu, les Watutsi ont bien voulu s'identifier et, avec la force de
l'histoire, ils ont réussi à réunifier tous les petits
royaumes des Hutu en un seul et unique Rwanda, comme le clame le poète.
Le royaume des Banyarwanda renferme alors une chaine d'or cyclique de l'octave
dans les poèmes dynastiques : Roi (1), Dieu (2), Race (3), Archer
(4), Vaches (5), Guerre (6), Pluie (7) et (Roi 8). Cette force de
l'identité du roi à son royaume identifie en même temps la
royauté et le kinyarwanda parce que le mythe rapporte que Kanyarwanda
est l'ancêtre de tous les Banyarwanda, Hutu, Twa et Tutsi.
L'analyse de Mutuza donne une nouvelle identité au
Tutsi à cause de leur bovidé-latrie. Ce culte de la vache enclot
le champ de conscience ethnique et les valeurs morales de Tutsi qui se
consolent d'avoir un ancêtre mythique né d'une ethnie fictive et
dont la réalité et la vérité les font
dépendre de la langue de Hutu. C'est d'ailleurs la loi de l'imitation.
L'esquisse géométrique de la pensée des Hutu a ouvert
à Mutuza la voie du processus de leur connaissance des cinq sens qu'ils
traduisent par les cinq tambours. C'est le caractère différentiel
de l'appartenance des Tutsi dans l'ordre exponentiel qui les permet
d'intégrer dans la communauté Hutu et ne les laisse identifiables
que par le biologique. Une de grande question était celle de savoir
comment le biologique peut-il être la base d'une identité alors
que le social qui caractérise l'humanité fait que les Tutsi
soient seulement un phénomène de différenciation
phénotypique comme on a dans chaque groupe social des grands, des
petits, des minces, etc.
Une chronique familiale kinyarwandophile qui néglige le
nationalisme et insiste sur le glossonyme crée la confusion entre l'Etat
et la langue officielle.
De là, il n'y a qu'un seul pas vers
l'indifférence. Et nous l'avons bien vu, dans les poèmes
dynastiques, comment l'appartenance est en conflit avec l'identité. La
communication fait défaut et l'appartenance juridique et politique ne se
limitent que sur le plan matériel. Et c'est grâce à cela
que l'analyse de Mutuza sur les poèmes dynastiques est possible.
Il est pratique et normal que nous ayons recours à des
distinctions classificatoires en vue de soumettre les différences
culturelles au traitement scientifique. C'est à la justification de la
distinction établie entre l'appartenance politique et l'appartenance
juridique. Nous avons rectifié cette distinction terminologique en
reformulant la distinction comme étant celle entre
sociétés agricoles et sociétés pastorales.
Au guérisseur des âmes et des corps que les Hutu
rêvent de rencontrer, réflexion philosophique, notamment dans le
texte mis en abyme que sont les poèmes dynastiques du Rwanda, le roi est
le Grand Inquisiteur qui fait trembler les Banyarwanda... Cette
manière romanesque complexe, s'articulant sur des récits de
nature différente, mêlant étroitement, plus encore que dans
les récits épiques, une littérature et une philosophie de
l'appartenance révélatrice de l'identité entre pouvoir,
glossonyme, ethnonyme renfermés dans le mythe Hima-Tutsi et qui renforce
la prise de conscience de l'appartenance aux sols rwandais.
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