0. INTRODUCTION GENERALE
0.1. Etat de la question :
Identité et Appartenance: génétique de la recherche
philosophique du temps entropologique
Il n'y a peut être rien de plus décisif en
philosophie que les commencements. C'est pourquoi l'ordre dans lequel les
questions sont présentées, en dehors de l'ordre
alphabétique qui se veut exempt de toute signification
préconçue, mérite quelques explications. Etant admis qu'il
y a bien des commencements possibles ; par quoi ou comment
commencer ? par le monde ? par le moi ? par Dieu ?(1(*)) Il ne s'agit donc pas ici de
poser solennellement « l'homme » ou « le
monde » comme pierre de l'édifice, mais plutôt de
montrer comment la philosophie de Mutuza s'édifie à partir d'une
pierre qui est nécessairement empruntée à l'homme :
son identité et son appartenance.
Le dessein de ne jamais traiter une question sans commencer
par en faire l'historique se heurte ainsi, nécessairement, au
problème de l'origine du commencement : pourquoi, de toute
éternité ou à un moment donné, y a-t-il quelque
chose plutôt que rien ? ce rien est
au coeur de la question de l'être. Ainsi l'être est
identité ouverte par le principe d'individuation et
appartenance réelle par le principe de la localisation.
Or en nous posant cette question, que de questions encore, que
de sourires, que de soupçons, peut-être même quel scandale
soulève le titre de cette thèse évoquant l'étude
sur l'identité et l'appartenance : recherche
philosophique du temps entropologique(2(*)) et rétablissement du comput(3(*)) de l'éthique
anthropologique chez Raymond Emmanuel Mutuza Kabe ! Son dessein semble
immense ; on peut le juger téméraire ou naïf ;
nous l'avons souvent estimé tel et pourtant nous avons toujours cru
qu'il était aussi nécessaire qu'ardu de le réaliser.
Traverser l'oeuvre de Mutuza dans sa réévaluation des concepts
pour se donner le droit de dire soi-même au terme ce qu'on pense de
l'identité et de l'appartenance et chercher à donner sens
à l'oeuvre d'un auteur vivant et dont le renom est en train
d'émergé, est-ce sérieux ? Il revient au lecteur d'en
décider sur pièce. Nous ne saurons anticiper son jugement. Nous
pouvons du moins préciser dès le départ que le sentiment
qu'il existe dans le sujet choisi un mouvement ou une dynamique () de
forêt à défricher ou à déboiser, d'une terre
à bêcher ou à labourer, d'un dessin d'architecture des
cases ou de peinture des `mbuya'(4(*)), d'une vague des pirogues des majestueux fleuve
Congo et ses affluents, des récits épiques, des proverbes, etc.,
des sons des `ngoma(5(*))',
de musique `ndombolo'(6(*))
ou même d'un charme des contes de fées ne nous a pas quitté
au cours de son élaboration. L'histoire dont il s'agit ici est celle
d'un corps deux fois millénaire(7(*)) près qui a lutté à coeur perdu
pour conserver son identité et son unité. Soumise autant et plus
que tout autre organisme vivant aux jeux durables ou passagers de la bonne ou
mauvaise fortune du monde, ce corps qu'est la RD Congo entend plus que tout
autre aussi maintenir pour elle et manifester aux autres sa conscience de
soi.
C'est ainsi que nous avons voulu en préciser dès
le départ la génétique : l'historien qui
désire étudier les philosophies occidentales dispose aujourd'hui
d'instruments de travail aussi nombreux que perfectionnés. En plus
d'éditions critiques, publiées le plus souvent en de
grandes séries, il peut consulter des commentaires, des dictionnaires
spécialisés(8(*)), des concordances mêmes(9(*)). Surtout, il peut se
référer à un type d'ouvrages qui lui permet de
délimiter son sujet, ou d'en étudier, si l'on peut dire, la
géographie intellectuelle et spirituelle, de mieux
identifier son apport à la pensée
philosophique. Nous voulons parler des manuels classiques, dont le genre
littéraire remonte à l'époque du
« miracle grec »
elle-même - puisque c'est Thalès de Milet ( ?+-V 547) qui
nous en a donné le premier exemple dans son « Guide
nautique » et dans sa « cosmologie »
quand il a parlé de Üñ÷Þ
(archè), le principe, pour désigner la chose première et
unique. Notons cependant que le terme miracle
grec fut beaucoup utilisé par Heidegger (+
1976), à la suite de Hegel (+ 1831) qui est le premier à avoir
employé ce titre(10(*)). Notons aussi que c'est à cette époque
du miracle grec que fut forgé,
probablement par Pythagore(11(*)) de Samos (+-V 490), continuateur milésien, le
terme
öéëïóïöïò
(philosophe) par humilité, pour se dire `amoureux'
(ößëïò) de la sagesse
(óïößá), plutôt que le
sage (óïöïò). Philosophie est de
ce fait un terme technique, savant et plein de polémique contre les
sages (ïß óïöïß).
Rien de tel ne s'offre à celui qui désire faire
connaissance avec la philosophie africaine et les adversaires tempelsiens de la
philosophie dite « bantoue » de la seconde moitié du
XXème siècle et de Tempels (+ 1977) en
particulier. Certes, il existe une série dans laquelle on publie des
sources ; mais jusqu'à ces jours le corpus smetien ne compte que
deux tomes(12(*)). De
même on a tenté à plusieurs reprises de donner aux
historiens de la philosophie une vue d'ensemble des auteurs qui, au nom de
l'Europe, ont combattu Kinshasa et ses alliés ou concurrents. Il existe
même par bonheur, des ouvrages qui décrivent ou analysent les
travaux faits dans ce domaine depuis un petit siècle(13(*)). Mais nous sommes encore loin
de connaitre ce que nous avons appelé « la géographie
intellectuelle de controversistes » tempelsiens comme nous
connaissons celle des classiques occidentaux. Des nombreux philosophes
sentaient que les questions de l'existence de la philosophie, plus que celles
de sa sémantique même, étaient au coeur du
problème.
C'est ainsi qu'on peut, qu'on doit définir philosophie
et science en fonction de deux pôles opposés de la
pensée : la réflexion et la spéculation pour la
philosophie, l'observation et l'expérience pour la science. Mais il
serait fou de croire qu'il n'y a pas de réflexion ni de
spéculation dans l'activité scientifique, ou que la philosophie
dédaigne par principe l'observation et l'expérimentation. Les
caractères dominants en l'une sont dominés chez l'autre et vice
versa. C'est pourquoi, il n'y a pas de frontière `naturelle' entre l'une
et l'autre. C'est pourquoi aussi il est conforme aux règles habituelles
de l'entreprise philosophique de demander à l'auteur quel est le contenu
et les moyens de sa problématique. Dans le cas présent,
cependant, une pareille exigence est malaisée à satisfaire, car
le problème de la signification de la philosophie n'offre rien
à dire dans le sens où « dire » est une
amorce du connaître(14(*)), soit directement par le mode de l'ostentation, soit
médiatement par celui de la démonstration. L'un et l'autre, en
effet, supposent le pré-discernement d'un « objet »,
c'est-à-dire un quelque chose dont le concept soit eidétiquement
possible comme unité, au moins, pressentie. Or ce pressentiment
n'existe que pour des êtres particuliers
(áêïëïýèïé)
auxquels l'habitude sociale
(ñèoò) ou les antécédents
pré-conceptuels (äüîá) nous ont
conformés : soit qu'il s'identifie à l'aura conventionnelle
d'une Ecole au statut historiquement défini, soit qu'il s'affirme comme
trace d'un moi d'une épistèmê
(ðéóôÞìç)
déployée à partir d'un savoir particulier, soit qu'il se
donne - plus vaguement comme un vide
(êåíüò)(15(*)), silence
(ÓéãÞ) ou manque, au sens
épicurien du terme - pour le reflet d'une mode intellectuelle. De toute
façon, on ne peut pas définir à partir de ces
singularités l'être d'une communauté résiduelle de
signification. C'est en ce sens que nous posons, en principe, que n'existe pas
a priori de concept auto-suffisant de la philosophie sociale et
politique partant de l'identité (être) et de l'appartenance
(temps).
A partir de ce vide ou silence
(êåíüò ?
ÓéãÞ)(16(*)) et/ou manque, ce qui peut être
traduit par alternance(17(*)), nous explorons et
présentons la philosophie sociale et politique de Mutuza, laquelle se
construit autour des concepts d'identité et d'appartenance et dont
l'alvéole est l'étude de La
Problématique du Mythe
Hima-Tutsi(18(*)) où l'auteur démontre que
malgré l'effort apparent de l'unité des trois monades ethniques
ou sociales fermées et différentes
(ôñéáò
åèíïìïíáäéêïé)
comme des nombres arithmétiques sous le même glossonyme
kinyarwanda, la différence des ethnonymes de ces atomes raciaux (Hutu,
Tutsi, Twa) prouve que ce ne sont pas un même peuple(19(*)). L'absence des glossonymes
kitutsi et kihutu dévoile en fin de compte, le mythe de
Kinyarwanda(20(*)). Or il
est dit que les Tutsi parlent kinyarwanda, une langue bantoue, et si les seuls
Bantu habitant le Rwanda sont les Hutu, et que tous les Bantu (aussi bien ceux
des cités ruandaises) se trouvent en corrélation (rapport de
cause à effet) et en correspondance (rapport de concordance ou
d'analogie) avec leur ethnonyme, leur glossonyme et leur toponyme, il est alors
plus `juste' d'appeler le kinyarwanda le kihutu en raison de son
identité et de son appartenance à la famille des langues bantoues
parce que les Bantu de qui sort le kinyarwanda(21(*)) sont les Hutu.
La recherche philosophique du temps entropologique et le
rétablissement du comput éthique du temps anthropologique forment
l'assise précise de la philosophie de Mutuza. L'idée
maîtresse repose sur le fait que le besoin de « chercher
fortune ailleurs » est une manifestation qui succède
naturellement à la phase du « besoin de se grouper en bande
hors de la famille » d'un côté, et de l'existence
subjective qui reçoit de la séparation ses linéaments, de
l'autre côté. L'identification intérieure de chacune des
ethnonymes dont l'identité épuise l'essence, identification du
même qui crée l'individuation ne vient pas frapper les termes de
leur relation quelconque appelée séparation.
La séparation est l'acte même de
l'individuation(22(*)), la
possibilité, d'une façon générale, pour une
entité sociale ou biologique qui se pose à l'intérieur
d'un système, de s'y poser non pas en se définissant par ses
références à un tout, par sa place dans ce système,
mais à partir de soi. Le fait de partir de soi équivaut à
la séparation. Mais le fait de partir de soi et la séparation
elle-même, ne peuvent se produire dans le cas d'une société
qu'en ouvrant la dimension de l'ethnonyme, du glossonyme et du
toponyme(23(*)).
Les deux facteurs (le fait de partir de soi et la
séparation) trouvent conjointement leur épanouissement dans
l'instinct polémogène (désir de participer à des
activités militaires pour les hommes ou à des tâches
philanthropiques pour les femmes). Cette pulsion instinctive, qui pousse des
jeunes à émigrer, est l'une des fonctions de
« l'inconscient collectif »(24(*)), facteur conditionné
par la recherche de l'auto-signification dont la science en est l'archonte
(Ü)(25(*)). Les sciences que nous nommons
aujourd'hui anthropologie, ethnologie, sociologie, géographie
humaine... ont de tout temps existé(26(*)). Elles apparaissent comme des bourgeons dans
l'histoire des civilisations méditerranéennes, une
espèce de xénologie, comme l'affirme Jean
Daniélou (+ 1974)(27(*)). Hippocrate ( ?+-V377) et Aristote (+ -322) ont
traité des peuples exotiques. Nous le rencontrons dans les commentaires
de Cicéron (+ -43) et de Marc Aurèle (+ 180)(28(*)). L'oeuvre de Pline le Jeune
(+ 113) renferme une somme importante des renseignements,
mi-légendaires, mi-réels sur les peuples autres. Elle constitue
une véritable « ethnographie ». Les Grecs qualifient
sous le nom de ð?ãìç (pygmée
= coudée = environ 46 cm) des populations forestières
éparpillées en Afrique. Origène (+ 254) l'atteste. Les
gnostiques en font mention et pensent que « les nègres ont
l'habitude de se nourrir de chair humaine »(29(*)). L'on peut se demander dans
quelle condition la migration des peuples n'a pas été favorable
à l'identification de certains au point qu'elle rendit certains d'autres
sans position, non spatial
(Üèåôïò)(30(*))? Ne s'agit-il pas de
l'itinéraire d'un peuple dont l'histoire pose
problèmes quant à la langue, à la politique et
à l'intégration : les Tutsi, en l'occurrence ?
Cet itinéraire, les Mvudi - qui vivent dans une
ambiance de grandes discussions autour des sens des mots qu'utilisent les
grands esprits congolais dans des media - veulent le comprendre pour le cas de
ces sans position, non spatiaux
(Üèåôïé). Et un soir,
devant leur petit écran, une émission projette les ombres de
l'invité que fut le professeur Raymond Emmanuel Mutuza Kabe, où
l'on traitait (du problème) du tribalisme. Un débat chaud divisa
la famille sur le sens du concept « tribalisme ».
Monsieur Roger Mvudi Ngoma, le pater familias, a pris
la parole, en disant: « le vrai problème n'est pas celui
de définir ou de chercher le sens ou de préciser le mot
tribalisme, ou plutôt ce qu'il signifie, question essentialiste ;
mais il nous est demandé de chercher la clarté et la
portée anthropologique du tribalisme qui n'est que la recherche humaine
de l'appartenance. Tout le monde sait ce que le mot tribalisme signifie ;
mais peu d'entre les hommes éminents se donnent cette peine de savoir
que le tribalisme implique la notion d'une appartenance à des valeurs
qui sont aussi bien culturelles, biologiques que morales, spirituelles ;
c'est aussi la problématique de l'identité, c'est-à-dire
de la corrélation et de la correspondance entre ethnonyme et
glossonyme »(31(*)).
Il revient à dire que ce que le mot signifie n'est pas
ce qu'il veut dire; le signifier et le dire tombant à part l'un de
l'autre. Ce que le mot tribalisme, pris comme tel et proprement, signifie, il
ne dit pas.
Nous avons compris que pour accéder à la
maturité et grandir en toute liberté, pour franchir les
barrières de l'individualisme derrière lesquelles nous nous
cachons et nous protégeons, nous avons besoin
d'appartenir à quelque chose
de plus grand; nous avons besoin d'être liés à d'autres,
sans pour autant être eux. Nous pouvons nous servir de leur langue, sans
négliger la nôtre. Nous pouvons nous faire confiance. Nous sommes
obligés à verrouiller nos entrées. C'est comme si notre
maison avait résisté au grand tremblement de terre que nous
appelons la guerre pour finalement se faire manger par des termites
entropo-anthropoethnophages.
Comment alors expliquer que nous, hommes, puissions nous
entredéchirer et douter de l'humain au point de faire de la question de
l'humanité une pomme de discorde et une source de dissentiments ? A
Gabriel Marcel (+ 1973)(32(*)) de démontrer que s'il ne s'agissait que
d'objections théoriques, on ne pourrait pas s'en consoler si
facilement ! La situation effective des concepts de l'identité et
de l'appartenance va au-delà du simple constat des désaccords et
des dissentiments. Chaque jour sur le terrain les hommes se combattent, se
massacrent, razzient, violent, violentent et font douter, sinon
désespérer, de notre condition. Au Congo Kinshasa, au Ruanda, en
Ouganda, au Soudan, au Tchad, en Côte d'ivoire, en Lybie, en Tunisie, en
Egypte, au Kosovo, en Tchétchénie, au Taïwan, au Kurdistan,
en Indonésie, la liste des foyers de conflit est longue et interminable,
hélas!: sans cesse et presque partout sur la planète se
construisent des foyers d'entropies sociales. S'agit-il des malentendus
identitaires ou des débats passionnés sur la
contradiction dans la manière d'appartenir?
Nous en dissertons chez Mutuza parce qu'il en donne une belle
analyse par la réévaluation des concepts. Il distingue le temps
historique (temps chronologique qui s'attache aux événements) du
temps anthropologique (temps culturel qui s'attache aux structures et dont le
principe éthique est la contemporanéité). Pour ce faire
nous avons besoin de recourir à ses ouvrages et à ses articles,
aux entretiens directifs qui sont les vraies sources de sa philosophie. Pour un
meilleur éclairage sur la problématique, nous élargissons
notre vision avec des spécialistes tels que Baumann et Westermann, J.
Maquet et Vansina, Biebuyck et Pages, Van Bulck et Cuisinier, Papadopoulos,
etc.
0. 2. Objectifs : temps
entropologique et éthique anthropologique face à l'espace
géométrique computationnel
Le rétablissement éthique du temps
anthropo-logique(33(*))
analysé par Mutuza étant à la base de cette recherche,
nous re-soulevons ces problèmes pour contribuer dans quelque
mesure que ce soit à leur solution, non à leur aggravation. On ne
saurait guérir une plaie sans en connaître la nature ou l'essence
ni la gravité. En évoquant là certains aspects de la
tragique histoire identitaire de relations entre les populations lacustres et
banyarwandaises, nous voudrions éviter d'aggraver des rancoeurs comme de
culpabiliser les Hutu, les Tutsi ou les Twa qui nous liront. Nous ne sommes pas
responsables des crimes du passé, même si nous pouvons le devenir
des méfaits de l'avenir. Nous devons savoir, dans l'oeuvre de Mutuza, ce
qui a pu se passer entre ces populations non pour ressasser leurs ressentiments
ou leurs culpabilités, mais au contraire pour faire front, ensemble,
afin d'empêcher la continuation ou le retour de telles folies.
Le premier objectif du travail est de présenter une
philosophie d'inspiration congolaise dont l'auteur se distingue par son
analyses objectives, et par sa synthèse subjective et
systématique, par son épistémologie que lui-même
qualifie de réévaluation des concepts. Son oeuvre
abondante certes, s'endort encore, couverte d'apathie, pieusement dans les
rayons des nos bibliothèques. Nous voulons la ranimer, l'exhumer. Le
second objectif est la résolution des conflits d'identités et
d'appartenances qui déchirent l'humanité dans son ensemble et la
RD Congo en particulier, surtout dans sa partie Est, contexte
où la question de l'identité et de l'appartenance se pose avec
acuité. Ceci se résume dans la perspective du temps
entropologique de « La Problématique du Mythe
Hima-Tutsi ».
Notre époque s'est confrontée à un
problème dont les conséquences s'ouvrent sur un paradoxe
conduisant vers un chaos sans nom ; paradoxe qui crée les apories
des valeurs et qui s'exprime à travers une multitude des nouveaux
langages: Démocratie et Droit de l'homme, Tribu et Nation,
citoyenneté mondiale et développement(34(*)) durable, liberté
culturelle et dialogue entre civilisations, droit à la vie et
qualité de la vie, parité et principe d'équité,
etc. Cela provient de la prise de conscience de l'exigence
d'émancipation politique des peuples qui est symétrique à
leur émancipation historique, qui se comprend comme une sortie de statu
quo ethnologique soumis au rythme du temps entendu comme
áêïëïõèßá,
où point n'est besoin de rattraper un prétendu retard
inoculé par le miroir d'un progrès illusoire et d'une histoire en
folie fictive.
En d'autres termes, pour citer Théodore Papadopoulos,
« l'émancipation politique a entraîné une
régression nette de l'état de civilisation institué au
prix de longs et pénibles efforts »(35(*)). C'est comme le
« jeu des enfants qui s'amusent dans le sable, la joie d'avoir
construit s'éteint en même temps que la joie de construire... le
sable s'écroule et laisse sans trace la construction bâtie
à grand-peine »(36(*)), disait saint Grégoire de Nysse (+
395).
Dans cette prise de conscience cet « apparent
fatras de mots et concepts ne peut être ni condamné, ni
corroboré. Des valeurs et aspirations humaines authentiques s'y
entremêlent aux fruits amers de l'apostasie occidentale, qui ont
vicié de l'intérieur le processus de
mondialisation »(37(*)). Ce que souhaitent les populations n'a
jamais été connu. Le paradoxe est d'autant plus grand que le
rapprochement des peuples qui aurait dû être constaté, mais
malheureusement fut fait et se fait encore par les colonisateurs. D'un
côté il y a la séparation forcée des peuples par des
limites administratives ; de l'autre côté, le rapprochement
obligé par la force politique. De là naît le vague de
l'identité qui chevauche entre deux chaises : l'une
procédurale et déontique, l'autre substantielle et
conséquencialiste. Une observation objective démontrera que la
tribu et l'ethnie séparent les peuples et s'articulent sur un
fossé qui s'élargit imperceptiblement de jour en jour, en mettant
la Communauté Internationale devant des conséquences
imprévisibles.
L'histoire de la RD Congo ressemble à une histoire de
conflits entre des groupes qui cherchent à se dominer les uns les
autres, pourrait-on penser ; l'homme a peur de la faiblesse et de
l'insécurité. De ce chef il cherche à vivre en groupe,
pour se fortifier et se défendre, progresser et se protéger. Les
conflits éclatent chaque fois que le groupe se replie sur
lui-même, sur ses certitudes, ses préjugés et ses
préconceptions. De là naissent l'indifférence et le
mépris, le soupçon et la haine.
La rencontre des groupes sociaux entre eux donne lieu à
des attitudes opposées : le bond en avant et le repli, l'absorption
et l'éjection, l'amalgame et la rupture. Car tout groupe, porteur de
pouvoir, connaît des expériences antithétiques de
croissance et de désintégration, tout en essayant de se
transcender et de se préserver en même temps. C'est une question
de choix, de risque et d'épreuve. C'est la vraie dimension du temps en
tant qu'épreuve
(èëéøçò)
qui est un des éléments du pouvoir
(äõíÜìéò)
inséparable de la contrainte, à laquelle le groupe est soumis
à dessein ou involontairement.
Ces rencontres constituent le matériel fondamental de
l'histoire entendue comme dans son sens premier, du grec dont la racine
désigne l'action de voir, éóôïñ
est celui qui a vu ou, si l'on veut, un témoin et ce qu'il peut
ajouter à sa propre expérience n'est qu'un autre
témoignage au deuxième degré. En elles, se décide
la destinée politique de l'homme. Quel en est le caractère ?
La base du pouvoir de tout groupe social, c'est l'espace qu'il doit se donner
à lui-même. Etre signifie avoir de l'espace, ou
« plus exactement se procurer de l'espace pour
soi-même »(38(*)).
C'est à ce stade que nous avons rencontré
Raymond Emmanuel Mutuza avec La Problématique du Mythe
Hima-Tutsi. Les concepts de l'identité
et de l'appartenance jouent un
rôle important à cause de l'espace géographique et de la
lutte de Tutsi de pouvoir pour sa possession.
Il s'agit de replacer le mythe Hima-Tutsi dans l'oeuvre de
Mutuza pour en tirer une leçon philosophique quant à
la valeur de la thèse proposée. Le travail évoluera en
deux étapes : l'exposé et explication. Avec l'explication
nous serons dans la normativité. Car c'est une construction
théorique fondée sur un jugement de valeur. Nous
considérons les relations politiques non dans leur réalité
mais en tant qu'idéaux. C'est pourquoi nous avons la possibilité
de prendre en considération aussi bien les formes possibles que les
formes actuelles de ces relations.
L'intérêt philosophique de cette étude
tient à son « actualité ». Les thèses
de Pagès en 1933, de J. Maquet en 1954 et en 1961, de Baumann et
Westermann en 1962, de Papadopoulos en 1963, ou même pendant
l'antiquité de Pline le jeune, d'Aristote, de Cicéron etc. nous
aideront à éclairer notre question contemporaine
d'appartenance.
Toutefois, la thèse de Mutuza ne saurait être
acceptée d'emblée. Il s'agit d'en dégager la portée
anthropologique, d'en éprouver la valeur philosophique après la
compréhension. Si de prime abord une de ses thèses est fausse,
non pertinente, c'est alors que l'on est à même de dire au besoin
qu'elle est dépassée. C'est ici que réside la dimension
critique de notre travail.
Les conflits à l'Est de la RD Congo en sont une
illustration. Sont-ils fondés sur la nécessité et
l'impératif d'avoir un espace à soi ? Les Bantu (Hutu)
ont-ils perdu leur pouvoir et leur indépendance en
accueillant les Tutsi ? Ils peuvent récupérer le
pouvoir d'être plutôt plus vigoureux. Mais n'ont-ils pas perdu
quelque chose d'important: la relation avec le temps, entendu
comme
áêïëïõèßá
qui fait des Bantu un peuple mystique(39(*)). Ce qui nous amène au problème de
l'abandon du pouvoir.
C'est pourquoi la lutte pour l'espace n'est pas simplement la
tentative d'écarter un groupe d'un espace donné. Le vrai but,
c'est d'attirer cet espace dans un champ de force plus grand, et de le priver
d'un centre propre à lui. Si cela se produit, ce n'est pas le pouvoir
d'être individuel qui est changé, mais la façon dont
l'individu se trouve au centre, influence la loi et l'organisation du pouvoir.
C'est la dimension de l'épreuve
(èëéøçò) qui
est la base même de l'entropie.
Dans le cas concret, ce n'est pas seulement l'espace
géographique qui donne pouvoir aux Hima-Tutsi. C'est aussi son
rayonnement dans une partie du territoire de la RD Congo, c'est aussi son
impact sur la Communauté Internationale. C'est ce que décrie
Raymond Emmanuel Mutuza Kabe en disant que
« transplantées, immigrées, réfugiées
ou clandestines, les populations Hima-Tutsi qui ont trouvé asile sur le
sol hospitalier de la République Démocratique du Congo, se sont
comportées et ont vécu en conquérantes. Vivant en groupes
fermés, elles ont, dès l'origine, reconstitué leur
structure politique et intensifier leur identification, au fur et à
mesure qu'elles étaient considérées comme
étrangères, tendant ainsi à former un Etat dans l'Etat en
République Démocratique du Congo »(40(*)). C'est cette pensée
qui nous a inspiré et suggéré l'idée de
l'appartenance.
On peut redire que notre travail comporte un double objectif.
Le premier est celui de présenter la philosophie sociale et politique de
Mutuza. Le second est d'y repérer les éléments propres
à l'acquisition d'un savoir approfondi de l'ethnoglossotoponyme
sous-jacent à l'entropologie du mythe Hima-Tutsi. Ainsi, la
séparation et la réunion computiques du glossonyme et de
l'ethnonyme ouvriront le champ de la reconnaissance du toponyme culturel.
0. 3. Problématique :
séparation et réunion computiques
Identité et Appartenance est une recherche
philosophie qui se veut un genre de savoir (et non comme genre d'action).
C'est chez Mutuza que nous réfléchissons sur les conditions de
possibilité de la génétique de la recherche philosophique
du temps entropologique et du rétablissement du comput de
l'éthique anthropologique. Aussi, Mutuza construit-il sa
théorie du point de vue de la conduite humaine. C'est ainsi qu'il parle
du gouvernement intérieur et extérieur des sociétés
sous examen dans La problématique du Mythe Hima-Tutsi. Mutuza
sait que cette manière de considérer l'objet de la conduite
humaine embrasse aussi bien les valeurs qui inspirent cette conduite que les
institutions qui leur servent de cadre juridique.
L'étude de l'Identité
et de l'appartenance,
considérée ainsi, a tendance à la systématisation.
La systématisation nous conduit à deux disciplines qui
s'embrassent : la sociologie politique, avec son corollaire la science
politique et la philosophie politique.
Quant à nous, nous laissons l'aspect sociologique en
raison de son analyse des institutions et de sa tendance à les comparer
dans leur structure (statique) ou leur évolution (dynamique) afin de
déterminer, sinon les causes qui les ont produites, du moins les
conditions sans lesquelles elles ne peuvent apparaitre. Nous ne disons pas que
la sociologie néglige l'étude des valeurs politiques, mais elle
n'en tient compte qu'en tant que faits psychologiques, donnés dans un
certain milieu concret ; elle prête plutôt attention à
celles qui influencent les consciences collectives qu'aux institutions
isolées de certains individus géniaux, parce que seules les
valeurs du premier type imprègnent des institutions durables et
alimentent les conduites sociales, autrement dit, parce qu'elles sont les
seules qui concernent l'objet principal de la sociologie politique.
Quant au sociologue, il est obligé, dans sa discipline
à demeurer neutre vis-à-vis des faits qu'il met en
lumière, qu'il s'agisse des normes ou des structures. Mais s'il a
quelque chose à dire en faveur ou à l'encontre d'une
idéologie ou d'un régime, c'est en considération de son
efficacité réelle à l'égard de la fin
(ôåëåßïò) que la
société examinée assigne à la valeur ou à
l'institution, ce n'est pas avec la prétention de juger cette fin en
elle-même. En un mot, parce qu'il n'a qu'à expliquer et sa science
est explicative.
Nous avons laissé l'explication au sociologue. Nous
sommes essentiellement dans l'exercice normatif, car c'est une construction
théorique fondée sur un jugement de valeur. Nous
considérons les relations politiques non dans leur
réalité, comme le fait un sociologue, mais en tant
qu'idéaux ; c'est pourquoi nous pouvons prendre en
considération tout aussi bien les formes possibles que les formes
actuelles de ces relations. Partant d'une conception générale de
l'homme, et parfois de la divinité, nous projetons dans le champ de la
politique afin de constituer un modèle idéal qui serve de
critère pour qualifier - voire de but pour modifier - la conduite
réelle des gouvernants et des gouvernés.
Nous avons dû, par conséquent, même lorsque
notre recherche semblait avant tout constituée par des études de
caractère scientifique appuyées sur une vaste érudition
sociologique, il faut se souvenir que notre but fondamental est tout autre et
qu'il consiste à porter un jugement de valeur sur les normes
reçues et sur les institutions en vigueur au nom des valeurs que nous
adoptons ou que le mutuzisme, école de la réévaluation des
concepts, a adoptées.
C'est pourquoi, dans le mutuzisme, nous avions
été obligé de chercher l'axe véritable de cette
philosophie dans ses institutions fondamentales, autrement dit, dans ses
racines métaphysiques.
C'est pourquoi aussi, il faut éviter ici des
perspectives juridiques à cause des connexions qui existent entre le
Droit et la politique. Les théories relatives aux institutions bovines
des sociétés sous examen chez Mutuza ont nécessairement
leur place dans notre étude, mais seulement dans la mesure où on
peut les mettre en relation avec les principes métajuridiques de la
morale des Hutu et de la conservation linguistique dont elles dépendent
(au moins implicitement). De la même manière, les chevauchements
entre la fin théorique (vie harmonieuse) et les moyens pratiques de la
politique (conquête des terres), peuvent engendrer des dangereuses
confusions : parler du nationalisme de Lumumba, de l'unitarisme de J.D.
Mobutu ou de l'autonomisationnisme de L.D. Kabila ou encore du mono-ethnisme
ruandais de P. Kagamé comme s'il s'agissait de philosophies politiques,
alors qu'il s'agit de doctrines consciemment élaborées en vue de
l'action au sein d'un milieu déterminé par le moyen de
l'adaptation ou de la construction des théories,
étrangères par elles-mêmes à toute
efficacité pratique. Le rôle de ces constructions doctrinales est
incontestable et décisif, mais il ne s'agit pas de philosophies au sens
technique du mot et la présente recherche n'y fait allusion que d'une
manière accidentelle.
Mutuza part de la lecture du mythe Hima-Tutsi pour
re-construire les éléments de l'identité et de
l'appartenance d'une population donnée et pour déduire dans le
cas d'espèce le manque de corrélation et de correspondance entre
leurs ethnonyme (Tutsi), toponyme (banyamulenge) et glossonyme (kinyarwanda)
à la base de ce mythe des Banyarwanda.
Pour mener notre recherche, nous nous appuyons sur la
réévaluation des concepts que Mutuza(41(*)) préconise. C'est une
théorie et une méthode assise sur deux chaises. L'une
historiciste et l'autre archéologique. C'est une théorie qui
argue qu'aucun concept ne peut être accepté s'il ne passe pas par
l'acide culturel. Le terme concept identité nécessite
une élucidation. Le mot `concept' vient
du latin, conceptus, il est participe passé du verbe
concipere, « former en son sein, contenir ». Il
est la représentation abstraite et générale d'une chose
ou d'un fait. L'appartenance, elle, est une affiliation personnelle et
individuelle, officielle et tacite dont l'inclusion s'explique par
l'implication dans les propriétés culturelles communes.
Les études anthropologiques sur ce sujet abondent. Si
l'anthropologue de sa part s'aventure au-delà de la simple description
de sa science, il a bien tôt de constater qu'il empiète sur la
théorie sociale et la théorie de l'histoire, pour s'apercevoir en
définitive qu'il est en train de prendre contact avec la philosophie. En
poussant l'analyse de l'appartenance sociale et culturelle, biologique et
spirituelle, l'on tend à la réduire en une problématique
gnoséologique dans laquelle la conscience joue un rôle central.
Actuellement, on se réfère
principalement à deux modèles pour décrire le
fonctionnement des sociétés comme ceux des ordinateurs en le
comparant à celui du cerveau : le modèle computationnel et
le modèle connexionniste(42(*)). Les réseaux neuronaux, qu'il faudrait en
toute rigueur appeler réseaux neuromimétiques puisqu'ils ne font
qu'imiter certaines propriétés des neurones, sont issus du second
modèle. L'approche d'ingénierie pour l'informatique neuronale
utilise des modélisations issues de la recherche génétique
de la biologique afin de concevoir des architectures informatiques pouvant
accomplir des tâches spécifiques, telles que l'apprentissage
(cognition,
évolution) et la reconnaissance des formes. Il
existe une grande diversité de réseaux neuronaux, chacun ayant
ses propriétés particulières comme l'indique ce
schéma(43(*)) :
F2
Chez Mutuza, la subjectivité(44(*)) se voit attribuée une
utilité susceptible de la lancer vers la pensée de
l'antiquité grecque qui contemple le monde sub species
aeternis. C'est le point de vue éloigné des
sociétés actuelles, pour lesquelles la vertu est connaissance, et
par conséquent la connaissance est vertu(45(*)). Mais il est difficile pour
notre époque de saisir pour une quelconque utilité pratique une
telle théorie, qui se base sur un jugement potentiel dont
l'actualisation est déférée à une époque
future. Cette théorie se borne à des poursuites immédiates
en accord avec cette problématique « pour des
prédictions sous l'impulsion d'une ingénierie
sociale ».
Dans cette perspective intervient la philosophie de l'Histoire
parce qu'elle embrasse, en plus de l'esthétique, l'import
général de la manifestation culturelle, son sens
intérieur, sa valeur logique et sociale par rapport au système
ethno-historique auquel elle appartient. Les rapports organiques entre
manifestations culturelles relèvent des civilisations différentes
dans l'espace et dans le temps.
L'« Homme », par exemple, est
une représentation générique qui comprend aussi bien les
individus actuels (présents) que les individus virtuels (passés
ou à venir). A l'instar d'une médaille, l'homme offrira toujours
deux faces : il est à plusieurs niveaux interfacial. C'est pourquoi
de l'homme il s'agit d'entropologie plutôt que d'anthropologie.
Que dire de son appartenance ? Est-ce une idée,
une chose, un fait ou encore un phénomène ? C'est un
problème sérieux auquel nous sommes butés. Il demeure
difficile d'appréhender l'appartenance et
l'identité thème central de notre thèse. Il faut
appartenir. Il faut s'appartenir.
Quelle est la réaction des consciences devant la
situation dans laquelle l'humanité dans son ensemble, et la RD du Congo
en particulier se trouvent impliquées? Aux yeux de l'opinion nationale
c'est l'occident qui s'impose à nous par le Ruanda interposé pour
s'approprier nos terres. L'épreuve de la difficulté d'arriver
à une solution des problèmes ethnoculturels de la RD Congo par le
truchement d'une quelconque inclusion.
Cette entropologie xénologique se traduit en
termes d'incompréhension et de mécompréhension autour du
concept d'appartenance et de possession.
Pour se rendre compte de l'importance de cette étude
sur l'identité et l'appartenance, l'on doit savoir d'emblée
comment les Tutsi se re-trouvent en RD Congo. Sont-ils venus pour
conquérir ou pour être nécessiteux, contrains de s'exiler
pour s'intégrer dans la société d'accueil parce que
d'où ils sont venus il n'y a plus de place, d'autres groupes s'y sont
installés. Quant à la rencontre avec ces groupes, nous
examinerons si l'esclavagisme ne fut pas pratiqué par les populations
Hutu de l'Est afin de comprendre l'insertion des Tutsi. Nous chercherons
à savoir comment une minorité s'est imposée, quels en sont
les astuces.
Le noeud de la problématique
devient clair. On est en présence de deux réalités :
l'identité et l'appartenance. Dans notre tentative pour les concilier,
nous avons abouti à deux conceptions dont l'une, la
nécessité métaphysique de la fin de l'entropologie sauve
l'identité, mais détruit l'appartenance, et l'autre,
l'éternelle instabilité de l'appartenance, sauve l'appartenance
mais détruit l'identité. C'est une recherche du besoin de faire
partie d'un groupe par le biais d'une réunion anthropologique
computative.
0. 4. Hypothèse :
réunion anthropologique computative
L'insécurité est au coeur d'une des grandes
dichotomies humaines : le besoin de faire partie
d'un groupe et le besoin d'être
libre et pleinement soi-même. L'appartenance
implique une forme de soumission, d'abandon au
groupe, à la communauté et à la culture auxquels on
appartient. La recherche de l'épanouissement et de liberté
intérieure exige que l'on réfléchisse sur les
convictions du groupe, que l'on les remette parfois
en question et qu'on prenne le risque d'aller à contre-courant afin de
vivre en conformité avec la nature, ce qu'on appellera la loi. Dans ce
cas concret, il importe de faire fi de la Communauté Internationale pour
que la Constitution de l'Etat ne devienne pas la règle d'une
société d'exploitation, pour suivre sa conscience, accepter
d'être vraiment une nation, sans le principe d'insécurité
devenu plus évident. Une remise en question des notions actuelles (droit
de l'homme, réfugié, démocratie) nous aide à nous
débarrasser de la peur d'être dominé ou
écrasé par l'étranger. Sophocle, dans Antigone,
est précis quant à la question de la liberté de
conscience. La conscience humaine dans sa subjectivité est un fait
objectif que nul ne saurait nier. Car il n'y a pas de connaissance
antéprédicative(46(*)).
La réévaluation des concepts est une tâche
pour sortir de la crise importée par les étrangers en RD Congo.
« Khenda milonga », disent Aphende pour signifier que le
compatissant est l'homme en danger. C'est de cette manière-ci que nous
avons compris l'hypothèse de notre dissertation en l'assimilant au
schéma dialectique qui stipule : la réunion ne
peut être comprise sans la séparation ; toute connaissance
est séparation des contraires; toute mort, leur retour à l'union
dans l'infini. Ces conceptions sont propres à la
philosophie occidentale. Annoncées par Anaximandre, ont nourri celles
d'Héraclite(47(*)).
Notre hypothèse est qu'on ne connaît
la vraie appartenance que quand il y a entropie. L'appartenance
n'est possible que quand il y a correspondance et corrélation entre
identité et appartenance parce que l'absence de l'un est présence
de la séparation. Malheureusement il ne peut y avoir
séparation si les séparées n'étaient originellement
pas unis, bien que nous soutenons que la séparation n'est
pas le principe de la réunion. Cette conception de la séparation
et de la réunion est la base même de la méthode de la
réévaluation des concepts qui s'inspire de la vision de la
logique propositionnelle que l'on peut assimiler à la dégradation
(entropie) computationnelle que Musey qualifie d'éclatement des
concepts.
0. 5. Méthodes :
réévaluation entropologique computationnelle
Il nous a été parfois utile d'exposer les
mêmes idées de diverses manières pour les faire mieux
comprendre de lecteurs différents ; parfois aussi, nous n'avons pas
eu le loisir de refondre en un seul exposé plusieurs explications qui
portaient sur un même problème parce que nous nous méfions
des abondantes considérations méthodologiques par lesquelles
certains auteurs font commencer leurs travaux. Non seulement parce que les
lecteurs s'épargnent le plus souvent la peine de les lire, mais parce
qu'elles reflètent des préoccupations qui, dans le meilleur des
cas, sont, comme disait R. Larousse, le fruit d'une longue
familiarité avec une discipline mais qui ne devraient pas en
précéder l'étude. Pour se livrer avec profit à
ce type de travail, il est bien entendu nécessaire d'observer certaines
règles déterminées à l'avance et nous ne songeons
pas à éluder une telle obligation. Toutefois nous croyons que ces
règles, au moins à l'égard des disciplines philosophiques
(comme la philosophie sociale dans cette partie de philosophie politique), ont
tout avantage à être simples et modestes. Simples, pour être
pratiques ; modestes, pour échapper au ridicule qu'il aurait
à placer au rang de vérité absolue ce qui n'est qu'une
préférence personnelle. Etudier la philosophie d'une certaine
manière, c'est déjà choisir un certain type de
philosophie(48(*)), et
nous avons choisi Mutuza.
C'est pourquoi, nous nous plaçons dans le courant de la
réévaluation des concepts inspirée de la Via Antiqua
de la Haute Scolastique, plus prête à renoncer à une
vision d'ensemble du monde, au cosmos harmonieux - héritage de type
platonicien conservé par les antiquités. Pour cette voie, la
vérité est une et cohérente et l'erreur doit être
multiple et de ce fait, pleine de contradictions.
Cette compréhension inscrite dans
l'historicité participe à la « signification du
monde » qui ne constitue en fait rien moins que le langage, et qui
est constituée par lui. Et considérant que l'homme capable de
comprendre est avant tout un être parlant, Hans-Georg Gadamer (+2002) va
jusqu'à identifier l'être au langage :
« l'être qui peut arriver à être compris est
langage ». Il place l'entreprise d'herméneutique
philosophique dans le cadre d'une réflexion
phénoménologique chère à Edmund Husserl (+ 1938) et
Martin Heidegger ; il y adjoint toutefois une dimension analytique
-- et linguistique -- qui le rapproche de Ludwig Wittgenstein
(+1951).
La lecture critique de l'oeuvre de
Mutuza sera la coupole de notre étude. L'interprétation du La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi nous aidera à mieux
ressortir le concept de l'appartenance et de l'identité à partir
du temps de désordre, celui que nous appelons temps entropologique en
raison de la tension humaine.
Observant la société dans laquelle la
scène de La Problématique du Mythe Hima-Tutsi se
déroule, nous utilisons presque les méthodes de collecte
d'informations que les sciences sociales exploitent, depuis les statistiques
mathématiques jusqu'à la critique des sources écrites ou
orales. Aussi nous appuyons-nous, dans une large mesure, sur les recensements,
les statistiques démographiques, les chiffres du chômage, de
l'immigration, les données relatives à la criminalité,
cruauté et à d'autres phénomènes sociaux, autant
d'informations recueillies régulièrement par les pouvoirs publics
et la Mission de l'organisation de Nations Unis au Congo (Monuc).
Quant aux techniques,
la distinction entre techniques qualitatives et techniques
quantitatives est quelque peu arbitraire, et parfois déroutante, mais
est usuellement utilisée pour classer les différentes
méthodes de recherche. Notons que les résultats d'une
démarche qualitative peuvent faire l'objet d'une exploitation
quantitative, et qu'une recherche quantitative peut, à son tour, faire
intervenir des sources qualitatives. C'est ainsi que nous avons recouru aux
mathématiques, à la physique, à la biologie, à
l'archéologie et à la géographie avec la musicologie pour
travailler avec les nombres.
L'observation-directif de certains aspects de la
société se pratique depuis longtemps dans le domaine de la
recherche sociologique. Les travaux de Harold Garfinkel ou d'Erving Goffman (+
1982) nous ont fourni à la fois des modèles et des
théories de l'enquête d'observation sur le terrain. Dans certains
cas, il nous a fallu d'une observation participante, en nous intégrant
temporairement au sein des groupes étudiés : nous avons
ainsi vécu plusieurs mois au sein d'une communauté tutsie afin de
nous rendre compte de la manière dont les immigrés rwandais
s'efforcent de préserver leur identité sociale au sein d'une
institution. Nous avons pu, en plus du carnet de notes classique, utiliser des
magnétophones ou des caméras vidéo pour saisir les
individus en interaction sociale.
Cette méthode est également utilisée par
les anthropologues ou par les ethnologues. Il s'agit d'entretiens individuels,
mais parfois également d'entretiens de groupe. L'entretien était
directif (avec un protocole de questions préétabli),
semi-directif (réponses ouvertes) ou non directif (en laissant place aux
digressions et à la conversation spontanée). Ces méthodes
qualitatives ont pris des formes plus spécifiques, comme dans le cas des
histoires de vie.
La sociologie, comme
l'histoire, avec leur usage intensif des informations
indirectes nous ont servi de modèle. Il s'agit, en
général, de diverses sortes de documents : des récits
de vie, des rapports cliniques ou judiciaires, des documents personnels, des
sources journalistiques ou d'autres sources publiées. Nous avons pu
réaliser une analyse de contenu de ce genre de corpus. Dans certains
cas, cette analyse pourra avoir une dimension quantitative, et comporter
l'utilisation de logiciels d'analyse des textes. C'est une enquête.
Le terme « enquête(49(*)) » désigne à la fois la
réalisation d'entretiens non directifs et la collecte et l'analyse des
réponses recueillies par questionnaire auprès de larges
échantillons de la population. Pendant les années quarante et
cinquante, les méthodes statistiques servant à classifier et
à interpréter les résultats obtenus lors des
enquêtes ont été un temps considérées comme
la principale technique de recherche sociologique. Pratiqués pour la
première fois dans les années trente aux États-Unis, les
sondages d'opinion, en particulier les sondages préélectoraux et
les études de marché, sont aujourd'hui les outils classiques des
politiciens ainsi que des nombreuses organisations et entreprises
concernées par l'opinion publique.
Nous ne prétendons nullement sous-évaluer les
efforts d'élucidation du concept philosophique d'appartenance chez
Mutuza, même si à notre avis ce n'est qu'une hypothèse. On
ne peut ouvrir un débat sérieux et honnête à ce
sujet sans poser au préalable le problème de la
métaphysique(50(*))
comme un rapport entre cette aporie de systématisation et le plan
« théorie-logique » de la problématique du
discours « philosophique » comme lieu général
où la philosophie de l'appartenance trouve son alvéole, se
personnalise, coexiste avec d'autres concepts comme la monadologie, le
néant, l'unité etc. La réévaluation de concept qui
est la méthode même de Mutuza nous permettra de mettre son auteur
sur l'acide de la méthode dont il est lui-même le champion.
Nous partirons de l'analyse de
l'oeuvre de l'auteur pour scruter la compréhension des concepts de
l'identité et de l'appartenance. Si Musey de son
côté fait un éclatement des concepts en se posant sur les
bases archéologiques, c'est pour montrer et démontrer les limites
de l'appréhension de Mutuza et de son acception, quant au contenu
à conférer au concept d'appartenance parce que placé du
côté historique.
« Quand on se penche sur un penseur, on peut
s'appuyer sur deux méthodes : ou faire une étude critique en
donnant plus de crédit aux nombreux écrits consacrés
à sa doctrine ou insister sur l'urgence d'une lecture directe quitte
à intégrer au fur et à mesure les contributions
extérieures »(51(*)). Pour ne pas nous enclore dans des
interprétations stéréotypées, nous adoptons la
seconde démarche. Nous lirons et suivrons Mutuza mot à mot,
phrase par phrase, à travers une lecture attentive de son parcours et de
ses textes dans/et ou par lesquels il exprime sans intermédiaire les
concepts d'identité et d'appartenance(52(*)).
En philosophie,
l'herméneutique des phénomènes
humains requiert une interprétation qui s'oppose à l'analyse
objective des phénomènes de la nature, c'est une notion cardinale
de la philosophie contemporaine notamment de la philosophie existentielle
(Heidegger dans Etre et temps, Jaspers, Sartre, Ricoeur pour qui
l'existence est un signe dont le philosophe doit chercher le sens(53(*)).
0. 6. Limites, difficultés
et plan
Cette thèse se limite dans l'espace. Il nous sera
difficile de la délimiter temporellement avec précision parce
qu'aux éléments d'une culture le dépassement
théorique de l'objet immédiat prépare et marche de paire
avec le dépassement pratique de notre époque et c'est là
le caractère a-temporel d'une hypothèse philosophique. Nous
serons donc en mesure d'atteindre le sens axiologique et la justification de la
fonction sociale active si nous prenons la réelle dimension du temps
anthropologique comme
áêïëïõèßá
(des êtres relatifs ou consequentia =
áêïëïýèùò
succession ordonnée des êtres relatifs différents des
êtres considérés comme des fins en soi,
principalia =
Þãïõìíùò),
et la vie sociale de peuple étudié comme
èëéøçò, une
épreuve. Ceci permet de décrypter les éléments du
temps entropologique de la pensée de Mutuza. Mais chez Mutuza nous avons
évité tout commentaire du fait que c'est le premier travail qui
soit entrepris sur son oeuvre.
C'est ainsi que nous avons subdivisé le travail en deux
parties reparties en huit chapitres. Pour la première partie
intitulée vision philosophique de Mutuza, il y a quatre
chapitres dont le premier traite les questions du langage et de sa critique, le
deuxième expose l'identité et l'itinéraire de Mutuza en
suivant des étapes d'une biographie raisonnée et en accompagnant
chaque jalon de sa vie d'un commentaire. Le troisième chapitre fixe les
esprits sur l'humanisme mutuziste pour déboucher sur la recherche
philosophique du temps entropologique qui en oriente le quatrième
chapitre sur l'étude de la conjuration et de l'entropologie
tutsies.Commence alors la deuxième partie :
rétablissement du comput éthique du temps
anthropologique. Le cinquième chapitre traite des techniques et
structures socioéconomiques et le mythe de Kanyarwanda. Le
sixième chapitre expose l'identité et l'appartenance selon les
poèmes dynastiques. Le septième chapitre saisit le mythe de
l'appartenance et sa prise de conscience. Le huitième et dernier
chapitre fait une critique de l'identité et de l'appartenance chez
Mutuza dans l'approche computationnelle lié à
l'analyse mathématico-philosophique (mathéphile).
Les scolies et corollaires de certains passages que l'on
trouve rapportés dans la conclusion générale sont dans un
style moins contraignant et souvent polémique, nous les avions
ajoutés en conformité avec notre méthode alors que,
même sans eux, nous trouvions naturels à la
compréhension.
C'est pourquoi, il ne faudrait pas opposer, dans la lecture de
cette thèse, un fait à un raisonnement, mais il s'agit de savoir
si ce fait est pensable, exprimable rationnellement pour qu'on n'oppose pas, en
somme, une expérience vécue au langage conceptuel dans lequel on
la traduit. Et cette thèse sera intéressante (du latin inter
- esse, être entre, être parmi, être présent,
participer) si vous ne la considérez pas comme le produit surgelé
d'un chercheur soi-disant « objectif ». Ce qui est
demandé et qui est fixé dès le départ c'est une
honnête impartialité. Et je vous prie donc de ne pas confondre la
chaste impartialité avec la neutralité objective
Première partie : Vision philosophique de
Mutuza
« Ici, l'homme africain ne pense pas, et
s'il pense, il pense de façon concrète et non de façon
abstraite ; mais il commet des oeuvres artistiques extrêmement
symboliques et abstraites. Personne ne relève cette
contradiction. »
(Okolo Okonda, Tradition et Modernité en
Afrique, le point de la question)
Chapitre premier : LA QUESTION
DU LANGAGE
Introduction
Pourquoi commencer cette recherche par le chapitre qui traite
le problème du langage et de sa critique chez Mutuza, alors que les
concepts de l'identité et de l'appartenance impriment à cette
étude une décisive orientation ? La relation du langage et
de la situation humaine est si intime que les maitres traits du langage en sont
vivement éclairés : ayant perçu d'abord l'action
langagier dans l'oeuvre de Mutuza, on pourra pénétrer dans le
mystère de sa vraie philosophie de l'identité et de
l'appartenance. Et on comprend pourquoi le mot grec
ëüãïò (logos), sans doute issu de
la racine ëåã-, qui signifie originairement
« mettre ensemble, rassembler, ranger », est revêtu,
depuis Pindare et les premiers historiens, d'une sémantique
intellectualiste : la parole est l'expression d'une pensée
maitresse de son objet ; bien parler veut dire, dans ce sens, rendre par
la parole une exacte représentation de ce qui est dans la
réalité.
En premier lieu, il est intéressant, du point de vue de
l'histoire de la philosophie africaine, de noter à quel point Mutuza se
situe à contre-courant, en ce qui concerne le langage, de l'orientation
massive prise au XXème siècle et que l'on a coutume
d'appeler de nos jours le « tournant linguistique » ; biface à
l'origine, insufflé d'un côté par Nietzsche et Heidegger,
de l'autre par Frege et Wittgenstein (tous penseurs d'outre-Rhin), ce tournant
a conservé deux aspects pendant la majeure partie du siècle :
l'un proprement continental (entendons européen) et
post-heideggérien, l'autre anglo-saxon, qui s'intitula philosophie
analytique puis (bien que l'on ne puisse en toute rigueur assimiler les deux
écoles) philosophie du langage ordinaire. Les dernières
décennies consacrent un rapprochement de ces tendances, confirmant
d'autant plus l'importance et la réalité - qui ne peut plus
être mise en doute - dudit « tournant linguistique de la
philosophie ».
Au-delà de l'aspect
un peu inhabituel de cette conception, il faudra bien voir les motivations
profondes de Mutuza, et chasser tout contresens. Il n'est pas dans son
idée de soutenir que le langage est négligeable, qu'il ne sert de
rien de s'attarder à son sujet - au contraire, Mutuza propose même
une théorie des fonctions du langage, et insiste à maintes
reprises sur son rôle fondamental. L'intention exacte de l'auteur Des
Nations sans Etat est de mettre la philosophie face à ses vrais
problèmes, qui ne sont pas de définir des termes ou de
déterminer quelles phrases ont un sens. Il pense que ces
préoccupations sont stériles et porteuses d'un danger
dogmatique.
En second lieu, cette conception du langage mérite
d'être inspectée d'un point de vue plus interne, mais pas moins
important, car elle sous-tend constamment les différentes options de la
philosophie de Mutuza. Notre thèse est presque triviale ; toutefois il
est utile de la tester « sur la longueur », et d'en tirer toutes les
conséquences. On peut notamment avancer (ce sera l'objet de notre second
chapitre) qu'elle n'est pas sans lien avec l'itinéraire de Mutuza qui
caractérise l'épistémologie mutuziste. Elle permet
également d'expliquer, ou à tout le moins de justifier, le refus
de toute approche pragmatique dont la première conséquence est
l'absence de réelles thèses concernant la communication (ce choix
étant, au demeurant, perçu et pleinement assumé par
Mutuza). Notre but sera, dans le troisième chapitre, de montrer que ceci
ne fait pas à proprement parler défaut, mais qu'il n'est pas
contradictoire - car la place semble se trouver - d'inclure dans la
pensée de Mutuza des thèses de ce type à cause de sa
conception de l'humanisme.
Section 1. Critique de l'essentialisme
§1. Les questions des mots
« Mes mots prennent leur vol, mais ma pensée
se traîne. Et des mots sans pensée n'atteignent pas le ciel
», Shakespeare, Hamlet, Acte III, scène III. A en
croire ce qu'il écrit à ce propos dans Des Nations sans
Etat, Mutuza fut dès ses premières
réflexions philosophiques confronté à ce qu'il appela par
la suite « essentialisme », attitude consistant à se
concentrer exclusivement - de manière plus ou moins explicite - sur des
problèmes de terminologie et de définition, et contre laquelle il
conçut immédiatement une méfiance presque
épidermique. Il ne s'aperçut que nettement plus tard que la
conviction essentialiste, loin d'être l'exception, était comme il
l'écrit lui-même « quasi-universelle »(54(*)). Dès lors, il ne cessa
de remettre sur son métier de philosophe son combat contre elle.
Arrêtons-nous d'abord à la nature même des
textes qui nous serviront des sources :
« problématique de l'application des concepts de
Progrès, d'Etat et de Sous-développement en Afrique
noire ». Et l'on s'aperçoit immédiatement que
Mutuza affirme qu'« Etat, Progrès,
Sous-développement : ces concepts définissent,
peut-être mieux que tout autre, les rapports entre l'Occident et
l'Afrique. Leur contenu constitue le critère auquel l'Occident s'est
souvent implicitement ou explicitement référé pour juger
de la valeur morale, spirituelle et matérielle des civilisations
africaines »(55(*)).
C'est dans la perspective de cette philosophie que Mutuza
cherche à se définir ; car les concepts utilisés par
l'Occident se présentent en archontes de l'identité de termes
appliqués aux réalités environnementales. Il annone :
« On a plaqué sur le passé africain, afin de le
réduire à des schémas connus, tout un vocabulaire
emprunté à l'histoire européenne : Etat, Empire,
Royaumes etc... Leur adaptation réelle aux situations africaines qu'ils
sont censés expliquer n'a jamais été sérieusement
examinée. Ils portent d'ailleurs en eux-mêmes un poids de prestige
ou de jugement qui leur confère un caractère quasi
sacré ; et pourtant ils n'expliquent réellement rien de
cheminements propres à l'Afrique »(56(*)).
On comprend que pour Mutuza ce n'est pas tant de la
différence des termes que résulte le danger, mais de leur
applicabilité que l'on trouve les difficultés. C'est le
problème du principe de correspondance et de corrélation entre
glossonyme et ethnonyme, entre pensée et réalité, entre
culture et production, entre politique et civilisation etc.
La première conséquence de cette manière
de considérer le langage nous permet de comprendre que Mutuza s'insurge
contre la tendance selon laquelle lorsque des personnalités composent
et publient des écrits, elles veulent produire une oeuvre originale,
dont l'identité ne peut être doutée, et capable de
communiquer un message personnel. Elles n'ont en vue ni le caractère
collectif, ni la continuité du groupe humain dans lequel et pour lequel
elles écrivent; même dans la littérature
« communautaire », l'esprit individuel de l'apport domine
l'aspect social. Quant à Mutuza, conscient non seulement d'appartenir
à une communauté en marche, mais aussi de n'avoir de
vérité et de densité valables que par elle (la
communauté), il s'attache à obéir à des prescrits
traditionnels, à des vérités collectives : il
s'insère dans un vaste mouvement, qu'il respecte et auquel il
adhère de tout son être.
§2. Genèse des mots
Tout ce que Mutuza apporte d'original, il le soumet à
priori à la censure de la tradition, même si son expérience
l'incline à parler de l'autorité même de cette tradition.
De toute manière, par ses références, par ses citations,
par ses allusions au passé, il se réclame d'une communauté
de pensée et de vie avec sa collectivité. En d'autres termes,
l'intention et l'apport de Mutuza sont, de soi, communautaires et
traditionnels. C'est pourquoi la communauté et la tradition restent juge
de l'identité et de l'appartenance des catégories
conceptuelles.
Il se demande comment, « méconnaissant
l'enseignement humaniste d'un Montaigne dénonçant l'attitude
ethnocentrique selon laquelle chacun appelle barbarie ce qui n'est pas son
usage », les juristes occidentaux ont bien souvent, sans se
soucier qu'une manière de penser s'imposait quand l'objet est
autre, projeté leurs conceptions juridiques dans un milieu où
elles étaient irrecevables. L'auteur qualifie cette manière de
voir d'incapacité et(57(*)) d'illusion ethnocentrique(58(*)). Puis, se demandant pourquoi
l'étude des systèmes de droit foncier - son acharnement sur la
problématique de la nationalité dans La problématique
du Mythe Hima-Tutsi(59(*)) lui a valu le surnom de « a
précédé l'histoire » - en Afrique noire n'a
pas attiré l'attention qu'elle méritait de la part des
juristes(60(*)). Mutuza
l'explique en ces termes : « Deux raisons essentielles ont
fait obstacle à une compréhension exacte, à l'examen
approfondi du problème : il faut imputer sans nul doute
principalement ce défaut à la prétention du juriste et du
législateur colonial de façonner le droit à sa
guise : « n'avoir autre patron et règle de perfection que
ses propres moeurs et usances », telle semble bien avoir
été l'attitude aveugle... de nombreux jurisconsultes occidentaux
quand ils ont abordé l'étude des droits négro-africains et
surtout de la propriété du sol »(61(*)).
A ce premier obstacle, Mutuza dit « que la
réalité juridique négro-africaine ne peut être
saisie en recourant aux catégories rigides et abstraites de notre
langage et de notre logique et plus précisément aux concepts
romains et napoléoniens, s'en ajoute un autre, non moins important,
résultant d'une conception linéaire de l'évolution sociale
qui a influencé de nombreux savants en sciences humaines depuis Maine,
Morgan, Engels »(62(*)).
C'est ainsi que les structures sociales, économiques et
politiques des sociétés africaines sont souvent critiquées
par les Occidentaux qui y portent des jugements hâtifs, appuyés
sur le système des valeurs dont ils sont imprégnés et qui
ne correspond pas toujours à celui des cultures dont ils parlent.
Cette critique, s'exprimant à travers un vocabulaire
inadéquat et inspirée par ce que R. Verdier appelle, à
juste titre, un « évolutionnisme pseudo-historique, rigide
et simpliste »(63(*)), repose donc sur les prémisses fausses et
discutables. Elle est partielle aussi, en ce sens qu'un des aspects du
problème est le plus souvent privilégié aux dépens
des autres : l'économique, le social ou le politique, alors qu'il
existe d'étroites relations entre les unes et les autres.
Section 2. Critique
§1. Conflits langagiers
Nous avons signalé que loin de négliger la
question du langage, Mutuza lui consacre une place fondamentale dans son
argumentation. Il considère, en effet, qu'il constitue l'origine de
l'apparition des conflits et que les termes qui constituent son arsenal
idéologique viennent des définitions. Au fait, ce que Mutuza
refuse c'est l'analyse de caractère d'un concept, dans sa version de la
logique traditionnelle par laquelle connaître une chose c'est partir du
genre prochain et de la différence spécifique. Pour lui la
définition n'est pas l'analyse d'un objet déjà
donné, mais elle crée cet objet, c'est le sens qu'il donne au
droit de nommer les choses(64(*)). Cette conception est très computationnelle.
Elle nous donne le calendrier de différents moments (comput) de la
dégradation du système social (entropologique) sous la
domination.
L'éthique entropologique quant à elle, est
liée à la dégradation qui permet un retour à
l'homogène, processus de la destruction, de retour à l'informel.
Et tous les combats de l'Occident est de s'élever à l'espoir, si
les Africains refusaient de condescendre à l'espoir et professent un
surhomme, découvrant ainsi une totale liberté.
C'est ainsi qu'il (l'Occident) s'est mis à gloser des
mots tels que le progrès, l'Etat, la politique...
Enfin, cette critique a en vue, implicitement ou
explicitement, une modification de structures qui permettrait un
progrès, souhaitable selon les normes extérieures aux
sociétés en cause ; mais pas toujours désiré
par les populations vivant depuis des décennies ou des siècles
dans un état d'équilibre social, médiocre parfois - la
médiocrité étant une notion relative - mais dont l'immense
mérite est, précisément, à leurs yeux, d'avoir
duré, assuré la sécurité et fait ses preuves.
Pour toutes ces raisons, notre étude sur les concepts
d'identité et d'appartenance chez Mutuza se devait d'être
précédée par un bref examen des concepts fondamentaux qui
serviront de principe en vertu duquel nous organiserons les diverses
données qui constitueront ce travail. En choisissant les concepts
d'Etat, de Progrès et de Sous-développement, de
démocratie, de civilisation, de culture, d'aliénation... comme
concepts opératoires, nous n'opérons pas un choix arbitraire.
Ces notions, en effet, expriment les éléments constitutifs de
toute société humaine. La société étant, si
nous nous limitons ici à la définition qu'en donne la
scolastique, « unio plurium ad bonum commune procerandum »,
le concept d'Etat traduit l'objet formel, tandis que les concepts de
Progrès et de Développement expriment la finalité de
l'union au double plan moral et matériel.
Notre propos ici est moins de présenter une analyse
exhaustive de ces concepts que de décrire le cadre de
référence dans lequel notre étude s'inscrit et de
souligner l'importance d'abstraire ces concepts du milieu et des circonstances
qui les rendent prisonniers d'une civilisation. Car, comme nous dit R. Verdier,
« on ne saurait encore une fois trop se méfier de nos
déductions logiques et de nos catégories qui risquent de devenir
un obstacle à la connaissance des valeurs propres qui confèrent
aux civilisations noires leur profonde
originalité. »(65(*))
« Mais le problème de la
réévaluation des concepts n'est pas propre à l'Afrique,
dit-il »(66(*)). G. Berger parlant de vieillissement des concepts
constate désenchanté que « les choses vont aujourd'hui
si vite que les machines sont démodées avant d'être
usées. Il arrive qu'elles le soient avant d'être mises en
service ; c'est qu'il faut parfois plus de temps pour les construire que
pour en inventer d'autres meilleures. Nos lois, nos règlements, nos
institutions tombent sous la même menace(67(*)).
« Et les concepts, ces indispensables
instruments de la communication entre les hommes, les véhicules
intellectuels de nos inventions, de nos lois, de nos institutions, de nos
jugements n'obéissent-ils pas à ce vieillissement rapide et
irréversible ? »(68(*)) Un esprit subtil parlant de changement de sens des
mots disait que si les mots changent de sens, et les sens de mots, un
héritage de mots n'est pas l'infaillible indice ni l'exacte mesure d'un
héritage d'idées.
§2. Critique d'usage des mots
Mutuza nous rappelle que malgré l'information que nous
avons de ces problèmes « nous n'y prenons pas toujours
garde et nous continuons à nous servir de ces mots alors qu'ils ne
correspondent plus aux réalités nouvelles. Nous parlons
aujourd'hui de progrès et de sous-développement comme de deux
situations parfaitement tranchées et exactement contradictoires ;
alors qu'il nous faut bien reconnaître entre ces cas limites, une
série de situations intermédiaires. Nous parlons d'Etat et nous
appliquons indistinctement et univoquement ce terme, né dans un contexte
culturel défini, à des sociétés et à des
civilisations différentes, alors que nous reconnaissons le rôle
déterminant que jouent dans la formation des idées, les cadres
socio-culturels(69(*)).
Quel sens, quelle signification peuvent avoir les termes Etat,
Progrès et Sous-développement appliqués en Afrique ?
Il ne s'agit pas, remarquons-le, de l'application de notions formelles ou
nominales, mais des notions ontologiques(70(*)).
Mutuza utilisa le terme d'« Etat » lors de la
rédaction de Le bwame superstructure de la société
lega frein ou moteur au développement vers 1971, pour
désigner la position qu'il identifiât, en étudiant la
fameuse querelle dite des universaux, comme s'opposant au nominalisme.
On pourrait faire ironiquement remarquer que c'est, pour
quelqu'un qui dit n'accorder aucune importance aux mots, un souci superflu ; en
effet, on oppose habituellement audit nominalisme le réalisme, notamment
platonicien. Pourquoi donc créer un mot ? C'est que, ainsi que le note
Mutuza, cette appellation de "réalisme" met en jeu un terme «
quelque peu trompeur, comme on le voit par le fait que cette théorie
"réaliste" est appelée aussi quelquefois
"idéaliste"»(71(*)) c'est, de fait, le cas en ce qui concerne la
philosophie de Platon. Or, de son côté, Mutuza tient à
revendiquer un réalisme qui mérite tout à fait son nom
mais a pour caractéristique d'être anti-essentialiste. On voit
donc bien qu'il y a un réel intérêt à éviter
la confusion en distinguant clairement les deux positions. Qui plus est, le
nominalisme, comme on aura l'occasion de le voir tout au long de cette
dissertation, partage avec l'essentialisme certains présupposés -
n'entrant pas en compte dans la querelle des universaux. Aussi est-on vraiment
fondé à introduire un troisième terme.
Quoiqu'il en soit, la réaction immédiate de
Mutuza fut de considérer que l'immense majorité des philosophes
se fourvoyait en dirigeant ses efforts sur le sens des mots, réduisant
ainsi parfois son activité à la recherche de définitions
exactes censées être les seules à donner accès
à la connaissance. Il s'éleva tout d'abord violemment contre
l'attitude, qualifiée d'obscurantiste, consistant à tenter de
tirer quelque chose d'important des significations de certains mots, tant il
lui semblait naturel que de telles préoccupations fussent
stériles. Il se forgea alors un principe : « Ne jamais
débattre des mots et de leur sens parce que de telles discussions sont
spécieuses et ne signifient rien ».
Il raconte même quelle aversion pour la philosophie lui
donna la lecture de Franz Crahay, où il ne trouva que «
définitions qui (lui) parurent arbitraires et sans intérêt,
érigeant en axiome ce dont il était question, si tant est qu'il y
ait eu quelque chose en question ». Le moins que l'on puisse dire est que
le jeune Mutuza ne fut pas séduit par la "grande philosophie
analytique(72(*))". Il
écrit : « de ces trois reproches, Crahay s'attache
surtout au premier et définit la philosophie comme `une réflexion
explicite, analytique, radicalement critique et autocritique,
systématique, au moins en principe et néanmoins ouverte, portant
sur l'expérience, ses conditions humaines, les significations et les
valeurs qu'elle révèle »(73(*))
Il faut toutefois nuancer ces propos qui,
présentés ainsi, sont susceptibles d'induire en erreur. Mutuza ne
conserva fort heureusement pas son aversion pour la philosophie (ni pour Crahay
!) et la lecture de Marx y fut sans doute pour quelque chose. Il ne faudrait
pas en outre exacerber cette première impression qu'il eut et faire de
sa réaction un peu violente contre le verbiage en général,
ou ce qui peut sembler tel, son unique opinion à l'égard de la
philosophie. Bien qu'il continue - à raison - de reprocher aux
philosophes de s'empêtrer ponctuellement dans des pseudo-problèmes
linguistiques. La Problématique du Mythe Hima-Tutsi, il sied de
rappeler que Mutuza fut l'un des rares défenseurs de la "philosophie
analytique" (i.e. des questions des mots au sujet desquels la colonisation ne
peut trancher) face aux néocolonialisme et aux philosophes
immatriculés qui «jouent ainsi, en Afrique noire, le rôle
de censeur, de gendarme et d'inquisiteur au compte de la `philosophie
universelle'...et aussi je considère comme immatriculé tout non
africain qui prouve par ses écrits qu'il se croit nanti de la mission de
propager `la civilisation universelle »(74(*)), Houtondji et Towa- contre
lesquels il soutint toute sa vie durant qu'il existait de véritables
problèmes philosophiques, qu'il était possible d'en discuter de
manière critique, mais qu'il ne s'agissait absolument pas de questions
verbales ou de définitions.
Pourtant, comme on le peut constater, il avait toutes les
raisons de comprendre la condamnation wittgensteinienne qui fait de toute la
philosophie un tissu de non-sens brodé au moyen d'erreurs grammaticales
et de confusions terminologiques. Mais, s'il est bien certaines questions qui
s'avèrent vides d'intérêt en philosophie, et si le verbiage
post-hégélien l'énerve autant qu'il peut énerver
l'auteur du Tractatus, Mutuza affirme qu'on ne peut réduire la
philosophie à ces constatations pessimistes qui la voudraient
superflue.
Wittgenstein, on le sait, dit en effet en 6.53 : « La
juste méthode de philosophie serait en somme la suivante : ne rien dire
sinon ce qui se peut dire, donc les propositions des sciences de la nature -
c'est-à-dire quelque chose qui n'a rien à voir avec la
philosophie - puis à chaque fois que quelqu'un tenterait de dire quelque
chose de métaphysique, lui démontrer qu'il n'a pas donné
de signification à certains signes dans ses propositions ».
Mutuza admet lui-même dans Ethique et Développement qu'il
ne se sent pas complètement étranger à l'état
d'esprit de cette réaction, ainsi que nous le suggérions. Il
écrit d'ailleurs, après avoir évoqué Crahay :
« la crainte de Crahay traduit, un peu plus clairement, sa foi en sa
mission sacrée de prêcher la civilisation de l'universel en
stigmatisant, sous prétexte de la rigueur scientifique, toute tentative
d'affirmation de soi des autres civilisations. Nous croyons pour notre part que
si la civilisation de l'universel doit s'édifier un jour, elle ne le
fera jamais sur les cendres des autres civilisations, mais grâce à
leurs apports. Ce qui suppose leur existence propre et s'oppose à leur
assimilation à la civilisation de l'universel de
Crahay. »(75(*)).
Toutefois, Mutuza continue malgré tout de
soutenir qu'il existe des problèmes philosophiques réels et que
même si Houtondji s'est immatricularisé, il a eu «maigre
fécondité, il faut avoir le courage de le dire ! Si tel est
le seul mérité que Houtondji se reconnait, il faut avouer alors
que l'ethnophilosophie est encore plus féconde, car si la critique est
aisée, l'art est difficile et l'on ne jette de pierres qu'à un
arbre qui porte des fruits. Et les fruits de l'Ethnophilosophie doivent avoir
été assez savoureuxpour que Houtondji ait jugé
nécessaire de lui jeter tant de pierres»(76(*)).
Ceci explique pourquoi, à plusieurs reprises au cours
de son oeuvre, il note le besoin urgent de « défendre la
philosophie » contre ceux qui, dans la mouvance de la colonisation,
voudraient lui dénier la possibilité de traiter d'autre chose que
de problèmes terminologiques préalables. En cela il s'oppose
radicalement à la philosophie coloniale, qui s'efforce avec acharnement
de développer les conceptions de l'anthropologique colonialiste. On a du
mal pour cette raison à comprendre comment Mutuza a pu être
assimilé aux anthropologues, alors même qu'il était
désigné par ses membres comme le représentant de «
l'opposition officielle », selon les termes de Mgr Mzee
Munzihirwa(77(*)).
Il est, de fait, peu difficile de mesurer ce qui les
sépare, si l'on garde à l'esprit le refus mutuziste de traiter
des problèmes de mots et d'assimiler aux questions de significations
celles de vérité, revendiquant de la sorte l'existence de vrais
problèmes philosophiques africains tandis que pour les philosophes
immatriculés il n'existe rien de tel, la philosophie africaine ne
consistant qu'à brasser des mots des langues occidentales
dénués de sens pour gloser sur des
pseudo-problèmes.
Il est à espérer que se dissipe la confusion
consistant à faire de Mutuza un anthropologue au même titre, par
exemple, que Baumann et Westermann. Il suffit pour ce faire simplement de lire
un peu Mutuza (ou P. Pagès, qui n'aurait sans doute pas compris qu'on
fît de Mutuza son compagnon de bataille), et l'on ne trouvera plus ce
genre de malheureuse phrase : «Le rôle de l'anthropologie
politique est justement de montrer comment le pouvoir s'est organisé,
s'est exercé à tel moment et en tel endroit ;
d'étudier, en somme, la solution donnée par tel ou tel peuple au
problème du pouvoir et non de juger la valeur des
institutions d'un peuple à partir de critères propre aux
institutions d'un autre. Jusqu'à ces dernières années les
ouvrages classiques occidentaux, inspirés par l'hypothèse que
nous venons d'évoquer, nous donnaient de l'Afrique pré-coloniale,
l'image du chaos ou de stagnation. Dans l'esprit de leurs auteurs il
était inconcevable que des groupes humains aussi primitifs aient pu
avoir un passé politique digne
d'intérêt »(78(*)).
Les anthropologues qui constituent au début des
années 20 autour de la colonisation, avant de compter parmi les auteurs
illustres parfaitement colonialistes à tendance positiviste, sont assez
révélateurs de l'état d'ignorance qui règne en RD
Congo à l'égard de la pensée de Mutuza. C'est tout de
même bien Mutuza qui écrit: « si je n'avais pas de
problèmes philosophiques sérieux ni l'espoir de les
résoudre, je n'aurais aucune excuse d'être philosophe
»(79(*)),
déclaration pour le moins étrangère à l'esprit des
philosophes immatriculés. Cela étant dit, l'on ne peut pas non
plus trop radicalement opposer Mutuza et ses amis de la querelle de la
philosophie Bantoue, pour cette raison que ce sont, de fait, pour l'essentiel
ses amis, et que, malgré leurs divergences (non négligeables) ils
sont "du même côté", autrement dit du côté de
la résistance. Ils veulent tous faire reconnaitre l'identité de
cette philosophie quoique des manières différentes.
Mutuza peut leur reprocher de parfois mal la défendre,
mais ses critiques visent la plupart du temps des penseurs comme Elungu ou
Houtondji qui pensent qu'il n'y de philosophie qu'occidentale et le
schéma d'une philosophie vraiment africaine doit emprunter celui de
l'Occident; l'on peut suspecter Mutuza d'avoir un peu rapidement
assimilé la philosophie bantoue des Immatriculés à ces
deux seuls philosophes. Elungu n'aurait, au fond, certainement pas nié
l'existence de problèmes réels de la philosophie bantoue, ni son
intérêt pour leur résolution. Et le fait que Mutuza soit
déclaré « opposition officielle » indique bien qu'il
s'agit d'un critique "de l'intérieur".
Toujours est-il que ce qui constitue aux yeux de Mutuza
l'erreur générale des philosophes, autrement dit le
préjugé essentialiste, n'est assurément pas le seul fait
des analystes du langage du XXème siècle. Qui
plus est, on a du mal à ne pas voir dans l'attitude passionnément
anti-occidentaliste de ces philosophes une tentative oedipienne
désespérée qui au bout du compte reste prisonnière
de ce qu'elle entendait détruire, tant il est vrai, et Wittgenstein
l'avait tout de suite vu, qu'elle n'est elle-même qu'une théorie
métaphysique et par là - selon ses propres critères
à la fin du Tractatus- vide de sens.
Ce n'est pas tout cependant; car elle ne fait au fond
qu'hériter du legs essentialiste de la tradition philosophique et
perpétuer ainsi son erreur. On sait en effet qu'Aristote était
perçu par les philosophes immatriculés à vocation
analytique comme le précurseur de l'analyse des significations ; mais il
devait lui-même le souci essentialiste de la définition à
son maître Platon, à qui Mutuza, à la suite de Popper,
attribue la "paternité" de l'essentialisme. A partir de lui, toute la
philosophie s'est organisée autour de ce thème. Et lui propose la
réévaluation des concepts à la place de
l'essentialisme.
Section 3.
Réévaluation des concepts et saisie de l'identité et de
l'appartenance
§1Catégorie conceptuelle
Qu'entend-il, nous le demande, par réévaluation
des concepts ? Quelle conception de la culture et de l'histoire a-t-il
d'une pensée très étroitement liée à la
colonisation ? Nous voudrions bien qu'il eût expliqué cette
réévaluation par son hypothèse de l'identité. Nous
voudrions, de plus savoir combien de degrés de mouvement le moi
colonisé peut imprimer à ces concepts et avec quelle force les
tenir inculturés ?
C'est autour de l'idée de l'Etat que l'Occident a
ordonné sa connaissance du passé, dit Mutuza. C'est
également à partir de cette idée qu'il a jugé la
valeur des organisations socio-politiques des autres sociétés
humaines. « Il (l'Occident) a ainsi eu souvent tendance à
croire que les peuples munis d'un système complexe sont
réellement supérieurs à ceux auprès de qui il
affirme n'avoir rencontré que des organisations sociales simples,
élémentaires, rudimentaires ou primitives, que certains de ses
représentants trouvent abusif de considérer comme organisations
politiques étatiques »(80(*)).
Cette conception résulte de l'hypothèse selon
laquelle la valeur morale des civilisations se mesure à leur
degré d'organisation politique et de hiérarchisation (81(*)). Si les Africains
contemporains ont mis l'accent sur les Etats et les Empires africains, c'est
justement par réaction contre cette hypothèse quelque peu
simpliste.
Naguère les Européens tenaient le raisonnement
suivant : il n'y a jamais eu d'Etat, ni d'Empire en Afrique, donc les
Africains n'ont pas d'histoire digne de ce nom, ni d'identité
historique, par conséquent - et c'est là qu'ils voulaient en
venir - ils ne peuvent prétendre être vraiment les égaux
des Blancs.
Mais c'était malheureusement oublier que l'histoire ne
juge un peuple que par rapport à ses conditions de vie. Si tous les
peuples du monde avaient dû faire face aux mêmes problèmes,
il est fort probable qu'ils se seraient développés tous de la
même manière. Même s'ils le voulaient ils ne parviendraient
pas sans renoncer à leur identité.
Certes de nos jours, cette idée n'est partagée
par aucun anthropologue sérieux. Les dix dernières années
ont vu un bouleversement total des idées classiques sur les
sociétés africaines. Cependant un malaise persiste. Et ce malaise
résulte de la non identification du domaine politique. D'où la
répugnance de certains africanistes à considérer comme
« Sociétés politiques » des
communautés humaines qui n'ont pas un chef à leur tête.
C'est pourquoi il a semblé pour Mutuza, à la
suite de G. Balandier, que les considérations initiales à toute
anthropologie politique consistent à savoir « comment
identifier et qualifier le politique ? Comment le
« construire » s'il n'est pas une expression manifeste de
la réalité ? Comment déterminer ses fonctions
spécifiques si l'on admet, avec plusieurs anthropologues que certaines
sociétés primitives sont dépourvues d'organisation
politique ?(82(*))
Or, à ce sujet et dès le départ, il faut
souligner deux faits importants qui caractérisent les
sociétés africaines et sur lesquels la plupart d'auteurs sont
d'accord.
C'est d'une part, la diversité des institutions et de
formes d'organisations sociales et politiques(83(*)). D'autre part, l'intégration et
l'interpénétration de différents domaines des
sociétés africaines. Dans ces sociétés, en effet,
les différents éléments tels : le social, le
politique et l'économique se trouvent impliqués les uns dans les
autres. Ce n'est que par un effort d'analyse que l'on peut les dissocier.
Aussi, celui qui ne s'est pas imposé un tel effort ne peut que nier ou
minimiser l'existence de l'un ou l'autre de ces éléments ou les
confondre.
G. Balandier souligne-t-il autre chose en parlant de la
diversité de formes d'organisations politiques africaines ? Combien
l'Afrique représente « le plus extraordinaire laboratoire
dont puissent rêver les chercheurs attachés à
l'élucidation du phénomène
politique »(84(*)).
« En premier lieu, celui du vocabulaire. La
terminologie politique manque de rigueur et laisse apparaître, selon les
auteurs, de différences de contenus qui sont parfois notables. Bien
souvent déjà les concepts sont marqués par les
interprétations différentes selon les cultures ou les
sociétés auxquelles ils s'appliquent, et ceci au sein même
de notre système de pensée occidental. Qu'en sera-t-il alors
quand il faudra les étendre à un domaine étranger à
ce système ? »(85(*))
Et soulignant le caractère d'intégration des
sociétés africaines, l'auteur pose le deuxième
problème que soulève l'étude de l'anthropologie politique
dans son application à l'Afrique.
« En second lieu, dit-il, celui de la
spécificité du phénomène politique lui-même.
De nombreuses sociétés africaines présentaient des formes
d'organisations dans lesquelles les structures religieuses, économiques,
sociales et familiales interféraient avec les structures politiques et
s'en différenciaient mal »(86(*)).
Section 4. Les concepts à problème
§1. Etat
Nous exposons ces concepts tels que l'auteur les a
présentés ; étant donné que sa méthode
refuse les définitions, nous risquerons de leur conférer des
acceptions qui sont liées à notre formation. C'est pourquoi nous
cherchons à comprendre ce que l'auteur dit à leur propos. Il
s'empresse d'esquisser dans ses écrits une définition de l'Etat.
Il ne le fait pas en compréhension mais en extension. Il ferme de cette
façon la porte idéologique. Son propos commence :
« Il n'est pas d'un grand secours pour notre propos de nous
étendre sur ces opinions. Qu'il nous soit permis ici, au contraire,
d'esquisser une définition du concept Etat à partir des
éléments que nous venons
d'énumérer »(87(*)).
Et il poursuit: « Nous pouvons donc
considérer comme Etat toute société constituée par
la réunion sur un territoire déterminé d'un groupe
d'hommes obéissant à une autorité chargée de
réaliser le bien commun du groupe. En ce sens et compte tenu des apports
importants résultant de l'analyse de sociétés
« primitives » une redéfinition du fait
politique ; pourvoir et Etat s'impose. C'est pourquoi, plutôt que
d'être amené à définir le politique de telle sorte
qu'en soient rejetées des formes originales, n'est-il pas
nécessaire d'en finir avec le poids de l'ethnocentrisme qui nous fait
prendre comme modèle celui de la Cité grecque, de l'Etat et de
donner au mot « politique » un sens plus large. Il s'agit
d'imposer un renversement complet à partir du fait qu'il n'existe pas de
sociétés apolitiques. C'est dans ce sens que se situent les
travaux de Balandier dont le livre « Anthropologie
politique » est une sorte de nouveau départ pour la
discipline. Le pouvoir politique définitivement séparé du
sens étroit qui était le sien, y est vu « comme
résultat pour toute société » de la
nécessité de lutter contre l'entropie qui la menace de
désordre »(88(*)). Cette définition le pousse à donner
celle du pouvoir
§2. Pouvoir
Quant au pouvoir, nous disons que ce n'est pas la force qui
gouverne, ni le pouvoir physique, mais l'image du pouvoir et la croyance
qu'elle suscite et entretient dans l'esprit des sujets dont elle ébranle
délibérément la raison. Dans la mesure où le
pouvoir a pour fonction de défendre la société contre ses
propres faiblesses, « on ne peut conclure que cette
défense ne recourt que par un gouvernement bien
différencié. Tous les mécanismes qui contribuent à
maintenir ou à recréer la coopération interne sont eux
aussi à considérer »(89(*)).
Les rituels, les cérémonies ou procédures
assurent une remise à neuf périodique ou occasionnelle de la
société, sont autant que les gouvernants et leur bureaucratie,
les instruments d'une action politique ainsi entendue. Cet enseignement des
anthropologues est, pour une part, transférable aux
sociétés non traditionnelles ; elles ont aussi leurs
procédures de « récupération », de
remise en état de la société globale ; et la
comparaison ne manque pas d'éclairer. »(90(*))
§3. Progrès
Le progrès selon Lalande est une marche en avant, un
mouvement dans une direction définie(91(*)). Et Mutuza dit que « Quand nous
parlons de progrès et de sous-développement, il s'agit toujours
d'un progrès humain. Or, avec le progrès humain nous passons
de la réalité spatio-temporelle à sa valorisation par
l'homme dans le sens de son amélioration. Le progrès ne nous
soumet pas seulement à un ordre irréversible, mais surtout
à un ordre valorisé qui évoque une exigence de l'homme. Le
progrès se réfère au passé, à la tradition.
Il n'y a pas de progrès sans comparaison avec le passé ou avec
autrui.»(92(*))
Et il ajoute que « le progrès humain est
un terme essentiellement relatif, puisqu'il dépend de l'opinion
professée par celui qui parle sur l'échelle des valeurs dont il
s'agit. Le mot progrès a un passé, il a une histoire
dont le XVIIIème siècle constitue le point culminant.
C'est au siècle des Lumières que le concept progrès se
constitue en terme opératoire et pose des questions qui,
jusqu'aujourd'hui n'ont rien perdu de leur actualité
»(93(*)).
C'est contre Hegel qu'il explique le progrès :
« Contrairement à l'idéalisme de Hegel, la
philosophie du XVIIIème siècle n'a donc pas
soupçonné que l'esprit peut lui-même être, devenir,
et que, dans son développement, la part
« démoniaque » peut servir de médiation...
C'est Hegel qui substituera au caractère linéaire et
nécessaire du progrès des lumières une conception
dialectique : le progrès par le déchirement dans la
contradiction surmontée. Rappelons-nous seulement la dialectique du
maître et de l'esclave dont Marx tirera les conclusions que nous savons
sur la lutte des classes »(94(*)). Cette idée de progrès permet à
Mutuza d'expliquer ce qu'est la société.
§4. Société, esclavage et colonisation
C'est concernant la question de l'humanité du Noir que
Mutuza entend parler de la société, de l'esclavage et de la
colonisation. Il dit que « jamais alors, l'Europe ne fut à
ce point satisfaite d'elle-même, convaincue de sa propre mission et de sa
supériorité sur les autres races... Les succès de
l'impérialisme occidental prouvaient apparemment la
supériorité de la race blanche. Le XIXème
siècle définit la civilisation comme la contrepartie spirituelle
à l'origine des espèces de Darwin. De même que les formes
animales s'étaient développées graduellement à
partir de stades inférieurs ainsi la civilisation était le
résultat d'un long progrès des formes les plus basses aux formes
les plus hautes de la culture. L'Europe du XIXème
siècle se vit elle-même au sommet de la pyramide et
considéra sa propre civilisation comme le couronnement de tout effort
humain. Toutes les autres formes de cultures, n'étaient que des
degrés qui pouvaient permettre d'y atteindre ou témoignaient de
vagues tentatives à égaler »(95(*)).
Or, il est remarquable que l'Europe avec sa philosophie
pérenne se donne le pouvoir de cataloguer l'humanité. Dans
cette pyramide, l'Afrique occupait - au cas où on lui reconnaissait
quelques valeurs humaines - le niveau le plus bas. Et le plus grand service
qu'on pouvait lui rendre, durent croire les conquérants du
XIXème siècle était de détruire ces
valeurs humaines. C'est d'abord l'esclavage : l'esclave noir est un
humain à qui on dénie l'humanité. Il devient un objet, un
instrument que l'on malmène avec d'autant plus de brutalité qu'on
redoute de découvrir en lui, un jour, un autre soi-même.
L'esclavage est alors une mainmise totale et brutale sur les personnes et sur
les biens»(96(*))
§5.
Sous-développement
Mutuza esquisse bien cette question dans La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi. Le problème de
sous-développement est à la mode. Il a pris une place de choix
dans la littérature économique ; les sociologues, les
géographes, les juristes et même l'homme de la rue, parlent
couramment aujourd'hui de sous-développement ou de pays
sous-développés.
Mutuza dit que « La vulgarisation de ce terme
explique en partie son ambiguïté(97(*)). Aussi, depuis quelques
années les auteurs tentent-ils de préciser la notion de
sous-développement et d'examiner les implications que comporte
l'adoption d'une définition rigoureuse. A l'origine de cette conception
il y a selon Mutuza une confusion grave entre sens et vérité qui
repose, entre autre, sur une sorte de croyance animiste dans une
autorité, ou un pouvoir, des mots.
L'histoire de la philosophie voit ce souci acharné des
définitions exactes, censées donner un savoir
supplémentaire, perdurer de siècle en siècle, même
chez les adversaires de Platon qui restent prisonniers d'une sorte de
préjugé essentialiste en ce qui concerne les mots. On le
retrouve, sous des formes diverses, chez Berkeley, Wittgenstein et leurs
émules, autant que chez Husserl (et un pan entier de la
phénoménologie - que l'on songe un instant à l' «
intuition des essences »), Hume, Moore ou Carnap (on sait, par exemple,
que ces deux derniers prônent respectivement l'analyse philosophique et
l'explication des concepts). Ces philosophes accordent aux problèmes
concernant les mots et leur signification une place majeure et sont tributaires
de ce que l'on a appelé la décision platonicienne,
spécialement en ce qui concerne l'idée d'explication ultime qui
sous-tend, on le verra, l'idéal de précision terminologique.
Contre cette tendance prédominante, Mutuza maintient
que les questions de définitions sont « toujours sans objet, sans
intérêt philosophique; il cite également R. Gendarme qui a
recensé vingt et une définitions parmi tant d'autres(98(*)). Et il ajoute que «
les définitions sont des dogmes; seules les conclusions que nous en
tirons peuvent nous offrir un nouvel aperçu des
choses»(99(*)) ,
et répète inlassablement que les mots que nous employons n'ont en
soi pas d'importance. Ce qui doit être pris au sérieux,
« ce sont les questions qui concernent les faits, et les
affirmations sur les faits ; les problèmes qu'elles
résolvent ; et les problèmes qu'elles soulèvent
»(100(*)).
Il ne faut pas pour autant voir en Mutuza une sorte
d'anarchiste du langage rejetant l'idée de précision pour on ne
sait quel motif obscur et affirmant qu'il n'y a qu'à parler sans se
soucier des termes que l'on emploie. S'il soutient bien qu'il ne faut pas s'y
intéresser outre mesure, et surtout ne pas en faire son unique objet
d'étude, c'est qu'il tient que la vertu cardinale de l'expression ne
doit pas être la précision, mais la clarté.
La suspicion à l'égard de la terminologie doit
être vue en ces termes également ; ce qui est refusé n'est
pas l'apport, parfois réel, que peut donner une mise au point sur le
sens d'un mot, mais l'attitude obscurantiste qui peut se cacher derrière
le "pointillisme linguistique". Ce que vise Mutuza, c'est bien « la
terminologie prétentieuse et la pseudo-exactitude qu'elle implique
», qui se trouve chez Popper (P.S. I , Préface de 1956 - p. 27), au
nom de ce que l'on appellera son "principe d'effort" : « Ce qui peut
être dit doit, et peut, l'être avec toujours plus de
simplicité et de clarté » (id.) Il convient de ne pas
interpréter cette maxime en un sens "wittgensteinien", insinuant qu'il y
a des choses qui ne peuvent être dites (mais juste, par exemple,
montrées), tant il n'est rien qui soit plus étranger à
l'esprit de Mutuza que ce genre de mysticisme. Ce qu'il faut retenir est ce
« devoir moral pour les intellectuels » qu'est le rejet de
l'obscurité dans l'expression des idées, ainsi que le souci de
n'être pas plus précis que la situation ne l'exige.
Au niveau philosophique, le contexte culturel de Mutuza est
très important si on veut bien comprendre sa lutte pour
l'identité et l'appartenance.
Conclusion
Telle est la manière de voir de cet Homme très
célèbre (autant que nous pouvons le conjecturer d'après
ses paroles) et nous eussions eu peine à croire qu'elle provînt
d'un tel homme si elle était moins subtile.
Son combat pour les questions des mots résulte du
problème de l'effort d'adaptation d'un groupe culturel à un
nouveau milieu culturel, c'est qu'il appelle acculturation et de la
nécessité de traduire les « réalités
africaines dans des langues étrangères ». Il
s'ensuit que nombre « des philosophes zaïrois, en effet,
paraissent pencher pour promouvoir des langues africaines et leur emploi comme
instrument d'expression »(101(*)).
Pour recouvrir la vraie identité et lutter contre
l'oppression, Mutuza donne en paradigme les problèmes de pays des grands
lacs, surtout l'Est de la RD Congo, avec La Problématique du Mythe
Hima-Tutsi. C'est la question du langage qui en est le leitmotiv. Il
écrit que « le fait que ces philosophes écrivent et
parlent français, et ce faisant, ils constatent qu'ils parlent avec
l'Occident une même langue sans parler un même
langage »(102(*)) .
L'Occident qui a mé-compris et mal
interprété les institutions africaines a joué avec les
concepts pour pouvoir les méconnaitre et, dans le cas des Hutu et des
Hima-Tutsi, il a fini par mal percevoir les rapports des forces des uns et des
autres pour les opposer et se placer en arbitre et sapeur pompier. Mutuza
écrit en ces termes : « on a essayé (...)
d'autant que possible, de rapprocher l'installation des groupes bantu des
migrations qui ont amené les Hima-Tutsi dans la région, et
souvent, on a tenté de démontrer, par l'absurde, que c'est cette
immigration récente qui fut à l'origine d'une amorce
d'organisation de type étatique. »(103(*))
Pour mieux saisir le problème posé par Mutuza,
nous sommes dans l'obligation de suivre son itinéraire scientifique et
quelle solution il donne à la question de l'identité et de
l'appartenance.
Chapitre deuxième : ITINERAIRE DE MUTUZA
De ce qui vient d'être dit, nous ne pouvons, en
vérité, assez nous étonner qu'un Philosophe, après
s'être fermement résolu à ne rien déduire que des
principes connus d'eux-mêmes, et à ne rien affirmer qu'il ne le
réévaluât culturellement et historiquement, après
avoir si souvent reproché aux philosophes immatriculés de vouloir
expliquer les choses obscures par des qualités occultes, admette une
hypothèse plus occulte que toute qualité occulte dont
l'itinéraire ressemble à une escalade vers les cimes
embrumées d'une haute montagne.
Mutuza est né dans une période de turbulence. Il
est marqué par une expérience inédite qui détermine
son intelligence, refaçonne son regard sur la réalité
environnementale, sur le mode de convivance entre les autochtones Lega d'une
part et d'autre part ceux venus d'ailleurs, en l'occurrence les Tutsi du
Rwanda. Le contexte
historique de la vie de l'auteur de La Problématique du Mythe
Hima-Tutsi va nous en éclairer.
Section 1. Contexte historique
§1. L'homme
Mutuza est un des noms de la philosophie afro-congolaise. On
peut dire que, dans plusieurs domaines, il marque de son empreinte un moment
décisif. C'est lui qui est le fondateur de la méthode de la
réévaluation des concepts par ses recherches sur la
culture lega et les sens des concepts
anthropologiques colonialistes, par ses commentaires
à la fois théologiques et philosophiques des deux cultures
(euro-américaine et négro-africaine), c'est lui qui a
tenté la première synthèse philosophique du moment et qui,
de façon méthodique, s'efforce d'expliquer la
condition congolaise(104(*)). Il est l'homme enfin qui a
le premier décrit les voies de la lutte intellectuelle des professeurs
contre la dictature et fondé ainsi la philosophie politique de la
résistance(105(*)) dans sa publication, Quand les
guerres tribales battent leur plein(106(*)), qui date
des années 60.
Sans vouloir postuler a priori une symétrie entre les
tendances innées de Mutuza et le choix de son domaine d'investigation,
« l'on ne peut d'autre part s'empêcher de constater une
continuité en particulier lorsqu'il ne s'agit pas apparemment d'une
option fortuite, lorsqu'il en va d'un acte profondément motivé,
revêtant au surplus les caractéristiques d'une vocation
authentique »(107(*)).
Son influence s'annonce grande. Les années 60 et 70
sont jalonnées de ses articles. On cite La famille
traditionnelle à la croisée des
chemins(108(*)), article qui montre
déjà son élan intellectuel. Dans cet article il parle de
la rencontre entre le christianisme qui prêche la monogamie et la
tradition africaine qui autorise la polygamie. Il y a L'Afrique
écartelée(109(*)) qui
est un discours panégyrique et provocateur dans lequel Mutuza
traite du mouvement et du devenir de l'Afrique. Il démontre le conflit
tribal et linguistique entre les populations.
Dès le début des années 199O les
étudiants de la Faculté de Droit de l'Université de
Kinshasa entrent en contact avec la pensée
révolutionnaire de Mutuza. Ceux de la
Faculté des Lettres et Sciences Humaines n'hésitent pas à
traiter comme thèmes de mémoires sa pensée
politique(110(*)), suite
à son cours des Idées Politiques. Trois mémoires de
Licence en Philosophie(111(*)). En 1991, Mutuza compte parmi les rares professeurs
Commissaires d'Etat (Ministre) à tenir une conférence en la Salle
de Promotion Mgr Luc Gillon de l'Université de Kinshasa. Il y traite de
la décentralisation(112(*)). La question rebondit avec
l'arrivée de l'AFDL à l'occasion d'opinions soutenues par les
opposants radicaux qui ouvraient le chapitre sur la
nationalité. Tshisekedi intervient personnellement dans le débat.
Mutuza est alors suspecté. Ses idées sur le
fédéralisme dérangent. Pourtant
à cette période là le pays prend conscience d'une crise.
L'est de la RD Congo est une banquise à problème. Tout
ressortissant de l'Est est trop facilement assimilé à
l'étranger à cause de l'assimilation des Hutu aux Banyarwanda,
premier mythe hima-tutsi.
Que faut-il en penser ? Mutuza est le premier philosophe
zaïrois qui s'est attelé de bonne heure à poser la question
avec pertinence et profondeur, a tenté de pousser l'effort de son
intelligence jusqu'à ses extrêmes limites dans l'investigation du
fédéralisme et de la présence des
étrangers sur le sol congolais(113(*)). Ces limites, il les a
plusieurs fois dépassées, mais c'était peut-être
nécessaire pour que l'on pût les fixer exactement avec
l'idée de la décentralisation. A une époque où le
glissement de la décentralisation au fédéralisme et de la
confusion du fédéralisme à la balkanisation
n'étaient pas encore déterminées, il a essayé de
voir jusqu'où l'esprit des occidentaux pouvait aller. C'est ce qui fait
l'extraordinaire grandeur de sa tentative(114(*)).
Ses oeuvres se repartissent en trois moments. Le premier est
un ensemble d'articles qui traitent de la culture en général,
particulièrement de la culture lega. Le deuxième renferme les
ouvrages, critiques quant au rôle des occidentaux dans des conflits
interafricains. Le troisième aborde les réflexions
thématiques où transparait sa théorie
d'appartenance.
L'authenticité de ses oeuvres ne pose aucun
problème, elle n'est pas sujet à discussion. Elles sont toutes de
ses mains. A part les fragments du catéchisme qui est une copie en
traduction du grand catéchisme de l'Eglise latine d'avant Vatican II. Il
existe aussi une somme de dissertations manuscrites, du Petit Séminaire
de Lusaka, où son professeur, en outre du cycle de l'enseignement des
enfants (ðñïò ôçí
ô?þí
åãêõêëßùí
ðáéäåßá), se
préoccupait, dès ses premières années, de l'exercer
à l'art épistolaire.
Son oeuvre ne manquera point des contradicteurs plus au moins
farouches à l'exemple de ses anciens étudiants tel que Ngoma
Binda vers les années 90(115(*)). Elongo Vicky(116(*)), Ntumbwa Tshimpaka(117(*)) et Milala
Barnabé(118(*))
dépendront de sa méthode. Le même Ngoma Binda combat les
idées de Mutuza sur Le Civisme et
Développement(119(*)) et sur la nature de la
démocratie(120(*)).
A la fin du vingtième siècle, Ntumbwa Tshipamba
dans son Le paradoxe de la libération par la chosification dans la
conception welienne de l'Etat l'accuse d'avoir été un
précurseur de l'identitarisme et du régionalisme classique et
philosophique congolais(121(*)). Si au début Milala s'est montré son
admirateur il décria plus tard son contra philosophiam
societatem(122(*)).
L'itinéraire de Mutuza est translucide. Il est un des
philosophes zaïro-congolais sur lequel il s'avère aisé
d'être renseigné. Ses propres documents sur l'évolution de
la société globale congolaise et de la
culture lega en rapport avec le développement de son siècle en
sont témoins.
Si l'on s'attèle à la personne de Mutuza on
s'aperçoit que l'homme de Maniema vit en califourchon dans un
siècle mouvementé dont il connait lui-même une existence
mouvementée. Et cela encore en trois temps : historique,
anthropologique et entropologique. Le premier temps le place dans un
de-venir, dans la trame évolutive propre à l'individu et
de sa société. Il en fait une étude ipso scientifique. Le
deuxième temps constitue l'import esthète de l'art de son peuple
dans ses dimensions et après s'être dépouillé de
toute ressemblance avec la réalité environnante concrète.
Le troisième est celui de l'identité que nous appelons le
temps entropologique. Il y a entropie lorsque les
éléments d'une entité se dé-voilent dans leur
identité originaire, surtout en matière de
langue. C'est de là que l'on parle
d'appartenance d'un peuple à un moment donné de son histoire. Car
il n'est pas impossible que telle langue se révèle être
l'outil particulier bien adapté à l'acquisition d'une certaine
forme de culture. Pour ce, rien ne permet d'affirmer que la langue d'un peuple
détermine le type de civilisation qu'il devra se forger. Le primat de
l'objet (la langue) faisant place au primat de la fonction (la culture), l'on
ne découvrirait la différence que quand il y a entropie.
Conformément à ce trois temps, Mutuza accepte
que ce siècle est nôtre, c'est un siècle qui nous
entraîne vers des horizons inconnus et incertains. Mais comment
alors le juger ? Fût-elle limitée au demi-siècle
révolu, toute vue d'ensemble reste hasardeuse, d'autant plus que la
décennie 1990-2000 ne parait pas, jusqu'ici, marquer un tournant
significatif d'une démocratisation de l'Afrique. Toutefois, à
mesure que l'esprit remonte du présent vers le passé la
perspective devient plus nette, les grandes lignes se dégagent et les
valeurs sûres s'affirment tandis que s'estompent les modes
passagères qui viennent d'un dictat historique de la Deuxième
République.
Avec la grande dictature du citoyen Mobutu, les principaux
mouvements se dessinèrent assez nettement. Mais à partir des
années 90 et 94 le critique doit procéder avec extrême
prudence, tant apparaît fluctuante, d'une année à l'autre,
l'entropologie tribale qui implique la problématique de
l'appartenance et le faux fuyant mythe Hima-Tutsi tel
qu'argumenté par le Haut Commissariat pour les réfugiés
(HCR) et la science coloniale(123(*)). Mutuza explicite cette question à partir de
la question sur la nationalité(124(*)).
Ainsi la période antérieure à
l'indépendance de la RD Congo (1960) peut être analysée
avec quelque assurance. Et les voisins Ruandais font de la sorte la
sagesse du départ héritée des cultures des Bantu avec le
Kinyarwanda comme outil de cette culture fragmentée et commuée en
connaissance méfiante, commuée en savoir commutatif,
commuée avec la vérité selon le
pragmatisme américain: l'importance des colons qui la
dominèrent ou se formèrent alors ne peut plus être
contestée. C'est dans ce contexte que Mutuza va se présenter
face aux mots ou aux définitions et précisera sa place parmi les
autres philosophes. C'est là que se forment la génétique
de sa pensée consciente et sa science
philosophique.
§2. Conscience et science philosophique
On parle de conscience et science philosophique quand il
s'agit du pouvoir d'être. Et qui peut mieux connaître Mutuza que
Mutuza lui-même ? Il y a certes, des choses que l'homme
connaît de lui-même, il y en a d'autres qu'il ignore. Ce qu'il
ignore peut être connu des autres. C'est ce qui est ignoré qui
peut faire l'objet de la recherche. Qui est, au fond, Mutuza ? Cet astre
brillant dans le firmament des philosophes naquit à Yuma Kalima le 05
mars 1938. Fils de Mugumo, un modeste Mwami de Yananio, et de Kyotala, gentille
dame qu'il n'a connue que très peu. Il est jumeau dont le frère
est mort quelques années après, d'où le nom de Kabe,
c'est-à-dire moitié. Dans le sein
maternel, il est moitié. On le reconnait dans la
famille comme moitié d'un frère fort
physiquement. C'est pourquoi on le nomme Mutuza Kabe. Il est encore
moitié à cause de la mort prématurée de sa
mère le laissant amputé du fait de la séparation et de la
cession à cette partie de soi. C'est une dure montée. Il est mis
au monde avec son frère, il lui est semblable, tout en étant
symétrique et mitoyen. Il évolue dans une corrélation
entre son égo-logicité Kabe et l'acceptation d'être
moitié. Ce qui fait que, chez les Lega les résultats
mathématiques des deux nombres premiers dont la
différence vaut 2
appelés nombres premiers jumeaux, s'appliquent sans beaucoup de peine,
comme 5 et 7, 17 et
19, 101 et 103. Les Lega
sont, comme d'ailleurs tous les Bantu, des géomètres,
c'est-à-dire professionnels qui réalisent des mesures et des
levés des terrains. Leur théorie
géométrique s'intéresserait
alors aux relations entre les points, les droites, les plans, les courbes, les
surfaces et les volumes... Ils seraient, pour ainsi dire des savants
mathématiciens avant la lettre. Les mathématiciens ne sont pas
encore parvenus à découvrir si l'ensemble des nombres premiers
jumeaux connus aussi des Lega est infini, c'est ainsi que les chants donnant
l'identité des héros Balega sont des véritables
poèmes géométriques.
La grand-mère, après la mort de la mère,
prit soin de Mutuza chétif et maladif, l'instruisit en lui
répétant ces mots prophétiques que Mutuza n'a jamais
oubliés(125(*)):
kilega
français
« Kamugulampungu
je suis un petit serpent;
Nakega mubili nsa kega lukindo
je manque de poids corporel, mais je
suis très estimé
Natikizye melele kwi tumba
j'ai cueilli une igname épineuse
de là haut ;
Nu nkutitya kisamba ku nzogu zikwenda
j'ai arraché la queue d'un
éléphant en marche;
Kami ka mitongomitongo
d'apparence d'un petit mwami
chétif ;
Kasikila ka mintalabanda
qui joue au flou comme un jeune garçon qui agit comme
un vieux ;
Mpene za kilemba
moi un bouc
Nenda idungu nsisile mitanda»(126(*))
si loin que j'aille, je ne termine pas mes voyages sans
retour.
Orphelin de mère, séparé de la
grand-mère, le voici auprès de sa grande soeur, épouse
d'un instituteur de l'école primaire de Watangabo. Comme jumeau, il
était soumis à un traitement particulier. Eduqué dans la
cour du Mwami, il était préparé à en assurer un
jour la charge(127(*)).
Mutuza progresse dans les méandres du pouvoir traditionnel et s'en y
familiarise avec les arcanes à travers les multiples actes
initiatiques.
v Un jour sa vie bascula.
Un de ses amis qui savait lire et écrire l'a
injurié par écrits et l'a envoyé auprès d'un de ses
ainés avec le bout de papier sur lequel était transcrite
l'injure. Kabe s'avance, tend la main et donne le bout de papier. L'ainé
prend la feuille, la lit et éclate de rires. Il expliqua à Kabe
que c'était une injure. Kabe s'étonna qu'une petite feuille
peinte des lignes pût être porteuse d'une injure. Il décida
alors d'aller à l'école apprendre lui aussi à communiquer
de cette manière. Timide mais colérique, Kabe réussit
à être un écolier assidu qui n'a jamais fait l'école
buissonnière(128(*)).
Il reçoit une éducation chrétienne et se
donne une formation chrétienne et philosophique ; mais portant
à l'extrême le mouvement d'idées et d'exigences nouvelles
qui animait à la fois les prêtres autochtones et les intellectuels
d'après l'indépendance du Congo-Kinshasa, il finit par
défroquer et se séparer ouvertement de tous les dogmatismes (il a
28 ans) ; et les évêques occidentalistes, tout au long de ce
petit siècle, fixent sur lui la haine qu'ils portent en
général à des élèves moins dociles. Comment
s'en est-il pris ?
Il fit de bonnes études au Petit-Séminaire de
Lusaka où la langue de l'enseignement était le seul que le
swahili(129(*)). Il y
avait interdiction formelle de parler français, au motif que le petit
séminariste ne devienne évolué. En quatrième
latine la langue de Molière est introduite. Ses maîtres le
familiarisèrent non seulement avec les idées de
l'égalité et de l'unicité de la
race humaine, mais aussi et surtout avec la
philosophie des années d'avant-indépendance. Ils l'ont surtout
initié à l'art épistolaire. C'est ainsi qu'il avait
écrit plus de trente dissertations dont nous ne conservons qu'une
dizaine et quelques fragments difficiles à reconstruire. Cela montre
déjà la formation de son esprit scientifique.
A vingt ans, il entre au Grand Séminaire(130(*)) de Baudouinville (Moba),
dirigé par les Pères Blancs. Mutuza se heurta à ses
supérieurs parce qu'il apprenait l'anglais(131(*)). On enfreignit ainsi
à son penser liberté. Il dit dans son
autobiographie que ses supérieurs furent des salauds sartriens. Cinq ans
après, son évêque l'envoie poursuivre ses études
théologiques à Lovanium (actuel UNIKIN). Ici, il a pour
compagnons Tshiamalenga, Ntedika, Rwamani, Ndembe, etc.; il s'y adonne avec
zèle excessif (Üãáí
ðñïèõìüôáôá).
Il ne se contentait pas de ce qu'on lui offrait ; mais
il cherchait à aller plus loin, il s'intéressait
singulièrement aux culturologues et particulièrement à la
culture africaine, parce que compagnon de Mgr Tshibangu.
Le père Romellar qui « interdisait
Mutuza de publier ses articles en français au motif qu'un missionnaire
devrait écrire en langue locale pour se faire comprendre et non pas en
français comme un politicien »(132(*)) lui créait
une tension forte. Et la question de la langue devenait un nouveau
problème chez Mutuza. Il se pose alors la question de savoir comment
pourrait-on se faire comprendre si on ne parle pas la même langue? Avec
les conglossologues il y a moyen que l'interlocution soit active qu'avec les
alloglossologues qui ne comprennent ni ne partagent les mêmes
schèmes.
Mutuza fustige cette sorte d'apartheid. Il se familiarise peu
à peu avec le marxisme. Ses
réclamations sont considérées comme une révolution.
On l'assimile au communiste. Ses supérieurs
s'inquiètent du fait que l'émeute qui eut lieu à Lovanium
fit de Mutuza un chef de fil(133(*)). Malgré ces accusations, il résiste
et persévère dans son combat pour la
justice.
En septembre 1963, il est ordonné prêtre
catholique romain à Kalima. Avec comme devise « Dumodo
Christus anoncientur » (pourvu que le Christ soit
annoncé. Il accepte plutard un poste de vicaire dominical à
la Paroisse Saint Joseph des Epinettes à Paris où il composa et
prêcha ses homélies de la Période d'Avant et de la
Nativité, du Dimanche de carême et les 5ème et
7ème Dimanches de Pâques dont la publication, plus
tard, portera le titre de Sermons d'un prêtre
défroqué134(*). En 1964, il poursuit ses études de
théologie à l'Institut Catholique de Paris ; il obtient sa
Licence en 1966. La même année il continue avec les études
de philosophie avec une Licence. L'ardeur de la recherche brule son esprit, ce
qui l'incita à prendre l'inscription en 1970 pour le Diplôme du
Maître ès Arts. Il monte, en 1971, à la Sorbonne pour un
Diplôme en Histoire. Il a donné aussi cours à l'Institut
Pédagogique National (IPN) avant la soutenance de sa thèse en
Philosophie.
Les relations avec ses supérieurs commencèrent
à se re-dégrader. Il est conscient de la
responsabilité qui l'attend comme enseignant et formateur de la
jeunesse. Pour garder sa conscience pure et vivre loin de la haine, il
décide de quitter la robe blanche et défroque. Acte
héroïque. Il s'appelle lui-même prêtre
défroqué. Il épouse Marguerite Tambwe, une
infirmière en 1969, dont il aura cinq enfants. En octobre 1972, il est
proclamé Docteur en philosophie à l'Institut Catholique de Paris.
A Anvers, en 1973, il devient Master en promotion du
développement : gestion financière et publique, du Centre
Universitaire de l'Etat.
A Paris, Mutuza avait lu les oeuvres de Verneau sur les
scolastiques. Parce que se destinant à la rupture
épistémologique, il lit Karl Marx et Hegel, et se fit laisser
séduire par les thèses du Révérend Père D.
Dubarle. C'est alors qu'il s'éprend, comme ses camarades aux
idées de l'Indépendance de la RD Congo. Peu enclin à
l'ouverture, ses seuls amis furent des livres et les encadreurs dans des
travaux académiques. Pour raison de jalousie, il fut privé de
bourse d'études et a dû regagner le pays avec sa femme et ses
enfants.
v Début du combat
Une fois au pays, il commence sa carrière de
professeur. Il publie l'Apport des philosophes zaïrois
à la philosophie africaine, ouvrage qui lui valut le titre
de professeur ordinaire. Il dispense les cours de philosophie, de psychologie,
de philosophie politique, philosophie sociale, philosophie morale, de
méthodologie de la recherche scientifique, d'éthique... Ses notes
de cours composent son itinéraire philosophique. Son prestige grandit.
Il écrit un ouvrage systématique contre le centralisme du
régime du Marechal, Les fondements culturels du
fédéralisme au Zaïre.
L'entrée des troupes de l'Alliance des Forces
Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) fut un tournant
décisif pour la réorganisation du
pouvoir politique. Mutuza voit de mauvais oeil la
présence des étrangers. Il se souvint qu'en 1994, il y eut flux
des réfugiés rwandais qui fuyaient le
« génocide ».
Mutuza a un rayonnement comme professeur. Ses cours de
philosophie sur la tradition, l'histoire, la société expriment
des facettes de sa pensée. Le travail d'enseignant l'aide à
construire son système. Il publie De la philosophie
occidentale à la philosophie négro-africaine. Apport des
philosophes zaïro-Congolais (2008).
La notion de culture est l'épicentre de la
pensée de sa pensée. Mais avant d'aborder de front, une
explication préliminaire est de mise. De nombreux chercheurs,
après nous, seraient tentés de ne voir en lui que le disciple peu
original d'esprits plus grands, plus créatifs. L'influence de Hegel et
le marxisme est indéniable dans sa philosophie sociale et politique. Son
Histoire semble puiser à la fois dans la tradition orale de Balega et
chez Papadopoulos. Mutuza ne serait qu'un confluent fortuit de divers courants
qui l'ont précédé ! Mais ce même reproche ne
vaudrait-il pas pour tous les grands esprits ? Ne se situent-ils pas
à la croisée de chemins ? La Summa theologica de
Thomas d'Aquin n'a-t-elle pas jailli du choc entre Aristote et Albert le
Grand ? Musey n'est-il pas le point convergence créatrice de Tarski
et de Bohenski ?
Jamais le regard tourné vers les sources ne saurait
expliquer le génie d'un auteur. Les parties ne peuvent éclairer
ce qui est simple et unique, ce que la pensée créatrice
élabore à partir de matériaux préalables.
Convaincu de briser les barrières érigées
par la colonisation, quelque part, dans la pensée de Mutuza gît un
point très fin, très délicat, qui éclaire toute
l'oeuvre, qui communique vie et diaprure. Il s'en suit que le
développement de la philosophie zaïro-congolaise a eu pour
conséquence, à partir de la publication du Père Tempels
(1945), d'accentuer l'abîme entre l'Occident et l'Afrique. Crahay avait
fait du Noir un être essentiellement hybride entre le
Ëüãïò et les
ëïãéêïé occidentaux.
A cet effet, il avait fait des emprunts à la mythologie traditionnelle,
à la biologie darwinienne. Il avait accentué la pente de presque
tous les philosophes précédents, mais en forçant, en
durcissant leurs affirmations. Sa condamnation par Smet comportait
l'écroulement d'un certain monde intellectuel.
Les congolais, à l'instar de Kinyongo,
Tshiamalenga, Nkombe Oleko, Mgr Tshibangu, Elungu Pene Elungu, Mudimbe,
Bwakasa, Musey, etc. ont eu la mission de construire une philosophie nouvelle,
selon une perspective rénovée, tout en préservant les
éléments valables de la Tradition. Cette construction
s'élabore, dans un affrontement permanent. Exemple, Musey dessine d'une
main sûre le plan de l'édifice dans ses grandes lignes ;
Mudimbe avec son art oratoire tranchant, aiguise les concepts ; Mutuza,
dans ses deux derniers ouvrages(135(*)), parachève l'oeuvre en divers sens ; il
creuse les fondations, élève la voûte. A leur suite, Okolo,
Ngangura, Lokadi, Mbambi, Nzege, etc. font la peinture de l'édifice et
plantent un potager attrayant et concentrique pour la protection des fleurs du
jardin intellectuel zaïrois afin d'attirer les abeilles
étrangères qui viendraient butiner la nouvelle rationalité
décomplexée de tout aliénation. N'est-ce pas l'affirmation
du privilège d'une culture ?
§3. Privilège de la
culture et son identité
Si on prend le privilège de la culture et
l'élément culturel comme base de l'identité, et
l'identité culturelle comme base de réussite, alors on
s'aperçoit facilement qu'il s'agit du développement d'un peuple.
C'est ainsi que nous sommes toujours tentés de faire de la
différence l'origine et la référence des conflits. Car la
différence est présence immédiate au conflit et au
mépris. Elle nous donne le monde que les mots travestissent selon leurs
propres lois. Pourtant, dans la mesure où la culture peut se
dépouiller de la correspondance et de la corrélation,
c'est-à-dire de l'office du langage, elle ne peut rien recueillir, sinon
l'éphémère, le mouvant, le changeant, un monde
inconsistant qui passe, tramé d'apparences fugitives. Or la science
exige l'identité, le constant, le mesuré, le connu. Et si elle
est savoir vrai, si en elle réside la vérité, c'est
qu'elle récuse, comme flux d'apparences, la culture immédiate.
Tel est le présupposé de la philosophie de Mutuza : ni les
productions sociales ni les connaissances qu'on en a ne sont des
critères ou des références de ce qui est. Pourquoi donc
intervertir la théorie des valeurs aussi longtemps qu'au commencement
(de la culture) est le langage. Lui seul est accueil de l'être, lui seul
décide du vrai, à mesure de sa domination sur les
préjugés, sur les préférences, sur
l'individualité, sur l'historicité. On sort alors du domaine de
ce qui doit être pour s'enclore dans le champ de ce qui est, sans jamais
être quelque chose.
Cette thèse, l'auteur s'est employé à la
fonder et à en tirer les conséquences. Il devait la
défendre sur plusieurs fronts : contre le capitalisme, le
pragmatisme et le néocolonialisme empirique. Il fait le procès de
la certitude du concept de l'Etat(136(*)). Contre le néocolonial, il déjoue
l'attrait des néo-darwiniens (dont le schéma est de
détruire les Hutu et de protéger les Tutsi, race
minoritaire), il attribue le droit naturel de l'appartenance au
fonctionnalisme, à l'articulation, à la révolution et
à la détermination. Il combat le sentiment, le subjectivisme, les
facilités de l'avoir, de la croyance de l'arbitraire et de
l'invérifiable. Il se débat pour éclairer le principe du
semblable et du dissemblable, du singulier et du général, du
particulier et de l'universel. Ici intervient la problématique des
concepts. Non qu'il faille se rendre au prestige des mots, ou se satisfaire
d'un formalisme, d'un nominalisme vide. Il s'agit de restituer au langage son
pouvoir de réflexion. Pour ce faire il importe d'enraciner le pouvoir
dans une origine commune à l'être et au connaître.
v Les concepts anthropologiques
Langue, matérialisme, capitalisme, fonctionnalisme,
société, pouvoir, identité, intégration,
articulation, révolution, détermination, sentiment,
subjectivité, similitude, dissemblable, singulier,
général, universel, particulier, langage... constituent des
termes de base de l'étude de la culture chez Mutuza.
Si Kant définit la culture comme un processus :
« Produire chez un être raisonnable l'aptitude
générale aux fins qui lui plaisent, par conséquent dans sa
liberté », il était obligé
d'ajouter qu' « ainsi seule la raison peut être la fin
dernière que l'on a quelque raison d'attribuer à la nature par
rapport à l'espèce humaine (137(*))».
Cette conception en quelque sorte finaliste de
la culture par rapport à la nature se prolonge chez Hegel, qui emploie
le mot Bildung (« formation »,
« éducation ») pour désigner le processus
formateur et transformateur de l'esprit. Si Hegel attribue toujours un
caractère universel à la culture, il envisage cependant qu'elle
conditionne une vision du monde selon les groupes considérés.
Cette nuance entre une conception universaliste et une approche particulariste
se retrouve dans les premières définitions formulées par
les anthropologues de la fin du XIXe siècle et du
début du XXe.
La première définition anthropologique
de la culture est élaborée par le Britannique Edward Burnett
Tylor dans son ouvrage Primitive Culture (la Civilisation primitive,
1871) : « La culture, considérée dans son
sens ethnographique le plus large, est ce tout complexe qui englobe les
connaissances, les croyances, l'art, la morale, la loi, la tradition et toutes
autres dispositions et habitudes acquises par l'homme en tant que membre d'une
société ». La culture est ici envisagée comme
regroupant tous les traits humains qui peuvent être transmis socialement
et mentalement, plutôt que biologiquement. La définition de Tylor
continue donc d'envisager la culture en l'opposant à la nature.
Profondément ancré dans cette
perspective universaliste et envisageant la « culture » au
singulier comme synonyme de la « civilisation », il
considère que les différences dans les champs de la connaissance,
des coutumes et des croyances témoignent des différences de
degré d'avancement entre les sociétés.
Considérées sur une échelle de progrès
définie en fonction de la complexité relative de la technologie
et des institutions sociales, ces différences sont en effet imputables
au niveau de développement mental atteint biologiquement par les
populations considérées. L'anthropologie se doit donc de classer
les différentes cultures observées selon un continuum allant du
type le plus simple au plus élaboré.
Franz Boas fournit une première critique de cette
définition pour imposer une approche résolument particulariste de
la culture. L'anthropologue américain d'origine allemande affirme que
les formes et les modes de vie des hommes n'évoluent pas selon un
modèle linéaire et en fonction du niveau de leur
développement mental, mais qu'elles sont les produits de processus
historiques locaux. Ces processus historiques sont déterminés non
seulement par les conditions environnementales dans laquelle vit la
société considérée, mais également par les
contacts qu'elle entretient avec les sociétés avoisinantes. Par
conséquent, plutôt que de comparer des institutions
observées dans différentes sociétés, les
anthropologues doivent, selon Franz Boas, analyser en priorité les
éléments d'une culture dans le contexte de la
société étudiée.
Margaret Mead, Ruth Benedict et Ralph Linton qui
représentent cette perspective particulariste et relativiste
connue également sous le nom de « Culture et
personnalité » établissent le premier lien entre
l'anthropologie et la psychanalyse. Leur Ecole envisage la culture dans une
perspective holiste, où l'individu forme un tout indivisible qui ne peut
être expliqué par ses différentes composantes
appréhendées séparément. Dans ce cadre, l'individu
est entièrement façonné par la culture du groupe dont il
est issu -- par le biais de l'éducation --, jusque dans sa
personnalité, ses comportements, sa vision du monde. Le relativisme
culturel apporte ainsi une réponse directe aux thèses racistes de
l'époque, qui reposent largement sur les postulats
évolutionnistes.
Alfred Kroeber et Clyde Kluckohn tentent-ils de recenser
l'ensemble des définitions de la culture dans l'espoir de proposer une
approche plus comparative. L'anthropologie culturelle américaine demeure
toutefois très imprégnée de la conception boasienne de la
pluralité des cultures, l'analyse de la culture d'une
société ne s'effectuant qu'en référence à
elle-même.
Le débat autour du concept de
culture s'articule par la suite autour de la question de la distinction entre
culture et société. Les structuralistes proposent une vision
moins inclusive de la culture et moins déterministe dans la mesure
où ils considèrent que seule l'analyse de la structure sociale
peut rendre compte de façon pertinente de la manière dont les
individus et les groupes produisent et sont les produits de leur contexte
culturel. La culture, considérée alors comme un ensemble de
normes de comportement, de symboles et d'idées, apparaît
secondaire par rapport au système social(138(*)).
Les anthropologues de tendance marxiste, ainsi que les
militants féministes, soulignent que le concept de culture masque en
réalité les clivages entre les classes, les genres et les
différentes idéologies qui s'affrontent dans une
société. L'anthropologue Lila Abu-Lughod s'insurgent contre le
caractère réifiant de la culture qui, en
homogénéisant et en donnant une vision statique des groupes
humains, leur confère une altérité radicale et parfois
déshumanisante.
Dans ce cadre, certains anthropologues
proposent comme priorité l'analyse des confrontations et des
articulations entre les différentes valeurs et pratiques qui sont
propres aux différents individus et groupes au sein d'une même
société. De cette manière, il s'agit de comprendre comment
ces valeurs contradictoires peuvent parfois s'articuler pour donner naissance
à d'autres valeurs et d'autres pratiques. Dans cette perspective la
culture est davantage perçue comme un processus -- cette
idée est notamment développée par l'anthropologue
américain Sally Falk Moore -- ou comme un flux
(R. Fox)(139(*)).
Ulf Hannertz, insistent sur la nécessité de se concentrer sur les
phénomènes de métissage des cultures
(« créolisation »). Grâce aux flux plus
nombreux et plus intenses des personnes, des biens et des valeurs, les
individus d'une société donnée ont accès à
plusieurs autres espaces culturels. Empruntant des éléments au
sein de ces autres cultures et les adoptant au sein de la leur, ils participent
à la créolisation de cette dernière(140(*)).
v Réévaluation des concepts
anthropologiques
Le bilan de ces analyses de la culture et de son
identité conduit maintenant à la découverte de son
fondement. Si nous ne sommes pas inventeurs de la culture, si, d'autre part, il
n'est pas de culture sans peuple, c'est qu'elle a sa racine dans une
civilisation et dans une parole, un
ëüãïò qui est le sujet. C'est
ainsi que l'universalité d'une culture ne peut s'imposer à chacun
à mesure qu'elle révoque la subjectivité. C'est
grâce à son unicité, à l'unicité de la race
humaine, à la singularité des origines que la culture est
possible.
Mutuza se situe en califourchon des travaux des anthropologues
et philosophes de son époque. Il connaît Bastian Adolf qui tenta
de démontrer le caractère universel de certaines croyances
populaires. Afin de comprendre que c'est par tradition que la pensée se
forme, Bastian Adolf fit ses études aux universités de Berlin,
Heidelberg et Prague. Dès 1850, il voyagea à travers l'Asie,
l'Afrique, l'Australie et l'Amérique du Nord et du Sud, et, en 1860, il
publia Der Mensch in der Geschichte (« L'homme dans
l'histoire »), une étude anthropologique qui en fit une figure
de proue du diffusionnisme. Il accorde un rôle primordial à la
psychologie dans l'interprétation de l'histoire des cultures et
apportent une contribution à l'étude comparative de
différentes cultures.
Mutuza connaît aussi l'école américaine,
pour de raison de l'exaltation des certaines puissances soutenant la
thèse de la diffusion des origines communes des caractères
culturels et s'opposant à un développement identique des
sociétés. Mais ces courants furent bloqués par leur
démarche qui consistait à illustrer leur thèse à
partir de données statistiques. Le diffusionnisme comme
l'évolutionnisme défendaient la supériorité de la
culture occidentale.
Mutuza tente de retracer l'évolution sociale et
culturelle de Lega(141(*)), sans pour autant se cantonner à observer
les changements survenus dans certaines sociétés africaines qui
subissent l'influence des sociétés occidentales. Le but de Mutuza
est alors de voir dans quelle mesure et vers quel mode d'organisation ces
groupes ethniques évoluent. La rapide transformation des
sociétés renouvelle sans cesse l'objet de ses recherches et lui
permet de réfuter les théories diffusionnistes.
C'est en métaphysicien qu'il résout le
problème de la culture. Par manque d'informations suffisantes en des
sciences biologiques, Mutuza tombe facilement dans le polyphylétisme.
La problématique de l'universel n'est pas une forme abstraite. Ce qui
est identique en soi et pour tous, c'est l'universel concret du
ëüãïò tel
qu'exposé dans De la philosophie occidentale à la
philosophie négro-africaine(142(*)). Si le sens de l'être naturel devient
une idée et se confond avec une idée advenue dans la nature,
c'est qu'à la source s'opère une réflexion de l'Etre et sa
conversion en idée en tant qu'acte éternel de naissance du
Verbe(143(*)). Mutuza
explique cette idée dans Sermons d'un prêtre
défroqué. Il pense au Verbe de Dieu fait chair et qui a
habité parmi nous. Il pense que la base est une couche de la population
qui est privée, mais ayant déjà en puissance, de l'avoir,
du savoir et du pouvoir. Comme on dirait le déjà mais pas encore,
ceux qui sont en voie de devenir.
Cette analyse de l'idée, Mutuza la
développe dans ses homélies aux paroissiens de Saint Joseph des
Epinettes. Il dit que « Tous les hommes, quels qu'ils soient,
à quelque race, à quelque classe sociale qu'ils appartiennent
portent en eux l'image de Dieu »(144(*)). On voit que la question de la culture se
transforme en une question de logique. Mutuza développe la question
ontologico-politique, exposant le statut de la « culture
primitive » dans ses trois moments :
Histoire-Ingénierie-Prédiction. Ainsi est fondé le droit
d'appartenance dans l'être même. Ce qui équivaut au pouvoir
de vérité qui défie toute domination. C'est sur ces trois
moments qu'il tisse la voûte de son édifice
épistémologique.
L'ontologie mutuziste est inséparable de la
théologie trinitaire parce qu'elle prétend résoudre le
problème philosophique de la vérité et de l'application de
la politique dans le concret.
Section 2. De la politique au
politique
§1. L'homme d'Etat
Si la politique constitue la coupole de l'édifice
épistémologique de Mutuza, la culture en est la base. Mutuza veut
être sur le terrain pour mener son action. En 1969 il devient Conseiller
au Bureau Politique du M.P.R. Les élections des années 77, sous
le régime du Marechal Mobutu, offrent l'occasion de
discréditer les Commissaires du peuple. Parce qu'il prend la
défense des Kivutiens contre les Tutsi, Mutuza s'attira la
reconnaissance du Parti Etat, MPR, tout en soulevant l'opinion en faveur des
sujets de Pangi, dans la province de Kivu, au Maniema, en 1987, dix ans
après.
Mutuza est fier d'être entré en politique par la
grande porte des élections. A ce titre la base l'a mandaté comme
représentant au Bureau Politique, et ensuite au Conseil
Législatif (Assemblée Nationale)(145(*)). Mutuza a découvert
le sens du bien commun et le sens de responsabilité envers la
communauté.
Les sujets de Pangi furent souvent opprimés. Mutuza
soutient de parole et d'autorité la loi sur la décentralisation.
Il met en garde les commissaires du peuple, qui voulurent, pour cesser avec les
hostilités, octroyer la nationalité congolaise, sans condition,
à tous les Hima-Tutsi. C'est là son premier discours
académique(146(*)) qui démontre de son
ingénierie(147(*)) sociale et de sa théorie de
prédiction(148(*)) de l'action sociale.
Comme Conseiller et Chef de la section
Idéologie à l'Institut Makanda Kabobi, Mutuza, dans son
Mon expérience d'homme politique
congolais, dit que « mon passage (...) m'a
donné l'impression que je m'étais retiré de la vie
sacerdotale pour entrer dans une église (...), car, le travail qui
était demandé aux conseillers de l'Institut n'était ni
plus ni moins que celui qui est demandé au théologien, à
savoir : expliquer, expliciter et justifier les dogmes sans jamais les
contester ni les mettre en doute »(149(*)).
Mutuza insiste sur l'aspect de la majorité. C'est
l'idée qu'il se fait du choix électoral. Il donne deux conditions
pour accepter d'être candidat : primo il ne veut pas être en
compétition avec plusieurs candidats en vue de constituer une assiette
électorale crédible et d'envisager avec confiance des alliances
et des adhésions avec d'autres groupes. Secundo, il pense que son aire
géographique doit s'organiser pour entreprendre sa campagne. Comme
professeur d'Université et comme technicien dans le Parti, il n'aurait
pas les moyens pour assurer sa campagne électorale face à ses
adversaires politiques qui disposent des moyens de leurs
« campagne à l'américaine : avions,
cortèges des voitures accompagnant les leaders, distribution de billets
de banque, frais à la foule et j'en passe »(150(*)).
Mutuza pense à la nécessité du renouveau
de la mentalité dans la Région. Il croit que le niveau
intellectuel élevé est le critère pour que l'on aborde les
problèmes régionaux et pour que l'on fît des propositions
concrètes au Bureau Politique. L'ancienneté est un critère
relatif et l'expérience le critère absolu.
Mutuza se nourrit des idées de Kipling (+ 1936) dans
Rawrads and Fairie. Ce qui lui permit d'avoir des idées
révolutionnaires. Son oeuvre est fortement politisée.
Il y développe trois thèmes principaux : le patriotisme, le
devoir des congolais vis-à-vis de leur pays et l'autorité de
l'Etat. Son nationalisme révolutionnaire a nui à ses ambitions
politiques notamment face à l'accueil dans les milieux
intellectuels pro occidentaux. Son anti-néocolonialisme
idéaliste est bien loin de la réalité de la
néo-colonisation. Il en avait tout à fait conscience. Les
campagnes électorales furent une jungle. Candidats et bases s'affrontent
et se confrontent. Mutuza se souvient du frère Mowgli de Kipling. Il
pense à l'adoption. Pour se consoler, au lieu de lire les aventures de
Mowgli, il méditait un des autres beaux poèmes de Kipling :
« SI »(151(*)).
S'il s'est engagé dans ces élections, ce n'est
pas qu'il ignorait la philosophie du système en place. Le tout s'est
fait dans le dessein de contraindre « le système de se
définir dans le fait, plutôt que de lui prêter des
intentions »(152(*)).
On voit là combien « la Loi de la Jungle
établit très clairement que chaque loup peut, lorsqu'il se marie,
se retirer du Clan auquel il appartient ; mais, aussitôt ses petits
assez âgés pour se tenir sur leurs pattes, il doit les amener au
Conseil du Clan, qui se réunit généralement une fois par
mois à la pleine lune, afin que les autres loups puissent
reconnaître leur identité. Après cet examen, les petits
sont libres de courir où il leur plaît, et, jusqu'à ce
qu'ils aient tué leur premier daim, il n'est pas d'excuse valable pour
le loup adulte et du même Clan qui tuerait l'un d'eux. Comme
châtiment, c'est la mort pour le meurtrier où qu'on le trouve, et,
si vous réfléchissez une minute, vous verrez qu'il en doit
être ainsi »(153(*)).
C'est là que se manifeste le Mal zaïrois. Il
s'indigne, il se sent frustré. Il dénonce pour ne pas être
complice. « Nous ne pouvions longtemps accepter cette injustice
sans la faire connaître, la partager en quelque sorte avec les autres,
écrivit-il »(154(*)).
En tant qu'homme politique, l'auteur de l'Ethique
et Développement : cas du Zaïre,
réfléchit sur les valeurs à promouvoir dans un Etat. Il
pense à la régulation de la justice. Il fait une étude
métaphysique des rapports entre justice et punition, amour et
pouvoir155(*). Il
dénonce l'hédonisme et l'eugénisme fonctionnel de la
classe dirigeante, et ne laisse pas de côté la
vénalité des agents. Tout est corrompu. Il faut que la
société se défende. Il faut une éthique de
responsabilité.
La publication du livre connaitra oppositions et attaques. On
trouve alors des astuces de toute part pour interdire la publication de
l'ouvrage. Mutuza, qui s'était jusqu'alors interdit de traiter des
questions des mots, se voit dans l'obligation de clarifier certains concepts
qu'il a utilisés dans son livre.
L'histoire se complique quand Kangafu de l'Institut Makanda
Kabobi, censure le livre de Mutuza en attribuant à l'expression
« développement» un marxisme marxisant
«la base et la superstructure» en l'accusant de manque
de coordination. Mutuza est accusé de démobilisateur. Son
livre taxé d'avoir des propos irrespectueux, outrageants et excessifs.
Mutuza réagit violemment à cause des associations
provoquées par l'idée mal zaïrois (imposer en
établissant fortement, prouver ou vérifier...), et signala
à Kangafu que la distinction entre la base et la superstructure ne
venait pas de son livre mais d'une mauvaise compréhension de ces
expressions marxistes de base. Il attaque Kangafu mot à mot. Il lui
montre qu'il est d'abord professeur d'université avant d'être
politicien, qu'il est philosophe avant d'être moraliste et qu'il est
historien avant de pouvoir rapporter une opinion.
Kangafu enviait être ce qu'il n'était pas sans
savoir ce qu'il était. Il ne put que décliner la proposition.
Mutuza, très consistant et insistant revient sur le terrain logique de
la scolastique. Kangafu y était aussi initié. C'est en
considérant que les questions d'appellation n'ont pas d'importance, que
Mutuza accepta la proposition d'amputer le chapitre au livre même si
cette proposition ne lui plaisait guère. Il se retrouva vite face
à la confusion qu'il avait cherché d'éviter : en
quelques années l'expression «développement »,
utilisée par Mutuza lui-même dans plusieurs articles, était
devenue synonyme de mal zaïrois. Personne ne s'était
jamais soucié des remarques et mises en gardes
répétées de l'auteur de Ethique et
développement contre cette dérive sémantique ;
si bien qu'il décida alors d'utiliser la base et la
superstructure pour désigner sa thèse et afin
d'éviter qu'on l'associât plus longtemps, dans un parfait
contresens, à une évaluation soumise aux règles du calcul
du mal Zaïrois.
Il est à noter que les deux hommes politiques se
placent sur la philosophie scolastique. Kangafu prend les arguments du moine
Gaunilon contre saint Anselme de Cantorbéry (156(*)) et les lance à
Mutuza. Ce dernier l'attaque de front et agence les idées qu'il
défend dans son ouvrage. Kangafu, de son côté accuse Mutuza
de contradiction, mais sans étayer sa thèse avec des preuves.
Mutuza se voit triomphant et cherche par quelle voie instruire celui qu'il
considère comme enfant intellectuel.
Mutuza écrit : «comment un auteur peut,
à propos d'un même chapitre
« être concis» d'une part, et « n'effleurer
que la chose » d'autre part ». Cette affirmation est une
des celles que l'on donne en exemple en logique formelle pour illustrer
l'état d'un raisonnement vicieux »(157(*)) (lequel n'est jamais
très précis), ou « votre affirmation confond ainsi
toute les notions »(158(*)) (par la manière dont les mots sont
employés dans le contexte d'une théorie). Dans ce cas ces mots
sont biens plus ambigus. L'avis de l'auteur de Réflexions
d'un séminariste autour des événements des années
60 est sans appel : « des concepts sans
ambiguïté, ou ayant des frontières tranchées,
n'existent pas ». Mutuza restera alors dans ses fonctions
d'enseignant.
Dix ans après, c'est-à-dire en 1987, il eut eu
en septembre des élections législatives. Mutuza regarde les gens,
voit les politiciens et comprend que ses adversaires politiques n'avaient
aucune prise. Parce qu' « en tant que professeur, il(s) ne
pouvai(en)t, par leurs manoeuvres, me faire démettre de mes
fonctions »(159(*)). Il se souvint alors de l'aventure de 1977.
Il décide de se présenter comme candidat
Commissaire du Peuple avec la motivation de contribuer au bonheur du Peuple, de
défendre les faibles. En tant que prêtre, il s'en souvient, il ne
supporte voir les malheurs des autres. Et il accepte de revenir aux
affaires.
Mutuza va connaître les déboires. Son concurrent
avait tellement peur de lui au point qu'il « s'était
même avisé de (l)'éliminer physiquement, pendant que (il)
menai(t) (sa) campagne à l'intérieur de la
Zone »(160(*)). Les affiches de Mutuza ont souffert
d'outrages.
A la proclamation des élections Mutuza échoue,
il n'est que suppléant. Son adversaire élu au nombre de voix
« plus élevées que celui des
électeurs »(161(*)), Mutuza devient député
élu.
Dans les années 90, pesait sur Kinshasa une double
menace de coup d'Etat et un putsch, de la subversion appuyée par les
Tutsi du Rwanda. Tout se discutait activement dans les villes et les villages,
dans les cours, les marchés et aux croisements des chemins et rues. Et
cela dans un nouveau langage. Tous discutent activement. Si vous demandez de la
monnaie à quelqu'un, il répond ou développe la
philosophie sur la démocratie et sur la dictature. Si vous voulez
savoir le prix d'un pain, on vous répondra que Tshisekedi sera le
Premier Ministre. Si vous demandez « mon bain est-il
prêt ? », votre serviteur vous répondra qu'en
démocratie on est libre de faire ce que l'on veut(162(*)). Les passions sont si
violentes que les séances manquaient parfois de dignité et de
retenue. Ces curieuses doléances montrent l'atmosphère dans
laquelle le changement social s'opère. Mutuza s'indigne du comportement
de l'homme politique. Dans une interview au journal Numerica, il
confesse comme au IIème Concile oecuménique:
« je salue à distance accords et
consensus ; car je sais combien ils sont fastidieux, plus
jamais je ne siègerai parmi ces grues et ces
oies »(163(*)).
On a souvent critiqué Mutuza, le politique. On ne
comprend pas l'homme politique sans prendre soin de ses angoisses de la vie et
ses répulsions face au pouvoir militariste et démagogique. Sans
considérer non plus les difficultés que pouvait rencontrer dans
la République du Zaïre de son époque un homme nouveau, ne
disposant ni de clientèle ni d'argent. Mutuza est un philosophe
répugnant au pouvoir militaire. Il est un homme de goût et
d'étude, détestant la démagogie. Il connaît et
regrette l'immodération de ses compatriotes.
Il apparaît au contraire que, loin d'être
médiocre et inférieur à l'orateur ou au philosophe ;
homme politique, il entend demeurer lucide et habile, ouvert à des
situations et solutions neuves et libératrices.
L'auteur de l'Apport de la Psychologie dans la
formation d'un juriste n'a pas d'autres moyens d'action et
d'influence que le refuge dans ses publications. Chez Mutuza action et culture
sont inséparables. Haïssant la violence, il cherche
l'efficacité. Il la trouve dans la parole agissante, dans les
écrits d'histoire et de philosophie. L'homme d'Etat est un
éducateur. Il doit lui-même au préalable recevoir une
formation. Il lui faut forger l'homme, tout l'homme pour obtenir un personnage
politique(164(*)). Ainsi
naît la notion d'« intérêt
général » dont l'assise est le concept
d'appartenance.
Mutuza est obligé d'appartenir à une structure.
Il doit obéir à la nouvelle vague politique.
Député, il s'en va à Kalima en vacances parlementaires. Il
réfléchit, pense et partage ses expériences avec la
population. Il voit comment on adhère au Mouvement Populaire de la
Révolution malgré l'état des choses, il participe à
la création du Parti Politique « le Mouvement de
solidarité pour le Développement », (MSD) qu'
« Un groupe d'intellectuel de tous âges, de toutes les
conditions sociales et de tous les milieux, venaient de créer un Parti
Politique, le Mouvement de Solidarité pour le Développement, en
sigle M.S.D... »(165(*)).
Nous sommes à la turbulence du redoutable Bindo, de
l'impitoyable Masamuna, de l'incroyable Madova et de beaucoup d'autres escrocs
dont les Kinois furent des naïves victimes.
Mutuza, comme Cicéron, ne perd jamais de vue ni son
expérience concrète d'homme d'Etat, ni son dessein d'appliquer au
cas particulier de Kindu, les principes qu'il déduit de sa philosophie
d'appartenance. Lors qu'il écrit, la crise de l'identité est
évidente. Chacun s'interroge sur le meilleur régime à
établir, sur les devoirs qu'inspirent aux citoyens les
révolutions et les guerres civiles.
Le président du M.S.D. est nommé Ministre. Homme
d'Etat qu'il est devenu va souffrir du fait que les membres de son Parti
Politique interprètent mal sa nomination. Ils ont pensé qu'il le
fût parce que Président du Parti. « Grosse erreur,
déclare Mutuza ! »(166(*)). Et à lui d'ajouter en toute modestie
que « c'est grâce à mon nom et à ma
réputation dans le milieu politique, le Parti avait acquis du
crédit, en ce moment où les groupes politiques se
préparaient pour affronter le multipartisme, mais hélas !
ceux qui devaient permettre à notre Parti de fonctionner, ont
brillé par leur incohérence et leur
mesquinerie ! »(167(*)).
Le parlementaire s'est vêtu en costume et cravate
contrairement à l'idéologie de l'époque. Il montrait qu'il
n'était pas de l'obédience du citoyen Président Fondateur
de M.P.R.
Cette étape éclaire l'état d'âme de
Mutuza. Sa formation scientifique ne lui permet pas d'être un bon second.
Il est normal parce que philosophe, législateur et concepteur, il n'est
pas «un exécutant de quiconque que ce soit, Président
de la République ou Roi »(168(*)).
Il fait la connaissance d'Arthur Zahidi Ngoma. Cet homme est
intelligent. Il est un des nos intellectuels. Il a travaillé à
l'UNESCO.
Comme Ministre de la Culture et des Arts, Mutuza a
conçu trois axes de la politique culturelle : 1° la conversion
des associations culturelles en des unités de production ; 2°
la commercialisation des oeuvres d'art ; 3° la mise en place du
Conseil Supérieur de la Culture et des Arts. Il importait de donner un
sens aux activités culturelles, d'établir une corrélation
et une correspondance entre la culture et le tourisme.
Mutuza réfléchit entre autre sur l'entrée
des réfugiés rwandais. En tant que Ministre, il voit se dessiner
ce qu'il redoute de plus : l'errance qui n'est pas le propre de l'homme et
l'entropie. Et il décrie la présence étrangère.
v Xénologie
Marquant l'irruption de la tragédie dans le quotidien
insignifiant des pays des Grands Lacs, la scène des meurtres des
congolais, dont la seule cause réside dans la pesanteur
irrésistible de la non-correspondance et de l'accablante
non-corrélation entre l'ethnonyme, le glossonyme et le toponyme entre
Tutsi, Hutu et kinyarwanda, constitue un épisode central autour duquel
s'articulent les premiers chapitres de La problématique du Mythe
Hima-Tutsi. Inauguré par la mort des femmes enterrées
vivantes également sous le signe d'une monstrance du pouvoir, la
quête du sol écrase et entraîne les grands lacs
jusqu'à la mort par millier des congolais. La problématique
du Mythe Hima-Tutsi ressemble au récit d'un étranger au
monde, comme à son geste, précipité malgré lui dans
un enchaînement inéluctable de hasards face auxquels il reste
passif et indifférent, les Tutsis symbolisent l'absurdité d'une
condition dont les lois échappent à l'homme.
La xénologie de Mutuza est un marxisme à la
camusienne très visible dans son oeuvre. Il veut comprendre les autres,
comme Camus (+ 1960) dans l'Etranger(169(*)) cherchait le sens de la
différence. Et c'est le 17 mai 1997, avec l'entrée d'un groupe de
rebelles menés par Laurent Désiré Kabila (+ 2001), qui
achève de s'emparer du Zaïre en prenant possession de la capitale,
Kinshasa, que va éclore le mythe hima-tutsi. La République du
Zaïre est rebaptisée République Démocratique du
Congo, RDC. Mutuza se demande comment les étrangers - rejetés par
la population à cause des menaces de sédentarisation - vont
rentrer chez eux alors que la Communauté Internationale qui les
héberge ne fait aucun effort de démocratiser le Rwanda !
Une nouvelle rébellion s'abattit sur le pays dont
à la tête furent les Tutsi du Rassemblement Congolais pour la
Démocratie (RCD) prêts à s'approprier une partie de la RC
Congo. L'histoire a fini par donner raison.
C'est alors qu'intervient la période des consensus, des
accords, des dialogues, des négociations.... Mutuza cherche alors
comment démythifier les Tutsi. Il multiplie les
conférences ; il renforce ses enseignements. Sa méditation
sur l'appartenance s'ouvre par l'analyse du désordre. Nous assistons
à la théorie entropologique. Mutuza rencontre Zahidi Ngoma qui
venait d'être choisi par consensus comme Vice-président de la RD
Congo. Celui-ci le nomme Conseiller Principal à la
Vice-présidence en charge du Socio-culturel. Mutuza compose et
achève La problématique du Mythe Hima-Tutsi.
Zahidi Ngoma, Kalele Kabila et Ingele Ifoto s'entendent
sous-main pour se partager le pouvoir : le gage de ce marché sera
la mise en quarantaine de Mutuza, manigancée en 2005 par Ngoma Binda qui
ambitionnait devenir Député Indépendant, allié au
Camp de la Patrie. Chose qu'il n'a pas obtenue. Mutuza abandonné par les
membres de son Parti, se refuse à déclencher la division. Il se
retire dans son domaine et se refugie dans l'activité philosophique.
Mais, en 2006, devant l'indignation de la Province de Maniema, Zahidi Ngoma se
reprend, et le territoire de Pangi finit par obtenir quelques
représentants : c'est le retour triomphal. Cependant Mutuza ne
retrouve pas son influence de jadis ; il ne peut que louvoyer entre Zahidi
Ngoma et Bonane et tenter de rallier le M.S.D., Parti modéré
à très large assiette sociale, où le Maniema du second
tour de la présidentielle serait fortement représenté.
C'était la réaffirmation de la prédiction de Mutuza sur
l'avènement de la démocratie afdelienne:
« Vincere scis Hannibal, sed victoria uti ne
scis »(170(*)).
La philosophie politique de Mutuza est historiciste. Il part
de l'évolution des systèmes politiques pour aboutir à la
valeur dont il entend construire. Une bonne marge de cette philosophie est la
place qu'il accorde aux conséquences imprévisibles de l'action
humaine. Sans cette position, sa pensée n'aurait pas d'encrage
théorique.
Sa philosophie de l'Histoire, analyse de l'évolution de
la société lega(171(*)), puise chez Hegel mais avec cette différence
que chez Hegel l'esprit absolu est une espèce de divinité qui
échappe l'homme, tandis que pour Mutuza, l'esprit absolu reste une
activité humaine, lié à sa situation d'être relatif.
Cela est conforme à la dimension du temps entendu comme succession
(áêïëïõèßá).
C'est avec La problématique du Mythe Hima-Tutsi qu'il
s'élève au-dessus de la mêlée. On peut dire qu'il a
écrit un chef-d'oeuvre de philosophie politique et de philosophie
d'histoire pour enfin nous révéler sa théorie sociale. Et
l'an 2006 offre à la République un pouvoir légitime et
cela, par les urnes.
Bonane, Ministre de la Recherche Scientifique et
Technologique, voulant redorer l'image qu'il avait reçue de la science
nomme Mutuza Président a.i. du Conseil Scientifique National en 2007.
Mais se heurtant sur-le-champ à la fois au projet de Tutsi de ne pas
voir la RD Congo libre, Bonane est révoqué quelques semaines
après son Arrêté ministériel. Comme Mutuza est le
plus redouté des philosophes, il travaille sans
rémunération avec ses assistants pendant dix huit mois. Mais
l'infatigable chercheur de la vérité n'a cessé de
travailler. Et, en 2008, il achève l'oeuvre qui défend l'image du
philosophe zaïro-congolais avec De la Philosophie occidentale
à la philosophie négro-africaine, Apport des philosophes
zaïro-congolais.
Les Tutsi ne le lui ont pas pardonné. Ils n'ont
cessé de s'attaquer à lui en personne en achetant les images
télévisées autour des livres et écrits de Mutuza.
C'est l'essence génétique de sa pensée qui est
attaquée de toute part.
§ 2. Essence de la
pensée de Mutuza
L'essence de la pensée de Mutuza est d'être utile
à la société, sa société. Il est un des
personnages de la philosophie contemporaine congolaise sur lequel nous sommes
le mieux renseignés. Nous possédons sur lui des documents
précieux de la philosophie. Le premier est le commentaire sur Numerica,
commentaire qui expose sa foi en l'historicisme, en la prédiction et en
l'ingénierie sociale. Le second se trouve dans l'ensemble de son oeuvre
philosophique.
Ces brefs renseignements nous montrent suffisamment que dans
le devenir des idées, certaines oeuvres paraissent des jalons
privilégiés et possèdent une portée qui leur donne
le statut d'« événements ». La
Problématique du mythe Hima-Tutsi du philosophe lega est de
celles-là. Parue en 2004, l'ouvrage a mis en mal les partisans de
l'octroi sans condition de la nationalité congolaise aux Tutsi.
Si l'on se propose de retracer son parcours ainsi que les
grandes articulations de ses idées, il conviendrait de tenir compte des
moments suivants. La première étape est marquée
d'abord par une série d'insatisfactions d'ordre culturel et social,
ensuite par une mise en cause(172(*)) de l'enseignement sur le développement en
Afrique noire, par la mise en cause de la présence de Tutsi en RD Congo,
et enfin par l'expérience sur le terrain où, en philosophe et
homme d'Etat, il vit l' « agressivité et la
conflictualité aux dépens de la solidarité et de
l'intégration dans leurs contacts (eux les Tutsi) avec les autres
peuples »(173(*)). Prêtre catholique romain, il ne manqua pas
de transformer sa nouvelle soutane en défroque pour combattre de front
ses maîtres. Il est enseignant. Sa vie est celle de tout philosophe.
Celui dont les oeuvres qui compte de très nombreux opuscules, sont
pour la plupart des ouvrages de circonstances et dont le plus important est une
chrono-graphie anecdotique et philosophique des philosophes
zaïrois(174(*)).
Nombre de ses écrits ont trait aux questions culturelles et
politiques(175(*)).
On constate que chez Mutuza aussi, la société a
de plus en plus de mal à coïncider avec elle-même. Autrement
dit, les hommes qui vivent en elle et par elle s'identifient de plus en plus
difficilement aux relations et aux pratiques qui leur collent à la peau,
mais leur semblent en même temps extérieures, comme
imposées d'un dehors qu'ils ne savent pas très bien situer. Une
grande partie de la pensée contemporaine témoigne de cet
état de choses en se faisant pensée du retrait,
c'est-à-dire du désinvestissement par rapport aux pratiques
sociales et représentations qui les accompagnent.
La philosophie de Musey, par exemple, après avoir
été tentée par le projet d'une réévaluation
des concepts passant notamment par l'élucidation des structures de la
vie quotidienne, s'est tournée vers un réexamen critique de toute
la pensée de la philosophie occidentale, conçue comme
pensée de la volonté-de-puissance et de la domination dans
l'oubli du rapport originaire avec le négro-africain. Pour Mutuza, tous
les échanges sociaux, toutes les pratiques, marquées par la
réification et l'esprit de domination, participent d'une structuration
sociale qui aveugle les esprits et nivelle les différences.
La société qui prend la consistance d'une
seconde nature s'abandonne au vertige du monde, de l'accumulatif, de
l'hétérogène du déjà vu, déjà
codifié. Une telle évolution de pensée ne pouvait que
provoquer une certaine angoisse, car elle nous oblige à marcher à
tâtons dans l'inconnu et à repenser des formules anciennes, pour
les restituer dans un langage accessible et vivant. La philosophie,
l'anthropologie, la sociologie, la théologie et les autres sciences
humaines peuvent se révéler dangereuses lorsqu'elles deviennent
des idéologies qui veulent s'imposer à la réalité,
au lieu d'être des moyens humbles de mieux écouter la
réalité et s'émerveiller devant elle.
Il faut non pas regretter le passé, mais vivre le
présent et avancer vers l'avenir « afin de comprendre ceux
qui nous entourent, découvrir la vocation de l'être humain et
saisir l'évolution de notre monde »(176(*)).
Il est intéressant aussi de savoir que cette tradition
qui traite l'homme, le politique et le penseur avec tant de désinvolte
mépris a été systématiquement forgée par
ceux-là mêmes que l'auteur dénonce dans La
problématique du Mythe Hima-Tutsi. Ceux-ci l'assassinant,
assassinent du même coup les libertés congolaises sans les avoir
assassinées qu'ils n'assassinassent des Congolais. Des crânes, des
membres, des dents... quel horreur pour la déshumanisation des
populations en conflit ? Ces hommes luttent pour ce qu'ils n'ont pas
choisi : l'ethnie.
Citoyen Mutuza est patient. Il est heureux d'être ce
qu'il est sans jamais perdre ce qu'il n'est pas qu'il ne cesse de chercher.
L'auteur de Les fondements culturels du fédéralisme au
Zaïre, bien qu'homme nouveau, apparaît aux conservateurs
modérés et à l'opinion congolaise, du fait de ses liens
avec les journalistes et ses sympathies « populaires »,
comme l'homme capable de sauver la légalité.
Avec courage, éloquence et habileté, il combat
sur des deux fronts, voulant éviter la guerre civile, empêcher la
subversion, faire pièce aux démagogues. Pour cela, il s'appuie
non pas sur l'opinion publique, mais sur les étudiants avec aussi
certains journalistes et sur une partie de professeurs qu'il essaie d'associer
aux décisions de son Parti Politique, le Mouvement de Solidarité
pour le Développement (MSD) moyennant quelques concessions.
Tel est le premier problème qu'il se pose :
l'appartenance qui implique à l'orée une culture
générale. Mutuza se trouve entre trois options: les professeurs
du Civisme et Développement et de Philosophie de son
temps, essaient de ramener leur science à quelques recettes de routine;
ils ont imité Crahay qui, à la suite d'Isocrate, avait
conçu ce que nous appelons « culture
générale », étendue, sélective.
Cependant, ennemie des curiosités excessives et des
spécialisations; avant Isocrate, les sophistes avaient rêvé
d'un savoir universel et approfondi, Aristote avec le stoïcien Posidonius,
avaient essayé d'en réaliser l'idéal. Mutuza rejette la
première solution et balance entre les deux autres. Si la position
d'Isocrate représente le moindre mal, au dire de Houtondji, celle des
autres philosophes offre un idéal dont on peut se rapprocher, soit
individuellement, soit en suivant l'évolution des cultures et des
traditions(177(*)).
Cette attitude à la fois nuancée et exigeante
est dictée à l'auteur de Les fondements culturels du
fédéralisme au Zaïre par la définition
même qu'il donne à la culture : « la culture
est un ensemble complexe d'objets matériels, de comportements,
d'idées, acquis dans une mesure variable par chacun des membres d'une
société déterminée »(178(*)). Pour combattre
l'hégémonie culturelle occidentalisante, Mutuza
renchérit en distinguant la culture de la civilisation:
« Quant à la civilisation, elle désigne l'ensemble
des valeurs et des efforts que l'humanité doit réaliser en vue de
modifier le monde pour le progrès et le perfectionnement des
sociétés et des hommes »(179(*)). On voit là
comment on est sorti du devoir être à l'être. C'est la mise
en déroute de la théorie des valeurs. Il faut donc que le
philosophe palie cette difficulté. L'auteur de De la philosophie
occidentale à la philosophie négro-africaine trouve l'issue
par les penseurs de la polémique sur l'existence de la philosophie
bantoue. Il choisit une génération qui a lutté de front.
On trouve quelques figures qui illustrent les débats en sciences
sociales, en sciences humaines. Dans le domaine théologique c'est
surtout Mgr Tshibangu, Mulago qui le marquent et l'inspirent. Il est aussi
élève des célèbres Pères Blancs qui ont eu
l'habitude de publier aux éditions du Cerf(180(*)) et dont la réticence
raciste fait encore échos. Mutuza a été fortement
influencé par ses maîtres romains catholiques, des grands
théologiens comme Jean Daniélou (+1974) et Henri De Lubac...
Il a eu une influence de son professeur de philosophie,
Dubarle et Stanislas, et celui de sociologie, Breton et de Jean Pierre
Chrétien. Celui-ci donnait les cours d'anthropologie coloniale et
insistait sur des Tutsi ; il les protégeait comme une
minorité des lions au détriment de la majorité des
agneaux.
On retiendra que ces influences ont créé en lui
une triade qui inspirera tout son schéma philosophique : amour,
pitié et sympathie. La philosophie de l'appartenance tient une grande
place dans l'histoire de sa pensée. Elle intervient pour lui fournir une
technique. Il s'éloigne du psychologisme méthodologique. Il
emprunte la psychologie d'inspiration du Concile Vatican II pour tendre
à dominer les passions sans rejeter pour autant la douleur si elle est
sympathie, pitié, amour - caritas, misericordia, amor,
(óõìðáèåéá,
åëåïò,
áãáðç). Cette triade lui donne deux
couples : rythme-neurotonique et
plaisir-douleur(181(*)).
Avec cette conception, la théorie d'appartenance chez
Mutuza est à la fois proche de Crahay et de Tempels ; mais Mutuza
dénonce la conception universalisante de la culture telle que nous la
trouvons chez Crahay. A cela se rattache une théorie originale des
« thèses », ou questions générales.
Toute question particulière, ou
« hypothèse », se ramène à une
question générale.
Cet effort pour nourrir la culture avec la philosophie de
l'histoire permet à Mutuza de fournir une réponse originale
à une question célèbre depuis Platon: l'histoire,
chère à Thucydide (+ -400), et la rhétorique, chère
aux sophistes, ne sont-elles pas une antiphilosophie ? Mutuza a, en ce
domaine de culture, le souci d'unir étroitement forme et fond.
Par cette découverte, nous avons certainement atteint
le noeud de l'affaire. Mutuza, comme nous venons de le voir, a pris coutume
d'énoncer des jugements normatifs en termes des conséquences
qu'il désire obtenir. Il dit « La nationalité n'est
donc pas, avant tout, une affaire du temps, ni de lieu d'origine, sinon les
Portugais nés au Congo-Zaïre depuis1482 seraient tous devenus des
Congolais de naissance. La nationalité n'est pas non plus une affaire
administrative, sinon elle émanerait de la volonté du Prince,
principe qui viole le droit des peuples à disposer librement
d'eux-mêmes et qui ne fait que remettre au plus tard la solution du
problème. »(182(*))
Mais revenons-en pour finir, Il ne s'agit pas seulement des
théories d'un doctrinaire. Il suffit de lire ici ce qui concerne
l'action et la philosophie de Mutuza pour voir que ses écrits se
confondent avec sa vie, et même avec sa mort, peut-être !
Ce serait une erreur de croire que Mutuza, dans une
période de sa vie où l'action lui était pratiquement
interdite, où le pouvoir lui avait échappé, ait
improvisé, à partir d'une lecture éclectique des
anthropologues, des oeuvres théoriques qui ne seraient en somme que des
palliatifs. Dès sa jeunesse, à la différence de ses
contemporains, il a considéré la philosophie comme une vocation
exigeante et essentielle ; mais il avait refusé les
échappatoires qui offraient alors les doctrines belges, anglaises et
germaniques, qui permettaient à certains, dont Kinyongo Jeki, son ami,
de refuser l'engagement dans la vie politique.
Il n'est pas difficile, en effet, de retrouver dans ses textes
politiques très antérieurs aux grands bouleversements afdeliens,
dans ses cours de civisme et développement ou celui de
l'apport de la psychologie dans la formation d'un juriste,
ses positions sur le meilleur régime.
Mais on peut sans doute découvrir aussi dans
l'exposition de ces thèmes un enrichissement permanent, un passage du
simple programme à la théorie, une élévation vers
une sorte de mysticisme religieux qui nous fait insensiblement passer du
domaine de la politique contingente à celui des
« vérités éternelles ».
Nous trouvons d'abord, chez Mutuza, des indications
générales sur l'état de la politique à son
époque. Si on le pressait d'ordonner ses désirs et ses valeurs
dans une hiérarchie, citoyen Mutuza(183(*)) se révélerait certainement d'abord
démocrate, et seulement bien après socialiste. Il écrit
que par démocratie il n'entend pas quelque chose d'aussi vague que le
pouvoir du peuple ou le pouvoir de la majorité, mais un ensemble
d'institutions (entre autres notamment les élections
générales, c'est-à-dire le droit pour un peuple de chasser
un gouvernement) qui permettent un contrôle public des gouvernants et
leur limogeage par les gouvernés, et qui permettent aux
gouvernés d'obtenir des réformes...La démocratie ... est
le seul procédé connu par lequel nous pouvons essayer de nous
protéger contre l'abus du pouvoir politique. Elle consiste dans le
contrôle des dirigeants par les dirigés. C'est le seul moyen de
permettre la maîtrise du pouvoir économique par les
dirigés. L'engagement de Mutuza envers la démocratie prend une
forme qui oblitère la question de savoir ce qui passe en premier. Cela
lui permet d'esquiver le problème des priorités en conflit. A la
différence de nombreux démocrates-sociaux (comme Gambembo Fumu wa
Utadi) il ne semble pas être ennuyé par le dilemme : et
qu'est-ce que je fais si le processus démocratique engendre des
résultats réactionnaires et antisociaux ? La raison pour
laquelle le problème ne se pose pas en termes de
réversibilité de son image de la démocratie. Il
conçoit sa philosophie politique à partir des bases
éthiques.
§3. Ethique et politique
Le pouvoir est la capacité de produire un effet sur les
êtres ou sur les choses. Ainsi, l'analyse philosophique de la notion du
pouvoir porte donc sur le siège réel d'une telle capacité
et sur la nature des effets qu'elle produit. On désire, en
présence des maux et injustices qui accablent les hommes mettre un
terme. Et le pouvoir politique est au sein des sociétés humaines,
l'enjeu d'une compétition particulière - et immémoriale -,
en vue de produire des effets jugés souhaitables.
C'est pourquoi, l'éthique permet à Mutuza de
connaitre la politique. D'ailleurs, nombre d'oeuvres philosophiques
de Mutuza, loin de traiter des sujets théoriques et abstraits, sont
étroitement liées aux événements de son existence,
et portent sur des questions d'éthique, dans la vie quotidienne comme
dans la vie politique. Il pense que l'opinion publique n'est pas la voie
nécessaire pour la compréhension de la société
parce que c'est tout le monde qui pense. Or, dans le domaine de la
pensée la force individuelle est plus grande que la force d'une
collectivité. Car, celle-ci est une sentimentalité
mélioriste qui n'entre pas dans le domaine de l'éthique et de la
politique.
On sait que le terme « éthique »,
désignant un certain mode et un code de comportement, a de temps
à autre donné prétexte à la formulation de diverses
opinions. Au cours des dernières années, la théologie
occidentale l'avait longtemps abandonné considérant que
l'éthique exprime une conception révolue de l'homme et de la
vie(184(*)). Ce terme a
son origine dans la pensée de l'antiquité grecque.
Etymologiquement, il dérive du mot
ñèoò (ithos) qui est une autre
écriture et interprétation du mot
åèoò (éthos). Aristote
considère l'éthique comme le pendant de la vertu, après
la raison
(äßáíïçôéêÞ).
Il pense que le mot « éthique » dérive du
mot « ethos », qui signifie
« habitude », dont il se différencie très
peu(185(*)). Par
conséquent l'éthique qui se forme selon l'habitude est
liée au temps. L'éthique désigne le comportement de
l'homme qui se forme au cours du temps.
Çèoò est l'habitude, une disposition
morale analogue à ÜñåôÞ,
qui peut s'acquérir sans intervention de l'intellect,
l'ñèoò, étant ainsi à
l' ÜñåôÞ ce que
l'ìðåéñßá est
à
l'ðéóôÞìç.
D'autres écrivains anciens considèrent l'éthique comme
quelque chose de divin, au-delà de la formation d'une façon de
se comporter qui résulte de l'habitude.
« Çèoò
áíèñþðùí
äáßìùí », dira
Héraclite, entendant par là que l'éthique est pour
l'homme la puissance divine qui demeure en lui-même(186(*)). Ici, l'éthique
humaine va au-delà d'une attitude façonnée par
l'habitude ; c'est le résultat de communion avec le divin. C'est
dans Le Bwame, superstructure de la société lega frein ou
moteur au développement ? qu'il définit une sorte
d'éthique du citoyen au sein de la République. En
particulier, dans Les fondements culturels du
fédéralisme, il s'inspire des travaux des anthropologues,
avec références à Platon et à Aristote pour
définir la forme de gouvernement la plus parfaite à ses yeux, en
plaçant le Zaïre au coeur de ses conclusions.
Pour la politique, Mutuza conçoit l'Etat comme une
machine dont l'ingénieur a la lourde responsabilité de la garder
en forme. C'est pourquoi, il pousse à l'extrême son opposition
à Marx et à Rousseau. D'abord séduit par Karl Marx (+
1883), il récuse la thèse du contrat social. C'est que Rousseau
applique au politique la conception cartésienne de la liberté
absolue, souveraine et inscrutable. La « volonté
générale » réalise dans la cité, en
fusionnant les libertés individuelles, la toute indépendance
divine, sans degré ni langage, sans positivité ni organisation.
La liberté humaine met au défi la toute puissance de Dieu, de ce
Dieu dont nous n'avons aucun a posteriori. On ne peut non plus se douter que la
« volonté générale »
sécrète les lois comme le Dieu de Descartes (+ 1650) invente
l'ordre des raisons. Il en résulte que le droit relève de son
fait et que les individus sont aliénés à la volonté
indivise et sans visage. Rousseau (+ 1778) engendre Robespierre (+ 1794), la
liberté absolue équivaut à la terreur.
C'est la philosophie de l'Etat lega qu'il coordonne pour
appliquer en RD Congo afin de pouvoir démontrer que l'Afrique peut
inspirer de la structure de sa philosophie sociale et politique.
Mais c'est en s'opposant à la doctrine marxiste de la
superstructure que Mutuza définit sa position singulière. Il
applique sa philosophie morale à la théorie de la superstructure
de Marx. Mais il ne pense pas que la philosophie est nécessairement
politique. Car, ce serait contredire la philosophie que de rester sur la
science positive, chère à Comte (+ 1857). Même ceux qui
s'inspirent de Politique d'Aristote tirent
des principes premiers de ce qu'ils doivent, de ce qu'ils peuvent et de ce
qu'ils ne doivent pas faire.
Si non, ils énumèrent les nombreux effets
désirables que nous attendons. Les questions de savoir quand est-il
juste - si ça l'est jamais -, que certaines personnes, qu'ils soient
dictateurs ou majorités démocratiques, emploient la force pour
obliger les autres à se soumettre à leur choix ? Qu'est-ce
qui rend la violence légitime ? Quand est-ce notre devoir que
d'obéir à l'autorité politique, et quand est-il
fondé de s'en servir pour distribuer des avantages aux dépens de
nos citoyens ? Le sens commun identifie la contrainte de l'Etat à
la réalisation par la force du bien être commun. En effet, si,
pour Marx le capital n'est pas res (l'argent, moyens de production),
il doit être, au contraire, étudié comme processus cyclique
qui se déroule en permanence à l'échelle de la
société tout entière, et dont le moment principal est
celui de la production ; c'est là que s'effectuent la
transformation matérielle de la nature et la création de
survaleur ; c'est là que s'effectue le travail sous la condition de
fournir un surtravail. L'autonomie de la culture réalise un dualisme
anthropologique et se résout dans son universalité, dans la loi
morale inconditionnelle qui impose à notre vouloir son impératif
catégorique, comme le dirait Kant.
La critique mutuziste du matérialisme historique montre
d'abord son formalisme, son abstraction. Marx ne dit jamais ce qu'il faut
faire, mais comment il faut le faire. Cela permet à Mutuza d'aller aux
sources de l'Etat. Son admiration pour baame(187(*)) chez les Lega se conjugue, dans sa réflexion
sur la politique, avec l'adhésion au principe, répandu par le
christianisme de la théologie de gourdin, de la liberté et
éclaire les vicissitudes de l'histoire politique de la RD Congo.
Les `baame' ont réalisé l'unité
substantielle des individus dans la réciprocité des consciences
au sein d'une même organisation. Cette unité est naturelle,
immédiate. C'est pourquoi les individus ne s'en affranchiront, dans
l'Etat congolais qu'en étant réduits par le droit à la
plate identité d'atomes indifférents, à la
personnalité juridique. En revanche, l'inaliénable volonté
personnelle s'insurge contre l'ordre pour s'épuiser dans la violence.
Il faut donc, et c'est là le rôle de l'Etat
moderne, substituer à l'organisme naturel, miné par les
tâches, l'organisation rationnelle qui seule assure et règle le
jeu des volontés. Mais l'exigence de conciliation se conjugue ici avec
une nécessité inhérente à la communauté des
Hutu. Car Mutuza, à partir de sa philosophie de la société
lega, déduit des principes très stricts d'une certaine
ecclésiologie. La société globale congolaise doit se
réaliser, dans l'ordre objectif de l'histoire de la conscience
collective absolue que le Lusu(188(*)) révèle. Ce qui implique une
société conciliée, offrant l'unité de l'universel
et du singulier, de l'intérieur et de l'extérieur. Or Mutuza
porte sur l'histoire des communautés des Bantu un jugement très
dur. Si le Bwami, très décentralisé chez les Hutu, sombre
dans l'extériorité, dans le cours du monde, meurt chez les Tutsi,
à leur rencontre avec les Hutu, il fut renforcé et perverti par
les colonisateurs. Le Lusu, de son côté, dévalorisait les
oeuvres des Blancs et méprisait leur civilisation en s'enfermant dans
une intériorité abstraite. Il a eu le privilège de
valoriser l'unité du pays dont les institutions modernes durent tenir
compte de leur clandestinité et de leur survivance.
Avec sa rigueur habituelle, simple et rude, Mutuza en
déduit que la RD Congo a manqué à sa mission de
réalisation d'un Etat fort. C'est donc l'Etat fédéral qui
remplacera, c'est son hypothèse, l'Etat centralisé non-conforme
aux fondements culturels. Ce ne serait d'ailleurs pas un Etat laïc qui
traduira, dans la communauté des hommes, quelque chose de semblable
à la religion absolue. Marx en avait vu les lueurs chez Hegel sans
jamais s'y être trompé lors qu'il affirme, dans la Question
juive, que l'Etat ne doit point être séparé de
l'Eglise, mais disparaître comme la religion, car c'est lui qui la
réalise. Cela nous parait clair du fait que Mutuza a refusé de
faire parti du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) le
considérant comme une Eglise. Il dit que « Certes,
j'étais déjà à cette époque Conseiller et
chef de section idéologique à l'Institut Makanda Kabobi. Mais
là, je ne me suis pas vraiment senti dans ma peau. Depuis que je me suis
retiré de l'exercice canonique de la vie sacerdotale, je suis devenu
allergique à toute institution ou système de pensée
dogmatique et totalitaire. C'est pourquoi, je me gardais de quitter une
église pour entrer dans une autre. J'entends ici l'église du
point de vue institutionnel et non de la foi »(189(*)). Cette connaissance
d'une éthique responsable nous permet de bien cerner les questions
philosophiques et les préoccupations de Mutuza.
Section 3. Espace
philosophiques
§1. Milieu philosophique
Comment Mutuza se prend-il dans l'espace philosophique de son
temps ? C'est dans une tradition que l'on comprend la pensée de
Mutuza. Sa vie et sa pensée plongent dans la communauté
universitaire, dans sa vie familiale, dans sa politique, dans son idéal
de la morale. Mais, par ailleurs, la pensée de l'auteur de Mon
expérience d'homme politique congolais s'est aussi définie
en fonction de la philosophie de son temps. Nous avons vu dans quelles
circonstances il a été amené à étudier la
philosophie. Il est un enseignant qui comprend la nécessité de
réévaluer les concepts, pour exposer la culture lega à
l'élite intellectuelle, d'en connaître la philosophie et la
pensée pour répondre à ses difficultés.
Ceci nous aide à comprendre son attitude à
l'égard de la philosophie : d'une part, il la méprise, en
tant qu'elle est une chose de ce monde au service de l'oppression, alors que la
culture est une participation et une intégration au monde
véritable ; il la combat en tant qu'elle est une vision
idéologique du monde qui forme un tout qui s'oppose à la vision
plurielle. Pour lui le philosophe est pareil à un chef d'orchestre qui,
à l'aide de son diapason, détecte les irrégularités
sonores du choeur.
La doctrine de la théologie (orthodoxe)
d'Origène est remarquable, l'enseignement philosophique consistait
à conduire les disciples à travers tous les systèmes,
« ne leur laissant ignorer aucune des doctrines des
grecs », leur recommandant de ne s'attacher à aucun
d'entre ces maitres, « même s'il était
considéré comme parfaitement sage
(ðÜíóïöïò) par
tous les hommes », mais d'adhérer à la culture
seule et à sa tradition. A cet égard, Mutuza est loin de partager
l'optimisme de Musey qui compare les philosophes aux héros et aux
prophètes et reconnaît en eux l'inspiration du
Ëüãïò.
Mutuza a compris que, si la colonisation est en soi
indépendante des systèmes philosophiques et de leur
actualité (capitalisme et communisme), il devait cependant l'exposer en
fonction des problèmes de son temps.
Il est un philosophe qui pense pour son compte. On trouve
très peu chez lui, hors du De la philosophie occidentale à la
philosophie négro-africaine, de citations ou d'allusions
précises à la philosophie, sa philosophie se situe dans la
problématique de philosophe de l'actualité.
Ce qui caractérise la pensée d'avant et
d'après l'indépendance de la RD Congo et de l'Afrique des
années 60. Elle est toute entière tournée vers le
problème des rapports entre Blancs et Noirs, vers la question de
l'identité culturelle. On parle de la philosophie africaine, de son
existence, de sa non-existence de la philosophie africaine. Le premier groupe
est celui des négateurs dont Franz Crahay, Levy Brühl (+ 1939) sous
l'impulsion de Hegel et leurs disciples, qui qualifient la pensée des
Nègres de la pensée alogique, et de la pensée sauvage. Le
deuxième groupe est celui des critiques comme Houtondji et ses partisans
qui accusent les philosophes africains des ethno-philosophes suite
à la publication de l'ouvrage de Tempels; le troisième groupe
est celui de Tempels avec La Philosophie Bantoue et les
philosophes immatriculés, et, le quatrième groupe est celui de
ceux de la réévaluation des concepts dont Musey, Mutuza et
Bwakasa sont les représentants. Il y a des nuances dans ces
écoles. Les questions comme celles de l'évolution(190(*)) de la race noire, celle du
rôle de la tradition orale, celle de la supériorité et de
la liberté sont au coeur des controverses.
La pensée de Mutuza baigne dans la même
problématique. Dans un article. Mutuza a
précédé l'histoire, du Journal Numerica, son
éditorial a montré comment AFDL et Mutuza, sont deux adversaires,
avec un identique esprit: combattre la dictature sous toutes ses formes. Est-ce
à dire que la pensée de Mutuza soit une pensée
tribalisante, un chainon de l'opposition radicale qui veut voir clair
à propos de la présence des troupes rwandaises sur le territoire
congolais? La notion de la nationalité est au coeur du système de
Mutuza. Le problème central de la philosophie politique du temps
présent. Mutuza insiste sur les faits de la culture déjà
mis en valeur par Jean Ladrière : « Il n'existe pas
une méthode générale de l'interprétation qui
permettrait de passer d'un seul coup d'une expression culturelle donnée
à sa transposée dans l'ordre conceptuel pur. Toute oeuvre de
réflexion compréhensive doit découvrir ses propres voies
et se forger ses propres instruments. L'entreprise de déchiffrement ne
peut se contenter de suivre des chemins tracés à l'avance, elle
ne peut que se développer pas à pas, dans la double
fidélité à ce qu'elle veut comprendre et à
l'exigence d'intelligibilité qui la met en
mouvement »(191(*)).
Le problème précis c'est de situer Mutuza dans
l'environnement philosophique de son temps, de décrire les mouvements
des idées à cette époque. Ce point est l'un de ceux
où les études sur les philosophes zaïro-congolais n'ont pas
encore eu lieu. Nous cherchons les éléments nouveaux pour en
préciser la portée. Nous cherchons dans l'oeuvre de Mutuza les
traces les apparentes de la philosophique de son temps, par les
problèmes posés et par des dépendances plus strictes. Il
nous restera à voir dans le cas de La Problématique du Mythe
Hima-Tutsi, la réaction d'un philosophe en face de la culture et la
défense que lui oppose Mutuza. Il nous le montre dans
l'interprétation qu'il donne de l'attitude des Bantu face aux Tutsi
cultivés de son temps, c'est-à-dire le dessein même qui
l'avait amené à se consacrer à la philosophie.
Quelle est la philosophie au contact de laquelle Mutuza s'est
forgé? C'est dans une philosophie contradictoire qu'il n'a toujours pas
comprise(192(*)). Ne pas
comprendre est sa philosophie parce que certains de ses professeurs parlent des
choses qu'ils ne connaissent ni ne comprennent eux-mêmes. Pour se
consoler, il se plonge dans la pensée de Rudyard Kipling. Il vit avec
les Blancs comme le frère Mowgli. C'est une philosophie sociale à
coloration marxiste. Mais quelle est cette philosophie sociale marxiste?
La question est susceptible de trois réponses. La première est de
dire que Mutuza a été en contact avec l'oeuvre de Karl Marx.
Cette thèse comprend une part de vérité. Mutuza a
fréquenté les textes de Marx. Dans La problématique du
Mythe Hima-Tutsi, Mutuza fait mention du matérialisme
historique(193(*)).
Mutuza n'ignore pas Hegel ni Nizan (+ 1940), il s'attache plus à Marx
auquel il doit beaucoup. On trouve chez lui les grands thèmes de la
pensée marxiste : révolution, Etat, pouvoir,
égalité, combat pour l'identité culturelle,
intérêt général(194(*)).
Pour Kangafu, Mutuza est un néo-marxiste.
L'épisode se situe au cours de la conférence sur le
fédéralisme à l'Université de Kinshasa au
début des années 9O. Or, la guerre d'agression a lieu vers la fin
de l'année 97 alors que les Rwandais sont déjà en RD Congo
depuis 1994 fuyant le génocide.
On voit là deux Mutuza dont l'un prêche la
démocratie et l'autre se bat pour la nationalité et
l'intégrité territoriale. Dès lors, si nous
écartons l'influence, la plébiscité de Numerica comme
impossible à déceler la philosophie politique, celle de l'Etoile
comme improbable, nous ne pouvons pas définir Mutuza comme
néo-marxiste. A partir de quoi, cependant, expliquer sa pensée et
les affinités qu'elle présente avec Nizan, en mai 1966 ?
Reste que ce soit à partir d'influences communes auxquelles le
néo-marxiste d'un côté, le mutuzisme de l'autre soit la
réponse. Or, c'est précisément ce que les textes nous
indiquent. Et nous arrivons ici au noeud de notre problème. Si nous
prenons, en effet, les textes de Mutuza lui-même nous n'avons pas
à chercher ailleurs ses sources philosophiques. Les oeuvres qu'il a
fréquentées, avec celles de Marx, ce sont celles des
fonctionnalistes, des structuralistes, des Pères conciliaires de Vatican
II. Or, si nous reprenons la vie de Marx, par Gustave Marttelet, nous
retrouvons les mêmes noms. Nous avons désormais tous les
éléments pour définir les concepts de la formation
philosophique de Mutuza. Il y a d'un côté le contact personnel
avec une partie de l'oeuvre de Marx ; il y a, à l'autre
extrémité, l'enseignement des missionnaires dont la portée
est difficile à déterminer. Mais, entre les deux,
l'élément essentiel nous apparaît la fréquentation
des philosophes et commentateurs de la génération
antérieure. La lecture de la Présence Africaine, de
Césaire Aimé (+ 2008), de Cheick Anta Diop (+ ?), de Alioune
Diop (+ ?), de J. Kizerbo (+ ?), ne sont pas en reste. C'est le
milieu à partir duquel la pensée de Mutuza s'est
constituée.
§2. De la
démocratie
Notre pays s'appelle la République Démocratique
du Congo. Et des nombreux autres Etats d'Afrique sont dénommé x
démocratique. De ce fait, une coutume à repenser conduit les
philosophes africains à rechercher si l'on doit démocratiser
l'Afrique ou africaniser la démocratie. Mutuza préconise la
démocratie comme système politique. Il précise qu'elle est
obligatoire si et seulement si sa structure politique et administrative se
caractérise par un réel équilibre entre l'exécutif
et le législatif, si elle a une action continue et efficace conduisant
à la liberté. Nous sommes tous appelés à la
libération du coeur, à nous ouvrir aux autres et à
découvrir ce qui fait le fond de notre être. Chercherions-nous
à définir les mots démocratie et liberté ? Il
est intéressant, du point de vue de l'histoire de la philosophie, de
rappeler à quel point Mutuza se situe à contre courant, en ce
qui concerne l'orientation massive prise au XXème
siècle et que l'on a coutume d'appeler de nos jours le «tournant
linguistique ». Biface à l'origine, insufflé d'un
côté par Nietzsche et Heidegger, de l'autre par Frege et
Wittgenstein, lequel tournant qui a dû conserver pendant la majeure
partie du siècle deux volets: l'un continental et
post-heideggérien, l'autre anglo-saxon, qui s'intitula philosophie
analytique puis (bien qu'on ne puisse en toute rigueur assimiler les deux
écoles) philosophie du langage ordinaire.
Tandis qu'en Europe(195(*)) se passe des débats sur le langage et la
querelle des mots, en Afrique c'est le débat sur l'existence ou la
non-existence d'une philosophie authentiquement africaine. Une longue
période fut consacrée et consacra un rapprochement de ces
tendances, confirmant d'autant plus l'importance et la réalité
dudit « tournant linguistique de la philosophie». Le jeu de
mots est un exercice que l'on rencontre dans les littératures
coloniales. On nie pratiquement tout ce qui est humain au
nègre. La démocratie est un luxe pour l'Afrique,
disait un homme d'Etat français, il s'agit de J.
Chirac! Et Mutuza se dresse contre cette tendance. Pour lui, il faut
comprendre la conception et la réalité démocratie
plutôt que s'en tenir au mot démocratie.
Nous ne savons pas trop ce que veut dire Mutuza quant à
ce qui concerne la démocratie. Nous
lisons «-L'industrialisation n'est pas une panacée ;
mais il faut noter que l'industrialisation exige un système de
gouvernement approprié qui n'est autre que
démocratie »(196(*))
La manière dont pour sa part Mutuza emploie le terme
démocratie est assise sur deux chaises : le
déontique et le conséquencialiste.
En général, il y a deux sens courants de la
comprendre. L'un est procédural et déontique. Il se
réfère à un ensemble de règles de décision
collectives qui, si elles sont respectées, constituent un
régime que nous appelons démocratique. L'autre est
substantive et conséquencialiste. Elle se
réfère à l'ensemble des décisions communes qui, si
on les a bien prises, caractérisent un régime
démocratique.
Le sens déontique nous obligerait à accepter
le verdict des urnes, aussi idiot ou pervers que nous puissions le
juger ; c'est la décision démocratique, et nous sommes
censés de le respecter. Les démocrates-sociaux (les
liberals) américains sont les partisans de cette
interprétation, alors que les libéraux classiques seraient
entraînés, par des verdicts des urnes déplorables,
à mettre en cause les règles, les lois électorales, le
droit de vote inconditionnel, le financement des campagnes ou d'autres
éléments du processus de choix collectif.
L'interprétation conséquencialiste, en revanche,
nous amène à identifier une procédure de décision
comme démocratique si elle a donné le bon résultat,
antidémocratique si elle a donné le mauvais. Ainsi, il en va pour
Rousseau et de ses héritiers comme Robespierre dont A. Mathiez (+ 1932)
proclame la grandeur en disant que : « quand les adversaires
de la Révolution s'attachent à confondre Robespierre avec la
Terreur et à faire retomber sur ce grand démocrate tout le sang
qui fut alors versé, ils sont dans leur rôle. Pour atteindre
l'idée démocratique, ils visent l'homme qui la personnifia et qui
la fit triompher tant qu'il vécut ».
Il n'y a rien dans le conséquencialisme mutuziste qui
oblige un conséquencialiste à parler en termes de la lettre au
Père Noël, en termes d'un inventaire de ce que devraient
réaliser de bonnes institutions. Il est tout à fait
autorisé à tourner un peu, et à raisonner plutôt en
termes des caractéristiques qu'une institution doit posséder pour
être bonne, où le bon demeure un bon
conséquencialiste, instrumental, déduit des buts qu'il veut faire
servir par l'institution. Une telle démarche ne vient pas naturellement
du conséquencialiste. Que citoyen Mutuza lui-même, metteur en
scène de l'ingénierie sociale dans la résolution des
conflits, la Némésis des énoncés vides de sens
déguisés en propositions, produise une liste de ce qu'il entend
par institutions bien construites au lieu de nous dire comment,
précisément, il faut les concevoir, contribue quelque peu
à corroborer cette analyse.
Il existe cependant un cadre où l'on peut
décrire la démocratie par les effets que nous souhaiterions lui
voir produire sans dresser pour autant contre l'autre des rhétoriques
invérifiables. C'est le cadre du consensus politique
démocrate-social. On est tenté de croire que l'idée que
Mutuza se fait de la démocratie est relative au consensus, et qu'elle
est difficilement compréhensible en-dehors. A l'intérieur tout le
monde est à peu près d'accord sur ce que veut dire
« les gouvernés contrôlent les
gouvernants », que « le pouvoir économique
de l'Etat ne menace pas la liberté mais la protège »;
qu' « aucun citoyen n'est réduit à un
esclavage de fait ». Dans le premier cas cela veut dire que le
gouvernement est renversé quand il en fait trop ou pas assez ; dans
le deuxième cas cela veut dire que le pouvoir est exercé dans un
cadre institutionnel et suivant la volonté arbitraire des
bureaucrates ; dans le troisième cas cela veut dire que les
économiquement faibles ne sont jamais forcés de se vendre sur le
marché du travail.
Quiconque qui n'est pas démocrate-social ne sera pas
persuadé que ces termes décrivent un monde reconnaissable. Ils
sont réversibles et invérifiables ; ils jugent au lieu de
décrire ; ils ne signifient la même chose que pour ceux qui
ont la même mentalité.
La même mentalité, contraire à la
démocratie et à la paix dont elle est sensé apporter, doit
être cultivée. Les opinions démocratiques sont
subjectives ; et les intérêts qu'elles sont sensées
défendre sont aussi subjectives. Or la Culture est une
des notions clés de l'anthropologie, définie
en 1871 par Edward Burnet Tylor (+ 1917) comme « un tout complexe
qui englobe les connaissances, les croyances, l'art, la morale, la loi, la
tradition et toutes autres dispositions et habitudes acquises par l'homme en
tant que membre d'une société »(197(*)). La culture est la base de
recherche pour Mutuza, du moins en ce qui a trait au concept d'appartenance.
Dans La Problématique du Mythe Hima-Tutsi,
l'auteur nous donne de la communauté tutsie une vision
idéale. Pour croître vers la maturité humaine et grandir
dans la liberté intérieure, pour franchir aussi les
barrières de l'individualisme et de l'égocentrisme
derrière lesquelles nous nous cachons souvent pour nous protéger,
nous avons besoin d'appartenir à quelque chose de plus grand que
nous-mêmes. Nous avons besoin d'être liés aux autres.
Le groupe est la manifestation concrète de ce besoin
d'appartenance. L'appartenance a ses pièges. Si le groupe nous donne une
identité, une sécurité, une protection, un lieu pour nous
affirmer, il peut aussi se fermer sur lui-même en cherchant à
prouver sa supériorité par rapport à d'autres groupes
à travers et la distanciation et le mépris. L'appartenance
devient alors source de conflit. Nous accusons souvent la race, la religion et
la culture d'être à l'origine des grands conflits de
l'humanité. En chacun de nous git une certaine insécurité
qui nous incite à prouver que nous sommes meilleurs, plus puissants,
plus brillants. Si nous n'utilisons pas la race, la religion ou la culture pour
prouver notre supériorité, nous trouverons d'autres
armes. Nos actes les plus généreux cachent, eux aussi, un besoin
de supériorité sur les autres.
Mutuza rêve d'une structure économique commune
à la région des Grand-Lacs africains, source de paix pour ces
peuples : « C'est pourquoi pour avoir la paix et la
sécurité dans les pays des grands lacs, les peuples de cette
région doivent se doter de projets de société industrielle
moderne qui les rassemble autour d'un idéal commun de
l'industrialisation.
En effet, un projet de société est un
ensemble de valeurs, expressions des besoins et des aspirations d'une
communauté humaine, valeurs se rapportant à la nature et au
fonctionnement de la société, dont les règles de gestion
et de gouvernement sont consignées dans leurs constitutions
respectives.
De ces projet de société découlent
des lois, des normes et des normes auxquelles les membres de la
société devront se soumettre pour réaliser l'idéal
des sociétés industrielles modernes, qu'ils se seront
tracé eux-mêmes. »(198(*))
Lorsqu'il est question d'une démocratie
populaire, l'auteur prend ses distances envers ses maîtres
politiques. Le capitalisme comme tout autre système politique n'avait
jamais existé nulle part ; qu'il est encore à venir, et
qu'il était lui-même l''avenir'. Car le lendemain de
l'élection de Barack Obama à la présidentielle
américaine, G.W Bush a assuré au monde que le
capitalisme n'était pas à abolir mais à
restructurer(199(*)).
§ 3. De l'appartenance et de
l'identité(200(*))
Il est question de trouver une structure valable qui doit
être le point d'appui à l'identité. Celle-ci est la forme
de la compréhension. Elle peut être définie comme un
ensemble des éléments individuels qui sont reconnus
légalement sur le plan de l'état civil. Elle permet de prouver
sans équivoque ce qu'on est. On parle alors dans ce contexte d'une
usurpation d'identité lorsque la conscience collective de
l'identité n'arrive à être acceptée par une autre
conscience collective. L'identité mise en confrontation peut aussi
être comprise comme un ensemble d'aspects personnels fondamentaux qui
caractérisent une personne ou un groupe. C'est pour cette raison que
l'on dit que quelqu'un affirme son identité culturelle, sexuelle,
sociale... Nous pouvons encore comprendre une identité comme un ensemble
des caractères propres à la base d'ensemble constitué par
une entité abstraite. Dans ce sens il est question de l'identité
d'une ville historique. Chez les socialistes l'identité repose sur
similitude première. Ils disent que l'on doit partager les
identités de points de vue. En mathématiques l'identité
équivaut à une égalité qui se vérifie quelle
que soit la valeur des variables. C'est pourquoi l'on porte des termes
indéterminés d'une identité, d'identité
remarquable. Sous l'angle moral lié à l'histoire et aux
évolutions l'identité s'accomplit dans la recherche d'une
« authenticité » dont la source est le sentiment
d'identité individuelle où « chacun est sa propre
mesure ». A ce stade il y a deux exigences revendicatives qu'il
importe de concilier : l'une est celle de l'appartenance à la
communauté dans son ensemble, et l'autre est celle de la reconnaissance
de la différence de l'individualité de la dignité humaine
au sein de la communauté. Les principes fondationnels
du moi ne peuvent être situés exclusivement à
l'intérieur du moi lui-même : on ne devient un
« moi » qu'en état de référence
à ce qui nous entoure. Il ne peut y avoir
d'« identité » réelle en dehors du cadre
extérieur à soi. C'est la dimension morale qui va prendre le
dessus et l'identité s'incruste dans la psychologie sociale pour la
désaliénation du « moi collectif »
Mutuza emprunte Taylor qui a changé de registre.
Celui-ci plaide pour une morale réaliste, qui prendrait en
compte l'histoire et la psychologie, et qui permettrait d'articuler les
exigences morales avec les possibilités de réalisation effective.
Il prend au départ en compte la nature humaine. Taylor entend asseoir sa
réflexion sur une « anthropologie philosophique »
qui créerait une nouvelle ontologie. Afin d'échapper à la
prééminence actuelle de l'épistémologie, Mutuza
change la triade de Taylor (chair-langage-société) qui lui
paraissait intéressant d'étudier le rapport entre amour,
pitié et sympathie. Il pense que phénotype permet aux sens de
retrouver le corps vécu, de redécouvrir la chair et de recouvrer
la société, en un mot la recherche du Bien
(Üãáèïò).
Les biens constituent des normes pour le
désir. Mutuza donne la priorité au Bien sur le juste (à
l'inverse de Rawls (+ ?)) et s'élève contre l'emprise des
droits et de la justice procédurale dans le libéralisme
contemporain, bien qu'il place au-dessus de tout, la justice, la bienveillance
et les droits de l'individu. Les définitions des biens données
par Mutuza sont fondamentales. Nous référant à ses
écrits par l'emploi de ce dont il entend par « biens de
vie », « biens constitutifs », « biens
convergents » et « biens communs », Mutuza est
Proche de Tylor.
Refusant la distinction entre les faits et les
valeurs, il considère que notre rapport au monde consiste à
interpréter sans cesse notre orientation vers le Bien.
Plutôt que de théoriser
gratuitement, Tylor nous interpelle dans la mesure où il est en prise
directe avec les problèmes vivants de la société
occidentale contemporaine.
Le besoin d'appartenir est une réalité
profondément humaine. Le concept d'appartenance permet de situer les
autres dans l'enclos des questions que posent les contemporains quant
aux voies de recomposition de l'espace géographique, de l'espace du
pouvoir.
Mutuza définit l'appartenance en rapport avec
l'État. Il le considère comme un ensemble d'institutions
politiques régissant la vie des citoyens(201(*)). C'est surtout la terre
-ãçò- qui est l'élément
primordial de et pour l'appartenance. Et l'identité est l'ensemble des
caractères propres qui constituent l'Etat dont la mission de prouver
sans équivoque ce qui est. Dans ce contexte, ce sont les
mathématiques qui nous éclairent, et la métaphysique sera
le locus (ôüðïò)
démonstratif des êtres.
Des philosophes considèrent entre autre que
l'essence d'un objet est ce qui forme son identité, qui dit ce qui fait
que l'objet est ce qu'il est en lui-même. L'essence peut être
assimilée à l'appartenance à une espèce au sens
logique du terme. Aussi Socrate est humain par essence.
D'autres penseurs estiment que chaque objet a une
essence individuelle unique. Un cas d'essence individuelle spéciale,
mais controversée, est appelé
« singularité », qui est la propriété
qu'a un objet d'être précisément cet objet. Manifestement,
s'il existe des singularités, c'est qu'il y a des
propriétés qui ne pourraient faire défaut à un
objet.
Pour Aristote, la définition d'une chose
énonce son essence. On ne parvient à la compréhension
scientifique d'une chose que si l'on saisit son essence. Aristote identifie
l'essence de l'objet à sa forme substantielle : elle est ce qui
fait que l'objet est ce qu'il est. L'essence d'un objet est l'espèce de
la chose qu'il est. Ainsi, l'essence de Socrate est d'être un être
humain et l'essence d'une maison est d'être un abri pour les hommes et
les biens. Cette conception est ce qu'on appelle la définition. Et Sir
K. Popper dit qu'Aristote est le père de l'essentialisme, fondateur de
la philosophie du langage, la cause même de l'arriération
moyenâgeuse.
Ce lien étroit, manifeste dans la
pensée d'Aristote, entre l'essence, la définition et les
critères qui permettent d'identifier l'appartenance d'une chose à
une espèce est remis en question par John Locke. Celui-ci introduit une
distinction entre l'« essence réelle » d'un objet,
qu'il définit comme la constitution interne de ses parties
sous-jacentes, et son « essence nominale ». L'essence
nominale de l'objet est l'idée qui correspond au nom de l'objet dans
notre esprit. Cette idée est une liste, plus ou moins exhaustive, des
qualités sensibles connues de l'objet. Étant donné que
l'essence réelle d'un objet nous demeure inconnue, selon Locke (+ 1704),
les critères qui nous permettent d'identifier un objet sont distincts de
sa nature sous-jacente.
Le débat sur l'essence dans la
philosophie contemporaine est centré sur la question de savoir quel type
de nécessité est impliqué dans l'affirmation selon
laquelle une propriété essentielle est une
propriété qu'un objet doit avoir. Wilard Quine (+2000)
prend position contre les essences en soutenant que ce qui fait la
nécessité d'une chose n'est pas une particularité de
l'objet en question, mais plutôt une particularité de la
façon dont on le décrit.
Par exemple, on peut faire
référence au nombre « neuf » par le
chiffre « 9 » ou, étant donné qu'il y a
neuf planètes dans le Système solaire, par l'expression
« le nombre de planètes ». Néanmoins, si la
phrase « 9 est nécessairement plus grand que sept »
est vraie, la phrase « le nombre de planètes est
nécessairement plus grand que sept » est fausse, puisqu'il a
pu exister un nombre de planètes inférieur à sept. La
nécessité, affirme Quine, est fonction de la façon dont on
décrit l'objet concerné.
Le philosophe américain Saul Kripke fait valoir à
l'encontre de Quine que l'exemple est lié à une
particularité de la description (« le nombre de
planètes »). Kripke appelle ce type de description
« désignateur faible » : il ne désigne
pas le même objet dans tous les mondes possibles, c'est-à-dire
dans toutes les conditions possibles du monde réel. À
l'opposé, les termes désignant une espèce naturelle et les
noms propres sont des « désignateurs rigides ».
Par exemple, le terme
« eau » désigne une substance qui est H2O
dans tous les mondes possibles. L'eau est donc nécessairement
H2O, et cela indépendamment de la façon dont nous
décrivons l'eau. Aussi, pour Kripke, les espèces naturelles comme
l'eau ont des essences que l'on peut découvrir empiriquement. Kripke
prend position en faveur des essences individuelles qu'il lie à la
nécessité des origines d'une chose, par exemple, d'un individu
qui est issu d'un ovule fertilisé particulier et de sperme fait d'une
série d'atomes particulière. La se dévoile la question de
l'évidence et de la certitude. On entre du coup dans la
problématique des entités sociales tels que l'Etat, la
société, la tribu...
La discussion philosophique sur l'essence de l'Etat,
chez les socialistes, est enchâssée dans un réseau des
problèmes afférents portant sur la modalité, sur les
théories de l'appellation et de la référence, sur les
espèces et les lois naturelles.
Si tel est l'Etat, quelle serait alors la
société ? Si la société n'est pas
l'État, il serait de fait tentant de la réduire à une
simple communauté d'individus échangeant des services et des
biens. La société aurait par conséquent une fonction avant
tout utilitaire ou pragmatiste dans son sens américain : regrouper
les forces des individus, diviser et spécialiser le travail,
régir les échanges et organiser le commerce. On peut craindre que
la société ne se réduise à ces seules fonctions. La
société est analogue à l'organisme dont les membres ont
des fonctions à remplir, tandis que l'Etat est analogue à la
machine dont les ingénieurs sociaux sont appelés à garder
en forme.
Selon Hume (+ 1776), l'homme est un être dépourvu
de qualités naturelles. Il a plus de besoins que les autres animaux, et
moins de moyens pour les satisfaire. Il est faible. C'est pour pallier à
cette faiblesse naturelle que l'homme vit en société. La vie en
commun permet aux individus de regrouper leurs forces pour se défendre
contre les attaques et pour réaliser à plusieurs ce qu'un seul ne
saurait entreprendre. Elle permet de diviser et de spécialiser le
travail, ce qui en accroît l'efficacité. Cela génère
également de nouveaux besoins. Se dessine alors une communauté
d'échanges où chacun participe, à son ordre et mesure,
à la satisfaction des besoins de tous. Mutuza y puise le concept
d'appartenance.
Mutuza se réfère à Adam Smith (+
1790) : l'individu est dans l'incapacité de satisfaire tous ses
besoins. Il ne peut les satisfaire que s'il 'obtient qu'un autre fasse ce qu'il
ne sait pas faire. Dès lors, il sera possible d'échanger le
produit de son travail contre le produit du travail des autres. Nous sommes
dans le schéma fonctionnaliste. Pour qu'autrui accepte l'échange,
il faut qu'il éprouve, lui aussi, le besoin d'acquérir ce que
l'autre produit. Il est de l'intérêt propre que le plus de gens
possible aient besoin de ce que l'on produit. Comme chacun fait de son
côté le même calcul, il est dans le bénéfice
de tous que les besoins aillent en s'augmentant. Ce qui entraîne
l'interdépendance. Les échanges deviennent les assises d'une
société libérale. La satisfaction des besoins individuels
dépend d'autrui, mais la satisfaction des siens propres dépend de
soi-même. Chacun dépend de tous les autres. Personne n'est plus
maître de soi.
Réunis en société, les individus
deviennent interdépendants grâce à l'échange
continuel de services et de biens. Dans la vie en communauté, l'homme
travaille pour acheter le travail d'autrui. Chaque bien produit a une double
valeur : une valeur d'usage en tant qu'il satisfait un besoin, et une
valeur d'échange, en tant qu'il est une marchandise. Ainsi que le note
Aristote, comment échanger maison et chaussures ? C'est la monnaie,
comme commune mesure instituée, qui rend possible l'échange de
produits qualitativement et quantitativement différents. C'est ici que
Platon voit le danger d'une société fondée uniquement sur
les échanges et le commerce. Les individus y auront indéfiniment
tendance à profiter des échanges non pour acquérir les
biens nécessaires à la vie, mais pour accumuler de l'argent. De
simple moyen, la monnaie devient une fin en soi, pervertissant ainsi le
système de production et d'échange, corrompant le lien social.
D'après Aristote, la vie en communauté n'a pas
pour seul but de faciliter les échanges afin d'assurer la survie :
ce qui fonde la vie en communauté, c'est cette tendance naturelle qu'ont
les hommes à s'associer entre eux, par l'amitié
(öéëéá). Il ne s'agit
pas simplement de dire que nous sommes tout naturellement enclins à
aimer nos semblables, mais bien plutôt que nous avons besoin de vivre en
société avec eux pour accomplir pleinement notre humanité.
Comme le remarquait Kant (+ 1804), l'homme est à la fois sociable, et
asocial : il a besoin des autres, tout en entrant en rivalité avec
eux. C'est cette « insociable sociabilité » qui a
poussé les hommes à développer leurs talents respectifs et
leurs dispositions naturelles, à devenir en définitive des
êtres de culture.
Comme l'a montré l'ethnologue Claude
Lévi-Strauss (+ 2010), on ne saurait réduire les échanges
aux seules transactions économiques. En fait, il existe deux autres
types d'échanges qui ont d'ailleurs la même structure :
l'organisation de la parenté, et la communication linguistique. Une
société n'est pas réductible à une simple
communauté économique d'échange ; elle se constitue
par l'organisation des liens de parenté (le mariage), par l'instauration
d'un langage commun à tous ses membres, par un système complexe
d'échanges symboliques qui établissent les rapports et la
hiérarchie sociale, etc. Pour Émile Durkheim (+1917), une
société n'est alors pas une simple réunion
d'individus : c'est un être à part entière
exerçant sur l'individu une force contraignante et lui fournissant des
« représentations collectives » orientant son
existence.
Si l'appartenance est dans l'éthique et la politique,
si la culture est le socle de l'appartenance et la conscience collective de
l'idéal de la vie en société, nous sommes alors dans le
contexte de la recherche de l'identité comme chez les Anglais à
l'époque de saint Thomas More (+ 1852).
« C'est pourquoi, dit saint Thomas More, je
réfléchis à la Constitution si sage, si moralement
irréprochable des Utopiens, chez qui, avec un minimum de lois, tout est
réglé pour le bien de tous, de telle sorte que le mérite
soit récompensé et qu'avec une répartition dont personne
n'est exclu, chacun cependant ait une large part. J'oppose à ces usages
ceux de tant d'autres nations toujours occupées à
légiférer sans être pour autant mieux
gouvernées »(202(*)). Dans toute nation où le sens du bien
commun souffre, chacun nomme sien ce qui lui est tombé dans les mains.
Tant de lois accumulées sont impuissantes à garantir
l'acquisition, la conservation de la propriété, à
distinguer de celle du voisin ce que chacun désigne comme son bien
propre, ainsi que le prouvent surabondamment des procès qui surgissent
à l'infini et qui ne se terminent jamais. Cette comparaison m'incline
à donner raison à Platon ; je m'étonne moins qu'il
ait refusé de rédiger une Constitution pour ceux qui rejetaient
le principe de la communauté des biens. En effet, ce grand sage avait
fort bien vu d'avance qu'un seul et unique chemin conduit au salut public,
à savoir, l'égale répartition des ressources.
Thomas Moore se demande « comment la trouver
réalisée là où les biens appartiennent aux
particuliers ? Lorsque chacun exige un maximum pour soi, quelque titre
qu'il allègue, si abondantes que soient les ressources, une
minorité saura les accaparer et laissera l'indigence au plus grand
nombre. À quoi s'ajoute que le sort donne souvent à chacun ce
qu'il a le moins mérité : bien des riches sont des gens
rapaces, malhonnêtes, inutiles à l'État ; bien des
pauvres sont des gens modestes et simples, dont le travail incessant profite
à l'État plus qu'à eux-mêmes. »(203(*))
Il a fallu des méprises de Ngoma Binda(204(*)) telles que «
De même, le professeur Mutuza Kabe a rassemblé une demie douzaine
d'article publiés, ça et là, sur l'histoire des peuples
des Grands Lacs et sur les concepts de développement, de
sous-développement, de civilisation, etc. » pour voir en
Mutuza un simple copiste ! Ngoma Binda prétend que Mutuza ne
comprend pas ses modèles et il renchérit qu'
« aucun enseignement universitaire sérieux ne peut les
accepter comme leçon de civisme, nonobstant le droit à la
`liberté académique' qui du reste, si elle est bien
comprise, s'écarte de toute excentricité »(205(*)); mais c'est
général qu'il ne le comprend pas lui-même. Ngoma Binda
demande à Mutuza des innovations, des créations qui n'entraient
point dans ses propos. Ce sont des mêmes antécédents et
concomitances de l'obéissance au mythe. Mutuza est comme dans la
théorie des ensembles, sa preuve a priori par les effets exclus ;
il se présente à la manière d'une recherche d'antinomies
dans le concept, d'antinomies qui le rendraient impossible au réel. Il
devient alors valable, du moins légitime n'est-ce pas un raisonnement
non positif, dogmatique, intuitionniste, qui cherche à exclure seulement
l'exclusion, et qui y parvient. Son argument sur le civisme et le
développement et la démocratie était destiné
à démontrer comme prétentieux le fait de parler d'une
citoyenneté transfrontalière. Ce sont ces
antécédents et concomitants qui ouvrent à Mutuza la voie
de fustiger l'erreur des philosophes et anthropologues de la science
coloniale.
§
4.La problématique de l'identité et de l'appartenance dans la
perspective d'une minorité
Ici s'ouvre un débat sur l'historicisme mutuziste. Sa
pensée semble y pencher et deux faits justifient cette
perspective : sa conception d'état et d'action, et son approche de
la théorie des valeurs. Il justifie cela par deux ensembles dont l'un
est agricole et l'autre pastoral. Les groupes des Bantu basés sur les
terres ruandaises avant l'arrivée des Tutsi sont conçus comme des
migrants. C'est une erreur des anthropologues et des philosophes de la science
coloniale qui touchent directement aux matériaux exhumés. Un des
mythes du colonialisme qui consiste à déformer les conceptions
anthropologiques et philosophiques, conçues comme exodes sacrés,
est en effet celui qui est emprunté au chapitre I de La
problématique du Mythe Hima-Tutsi de Mutuza. C'est le
problème de la migration. C'est le problème du pouvoir royal,
c'est le problème du Mwami.
Quant à ce qui concerne l'espace particulier des Tutsi,
nous sommes en présence de deux forces. Ces aspects montrent la
position que l'on peut adopter à l'égard des sciences sociales,
plus particulièrement au sein de ces dernières, les
démarches qui participèrent de l'édification du vaste
ensemble que l'on appelait à l'époque sciences coloniales et qui
survécurent dans les sciences du développement. Avec l'erreur des
anthropologues et des philosophes de la science coloniale nous revenons aux
perspectives personnelles de l'auteur.
En d'autres termes, l'effort de l'unification que le
colonisateur belge a instauré est biaisé par la prise de
conscience de la différence qui existe entre les Hutu et les Tutsi.
Vouloir faire croire à ces deux atomes leur unité n'est-il pas
voiler l'idée de la création d'un empire tutsi-land dont le coeur
battant est le kinyarwanda ? Il est possible que la connaissance et la
maîtrise de concepts est la clé de prise de solution chez Mutuza.
Comment s'en sort-il ?
Et bien, Mutuza ne se laisse pas impressionner par la
nécessité de définir ses termes. C'est la vertu
des pédants. Il est à l'aise dans une terminologie forte, qui se
débrouille toute seule, qui se passe de définitions
fignolées. Sa patience pour l'analyse conceptuelle a des limites ;
il aimerait mieux laisser un degré de liberté à
l'interprétation, que d'encourager ce qu'il considère comme de la
philologie stérile, du rabâchage de concepts, à la
manière d'Aristote.
Ce fut à la suite de discours de certains leaders
politiques sur la crise financière du capitalisme qui s'abat sur les
pays occidentaux. Philosophes, économistes, politologues, sociologues,
anthropologues, théologiens, etc. tous veulent définir des termes
en se demandant qu'est-ce que le capitalisme ? Qu'est-ce que la
finance ? Qu'est-ce que la démocratie ? Qu'est-ce que le
socialisme ? Ce genre de plaisanterie, cependant, est plus qu'un jeu avec
les mots pour Mutuza qui lui-même est diplômé en finance
publique. Les pseudo-descriptions sollicitent littéralement ce genre de
manipulations. Qu'il y ait de la place pour jouer avec les mots est signe que
les définitions ne collent pas, qu'elles n'ont pas de rapport les unes
avec les autres ni avec la réalité, constituant une
rhétorique efficace, mais restant bien en-deçà
d'énoncés de bonne foi, vérifiables pour leur contenu
d'information ou pour leur cohérence dans le contexte.
C'est contre Crahay et les autres définisseurs que
Mutuza se lève. Que disent les mots ? Rien du tout en
eux-mêmes, répond Mutuza. Pour les autres, les mots laissent une
immense question sans réponse. Dans quelle mesure la démocratie
telle que la conçoit Mutuza est-elle compatible avec une
idéologie conservatrice ou libérale ? Pour dire les choses
différemment : comment être démocrate sans en
même temps être socialiste ? Dans une culture où se
rencontreraient la démocratie et la société, il y a
consensus.
Le terme démocratie a beaucoup de valeur que
de sens ; il demande une culture sociale. En
latin sociétas se réfère à la
fois à l'agriculture (agricultura) et
à l'esprit. Cicéron désigne la philosophie par le terme
animi cultura. L'expression
cicéronienne est reprise par Francis Bacon (+ 1626) pour désigner
l'activité intellectuelle et la pratique des lettres. Au
XVIIe siècle, le juriste allemand Samuel
von Pufendorf (+ ?) est le premier à l`employer sans
complément, en l'opposant à nature. Cette conception
atteint son plus haut degré de précision chez Kant. Il la
définit comme un processus : « Produire chez un
être raisonnable l'aptitude générale aux fins qui lui
plaisent, par conséquent dans sa liberté ». Et il
ajoute : « Ainsi seule la raison peut être la fin
dernière que l'on a quelque raison d'attribuer à la nature par
rapport à l'espèce humaine ». Mutuza cherche
à se détacher de cette idéologie occidentale et craint de
tomber dans l'historicisme.
L'historicisme conduit à
une conception en quelque sorte finaliste de la culture par
rapport à la nature dont on trouve le prolongement chez Hegel, qui
emploie le mot Bildung (« formation »,
« éducation ») pour désigner le processus
formateur et transformateur de l'esprit. Ici la vérité est
limitée dans l'histoire. Point de vérité éternelle.
Et si Hegel attribue toujours un caractère universel à la
culture, il envisage cependant qu'elle conditionne une vision du monde selon
les groupes considérés, contrairement à
l'évolutionnisme qui prétend qu'on part du simple vers le
complexe. Lessing n'est pas en reste de cette conception pas moins que Hegel et
tout le courant du modernisme. Cette nuance entre une conception universaliste
et une approche particulariste se retrouve dans les premières
définitions formulées par les anthropologues de la fin du
XIXeme siècle et du début du XXeme.
La première définition anthropologique
de la culture est élaborée par le Britannique Edward Burnett
Tylor dans son ouvrage Primitive Culture (la Civilisation
primitive) : « La culture, considérée
dans son sens ethnographique le plus large, est ce tout complexe qui englobe
les connaissances, les croyances, l'art, la morale, la loi, la tradition et
toutes autres dispositions et habitudes acquises par l'homme en tant que membre
d'une société »(206(*)). La culture est ici envisagée comme
regroupant tous les traits humains qui peuvent être transmis socialement
et mentalement, plutôt que biologiquement. La définition de Tylor
continue d'envisager la culture en l'opposant à la nature. Cette
définition est importante pour ouvrir la base de la recherche sur
l'appartenance chez Mutuza. On voit le lien entre corps esprit, recherche de la
psychologie positiviste. Ce qui veut dire que la culture donne
l'identité d'un peuple. C'est d'ailleurs le sens historique d'une telle
définition qui biaise la réunion de l'identité et de
l'appartenance chez Mutuza qui veut tout traiter sur le plan historiciste.
Comparant l'action des Bahega et des Nande, Mutuza dit que
« nous croyons que seule une interprétation historique
matérialiste nous permettrait de trouver ici une réponse
satisfaisante à cette question. Car selon Marx, l'évolution
matérielle et spirituelle de l'humanité est commandée par
le système de production et de lutte de différentes classes qui
participent à cette production. »(207(*))
S'il existe un lien entre la philosophie politique et du
développement de Mutuza, entre sa conception de la société
et la politique, c'est bien le rejet de l'historicisme. Sans ce lien-là,
ses remarques en passant sur le bon ou le mauvais gouvernement, la politique
rationnelle, l'égalité, la justice sociale, la liberté et
sa protection, pourraient facilement être prises pour des opinions ad hoc
de n'importe quel citoyen profane, bien intentionné et progressiste,
dont les années de formation s'étendraient de la Grande
dépression au premier Etat-providence et à l'
« l'économie mixte » -opinions qui n'ont
guère d'ancrage théorique bien visible et qui naissent
spontanément d'une sentimentalité mélioriste. Sa position
véhémente contre l'historicisme, en revanche, semble fournir un
principe unificateur, permettant d'organiser des éléments
disparates de diagnostic social en ce qui ressemble à une théorie
politique.
S'il y a une bonne dose de l'antihistoricisme, c'est parce que
l'ingénierie sociale est impossible pour une raison fondamentale :
nous ne pouvons pas consciemment manipuler la société à
moins de nous autoriser une hypothèse réfutable sur sa physique.
Toute hypothèse de ce genre serait historiciste et, en tant que telle,
se révélerait irréfutable(208(*)) et donc dépourvue de
sens.
On pourrait le penser, mais on aurait tort. Car loin de
désespérer de la chose comme Ngoma Binda pourrait l'attendre de
la philosophie de Mutuza(209(*)), celui-ci a beaucoup de confiance dans
l'ingénierie sociale. Bien plus, il y voit davantage que le simple
tripotage aveugle, aléatoire, une machine qui fait des siennes, que nous
comprenions ou non comment elle fonctionne. Avec K. Popper (+ 1994), à
la différence de Hayek (+1992), il ne veut pas s'arrêter à
la méthode des essais et des erreurs, la méthode que nous sommes
sensé utiliser lorsque nous n'avons aucune idée de ce que nous
devrions faire. Il est persuadé que nous pouvons en faire davantage.
Bien que se référant à Marx, Mutuza
éprouve une immensité de mépris et de haine pour Hegel. Il
est sans voix face à la croyance historiciste(210(*)), du moins sans la patience
d'expliquer complètement pourquoi l'historicisme, s'il avait
été développé par un meilleur philosophe, serait
toujours inacceptable pour le rationalisme critique(211(*)). Nous, nous croyons qu'il y
a quelque place pour douter qu'il le serait ; car il est possible de lire
la politique de Mutuza comme si ce qu'il disait, ce n'est pas que
l'historicisme a toujours tort, mais que la question est de savoir comment
être un bon historiciste.
Quelle est la différence entre les lois du
développement social et le corpus d'hypothèses sur la
manière dont la société fonctionne, que l'on jugerait
être possible et utile ? Mutuza est-il, ou n'est-il pas
historiciste ? Car la différence évidente à savoir
que les lois se prétendent vraies alors que les hypothèses qui
ont survécues sont des propositions incertaines, qui demeurent à
jamais ouvertes à la critique, n'est que la différence
fondamentale entre toute connaissance empirique telle qu'on la concevait avant,
et toute connaissance empirique du conflit des pays des grands lacs depuis
la problématique du Mythe Hima-Tutsi. Mutuza ne nous a pas dit
de nous garder des sophismes historicistes parce qu'ils embrassaient une
conception fallacieuse, stérilement inductiviste de la
connaissance(212(*)).
Citoyen Mutuza, comme tout philosophe, sait contourner les
difficultés en objectant à la science coloniale d'avoir
raisonné sur une matière, le développement de
l'Afrique et la protection des minorités africaines, faite
d'événements uniques et singuliers comme s'ils étaient
répétables et productibles. La vie de la société
bantoue, comme d'ailleurs de toute société, son tissu social, ne
se prêtait pas davantage à une théorisation
expérimentale dans sa version inductiviste,
pré-poppérienne, qu'elle ne le fait dans sa version
poppérienne ou museyenne. Or, en prônant une technologie sociale,
Mutuza semble affirmer que Les fondements culturels du
fédéralisme au Zaïre serait parfaitement
applicable à l'évolution sociale, que nous pourrions comprendre,
prédire et façonner.
Mais alors pourquoi la prophétie historique sans
fondement est-elle fausse, et la prédiction sociale et l'intervention
qui se fonde sur elle, rationnelle et digne d'être
encouragée ?
La réponse semble être que même la
prophétie historique a raison lorsqu'elle prédit correctement.
« Nous croyons que seule une interprétation historique
matérialiste nous permettrait de trouver une réponse
satisfaisante à cette question »(213(*)). Et c'est
précisément ce qui est arrivé avec le dialogue
inter-congolais. En fait, Mutuza avait prédit que cela se passerait. Et
il nous faut dire que c'était vrai. Mais si l'historicisme n'a
épistémologiquement aucun sens, est-ce que ce n'est pas pour de
mauvaises raisons, par pur hasard qu'il ne s'est pas trompé ? Ou
alors, est-ce que ça n'a plus d'importance ?
La croyance en une technologie sociale(214(*)) est incontestablement une
croyance en une forme d'historicisme. Cependant, comme les termes que Mutuza
utilise pour caractériser l'historicisme d'une part, la technologie
sociale de l'autre sont quelque peu irréversibles (pile la
prophétie déterministe, face à un ensemble
d'hypothèses prédictives accessibles au test), on peut avoir
l'impression qu'ils sont à des années-lumières l'un de
l'autre. Mais ce n'est le cas que la même opération linguistique
soit décrite par Mutuza comme une métaphysique comme une science
réfutable, selon Musey, suivant qu'elle prédit, ou pourquoi, ou
dans combien de temps.
Dans le fond, l'historicisme traite l'
« histoire » comme une suite d'événements
(« l'évolution sociale ») qui affichent certaines
régularités, plus faciles à prévoir que d'autres.
Cette conception peut être rapportée à l'hypothèse
inductiviste, essentiellement non-humienne(215(*)) qui affirme que les événements connus
du passé constitueraient un corpus suffisant d'informations factuelles
pour qu'on puisse en tirer des extrapolations valides en ce qui concerne les
événements à venir, même quand les
événements passés et à venir sont des
événements singuliers, étant de caractère
historique, c'est-à-dire unique et non reproductible. En
conséquence, l'histoire ou l'évolution sociale auraient des lois
qui pourraient être facilement découvertes et utilisées.
Pour l'historiciste estampillé marxiste,
l'ingénieur social peut bien faire ce qu'il fait. Il peut s'appliquer
dans le sens des « lois du développement social » au
lieu d'essayer de les entraver. C'est la thèse de l'
« impuissance de la politique ». S'affairer pour
occasionner des changements sociaux qui doivent arriver de toutes les
façons est d'une utilité limitée (au mieux, cela peut
atténuer les « douleurs de l'accouchement »), alors
que le faire pour entraver le cours nécessaire de l'histoire est futile
et contre-productif.
Profondément ancré dans cette
perspective universaliste et envisageant l'« Histoire avec grand
H » au singulier comme synonyme de la
« civilisation », Mutuza considère que les
différences dans les champs de la connaissance, des coutumes et des
croyances témoignent des différences de degré d'avancement
entre les sociétés. Considérées sur une
échelle de progrès définie en fonction de la
complexité relative de la technologie et des institutions sociales, ces
différences sont en effet imputables au niveau de développement
mental atteint biologiquement par les populations considérées.
L'anthropologie se doit de classer les différentes cultures
observées selon un continuum allant du type le plus simple au plus
élaboré, comme le dit Tylor à propos de la culture. Ainsi
comprise, l'Histoire avec grand H n'existe pas(216(*)).
Au début du XXe siècle,
Franz Boas fournit une première critique de cette compréhension
pour imposer une approche résolument particulariste de la culture.
L'anthropologue américain d'origine allemande affirme que les formes et
les modes de vie des hommes n'évoluent pas selon un modèle
linéaire et en fonction du niveau de leur développement mental.
Elles sont les produits d'un processus historiques locaux.
On peut citer Mutuza : « Contrairement
à l'attitude de tous les Etats du monde, qui ont plutôt tendance,
en pareil cas, de n'accorder aux minorités que moindre autonomie
possible, dans la crainte de favoriser leur expansion et leurs entreprises,
l'Etat Zaïro-congolais a encouragé la minorité ethnique
rwandaise à imposer sa loi à la majorité nationale dans le
Kivu-Maniema. Cette situation, il ne fallait pas être prophète
pour le prédire, est une bombe qui devait exploser tôt au
tard. »(217(*))
Mutuza indique que c'est le tour de passe-passe lorsqu'elle
est à grande échelle. La science coloniale lorsqu'elle porte sur
la minorité (cette dernière étant testée par le
succès ou l'échec à un coût raisonnable). Mais le
mot clé de la minorité, dans ce contexte signifie détail.
Le détail ici n'est rien d'autre qu'un procédé-clé
pour se dispenser de répondre à la question.
Autant que nous eussions pu nous en assurer, citoyen Mutuza
ne définit nulle part ce que c'est qu'une minorité. Lire le mot
comme s'il se rapportait à l'ampleur des chantiers de réformes
serait évidemment erroné. Pas à pas ou petit à
petit, tout cela est bien trop subjectif et réversible pour laisser dire
d'une mesure sociale si c'est ou non une mesure de détail.
En fait, Mutuza emploie le mot comme synonyme de
« testable ». Un acte
« détaillé » d'ingénierie sociale est
un acte dont nous pouvons discerner et juger les effets dans un avenir fini, de
préférence avant que nous ne soyons tous morts. On peut supposer
qu'il est économique, dans les termes de l'analyse coûts-avantages
et risque que nous encourions si elle échoue. Si c'est ainsi que nous
devons comprendre et utiliser le terme minorité, le détail, c'est
une pétition de principe, préjugeant de la question qu'elle est
sensée résoudre. L'ingénierie sociale est
« détail » lorsqu'elle est testable. Elle est
testable lorsqu'elle est « le détail » ; la
technologie sociale est testable lorsqu'elle est détail.
Quant à Mutuza le concept de minorité dans la
population congolaise est sans fondement. Il ne l'utilise presque pas. Il pense
que minorité et race sont des termes réversibles. On peut
utiliser l'un à la place de l'autre. Pour la RD Congo, il croit que s'il
y a une population qui se déclare minorité, elle est, de son
avis, étrangère et, par conséquent, dangereuse pour le
développement. C'est pourquoi il déclare étrangers les
Tutsi parce qu'ils s'appellent minorité. Sa patience pour l'étude
historiciste lui permet de déclarer tout haut l'inutilité de
s'attarder à ce terme de minorité. Ou on appartient et on
s'appartient, ou bien on cherche l'inclusion et la miction nuisible à la
mixtion de la culture de cette société globale, la RD Congo.
C'est là son antihistoricisme méthodologique.
Pour l'antihistoriciste conséquent, l'ingénierie
sociale devrait être impossible pour la raison fondamentale que nous ne
pouvons pas consciemment manipuler la société à moins de
nous autoriser une hypothèse réfutable en `physique'. Mais toute
hypothèse de ce genre serait historiciste et, en tant que telle, se
révélerait irréfutable et donc dépourvue de sens,
à la manière poppérienne.
Le processus historique est déterminé non
seulement par les conditions environnementales dans laquelle vit la
société en question, mais également par les contacts
qu'elle entretient avec les sociétés avoisinantes. Par
conséquent, plutôt que de comparer des institutions
observées dans différentes sociétés, les
anthropologues doivent, selon Franz Boas, analyser en priorité les
éléments d'une culture dans le contexte de la
société étudiée(218(*)).
Cette perspective particulariste et relativiste de
la culture donne naissance au milieu du XXeme siècle
à l'école culturaliste américaine, connue également
sous le nom de « Culture et personnalité » et
représentée notamment par Margaret Mead, Ruth Benedict et Ralph
Linton. L'école culturaliste, qui établit le premier lien entre
l'anthropologie et la psychanalyse, envisage la culture dans une perspective
holiste219(*), où
l'individu forme un tout indivisible qui ne peut être expliqué par
ses différentes composantes appréhendées
séparément. C'est le juste milieu entre l'approche cognitiviste
et l'approche historiciste qui donne les matériaux d'une
anthropopsychanalyse et permet d'atteindre un antihistoricisme.
Une ligne forte dans la pensée de Mutuza paraît
exprimer un antihistoricisme cohérent, au sens de dilemme. Dans sa
théorie sociale, Les fondements culturels du
Fédéralisme au Zaïre, il donne une place d'honneur aux
conséquences non désirées et non prévues de
l'action humaine. Ce sont ces conséquences qui font de la théorie
sociale un domaine distinct de recherche et qui l'empêchent de
s'effondrer en une sorte de « psychologisme
méthodologique ». Il est conscient du caractère
« peu maniable, persistant ou fragile du tissu social, sa
résistance aux tentatives que nous faisons pour le
façonner »(219(*)), - perspective bien peu favorable, pourrait-on
penser, pour entreprendre des travaux de réfection prétendant
justement le refaçonner.
Dans ce cadre, l'individu est entièrement
façonné par la culture du groupe dont il est issu -- par le
biais de l'éducation ou de l'initiation--, jusque dans sa
personnalité, ses comportements, sa vision du monde. Le relativisme
culturel apporte ainsi une réponse directe aux thèses racistes de
l'époque, qui reposent largement sur les postulats
évolutionnistes qui font passer les animaux aux stades des primitifs,
les primitifs au stade de prélogiques, les prélogiques au stade
des sauvages, les sauvages au stade des pauvres, les pauvres au stade des tiers
mondes, les tiers mondes au stade des envoies du développement, de
ceux-ci aux endettés, etc.
Dans une interprétation holistique du langage, on se
demande comment les mots peuvent-ils signifier ce qu'ils
signifient ? Des conditions de vérité déterminent la
signification, et le sens d'une phrase dépend de sa relation avec les
autres phrases. Donald Davidson (+ 2003) essaie de dégager une
théorie de la signification à partir d'une théorie de la
vérité devant suffire à
l'interprétation-compréhension d'ensembles (holisme) de
phrases énoncées dans un langage naturel, et non des propositions
logiques indépendantes. Pour les interpréter, nous devons
être capables d'y distinguer, dans la trame même des assentiments
que nous leur donnons, les rôles joués par la croyance et la
signification afin d'éliminer les confusions. On applique alors un
« principe de charité » consistant à
présupposer vraies les croyances et la rationalité des
interlocuteurs. Et c'est en pratique, au fil de la conversation, que
l'interprète ajuste instantanément sa théorie
interprétative. La théorie n'est pas figée.
Décrire l'action est un mouvement
corporel et rationnel. Elle est intentionnelle si l'agent a des
raisons (croyances, désirs, etc.) et s'il y a au moins une raison qui en
est cause. Une cause est un événement qui en produit un autre,
qui en est l'effet. L'existence d'une relation causale entre deux
événements est indépendante de la manière dont ils
sont décrits, et peut être énoncée même si
l'on ne connaît pas la loi empirique sous laquelle les
événements sont subsumés.
Une hypothèse faite sur les conséquences
probables d'une mesure de politique publique appartient à la technologie
sociale lorsqu'elle est exposée au test du succès ou de
l'échec. Elle est du tour de passe-passe lorsqu'elle ne l'est pas. Mais
les deux sont historicistes en ce qu'elles présupposent une science de
la société, la possibilité de savoir ce qui lui fait faire
un mouvement dans un sens ou dans un autre. La démocratie africaine des
pays des grands lacs libérera les populations lacustres relève du
tour de passe-passe, parce qu'il n'y a pas de test envisageable pour nous dire
si les Congolais ont été libérés ou pas. Cependant
une analyse de corrélations multiples de ce genre est d'une
difficulté notoire, et ne livre que rarement des résultats
clairs.
Le manque de fiabilité des corrélations, n'est
ni aggravée ni atténuée par l'étendue des
phénomènes sociaux que nous lions par une relation de cause
à effet. L'ingénierie sociale par la zaïrianisation de
l'industrie n'est pas une réforme de détail au sens de petit
à petit, prudente et hésitante. Il est impossible de le faire
autrement qu'avec audace, par panzentiers si ce n'est d'un seul coup. Son
statut n'est pas différent en termes de la philosophie faillibiliste de
la connaissance, des « droits » de douane ou des avantages
« sociaux ». Ses effets ne sont pas moins difficiles
à évaluer avec une quelconque confiance. Les Mots et les
Choses décrivent les mutations épistémiques, qui, de
la Renaissance à l'âge industriel, ont rendu possible l'apparition
des « sciences humaines ». Foucault s'attache ici à
décrire celle qui, au tournant de l'âge classique, affecte
particulièrement le statut du langage, alors qu'à la Renaissance,
le langage imprégnait le monde dont il se distinguait à peine,
comme s'il en était une émanation. A l'âge classique il
devient l'expression directe de la pensée. Devenu purement instrumental
et fonctionnel, le langage exprime la pensée, sans décalage, sans
opacité, au point qu'on vient presque à en oublier
l'existence.
Les mots ont reçu la tâche et le pouvoir de
« représenter la pensée ». Mais
représenter ne veut pas dire ici traduire, donner une version visible,
fabriquer un double matériel qui puisse, sur le versant externe du
corps, reproduire la pensée en son exactitude. Représenter est
à entendre au sens strict : le langage représente la
pensée, comme la pensée se représente elle-même. Il
n'y a pas, pour constituer le langage, ou pour l'animer de l'intérieur,
un acte essentiel et primitif de signification, mais seulement, au coeur de la
représentation, ce pouvoir qu'elle détient de se
représenter elle-même, c'est-à-dire de s'analyser en se
juxtaposant, partie par partie, sous le regard de la réflexion, et de se
déléguer elle-même dans un substitut qui la prolonge.
À l'âge classique, rien n'est donné qui ne
soit donné à la représentation ; mais par le fait
même, nul signe ne surgit, nulle parole ne s'énonce, aucun mot ou
aucune proposition ne vise jamais aucun contenu si ce n'est par le jeu d'une
représentation qui se met à distance de soi, se dédouble
et se réfléchit en une autre représentation qui lui est
équivalente. Les représentations ne s'enracinent pas dans un
monde auquel elles emprunteraient leur sens ; elles s'ouvrent
d'elles-mêmes sur un espace qui leur est propre, et dont la nervure
interne donne lieu au sens. Le langage est là, en cet écart que
la représentation établit à soi-même. Les mots ne
forment donc pas la mince pellicule qui double la pensée du
côté de la façade ; ils la rappellent, ils
l'indiquent, mais d'abord vers l'intérieur, parmi toutes ces
représentations qui en représentent d'autres. Le langage
classique est beaucoup plus proche qu'on ne croit de la pensée qu'il est
chargé de manifester ; mais il ne lui est pas
parallèle ; il est pris dans son réseau et tissé dans
la trame même qu'elle déroule. Non pas effet extérieur de
la pensée, mais pensée elle-même.
Le refus de définir ses ensembles en
compréhension rend difficile les assertions de Mutuza sur les
explications qu'il donne de l'action humaine. Et, par là, le langage se
fait invisible ou presque. Mutuza pense que le langage est en tout cas devenu
si transparent à la représentation que son être cesse de
faire problème. Mais il oublie que la Renaissance, à laquelle il
se réfère, s'arrêtait devant le fait brut qu'il y avait du
langage : dans l'épaisseur du monde, un graphisme mêlé
aux choses ou courant au-dessous d'elles; des sigles déposés sur
les manuscrits ou sur les feuillets des livres. Et toutes ces marques
insistantes appelaient un langage second -- celui du commentaire, de
l'exégèse, de l'érudition --, pour faire parler et
rendre enfin mobile le langage qui sommeillait en elles. L'être du
langage précédait, comme d'un entêtement muet, ce qu'on
pouvait lire en lui et les paroles dont on le faisait résonner. À
partir du XVIIeme siècle, c'est cette existence massive
et intrigante du langage qui se trouve élidée. Elle
n'apparaît plus celée dans l'énigme de la marque :
elle n'apparaît pas encore déployée dans la théorie
de la signification. À la limite, on pourrait dire que le langage
classique n'existe pas. Mais qu'il fonctionne. Toute son existence prend place
dans son rôle représentatif, s'y limite avec exactitude et finit
par s'y épuiser. Le langage n'a plus d'autre lieu que la
représentation, ni d'autre valeur qu'en elle : en ce creux qu'elle
a pouvoir d'aménager.
Par là, le langage classique découvre un certain
rapport à lui-même qui jusqu'alors n'avait été ni
possible ni même concevable. À l'égard de soi, le langage
du XVIeme siècle était dans une posture de
perpétuel commentaire : or, celui-ci ne peut s'exercer que s'il y a
du langage, -- du langage qui préexiste silencieusement au discours
par lequel on essaie de le faire parler. Pour commenter, il faut le
préalable absolu du texte. Et inversement, si le monde est un entrelacs
de marques et de mots, comment en parler sinon sous la forme du
commentaire ? À partir de l'âge classique, le langage se
déploie à l'intérieur de la représentation et dans
ce dédoublement d'elle-même qui la creuse. Désormais, le
Texte premier s'efface, et avec lui, tout le fond inépuisable des mots
dont l'être muet était inscrit dans les choses. Seule demeure la
représentation se déroulant dans les signes verbaux qui la
manifestent, et devenant par là discours. À
l'énigme d'une parole qu'un second langage doit interpréter s'est
substituée la discursivité essentielle de la
représentation : possibilité ouverte, encore neutre et
indifférente, mais que le discours aura pour tâche d'accomplir et
de fixer. Or, quand ce discours devient à son tour objet de langage, on
ne l'interroge pas comme s'il disait quelque chose sans le dire, comme s'il
était un langage retenu sur lui-même et une parole close. On ne
cherche plus à faire lever le grand propos énigmatique qui est
caché sous ses signes. On lui demande comment il fonctionne :
quelles représentations il désigne, quels éléments
il découpe et prélève, comment il analyse et compose, quel
jeu de substitutions lui permet d'assurer son rôle de
représentation. Le commentaire a fait place à la
critique(220(*)). Le « monisme
anomal(221(*)) » est
la théorie du monisme anomal développée par
Donald Davidson identifie les événements mentaux aux
événements physiques (monisme), tout en niant qu'il y ait des
lois mentales ou psychophysiques (anomisme(222(*))). Elle résulte de la distinction
effectuée d'une part entre les événements particuliers
(mentaux et physiques) et leur description et d'autre part entre les relations
et les lois causales.
La rationalité est un trait social que seuls
possèdent les communicateurs. Dans ce cadre, certains
anthropologues et sociologues (Tshungu et Kabuya Lumuna) proposent comme
priorité l'analyse des confrontations et des articulations entre les
différentes valeurs et pratiques qui sont propres aux différents
individus et groupes au sein d'une même société. De cette
manière, il s'agit de comprendre comment ces valeurs contradictoires
peuvent parfois s'articuler pour donner naissance à d'autres valeurs et
d'autres pratiques. Dans cette perspective la culture bantoue est davantage
perçue comme un processus.
Cette idée est notamment développée par
l'anthropologue américain Sally Falk Moore ou comme un flux
(R. Fox), chez les Tutsi(223(*)).
Dans le contexte de la mondialisation,
anthropologues, tels que Ulf Hannertz, insistent sur la nécessité
de se concentrer sur les phénomènes de
métissage(224(*))
des cultures (« créolisation »). Grâce aux
flux plus nombreux et plus intenses de personnes, de biens et de valeurs, les
individus d'une société donnée ont accès à
plusieurs autres espaces culturels. Empruntant des éléments au
sein de ces autres cultures et les adoptant au sein de la leur, ils participent
à la créolisation de cette dernière. C'est ce que nous
appelons appartenance.
Section 4. Philosophie de l'Etat
§1. Pouvoir politique
Les catégories conceptuelles les plus usitées
pour les phénomènes d'effervescence politique se veulent sous
une forme ou sous une autre, initiateurs d'un âge d'or (RDC
eloko ya makasi). Elles sont d'une part la
distinction entre le messianisme et la conscience vocationnelle ; d'autre
part, la disjonction entre les traditions ya Bantu et le
colonialisme.
Cette distinction a alimenté des controverses. Elle
connote deux caractéristiques, touchant un processus social
d'intervention et une conception théologique de la grâce. Les
Tutsi n'ont eu à être populairement connus en R.D. Congo que sous
le régime afdelien. Mutuza dénonce le méfait du pouvoir
politique et annonce sa philosophie politique.
Cela ne fut connu et identifié clairement que pendant
la transition, Un Plus Quatre ; ce n'était qu'en ce temps
là(225(*)) que les Hima-Tutsi ont eu le
privilège de renforcer leur mythe. Cette fois là en se faisant
passer pour des êtres intelligents. Nous savons par d'autres
sources qu'être Tutsi ne signifiait pas appartenir à cette ethnie.
C'est être évolué. Et l'ouvrage du philosophe congolais,
avec ses révélations, fut mal accueilli par ceux des Congolais
qui désapprécient la valeur de leur intelligentsia. Quant aux
Hima-Tutsi, l'ouvrage est lu comme un oktoèque
ou paraclitique(226(*)).
Selon le journal Numerica (Les Documents), on y lit A la
une : « Mutuza Kabe a précédé
l'histoire en conjurant l'AFDL dès août
1997 »(227(*)). Et Etoile, avec le problème de la
guerre à l'Est de la RD Congo, reprend que « depuis plus
d'une décennie, notre pays, la RDC, est devenu un champ de bataille le
plus meurtri du monde par le nombre de morts, par le sadisme et le cynisme avec
lesquels les hommes sont traités avant d'être tués,
assassinés ou égorgés. Pourquoi tant de morts ?
Pourquoi tous ces actes de barbarie et de sauvagerie qui banalisent la vie
humaine, mais qui laissent indifférentes la communauté
internationale ? »(228(*)).
En réponse à l'interrogation du journal, Mutuza
nous apparaît comme un nouveau Cicéron qui, philosophe, a su bien
concilier philosophie et action politique. Cependant, il n'est pas
écouté. L'allusion est plein de sens. Mutuza est victime de ce
qu'il est en lui-même.
Ainsi, les sociétés totalement
nationalisées, celles de colons où l'État métropole
est seul actionnaire -- présentent un particularisme : leur
conseil d'administration est composé de représentants de
l'État, de représentants des salariés, voire de
représentants d'usagers. Le particularisme est encore fort, même
dans les sociétés où l'État détient
seulement une participation majoritaire : ces sociétés
furent certes régies entièrement par la loi de la
Conférence de Berlin en 1884. Leur Conseil d'Administration dut
obligatoirement comprendre les représentants des salariés, et la
Cour des comptes exerça sur elles un contrôle. À l'inverse,
les sociétés privatisées furent, en principe, soumises au
statut de droit commun des sociétés privées. L'État
belge put les maintenir sous sa coupe par divers moyens. Il put ainsi
s'octroyer le droit de nommer un administrateur, de contrôler les
cessions d'actions importantes ou de s'opposer à certaines cessions
d'actifs.
L'Etat belge se donnait le devoir de protéger les
étrangers au Congo. Les Belges et les Tutsi qui vécurent sur son
sol furent donc des sujets à protéger. Par là il fallait
inculquer aux Tutsi un complexe de supériorité.
La rencontre fut riche mais destructrice. Riche, parce que les
nomades tutsi apprirent le sédentarisme. Ils furent instruits par les
Bantous sur le sens du respect de l'humain. L'humanisme bantou leur fut
enseigné. L'âme tutsie n'a pas su s'en imprégner.
Destructrice, à cause du manque moral des Tutsi et de leur vide
d'appartenance au grand ensemble Congo. N'appartenant pas dans cet ensemble ils
veulent l'inclusion par une entrée forcée, eux comme un ensemble,
dans la RD Congo. C'est leur raison d'agir comme des domptés de leur
activité qui fait d'eux ce qu'ils sont par la reconnaissance de leur
maîtres. Dire que les Tutsi sont comme ceci ou comme cela ne justifie pas
leur mode de vie.
C'est pourquoi nos raisons d'agir sont à
traiter comme des causes de nos actions, et nos intentions sont des
désirs ou des croyances. Si une cause mentale interne à un esprit
unique ne peut être considérée comme une raison, il y a
alors irrationalité. Il nous faut admettre que cet esprit est
cloisonné en « territoires ». Si un agent
intempérant maintenant deux prémisses contradictoires
(appartenant chacune à un « territoire ») agit
à l'encontre de ce qu'il juge être le meilleur, il est
irrationnel. Les causes de son action ne sont pas ses raisons (rupture entre
rationalité et causalité). En fin de compte, la
rationalité est un trait social que seuls possèdent les
communicateurs.
Les effets sur le « tissu social » sont
testables ou ils ne le sont pas, quelle que soit l'échelle des
expériences de l'ingénieur social. Si les petites comme les
grandes sont également testables, elles ont toutes leur place dans la
boîte à outils de la technologie sociale, où certains
outils peuvent être grands et costauds, et d'autres fins et
délicats. Lorsque Mutuza parle de minorité en terme de
détail, ce qu'il entend est « exposé au test de
l'expérience », ou « à juger d'après
le succès ou l'échec de son application. Il ne veut pas dire
« petit » par opposition à
« grand », « graduel » par opposition
à « immédiat », sauf dans la mesure où
cela signifie en fait qu'elles sont testables.
Il suffit de réfléchir à quelques-uns des
rôles que nous devrions attendre de l'Etat: « l'Etat a pour
fonction essentielle d'assurer aux individus dont il a la charge les conditions
matérielles de la vie avec le bien nécessaire à la
moralité. Il doit pour cela garantir aux pays la sécurité
intérieure et extérieure. Détenant, dans la nation,
l'autorité suprême, l'Etat doit avoir à son service des
forces telles qu'aucune autre puissance ne puisse lui résister
victorieusement. Par suite, il doit exclure les particuliers des fonctions qui
leur donneraient la maîtrise absolue de la nation, ou prendre les mesures
nécessaires pour les empêcher de nuire. Mais d'une manière
générale, la mission de l'Etat est de ` promouvoir,
d'harmoniser et de contrôler toutes les activités nationales sans
s'y substituer' »(229(*)). C'est nous qui soulignons ces lignes. Il
s'agit d'anéantir les forts et de redresser les faibles
« Fort », « faible »,
et tout spécialement « inéquitable » sont des
mots élastiques. Pour certains l'institution même de la
négociation collective suffit à rendre équitables tous les
contrats de travail ; pour d'autres, ils sont tous inéquitables
parce qu'ils laissent de la place pour l'exploitation. Ces termes
essentiellement subjectifs, chargés d'affects, n'ont de sens admis, ne
font l'objet d'un consensus qu'au sein d'une « communauté de
discours » homogène, à savoir les démocrates
sociaux. Le contenu normatif de ces expressions est indéterminé.
Elles peuvent être légitimement une intervention virtuellement
illimitée au nom des faibles, et pour rétablir
d'équité. La vie sociale, quelque institution que l'on ait pu
construire pour la canaliser, reproduit sans cesse des conditions que l'on peut
décrire comme la faiblesse pour les uns, et la force pour les autres. Le
caractère inéquitable des accords qu'ils pourraient faire passer
si on les livrait à eux-mêmes en produirait autant. Ces
descriptions sont, bien entendu, impossibles à tester. Elles peuvent
engendrer littéralement n'importe quelle prescription politique, y
compris l'Etat.
§2. Exigences politiques et
les crédos mutuzistes
Ce double mouvement affleure dans la philosophie sociale de
Mutuza. Comment cette conception de Mutuza du passé se conjugue-t-elle
avec la projection de l'avenir ? C'est ce que suggèrent les
crédos exigences normatives du pouvoir politique. En pratique, des
normes de politique publique sont contraintes suivant les cas, par les sens que
le consensus donne à la force, à la faiblesse, etc. L'Etat, en
d'autres termes, a un mandat mutuziste pour faire ce que le consensus (à
travers son interprétation de ce qui serait faible, fort,
équitable, etc.) lui demande de faire.
Quel est, dans ce cas, le contenu réel de ce genre de
commandements ? Comment les transcrit-on en contraintes définies,
en normes pour l'action politique ? Elles sont vides de sens, dans la
mesure où l'on peut dire de tout Etat, quel que soit son rôle,
qu'il s'y conforme, à condition que le « consensus »
soit opportunément défini comme : « ne pas
s'écouter parler, mais de prendre part à la
parole »(230(*)), accord minimal avec ce que les hommes de l'Etat
sont en train de faire. Si cette approbation était insuffisante, l'Etat
devrait évidemment changer de registre, puisque c'est cela que signifie
le mot minimal dans ce contexte. Un consensus démocrate-social ne
manquerait pas d'engendrer des politiques démocrates-sociales. Si le
consensus se trouvait être
« néoconservateurs »,
« libertarien » ou « nouvelle-Gauche »,
l'Etat adopterait vraisemblablement les mesures correspondantes,
reflétant le sens très différent que l'on donnerait
à la « protection des faibles » et à ce qui
est « équitable ».
Cependant, on ne nous a toujours pas expliqué pourquoi
et comment le consensus des hommes de volonté porte à la
démocratie sociale plutôt qu'au conservatisme, au
libéralisme, au socialisme...
Le consensus démocrate-social reste difficile à
identifier. Quand les institutions démocrates-sociales ne sont-elles ni
« trop à gauche » ni « trop à
droite » mais se situent dans le centre? Dans quel sens précis
répondraient-elles à la demande d'
« équité » et de « protection pour
les faibles » ? A un certain moment Mutuza demande une assurance
obligatoire pour l'invalidité, le chômage, sans parler de
vieillesse, et les moyens d'existence statutairement garantis pour quiconque
est disposé à travailler. Une
réversibilité évidente caractérise des
détails terre-à-terre de ce genre : quel est le niveau de
prestation qui constitue une assurance suffisante contre le risque en
question ? Et que signifie « améliorer leur standard de
vie, ...Mais qu'allons-nous faire de ces moyens ? Qu'en fait aujourd'hui
l'Europe qui les a inventés et mis en
oeuvre ? »231(*), -et qu'est-ce qui passe pour des moyens
d'existence ? Certes, toutes les normes de ce qu'un Etat devrait faire ne
sont pas facilement quantifiables. Tous ne peuvent pas être traduits en
engagements précis. Et il n'y a que des engagements précis dont
on puisse dire que les hommes d'Etat les ont respectés, ou ne l'ont pas
fait, ou qu'ils ont outrepassé leurs pouvoirs. Sinon ces affirmations ne
seraient que vague rhétorique, de simples assertions
irréfutables. Par conséquent, même en condescendant
à sortir des nobles généralités, à passer de
planifier, étape par étape, des institutions qui
préserveront la liberté, particulièrement la protection
contre l'envahissement tutsi... au niveau plutôt ennuyeux des
institutions concrètes que nous devons construire pour y parvenir, on ne
préserve pas le discours mutuziste du danger de se faire retourner pour
justifier quasiment n'importe quelle position, et s'y faire mettre n'importe
quel contenu empirique, même si l'intention de départ était
manifestement de verser dans la démocratie sociale
modérée.
Les thèses de Mutuza sont
présentes au travers de ses oeuvres (Ethique et
développement, plus précisément dans Les
fondements culturels du fédéralisme). Il a également
écrit Le dialogue intercongolais (2002).
On pourrait le penser. Car, loin de désespérer
de la chose comme nous pourrions l'attendre de l'évaluation des
concepts, Mutuza a confiance dans l'ingénierie sociale.
Il reste à noter qu'après avoir placé
notre confiance dans l'ingénierie sociale, fondée sur la
possibilité d'une technologie sociale évolutionniste, il ne
serait guère logique d'imposer à son domaine d'action une sorte
de limite d'origine extérieure. Agir ainsi serait
présupposé que, même si la technique est bonne, il y aurait
quelque chose de meilleur au-dessus d'elle, une source de connaissance qui
l'emporte sur la technologie elle-même. Une technologie sociale est
fonction de la culture de l'ingénieur social.
Franz Boas (+ 1942) a tenté mieux que quiconque de
parler de la culture dans sa version factuelle.
Tout en se fondant sur les théories de Franz Boas,
le courant de pensée culturaliste s'en détache cependant en
essayant de nuancer sa définition de la culture. Ainsi, au début
des années 1950, Alfred Kroeber (+1960) et Clyde Kluckohn
tentent-ils de recenser l'ensemble des définitions de la culture dans
l'espoir de proposer une approche plus comparative. L'anthropologie culturelle
américaine demeure toutefois très imprégnée de la
conception boasienne de la pluralité des cultures, l'analyse de la
culture d'une société ne s'effectuant qu'en
référence à elle-même avec son ingénierie.
C'est pourquoi certain a pensé que si la technologie
laisse entendre que d'après le bilan factuel, il est possible de faire
le bien quelque part, il serait étrange de déclarer qu'il
faudrait quand même mieux ne pas le faire. Il s'ensuit tautologiquement
de l'idée même d'une technologie sociale que si l'on s'attend
à ce que le bilan coût-avantage d'une politique, il est
préférable de la mettre en oeuvre et non de l'abandonner. Dans
cette optique, il est difficile d'interpréter la mise en garde du
citoyen Mutuza contre le fait de chercher à faire le bonheur des gens,
ou à réaliser certaines valeurs qui leur sont chères, dont
on ne doute pas qu'elles le seront une fois réalisées.232(*) Et de toutes façons,
redresser les torts, apaiser la souffrance ne contribue-il pas au bonheur des
gens ? Où peut-on dire que l'un s'arrête et que l'autre
commence ?
Il semble y avoir une sorte d'incohérence entre l'appel
à l'ingénierie sociale et la mise en garde contre l'ambition de
la Communauté internationale de faire le bonheur des gens. Pourrait-on
la surmonter en faisant valoir qu'un mandat pour rendre les gens heureux risque
trop qu'on l'interprète comme autorisant à forcer les gens pour
leur bien, -de sorte que la technologie devrait être assortie d'une
contrainte, de peur qu'elle ne soit employée pour « faire le
bien par la force » ? Quelque interprétation de ce genre,
aussi tirée par les cheveux qu'elle soit, pourrait lier la contrainte de
Mutuza « contre le bonheur » à la règle de J.
S. Mill (+ 1873) interdisant de forcer les gens pour leur bien. Cependant, le
corollaire de la règle de Mill est que c'est mal -moralement,
déontologiquement mauvais, et pas seulement voué à
l'échec, dangereux, inopportun ou inefficace- de forcer les gens si ce
n'est pas pour les empêcher de faire du mal à autrui.
Il n'y a aucune trace visible d'une telle règle
déontologique dans l'oeuvre(233(*)) de Mutuza. Contre la tendance potentiellement
totalitaire à forcer les gens à être heureux, sa position
est, pour autant qu'on puisse en juger, conséquencialiste, tout comme
l'intégralité de son ingénierie sociale. Si
l'ingénierie sociale représente quelque chose, c'est une suite de
décisions politiques qui conduisent les gens à consacrer leurs
efforts et leurs biens à d'autres fins qu'ils ne le feraient si on leur
permettait de faire comme ils le jugent bon. La coercition à laquelle
ils sont soumis est d'un genre que Mill n'aurait pas jugé
défendable(234(*)) ; elle est en revanche positivement bienvenue
dans la pensée politique de Mutuza, où la question de sa
justification ne se pose pas, la simple raison étant que pour Mutuza le
conséquencialiste, le bilan « globalement positif »,
l' « avantage net », légitime ipso facto l'emploi de
la force pour y parvenir. Si le « bilan » est correctement
calculé et le « coût » correctement
estimé, ils prennent déjà en compte le caractère
indésirable de la coercition, lequel n'a tout simplement pas assez de
poids. Dans ce cas, il n'y a aucun besoin de quoi que ce soit d'autre pour
légitimer, pour ainsi dire, au second tour. Que l'Etat ait
« la mission de `promouvoir, d'harmoniser et de contrôler
toutes les activités nationales sans s'y substituer'(...) ; et ne
doit pas limiter ses préoccupations aux intérêts
matériels (...), (il) doit collaborer au triomphe des valeurs
supérieures et universelles sur les valeurs purement
individuelles... »235(*) est une demande qui stipule que l'Etat fasse le
bien, évite le mal, et dans cette manière de penser, cette
demande est une question qui n'a plus de sens.
Il faut attendre les années
1990-2000 pour voir émerger des critiques qui remettent
véritablement en cause l'idée de culture comme un ensemble
cohérent et homogène. Les politiciens congolais marxistes, ainsi
que les militants nationalistes, soulignent que le pays est dirigé par
les étrangers. Cela masque en réalité les clivages entre
les classes, les genres et les différentes idéologies qui
s'affrontent dans la société congolaise. Des chercheurs tels que
l'anthropologue Gudijiga s'insurgent sur le caractère réifiant de
la culture qui, en homogénéisant et en donnant une vision
statique des groupes humains, leur confère une altérité
radicale et parfois déshumanisante(236(*)).
Il pense que la Communauté internationale, les Nations
unies, avec ou sans la bonne foi, se force à apporter de l'aide. Elle
force les autres à être heureux. Un des thèmes
majeurs de cette conception mutuziste est cette découverte de
l'ingénierie sociale. C'est ainsi que Mutuza a pris coutume
d'énoncer des jugements normatifs en termes des conséquences
qu'il désire obtenir. La démocratie doit permettre aux
gouvernés de remplacer les dirigeants et de brider le pouvoir
économique. Nos institutions doivent empêcher l'exploitation de
moins doués, des moins impitoyables, ou des moins chanceux,
empêcher même de mauvais dirigeants de faire trop de
dégâts. La vie politique doit être expurgée du crime
de l'anti-égalitarisme qui donnerait à certains hommes le droit
de se servir des autres comme d'un instrument. L'ingénierie sociale doit
améliorer notre vie et rendre nos institutions économiques et
sociales plus efficaces.
Il n'y a aucune trace visible d'une telle défense dans
l'oeuvre de Mutuza contre la tendance potentiellement totalitaire à
forcer les gens à être heureux. Un des thèmes politiques
caractéristiques de son Les fondements culturels du
fédéralisme au Zaïre est une forte recommandation de
limiter l'étendue du pouvoir et l'ambition de nos objectifs
politiques : c'est ce qui conduit bien des libéraux (à la
différence des Liberals américains) à considérer
Mutuza comme l'un des leurs(237(*)). Tenter de réaliser le paradis sur terre
amène immanquablement l'enfer... il faut tenir pour un devoir de lutter
contre la souffrance, mais le droit de se soucier du bonheur des autres doit
être limité au cercle étroit de leurs amis.
Cependant, si l'on prenait cette injonction pour la
description d'une limite au domaine légitime de la politique, on serait
forcement déçu. Lutter contre le mal et la souffrance,
voilà bien une description parfaitement réversible de l'action
politique, cela veut dire ce que le consensus souhaite que cela signifie, et de
même la recommandation de ne pas chercher à faire le bonheur des
gens(238(*)).
En tout cas, avant d'interpréter Mutuza comme un
partisan du gouvernement limité, des limites au pouvoir d'Etat et au
domaine du choix collectif, il faudrait réconcilier ces contraintes avec
exigences déterminées qu'il adresse, ou juge que les citoyens
peuvent légitimement adresser, à l'Etat et par implication les
uns aux autres(239(*)).
Mutuza est un nominaliste, il réduit les êtres et
les choses et leur nature à l'état de masse informe par les actes
de foi suspects, par des pétitions de principe dangereuses. Nous
sommes tous nominalistes par naissance, et en tant que nominalistes, nous avons
tendance à objectiver notre monde. Mais cette tendance est seulement un
accident historique et non pas une nécessité
essentielle »(240(*)).
Il suffirait de réfléchir à quelques-uns
des rôles que nous devrions attendre de l'Etat, proposées par
citoyen Mutuza avec une bonne foi manifeste : « Nos
frères et voisins immigrés chez nous, in illo
tempore, ont cru qu'en prenant les armes et qu'en se joignant aux
armées de leur pays d'origine ils allaient obtenir la nationalité
congolaise que leur avait refusée la C.N.S. et les lois
zaïroises. »(241(*)) Il écrivait ces lignes en se
référant à la situation des pillages à la fermeture
de la Conférence Nationale Souveraine (CNS).
Les Hima-Tutsi ont tenté de condamner l'homme
privé et public, de décrier le politicien et même de
rabaisser le philosophe qui ne serait qu'un « adaptateur »
brillant et superficiel de Papadopoulos ; ils ne manquèrent pas de
faire appel à la demande des résolutions du plan de la
recolonisation tutsi au Kivu et Région Centrale de l'Afrique en
1962 : « Puisque nous sommes numériquement
faibles au Kivu et que nous, pendant les élections de 1960 avons
réussi d'une façon très magistrale à nous fixer au
pouvoir en nous servant de la naïveté Bantoue et que d'autre
part notre malignité a été découverte un peu
plus tard par les Congolais, tout Mututsi de quelle région qu'il soit
est tenu à appliquer le plan ci-dessous et d'y présenter une
très large diffusion dans les milieux du District des
Volcans.... »(242(*)). Avec cette politique d'intoxication, il est
dit que « les Bahutu craignent plus la rumeur que la lance et
les militaires »(243(*)). De là la tactique de déclarer
que Mutuza, s'il a des amis, a toujours beaucoup d'ennemis. Mais une
« réhabilitation », comme voudrait la tenter
certains de ses assistants ou l'auteur de cette thèse, serait de peu
d'intérêt s'il ne s'agissait que de défendre une
mémoire. Il est intéressant de montrer que cette
réhabilitation permet d'écarter plusieurs contresens
invétérés, concernant aussi bien la carrière,
l'action politique, l'oeuvre théorique que la politique de Mutuza. Du
coup, on lui restitue une dimension, une cohérence, une humanité
qui justifie son prodigieux succès culturel : car sur lui repose en
partie l' « humanisme » congolais, compris par la notion
d'appartenance.
Certes «l'interventionnisme...conduit à un
accroissement du pouvoir de l'Etat et de la bureaucratie. Mais ce n'est, encore
une fois, qu'un problème de technologie sociale et d'ingénierie
sociale détaillée...la liberté se planifie, il n'y a pas
que la sécurité », écrit Mutuza au ministre
qui avait en charge la Recherche Scientifique et Technologique.
Comment quiconque pourrait-il désavouer ces
objectifs-là, et comment pourrait-on ne pas applaudir la constitution
institutionnelle capable de les réaliser ? Et c'est d'autant plus
facile d'être d'accord qu'approuver ces buts ne nous engage absolument
à rien. Les conséquences que Mutuza nous encourage à
rechercher lorsque nous faisons des choix politiques, sont de nature telle que
si nous allons à droite plutôt qu'à gauche, en avant et non
en arrière, nous pourrons toujours dire que ce sont eux que nous
recherchons. Qui ne pourra jamais prouver que nous ne sommes pas en train de
construire la liberté ?, ou que nous commettons le crime
d'anti-égalitarisme ?
La partie difficile de la théorie politique de Mutuza,
c'est sa laborieuse mise au point non de ce que nous voulons, mais de la
manière de l'obtenir. C'est assez facile appeler à des
institutions construites pour faire ceci, cela et encore cela.
L'incertitude et la sueur apparaissent lorsqu'il faudra effectivement
planifier ces institutions qui feront les choses en question, et
(avant même de commencer à tracer les plans) les décrire
dans le rude langage du technicien qui possède, lui, un contenu
d'information réfutable.
Quelles sont le règles auxquelles le choix
collectif doit être soumis pour qu'il puisse passer pour
démocratique ? Qu'est-ce que nous devons faire, ou nous
abstenir de faire, pour faire fonctionner efficacement une
économie ? Qu'est-ce qu'un contrat équitable,
quelles sont les lois dont nous avons besoin pour faire respecter les contrats
qui sont justes, et annuler ceux qui ne le sont pas ? Ce n'est pas
suffisant de dire que les institutions doivent être justes, ou
rationnelles. Toutes nos institutions le sont, ou aucune ne l'est, au bon
plaisir de l'observateur. Mais à la fin des fins, il faudra bien dire,
dans une langue non réversible, dans quelle mesure précise elles
sont censées de se conformer à quels critères
précis.
Nous sommes ici invités à une réflexion
sur la condition humaine vue à travers le prisme
privilégié de l'appartenance et de la résistance à
toute tentative qui nous y exclurait. Rien n'est plus dramatique qu'une
appartenance forgée suivant un mythe. Et le mythe de l'appartenance des
Hima-Tutsi s'est édifié sur celui d'un animal, le boeuf,...
chacun peut le comprendre : tout mythe d'appartenance consiste en une
infraction à la loi naturelle ; celle-ci veut qu'un homme n'ait
jamais rien en propre en terme de langage. Qu'il tente de le faire et
voilà ses héritiers plongés dans les pires embarras. Les
Hima-Tutsi avaient légitimement pris possession de l'héritage
bovin, joui de ses biens. Son appartenance les oblige à restituer tout
ce dont son langage les avait gratifiés. Autant dire que l'appartenance
à un langage met nécessairement les héritiers vivants dans
une situation impossible. Leur réaction naturelle sera de nier le retour
à la vie d'un défunt, d'y voir une supercherie. Et en tout cas de
se refuser à lui rendre l'héritage dont la mort les avait mis en
légitime possession.
Les Hima-Tutsi le savent : rien n'est plus difficile que
de convaincre les Bantu de la simple possibilité de s'approprier d'une
des leurs terres, qu'il s'agisse de la leur exproprier ou de se l'y associer.
Avant les Tutsi, personne n'avait jamais signalé aucun cas de ce genre.
Cela ne manquait pas de rassurer les Bantu, encore émus par les tueries,
massacres, vols, viols perpétrés à l'est de la RD
Congo.
Or voilà que la RD Congo, avec ses terres, se met en
mesure et prend conscience de son appartenance. Les Congolais caressent ce
projet, taxé par tous, surtout la fameuse communauté
internationale, de folie depuis plus de dix ans. Nous n'entrons pas au Ruanda
où les Hutu souffrent de l'opprobre animalité Tutsi. Nous sommes
chez nous en RD Congo, les massacres perpétrés par le Ruanda se
traînent dans le huis-clos de leurs ghettos en se réfugiant dans
les rébellions (les plus horrible sont celles de Tutsi comme Ruberwa
avec son RCD et CNDP de Nkunda Batruare, un rebelle de RCD de Ruberwa) et
sollicitant l'aide de la communauté internationale. Mutuza refuse tout
bien fait forçant les autres à être heureux.
« La situation d'exception prévalant dans le pays peut
justifier que l'on recourt, de façon réaliste ou
pragmatique(244(*)),
à des solutions d'exception »(245(*)). Or ce refus est
justifiable et justiciable pourvue que l'on soit sur une bonne base
épistémologique des deux disciplines de la science sociale. Ces
deux disciplines nous aideront pour comprendre l'appartenance et le mythe. Il
s'agit de l'ethnologie et de l'anthropologie.
Les historiens sont en général d'avis qu'un
texte court a des chances d'être plus ancien. Par ce fait,
l'antériorité de la culture bantu semble être
concluante.
Fort de ce qui vient d'être dit, nous croyons que les
Tutsi sont des nomades qui au départ furent des esclaves chez les Bantu
et dont l'écrasante culture des agriculteurs les ont assujettis
jusqu'à leur imposer, dans les moindres détails, la langue
kihutu. Il est dès lors aisé de comprendre pourquoi il
n'y a nulle part en RD Congo une langue kitutsi.
Chercher à définir les concepts de la Science
Coloniale serait de peu d'importance du fait que réévaluation des
concepts s'y oppose. Si nous nous y appliquons, nous serons hors l'idée
de notre auteur et nous ne lui serons plus fidèle. Il faut aussi noter
avec Baumann et Westermann que « la classification des langues
est le complément nécessaire de la répartition
ethnographique des tribus et peuples ; le plus souvent d'ailleurs, cette
dernière s'appuie sur les faits linguistiques »(246(*)). ils ajoutent
que « l'étude de la structure des langues n'a pu
être qu'esquissée ici, mais cette étude aide très
nettement à comprendre les civilisations et l'esprit qui les a
inspirées » (247(*)).
Qui plus est, l'erreur capitale de la science coloniale et des
anthropologues constructeurs du mythe « Hima-Tutsi » dans
un essentialisme méthodologique, et surtout de la philosophie analytique
de Crahay et ses émules, consiste à penser qu'il est possible
d'atteindre quelque chose comme définition exacte et, de manière
plus large, un discours précis qui ne faillasse plus par quelque
ambiguïté ou confusion typique du langage ordinaire. Car
précision et exactitude sont, en matière de discours, des
idéaux trompeurs et fallacieux.
Quand on s'attelle à des descriptions, il faut
éviter d'abréger tout élément étranger. S'il
en fallait, il vaudrait mieux le faire là où ce qui était
proprement congolais est faible et où ce qui était
étranger à la RD Congo l'emporte d'autant. C'est ce que
Papadopoulos fit dans La poésie dynastique du Rwanda et
l'épopée Akritique.
§
3 Tâche philosophique et rationalisme
A Lovanium, une foudre est tombée des nuages du ciel de
l'époque : la lutte pour une conception plus libre. Dans
Le décollage conceptuel, Franz Crahay, alors professeur
à Léopoldville, place le langage au centre de ses
préoccupations en exigeant qu'il soit l'objet exclusif des recherches
philosophiques(248(*)).
Mutuza peut apparaître comme le sympathique chien
arrivant dans ce jeu de quilles pour qui, les questions de terminologie sont de
peu d'importance puisque selon lui, rien ne dépend de mots. Et il s'agit
d'une position réelle et ferme en fait de philosophie du langage, non
d'une négligence d'homme de science. C'est une position contradictoire
du fait que Mutuza préconise la réévaluation des concepts
comme condition de possibilité d'une rupture
épistémologique et d'une philosophie authentique. Il dit :
« voilà ce que nous pourrions appeler situer la
philosophie, c'est-à-dire montrer son caractère relatif. Mais la
philosophie a ceci de paradoxal : qu'elle est un relatif absolu. Et c'est
cet autre aspect qui la fait traiter de philosophie pérenne que nous
voudrions élucider maintenant. »(249(*))
La question est délicate. On se rappellera alors
à quelle condition l'expression « contre courant »
n'est pas excessive pour lui. Mutuza est l'un des philosophes
zaïro-congolais qui ait axé sa réflexion sur quelque chose
d'extérieur au langage, à affirmer ouvertement et ostensiblement
qu'il faut se désintéresser du langage, que les idées
importantes ne correspondent pas à des concepts et ne peuvent s'y
réduire.
Cette conception mérite d'être inspectée
de près et d'un point de vue interne. Elle sous-tend les options de la
philosophie de Mutuza. Il propose une théorie des fonctions des
concepts, et insiste à maintes reprises sur son rôle fondamental.
Son intention est de mettre la philosophie face à ses problèmes,
qui ne sont pas de définir des termes ou de déterminer quelles
phrases ont un sens. Mutuza n'exprime pas clairement cette idée. On la
cherchera en vain dans ses écrits. Il la soutient dans ses encadrements.
Par contre on voit le contraire qui se produit : il faut une
réévaluation des concepts.(250(*)) Au-delà de tout le concept doit
présenter l'aptitude à comprendre. Il nous faudra commencer par
la critique qu'il adresse aux ethno-philosophes et aux philosophes
immatriculés, plus particulièrement à Crahay et ses
émules. A lire de près c'est à Platon et à ses
émules Aristote, Hegel, Marx, qu'il s'adresse.
Dans le texte Les fondements culturels du
fédéralisme Mutuza énumère quelques-uns des
critères qui font partie de la tradition non écrite
(ÏáñÜäïóéò)
après une longue dictature. Il comprend l'appartenance comme
l'affiliation individuelle officielle ou tacite ; affirmer son
appartenance au clan. Inclusion en vertu de propriétés
communes, l'appartenance de x à l'ensemble y.
Il y a au départ un besoin d'appartenance pour nous
permettre de confronter l'insécurité. C'est une étape
importante, surtout à la première rencontre. L'appartenance
rassure notre liberté. Ce besoin d'appartenance est une
réalité humaine. C'est un besoin libre et qui permet l'homme de
s'enraciner. L'être humain vient de la terre qui est le corps d'une
femme. Il s'enracine dans une culture, dans une langue, dans une race.
L'appartenance est la terre dont chacun se nourrit pour grandir.
Le groupe peut être cette terre, à partir de
laquelle nous trouvons la confiance pour nous ouvrir à d'autres et, par
là, découvrir notre humanité. Les Tutsi partent de
l'expérience du vide qu'ils ont senti. ils surent qu'ils étaient
seuls au milieu des Bantous, retranchés, coupés de
l'environnement ; en raison de la morphologie et de la culture. D'autre
part ils ont besoin d'être reconnus et confirmés par les Congolais
indigènes et autochtones. Ils ont besoin d'avoir une place au sein de la
grande famille congolaise. Mais ils sont en difficulté par rapport
à la culture de ceux qui sont en face d'eux.
Avec l'étude du Mythe Hima-Tutsi de Mutuza, nous
arriverons au coeur de son oeuvre. Son idée essentielle est celle de
l'appartenance présentée sous l'apparence de la dissimilitude.
Mutuza admet qu'il est certaines situations dans lesquelles des
éclaircissements à propos des mots employés (surtout dans
les mythes) sont utiles. Il écrit dans A propos de
l'hypothèse de A. Moeller sur l'origine et l'unité culturelle des
peuples du Kivu que « L'occupation actuelle du pays par les
Lega se serait faite à partir de ce point par les descendants de Kisi,
Koima et Beya de la manière
suivant :... »(251(*)).
Et pour cette citation nous ne pensons pas que la philosophie
consiste en la résolution de puzzles linguistiques. Toutefois,
l'élimination des malentendus est une tâche préliminaire
nécessaire. Quant aux définitions, il reconnaît volontiers
qu'elles ne sont pas toujours dénuées d'intérêt,
spécialement lorsqu'elles ont pour objet de distinguer entre deux
acceptions d'un même terme. L'ambiguïté du terme connaissance
ou savoir facilite l'erreur des carnapiens en matière de théorie
de la connaissance. Dès lors, il y a toujours lieu de préciser
quelle acception l'on vise en employant ce terme.
Quand Mutuza consent dans Ethique et
Développement à faire des remarques sur le concept de
développement252(*), il signale qu'il y est contraint malgré les
absurdités régnant à ce propos : les
définitions ou analyses linguistiques de mots ou de concepts ne
l'intéressent pas.
A propos de terme de la réorganisation des
sociétés contemporaines253(*), il pense qu'on a tellement dit n'importe quoi,
qu'il doit se résoudre à y dire quelque chose, pour l'amour la
clarté. C'est dire que cela ne procède pas d'une attitude
systématique ou d'une méthode d'explication des concepts ;
il n'y a pas recherche de définitions. Lorsqu'il s'attarde sur le sens
d'un terme, il ne s'agit que d'une tâche préalable, puisque
« rien ne dépend des mots »(254(*)).
En dehors de cette perspective, les questions de terminologie
s'avèrent inutiles et stériles. Mutuza rejette le prétendu
problème de savoir s'il faut parler de supériorité ou
d'infériorité entre les Tutsi et les Bantu. Pour lui cette
question est sans intérêt, parce qu'essentiellement verbale. Il
écrit : « Or la différence entre ces cas
(Amérindiens et Américains) et celui des Tutsi-Hutu consiste dans
le fait que les Américains pouvaient se passer de services des Indiens,
alors que les Tutsi ne pouvaient pas se passer de ceux des Hutu, s'ils
voulaient se donner une stabilité sociale et
économique »(255(*)).
Mutuza a adopté la terminologie de ses adversaires,
suivant le conseil qu'il prodigue lui-même face aux objections de pure
terminologie. Il échanger ses termes pour ceux que propose
l'interlocuteur. Il croit que son argumentation ne se trouve pas
affectée.
Dans Ethique et
Développement, Mutuza a du ôter un chapitre qui
parle du mal zaïrois parce qu'il a accepté la position de
Kangafu. C'est entre autre en fonction de ce chapitre que l'on peut
établir une préférence entre les discours du Chef de
l'Etat comme source nationale et l'opinion de n'importe quel citoyen
épris de justice et de nationalisme.
Mutuza parle du mal zaïrois comme un fait testable,
désignant le degré auquel il résiste aux tests les plus
sévères. Le terme employé dans le texte avant la censure
est «le développement » ; il avait été
délibérément choisi de manière à être
neutre, autrement dit afin de n'être pas d'emblée associé
à l'idée de démocratisation, puisque Mutuza estime que
lorsqu'un discours présidentiel résiste à des tests, il
n'accroît pas pour autant son degré de démocratisation.
L'histoire se complique quand Kangafu censure l'expression de
Mutuza « développement» par un marxisme «la base et
la superstructure». Mutuza s'inquiéta de ce choix à cause
des associations provoquées par l'idée mal zaïrois et
signala à Kangafu que la distinction entre la base et la superstructure
ne venait pas de son livre mais d'une mauvaise compréhension de ces
expressions marxistes de base.
Kangafu déclinait la proposition. Considérant
que les questions d'appellation n'ont pas d'importance, Mutuza accepta la
proposition d'amputer le chapitre du livre même si cette proposition ne
lui plaisait guère. Il se retrouva vite face à la confusion qu'il
avait cherché d'éviter : en quelques années
l'expression « développement », utilisée par
Mutuza lui-même dans plusieurs articles, était devenue synonyme de
mal zaïrois. Personne ne s'était jamais soucié des
remarques et des mises en garde répétées de l'auteur
d'Ethique et Développement contre cette dérive
sémantique. Il décida d'utiliser la base et la
superstructure pour désigner sa thèse afin d'éviter
qu'on l'associât plus longtemps, dans un parfait contresens, à une
évaluation soumise aux règles du (calcul) mal
Zaïrois.
Il est sans doute délicat de faire la part entre le
malentendu réel et ce qui relève de la négligence
coupable. On a pu, par exemple, reprocher à Mutuza de se contredire,
puisqu'il avait employé lui-même le mot fondement culturel
quand il était question du fédéralisme. Il est
difficile de déterminer s'il s'agit de confusion, d'étourderie ou
de mauvaise foi.
La confusion est plus regrettable que le terme fondement
culturel ou confirmation a de fortes connotations
vérificationnistes. Il véhicule l'idée d'une progression
vers un degré de certitude tendant à être définitif,
ce qui va à l'encontre de la conception mutuziste de la science. Popper
combat de telles affirmations vérificationnistes prônées
par les empiristes logiques(256(*)).
L'on constate par cet exemple anecdotique, quoique
révélateur, qu'il est impossible de ne jamais s'occuper de
terminologie sans autant sombrer dans le souci systématique de la
définition. Il y a effectivement intérêt, quand plusieurs
acceptions d'un mot sont télescopés, « pour
renforcer son pouvoir (...), supplanter l'organisation qui réponde
à la culture du colonisateur »(257(*)), comme le note
Mutuza, à attirer l'attention sur cet état de choses en montrant
qu'il existe des énoncés qui sont vrais lors qu'on prend le terme
dans l'un ou l'autre sens, et qui s'avèrent incompatibles dès
lors qu'on ne les distingue pas. En l'absence de ce genre de risque, les
questions appelant des définitions restent « des questions
vides ».
Cet itinéraire nous permet de saisir l'humanisme de
l'auteur de Sermons d'un prêtre
défroqué. Avant de proposer un jugement sur la
personnalité de Mutuza, il parait bon d'indiquer, au moins rapidement,
quels concepts s'échelonnent dans les ouvrages, ne serait-ce que pour
exposer et compléter son atmosphère intellectuelle. Notre but
sera atteint si nous faisons comprendre au lecteur quels problèmes se
posent au philosophe et les méthodes dont il dispose pour les
appréhender et les résoudre au mieux pour que l'on les appelle
philosophie de Mutuza :
IDENTITE
Individu
Pouvoir
Développement
Culture
Société
Histoire
Tradition
Coutume
Structure
Etat
Economie
Liberté
Démocratie
APPARTENANCE
Mais ce qu'il importe de dire, en fait, c'est que le
développement exposé...ne se trouve pas avec cette rigueur chez
Mutuza. Il est une conséquence nécessaire de sa méthode,
mais lui-même ne l'a jamais tirée de façon aussi explicite.
Et cela pour cette simple raison qu'il était obligé de construire
un système et qu'un système de philosophie doit, selon les
exigences traditionnelles, se conclure par une vérité absolue.
Quelle que soit donc la force avec laquelle Mutuza, surtout dans Quelles
institutions pour un Congo démocratique, affirme que cette
vérité éternelle n'est autre chose que le processus
psychologique, c'est-à-dire le processus historique de l'humiliation de
l'humanité elle-même(258(*)), il se voit cependant contraint de donner à
ce processus une fin, précisément parce qu'il faut bien qu'il
arrive quelque part au bout de son système. Dans Quelles
institutions, il peut faire à son tour de cette fin un
début, en ce sens qu'ici le point final, la Réévaluation
absolue - qui n'est d'ailleurs absolue que parce qu'il ne sait absolument rien
en nous dire - « s'aliène » dans la nature.
Conclusion
Mutuza apparaît donc comme un homme engagé dans
la vie intellectuelle, spirituelle, politique et économique de son pays.
Il juge que les problèmes philosophiques sont des problèmes de
base, qui permettent de comprendre comment se posent les autres
problèmes. Il fait figure d'épistémologue pour nombre de
ses lecteurs par sa méthode de la réévaluation des
concepts. C'est qu'il veut poser correctement les questions souvent
altérées par la maladresse qui déforme la position de tous
les problèmes humains, surtout ceux des rencontres interculturelles pour
l'identité et l'appartenance. Il est un esprit majeur qui refuse de se
contenter d'explications traditionnelles colonialement reçues ; il
se soumet à son propre jugement n'hésitant pas à se
contredire et ne veut pas céder à ses propres passions.
Dans cet itinéraire, nous avons considéré
les composantes de sa biographie non point chacune, mais toutes conjointement
dans les configurations qu'elles constituent par leur groupement. Il est
remarquable que notre auteur, qui n'est ni un philosophe ni apologète de
l'érudition réserve peu d'espace à ce genre de
débat dans son oeuvre philosophique. Quand la discussion avec les
adversaires de la philosophie africaine l'oblige à mettre l'accent sur
ce qui constitue la réalité essentielle de l'érudition, ce
n'est pas sur l'autorité des philosophes qu'il met l'accent, mais sur
les faits culturels. La philosophie n'est pas d'abord pour lui une doctrine.
Elle est un genre de vie (æùÞ)
dans l'histoire singulière, qui se manifeste par la force du
témoignage et par la transformation morale des hommes.
Nous voudrons insister au cours des pages suivantes, sur le
mécanisme, de la création, du maintien, et de la dissolution par
Mutuza de l'humanisme européen, notion à la fois permanente et
fluctuante, et sur les méthodes anthropologico-philosophiques. En
creusant le contexte historique de la vie de Mutuza, nous avons
rencontré un congolais dont la pensée entre dans une histoire
concrète. Cela nous a permis de comprendre que la pensée
philosophique nait des autres, parfois à la suite des autres,
après les autres, ou à côté des autres. La
pensée de Mutuza est de celles-là. L'auteur de De la
philosophie occidentale à la philosophie négro-africaine est
un philosophe qui cherche à identifier sa vie aux actions qu'il
mène. Il ya une triade cyclique dont le penser, le vivre et l'agir
constituent une dialectique Pensée-Vie-Action.
Son entrée en politique fit de lui un philosophe et homme politique.
L'essence génétique de sa pensée est issue de
l'expérience. De là, l'auteur de Mon expérience
d'homme politique congolais n'avait qu'un pas pour construire une
éthique et une politique de responsabilité dont l'essence est
l'intégration. Cela marque un moment décisif. Les questions
philosophiques et les préoccupations de l'auteur de Les fondements
culturels du fédéralisme sont ceux de son milieu
philosophique. Les thèmes principaux de ce milieu philosophique sont la
démocratie et la liberté, avec leurs rapports réciproques
et leurs variances. Avec la démocratie on est sur le thème de la
culture et dans le champ de la civilisation. Quant à la liberté,
c'est la question de l'humanité du Noir qui se pose. Mutuza
dégage l'essentiel de l'unicité du genre humain et la
pluralité des cultures pour banaliser le monisme culturel. Ces variances
engendrent le concept d'appartenance et ouvrent la voie vers leurs
antécédents.
L'auteur de La problématique du Mythe
Hima-Tutsi conçoit alors une philosophie de l'Etat. Cela ne lui
était possible que par la manière philosophique de cataloguer les
pouvoirs politiques. Il donne le pouvoir politique et les catégories
d'interprétation, commande les exigences politiques et ses
crédos ; puis il nous oriente, par son rationalisme, vers une
tâche philosophique préalable.
Chapitre troisième:
HUMANISME DE MUTUZA
Introduction
Nous cherchons le lien concret qui existe entre la vie de
Mutuza et la signification de son oeuvre, c'est-à-dire son intention et
son but. Or il est nécessaire (sans réduire l'oeuvre à
n'être que l'expression de la vie) de rapporter cette oeuvre à la
situation existentielle et politique de Mutuza pour comprendre que sa doctrine
n'est pas un jeu éclectique des évolués des pays
anciennement colonisés, mais l'effort pour apporter les réponses
au problème que pose l'aliénation individuelle (passionnelle),
culturelle, politique et religieux, et la recherche de la confirmation de
l'identité et appartenance qui est le lot des Pays de Grands Lacs, et
notamment dans le Congo-Zaïre qui vécut le flux migratoire de Tutsi
en 1959 et plus tard en 1994, la guerre d'agression de 1998 à 2003 avec
l'accession de P. Kagame au pouvoir au Ruanda ; mais n'en est pas moins
tombée après Lusaka et récemment à Sun City sous le
joug d'une attribution de la nationalité (à partir de 1960) et
d'une idéologie africanophile d'une citoyenneté
transfrontalière ou d'une crainte de taxation de xénophobie.
Ce qui prouve que l'on dépend toujours de son
époque. Et les principaux ouvrages de Mutuza sont des témoignages
très fidèles du trouble, en ce siècle, de la vie et de la
pensée africaines. Dans le chapitre précédent, nous avons
évoqué le vide que Mutuza ressent quand il se trouve seul,
coupé des autres. Nous aussi, nous avons un tel besoin d'être
reconnus et confirmés par quelqu'un qui ait confiance en nous !
Cela n'est pas assez. Être en relation avec une seule personne ne suffit
pas, nous avons aussi besoin d'amis, d'avoir une place au sein d'une famille,
d'un groupe, d'une communauté, d'une culture. Il faut aller jusqu'aux
racines de ces réalités. En métaphysique, on oppose
l'anthropologie à l'ontologie. Une philosophie anthropologique est une
philosophie de l'homme qui est à la base l'humanisme. L'humanisme est
une doctrine morale qui reconnaît à l'homme la valeur
suprême(259(*)).
Son principe est celui de la tolérance. La philosophie défend
l'idée du progrès des civilisations vers une forme idéale
de l'humanité, où l'homme serait à la fois libre,
grâce au progrès technique, à l'égard des
contingences et déterminisme de la nature(260(*)), et libre à
l'égard des hommes(261(*)), grâce à la mise en oeuvre d'une
Constitution idéale et mondiale. Dans le cas sous examen, Mutuza est
contre cette Constitution idéale et mondiale à cause de la
citoyenneté transfrontalière des pays des grands lacs.
Ainsi l'humanisme classique est connu sous le prisme où
les penseurs occidentaux l'ont logé. Il s'agit d'un retour aux textes et
à des valeurs de l'Antiquité. Ils se sont adjoints tout
naturellement à l'esprit de liberté et d'indépendance face
aux dogmes trop rigides grâce à la Réforme. Une nouvelle
libération de l'homme et l'apparition d'un esprit de tolérance
que le Don Juan de Molière (+ 1673) appelle l'amour de
l'humanité, a vu jour. C'est une espèce de foi en l'homme
tout-puissant et maître absolu de la matière. Une
anthropolâtrie.
L'humanisme de Mutuza se maintient dans la culture des Balega,
tout en la poussant à la rupture semblable à celle
opérée par Nietzsche (+ 1900) avec la morale
judéo-chrétienne : déclarant la « mort de
Dieu », pour fonder l'humanisme de surhomme. La
référence à l'Homme comme sujet universel, qui
espère agir au nom des valeurs, disparut avec des mouvements
idéologiques du XIXe siècle comme la colonisation
et des philosophies diverses qui nièrent ou nient encore
l'humanité des Noirs, dont celles de Lévy Brühl (+ 1939) en
France ou de Lévi-Strauss et Tempels, donnèrent la mesure.
L'humanisme de Mutuza est une autre rupture
culturelle d'avec la tradition dominatrice exhibant les limites de la
colonisation.
Il se dégage, dans sa quête anthropologique, les
termes qui signifient une tendance générale du
néocolonialisme à attacher la plus grande importance à
faire le bien forçant les autres d'être heureux et à
considérer l'époque ante-coloniale
comme le standard et le modèle communs par lesquels il faut guider toute
activité culturelle.
Il s'établit le lien entre l'anthropologie et la
politique. Les Récits épiques sont étudiés et
évalués pour leur valeur propre, et non pour servir à
embellir et justifier la civilisation des Baame... L'intérêt pour
cette époque antique (au sens du temps anthropologique) s'exprime dans
une quête fervente de l'oralité: les récits épiques,
proverbes, dictons, etc., les oeuvres des dramaturges, poètes et
rapsodes qu'on connaissait par coeur et, pour la première fois,
éditées de manière critique par certains occidentaux qui
acclimatent leur réalités aux faits africains observés.
Ils les interprètent avec leurs schèmes et catégories
culturels où il y a compartimentation des classes.
L'humanisme de Mutuza est la partie anthropologique de son
oeuvre. Et dans cette anthropologie nous étudions ce qu'il entend par la
lutte politique. Pour y parvenir nous voyons d'abord le problème de la
rencontre ensuite le marxisme mutuziste ou son isolement politique ;
nous en arriverons enfin à la considération de l'ordre et du
désordre dans la lutte politique.
La lutte politique démontre directement l'affront
d'Atalante(262(*)) comme
réponse au nominalisme méthodologique : le nominalisme
méthodologique ; l'importance de la déconstruction du
langage philosophique. Est-ce la terre comme espace qui guide l'affront ou la
géométrie qui en est l'arpentage qui conduit à la
lutte ? L'idée de société pluraliste et
diapasonnée nous permet de comprendre la résistance mutuziste.
Avec la résistance politique nous avons le paradoxe de
la communauté et la question de savoir si les faibles ont une place.
Mutuza se présente en philanthrope
(öéëáíèñüðùò)
pour répondre aux nominalistes et, pour résister à la
tendance politique d'aliénation.
Section 1. Lutte politique
§1. Rencontre
Nous trouvons chez Mutuza des indications
générales sur l'état de la politique de son époque.
Dans Les fondements culturels du fédéralisme, une oeuvre
détaillant la possibilité d'appartenance, il nous donne de la
communauté ancestrale des Balega une vision idéale. : Les
baame vivent détachés de tout impérialisme et il justifie
sa position face au modernisme: « la notion d'Etat au sens
moderne est récente pour la plupart des pays du Tiers-Monde qui ont
accédé à l'indépendance grâce au
phénomène de la
décolonisation »(263(*)). Mutuza croit
qu'au commencement Dieu créa le ciel et la terre, que l'esprit de
Dieu(264(*)) planait sur
les Lega quand il fit et prouva l'impossible, c'est-à-dire que deux fois
deux font cinq(265(*)).
Il le fait pour rappeler à l'homme blanc. Ce qu'il a fait de mal quand
il a déformé le concept de Bwami en le
considérant comme une institution tutsie alors que les baame sont des
Hutu et leur mode de gestion, bien que cédé aux Tutsis, gardaient
sa substance.
v A la découverte des pays des
grands lacs
C'est en 1858 que le premier
Européen, John Hanning Speke (+ 1864), découvre la région
des grands lacs, sans entrer cependant dans le pays. Dans les
années 1880, il est suivi par des explorateurs allemands puis des
missions catholiques sont établies. En 1890, les Allemands parviennent
à intégrer le Rwanda (Ruanda) ainsi que le Burundi (Urundi)
à leurs possessions d'Afrique orientale malgré les
réticences du mwami Musinga. Les Belges, aidés par les Anglais
chassent les Allemands et occupent le pays en 1916. Puis le territoire du
Ruanda-Urundi est placé sous mandat de la Société des
Nations (SDN) et son administration est confiée à la Belgique.
v Education pour tous
Dans un premier temps, la Belgique gouverne en
s'appuyant sur les autorités en place, le
mwami et l'aristocratie tutsie, dont les pouvoirs
sont cependant modifiés et figés par la réforme de 1926
(les fonctions de chef deviennent héréditaires). Le mwami Musinga
est destitué en 1931 et exilé au Congo belge (l'actuelle
République démocratique du Congo). Il est remplacé par son
fils Mutara III Rudahigwa, jugé plus docile. Appliquant le
système de l'administration indirecte, la nouvelle administration
autochtone est chargée par la puissance coloniale de faire
exécuter les travaux de mise en valeur du pays. Dans cette optique, les
Banyarwanda sont soumis en 1934-1935 à un recensement des hommes adultes
et valides, à qui l'on délivre un livret d'identité
où figure la mention de l'appartenance sociale, dite
« ethnique ».
Les missions chrétiennes, protestantes
à la fin de l'époque allemande, catholiques sous la colonisation
belge, se multiplient et prennent en main l'éducation sur l'ensemble du
territoire tandis que le jeune mwami Mutara -- il a vingt ans au moment de
sa prise de fonction -- se fait baptiser en 1943. Mais ses relations avec
l'Église et les autorités de tutelle se dégradent peu
après, en raison du transfert toujours plus important des pouvoirs
locaux à l'administration coloniale. Il demande notamment la suppression
des corvées publiques et de la chicotte, et le rétablissement de
l'élection des chefs, tandis que la majorité hutu, dont les
responsables n'ont comme formation que les écoles des missions, demande
à être associée au pouvoir. Dès 1956, par
l'intermédiaire du Conseil supérieur qu'il préside, et
sous la pression de ses conseillers, il réclame un calendrier
précis pour l'accession du pays à l'indépendance, tandis
que la majorité hutu fait passer les réformes sociales et
politiques avant l'indépendance qui aurait redonné aux Tutsi le
pouvoir absolu qu'ils détenaient avant la colonisation. Il
s'apprête à présenter cette exigence devant les Nations
unies en 1959 lorsqu'il est inopinément convoqué à
Bujumbura, alors capitale du Ruanda-Urundi. Sa mort
-- mystérieuse -- est annoncée dans la soirée du
25 juillet 1959. Dès lors, le pays plonge dans la guerre civile.
v La présence
étrangère au Congo
Après la mort du mwami Mutara,
décédé sans héritier, son successeur,
Kigeli V, illégitime aux yeux des Hutu et imposé par les
conseillers du souverain défunt, applique une politique de
fermeté dans la défense des privilèges de l'aristocratie
tutsi. Les revendications socio-économiques ont pris, depuis la
publication, en 1957, du Manifeste des Bahutu, une dimension politique, sous
l'impulsion du Parmehutu (parti du Mouvement de l'émancipation hutu), et
dégénère en affrontements communautaires. L'Église
est accusée de prendre fait et cause pour la majorité hutu et
l'administration coloniale laisse se développer les révoltes qui
éclatent en novembre 1959 et ensanglantent le pays après
l'assassinat d'un responsable politique hutu. Les Tutsi, très
minoritaires, se sont déclarés massacrés et
pourchassés. Ils entrent au Congo belge. L'année suivante, le
mwami doit quitter le pays, plus de 200 000 Tutsi font de
même.
En janvier 1961, la république est
proclamée et un référendum, organisé quelques mois
plus tard, rejette la monarchie par 80% des voix. Le Parmehutu remporte les
élections organisées au mois de septembre suivant, avec 78% des
suffrages. Le 26 octobre 1961, son dirigeant, Grégoire Kayibanda,
secrétaire de l'archevêque du Rwanda, est élu
président de la République rwandaise.
v Catégorie philanthropique
Il y a un marxisme très moderne. C'est comme si un
athéisme judéo-protestant planait sur le ciel culturel lacustre.
Il y a un syncrétisme religieux. On fait croire les Tutsi d'être
enfants d'Israël. Cette généalogie ne se rencontre pas avant
l'arrivée de l'homme blanc. Encore que les Tutsi n'ont pas la tradition
écrite. Les poèmes dynastiques qui sont le monument historique du
Rwanda sont écrits au XXe siècle et ne disent
rien à ce sujet. Les Israélites ont remplacé les
Cananéens dans la terre promise, les Tutsi peuvent-ils remplacer les
Hutu ? L'auteur de La problématique du mythe Hima-Tutsi a
subi l'influence de l'hégélianisme, c'est pourquoi il fait une
interprétation typologique des événements. Il se
demande : « comment un peuple a remplacé un autre
peuple dans la direction des territoires, et comment les premiers sont-ils au
service des seconds »(266(*)). Nous pensons que de ces choses publiques et
banales pour vous il est inutile d'en parler. Dans notre description de la
rencontre de Mutuza avec d'autres philosophes qui s'identifient avec la
rencontre d'un pouvoir d'être avec un autre pouvoir d'être, nous
nous arrêtions à la rencontre qu'il a eu avec ses amis. Il faut
maintenant étendre la description à la rencontre des groupes
sociaux entre eux, c'est-à-dire entre les Hutu et les Tutsi. Ce faisant,
nous trouvions les mêmes caractères de la rencontre des
pouvoirs : « la poussée en avant et le repli,
l'absorption et l'éjection, l'amalgame et la
séparation »(267(*)). Tout groupe porteur de pouvoir connaît des
expériences de croissance et de désintégration.
L'histoire, pour ainsi dire, « essaie » sa nouvelle
constellation. Et dans ces « essais », des nations et
empires sont sacrifiés et d'autres sont appelés à naitre.
Le pouvoir d'être de chaque groupe de pouvoir politique est mesuré
par sa rencontre avec le pouvoir d'être d'autres groupes de pouvoir.
Le pouvoir n'est jamais pure force physique. Il est aussi le
pouvoir des symboles et des idées dans lesquels s'exprime la vie d'un
groupe social. La prise de conscience d'une telle substance spirituelle peut
créer le sentiment d'une vocation particulière. Si nous regardons
l'histoire de l'Europe, nous trouvons une série d'expressions de cette
conscience d'une mission et des conséquences historiques
extraordinaires en découlent. En unissant sans qu'on puisse les
distinguer, la volonté-de-puissance et la conscience vocationnelle, les
Belges ont soumis l'immense territoire congolais au droit de Léopold II
et à l'ordre d'un immense empire colonial. De la même
façon, Tippo Tib (+ 1905) a apporté la culture arabe aux peuples
du Maniema qui furent soumis par les armes. La conscience vocationnelle
s'exprime dans des lois. Dans ces lois, justice et amour sont tous deux
réels. La justice des empires n'est pas seulement idéologie ou
rationalisation. Les empires n'assujettissent pas seulement, ils unissent
aussi. Dans la mesure où ils sont capables de faire cela, ils ne sont
pas sans amour. C'est pourquoi, ceux qui sont soumis reconnaissent tacitement
qu'ils sont devenus participants à un pouvoir d'être et de
signification supérieur. Si cette reconnaissance s'évanouit,
parce que le pouvoir unificateur, la force et l'idée vocationnelle de
cet empire s'évanouissent, c'est la fin de l'empire. Son pouvoir
d'être se désintègre et les attaques extérieures ne
font qu'exécuter un sort qui est déjà fixé. Dans la
rencontre Tutsi-Hutu les Tutsi ont perdu un des éléments
constitutifs d'une entité culturelle : la langue(268(*)).
Les Tutsi ne font pas partie de la famille des Bantu comme les
Hutu. Pour ce faire il est opportun de savoir d'où viennent les Hutu.
Avant cela, il est nécessaire de savoir ce que sont les bantu,
d'où ils viennent et comment ils se trouvent là où ils
sont. Avant cela, certaines figures sont indispensables dans cette
étude.
v Réversibilité des faits
historiques
Si Mutuza ne développe pas le sens d'érudition
philosophique, ce n'est pas qu'il en méconnaisse l'existence et
l'importance. C'est qu'il s'agit d'une chose si courante qu'il ne vaut pas la
peine d'y insister. Et ceci nous montre combien l'interprétation
typologique dans la réévaluation des concepts était
familière aux philosophes post-tempelsiens. Mutuza, lui, va
développer l'aspect historico-culturel « qui peut
édifier et instruire les autres ». Quand il soutenait sa
thèse en philosophie, il avait en vue la rencontre des Balega avec un
Swahili appelé Tippo Tib.
Pour ce grand chasseur d'autruches, Mutuza nous adjure au nom
de toute l'orthodoxie, de détruire tout le nid d'autruches et de
transpercer de son javelot de Saint-Georges (+ vers 303) tous les oeufs
d'autruches(269(*))
à demi achevés de couver(270(*)). C'est que Mutuza évite de pousser son
cheval dans le désert du panthéisme, il se prend pour brave tueur
de dragons, lutte contre l'impérialisme extériste qui rôde,
cherchant qui dévorer, détruit cette maudite engeance d'autruches
et hisse le drapeau de la Traite des Noirs sur le Territoire de Kasongo
où, à Zanzibar, Tippo Tib, fils d'un négociant swahili et
d'une Arabe se lança dans le commerce au début des années
1860, dans la région sud du lac Tanganyika et, où, en faisant
usage de la force ou de la diplomatie, il s'arrogea le quasi-monopole du
marché de l'ivoire. Il se dirigea ensuite vers le nord-ouest, sur le
territoire de la République démocratique du Congo, et fixa son
quartier général à Kasongo en 1875. Il y fonda un
État à l'organisation peu rigoureuse, qu'il pacifia, puis il se
lança dans d'autres affaires, telles que la construction de routes et
les plantations.
Nous sommes là à la deuxième rencontre
des Bantu avec d'autres groupes des populations. La première rencontre
étant celle qu'ils ont eu avec les Tutsi. L'hypothèse de la
rencontre des Tutsi peut sans doute être datée trois cents ans
avant Tippo Tib. Les occidentaux pénétrèrent le pays et
rencontrèrent des royaumes.
Tippo Tib s'opposa dans un premier temps à l'intrusion
des Européens sur ce territoire, mais, estimant son action vaine, il se
mit au service du roi Léopold II de Belgique en assumant la fonction de
gouverneur du district de Stanley Falls dans le nouvel État libre du
Congo, de 1887 à 1890. Toutefois, trouvant sa situation intenable, il se
retira à Zanzibar, où il mourut. Sa mort fut un présage
pour l'actuelle diminution de souveraineté nationale, la montée
de groupes de pouvoir globaux et la division du monde en différents
systèmes politiques qui englobent tout, soulèvent naturellement
le problème de l'unité de toute l'humanité.
v Métaphysique de la rencontre
On ne peut pas nier que l'être est un, et que les
qualités et les éléments de l'être constituent un
ensemble des forces qui se conjuguent et qui entrent aussi en conflit. Cet
ensemble est dans la mesure où il est et donne le pouvoir à
chacun de ses éléments et de ses qualités.
De l'analyse métaphysique de rencontres des pouvoirs
d'êtres entre différents groupes sociaux, Mutuza arrive à
nier l'idée utopiste d'un Etat mondial créé par une
espèce d'union fédérale des principales puissances
actuelles et par leur soumission à une autorité centrale
à laquelle tous les groupes participent. Il y a lieu de
reconnaître le retour du « même dans le même il
demeure et en lui-même repose dans l'immuable ici », comme
l'avait bien vu Parménide d'Elée. Et on s'en va vers un
centre mondial, gouvernant les autres nations par des méthodes
libérales et dans des formes démocratiques.
L'analyse métaphysique de Mutuza est préventive,
elle est de taille, pour ceux qui connaissent l'union technique du monde, ce
qu'elle a favorisé la centralisation, mais n'ayant pas pris en compte
les facteurs psychologiques qui prédominent souvent. L'utopie d'un Etat
mondial est en parfaite contradiction avec l'analyse du pouvoir à cause
qu' « un centre de pouvoir, qui unit la force avec la conscience
vocationnelle, ne peut pas se soumettre lui-même à une
autorité artificielle qui ne possède ni l'une, ni
l'autre »(271(*)).
v Ontologie de la rencontre
L'ontologie est l'élaboration du
ëüãïò et le
üí est la parole raisonnable qui saisit
« l'être en tant que tel ». Il est difficile pour un
esprit contemporain de comprendre le « esse ipsum latin »,
l'être lui-même, le üí Þ
üí grec, l'être en tant qu'être. A la
différence de l'analyse métaphysique qui est descriptive,
l'ontologique nous montre que l'être est un, il n'est pas une
identité morte, ni une répétition de la même chose.
Il est dans la richesse de sa texture. L'ontologie ne décrit pas
l'infinie variété des êtres, vivants et morts, subhumains
et humains. L'ontologie analyse cette activité de l'être
lui-même qui est à l'oeuvre dans tout ce qui est, vivants ou
morts, sub-humains ou humains. Elle précède toute autre approche
cognitive de la réalité. Elle vient avant toute science, pas
toujours historiquement, mais toujours en valeur logique et en dernière
analyse.
Pour la rencontre, Mutuza nous donne une triade :
centralisation, Etat mondial et pouvoir universel. L'influence de Hegel est
manifeste ici. C'est l'amour unificateur qui conduit à cette triade. Il
croit au schéma dialectique de l'union et de la séparation. Il se
peut qu'après l'histoire mondiale, caractérisée par la
montée d'une unique structure de pouvoir en pouvoir universel, avec un
minimum de suppression, la loi, la justice et l'amour réunificateur
incarnés dans ce pouvoir deviennent le pouvoir universel de
l'humanité. Même alors le Royaume de Dieu n'est pas arrivé.
Car même alors entropie et révolution n'auront pas disparu. Il
peut se constituer de nouveaux centres de pouvoir, d'abord secrets, puis
connus, allant vers la séparation de l'ensemble, ou vers sa
transformation radicale. Ils peuvent aussi former une conscience vocationnelle
propre.
Alors, la lutte des pouvoirs recommence et la période
de l'empire mondial accompli sera limitée, comme était la
période de la paix d'Auguste. L'amour unificateur n'unira-t-il jamais
l'humanité ? L'humanité, dans son ensemble, ne pourra-t-elle
jamais devenir une structure de pouvoir ou une source de justice
universelle ? Mutuza a abandonné le domaine de l'histoire ; il
s'approche de la question métaphysique qui est celle de ce qui est
ultime dans une rencontre.
Tout vient avec l'arrivée des Occidentaux. Ils
acclimataient leurs réalités aux modes de vie des peuples
rencontrés. Ils ont été phénoménalistes et
morphiques. Leur description de la vie était loin d'être
anticipée par son explicitation comme séparation et
réunion, ou comme amour. Leur christianisme ne saurait être une
interprétation digne du dogme de la Trinité(272(*)) du Dieu vivant. Dans son
Fils, Dieu se sépare de Lui-même, et, dans l'Esprit, il retrouve
son unité. Il s'agit là, d'une manière de parler
symbolique ; mais elle rappelle que Dieu n'est pas une identité
morte qui laisserait les injustices se perpétuer dans
l'indifférence. Blancs, Noirs et Tutsi(273(*)) sont des groupes de
pouvoirs d'être qui sont entrés en compétition. Voyons
où s'arrêtera leur jeu.
Dans la polémique avec les Tutsi, ceux-ci s'approprient
certains territoires en échange de leurs femmes. La séparation
avec soi-même est aussi un des éléments qui justifie la foi
chrétienne selon laquelle « la paix est une vertu qui
rétablit la réunion de ce qui est séparé alors
qu'il était uni auparavant »(274(*)). Tous les Baame durent
avoir des femmes des Tutsi comme épouses de plus. Et le jeu était
allé plus loin. Ce qui fait qu'aujourd'hui certains Tutsi
réclament être des Congolais seulement en temps de paix. Les
Bantu les accusent d'avoir pris en témoins les Européens, eux que
les Bantu gênaient. Dans cette rencontre il a été plus
facile aux Bantu de se reconnaître étrangers là où
ils le sont effectivement. Cependant il a été et il est encore
difficile, voire même impossible pour les Tutsi d'accepter qu'ils sont
étrangers là où ils le sont évidemment. C'est le
problème d'isolement dans les rencontres entre les groupes porteurs de
pouvoirs d'être.
§2. Marxisme, socialisme ou
isolement politique : question des mots ?
La problématique du mythe Hima-Tutsi poursuit
l'analyse sur l'absurdité du monde à la manière de Camus
(+1960) avec le Mythe de Sisyphe ; elle en propose une
théorisation sous forme d'essai. L'auteur interroge la résistance
et la lucidité du monde occidental(275(*)) en faveur des Tutsi ; il fonde son propos sur
la légitimité de l'hégémonie, l'expansion et le
racisme(276(*)), ce que
nous qualifions d'entropologie, considérée comme l'une des
manifestations les plus libertaires de l'absurde, tentant ainsi de
démontrer, par l'exemple de l'Histoire et le constat de
l'expérimentation, que la seule attitude viable est la médiation
morale.
Si pour Camus les questions sont celles de savoir
« Comment un socialisme, qui se disait scientifique, a-t-il pu se
heurter ainsi aux faits »(277(*)), la réponse de Mutuza est simple :
il n'était pas scientifique. Pourtant les explications de
Camus sont d'une importance capitale. Le marxisme de Mutuza est partiel, il
emprunte ceci à Camus, l'« échec (de Marx) tient,
au contraire, à une méthode assez ambiguë pour se vouloir en
même temps déterministe et prophétique, dialectique et
dogmatique »(278(*)). Si l'esprit n'est que le reflet des choses,
il ne peut en devancer la marche, sinon par l'hypothèse. Si la
théorie est déterminée par l'économie, elle peut
décrire le passé de la production, non son avenir qui reste
seulement probable. La tâche du matérialisme historique ne peut
être que d'établir la critique de la société
présente ; il ne saurait faire sur la société future,
sans faillir à l'esprit scientifique, que des suppositions.
Camus poursuit qu' « Au reste, n'est-ce pas pour cela que
son livre fondamental s'appelle le Capital et non la Révolution ?
Marx et les marxistes se sont laissés aller à prophétiser
l'avenir et le communisme au détriment de leurs postulats et de la
méthode scientifique »(279(*)).
Cette prédiction ne pouvait être scientifique, au
contraire, qu'en cessant de prophétiser dans l'absolu. Le marxisme n'est
pas scientifique ; il est, au mieux, scientiste. Il fait éclater le
divorce profond qui s'est établi entre la raison scientifique,
fécond instrument de recherche, de pensée, et même de
révolte, et la raison historique, inventée par l'idéologie
allemande dans sa négation de tout principe régulateur. La raison
historique n'est pas une raison qui juge le monde. Elle le mène en
même temps qu'elle prétend le juger. Ensevelie dans
l'événement, elle le dirige. Elle est à la fois
pédagogique et conquérante. Ces mystérieuses descriptions
recouvrent, d'ailleurs, la réalité la plus simple. Si l'on
réduit l'homme à l'histoire, il n'a pas d'autre choix que de
sombrer dans le bruit et la fureur d'une histoire démentielle ou de
donner à cette histoire la forme de la raison humaine.
Dans Les fondements culturels, Mutuza démontre
que l'histoire du nihilisme contemporain n'est qu'un long effort pour donner,
par les seules forces de l'homme, et par la force tout court, un ordre à
une histoire qui n'en a plus. Cette pseudo-raison finit par s'identifier alors
avec la ruse et la stratégie, attendant de culminer dans l'Empire
idéologique. Que viendrait faire ici la science ? Rien n'est moins
conquérant que la raison. On ne fait pas l'histoire avec des scrupules
scientifiques ; on se condamne même à ne pas la faire
à partir du moment où l'on prétend s'y conduire avec
l'objectivité des scientifiques. La raison ne prêche pas, ou si
elle prêche, elle n'est plus la raison. C'est pourquoi la raison
historique est une raison irrationnelle et romantique, qui rappelle parfois la
systématisation de l'obsédé, l'affirmation mystique du
verbe, d'autrefois.
Cette lutte est dans l'analyse que Mutuza fait du Programme de
l'idéologie -politique de l'AFDL. L'auteur de La
problématique du mythe Hima-Tutsi se donne la peine
d'étudier la philosophie du langage. Il prend la responsabilité
de réévaluer les concepts des dix leçons du Programme de
l'AFDL. Il attaque le Programme dans l'emploi de certains concepts :
« Par ailleurs, l'usage de certains concepts
stéréotypés employés en dehors de tout contexte
précis et sans nuance, donne l'impression d'un amalgame des propositions
juxtaposées sans lien logique contraignant ni valeur significative
précise. Et tout cela exprimé dans un vocabulaire, dont les
auteurs n'ont manifestement pas la maîtrise. Ce qui conduit à des
analyses simplistes et contradictoires(280(*))». A ce verbiage informe s'oppose une
quête d'exactitude inspirée de la méthodologie
scientifique. Il se met pour cela sur les pas de Carnap (+ 1970) pour qui la
clarification des concepts est l'unique tâche d'une philosophie digne de
ce nom. Mutuza s'inscrit dans cette optique. Dans La Construction logique
du monde, Carnap définit son projet comme « la recherche
de définitions nouvelles pour des concepts traditionnels, en vue d'une
plus grande clarté ». Il y a un positivisme qui conduit
directement à une lutte pour les mots comme celle des classes chez
Marx.
La lutte de Mutuza prouve à suffisance qu'il
maîtrise le terrain marxiste. Il dit : « ces concepts
n'évoquent-ils pas l'image des mines anti-personnelles que l'on veut
semer sur le territoire congolais pour voir notre pays imploser en vue de
permettre, aux pêcheurs en eaux troubles, d'exécuter leur sale et
ignoble besogne ? »(281(*))
Pour cela, « il apparaît ainsi que la
forme comme le fond de l'idéologie politique ne disent pas ce qu'ils
pensent vraiment. Les catégories utilisées ainsi que certains
concepts : Révolution, lutte des classes, exploiteurs,
exploités, espionnage, ennemis, soldats, guerre, milices...ne sont-ils
pas, en réalité, l'échos de la formation
idéologique de certains responsables de l'AFDL, formation qui date de
l'époque de l'émancipation coloniale et qui était
tirée certainement d'une idéologie marxiste, maoïste mal
assimilée ? »(282(*)). La précision dans l'emploi et
l'acception des termes mène à la clarté dans l'expression.
Dans sa Syntaxe logique du langage, Carnap avance que c'est avec de
tels concepts « clarifiés » qu'il sera possible
d'envisager une « philosophie plus exacte ». Mutuza
insiste sur la distinction entre clarté et précision; bien
qu'il est contre la tendance carnapienne, tendance qu'il ne maîtrise
d'ailleurs pas.
v La politique et le langage
Il faut distinguer la politique du langage chez Mutuza. Mais
quel sens il y a-t-il à insister sur cette distinction ? N'est-ce
pas fondamentalement contradictoire avec l'esprit mutuziste ? L'auteur de
Mon expérience d'homme politique congolais recommande de ne pas
s'attarder sur la question des mots. Qui plus est, il n'y a pas dans notre cas
ambiguïté d'un terme mettant en jeu quelque chose plus vaste. C'est
qu'au fond, l'important n'est pas de ne pas confondre clarté et
précision, mais de dénoncer la quête de précision
comme illusoire et dangereuse. La différence est de taille. Ce que l'on
trouve chez Mutuza est une critique de l'idéal de précision
lié fortement à celui de certitude, ce n'est pas une querelle sur
les mots.
Il ne faudrait pas attribuer le souci de précision aux
seuls philosophes de notre siècle. On peut trouver chez maints auteurs
classiques les idées similaires. Hume évoque dans la
section VII de L'enquête sur l'entendement humain l'
« explication exacte » des mots qui en fixerait le sens
précis et résoudrait une part de problème que
constitue la trop fréquente obscurité régnant en
philosophie. Mutuza est contre cette philosophie de la croyance parce que Hume
préconise l'incommensurabilité du discours philosophique. Or, ce
que nous avons appelé l'idéal de précision repose
justement sur cette croyance en l'existence d'un sens précis
dont nous informerait une définition exacte, autrement dit la
définition véritable, rigoureuse, complète, du mot ou du
concept en question.
L'idée frégéenne de définition
d'un concept illustre ce que Mutuza nomme un dialogue de
sourds(283(*)). Si
l'on revient chez Frege (+ 1925), on voit, dans les lois fondamentales de
l'arithmétique, que l'on peut définir un concept en
déterminant « de manière non ambiguë si un
objet est subsumé ou non par le concept correspondant ».
Puis il ajoute: « Pour utiliser une métaphore, le concept
doit posséder des frontières ».
De manière plus générale c'est, comme
pour Frege, c'est par la définition que l'on escompte gagner en
précision, et éventuellement atteindre la précision et
selon Carnap (+ 1970), par exemple, expliquer une certaine chose, c'est la
remplacer par le concept exact qui lui sert
d'explicans. Mais on voit immédiatement
l'écueil que rencontre ce souhait : la régression
ad infinem. En effet, il se trouvera toujours dans la
nouvelle définition des termes à définir, puisque l'on
veut être absolument précis. Sauf à admettre, qu'on finit
par arriver à des termes indéfinissables primitifs, parce que
logiquement simples et minimaux. On reconnaît là ce qui fut la
position de Frege, contre Hilbert notamment : le choix des termes
indéfinis, comme les axiomes d'une théorie, n'est pas arbitraire.
Mutuza montre qu'une y a une différence entre le concept et le terme. Un
concept peut être exprimé en plusieurs terme, tandis qu'un terme
est toujours identitaire. L'exemple des concepts d'Etat, de Tribu, de
nation...
C'est pourquoi la recherche de la précision ne peut
pas, ne doit pas, être une fin en soi. Elle entraîne au demeurant
la plupart du temps une perte de temps et d'énergie sur des
préliminaires qui se révèlent le plus souvent
inutiles : « pour pouvoir porter un jugement objectif et
impartial sur mon ouvrage »(284(*)). Ce qui serait grave c'est d'avoir une perte de
clarté dans l'expression. « En effet, clarté et
précision sont des fins différentes, parfois même
incompatibles »(285(*)) . Parce que seule la clarté est une
valeur intellectuelle -en tant qu'exigence ayant trait au discours et à
sa présentation, elle conditionne la bonne marche de la discussion
critique et sa possibilité.
Pour Mutuza tendre à la clarté de ses
pensées et à leur lucidité, c'est un devoir moral pour
tous les intellectuels. Le manque de cette clarté est un
péché, la prétention un crime.(286(*))
Il sied toutefois de ne pas se méprendre sur le statut
de l'idée de clarté. Pas plus que l'exactitude, elle ne peut
fournir un quelconque critère systématique de
vérité ou de préférence. Elle n'est pas plus que
l'exactitude. « La situation d'exception prévalant dans le
pays peut justifier que l'on recourt, de façon réaliste ou
pragmatique, à des solutions d'exception »(287(*)).
Comme souvent Mutuza procède par défaut,
autrement, la clarté et la distinction constituent des traits,
l'obscurité et la confusion sont susceptibles d'être des indices
de l'erreur. Il s'agit d'un principe régulateur, une sorte de
critère pragmatique(288(*)), témoin d'un esprit ouvert à la
critique. Il est en effet fort difficile de soumettre à la critique des
idées présentées de façons obscure et floue.
La suspicion à l'égard de la terminologie se
présente en ces termes également. Ce qui est refusé n'est
pas l'apport, parfois réel que peut donner une mise au point sur le
sens d'un mot, mais l'attitude obscurantiste qui peut se cacher derrière
le pointillisme. Ce qu'évite Mutuza, c'est
bien « une telle confusion,...critique tendancieuse et
calomnieuse, se refugiant dans les affirmations gratuites et qui, pour peu
qu'elle se soit permise de coller au texte »(289(*)). C'est
la pseudo-exactitude qu'elle implique au nom de ce que l'on appellera le
principe d'effort : « je vous mets au défi de citer
dans mon texte le ou les passages où j'utilise les termes...que vous
employez de manière scandaleusement confuse qui témoigne de votre
ignorance crasse de ces concepts élémentaires du
marxisme »(290(*)). Il convient de ne pas interpréter
cette maxime en un sens wittgensteinien, insinuant qu'il y a des choses qui ne
peuvent être dites (mais juste, par exemple, montrées). Il n'est
rien qui soit plus étranger à l'esprit de Mutuza que ce genre de
mysticisme. Ce qu'il faut retenir est ce devoir moral pour
les intellectuels qu'est le rejet de l'obscurité dans l'expression des
idées, ainsi que le souci de n'être pas plus précis que la
situation ne l'exige.
Mutuza donne une nouvelle image de la lutte et du marxisme Le
seul aspect scientifique du marxisme se trouve dans son refus préalable
des mythes et dans la mise au jour des intérêts les plus crus,
comme le pense Camus. Mais en cela, Marx n'est pas plus scientifique que
La Rochefoucauld (+ 1680). Cette attitude est celle qu'il abandonne
dès qu'il entre dans la prophétie. On ne s'étonnera pas
que, pour rendre le marxisme scientifique, et maintenir cette fiction, utile au
siècle de la science, il eût fallu au préalable rendre la
science marxiste, par la terreur.
On pense que le progrès de la science, depuis Marx, a
consisté en gros, à remplacer le déterminisme et le
mécanisme assez grossier de son siècle par un probabilisme
provisoire. Marx écrivait à Engels (+ 1895) que la théorie
de Darwin (+1882) constituait la base même de leur théorie. Pour
que le marxisme restât infaillible, il a fallu nier les
découvertes biologiques depuis Darwin. Comme il se trouve que ces
découvertes, depuis les mutations brusques constatées par de
Vriès (+1935), ont consisté à introduire, contre le
déterminisme, la notion de hasard en biologie, il a fallu charger
Lyssenko (+ 1976) de discipliner les chromosomes, et de démontrer
à nouveau le déterminisme le plus élémentaire.
Pour cela, le XXeme siècle devra nier
aussi le principe d'indétermination en physique, la relativité
restreinte, la théorie des quanta et enfin la tendance
générale de la science contemporaine. Le marxisme n'est
aujourd'hui scientifique qu'à condition de l'être contre
Heisenberg (+ 1976)(291(*)), Bohr(292(*)), Einstein (+ 1955)(293(*)) et les plus grands savants
de ce temps. Après tout, le principe qui consiste à ramener la
raison scientifique au service d'une prophétie n'a rien de
mystérieux. Il s'est déjà appelé le principe
d'autorité ; c'est lui qui guide les Églises lorsqu'elles
veulent asservir la vraie raison à la foi morte et la liberté de
l'intelligence au maintien de la puissance temporelle.
§3. Ordre et désordre
dans la lutte politique
Nos vies évoluent dans un
mouvement constant, dans une alternance d'ordre et de désordre. Il y a
des moments, comme l'adolescence ou la vieillesse, où la
fragilité et l'angoisse sont plus fortes. Dans l'ensemble, la vie n'est
jamais linéaire. Elle se joue de nos agendas, de nos
sécurités et de nos places établies. Elle est
parsemée de moments de chaos, de désordres, causés par une
maladie, un accident, la perte d'un travail, la disparition d'amis. Ces temps
entropiques qui bouleversent nos projets et nos habitudes exigent une remise en
ordre progressive de nos vies. L'entropie sociale n'est jamais facile à
vivre. C'est un temps de deuil, de désolation.
C'est dans cette perspective que Mutuza ouvre une autre
question dans la lutte politique : les rapports entre les structures
claniques et les structures étatiques. Il se démarque de M.
Balandier. Cette question est liée à celle de la genèse de
la société à état traditionnel et également
au problème de la typologie des systèmes politiques. Elle en pose
elle-même deux autres :
-dans quelle mesure le vieil ordre clanique et lignager est-il
aboli dans la société à Etat ; dans le cas contraire,
comment coexistent-ils ?
-dans quelle mesure peut-on tracer une frontière entre
les structures claniques ou celles qui sont dites telles et les structures
étatiques ou celles qui sont dites telles ?
L'auteur de Les fondements culturels du
fédéralisme, déclare qu'il est impossible d'opposer
terme à terme ces deux structures ; le plus souvent les auteurs
proposent un continum entre les deux. Mutuza ne nous laisse pas
indifférent. Il considère, comme l'a aussi fait E. Leach, que ces
aspects sont comme deux pôles ; pôle égalitaire
clanique et pôle inégalitaire hiérarchique ; entre les
deux toute une série de formation diverses peuvent prendre place et cela
aussi bien d'une société à une autre qu'à
l'intérieur d'une même société au cours de son
histoire.
On se rend compte que le problème des relations entre
clan et Etat engage bien plus que l'anthropologie politique. Il a une incidence
générale et montre que les sociétés portent en
elles des incompatibilités et des contradictions. Au cours de leurs
transformations elles n'éliminent pas les formes anciennes
d'organisation : « le vieux coexiste avec le
neuf » : c'est la notion de complexité verticale
dont parle H. Lefèvre. Complexité à laquelle Sartre a
donné son adhésion dans la partie « Question de
méthode » de la critique de la Raison dialectique. Mutuza
se situe sur le terrain des sociétés présentant une
géologie sociale où différentes couches et
différents éléments cohabitent de façon plus au
moins harmonieuse. C'est la lutte dont Marx chante la victoire et
prophétise l'avènement.
Les marxistes ont envisagé ce problème,
principalement Engels, dans l'Antidühring. Engels examine les
modalités du pouvoir dans les communautés primitives : il y
existe des individus qui ont la sauvegarde des intérêts
collectifs ; mais ces fonctions opèrent sous le contrôle de
tous. Ce sont des charges qui représentent les débuts du pouvoir
d'Etat. Alors se pose la question comment cette fonction sociale a-t-elle
pu devenir avec le temps une autorité sur la
société ?
J. J. Maquet souligne à propos du Ruanda ancien, ce que
Mutuza affirme dans La problématique du Mythe Hima-Tutsi,
l'existence d'une contradiction entre clan et Etat. Cette contradiction est en
partie résolue en vidant le clan de sa substance ; elle conduit
à l'annulation de l'un des termes.
Dans ce Ruanda le politique est au maximum
dégagé du système clanique : le clan est comme une
forme qui aurait été vidée de son contenu. Le politique
est plus organisé sur la base des réseaux des rapports personnels
que sur des réseaux de descendance. C'est l'autorité
administrative et militaire qui lui fournit sa base. Cependant dans les
régions périphériques, éloignées de la
source du pouvoir et de l'autorité, c'est l'ordre clanique qui l'emporte
sur l'ordre étatique.
Comment l'Etat tente-t-il de résoudre les
contradictions qu'il porte en lui ? Comment les marxistes ont
essayé de répondre ? Ici intervient la place de la
prophétie sociale de Marx que Camus paraphrase :
« Finalement, de la prophétie de Marx, dressée
désormais contre ses deux principes, l'économie et la science, il
ne reste que l'annonce passionnée d'un événement à
très long terme. Le seul recours des marxistes consiste à dire
que les délais sont simplement plus longs et qu'il faut s'attendre
à ce que la fin justifie tout, un jour encore invisible. Autrement dit,
nous sommes dans le purgatoire et on nous promet qu'il n'y aura pas
d'enfer »(294(*)) ». Le problème qui se pose
alors est d'un autre ordre. Si la lutte d'une ou deux générations
au long d'une évolution économique forcément favorable
suffit à amener la société sans classes, le sacrifice
devient concevable pour le militant : l'avenir a pour lui un visage
concret, celui de son petit enfant par exemple. Camus continue :
« Mais si, le sacrifice de plusieurs générations
n'ayant pas suffi, nous devons maintenant aborder une période infinie de
luttes universelles mille fois plus destructrices, il faut alors les certitudes
de la foi pour accepter de mourir et de donner la mort. Simplement, cette foi
nouvelle n'est pas plus fondée en raison pure que les
anciennes »(295(*)).
La recherche du domaine de définition, condition de
possibilité de l'existence d'une fonction, permet de comprendre
l'identité des différents éléments des ensembles.
C'est pourquoi on parle de la destruction chez les marxistes. Cela crée
les frontières du politique par rapport à la culture
envisagée en tant que système et rapport à ses divers
éléments. Il existe une corrélation entre la culture et le
système politique. Cette corrélation est inversement
proportionnelle c'est-à-dire que moins l'intégration culturelle
est poussée plus l'intégration politique est efficace. Cette
proportionnalité est calculable à partir de la
fonction f dont l'axe des x, la droite
x = a et la droite
x = b296(*).
Nous sommes en mathématique pure et quiconque veut
comprendre la lutte politique avec ses valeurs telle qu'expliquer par Mutuza
doit entrer dans la théorie des ensembles en logique. Pour simplifier,
on doit supposer que f(x) = 0 entre a et
b. Pour tout x = a, soit
L(x) l'aire de la région comprise entre a et
x. On détermine la valeur de A, supposant que cela
suffit pour calculer L(x) et pour l'appliquer à
x = b. Si h est une petite variation de
x, le domaine délimité par la représentation
graphique de f et l'axe des abscisses compris entre x et
x + h s'apparente approximativement à un
rectangle de hauteur f(x) et de
largeur h(297(*)).
Par conséquent, l'aire de ce domaine, par ailleurs
égale à
L(x + h) - L(x),
est sensiblement égale à f(x).h.
Lorsque h ? 0, ces approximations deviennent plus
fondées :
k / h ? f(x). On en
déduit que
L(x) = f(x) : L est
une primitive de f. Donc, si nous connaissons une
primitive F de
f,L = F + c, où
c est une constante. Mais comme L(a) = 0,
c = -F(a). Par conséquent,
A = L(b) = F(b) - F(a).
C'est sensible dans ce domaine où le mythe prend la place de
l'histoire(298(*)).
Où veut-on en venir avec ses analyses
mathématiques si Mutuza, après Malinowski, révèle
que le mythe et le rituel peuvent être intégrés comme des
arguments en matière de langage justifiant le droit, le statut, le
pouvoir ? L'étude de ces fonctions nous montre que le mythe et le
rituel peuvent régir le politique et dans cette mesure nous apparaissent
comme les homologues de l'idéologie dans nos sociétés
modernes.
A moins que Mutuza traite avec la philosophie du langage pour
atteindre ses objectifs en matière de lutte politique. Nous donnant une
réponse contre le marxisme instrumental et nous invitant à la
métaphysique comme le ôïðïò
ou le socle du nominalisme, il nous avertit de l'affront comme
résolution à la prophétie marxiste.
Ceux qui pressentent cette vie nouvelle et la voient
émerger à travers le désordre sont souvent
considérés comme des révolutionnaires ; on les trouve
trop modernes ou trop libéraux. Ceux qui ne pressentent rien de neuf et
ne perçoivent que l'ébranlement de leurs repères habituels
ont peur et s'accrochent à ce qu'ils connaissent. Quant à ceux
qui gouvernent, ils croient souvent qu'en tenant fermement les rênes du
pouvoir ils éviteront l'anarchie. En réalité, les
responsables ont peur de partager ou de perdre leur pouvoir. Eux aussi
craignent le changement.
Section 2. Affront comme
réponse au nominalisme
§ 1. Nominalisme
méthodologique
On sait qu'il importe beaucoup aux philosophes, en particulier
ceux de notre siècle, d'être précis dans leur langage, de
savoir de quoi ils parlent. Mutuza est quelque part intransigeant dans ses
propos quand il reproche aux philosophes et intellectuels congolais d'engager
des discussions sur des évidences(299(*)). Il se demande comment, quand bien même
sachant qu'il importe beaucoup aux philosophes, en particulier ceux de notre
siècle, d'être précis dans leur langage, de
« savoir de quoi ils parlent », mais ils ne laissent pas
d'en discourir tout de même que s'ils les comprenaient.
L'affront trouble tellement la philosophie de Mutuza qu'il est
buté à la question ontologique du statut de sa lutte
politique(300(*)). Dans
quelle mesure l'injure et l'injustice sont-elles autorisées dans la
lutte politique ? C'est le problème de circonstance. Tous les
problèmes concernant le temps, la connaissance et l'être dans son
humanisme nous poussent vers l'analyse ontologique du nominalisme. Nous sommes
tous nominalistes sans le savoir et par naissance. En tant que nominalistes,
nous avons tendance à objectiver notre monde(301(*)). Cette tendance est
seulement un accident historique et non pas une nécessité
essentielle. Le souci des réalistes du Moyen Age par exemple
était de maintenir la validité des universaux comme expressions
authentiques de la réalité(302(*)).
Le nominalisme, dans notre conception philosophique vient
du latin nominalis, « nominal », dans la
philosophie scolastique médiévale, doctrine qui substitue
à la notion d'idées générales celle de signes
généraux, et qui affirme que les universaux (ou concepts
universels), sont des signes, et non des substances constituant un ordre du
réel ; seules les choses particulières sont pourvues
d'existence.
Ainsi les universaux, tels que cercle, beauté
ou animal, passent pour n'être que des noms, des termes qui ne servent
à évoquer que des choses particulières. Le nom
« cercle » qui s'applique aux choses circulaires, est, en
tant que tel, une désignation générale ; mais il
n'existe pas séparément une entité concrète et une
essence de la circularité correspondant au nom. L'universel ne peut donc
être qu'un terme.
Le nominalisme s'est développé
dans la lignée de la logique dérivée d'Aristote selon
laquelle toute réalité est faite de choses singulières,
tandis que la théorie du réalisme est issue des idées
universelles (ou archétypes) de Platon. Pour le réalisme, les
universaux ont une existence réelle et séparée,
antérieure ou indépendante des objets particuliers dans lesquels
ils se manifestent.
La querelle entre le nominalisme et le
réalisme s'est amplifiée au Moyen Âge : la position
nominaliste a été exposée par Roscelin (+ 1125), puis
développée par Guillaume d'Occam (+ 1349), tandis que la position
réaliste a été illustrée par Bernard de Chartres et
Guillaume de Champeaux (+ 1121).
Entre le nominalisme et le réalisme, le
conceptualisme fait figure de doctrine intermédiaire, pour laquelle les
universaux, bien que dénués d'existence réelle ou
substantielle dans le monde extérieur, existent néanmoins en tant
qu'idées ou concepts, et ne sont par conséquent davantage que des
simples noms. Un réalisme plus modéré affirme que les
universaux sont logés dans l'esprit humain et qu'ils se
réfèrent à des qualités des choses
particulières.
L'enjeu de la querelle n'est pas seulement
philosophique ; il est aussi théologique, car Roscelin soutient que
la Trinité (le Père, le Fils et le Saint-Esprit), conçue
traditionnellement par la théologie catholique comme constituant
l'unité d'une seule nature divine, ne peut être comprise selon la
méthode individualisante du nominalisme que comme trois dieux distincts
et séparés. Aussi l'Église est-elle fermement
opposée au nominalisme. Dans le domaine de l'éthique, cette
position anti-nominaliste implique le rejet d'une hypothétique nature
humaine et le refus de la doctrine du droit naturel bâtie sur ce
concept : selon la position dominante dans l'Église, les actes sont
moralement bons ou mauvais selon qu'ils sont commandés ou interdits par
Dieu.
Le nominalisme d'Occam a suscité de nombreux
débats, notamment avec les empiristes et dans les discussions sur la
nature du langage. Le questionnement sur les universaux, surtout, ne s'est pas
éteint et a ouvert la voie à de nombreuses théories
nominalistes modernes telles que l'instrumentalisme, le pragmatisme et le
positivisme logique.
La critique sans appel que la philosophie
analytique(303(*))
adresse d'ailleurs à toute la littérature philosophique qui la
précède, c'est-à-dire la
« métaphysique » est de ne pas savoir de quoi elle
parle, ou plutôt de parler de n'importe quoi, voire de rien du tout, en
utilisant des termes au mieux confus, au pire complètement vides de
sens. Cette situation est d'autant plus dangereuse quand il s'agit de mal du
pays, cette sangsue.
§2. De la
déconstruction du langage philosophique
Mutuza
cherche à construire un nouvel édifice du nominalisme en
créant la réévaluation des concepts. Mais le rapport qu'il
entretient entre le terme et le concept ouvre la voie qu'il a fermée aux
questions des mots et de leurs définitions. C'est là la
déconstruction du langage philosophique par laquelle il interpelle les
philosophes d'entretenir la confusion entre le terme et le concept. Pareille
explication ouvre la voie qu'il a fermée aux questions des mots et de
leurs définitions. C'est là sa déconstruction.
Par la déconstruction du langage philosophique, Mutuza
entend démonter les éléments dont se sont servis les
ingénieurs de la science philosophique pour en élever un nouvel
édifice capable de rénover la société congolaise.
Il entend le faire en rapport avec la philosophie du langage dont la
réévaluation des concepts est une des méthodes qu'il
préconise. Il l'emprunte dans la forme négative,
Áïßêïäüìçóéò(304(*)), ce
qu'Aristote construit en métaphysique.
La philosophie du langage a deux orientations. La
première est celle dite philosophie analytique.
En tant que méthode de la philosophie, l'analyse
linguistique remonte à l'Antiquité grecque. Plusieurs dialogues
de Platon, par exemple, ont explicitement pour objet de clarifier des termes et
des concepts. Il n'en reste pas moins que ce style particulier de la
philosophie connut un spectaculaire regain d'intérêt au
XXe siècle. Sous l'influence de la première
tradition de l'empirisme britannique de John Locke (+ 1704), George Berkeley (+
1753), David Hume (+ 1776) et John Stuart Mill, ainsi que des écrits du
mathématicien et philosophe allemand Gottlob Frege, au
XXe siècle, les philosophes anglais G.E. Moore (+ 1958)
et Bertrand Russell (+ 1970) sont apparus comme les pères de ce courant
analytique et linguistique contemporain. La parenté de pensée est
que Mutuza refuse de faire le bien en forçant les autres à
être heureux.
Mutuza se situe entre Hume et Stuart Mill cherchant à
répondre à la question comment faire le bien sans forcer les
autres d'êtres heureux ? Sa réponse est proche de Moore
et Russell qui rejetaient l'idéalisme hégélien, en
particulier l'interprétation qu'en livraient les oeuvres du
métaphysicien anglais Francis Herbert Bradley. Celui-ci affirmait que
rien n'est absolument réel sauf l'absolu. Leur opposition à
l'idéalisme et leur attachement à l'idée qu'il est
crucial, en philosophie, de porter une attention minutieuse au langage, eurent
une influence déterminante sur l'état d'esprit et le style de la
philosophie dans une grande partie du monde anglophone au
XXe siècle.
Moore considérait la philosophie avant
tout comme une analyse. Philosopher exige de clarifier des propositions ou
concepts énigmatiques, en leur apposant des propositions ou concepts
moins énigmatiques et censés être logiquement
équivalents aux premiers. Cette tâche une fois accomplie, on peut
établir avec plus d'exactitude la vérité ou la
fausseté de propositions philosophiques problématiques. Moore est
célèbre par ses minutieuses analyses d'énoncés
philosophiques énigmatiques comme « le temps est
irréel », par lesquelles il déterminait alors la
vérité de telles assertions.
Fortement influencé par la précision des
mathématiques, Russell chercha à développer un langage
logique idéal qui soit le reflet fidèle de la nature du monde.
Les propositions complexes peuvent, selon la thèse de Russell,
être résolues en leurs plus simples composantes, qu'il appelait
« propositions atomiques ». Ces propositions renvoient aux
faits atomiques, les ultimes constituants de l'univers.
La conception métaphysique fondée sur cette
analyse logique du langage, jointe à la nécessité, pour
les propositions pourvues de sens, de correspondre à des faits
constituent ce que Russell a appelé l'« atomisme
logique ». Son intérêt pour la structure du langage le
conduisit également à distinguer la forme grammaticale de la
forme logique d'une proposition. Les assertions « Jean est
bon » et « Jean est grand » ont la même
forme grammaticale, mais des formes logiques différentes. Ne pas
reconnaître cette différence reviendrait à traiter la
propriété « bonté » comme si elle
était une caractéristique de Jean au même titre que la
propriété « grandeur ». C'est de ce genre
d'erreur que découle la confusion philosophique.
Les recherches mathématiques menées
par Russell attirèrent à Cambridge le philosophe autrichien
Ludwig Wittgenstein (+ 1951), qui devint une des figures centrales du mouvement
analytique et linguistique. Dans son premier ouvrage, Tractatus
logico-philosophicus (1921), dans lequel il exposa pour la première
fois sa théorie du langage, Wittgenstein soutenait que toute philosophie
est une critique du langage et que « la philosophie a pour but
l'éclaircissement logique de la pensée ». Les
résultats des analyses de Wittgenstein se rapprochaient beaucoup de
l'atomisme logique de Russell. Il affirmait que le monde est, en
dernière analyse, composé de faits simples, que le langage a pour
but de dépeindre. Pour être pourvues de sens, les assertions sur
le monde doivent être réductibles à des
énoncés linguistiques qui ont une structure similaire aux faits
simples représentés. Dans cette analyse du premier Wittgenstein,
seules les propositions qui représentent des faits -- comme les
propositions de la science -- sont considérées comme
factuellement signifiantes. Les propositions métaphysiques,
théologiques et éthiques sont jugées comme factuellement
vides de sens. Influencé par Russell, un groupe de philosophes
et de mathématiciens fonda à Vienne, dans les années 1920,
le mouvement dit « positivisme logique ».
Sous la direction de Moritz Schlick (+ 1936) et de Rudolf
Carnap, le cercle de Vienne accomplit une des oeuvres les plus significatives
de l'histoire de la philosophie analytique et de la philosophie du langage.
Pour eux, la tâche de la philosophie est la clarification du sens et non
la découverte de nouveaux faits (objet de la science) ou
l'élaboration d'une explication d'ensemble du réel (quête
infructueuse de la métaphysique traditionnelle).
Les positivistes répartissaient tous les énoncés
pourvus de sens en deux catégories : les propositions analytiques
et les propositions empiriquement vérifiables. Les propositions
analytiques, qui englobent les propositions de la logique et des
mathématiques, sont des assertions dont la vérité et la
fausseté dépendent entièrement de la signification des
termes qui les composent, comme la proposition « deux plus deux
égalent quatre ». La seconde catégorie de propositions
pourvues de sens comprend toutes les assertions sur le monde qui sont
vérifiables, du moins en principe, par l'expérience sensorielle.
En fait, les sens de telles propositions requiert la méthode empirique
de vérification. Cette théorie vérificationniste de la
signification, de l'avis des positivistes, permet de démontrer que les
assertions scientifiques sont des affirmations factuelles légitimes et
que les énoncés métaphysiques, religieux et
éthiques sont factuellement vides. Les idées du positivisme
logique furent exposées de A. J. Ayer(305(*)).
La théorie positiviste
vérificationniste de la signification fit l'objet de critiques
virulentes de la part de philosophes comme Karl Popper. Finalement, cette
théorie étroite de la signification fit place à une
conception plus large de la nature du langage. Là encore, Wittgenstein
joua un rôle prépondérant. Rejetant nombre des conclusions
du Tractatus, il inaugura une pensée d'un type nouveau, qui
culmina dans son oeuvre posthume, les Investigations philosophiques
(1953). Dans cet ouvrage, Wittgenstein montrait que la variété et
la flexibilité du langage se font jour dès lors que l'on
prête attention à la façon dont le langage est vraiment
utilisé dans le discours ordinaire. Les propositions font beaucoup plus
que dépeindre des faits.
Cette découverte fut à l'origine du concept
wittgensteinien de jeux de langage. En témoignent, par exemple, le
scientifique, le poète, le théologien, qui sont impliqués
dans différents jeux de langage. De plus, la signification d'une
proposition doit être comprise dans son contexte, c'est-à-dire en
termes des règles du jeu de langage dont elle fait partie. Wittgenstein
en conclut que la philosophie est la tentative de résoudre les
problèmes qui résultent de la confusion linguistique, et que la
clef de tels problèmes réside dans l'analyse du langage ordinaire
et dans l'usage approprié du langage. Le mouvement analytique
et linguistique s'est vu enrichi de nouvelles contributions, à travers
les oeuvres des philosophes britanniques Gilbert Ryle, John Langshaw Austin et
P.F. Strawson, et du philosophe américain W.V. Quine. Selon Ryle,
la tâche de la philosophie est de reformuler les « expressions
systématiquement trompeuses » sous une forme logiquement plus
exacte. Musey y avait apporté sa pierre en démontrant dans le
Cratyle de Platon l'importance d'une réévaluation des
concepts et de leur fonctionnalité. Il s'intéressait tout
particulièrement, comme son collègue Ryle, aux assertions dont
la forme grammaticale suggérait l'existence d'objets non-existants.
Ainsi Ryle est-il célèbre par son analyse du langage mentaliste,
langage qui suggère trompeusement que l'esprit est une entité au
même titre que le corps.
La deuxième est celle du langage ordinaire. Mutuza se
réfère à Austin qui affirmait que toute
recherche philosophique doit, dès le départ, porter une attention
particulière aux distinctions subtiles qui sont à l'oeuvre dans
le langage ordinaire(306(*)). L'analyse du concept d'Etat débouche sur
une théorie générale qu'il appelle rupture
épistémologique. Cette rupture est proche des actes de langage
chez Austin, c'est-à-dire une description de la variété
des actes qu'un individu est susceptible d'accomplir en énonçant
quelque chose.
Mutuza complète sa théorie par l'analyse que
Strawson fit des relations entre logique formelle et logique du langage
ordinaire. La complexité de ce dernier n'est pas, selon lui,
représentée de façon adéquate par la logique
formelle. Aussi est-il nécessaire d'ajouter un grand nombre
d'instruments analytiques à la logique pour analyser le langage
ordinaire. Quine se pencha sur le rapport entre langage et
ontologie. Il affirmait que les systèmes linguistiques tendent à
engager leurs utilisateurs à présupposer l'existence de certaines
choses. Pour Quine, les raisons qui justifient la manière de s'exprimer
d'une façon plutôt qu'une autre sont purement pragmatiques.
L'analyse du langage, considérée comme partie
intégrante et indispensable des recherches philosophiques, demeure un
aspect majeur de la philosophie contemporaine. Par ailleurs, le clivage se
perpétue entre ceux qui préfèrent travailler avec la
précision et la rigueur des systèmes logiques symboliques et ceux
qui préfèrent analyser le langage ordinaire.
Mutuza a opté pour cette dernière position. Bien
qu'il y ait peu de philosophes contemporains pour affirmer que tous les
problèmes philosophiques sont linguistiques, l'idée que l'examen
de la structure logique du langage et de l'usage du langage ordinaire peut
souvent contribuer à la résolution des problèmes
philosophiques demeure largement partagée. Et ce partage, Mutuza le
prend en termes du géométrique.
§3. Terre ou
géométrie ?
Si la terre est cet espace géographique habitable, la
géométrie qui, comme la terre, dérive du même
étymon ãçò, n'est pas un simple
arpentage
(ãåùäáéóßá).
Elle est plutôt une construction de cet
espace. Le constructeur, l'être humain, vient de la terre -la terre du
corps de la femme -, il s'enracine dans une culture, une langue, une
race(307(*)).
L'Appartenance est comme la terre où chacun est nourri pour grandir et
porter des fruits. Ainsi le groupe peut être cette terre, à partir
de laquelle nous trouvons confiance pour nous ouvrir à d'autres et, par
là, découvrir notre humanité commune.
Pour comprendre cette humanité commune il n'y a qu'une
seule voie : la philosophie. La définition de la philosophie que
Mutuza nous donne est d'inspiration russellienne(308(*)). Comment ? Elle
mêle la déduction à l'induction. C'est une
mathématisation des données de la culture. L'idée d'une
géométrie cartésienne est assez remarquable(309(*)). Nous sommes dans un
pythagorisme de l'école de Franz Crahay qui, à tous points de
vue, est la plus importante pour notre étude, celle d'un ressortissant
des écoles occidentales. La philosophie occidentale des siècles
coloniaux est, en effet, pénétrée par la pensée
géométrique de Pythagore et de Descartes au point qu'on peut
parler du cartésianisme d'un Crahay et réciproquement qu'un Smet
pourrait aussi bien être considéré comme
pythagoricien(310(*)).
Le cartésianisme se construit en réaction contre
cette attitude d'extorsion. Le principal représentant de cette
réaction est Dubarle. Mutuza lui a réservé la
dédicace de son livre De la Philosophie Occidentale à la
Philosophie négro-africaine, Apport des philosophes
zaïro-congolais.
Biangani, en indiquant la liste des textes de Senghor, de
Houtondji, de Tempels et de Towa où l'on propose de retrouver sa
pensée, ne méconnait pas les divergences des interprètes
et affirme lui-même souvent plus qu'il ne démontre. Mais cette
réserve faite, la substance de la pensée est sociologique. Or ces
philosophes insistent trop sur l'humanité négro-africaine.
Négritude. Ce n'est qu'avec les mathématisables que nous pouvons
bien comprendre le concept d'appartenance.
La mathématique en ce sens sera un moyen
adéquat. L'étude des nombres nous guidera. Tout poème ou
texte dû à l'oralité se conforme à l'étude
des fonctions mathématiques311(*) avec une appartenance et une inclusion en même
temps de tons et longueurs des syllabes. Ce qui permit à Mutuza de
saisir la valeur numérique de la démocratie. Il écrit que
« ils ne représentaient qu'eux-mêmes et leur
ethnie, forte de quelques 40. 000 âmes, contre plus de 50.000. 000
d'âmes qui peuplaient la province du Kivu-Maniema
d'alors »(312(*)). Seul le nombre, à la
manière pythagoricienne nous convaincra(313(*)). Mais avant tout, il faut
connaître ces nombres et leur nature.
C'est parce que les mathématiques sont
les sciences ayant pour objet l'étude au moyen du
raisonnement et de la déduction d'êtres ou d'entités
abstraites (nombres, figures, etc.) que nous considérons les faits
comportementaux des Bantu comme mathémasables.
De la genèse de ces sciences, il est intéressant
de démontrer qu'elles sont
nées des besoins pratiques de l'homme
(dénombrement, mesures de l'espace géographique). Avec le temps,
elles ont pris leur autonomie surtout avec le développement d'un mode de
démonstration rigoureuse des propriétés à partir de
prémisses posées pour vraies (méthode axiomatique). Tout
en gardant un lien avec le réel -- nombre de concepts ou de
problèmes mathématiques sont nés de la physique --,
elles ont aussi créé leurs propres objets, concepts et
théories. Ceux-ci à leur tour sont devenus souvent des outils
puissants pour l'étude des phénomènes physiques ou pour la
modélisation des réalités humaines et sociales. L'exemple
du partage de l'Afrique en un exemple dans la modélisation des
réalités sociales et humaines. Ces réalités furent
mises en pratique par les sciences coloniales vers les années 1884.
La Conférence de Berlin, tenue de novembre 1884
à février 1885, qui a consacré les règles du
partage colonial en Afrique centrale était imprégnée des
idées géométriques et mêlait les convictions
analytiques. Mutuza décrie le recul vers lequel les chercheurs et
spécialistes des pays de Grands-Lacs nous entraînent en suivant le
schéma de Berlin de la citoyenneté transfrontalière.
En effet, l'Allemagne et la France ont organisé cette
conférence de Berlin qui avait réunit les
délégués de quatorze nations : Allemagne,
Autriche-Hongrie, Belgique, Danemark, Espagne, États-Unis, France,
Italie, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Russie, Suède, Turquie. Le
23 février 1885, les États participants édictent,
dans un « acte général », deux principes
essentiels de la colonisation. Le premier proclame la liberté de
navigation sur le Niger et le Congo et la liberté de commerce dans le
bassin du Congo ; le second, aux objectifs plus vastes, développe
la théorie des zones d'influence : chacune des puissances
contractantes peut revendiquer l'annexion de territoires occupés en
reculant indéfiniment ses frontières jusqu'à ce qu'elles
rencontrent une zone d'influence européenne voisine. Cette extension
territoriale suppose une occupation effective et une notification
instantanée des accords conclus par les dirigeants autochtones avec les
autres puissances contractantes.
Cette conférence a dû donner l'image d'une
rencontre digne de pensées sociales selon la théorie de big
bang(314(*)) et de la
répartition des richesses. Après la première guerre
dite mondiale, s'est constitué le Cercle de Vienne dont la
pensée influencera le monde scientifique.
C'est à partir des études de ces scientifiques
que nous avons pu distinguer la pensée analytique de la pensée
géométrique de nos deux peuples : agriculteurs et
pasteurs.
L'échec de l'Allemagne à la deuxième
guerre mondiale a permis aux puissances occidentales de confier la direction de
ses colonies à la Belgique. Et c'est par ici que nous avons la meilleure
compréhension de nos deux sociétés, Hutu et Hima-Tutsi.
Ceux des philosophes qui venaient en Afrique avaient entre leurs mains ces deux
armes pour opposer les Hutu et les Tutsi. Sachant l'accent culturel de leur
pensée penchant de l'analytique et de la géométrie, c'est
comme un certain positivisme social.
Mutuza recourt à l'analyse psychologique des deux
civilisations. Le recours à la méthode psychanalytique est un
emprunt de la géométrie analytique. La pensée
analytique permet de jouer un rôle minutieux dans le développement
des raisonnements concernant les relations sociales, car la
géométrie analytique le permet d'unifier les concepts de
l'analyse (relations numériques) et de la géométrie
(relations spatiales). Si on se place du côté des
mathématiques, l'étude des géométries
non-euclidiennes et des géométries dans les espaces à plus
de trois dimensions n'aurait pas été concevable sans une approche
analytique. De même, les techniques de la géométrie
analytique, en rendant possible la représentation graphique de nombres
et des expressions algébriques, ont apporté une meilleure
compréhension du calcul infinitésimal, de la théorie des
fonctions et d'autres problèmes mathématiques plus complexes.
Les populations des pasteurs n'ont pas d'esprit
géométrique, c'est-à-dire qui étudie les relations
entre les points, les droites, les courbes, les surfaces et les volumes. Comme
l'ont développé les Hutu à cause de limites terriennes
qu'ils se doivent. Elles ont plutôt une pensée analytique,
c'es-à-dire qui concerne la psychanalyse. Dans ce sens qu'elles
procèdent de la déduction à partir de principes
fondés sur l'expérience et l'observation. Ce qui les
différencie des peuples agriculteurs qui traitent
géométriquement leurs relations sociales, avant l'arrivée
de l'homme blanc.
A partir du XIXe siècle,
un double mouvement s'est fait jour : vers l'étude des relations et
des structures, d'une part, et, d'autre part -- liée à
certaines difficultés rencontrées --, vers la refondation
complète des sciences sociales au moyen de la logique et
mathématique formelle, avec le fonctionnalisme de Malinowski. Plus
récemment, les mathématiques, qui ont largement contribué
à l'élaboration conceptuelle de l'ordinateur, ont trouvé
dans cette machine et dans sa puissance de calcul un outil précieux pour
tester et modéliser des hypothèses ou même
« démontrer » des conjectures. C'est encore ici la
réouverture du structuralisme et du modèle de la
communication.
En effet, les mathématiques ont pratiquement le
même âge que l'humanité elle-même : des preuves
du sens géométrique et de l'intérêt pour des formes
et des motifs géométriques ont été
découvertes sur les poteries préhistoriques et sur les peintures
des cavernes. Les systèmes de calcul sont, à cette époque,
probablement fondés sur l'utilisation des doigts de l'une ou des deux
mains, comme en témoigne la prédominance des bases 5 et 10
dans la plupart des systèmes de numération actuels. Ce qui
justifie l'antériorité des agriculteurs dans les pays des grands
lacs de l'Afrique centrale.
Pour qu'une science se développe, il convient que
s'établisse entre le savant et son objet cette « distance
critique », ce recul indispensable qui est la condition
première de l'objectivité et qui nous fait spontanément
défaut entre nous-mêmes et la société dans laquelle
nous vivons. Il nous est plus aisé de prendre conscience d'autrui comme
individu qui est mon vis-à-vis que de la société qui nous
enveloppe et nous pénètre nous-mêmes et notre semblable.
Ainsi est-ce la maxime inscrite au fronton du temple de Delphes -,
(ãíþóåé
óåáõôïí),
connais-toi toi-même - , qui a servi de point de départ de la
méthode de Socrate et ses disciples. Ce qui fut le premier essai
occidental d'analyse de soi et d'autrui. Mais ces mêmes Grecs appelaient
« Barbares » tous les autres peuples qui n'appartenaient
pas à la famille hellénique, fondant les particularités
propres à chaque peuple dans le refus explicite ou voilé
d'avaliser leur manière d'être. Tous les hommes de toutes les
sociétés ont commencé par considérer leur propre
organisation et leurs propres modes de vie comme les seuls valables.
« Etrange » et « Etranger » sont des
mots dont le sens est bien près de se recouvrir.
§4. Société
pluraliste et diapasonnée(315(*))
Dans la vie sociale le lien extérieur est plus fort que
le lien biologique. Le but d'une communauté et la
mission peuvent parfois empêcher la relation entre les membres. Ils se
rencontrent non plus en tant que personnes, mais seulement pour collaborer et
réaliser les objectifs de la communauté. Les membres peuvent
même se cacher derrière les mille activités du groupe pour
éviter les relations personnelles. L'autre n'est pas une personne
importante en elle-même, mais seulement en tant qu'elle partage le
même idéal. L'activité du groupe prime sur la
qualité de l'amour(316(*)) qui doit unir les membres.
Il a été souvent dit que dans les villages
africains, les gens sont rarement seuls. « Tout d'abord, ils
vivent très proches les uns des autres, dit Jean
Vanier »(317(*)). Ce qui est vrai c'est que dans la
plupart des cas, les enfants dorment dans la même pièce. De ce
fait la cour retentit de la présence des tantes, des oncles, des cousins
et des parents en grand nombre. Tous sont rassemblés sous
l'autorité d'un chef ou d'un groupe d'anciens.
Dans cet environnement, chacun semble marcher au pas :
les hommes, les femmes, les anciens, les jeunes, les petits savent se situer,
et chacun se sent en sécurité dans un monde dont la
hiérarchie naturelle est stable. Ce constat nous permet d'affirmer que
l'humanité a toujours été jeune parce que de toujours il y
a des parents, des grands-parents, des fils, des petits fils, des neveux, des
oncles des tantes, des cousins, etc. La société est pluraliste et
diapasonnée.
Par société pluraliste et diapasonnée on
entend un ensemble des souches et des couches de populations dont la conscience
collective est de construire une culture idéale malgré les
différences qu'elles subissent à la manière des valeurs
que revêtent les nombres dans les ensembles, mais diapasonnée,
on veut alors montrer quelque mécanisme de la marche cadencée et
rythmée comme des notes musicales d'une gamme.
L'image que Mutuza se fait de la société est
celle de M. Balandier. Mais Mutuza y adjoint la pensée de Russel. Il
mathématise sa pensée et ouvre les antinomies entre état
et lignage. Le fonctionnalisme de Malinowski est assurément
présent dans les considérations des relations sociales chez
Mutuza. Pour que l'on arrive à bien comprendre Mutuza dans ce domaine du
pluralisme social et de l'harmonie qu'on en recherche, il nous faut saisir le
sens des nombres pour que le fonctionnalisme soit restitué dans son
champ propre : le raisonnement.
v Imitation des nombres par des choses
sensibles ou entités culturelles
· Présentation graphiste des
ensembles(318(*))
· De l'ensemble de nombres
Dans la philosophie pythagoricienne, le nombre est une
quantité évaluée en unités. Il est une
catégorie qui différencie l'unité de la pluralité.
On peut donc croire Mutuza quand il se déploie à donner un
exemple particulier contraire à la thèse proposée pour les
Pays de Grands Lacs. Nous nommons
íóôáóéò(319(*)) et
c'est une position si l'on s'en tient au
schéma graphique des ensembles. Dans le
schéma ci-haut il y a six ensembles. Ces six ensembles de nombres
peuvent être symbolisés par des cylindres de longueur infinie
s'emboîtant les uns dans les autres. Les Nombres sont soit un
mot soit un symbole utilisé pour désigner des
quantités.
En arithmétique, un nombre
désigne un élément des ensembles , , , , ou (ensembles qui « s'emboîtent » les uns dans
les autres).
v Entiers naturels
Les nombres les plus simples sont les
entiers naturels, ou entiers, c'est-à-dire présent dans l'univers
indépendamment des êtres humains.qui appartiennent à
l'ensemble infini 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 ... On dit que l'ensemble
des entiers naturels, noté , est fermé vis-à-vis de l'addition et de la
multiplication, ce qui signifie que la somme ou le produit de deux entiers
naturels est toujours un entier naturel. En revanche, ce résultat est
faux pour la soustraction de deux entiers naturels. C'est pourquoi on a
été amené à introduire les entiers relatifs. Cette
compréhension nous conduit vers la connaissance des chercheurs et
spécialistes des pays de Grands Lacs selon qui l'évolution fait
partie de la vie. Et c'est vrai, mais ils le disaient à propos du
changement qui veut qu'il faille tout balayer du passé. Ils ont
oublié qu'il y a des valeurs essentielles, profondément humaines,
qu'il s'agit de préserver, non pas en les conservant embaumées
dans leur cadre ancien, mais en réfléchissant à la
façon de les vivre dans l'avenir(320(*)). Les Congolais se considèrent comme des
entiers naturels. Alors que les Tutsi sont pour eux des entiers relatifs,
c'est-à-dire possédant des signes soit ils sont congolais pour un
temps soit ils ne le sont pas du tout(321(*)).
v Des entiers relatifs
Une pauvreté dans la connaissance des
mathématiques fait que Mutuza présente la conception de la morale
des Tutsi comme un manque de morale humaniste, et par conséquent
pragmatiste. C'est comme si un Tutsi serait
un entier relatif qui est un entier naturel existant de
façon dépendante et auquel on attribue un signe, positif
(symbole +) ou négatif (symbole -). Par exemple, 0, 1,
- 3, - 6 sont des entiers relatifs, si est seulement si la possession
est en négatif chez eux du fait de l'aséité du roi. Cela
est une image que les Hutu se font des autres parce que ces autres ne sont pas
enracinés dans une terre. À noter que lorsque l'entier relatif
est positif, on omet souvent de préciser son signe, et c'est l'attitude
que prennent les Tutsi en temps de paix. On constate donc que l'ensemble des
entiers relatifs, noté , englobe l'ensemble des entiers naturels. On peut écrire Ì . Mais si cette image est vraie, comment avons-nous dans les
échos du prétendu génocide le vocable des Hutu
modérés ? Ce raisonnement montre qu'il y a des hommes dont
la conscience est quelque peu décimale. Et Mutuza dit que
« tout cela n'est exigible que dans la mesure où les droit
des minorités sont compatibles avec l'existence et les
intérêts les plus généreux de l'Etat. Or tel n'est
malheureusement pas le cas des « Rwandais » qui, non
contents de voir l'Etat Congo-Zaïre reconnaître et protéger
leur existence et leurs intérêts, jusqu'à les promouvoir au
sommet du pouvoir de l'Etat, exigent, par la force des armes, la reconnaissance
de la nationalité congolaise collectivement, sans se soucier des
prérogatives de l'Etat congolais »(322(*)).
v Nombres décimaux
La recherche du soutien des Occidentaux(323(*)) dont
bénéficient les Tutsi fait dire à l'opinion congolaise
qu'ils sont des entiers décimaux(324(*)).Un entier décimal est le
quotient d'un entier relatif par une puissance de 10. Ainsi,
- 100,2 ; 2,4 ; - 0,06 ; 8 et - 5 sont des
entiers décimaux. L'ensemble des entiers relatifs est inclus dans
l'ensemble des entiers décimaux, noté . On a donc Ì Ì . L'ensemble des entiers relatifs est fermé pour la soustraction,
mais non pour la division : on a alors été conduit à
créer les fractions, dites nombres rationnels(325(*)).
v Nombres rationnels
On appelle nombre rationnel ou fraction tout
nombre égal au quotient de deux entiers relatifs. En d'autres termes,
r est rationnel s'il existe deux entiers relatifs p et q,
q non nul, tels que r = p/q. Par
exemple, 4/5 ; - 3/6 ; 5 ; 0 ; - 7,5 ;
- 4 sont des nombres rationnels. On constate donc que l'ensemble des
entiers rationnels, noté , contient l'ensemble des entiers décimaux . En effet, tout entier décimal d peut s'écrire
sous la forme d = n/10p, où
10p est une puissance(326(*)) de 10. De même, tout entier naturel
n correspond à la fraction n/1. On a Ì Ì Ì .
Par ailleurs, la somme, la différence,
le produit et le quotient de deux nombres rationnels sont encore des nombres
rationnels.
v Nombres réels
· Possibilité de
sensibilité
La présence tutsie est problématique en RD Congo
(1959). Et surtout quand il y a des nouvelles entrées de ces
populations. L'esprit géométrique est, avons-nous dit, le propre
des Hutu. Il y a à croire que Mutuza se réfère aux grands
géomètres quand il parle de la citoyenneté
transfrontalière telle que développée par les
intellectuels africains au Cap(327(*)), en Afrique du Sud. C'est d'ailleurs
avec le développement de la géométrie classique
qu'est apparu le besoin de créer de nouveaux nombres comme base de
différenciation. Ainsi, la longueur de la diagonale d'un carré
dont le côté mesure une unité ne peut s'exprimer à
l'aide d'une fraction. Cette longueur est égale à la racine
carrée de 2, de symbole . Multipliée par elle-même, cette valeur vaut 2. De
même, le quotient de la circonférence d'un cercle par son
diamètre n'est pas un nombre rationnel, mais vaut
p = 3,1415... Ces nombres sont dits irrationnels328(*).
La réunion de l'ensemble des nombres
rationnels et de l'ensemble des irrationnels constitue l'ensemble des nombres
réels, de symbole. On peut donc écrire Ì Ì Ì Ì .
· La sensibilité arithmétique
La philosophie de Pythagore nous fait comprendre le
dénombrement ou la démographie numérique des populations
des grands-lacs. Si l'algèbre est une science majeure qui
considère la nature des grandeurs selon leur nature et non selon leur
valeur et les représente par des lettres et des symboles,
le nombre réel r est un nombre
algébrique s'il existe une relation de la forme
a0 + a1.r + a2.r2 + ... + an.rn = 0,
avec a1, a2, ...,
an rationnels et n entier. Par exemple,
est un nombre algébrique, car ( )2 - 2 = 0. Mutuza a raison de
symboliser les valeurs culturelles de ces populations par une certitude
arithmétique pour atteindre le nombre transcendant(329(*)).
v Monadisme (330(*))
C'est dans un atomisme métaphysique que Mutuza
démontre le cloisonnement de peuple du Mythe Hima-Tutsi. Il pense que
leur apparente ouverture est comme un nombre qui, fermé s'oppose
à un nombre idéal
(åßäçôéêüò).
Il croit aussi pouvoir nous mettre en garde contre une tendance d'une grandeur
semblable à un nombre réel dit
transcendant s'il n'est pas algébrique. Le mathématicien
français Joseph Liouville en a démontré l'existence au
XIXe siècle en explicitant les nombres dits
« de Liouville »(331(*)). On peut aisément construire des nombres
transcendants, en s'appuyant par exemple sur le théorème
suivant : si a est un nombre algébrique non nul, alors
ea est un nombre transcendant. En revanche,
démontrer la transcendance d'un nombre donné est beaucoup plus
délicat. Ainsi, la transcendance du nombre e n'a
été démontrée qu'en 1872 par le
mathématicien français Charles Hermite(332(*)), celle du nombre pi
(p) en 1882 par le mathématicien allemand Lindemann et celle de
2 par le mathématicien allemand Carl Siegel, en 1932.
· Limites de la Décade
Dans les limites de la Décade
le produit d'un nombre réel par lui-même est
toujours positif ou nul. Aussi, l'équation
x2 = - 1 ne peut pas avoir de solution dans
l'ensemble des nombres réels. C'est pourquoi un nouvel ensemble de
nombres a été construit, pouvant vérifier, entre autres,
l'équation précédente. En définissant le nombre
imaginaire i tel que i2 = - 1, on
appelle nombre complexe un nombre de la forme
x + iy, où x et y sont des
nombres réels. On peut alors résoudre l'équation
suivante : x2 = - 9 par
x = - 3i ou
x = + 3i. On appelle nombre
imaginaire un nombre pouvant s'écrire sous la forme ai, a
étant un nombre réel.
Les nombres complexes sont donc une combinaison des
nombres réels et des nombres imaginaires. Par conséquent,
l'ensemble des nombres complexes, noté , englobe l'ensemble des réels, ce qui permet d'écrire les
relations d'« emboîtements » successifs
suivants : Ì Ì Ì Ì Ì .
Pour calculer le conflit de civilisation et la manière
dont l'une des ces civilisations a sur-dominé, Mutuza recourt aux
mathématiques. Il conduit son raisonnement lentement vers la cime de la
vérité sociale et culturelle. Il fait par exemple ce
calcul :
BANTU
CHAMITES
Organisation politique V2
? Organisation politique V6
Organisation économique V4
? Organisation économiques
V2(333(*))
Mutuza considère les deux civilisations comme deux
ensembles qui nous donneront différentes fonctions. Il dit :
« constatons que deux civilisations différentes, pastorale
et agricole, représentées par deux groupes ethniques distincts,
les Watutsi et les Bahutu, se trouvent confrontées ; et comme l'une
empiète sur le domaine de l'autre, un conflit en résulte. Nous
avons donc là un conflit de civilisations mettant à
l'épreuve une civilisation pastorale et une civilisation
agricole »(334(*))
La problématique de l'ascendance intervient quand il
s'agit de parler de la supériorité des moyens culturels
« généraux dont chacune
dispose »(335(*)).
« Les Bantous cultivateurs disposaient d'une
technique d'exploitation de la terre qui permettait l'établissement plus
ou moins permanent d'une tribu et son expansion sur une aire
géographique déterminée »(336(*)).
Les rapports entre structures claniques et structures
étatiques sont liés à la question de la genèse de
la société à Etat traditionnel et également au
problème de la typologie des systèmes politiques. Le Mythe
Hima-Tutsi est là. Nous voyons que Mutuza l'interprète selon la
philosophie russellienne de l'unité et selon la théorie
pythagoricienne des nombres et de la musique byzantine qui comprend un cycle
d'octave. La Problématique du mythe Hima-Tutsi doit être
un paraclitique(337(*)),
donnant au calcul des nombres une valeur qui nous fera découvrir la
pensée géométrique des Hutu et la pensée analytique
des Tutsi. Il sera question de ð (p). Sa conception
instrumentaliste nous permettra d'analyser le poème de la poésie
dynastique du Ruanda. Un poème des Bantu sera aussi
étudié(338(*)). Dans leurs longueurs musicales, nous devons
chercher la dernière note sur laquelle les deux poèmes tombent.
Les Bantu cultivent en chantant. Mais comment peut courir un Tutsi
derrière la bête en chantant ?
· Vers conté
Il s'agit ici de la musique en termes des majeures : quoi
qu'il en soit, l'instrumentalisme mutuziste, il ne faut pas négliger
cette précision qui a son importance, s'oppose ouvertement à
l'essentialisme. Pour résumer cette opposition, nous donnerons certains
graphiques pour mieux comprendre cet aspect du mutuzisme.
Nous insistons sur le fait que les notes de musique, en
majeur, font un cycle en octave. Si la poésie dynastique du Rwanda donne
un cycle complet, alors l'antériorité Tutsi sera
approuvée. Si c'est le contraire ce que ce poème n'est qu'un
développement d'un poème Hutu(339(*)).
Un poème dynastique est un récit politique
qui concerne une dynastie des souverains. Un conflit dynastique. L'histoire
dynastique d'un pays.
Une épopée est une suite
d'événements aventureux. Notre voyage a été une
véritable épopée. Elle est aussi une suite
d'événements historiques ou héroïques : une
épopée militaire. Dans la littérature c'est un long
récit le plus souvent en vers racontant les hauts faits d'un personnage
mythique en recourant généralement au surnaturel : lire une
épopée antique.
Les récits épiques sont des récits qui
présentent une suite d'événements aventureux.
Synonyme: mémorable. Une bataille juridique épique.
Littérature qui raconte en vers les hauts faits d'un personnage mythique
en recourant généralement au surnaturel : un vaste roman
épique.Dans cette perspective, le nombre d'or nous conduira vers une
critique de la raison ambiante des poèmes dynastiques. Le calcul
à l'aide de la valeur de ð (p) donnera toute la valeur
à ces poèmes dynastiques, sans en négliger la tournure
antiphonique de la durée de l'octave. Une triode permettra aussi de
saisir la katavasie de noël selon le poème 172 :
« Heureux est le sein qui t'a
allaité,
Ainsi que celui qui a allaité
Jésus-Christ ».
Une tablette de la Babylonie ouvrira le symbole de
l'unité, prédite par la séparation, symphonie des
idiomêles avec les hirmoi de la razzia. Ces hirmoi nous permettent de
comprendre et de reconnaître ce que Mutuza écrit :
« Nous voici placés devant deux conceptions du monde qui
ne sont pas faites pour vivre harmonieusement ensemble. L'occident
impérialiste et hégémonique l'a, non seulement compris,
mais il l'a cultivé et entretenu et s'avise aujourd'hui de s'en servir
pour assurer ses intérêts en Afrique centrale, en
commençant par la région des Grands-lacs »(340(*)). De ce fait, les
Hima-Tutsi croient couper la communauté de leurs voisins et de la
société congolaise en général ; ils se ferment
par un prétendu élitisme et par peur de perdre certaines
valeurs ; ils empêchent alors la croissance de leurs membres vers
plus d'autonomie, de liberté et de maturité intérieures,
vers un plus grand sens de responsabilité. La vie de la
société, réduite à une communauté, risque de
devenir un monde sécurisant et « idéal » qui
doit répondre aux besoins de chacun.
On peut comprendre cette psychologie du do ut des (du
donnant-donnant) qui n'est pas toujours manifeste, et l'antiquité
classique possède des belles prières
désintéressées et d'une noblesse surprenante :
s'attirer la bienveillance de dieux, qui devient ainsi un moyen par rapport
à une fin humaine. La clef de do est appelée clef
d'ut en raison du tournant cyclique de son octave, image de la
communauté(341(*)). Mais une communauté ne peut jamais
répondre à toutes ces attentes. Si elle cherche à le
faire, elle risque d'infantiliser ses membres en empêchant leur
croissance. C'est ainsi que les conflits surgirent entre Hutu et Hima-Tutsi, et
la communauté rwandaise s'affaiblit et tend même de s'effondrer.
C'est là l'idéal de leur octave dans les poèmes
dynastiques. Voici l'octave des poèmes et leur combinaison: Roi 1,
Dieu 2, Race 3, Archer 4, Vaches 5, Guerre 6, Pluie 7, (Roi 8).
Dans les poèmes on a des accords des mots comme
suite :
1+3= 4
5+7= 12
|
2+4= 6
6+8= 14
|
3+5= 8
7+9= 16
|
4+6= 10
|
Il y a d'autres entiers qui ne font pas directement partie de
la chaîne octave : Tambours 9, Sauveur 10, Deuilleur 12,
Législateur 14, et Razziaire 16. Avec ces entiers nous voyons la
fermeture et l'ouverture des poèmes. Ces entiers permettent de
comprendre la mathématisation des activités royales (1),
auxquelles le poète revient incessamment en décrivant des cercles
concentriques (2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 1O, 12, 14, 16,...). C'est une octave du
Roi (1)(342(*)).
· Octave : la puissance
dynastique du do ut des
En musique dans l'échelle diatonique, l'octave est
l'intervalle de sept degrés avec réplique au grave ou à
l'aigu du degré choisi comme point de départ.
Une voix qui grimpe les octaves est la note
située au huitième degré de l'échelle diatonique et
portant le même nom que celle du premier. Le "la" de l'octave
supérieure. Pour que l'interprète joue la séquence
une octave plus haut ou plus bas(343(*)). Jouer à l'octave. En religion
office commémoratif important de la liturgie catholique
célébré le huitième jour après une
fête solennelle, l'octave de la Pentecôte. Huitième
mouvement de lame destiné à contrer une attaque en escrime,
enchaîner sur une riposte après une octave.
Dans la musique akadinda pour
xylophone, de l'ethnie baganda en Ouganda, deux groupes de trois musiciens se
font face de chaque côté d'un xylophone. Le premier groupe joue un
motif répété en octaves et, pendant les silences, le
second groupe joue un motif imbriqué. Le tempo peut atteindre
jusqu'à six cents notes par minute. En Afrique orientale, centrale et
australe, des groupes de musiciens jouent sur des flûtes et des
trompettes bouchées, chaque musicien jouant une seule note dans un ordre
strict.
L'alternance des parties crée une riche texture
polyphonique. Cette technique instrumentale, appelée
« hoquet », était employée dans la musique
médiévale en Europe aux XIVe et
XVe siècles. Elle joue un rôle de premier plan
dans la musique des Bochimans, qui habitent le désert du Kalahari, et
dans celle des Pygmées des forêts tropicales d'Afrique
centrale344(*). Nous
donnons la texture octave de la gamme de do majeure, de do mineure harmonique,
do mineure mélodique ; nous y ajoutons la gamme chromatique, la
gamme ton par ton, la gamme pentatonique. Cette marque permettra la
compréhension des poèmes dynastiques du Ruanda et des
récits épiques des Lega(345(*)).
Nous y joignons do de la tonalité majeure mi
dièses mi bémols, sol majeur aussi (avec connaissance de fa
dièse), ré tonalité majeure avec fa dièse et do
dièse, fa de l tonalité majeure avec fa dièse, do
dièse et sol dièse; fa de tonalité majeure est mi
dièse, du reste la lecture est régulière.
Dans ce contexte le nombre p nous aidera aussi à
découvrir avec ardeur la valeur instrumentale du mythe.
Avant tout cela l'habitude de grouper diverses mesures puis
diverses valeurs d'indice en catégories, d'établir des coupures
brutales dans une succession de valeurs très proches les unes des autres
est commode, mais arbitraire. Elle facilite les comparaisons et les
conclusions, mais risque parfois la réalité des faits.
A un oeil exercé, un examen direct apprend beaucoup.
Mais les mesures ont toujours l'avantage sur le simple examen de pouvoir
être plus facilement transmises à autrui, et n'est-ce pas un
caractère de la science que d'être une connaissance
transmissible ?
· Courbe de la variable des valeurs
culturelles
Pour qu'une comparaison soit valable avec les résultats
d'autres chercheurs concernant le même groupe ou d'autres groupes
humains, les techniques employées doivent être les mêmes.
C'est là la condition première de tout résultat. Or la
plupart de temps les hypothèses de la science coloniale furent des
idéologies dangereuses et non-réfutables. Il est donc
impérieux que l'examen de la courbe, il existe divers moyens
mathématiques, exprime la variabilité d'un caractère
à l'intérieur d'un groupe ; c'est ce que fait Mutuza :
« le décompte de moyens dont disposait chacune de deux
civilisations fait que nous arrivons à une presque égalité
des moyens culturels et cependant nous devons expliquer la domination
tutsie »(346(*)).
Il a fallu donc à notre auteur de donner
« une valeur numérique, absolument conventionnelle et
illustrative, aux moyens culturels ci-dessus, on pourrait avoir :
BANTU
CHAMITES
Organisation politique V2
? Organisation politique V6
Organisation économique V4
? Organisation économiques
V2
Les Watutsi ont prédominé parce que la somme
des moyens culturels dont ils disposent par rapport à ceux des Bantous
était supérieure :
V2 + V4 = V6
V6 + V4 =
V8 »(347(*))
On accepte sans peine que l'organisation politique,
liée à la quête de l'espace et problématique de la
structuration des Etats modernes, puisse être la base de
considération suprêmatique des Tutsi sur les Hutu. La
continuité des éléments politiques fait appel aux
thèmes concentriques semblables aux chiffres
141592653589793238462643383279 + n de après la
virgule.
v Nombre Ð
L'espace géographique a une importance capitale dans la
saisie des valeurs culturelles d'un peuple.
Depuis l'Antiquité, les mathématiciens ont
remarqué qu'en mesurant la circonférence d'un cercle
(c'est-à-dire la longueur de la ligne qui forme ce cercle) et qu'en la
divisant par son diamètre, on obtenait toujours le même nombre. On
a pu croire que la périphérie est égale à la
dimension psychologique du terrain que se donne une population348(*).
Ils ont décidé d'appeler ce
nombre pi et de le noter p.
On peut donc écrire :
· D'où vient le nom
pi ?
p est la première lettre du mot
grec (peripheria) qui signifie la circonférence du cercle.
Cette notation n'a pas été donnée par les Grecs. Ce
symbole n'est apparu que vers 1600. C'est un mathématicien suisse
nommé Leonhard Euler qui a imposé cette écriture au milieu
du XVIIIe siècle.
· Combien vaut pi ?
On ne connaît pas exactement la
valeur du nombre pi. Ses décimales (c'est-à-dire le nombre de
chiffres après la virgule) sont infinies et impossibles à
prévoir. Depuis le XVIIIe siècle, on sait aussi
que p ne peut pas être égal à une fraction :
on dit que p est irrationnel.
Même si on ne connaît pas sa
valeur exacte, on peut utiliser une valeur approchée de
pi. Les Babyloniens, vers 2000 avant J.-C. utilisaient la valeur
3,125 (c'est-à-dire 3 + 1/8). Au fil du temps, les
mathématiciens ont cherché à préciser cette valeur.
Vers 200 avant J.-C., Archimède a trouvé que pi
était à peu près égal à 3,1418 et
1 600 ans plus tard, on connaissait les 14 premières
décimales de pi(349(*)).
Aujourd'hui, grâce à la
puissance de calcul
des ordinateurs, on connaît plus de
1 200 milliards de décimales du nombre pi. Dans la pratique,
on remplace souvent p par 3,14 -- ce qui permet d'effectuer des calculs
suffisamment précis. Pour se souvenir d'une valeur plus précise
de p, on peut apprendre le poème dont voici la première
strophe :
« Que j'aime à faire apprendre
ce nombre utile aux sages
Glorieux Archimède, artiste
ingénieux,
Toi qui, de Syracuse aime encore la
gloire,
Soit ton nom conservé par de savants
grimoires... »
En comptant le nombre de lettres de chaque mot
(3 pour « Que », 1 pour « j' », 4 pour
« aime », etc.), on obtient les 30 premières
décimales de p (soit :
3,141592653589793238462643383279).
· Comment obtenir une valeur
approchée de pi ?
Il existe de nombreuses méthodes pour
calculer une valeur approchée de p. La première utilise
la définition de pi. Elle consiste à mesurer à l'aide
d'une ficelle la circonférence d'un cercle et à la diviser par le
diamètre.
Archimède, quant à lui, a
utilisé une méthode géométrique : il a
construit deux polygones réguliers encadrant un cercle, l'un à
l'intérieur et l'autre à l'extérieur du cercle. Il obtient
ainsi un encadrement de la circonférence du cercle et donc de
p.
D'autres méthodes sont liées à
la probabilité, comme l'expérience des aiguilles de Buffon :
on lance des aiguilles d'une certaine longueur sur un parquet composé de
lattes de même largeur (la longueur des aiguilles est égale
à la largeur des lattes). La probabilité qu'une aiguille tombe
sur deux lattes à la fois est égale à 2/p. Ainsi,
en reproduisant un grand nombre de fois cette expérience, on
s'approchera de ce nombre.
Enfin, de nombreuses formules permettent de
trouver des valeurs approchées de p comme la formule de Wallis :
· Ou la formule de Leibniz pour
une compréhension métaphysique du phénomène
social
· A quoi sert le nombre
pi dans la géographie humaine?
Par définition, le nombre p
permet de calculer la circonférence d'un cercle. Il
apparaît aussi dans le calcul de l'aire A du disque
(A = p × r²,
où r est le rayon du disque) ou du volume V de la
sphère.
Pendant plus de 2 000 ans, les
mathématiciens ont essayé de savoir s'il était possible de
construire à la règle et au compas un carré de même
périmètre qu'un cercle donné. C'est lorsqu'on a
démontré que p ne pouvait pas être la solution
d'une équation du type
5x² - 3x + 2 = 0
(on dit que p est transcendant) qu'on a pu démontrer
que cette construction, appelée quadrature du
cercle, était impossible(350(*)).
En plus d'intervenir dans de nombreux domaines
des mathématiques, de la géométrie aux calculs de
probabilité, on retrouve le nombre p en astronomie, en physique
et dans bien d'autres domaines encore, surtout en philosophie politique et
sociale. Ce qui n'empêche pas les philosophes de recourir, dans leur
géométrie sociale, au nombre d'or.
v Nombre d'or et géométrie
sociale
· Qu'est-ce que le nombre
d'or ?
Parmi tous les rectangles, certains nous
semblent plus beaux que d'autres. Ils ont dans la majorité des cas la
même proportion. Ces rectangles s'appellent des rectangles d'or et le
rapport de leur longueur par leur largeur s'appelle le nombre d'or.
C'est par ce nombre que l'on comprend que « si
les Chamites possédaient eux-mêmes les moyens économiques
des cultivateurs bantous, ils n'auraient point besoin d'admettre dans leur
corps social des populations étrangères et de faire des
concessions en leur faveur, en vue de les maintenir ainsi
incorporés »(351(*)).
On note en général le nombre
d'or par la lettre grecque ö (phi). Cette notation est apparue en 1914 en
hommage à Phidias, un sculpteur qui a décoré le
Parthénon à Athènes.
Dans un rectangle d'or, on a:
Le nombre d'or apparaît aussi dans
d'autres figures géométriques comme le pentagone régulier,
qui est une figure géométrique à cinq côtés
inscrit dans un cercle et dont tous les côtés et tous les angles
ont les mêmes mesures. Dans cette figure, le rapport d'une diagonale par
un côté donne le nombre d'or.
v Combien vaut le nombre d'or ?
Le nombre d'or a pour valeur exacte et
pour en trouver une valeur approchée, on peut utiliser une calculatrice.
ö vaut à peu près 1,618 mais ses décimales
(c'est-à-dire le nombre de chiffres après la virgule) sont
infinies et impossibles à prévoir.
On peut aussi se servir de la suite de
Fibonacci pour approcher le nombre d'or. Cette suite a été
inventée au Moyen Âge par le mathématicien italien
Léonard de Pise dit Fibonacci, pour étudier la reproduction des
lapins. Et c'est justement pour l'étude de la santé de
reproduction tutsie que le nombre d'or parait important(352(*)).
Les deux premiers nombres de cette suite sont
1. Pour trouver les différents termes de la suite, on additionne les
deux précédents. On obtient donc les nombres :
En divisant chaque terme de cette suite par le
précédent (à partir du deuxième 1), on se
rapproche du nombre d'or.
Enfin, en utilisant la formule suivante, on
trouvera également une valeur approchée de ö :
· A quoi sert le nombre d'or dans
une étude philosophique ?
Le nombre d'or est probablement connu
depuis la préhistoire. Il a été utilisé par de
nombreux architectes et artistes depuis l'Antiquité. La pyramide de
Khéops en Égypte, construite vers 2800 avant J.-C.
montre que son architecte a utilisé le nombre d'or et il en est de
même pour le Parthénon à Athènes, construit au
Ve siècle avant J.-C.
À la Renaissance, de nombreux
peintres (comme Piero della Francesca ou Léonard de Vinci) utilisent les
qualités esthétiques liées au nombre d'or dans leurs
tableaux. Léonard de Vinci illustre même un livre sur les
propriétés mathématiques, esthétiques et mystiques
du nombre d'or ; le moine italien Fra Luca Pacioli l'expose dans
« la divine proportion (353(*))».
Le nombre d'or apparaît même dans
le domaine de la musique puisque le luthier italien Antonio Stradivari (dit
Stradivarius) utilise lui aussi ce nombre pour construire ses fameux
violons à la fin du
XVIIe siècle.
Au XXe siècle, de nombreux
architectes et peintres s'intéressent encore au nombre d'or pour leurs
réalisations, en particulier l'architecte français
Le Corbusier et le peintre espagnol Salvador Dalí(354(*)).
Quelles sont les propriétés du nombre
d'or ?
En plus de ses qualités
esthétiques, le nombre d'or possède une propriété
algébrique intéressante puisque pour trouver son carré
(c'est à dire ö × ö) il faut lui ajouter 1.
Autrement dit :
ö × ö = ö + 1. C'est ainsi
qu'on définit en général le nombre d'or.
Une autre propriété qui découle de la
précédente est que pour trouver son inverse, on lui retranche 1,
donc :
· Où trouver le nombre
d'or dans l'interprétation du conflit chez Mutuza ?
Quand on lit les poèmes de Mutuza, on est surpris de sa
marque de monstrance du nombre d'Or dans les eaux du Tanganyika et du Kivu. La
fenêtre de sa chambre donnait du côté de Tanganyika et
voyant le couchant du soleil et le déclin de la lumière du
crépuscule, il s'étonne que cette béatitude naturelle ne
soit pas commune aux voisins. Le nombre d'or apparaît
dans de nombreuses réalisations humaines, mais aussi,
mystérieusement parfois, dans la nature.
S'il n'est pas étonnant de retrouver le
nombre d'or chez l'étoile de mer qui a une forme de pentagone
croisé, on peut être surpris de le voir apparaître dans une
coquille d'escargot, dans une fleur de tournesol ou dans une écaille de
pomme de pin. Il paraît même que le rapport de la hauteur totale du
corps humain à la hauteur du nombril équivaut au nombre
d'or ! Ce qui nous permet de comprendre l'aspect phénotypique sur
lequel les Tutsi insistent pour réclamer leur identité.
Nous y reviendrons dans les éléments
suivants.
· Tablette de calcul
babylonienne
Tablette en argile couverte de symboles mathématiques
rédigés en cunéiforme. Le système de calcul
babylonien était un système en base 60 (le nôtre est
en base 10)(355(*)).
Nous commençons maintenant à voir plus nettement
comment s'organise, en toute cohérence, le rapport de Mutuza au mythe.
Il serait frôler la contradiction que de parler chez lui d'une
théorie de la politique et du mythe, non tant sur le fond (car il y a un
nombre important de considérations majeures qui y ont trait) que d'un
point de vue, disons, technique d'histoire de la philosophie de
l'histoire. Il est crucial de montrer, en effet, qu'à ce sujet il occupe
une position atypique et presque à contre-courant dans cette histoire.
Ainsi, comme l'on se doit d'éviter rigoureusement de parler de
morale kantienne, on se gardera de parler de philosophie politique
de Mutuza. Ceci peut avoir l'air d'un point de détail ou d'un souci
maniéré, mais il est possible qu'il ait son importance, si l'on
en juge par ce que l'on peut encore actuellement lire ou entendre sur
Mutuza.
L'idée principale à retenir est que les
préoccupations utiles au sujet de la politique et du mythe sont pour la
plupart régulatrices. Elles renvoient toutes à des exigences
d'ordre intellectuel et ouvrent au final, on tentera de le montrer, sur des
soucis éthique (prenant raine dans l'épistémologie). Le
reproche que l'on adressera à Mutuza sera sa trop grande foi en un
principe coopérateur.
Pour l'heure, tirons les premières conséquences
des options Mutuzistes, originales, en ce qui concerne
l'épistémologie et la philosophie de l'appartenance. Elles sont
une des grandes résistances au moment où la société
congolaise se posait en paradoxe communautaire.
Section 3. Résistance
§1. Paradoxe de la
communauté et instrumentalisation du langage communautaire
Le paradoxe dont nous parlons prend sa source dans cette
péricope de Maquet citée par Mutuza dans La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi: « Ce
mécanisme politique et économique en même temps, est
admirablement analysé par Maquet (p. 175) ; l'auteur soulève
ici les structures politiques, d'une part, mises en oeuvre pour assurer non pas
tellement une expansion, mais surtout un équilibre difficile entre les
tendances antinomiques inhérentes au système social (p.
182) ; d'autre part, le contrat de servage pastoral, dont il est question
dans le droit coutumier des bovidés, moyen sûr pour :
a. Assurer l'adhésion du Hutu au système
social en lui offrant l'apport du prestige social,
b. Exploiter son travail tant agricole que
domestique »(356(*))
Cela apparaît clairement chez Mutuza dont la soif de
trouver un sens à la vie, un ordre où l'on peut se reposer et un
remède à l'angoisse de l'isolement nous amène à
découvrir l'importance de la communauté. Il y a des familles, des
tribus et des groupes qui fonctionnent dans un ordre
« parfait » semblant apporter une solution au chaos de la
vie. Les liens qui unissent les gens entre eux leur donnent un sentiment de
sécurité et de force. Mais ces ordres parfaits et les
sécurités trop fortes peuvent être dangereux. Ils peuvent
étouffer les libertés des personnes et empêcher leur
évolution. L'établissement de l'histoire est pour Mutuza une
démarche préalable. L'essentiel de l'oeuvre est pour lui
l'explication,
l'ñìçíåßá.
Cette explication, c'est d'abord celle des événements
historiques. Les récits de migrations des Bantu ne reposent ni sur des
légendes, ni sur des mythes d'origine et de migration.
« Les lacunes au sein des données dont nous disposons ne
nous autorisent pas à intituler ce paragraphe « Histoire
... ». Les traditions orales que nous avons accueillies manquent de
précisions spatio-temporelles, si bien qu'il est encore impossible de
reconstruire la chronologie des événements »(357(*)). L'idée est
plein de sens. Les discours oraux des communautés ont plus le souci de
clarté que de précision. Les mots qui en constituent les
constructions ne sont que des instruments de la compréhension. Rien
n'est a priori conçu.
Les mots, les concepts, les notions, ne sont jamais que de
simples instruments, qui ne servent qu'à formuler les théories.
On appelle donc cette vision du langage
« instrumentaliste » pour l'évidente raison que les
termes employés sont considérés comme des instruments, et
qu' « ils n'ont dans la formulation des théories qu'un
rôle technique et pragmatique, équivalent à celui que
jouent les lettres dans la formulation des mots »(358(*)). Ainsi,
« lettres et mots ne sont donc que des moyens par rapport
à des fins »(359(*)), des fins différentes, il est vrai.
Il ne s'agit pas, on le comprend grâce à cette
analogie, de soutenir que les termes que l'on utilise dans une
communauté n'ont strictement aucune importance ; comme les
caractères au sein d'un mot, on ne peut en enlever ou en échanger
impunément quelques uns. Ce qui importe, c'est de voir que leur
rôle n'est pas déterminant en ce qui concerne le sens des
énoncés.
Mutuza exemplifie cette idée en rappelant que l'on peut
fort bien traduire une théorie en un langage différent (qu'il
s'agisse de langue naturelle ou de formalisation) sans faire du mot à
mot et en obtenant deux théories logiquement équivalentes. Ainsi
en va-t-il des diverses axiomatisations de la géométrie
projective, ou des formalisations (corpusculaires, ondulatoires) de la
mécanique quantique. « L'analyse de l'évolution des
institutions et de la culture matérielle de la religion (bien que pauvre
par insuffisance des données disponibles) ne permet cependant pas
d'affirmer l'antériorité de l'arrivée des Hima-Tutsi et la
création de l'institution du Bwami par eux »(360(*)). Une
antériorité d'une lettre dans un mot ne peut être mise en
doute par un philologue. Autrement, il parlera d'un mot à la place d'un
autre. Les notions de certitude, de sincérité, de
compétence nous obligent à suivre les traces de Mutuza.
Il est important de remarquer combien le nominalisme
méthodologique, tel que nous avons tenté de l'esquisser,
relève de ce que l'on peut appeler l'hygiène
intellectuelle. Il est en ce sens une sorte de garde-fou ; sa
principale motivation - qui ne doit pas occulter son fondement philosophique
réel - est d'empêcher de tomber dans certains pièges et
certaines erreurs qu'induit une pensée du langage politique.
Mutuza signale souvent qu'il souhaite éviter les
équivoques à propos des termes qu'il emploie ; c'est qu'il
voit bien que l'on est toujours tenté, dans la pratique philosophique,
de s'interroger largement sur le sens des mots par la
réévaluation des concepts. On n'a pas fini d'écrire ces
lignes, et on se demande : pourquoi l'auteur des récits
épiques des Lega du Zaïre a-t-il écrit Lega
du Zaïre ? Il y a-t-il de Lega dans d'autres pays ? Ce
qui nous semble impossible. Mais tel n'est pas notre propos. Nous voulions
seulement démontrer que le souci de l'hygiène du langage est un
souci philosophique auquel on ne saurit se dérober et les philosophes
qui partagent les affinités théologiques savent bien lancer des
critique sur des systèmes de pensées qui oppriment les
faibles.
Le national-socialisme qui constituait le fondement
idéologique du IIIe Reich, régime totalitaire et raciste
institué en Allemagne sous la direction de Adolf Hitler entre 1933 et
1945 éclaire bien la place qu'occupent les faibles dans nos
sociétés. L'idéologie nazie, prônant la purification
de la « race germanique » et la
réunion de toutes ses composantes au sein d'un même État, a
cherché à étendre sa domination sur toute l'Europe
centrale. Cette politique militariste a été à l'origine de
la Seconde Guerre mondiale et n'a pris fin qu'avec l'effondrement du nazisme et
de l'Allemagne face aux Alliés, en 1945. La pensée de
Tillich par laquelle il nous présente une critique importante du
national-socialisme nous a permis de comprendre Mutuza qui est dans la
même situation. La recommandation préalablement importante qu'il
en donne est la révision formelle des dogmes chrétiens et
l'abandon de symboles devenus désuets Dans le Courage
d'être (1952), -Mutuza se rapproche de lui par la méthode de
la réévaluation des concepts(361(*)). C'est la même interrogation de Paul Tillich
sur l'aliénation de l'individu dans la société, et affirme
que l'existence s'enracine en Dieu, qui est au fondement de tout être.
Cela se rencontre aussi chez Mutuza. Cherchant à renouer le dialogue
entre la foi et la culture, Tillich affirme que la théologie
chrétienne, malgré sa particularité, porte en elle le
sens universel et qu'elle est en mesure d'intégrer l'attitude
critique et les concepts scientifiques de la pensée contemporaine sans
ébranler la notion de révélation (Theology of
Culture, 1959). Que ferait Mutuza pour défendre les faibles s'il ne
cherche pas la voie dans la culture et les valeurs qu'elle défend ?
On voit qu'il se souvient des béatitudes renversant la question du
comment vivre en faible en pourquoi être faible.
§2. La place des faibles et
l'idée de succession
« Le peuple vaincu, affirme TRAG de SNALE,
tâche toujours d'imiter le vainqueur par la tenue, la manière de
s'habiller, les opinions et les usages, rapporte Mutuza »(362(*))
Les membres les plus fragiles de notre société
ont beaucoup de mal à y trouver leur place. L'image
véhiculée de l'être humain idéal est celle d'une
personne autonome, efficace et compétente ; elle exclut des
personnes âgées(363(*)), malades ou démunies. La
société ne devrait-elle pas se définir comme le lieu
où l'on tient compte des besoins de tous les membres et où l'on
reconnaît les dons de chacun ?
Selon une des thèses fondamentales
de Nietzsche, les valeurs traditionnelles (représentées
essentiellement par le christianisme) ont perdu leur emprise sur la vie des
individus : « Dieu est mort », proclamait-il,
résumant ainsi le « nihilisme passif » de la
civilisation moderne. Les valeurs traditionnelles représentaient,
à ses yeux, une « morale d'esclaves », une morale
créée par des individus faibles et en proie au ressentiment, qui
encourageaient la douceur et la gentillesse pour privilégier des
comportements servant leurs propres intérêts. Nietzsche soutenait
qu'il était possible de remplacer ces valeurs traditionnelles en
créant des valeurs inédites, projet qui l'amena à
élaborer la notion de surhomme (Übermensch).
Nietzsche opposait les masses, conformistes, qu'il
qualifiait de « troupeau » ou de
« populace », à un homme de type nouveau,
assuré, indépendant et individualiste à l'extrême.
Le surhomme qu'il appelait de ses voeux a des sentiments profonds mais
contrôle rationnellement ses passions. Tourné vers le monde
réel plutôt que vers les récompenses promises par la
religion dans l'au-delà, le surhomme affirme la vie, y compris la
souffrance et la peine qui sont le lot de l'existence humaine. Le surhomme est
créateur de valeurs, créateur d'une « morale de
maîtres », laquelle reflète la force et
l'indépendance de celui qui se libère de toutes les valeurs,
à l'exception de celles qu'il juge valables(364(*)).
Toute conduite humaine, selon Nietzsche, est
motivée par la volonté de puissance. Dans son sens
positif, la volonté de puissance n'est pas uniquement synonyme de
pouvoir sur les autres, mais signifie aussi le pouvoir sur soi, indispensable
à la créativité. Une telle puissance est manifeste dans
l'indépendance, la créativité et l'originalité du
surhomme. Affirmant clairement que l'idéal de surhomme ne s'était
jamais réalisé, Nietzsche fit toutefois mention de plusieurs
personnages susceptibles de servir de figure emblématique du surhomme,
comme Socrate, Léonard de Vinci, Michel-Ange (+ 1564), Shakespeare (+
1616), Goethe (+1832), Jules César (+ - 44) et Napoléon
(+1821).
Dans l'histoire de la pensée zaïro-congolaise,
l'oeuvre de Mutuza revêt une importance considérable dans la
mesure où il est le premier homme d'Etat à tenter de concilier
les exigences de la pratique politique et les résultats de la
spéculation philosophique. Sans doute Gambembo et Nzege(365(*)), etc., ont beaucoup
travaillé sous le régime du Marechal, mais ils n'ont pu continuer
à travailler dans la même politique et encore moins
résister aux vagues actuelles d'une politique des critiques acerbes de
la part de ceux qui conçoivent la philosophie comme l'ancila
politicae(366(*)).
Les grecs, dans la Haute Antiquité, et surtout Platon
et Aristote, avaient-ils déjà fondé à proprement
parler la philosophie politique pour la défense des faibles. Mais le
premier le faisait en métaphysicien et en moraliste, sans
véritable responsabilité d'homme d'Etat ; et le second, en
savant, cherchant à cataloguer les diverses formes de Constitutions et
à en faire l'histoire. Leur philosophie politique est semblable à
un poème du pantocrator. C'est ainsi que l'étude d'une telle
philosophie implique le savoir culturel dont le rapport des forces constitue
l'aspect successoral ou dynastique.
Dans le cas sous examen, que raconte la poésie
dynastique du Ruanda et les récits épiques des Lega du
Zaïre racontent les merveilles royales pour la poésie
dynastique du Ruanda, et les caractères successoraux des héros
Lega. Si dans la poésie dynastique du Rwanda l'aspect successoral est
très mécanique, au point de faire de la royauté un partage
temporel chronologiquement équitable, on en vient à
l'épopée Akritique, chez les Byzantins, dans son idée de
succession qui oriente le roi vers une morale que lui offre le choeur des
Akritiques ; ainsi, les récits épiques chez le Bantu
stipulent que le mwami rappelle la succession qui n'obéit qu'à
la loi naturelle de la mort. L'idée de la mort donne droit à la
succession et l'héritier sait que ce qu'il a hérité n'est
pas de celui dont il est le successeur, mais des ancêtres et
aïeux.
Dans les différents récits des
littératures ruandaise, byzantine et bantu (lega), nous allons les
passer à pieds joints un grand nombre des problèmes ou, plus
exactement, nous ferons nôtres les solutions d'un auteur excellent,
Oppenheimer. Pour lui et beaucoup d'autres(367(*)), les hommes éminents dont il est
question dans ces différentes littératures, sont des successeurs
immédiats des héros, personnages à la taille
élevée et non pas des disciples de ceux-ci, qui ne
relèveraient que de la troisième génération
après les héros.
Si cet ensemble des textes, qui seront compris, a
été et demeure à ce point discuté entre les
Occidentaux, les Chamites et les Bantu, c'est qu'il constitue, comme Mutuza
l'exprime dans son titre, « la problématique du mythe
Hima-Tutsi ». Mais quelle est au juste la portée d'un
tel témoignage ?
Nous sommes ici en anthropologie et non en histoire. Nous
regardons les textes de ces différentes communautés sociales. Ce
qui signifie que nous portons des jugements sur les groupes auxquels Mutuza
fait allusion pour son concept d'appartenance, dans leurs rapports dans le
temps anthropologique. C'est parce que nous voulons nous placer en dehors du
temps subjectif contemporain et nous situer dans l'objectivité que nous
avons à nous permettre d'établir correctement l'apport de Mutuza
dans la corrélation des concepts de mythe et
d'appartenance dans l'espace et dans le temps.
La question de l'appartenance tourne autour du mot et de
l'idée de succession (en grec
äßáäï÷ç). Son
utilisation est des plus naturelles. Non seulement ces mots
« succession », « successeur »,
« succéder » reflètent exactement ce qui
s'est passé entre les ascendants et les descendants. Mais au surplus
leur usage courant dans l'africanitude et dans l'hellénitude ne
crée aucun problème à N'sanda Wamenka, à Alexis
Kagame et à Papadopoulos.
Au fond, ce que nous voulons éviter n'est pas tant
d'éventuelles considérations terminologiques que l'obstacle
sérieux qu'elles peuvent constituer si l'on en systématise la
pratique, ainsi que l'usage dogmatique que l'on peut en faire, à savoir
occulter les questions de fond. C'est bien pourquoi l'auteur de Le dialogue
inter-congolais, prolégomènes à une culture
démocratique pense les questions de mots en termes
d'éclaircissement préalable ou de tâches
préliminaires nécessaires. Son souci est d'empêcher,
par exemple, que par une manoeuvre plus ou moins volontaire un problème
soit transformé en une question des mots.
v Parole du Verbe
L'auteur affirme qu'« au commencement de tout
changement il y a toujours un verbe organisateur et coordonnateur. Et c'est ce
verbe incarné qui engendre l'action créatrice de la nouvelle
vie »(368(*)), sens mythique des « errances et
des égarements de toutes sortes (le Zaïre) a besoin aujourd'hui,
à défaut d'un prophète incontestable, de groupes d'hommes
et de femmes de réflexions disséminés à travers nos
régions, nos zones, nos collectivités, nos groupements, nos
villes, nos cités et nos villages qui rassemblent pour les unir autour
d'un idéal commun de démocratie... »(369(*)). L'exemple qu'il donne
consiste à tenter de répondre à la question
« comment, en effet, ne pas s'apercevoir que certains des grands
problèmes de notre temps relèvent de la différenciation
ethnoculturelle très accusée des peuples de la terre, et que
l'anthropologie sociale est la discipline indiquée à exercer les
fonctions de spécialiste auprès de l'homme
malade ? »(370(*)).
Nous sommes ici en plein historicisme mutuziste et en
introduisant le vocable historicisme nous espérons éviter les
équivoques comme nous espérons que personne ne sera tenté
de demander si l'un des arguments discutés appartient réellement
à l'historicisme, et ce que le mot historicisme signifie
réellement, proprement, ou essentiellement. Rien, dans le monde humain,
n'est permanent. Le seul élément éternel, c'est
« l'impermanence » elle-même, le caractère
fluctuant et périssable de toute chose. Il y a un lien entre la fin de
la vie et sa signification ultime : s'accoutumer à l'impermanence
ou prêter foi en la pérennité de la vie ?
La question posée par la mort nous suggère d'un
mot, du point de vue humain, fonde la nécessité d'une succession
de type mythique. Une pareille succession n'arrive qu'après la mort.
Nous nous souscrivons en faux à l'idée caressante d'Alexis Kagame
de l'équité dans le partage des durées des règnes
des différents successeurs royaux de la dynastie des poèmes
dynastiques du Ruanda. Comme si les uns étaient privés de
leurs charges royales avant leur mort pour faire ainsi trente ans au pouvoir.
C'est d'ailleurs la preuve que les Tutsi ne tiennent pas la mort
d'un homme comme un événement et un début d'une autre
réalité.
Le philosophe qui cherche à comprendre le sens de la
poésie dynastique du Ruanda trouvera sans difficulté
que l'idée de la mort est difficile à prouver chez Kagame. Or, la
succession est l'acte par lequel un homme se donne, en la personne d'un enfant,
d'un héritier, d'un collaborateur ou d'un disciple, quelqu'un
d'autre que lui qui, après lui, soit encore lui-même(371(*)). A qui verrait dans
une telle conduite une obsession hellénistique devant la mort et l'effet
d'un désir tout profane d'immortalité, Javierre apporte le
contre-témoignage surabondant de la littérature biblique et
judaïque. Dans ce cas ci il ne s'agit pas seulement de se survire par ses
enfants à défaut de le faire par soi-même(372(*)), il faut au surplus et
peut-être avant tout, assurer la pérennité d'un dessein
prophétique qui a sa source en Dieu.
v Sens de la mort
Ce qui ne peut être accompli par une seule personne,
limitée dans l'espace et dans le temps, arrivera par le moyen d'une
autre qui, entrant dans le même dessein, en assurera la
pérennité. Sera possible ainsi, grâce à une
multitude, ce qui serait impossible à un seul. Ce que le
poème dynastique ne dit pas. Dans le poème tous les rois
ont le même mérite parce que dieux. De ces dieux dont tout
dépend. On comprend pourquoi le poète chante que :
« Le mode dont Dieu prédestine les
Rois
Est un mystère pour les autres,
ô le Cent-fois-puissant »
(P. 123, p. 78).
Le philosophe se doit de comprendre que nous sommes devant une
structure de l'homme au service des desseins qui débordent de vie et
qui, pour couvrir la durée qui s'impose, doivent prendre le chemin de la
succession. Ce qu'ignore le poème.
Toutes les dynasties s'insèrent dans une
humanité historiquement mortelle ; malheureusement le thème
de la mort semble absent dans le poème. Certes le Muntu croit
à la victoire de la vie sur la mort, sur sa mort. Mais c'est donc la
mort qui, mettant seule un terme à leur fonction, en fonde aussi le
caractère successoral. C'est donc bien le fait humainement
inévitable de la mort qui explique, au regard des textes
généalogiques des peuples, le recours spontanée au
principe de succession. Seule la succession dans l'oeuvre de N'sanda Wamenka,
les Récits épiques des Lega du Zaïre,
Tome 1, est capable d'assurer la pérennité d'une fonction
à travers et par-delà la mortalité de ses
représentants. N'sanda Wamenka sur ce point n'est pas novateur ; il
met en oeuvre ou plus exactement il voit qu'a été mise
en oeuvre dans la littérature orale une structure humaine
élémentaire, qui permet à notre mortalité d'entrer
au service de ce qui la déborde.
La finitude humaine n'était pas seulement
mesurée à un projet d'un individu, comme Platon pouvait le
concevoir à propos de la paternité. En Muntu, la finitude humaine
se trouve confrontée à un dessein d'une ampleur divine à
laquelle devait s'adapter la pérennité biologique qui fait la
gloire de la tribu. Ainsi s'établissait dans la conscience et les
structure de Bantu le sens d'une continuité d'institution qui, en
passant du biologique au spirituel, jouerait un rôle au service divin.
Une antique tradition locale cananéenne,
antérieure à la conquête d'israélite,
révèle le type de souverain auquel le pouvoir politique est
attaché. Si on considère les études de Baumann et
Westermann dans Les peuples et les civilisations de l'Afrique, on
comprendra que les souverains ont le pouvoir de combattre les peuples dont il
est souvent difficile de préciser l'identité.
Les récits épiques désignent une
succession soustraite aux généalogies, c'est-à-dire aux
ruses de la vie pour dépasser la mort, tout en y demeurant assujetti.
Ainsi, la génération en consacre l'infirmité.
v Questions des mots
Dans ce contexte, Mutuza s'allie à Papadopoulos dans la
résolution de conflits entre les Tutsi et les Bantu. Mais avant cela, il
est utile de qualifier la position de Mutuza à l'égard de
l'appartenance comme optimiste (ce qui ne nous étonne pas de la part de
celui qui s'appelle avec beaucoup d'humour le philosophe le plus heureux qu'il
ait jamais rencontré !). Cela nous permet de faire quelques
clarifications nécessaires, spécialement à propos de
l'instrumentalisme méthodologique. C'est la
méthode que Mutuza emprunte pour la résolution des conflits. Il
nie le bien fondé de la démarche des positivistes tout en
étant dans leur schéma darwinien. Mais il a peut-être
oublié que la théorie positiviste
vérificationniste de la signification fit l'objet de critiques de la
part des philosophes comme Karl Popper. Finalement, cette théorie
étroite de la signification cède la place à une conception
plus large de la nature du langage. Là encore, Wittgenstein joua un
rôle prépondérant. Rejetant nombre de conclusions
antérieures du Tractatus, il inaugura une pensée d'un
type nouveau, qui culmina dans son oeuvre posthume, les Investigations
philosophiques (1953). Dans cet ouvrage, Wittgenstein montrait que la
variété et la flexibilité du langage se font jour
dès lors que l'on prête attention à la façon dont le
langage est vraiment utilisé dans le discours ordinaire. Les
propositions font beaucoup plus que dépeindre des faits, c'est le sens
de la computation. Cette découverte fut à
l'origine de l'important concept wittgensteinien de jeux de langage. En
témoignent, par exemple, le scientifique, le poète, le
théologien, qui sont impliqués dans différents jeux de
langage. De plus, la signification d'une proposition doit être comprise
dans son contexte, c'est-à-dire en termes des règles du jeu de
langage dont elle fait partie. Wittgenstein en conclut que la philosophie est
la tentative de résoudre les problèmes qui résultent de la
confusion linguistique, et que la clef de tels problèmes réside
dans l'analyse du langage ordinaire et dans l'usage approprié du
langage. Le mouvement analytique et linguistique s'est vu enrichi de
nouvelles contributions, à travers les oeuvres des philosophes
britanniques Gilbert Ryle, John Langshaw Austin et P.F. Strawson, et du
philosophe américain W.V. Quine. Selon Ryle, la tâche de la
philosophie est de reformuler les « expressions
systématiquement trompeuses » sous une forme logiquement plus
exacte. Il s'intéressait tout particulièrement aux assertions
dont la forme grammaticale suggérait l'existence d'objets non-existants.
Ainsi Ryle est-il célèbre par son analyse du langage mentaliste,
langage qui suggère trompeusement que l'esprit est une entité au
même titre que le corps, c'est un psychologisme qui attaque la conception
wundtienne des états de conscience.
Austin affirmait que toute recherche
philosophique doit, dès le départ, porter une attention
particulière aux distinctions subtiles qui sont à l'oeuvre dans
le langage ordinaire. Son analyse du langage déboucha sur une
théorie générale des actes de langage, c'est-à-dire
une description de la variété des actes qu'un individu est
susceptible d'accomplir en énonçant quelque chose.
Strawson est connu pour son analyse des relations entre logique
formelle et logique du langage ordinaire. La complexité de ce dernier
n'est pas, selon lui, représentée de façon adéquate
par la logique formelle. Aussi est-il nécessaire d'ajouter un grand
nombre d'instruments analytiques à la logique pour analyser le langage
ordinaire.
Quine se pencha sur le rapport entre
langage et ontologie. Il affirmait que les systèmes linguistiques
tendent à engager leurs utilisateurs à présupposer
l'existence de certaines choses. Pour lui, les raisons qui justifient la
manière de s'exprimer d'une façon plutôt que d'une autre
sont purement pragmatiques. L'analyse du langage,
considérée comme partie intégrante et indispensable des
recherches philosophiques, demeure un aspect majeur de la philosophie
contemporaine. Par ailleurs, le clivage se perpétue entre ceux qui
préfèrent travailler avec la précision et la rigueur des
systèmes logiques symboliques et ceux qui préfèrent
analyser le langage ordinaire. Bien qu'il y ait peu de philosophes
contemporains pour affirmer que tous les problèmes philosophiques sont
linguistiques, l'idée que l'examen de la structure logique du langage et
de l'usage du langage ordinaire peut souvent contribuer à la
résolution des problèmes philosophiques demeure largement
partagée.
Conclusion
Nous avons exposé la différence existant entre
l'humanisme classique et l'humanisme de Mutuza. Il résulte de cette
analyse que l'humanisme de Mutuza est un humanisme anthropologique :
« il fait de l'homme le centre de la création... Mais en
réaliste et avisé, cet humanisme n'a jamais proclamé sa
foi en l'homme tout-puissant maître absolu de la
création »(373(*)). Il fait, au contraire, dépendre
l'efficacité de l'activité humaine sur la création de sa
conformité aux volontés de Dieu qui lui parviennent par le canal
des ancêtres. L'humanisme de Mutuza se révèle ainsi comme
baignant dans le divin d'où il prend sa source. Dès lors, nous ne
comprenons pas malgré notre volonté, « le langage
de ceux qui parlent - au point de vue idéologique - d'un communisme
africain, puisqu'en Afrique, la communauté ne se justifie que parce
qu'elle prend ses racines dans les sentiments religieux. Comme nous ne
comprenons pas non plus ceux qui affirment que la personne du Noir (Muntu) est
résorbée dans la tribu au point qu'elle perd son
individualité, car chez nous c'est la communauté qui, loin de
supprimer l'individu, se mobilise pour le servir. Que ce soient là
quelques uns de ces mythes créés par le dominateur en vue de
perpétuer sa domination, cela ne nous étonne
guère »(374(*)).
Seuls ces derniers sont utilisés dans
l'établissement des classifications raciales. Toute classification est
arbitraire. L'extension de la notion de race dépend du nombre de
critères admis à la définir. Ainsi plus on accepte les
critères et plus le nombre de races augmente et, plus encore
l'identité se perd, plus aussi l'appartenance devient floue. Les Grecs
qualifient certains négrilles sous le nom de
ðàãìç -Pygmée =
coudée = environ 46 cm. Si Les textes classiques sont
étudiés et évalués pour leur valeur propre, et non
pour servir à embellir et justifier la civilisation chrétienne,
l'intérêt pour l'Antiquité s'exprime dans une quête
fervente et réussie des manuscrits classiques : les dialogues de
Platon, Hippocrate et Aristote ont traité des peuples exotiques. Les
histoires d'Hérodote et de Thucydide, les oeuvres des dramaturges,
poètes et Pères de l'Église grecque sont
redécouvertes et, pour la première fois, éditées de
manière critique. Grâce à la venue d'érudits
byzantins qui, après la prise de Constantinople par les Ottomans, se
réfugient à Venise, Florence, Ferrare et Milan, l'étude du
grec se développe aux XVe et
XVIe siècles. Bien que cette étude de la
littérature, de l'histoire et de la philosophie morale antiques
s'avère parfois n'être qu'une simple imitation des auteurs
classiques, elle cherche à produire des hommes libres et
civilisés, des individus pourvus de goût et de jugement et c'est
ce que Mutuza nous présente en analysant la culture lega. L'oeuvre de
Pline le Jeune renferme une somme considérable de renseignements,
mi-légendaires, mi-réels, qui constituent une véritable
« ethnographie » renchérissant cet humanisme. Et
l'humanisme de Mutuza est la partie anthropologique de son oeuvre qui nous
montre sa réaction face aux Tutsi.
Nous avons tenté ci-dessus de définir la
philosophie de Mutuza, qui est la connaissance de la diversité humaine
dans une humanité commune ; et d'exposer ce que sa philosophie a
atteint, c'est-à-dire une interprétation historique de la
diversité des groupes humains. Pour cela le philosophe a dû
successivement établir comme faits scientifiques les différences
de comportements et de civilisations révélées dans ses
ouvrages. La sériation de ces faits nous a permis d'établir des
classifications philosophiques, en apparentant aux diverses philosophies. Nous
avons étudié le mécanisme des différences entre
pensées analytique et pensée géométrique.
Chapitre quatrième:
CONJURATION ET ENTROPOLOGIE TUTSIES
Introduction
Ce chapitre sur la conjuration des Tutsi fait suite du
chapitre précédent qui a traité de l'humanisme et surtout
à la question de savoir si les faibles ont une place. A cette question
la réponse était que l'exclusion est la façon dont nous
rejetons et mettons à l'écart des personnes appartenant à
tel ou tel groupe. C'est une réalité très subjective.
Certaines personnes nous attirent, car elles nous stimulent et cherchent
à nous faire plaisir. D'autres nous font fuir car elles nous font peur,
peut-être parce que nous leur faisons peur. Nous éveillons entre
nous des sentiments de rivalité.
Les réflexions de Mutuza sur le problème des
Hima-Tutsi n'est pas facile pour les Hutu, ceux-ci se sentent
négligés et rejetés par ceux-là mêmes qu'ils
ont adoptés et qui auraient dû s'allier pour faire face aux
Blancs. Ils se sentent trahis. L'attitude des Tutsi alimente en notre auteur un
sentiment de non-valeur ; elle suscite des tensions, un sentiment de
colère et de révolte qui affecte leur relation avec
l'étranger. L'auteur des Réflexions d'un
séminariste au tour des événements des années
60 nous dit que les Hutu ont besoin d'être
libérés de la haine qui leur est inspirée par les Tutsi et
qui les domine. Si, un jour, ils parvenaient à comprendre pourquoi les
Hima-Tutsi agissent ainsi, ils seront sur la voie du pardon. Mais pour que ce
pardon engendre une rencontre véritable et une communion des coeurs, il
faudrait que les Hima-Tutsi acceptent de réfléchir sur leur
comportement, réalisent combien ils ont blessé les Hutu et leur
demandent pardon. C'est à ce moment seulement que la
réconciliation, la guérison du coeur et la libération
pourraient être possibles pour chacun de ces groupes. Ici encore Mutuza
pense que la question n'est pas de comprendre mais de reconnaître qu'il y
a dans ceux qui ont blessé des blocages qui les empêchent
d'admettre leur culpabilité.
C'est pourquoi pendant les années 1960,
les écrivains de la jeune génération se détournent
des fantaisies « colonialistes » de leurs
aînés pour s'impliquer davantage dans les bouleversements
politiques d'un Congo secoué par des manifestations nationalistes.
Formant un mouvement connu sous le nom de chant de coq, ils
soutiennent les courants libéraux qui font alors leur apparition en
différents endroits de la RD Congo. Mutuza donne « le cas
de la société rwandaise où nous avons un
phénomène classique de la
transculturation »(375(*)). Comme principal philosophe de
cette période, Mutuza, dont l'idéalisme rationaliste, comme celui
de Hegel(376(*)), a eu
une forte influence, notamment, du poète et critique Heinrich
Heine(377(*)). En
comparaison avec la défaite de la révolution de 1830, lutte au
cours de laquelle Heine, lui-même patriote et libéral, part pour
Paris, où il écrit la plus grande partie de sa poésie et
où il produit de nombreux articles critiques sur l'art et la politique
de l'époque, Mutuza en fit autant et dans la même ville, Paris.
Observateur perspicace, il est le précurseur de nombreuses techniques de
la mise en garde contre l'influence étrangère du journalisme
moderne(378(*)).
Médiateur entre les cultures occidentale et lega, il complète et
rectifie l'ouvrage l'Afrique est mal partie, et affirme l'importance
pour l'Europe de la pensée de Tempels. Sa poésie prend le ton de
la satire politique et sociale, mais il revient plus tard à son lyrisme
premier. Sa vie est celle d'un exilé politique, mais d'un exil
volontaire sans exil. Il tente de réveiller l'activité politique
congolaise dans son ouvrage La problématique du Mythe
Hima-Tutsi.
La réaction qu'on a de cette oeuvre est un acte ou
comportement en réponse que les Tutsi donnèrent en réponse
psychologique. On peut alors comprendre cette réaction comme dans le
domaine de la chimie : processus de transformation de la matière;
et en physique comme le processus de modification de la structure d'un noyau
atomique avec libération d'énergie ; quant à la
politique c'est l'opposition à tout changement dans le système
social ou politique, il s'agit du mouvement de riposte spontané ou
organisé. En rapport avec l'entropie c'est la force de sens contraire et
d'intensité égale à l'action exercée, force de sens
contraire et d'intensité égale à l'action
exercée.
C'est pourquoi nous abordons le problème de
l'insurrection : l'entropologie ; l'analytique fonctionnelle et
chronologique de l'entropologie ; la théocratie et patrimoine. Cela
nous conduit à comprendre le mythe chez Mutuza : histoire et
ethnologie du mythe; sens et interprétation du mythe ; mythe
et psychanalyse dans la pensée analytique ; il y a dans tout cela
une poésie dynastique et des récits épiques qui nous
éclairent sur l'interprétation des fonctions du pouvoir. Le
pouvoir est lié à l'autonomie. Il est nécessaire de parler
de l'indépendance et ses équivoques chez Mutuza :
indépendance du premier genre ou affirmation de l'autonomie de l'Homme
Noir ; indépendance du second genre ou la réduction
culturelle du contenu colonialiste ou impérialiste ; cela aboutit
à l'indépendance du troisième genre ou l'abolition
désirée de la civilisation.
Section 1. Conjuration insurrectionnelle
§ 1. Entropologie
Sous un titre provocateur, le conflit de
civilisation(379(*)), Mutuza nous donne une explication
intéressante de l'insurrection. L'insurrection est l'action par laquelle
une population ou un groupe recourt massivement à la force pour
s'opposer au pouvoir établi ou à une autorité, opposition
ou protestation violentes (contre quelque chose) (soutenu). Cette
insurrection entraine l'entropie. Par l'entropie on arrive à la
séparation. Par la séparation on découvre
l'identité. Et nous trouvons chez Mutuza des allusions proches
à l'entropie sociale. Il le fait en rapport avec la
désintégration de la langue de Batutsi et la glossophagie de leur
culture et société. Il y a lieu de le comprendre si on comprend
Lévi-Strauss : « Le monde a commencé sans
l'homme et il s'achèvera sans lui. Les institutions, les moeurs et les
coutumes, que j'aurai passé toute ma vie à inventorier et
à comprendre, sont une efflorescence passagère d'une
création par rapport à laquelle elles ne possèdent aucun
sens, sinon peut-être celui de permettre à l'humanité d'y
jouer son rôle. » Ce rôle est vain
d'ailleurs, puisque l'homme « apparaît lui-même comme
une machine, peut-être perfectionnée que les autres (...)
précipitant une matière puissamment organisée vers
l'inertie toujours plus grande et qui sera un jour
définitive ». Quand il s'agit de l'homme c'est donc
moins d'
« anthropologie » que d'
« entropologie » qu'il faudrait
parler, puisqu'il s'agit alors d'un « processus de
désintégration »(380(*)) s'en prenant aux « manifestation
les plus hautes » de l'homme et non pas d'un accomplissement
véritable de ce qu'il voudrait devenir, à défaut
de l'être par nature. On entendrait alors par entropie une grandeur ou
fonction variables permettant d'indiquer le degré de désordre
d'un système. On peut définir, de manière macroscopique,
la variation d'entropie d'un système à une
température T, recevant ou fournissant une quantité de
chaleur dQ par la relation
différentielle :
dS = dQ / T.
Cette expression montre notamment que l'entropie est une grandeur extensive,
c'est-à-dire qu'elle est la somme des entropies des différents
éléments constituant le système. Le second principe de la
thermodynamique stipule que l'évolution au cours du temps d'un
système isolé (caractérisé par
dQ = 0) se fera toujours
dans le sens de l'augmentation de l'entropie, c'est-à-dire vers un
état de désordre maximal (entropie maximale :
dS = 0).
Ce que Lévi-Strauss pense de la modernité,
Mutuza le corrobore en rapport avec la colonisation. Vouloir à tout prix
comparer ces deux auteurs est fastidieux. Leur lien tient dans l'acceptation de
la structure. Si en 1877, Ludwig Boltzmann (+ 1906) a donné
une définition microscopique de l'entropie comme étant la
fonction d'états vérifiant la relation :
S = k.log Ù où
k est la constante de Boltzmann, et Ù
est le nombre des différents états microscopiques (ou
micro-états) réalisant un état macroscopique donné
(par exemple, les molécules d'un gaz) ; la
quantité Ù est généralement
associée à la probabilité thermodynamique de l'état
macroscopique. L'entropie mesure alors le degré d'incertitude ou le
manque d'information que l'on possède sur un système. C'est ici
le lien entre Mutuza et les autres scientifiques. Le désordre sera, par
exemple, maximale dans le cas où plusieurs événements
peuvent apparaître avec une probabilité identique, ou nulle dans
le cas de problèmes déterministes. L'entropie maximale est
atteinte pour un système totalement désordonné ; un
tel système présente une symétrie maximale. En revanche,
un système parfaitement ordonné présente très peu
de symétrie, donc une entropie minimale.
v Insurrection
Mutuza fut confronté dès ses premières
réflexions à ce qu'il appelait «Le Mythe
Hima-Tutsi ». Il s'est penché sur la problématique
du développement des Congolais, peuple bantou qui a accueilli
les Tutsi, peuple nomade, de civilisation pastorale, d'une attitude consistant
à se contenter exclusivement sur les problèmes de survie et
contre laquelle il conçut immédiatement une méfiance
presque épidermique et il ne cessa de remettre sur son métier son
combat contre cette attitude enrichie par les colons et à son inventeur.
L'État et les autres personnes morales occidentaux
de droit public détenaient des participations dans de très
nombreuses sociétés, notamment depuis la colonisation. On voit
ainsi peu à peu se développer un statut propre aux
sociétés du secteur public, statut dont l'originalité
dépend de la fraction de capital détenue par l'État.
En mai 1997, un groupe de rebelles mené par Laurent
Désiré Kabila, vrai congolais, aux dires des Bana
Tshangu381(*),
achève de s'emparer du Zaïre en prenant possession de la capitale,
Kinshasa. La république du Zaïre est rebaptisée
République démocratique du Congo le 17 mai 1997. Les
habitants de Kinshasa, lassés par trois décennies de dictature de
Mobutu, accueillent les rebelles avec enthousiasme ; mais
déjà, ils mirent Kabila en difficulté parce qu'ils ne
voulaient pas de la présence rwandaise dans leur territoire et surtout,
dans le gouvernement, avec des postes politiques et militaires.
La foule a réservé à
Laurent-Désiré Kabila un accueil triomphal à Kinshasa, le
20 mai 1997. Après la prise de la capitale par ses troupes, le
17 mai, le chef de l'AFDL a immédiatement organisé le
gouvernement de la République démocratique du Congo. Des civils
et des soldats zaïrois ralliés à Kabila avaient
distribué des bandeaux blancs symbolisant leur soutien aux rebelles.
L'Afdl entrant au pouvoir, et le dictateur parti,
une nouvelle rébellion s'abattit sur la RD Congo, c'est la
rébellion menée par les astucieux Tutsi qui s'acharnent de
s'approprier la terre de la RC Congo. Ce fut la prédiction de Mutuza
sur l'avènement de l'Afdl. Mais les Congolais ne pouvant
laisser une partie de leur terre parce que la terre leur appartenant est
l'héritage que l'on ne peut dilapider, ils s'organisèrent de
telle manière que les rebelles ne résistassent.
v Théanthropologie
Il s'est développé un courant de pensée
en théologie et en ontologie qu'on appelle anthropologie. Ce
courant n'est pas de l'Anthropologie mais elle est une anthropologie. C'est
l'exaltation des valeurs humaines. Or quand il s'agit de l'anthropologie comme
discipline scientifique il y a l'humain et l'humanité qui s'ambrassent.
Ce ne sont pas les valeurs qui sont étudiées mais les produits de
ces valeurs. Quand Mutuza dit qu' « il reste
cependant que pour le Muntu, la vie humaine est sacrée, elle transcende
toutes les autres valeurs sur terre. Elle ne peut impunément être
sacrifiée. C'est pourquoi si le Muntu pardonne naturellement et oublie
facilement tous les autres crimes, il ne pardonne jamais et n'oublie jamais ses
morts. Les morts ne sont jamais morts. Par contre, chez les Hima-Tutsi, il n'y
a que deux valeurs qui comptent au monde : `le roi et la
vache' »(382(*)), il rappelle la valeur que tout groupe humain
attache à l'espace géographique pour acquérir le pouvoir.
Mutuza sait que la terre appartient aux ancêtres du
Muntu. Tout peut être partagé. Mais pour la terre il faut
appartenir pour être en communion parfaite avec les ancêtres. Les
Tutsi ne l'entendent pas de cette manière. Il faut se battre pour
exproprier la terre. Mais que faire de cette terre, eux qui courent
derrière les bêtes ? Eux qui ne sont devenus humains que
parce qu'ils ont vécu avec les Bantu ?
Un certain Azarias Ruberwa, un Tutsi type, qui a
« foi au mythe de la supériorité ontologique des
Hima-Tutsi sur les Bantu et par la croyance au mythe du Rwanda invincible qui
attaque et ne peut être attaqué »(383(*)), avec sa démagogie
deviendra un des quatre Vice-présidents de la RD Congo. Cela ne manqua
pas d'indigner les Congolais. Mais que faire parce que les Congolais
étaient en temps de guerre ?
Ancien rebelle, devenu démagogue, déjà
battu à la présidentielle, Ruberwa réunit dans une
conjuration hétérogène tous les
dépossédés mécontents et se propose, avec la
complicité de certains opposants, comme J. P Bemba, et de nombreux
sénateurs, de s'emparer du gouvernement par l'émeute et la
force(384(*)). Et Bemba
est exposé au ridicule. Tandis que Ruberwa bat campagne sous
l'étiquette de pasteur parce qu'il sait que les Bantu sont religieux.
Il n'est donc pas étonnant que l'on trouve de
nombreuses attaques contre la personne même de Ruberwa, de la part de
ceux qui ont souffert de son mensonge quant à son appartenance à
la RD Congo. Et l'on a facilement découvert que ce Ruberwa affirme
s'être abstenu, dans sa réplique aux citoyens congolais de l'Est,
de mensonges et de virulences, lui dont la plume ne produit que calomnies,
mensonges et impostures ; dont l'âme est remplie de poison, orgueil
et envie ; dont la tête ne pense que bêtises, fureurs et
démences ; dont la bouche ne profère que latrines, fientes
et fumier...Il est important de se rendre compte que de telles attaques ne
procédaient ni simplement de la verve satyrique de Congolais
menacés, ni de leurs possibles penchants agressifs ; mais qu'elles
étaient faites de propos délibéré : on les
employaient, chez Aphende, ou non selon que l'on désiraient ou non
atteindre l'adversaire (mundele, le Blanc), dans son honneur. Et si les
journaux en ont fait usage, cela est plein de sens. Un étranger peut
être nôtre mais il n'est jamais des nôtres. Il n'est qu'un
Tutsi, un coureur derrière les animaux, et dont l'âme est
semblable à celles de ceux de son activité. De là la
démystification du Mythe Hima-Tutsi : ce ne sont que des mendiants,
sans terre, des errants à la haine des
dépossédées.
L'an 2004 a vu la parution de La problématique du
Mythe Hima-Tutsi, ouvrage fâcheux et déroutant les ambitions
des Tutsi. Conseiller du Vice-président issu de l'opposition non
armée, bien que lui-même Zahidi Ngoma fut président de la
rébellion RCD à laquelle il renonça, Mutuza s'acharne
à garder la vertu.
Un problème grave préoccupe les Bantu de la RD
Congo : l'établissement de rapports diplomatiques entre Kinshasa et
Kigali. Il est à noter que la réaction de la communauté
congolaise a été unanimement négative après les
événements de 1998 à Kinshasa, sous L.D. Kabila. Cette
appréciation venait même de ceux qui avaient accepté les
immigrés Hutu pourchassés par les Tutsi. Cette situation
créa de difficulté à ceux-là même qui ont
oeuvré pour l'adhésion du pouvoir de Kinshasa à l'ONU,
voire de ceux qui avaient oeuvré dans le sens philanthropique.
Nous voudrons tenter d'expliquer cette réaction
à partir de quelques faits concrets. Nous ne parlons pas ici du langage
de la sociologie ni de l'histoire mais celui de la politique ou de
l'anthropologie et de la philosophie, afin que les choses deviennent claires
pour les hommes politiques qui sont responsables de notre pays. Ces derniers
doivent prendre conscience, en effet, de ce que la politique onusienne
qu'ils ont choisie, lorsqu'elle est appliquée à la vie de
pays dus du tiers monde, ne doit pas se traduire par un nivellement culturel.
Une coexistence économique et politique entre les peuples d'Afrique
Centrale ne doit entraîner aucune concession en ce qui concerne les
convictions anthropologique et culturel.
§ 2. Analytique
fonctionnelle et chronologique de l'entropologie
La philosophie analytique a récupéré la
linguistique qui est une de ses filles prodigues et dont les méthodes et
l'objet même se sont peu à peu précisés au cours des
cinq derniers siècles. Issue de l'enseignement des grammairiens, elle
aboutit dans sa forme la plus neuve à une description de la structure
des langues -libérée de nombreux postulats philosophiques,
élargies, mais non différente en son essence des analyses de
l'Antiquité.
v Regard mutuziste et ses emprunts chez
les anthropologues
Mutuza nous donne l'image qu'il a des structures politiques et
sociales des Tutsi : « instruites par les difficultés
et les risques rencontrés au cours de leur immigrations, les populations
hima-tutsi ont dû développer, plus que de peuples
sédentaires, l'agressivité et la conflictualité aux
dépens de la solidarité et de l'intégration dans leurs
contacts avec les autres peuples »(385(*)).
Ce qui nous permet de dire que l'analyse est une
décomposition d'une donnée en ses principes ou en ses
éléments. Et la fonction est l'ensemble d'opérations par
lesquelles se manifeste la vie organique, physique ou sociale. Nous y sommes
avec Lévi-Strauss qui, poussant cette notion rationaliste386(*) jusqu'à l'absolu, il
essaye de faire de l'ethnologie ce que Leibniz tenta pour la
métaphysique : une science exacte. Pour parvenir à ce but
louable en soi, il veut d'abord donner une méthode : on peut
classer l'expérience humaine en styles, pour lesquels il y a des
modèles mesurables, des formes et des lignes biens précises. Et
cependant, étrange contradiction non moins qu'heureuse certitude au
coeur de l'éveil de la RD Congo la plus désenchantée,
« il incombe encore à cet homme, pense
Lévi-Strauss, de vivre et de lutter, penser et croire, garder surtout
courage »(387(*)). Ni Marx, ni Freud, ni davantage Nietzsche,
ces trois hérauts de la modernité, ne désavouèrent
une telle consigne, sans être plus capables d'ailleurs qu'un
Lévi-Strauss de la fonder. Devant l'absurde inéluctable de la
mort auquel le congé est donné à l'infini reconduit,
surgit pourtant chez chacun et chez eux tous nous ne savons quel
espoir d'une réconciliation de l'homme avec la
nature »(388(*)), d'un combat nécessaire d'Eros contre
la mort(389(*)), d'un
« éternel retour qui dit que rien ne peut
vraiment finir(390(*))!
Inséparable d'une lutte pour l'amélioration sociale ou
personnelle des groupes ou des individus, intérieur à un
oui que mérite le monde, l'homme dont on a compromis
le statut de sujet prend par bonheur ici sa tardive revanche. Par là on
arrive à l'analytique qui est une déduction à partir de
principes fondés sur l'expérience et l'observation. Elle devient
fonctionnelle quand on l'associe à la conception de l'école de
pensée psychologique attachée à l'étude de l'esprit
comme organe. L'analytique devient alors fonction d'échantillon et de
nombre.
Elle a dû influencer le mouvement philosophique du
XXe siècle dominant en Grande-Bretagne et aux
États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale, qui vise à analyser
le langage et les concepts qu'il exprime.
v Entropie et migration
conjurée
Mutuza pense que
dans la plupart des applications pratiques, lorsque l'on
décide d'envoyer un message, on le choisit parmi un ensemble de messages
possibles. Tous ces messages sont susceptibles d'être transmis, mais avec
une probabilité qui leur est propre. On désigne alors par
entropie, terme emprunté à la thermodynamique, la
moyenne des quantités d'information des différents messages
possibles. Dans le cas simple où les N messages ont tous
la même probabilité, l'entropie totale H se traduit
alors par la formule H = log2N.
Cela n'est possible que dans une même communauté de discours comme
celle de Bantu.
Les Bantu sont les populations vivant dans les régions
équatoriales et méridionales de l'Afrique et parlant des langues
apparentées.
Le terme « Bantou » a été
formulé au milieu du XIXe siècle par le linguiste
W. C. Bleck pour qualifier les peuples chez lesquels ba-ntu
sert en général à nommer les populations (singulier :
mu-ntu). D'après la théorie linguistique, remise en
cause au fur et à mesure que se multiplient les recherches
archéologiques, les Bantu seraient originaires de la région
comprise entre le sud de la Bénoué (Nigeria) et l'actuel
Cameroun, puis auraient migré par étapes vers le reste de
l'Afrique centrale et vers l'Afrique orientale et australe. Cette dispersion
des Bantu débute au Ier millénaire av. J.-C.
pour se terminer au XIXe siècle avec l'arrivée
des Zoulous en Afrique du Sud où les Khoi-san (Bochimans et Nama) sont
déjà établis. C'est l'une des plus étonnantes
migrations de l'histoire humaine. La cause exacte de ce mouvement n'est pas
établie avec certitude, mais elle correspond au grand mouvement de
désertification qui a affecté le Sahara, repoussé ses
populations sur ses régions périphériques, et, en
diminuant le volume des eaux des grands fleuves, favorisé
l'établissement de populations dans les vallées.
Tôt dans leur histoire, les Bantu se sont divisés
en deux branches linguistiques majeures : les Bantu de l'Est et ceux de
l'Ouest. Les Bantu de l'Est ont migré à travers les hauts
plateaux, au Zimbabwe et au Mozambique actuels, jusqu'en Afrique du Sud ;
ils sont agriculteurs et éleveurs. Les Bantu de l'Ouest se sont
établis dans la forêt et la savane jusqu'en Angola, en Namibie et
au Botswana. Souvent de filiation matrilinéaire, ils sont
associés à la métallurgie du fer. Leurs ancêtres
fondateurs sont des rois-forgerons civilisateurs dont la connaissance de la
métallurgie leur a permis de fabriquer des outils en fer pour
défricher les clairières.
Aujourd'hui, la langue dérivée du bantu la plus
largement parlée est le swahili. C'est la langue véhiculaire des
commerçants, parlée de Djibouti à Kinshasa et jusqu'en
Afrique du Sud.
Quant aux Hutu, ils constituent une population de langue
bantoue habitant la région de Masisi et les environs en RD Congo, le
Rwanda et le Burundi, dans la région inter-lacustre de l'Afrique
centrale.
v Préjugé de la
dépendance des Hutu aux Tutsis
Les traces de métallurgie du fer mises au jour dans la
région permettent d'établir que les premiers agriculteurs
bantous, en provenance du bassin du Congo, étaient installés dans
la région, dont l'environnement était propice à
l'établissement humain, au IIIe siècle de notre
ère. Lorsque les Tutsi s'établirent à leur tour dans les
collines de l'Est du Rwanda, entre le Xe et le
XVe siècle, les Hutu avaient déjà
formé de petits royaumes qui, avec l'arrivée des Tutsi se
réunifièrent en un seul et unique Ruanda.
L'image -- déformée -- habituellement
donnée de la société qui s'élabora alors montre les
Hutu placés dans une situation de dépendance et de soumission
totale à l'égard de Tutsi, seuls détenteurs du pouvoir et
de la richesse. Le système politico-religieux extrêmement
hiérarchisé qui fondait le royaume Tutsi au Rwanda était
en fait moins rigide : parmi les chefs qui, sous l'autorité
suprême du mwami (roi) Tutsi, géraient les affaires, les
chefs de sol étaient le plus souvent choisis parmi les Hutu de
même que les chefs d'armée pouvaient également être
Hutu. Et les mariages mixtes étaient relativement fréquents. Au
Burundi, dans le royaume Baganda, la souplesse du système était
plus grande encore. Si l'on considère la masse de la population, Tutsi
et Hutu partageaient le même sort, vivant les uns et les autres de
l'agriculture comme de l'élevage. Ils parlaient la même langue
qu'on nomme le kinyarwanda ou le kirundi, et avaient la même religion
héritée des aïeux Bahutu, le roi étant devenu, par la
suite, l'image d'Imama, le dieu suprême.
La politique menée par les colonisateurs
européens, allemands d'abord, puis belges après la
Première Guerre mondiale, allait dresser la majorité hutu
(85 % environ dans chacun des deux pays) contre la minorité tutsi.
L'administration coloniale, en effet, s'appuya, pour assurer son pouvoir, sur
l'aristocratie Tutsi et figea les rôles de chacun au nom d'analyses
ethnologiques rapides. En 1926, les fonctions de chef devinrent ainsi
héréditaires. Le Bwame n'était originellement pas
héréditaire, son image originelle est celle que l'on rencontre
chez les Balega, les Banande, etc. (en RDC). En 1934 et 1935, l'administration
coloniale procéda à un recensement de la population du
Rwanda-Urundi et délivra des livrets d'identité sur lesquels
devait figurer obligatoirement l'appartenance
« ethnique ».
Les clivages ainsi institutionnalisés se
renforcèrent encore au Rwanda dans les années 1950. Après
la mort mystérieuse, en 1959, du mwami Mutara, qui s'était fait
le porte-parole des aspirations indépendantistes de son peuple,
éclata le premier conflit meurtrier entre Hutu et Tutsi. L'Église
catholique, puissance incontournable au « pays des mille
collines », prit alors fait et cause astucieusement pour la
majorité hutoue. L'administration coloniale favorisa désormais
les Hutu. En février 1961, la monarchie était abolie par un
référendum, la république proclamée. Le
régime serait désormais dominé par les Hutu jusqu'à
la guerre civile de 1994-1995. La fin de la monarchie au Rwanda eut
d'importantes répercussions au Burundi, où affluèrent les
Tutsi rwandais. Spoliés de leurs terres, exclus du pouvoir, ils
contribuèrent au raidissement du pouvoir Tutsi burundais. L'Union pour
le progrès national (Uprona), parti unique, rassemblait pourtant
à l'origine Tutsi et Hutu.
En 1966, fut institué un régime militaire
républicain qui maintint la domination Tutsi sur les Hutu jusqu'en 1992,
date à laquelle le pouvoir fut partagé entre l'Uprona et le
Frodébu (Front pour la démocratie au Burundi), à dominance
des Bahutu. Mais les affrontements intercommunautaires continuent depuis lors
à déchirer le Burundi. En 1994, le massacre est
déclenché au Ruanda. Poussés à l'exode puis
à l'exil au Zaïre par la victoire des Tutsi du Front populaire
rwandais (FPR), nombre d'entre les Hutu furent à leur tour
massacrés en 1996-1997, dans l'Est du Zaïre, par les forces tutsies
alliés à L.D. Kabila, soutenus par l'armée rwandaise et
par son encadrement tutsi.
Les Tutsi, eux, sont une population habitant la région
inter-lacustre d'Afrique centrale, principalement le Rwanda et le Burundi ainsi
qu'une petite partie de la Tanzanie limitrophe.
Les Tutsi, présentés le plus souvent comme un
peuple hamitique, sont probablement originaires de la vallée du Nil. Ils
s'établirent progressivement entre le Xe et le
XVe siècle dans la région des grands lacs
africains où vivaient les Twas, peuple de pygmées connus
déjà par les Grecs depuis l'Antiquité
(ð?ãìç = coudée(391(*)) = environ 46 cm) et les
Hutu, agriculteurs d'origine bantoue. Ces pasteurs constituaient une
minorité numérique au sein des royaumes qui existaient alors.
Vers le XVIIe siècle, un royaume gouverné par les
Tutsi s'était développé sur la plus grande partie du
territoire de l'actuel Rwanda (à l'exception du Sud-ouest).
Le système politico-religieux était
extrêmement hiérarchisé : le roi ou mwami,
image du dieu suprême Imama, était entouré d'une
aristocratie tutsie qui fondait son pouvoir sur la possession du bétail.
La gestion directe des ressources du royaume appartenait aux chefs de
pâturage -- pour l'essentiel des Tutsi --, aux chefs de sol
-- le plus souvent des Hutu -- et la défense du royaume
relevait des chefs d'armée, recrutés parmi les Tutsi et les Hutu.
La masse des sujets du roi, Tutsi comme Hutu, partageait le même sort.
Les mariages mixtes étaient fréquents. Une langue commune
s'était élaborée, le kinyarwanda ou le kirundi,
appartenant au groupe des langues bantoues.
Le régime colonial, allemand puis belge après la
Première Guerre mondiale, institutionnalisa le clivage entre les
communautés. Le système d'administration indirecte qui fut
appliqué au Rwanda-Burundi, sous mandat de la Société des
Nations (SDN), favorisa la domination de l'aristocratie tutsie. À partir
de 1934-1935, Tutsi et Hutu furent officiellement séparés en deux
«ethnies», l'appartenance à l'un ou à l'autre groupe
devant être obligatoirement mentionnée sur le livret
d'identité.
Au Burundi, la domination politique et économique de la
minorité tutsi -- 12 à 14 % de la population -- se
maintint jusqu'en 1992, date à laquelle fut instauré un partage
du pouvoir. Au Rwanda, la majorité hutu, soutenue par l'Église
catholique et, à partir de 1959, par l'administration coloniale, prit le
pouvoir en 1961. Trois ans auparavant, les Tutsi avaient été
victimes de massacres perpétrés par les Hutu en révolte.
L'histoire du pays, comme celle de son voisin burundais, devait être
marquée par des massacres intercommunautaires périodiques. Les
derniers, qui, après l'assassinat, en avril 1994, des deux
présidents, hutu, du Burundi et du Rwanda, furent commis par les Hutu au
pouvoir et visèrent les Tutsi, ont été qualifiés de
génocide par l'ONU. Un tribunal pénal international a
été institué pour juger les responsables des massacres qui
ont touché également les Hutu politiquement
modérés, faisant entre 500 000 et 1 million de
victimes.
À l'issue de la guerre civile, le Front populaire
rwandais (FPR), tutsi, prit le pouvoir au Rwanda. Une telle évolution de
pensée provoque souvent une certaine angoisse car elle nous oblige
à marcher à tâtons dans l'inconnu et à repenser les
formules anciennes, pour les restituer dans un langage accessible et vivant.
Cela invite à revitaliser les principes à partir de notre
expérience et de notre vie, par ces principes. Il faut non pas regretter
le passé, mais vivre le présent et avancer vers l'avenir, afin de
comprendre ceux qui nous entourent.
Avec ce problème, nous arrivons sur le point le plus
épineux de la pensée de Mutuza. L'étude comparative des
civilisations, qu'elle relève de l'Ethnographie, de la linguistique ou
de la littérature comparée, n'a pu aborder avec succès le
problème des correspondances culturelles des divers monuments de la
civilisation protohistorique ou historique, dit Papadopoulos392(*). Par correspondance
culturelle nous entendons l'établissement de la corrélation d'une
manifestation de la civilisation matérielle, esthétique ou
sociale, avec l'état d'évolution ethno-historique du peuple qui
en est responsable. Par corrélation culturelles nous voulons signifier
l'établissement de l'état comparatif et des connexions organiques
qui relient deux manifestations culturelles relevant de civilisations
différentes. Il ne s'agit pas, bien entendu, comme le note encore
Papadopoulos393(*), de
l'établissement d'une corrélation externe, savoir d'une
comparaison des données de la civilisation dans le temps chronologique,
mais bien de la détermination d'une part des liens internes d'une
manifestation culturelle avec le système ethno-historique dont elle
dérive, d'autre part des rapports essentiels qui subsistent entre deux
systèmes de civilisation séparés dans l'espace et dans le
temps pour un pouvoir à sauver.
§ 3. Théocratie et
patrimoine
Peu d'entre nous ont à faire face à la haine une
attitude d'autogérance. Il est souvent impossible aux blessés de
pardonner tant que leurs offenseurs ne se repentent et ne leur demandent pas
pardon. Cependant, les Bantu ne veulent pas que la haine gouverne leur propre
vie et ils disent aux Hima-Tutsi de ne plus continuer dans ces manèges,
afin qu'ils vivent dans la vérité. Ainsi, les blessures
étant profondes, le cheminement vers la liberté peut être
très long et douloureux. Nous pensons ici aux milliers des Congolais qui
ont survécu aux exterminations des massacres à l'Est. Comment
cela peut-il être possible si le pouvoir et ce qu'il est censé
protéger ne sont pas bien compris ? Comment alors comprendre
l'humanisme tutsi en face de la théocratie ? En d'autre terme
quelle théocratie est digne du pardon et porteur d'espoir d'un
peuple victime en face d'un peuple bourreau qui s'écrie victime?
La théocratie vient du grec
èåï? - dieu -
êñáôïò de
êñáôåéí - tenir,
posséder, ce que la science politique traduit par gouverner ou pouvoir,
theokratos, « gouvernement de Dieu », gouvernement
fondé sur la souveraineté divine, où le détenteur
du pouvoir est Dieu, l'incarnation d'un dieu ou son ministre394(*). Par extension, un pays
où le pouvoir est entre les mains du clergé est également
appelé théocratie.
Les nuances des régimes de l'ancienne Babylone ou du
Japon traditionnel nous montrent que ces monarchies n'étaient pas, au
sens propre, des théocraties. Si le souverain était
également le grand prêtre du culte national, il n'était
cependant pas un dieu. Les pharaons de l'ancienne Égypte dirigeaient un
régime proche de la théocratie. Moïse, pour sa part, a
instauré un véritable régime théocratique au sein
du peuple hébreu. Le théologien français Jean Calvin, au
XVe siècle, puis l'homme d'État et militaire
anglais Oliver Cromwell, au XVIe siècle, ont
essayé de mettre en oeuvre des théocraties. Dans les
communautés musulmanes, le califat était aussi une
théocratie. À l'époque contemporaine, le gouvernement de
l'ayatollah Khomeiny en Iran a pu être considéré comme
théocratique.
C'est cette manière qui nous a conduit à
replacer les correspondances culturelles dans leur situations externes du point
de vue chronologique ; et les corrélations culturelles dans leurs
rapports sémiologiques et essentiels. Dans ce sens les
évolutionnistes avec leur concept de survivance nous aideront beaucoup.
Ces survivances constituent le patrimoine culturel.
Le patrimoine constitue l'ensemble des richesses du
monde naturel, culturel ou historique héritées du passé et
transmis à une collectivité qui doit le préserver pour le
transmettre aux générations suivantes.
Le patrimoine est un bien, une richesse commune. Il ne peut
pas appartenir à une seule personne. Sa valeur est inestimable, on ne
peut pas lui donner de prix et il ne peut pas être acheté ou
vendu. Cet héritage peut prendre plusieurs formes ;
on distingue le patrimoine naturel, le patrimoine historique et le patrimoine
culturel.
Tout ce qui fait la richesse et la
diversité de la nature constitue le patrimoine naturel. Appartenant
à l'ensemble des habitants de la Terre, il est formé par les
ressources naturelles, comme l'air et l'eau, et par toutes les formes de vies
animales et végétales présentes dans la nature (c'est la
biodiversité). Il comprend aussi les montagnes, les volcans, les
océans, les mers et les fleuves, les déserts, etc.
Très fragile, ce patrimoine est de plus
en plus menacé. Pour le protéger, on crée par exemple des
parcs nationaux et des réserves naturelles. Cependant, une grande partie
des richesses existant à la surface de la Terre ne
bénéficie d'aucune protection particulière.
Le développement des villes et des
industries, la multiplication des automobiles et des déchets non
recyclables ont un effet négatif sur sa préservation. Les
problèmes de pollution et les catastrophes écologiques (comme les
marées noires) ont fait comprendre aux hommes que certains
éléments de leur environnement risquaient de disparaître
à jamais. Déjà des espèces animales et
végétales se sont éteintes et d'autres sont en danger.
L'équilibre climatique lui aussi est menacé en raison du
réchauffement de la planète. De nombreuses ressources naturelles,
comme l'eau, peuvent s'épuiser.
Les hommes sont responsables du patrimoine
naturel qui leur a été légué. Leur devoir est de le
respecter et d'en prendre soin. Ils devront sans doute changer leur
manière de vivre pour réussir à laisser aux
générations futures une planète qui a conservé
toutes ses beautés et sa diversité.
Le patrimoine historique est constitué de tout ce qui apporte
un témoignage sur l'histoire d'un lieu ou d'un peuple. Chaque pays,
chaque région, chaque groupe national ou ethnique à travers le
monde possède donc un patrimoine historique qui lui est propre.
Le patrimoine historique s'illustre sous diverses
formes. Par exemple, les écrits rassemblés au cours des
siècles et qui témoignent d'événements historiques
ou donnent des détails sur la vie quotidienne de nos ancêtres font
partie de ce patrimoine. Tous ces textes et récits constituent une somme
de documents que l'on nomme archives et qui font l'objet d'une conservation
minutieuse.
Les objets de la vie courante sont
à regrouper dans la même catégorie. Ils sont souvent
l'unique trace de coutumes, d'activités ou de métiers disparus.
Certains sont conservés dans des musées tandis que d'autres se
transmettent au sein des familles de génération en
génération. Toutes ces traces constituent des héritages
importants pour comprendre et connaître notre histoire et celle de nos
ancêtres. Le patrimoine historique englobe également, en
raison de leurs fonctions ou de leur lien précis avec certains
évènements de l'histoire, les monuments civils ou religieux.
Malheureusement, comme pour les autres vestiges du passé, nombre d'entre
eux ont disparus. Des mesures importantes (comme en France la loi Malraux de
1962) ont été prises pour tenter de les protéger et les
garder en bon état. L'attachement de la population au patrimoine
historique s'exprime chaque année depuis 1984 en France au travers des
Journées du Patrimoine.
Certains monuments font également partie, en
raison soit du type de leur architecture, soit de leur style ou du renom de
leur architecte, du patrimoine culturel. Le patrimoine culturel est
constitué de toutes les oeuvres artistiques mais aussi toutes les
traditions issues de la culture populaire qui nous viennent des siècles
passés.
Le patrimoine culturel d'un peuple représente une
grande partie de son identité. Il fournit des références
communes à un même groupe d'individus et renforce pour chacun le
sentiment d'appartenance à ce groupe.
La langue parlée dans une région
ou un pays est l'une des composantes principales de son patrimoine culturel. On
range également dans cette catégorie de nombreux autres types
d'expressions comme les hymnes nationaux, des chansons, des productions
artisanales ou gastronomiques, des danses, des fêtes, des
célébrations et tout ce qui appartient au folklore. Les contes et
légendes populaires, mais aussi les poèmes et les oeuvres des
grands écrivains occupent une grande place au sein du patrimoine
culturel. Celui-ci englobe également les oeuvres architecturales mais
aussi toutes les autres oeuvres artistiques.
Les bibliothèques et les musées
sont chargés de la conservation d'un grand nombre de ces
créations : manuscrits ou partitions originales, oeuvres
sculptées et peintes par les plus grands artistes y sont gardés
avec le plus grand soin. Les éléments qui forment ce patrimoine
appartiennent parfois à des particuliers. Eux aussi ont le devoir de les
préserver et de les transmettre. Ils doivent créer et entretenir
les conditions nécessaires à une bonne conservation et faire
entreprendre des travaux de restauration lorsque cela s'impose.
La nécessité de préserver
toutes les richesses transmises par les générations
passées et la prise de conscience des dangers qui guettent cet
héritage ont amené la Conférence générale de
l'Unesco de Paris à établir, à partir de 1972, une liste
d'éléments du patrimoine dont la survie doit être
garantie : le patrimoine mondial de l'Unesco.
C'est le point de vue beaucoup plus compréhensif de
l'anthropologie sociale et de la philosophie de l'Histoire qui est intervenu,
lequel embrasse, en plus de l'esthétique, l'import général
de la manifestation culturelle étudiée, son sens intérieur
et sa valeur logique et sociale par rapport au système ethno-historique
auquel elle appartient, et en outre les rapports organiques ou essentiels entre
manifestations culturelles relevant de civilisations différentes dans
l'espace et dans le temps. Cela étant, les monuments littéraires,
ainsi que les autres témoins de la civilisation, comme le mwami,
deviennent des sources au sens propre du mot, non de sources d'histoire
littéraire ou d'histoire d'art, mais des sources historiques au plus
haut degré, de vrais documents-témoins de l'évolution
socioculturelle de l'humanité. Cela fonde parfois le mythe.
Ernst Cassirer précise que le mythe n'est pas identique
à l'émotion qui l'a fait naître mais en est l'expression
-- l'objectivation, dans laquelle l'identité et les valeurs
fondamentales du groupe acquièrent une signification absolue. Selon lui,
le mythe et les modes de pensée mythiques forment le substrat des
cultures occidentales, scientifiques et technologiques.
La théocratie tutsie est le passage du mythe à
la religion. Ainsi, si l'on passe de la mythologie à la religion, c'est
une autre forme culturelle que l'on découvre : sacrifice,
prière, rituels du culte modifient le projet mythique. Nous
découvrons de cette manière que le mythe Hima-Tutsi se conforme
à la pensée de Ernest Cassirer selon laquelle pour le mythe le
monde est fait de physionomie, pour la religion toute physionomie est
suspecte : le divin étant au-delà, son objectivation nous
donne un objet pur intérieur, le roi ou le mwami. Car « le
roi n'est pas un homme (...), le roi, c'est lui Dieu »
(Poème 65, p. 53 selon la présentation de Kagame).
Section 2. Mythe
§1. Histoire et Ethnologie
Nous avons vu ce qu'était l'environnement
socio-politico-philosophique et ce que Mutuza en a retenu. Il y a entre lui et
la pensée de son temps une problématique commune. Nous en avons
reconnu certains éléments dans la conception du monde, de la vie
sociale, de la vie politique, de relation avec les
« étrangers » qui ouvre le temps ethnologique.
L'ethnologie occupe parmi les sciences sociales une place
d'intermédiaire. Elle travaille sur des matériaux qui lui sont
fournis par l'ethnographie, et elle sert de point de départ à des
disciplines plus exhaustives. Il reste que la synthèse de l'ethnologie
ne se donne pas pour ultime. Il y a deux façons d'utiliser les
connaissances qu'elle propose pour aller au-delà de l'ethnologie
proprement dite.
Dans l'étude sur la perpétuation du mythe
Hima-Tutsi, on cherchera à utiliser le savoir ainsi accumulé pour
faire une théorie générale de la société
tutsie et de dépasser ainsi l'ethnologie en sociologie et en histoire
pour parvenir au niveau philosophique. C'est seulement à ce stade que le
concept d'appartenance ne souffrira d'aucune autorité.
Ce faisant, nous serons sur le champ de l'anthropologie. Et
dans l'anthropologie, entendue comme la « connaissance applicable
à l'ensemble du développement humain »(395(*)), on cherchera à
fonder l'ethnologie. Nous accumulerons des études de J. Maquet, de
Papadopoulos sur La poésie dynastique du Ruanda et l'Epopée
Akritique, de J. Vansina sur L'évolution du royaume rwanda des
origines à 1900, de J. Czekanowski sur Forchungen im
Nil-Kongo-Zwischengebiet, de H. Baumann et D. Westermann dans Les
peuples et les civilisations de l'Afrique suivi de Les langues et
l'éducation traduit par L. Homburger ; les travaux de
Eickstedt sur Histoire des races humaines et d'autres auteurs
que nous ferons intervenir selon le besoin de la cause.
L'origine du mythe Hima-Tutsi remonte de la confusion des
anthropologues coloniaux. La dissemblance et la ressemblance zoologiques furent
à l'origine de la distinction des populations. Encore que l'on ne doit
pas négliger ces transcendantaux philosophiques.
Baumann et Westermann, troublés par la dissemblance
zoologique, racontent dans leur ouvrage que « La race
éthiopienne est grande et gracile, c'est une race nettement faite pour
les steppes et les migrations. Elle présente tous les indices d'une race
noble et de haute lignée : des mains longues et étroites, la
taille ou ceinture fine, la poitrine large, mais les hanches étroites,
des dents saillantes, les paries sexuelles effacées. Le crâne
allongé et le visage étroit portent des cheveux laineux et les
lèvres sont moins épaisses que celles des noirs ; la peau
caractéristique est rouge bronzé »(396(*)).
Ici nos auteurs sont très extérieurs. Ils
prennent les aspects biologiques pour indice de noblesse et de haute
lignée. Ils sont peu informés de la génétique.
C'est ainsi que leur affirmation ne fait que nourrir le mythe. Ils ne citent
pas les indices de noblesse ; mais seulement les aspects anatomiques
admirables.
« S'agit-il d'insister sur les dissemblances
anatomiques de différentes races, peuples et cultures et d'essayer
d'établir de corrélations entre ces différences et de
l'utilisation qui est faite du corps ? »(397(*)). Ce qui aboutirait
à des explications de ce genre : « Les
Pende courent plus vite que les Yaka ou les Pygmées Babingas parce
qu'ils ont de grandes jambes.. » (Idem), encore que
l'on ne doit pas négliger ces aspects.
Baumann et Westermann se montrent superficiels quand ils
décrivent leur rencontre avec d'autres populations : «Le
développement le plus marqué de ce type se rencontre parmi les
Himas. Les Himas forment une classe de pâtres-guerriers qui gouvernent
les agriculteurs bantous et les Pygmoïdes dans la région des
lacs...les Héras... sont les seuls admis à épouser les
femmes Himas. Il est vrai qu'ils ne peuvent se marier qu'avec des filles les
plus pauvres de la noblesse... »(398(*)). Car tous les peuples ne permettaient pas
qu'un autre vienne prendre les filles de la lignée. Par contre, pour
prouver leur supériorité, ils prenaient, eux, les filles d'autres
comme signe de domination. Ainsi une explication de la mythologie et du mythe
s'avère nécessaire pour la meilleure compréhension de ce
phénomène, Hima-Tutsi, à l'Est de la RD Congo.
La mythologie est un ensemble des mythes
propres à un peuple, à une société. C'est aussi
l'étude et l'interprétation de ces mythes.
Phénomène culturel complexe, le mythe peut être
étudié selon différents points de vue.
Généralement, c'est un récit, chargé de symboles,
qui raconte l'origine du monde, des dieux, la création des animaux, des
hommes, l'origine des traditions, des rites et de certaines formes de
l'activité humaine. Le mythe est fondateur de presque toutes les
cultures qui, en chacune, ont possédé et/ou en possèdent.
Relation d'événements situés dans un temps
antérieur à l'histoire des hommes, le récit met en
scène des êtres et des processus surnaturels. Le mythe est
lié, à maints égards, à la religion. Il
éclaire, par sa nature multiforme, bien des aspects de la vie
individuelle et culturelle.
§2. Sens et interprétation du mythe
Dès l'origine, le mythe soulève
un problème de sens et d'interprétation. Les controverses se sont
accumulées quant à sa valeur et à son statut.
v Mythe, histoire et raison
Dans la Grèce archaïque,
ìýèüò (mythos) et
ëüãïò (logos) ne
s'opposent pas. Tous les deux désignent un récit sacré
concernant les dieux et les héros. Pourtant Xénophane, Platon et
Aristote exaltent la raison et dénient au mythe la capacité
d'appréhender le réel. À la notion de mythe, la tradition
judéo-chrétienne oppose celle de l'histoire : le Dieu des
Hébreux et des chrétiens est révélé à
l'humanité à travers son histoire ; Dieu a été
révélé à Moïse dans l'Égypte des
pharaons. Bien que fondamentales, ces distinctions entre raison et mythe, entre
mythe et histoire, ne furent jamais tout à fait absolues.
À propos de certains mythes, Aristote vieillissant
conclut que ìýèüò
(mythos) et ëüãïò
(logos) peuvent, dans certains cas, se chevaucher. Platon utilise le
mythe à titre d'allégorie et comme procédé
littéraire lui permettant de développer un argument. Enfin,
mythe, raison et histoire coexistent dans le prologue de l'Évangile
selon saint Jean : « Au commencement était le Verbe
et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était
Dieu. »
Néanmoins, la place du mythe et de
l'histoire dans la Bible a été l'objet d'âpres
débats de la part des premiers théologiens.
· Mythique et
réalité
La question de savoir si c'est le mythe, la
raison ou l'histoire qui exprime le mieux la réalité des dieux,
des humains et de la création s'est prolongée dans la culture
occidentale. Adoptés et assimilés par les Romains, les mythes
grecs continuent d'inspirer écrivains, philosophes et artistes de la
Renaissance ou de l'ère romantique. Des éléments de
mythologies païennes persistent en tant que substrat folklorique de
diverses cultures européennes.
Le siècle des Lumières et le romantisme
renouvellent, à travers l'élaboration des théories
évolutionnistes et la promotion de nouvelles disciplines,
l'intérêt pour le mythe. Bien que rationaliste, le siècle
des Lumières s'intéresse à toutes les formes d'expression
humaine, y compris à la religion et à la mythologie. Soucieux de
donner un sens aux mythes, en apparence irrationnels et fantastiques, les
philosophes « éclairés » considèrent
les mythes comme l'expression d'un effort intellectuel pour expliquer le monde,
comme une étape dans l'évolution de la pensée humaine,
allant de l'ignorance et de l'irrationnel vers le rationnel.
Ils voient également dans les mythes un aspect de
l'évhémérisme, c'est-à-dire de la divinisation des
vertus d'un être humain. Toutefois, plus important qu'aucune des
théories sur les mythes, reste le développement de disciplines
consacrées à la mythologie : en anthropologie sociale et
culturelle, comme en histoire des religions, les chercheurs commencent à
prendre en compte les mythes extra-européens et envisagent la mythologie
dans une perspective universelle.
Avide de nouvelles sources culturelles et
intellectuelles, le romantisme se tourne vers les mythes indo-européens
et, considérant le mythe comme une forme irréductible
d'expression humaine, lui prête, en tant que mode de pensée et de
perception, un prestige égal si ce n'est supérieur à la
compréhension rationnelle de la réalité.
v Typologie des mythes
Les mythes peuvent être classés
selon le thème dominant qu'ils décrivent.
· Mythes cosmogoniques
Les mythes cosmogoniques, ou mythes de la
création, décrivent la naissance de l'Univers.
Généralement le plus important dans une culture, il sert de
modèle à tous les autres mythes. Certains récits mythiques
(Genèse, chap. I), les mythes égyptiens, australiens, grecs
et mayas racontent la création de l'Univers ex nihilo. Dans la
plupart des cas, le Créateur est tout-puissant et devient le centre de
la vie religieuse (Hébreux), ou une divinité plus distante
(mythes australiens, grecs, mayas).
D'autres mythes cosmogoniques font émerger l'Univers de
mondes inférieurs (les Navajo et les Hopis). Selon un mythe
polynésien, le monde émerge des différentes couches d'une
noix de coco. Dans de très nombreuses cultures, le monde naît de
l'éclosion d'un oeuf fertile (Afrique, Chine, Inde, Pacifique-Sud) et,
dans cet oeuf, les Dogon voient le « placenta du
monde ».
Un autre type de mythe cosmogonique
décrit la destruction d'un monstre. Dans le Poème de la
création (Cf. la religion babylonienne), Enuma
elish, Marduk terrasse le monstre marin Tiamat et, des deux moitiés
de sa dépouille, fait le Ciel et la Terre. Le mythe cosmogonique des
parents du monde est extrêmement répandu en Afrique, en Asie du
Sud-est, en Océanie et en Indonésie : d'un couple
primordial, éternellement uni, naissent sans fin des enfants, qui,
avides de lumière, séparent leurs parents et libèrent un
espace où les divinités façonnent un monde humain.
De nombreux mythes, en Sibérie, en Asie
centrale, en Inde, etc., racontent comment un animal (tortue, oiseau, sanglier)
plonge dans les eaux primordiales et en rapporte une parcelle qui devient la
Terre.
Le thème du sacrifice est commun
à plusieurs mythes cosmogoniques : dans le mythe babylonien, le
corps sacrifié de Tiamat est la Terre ; dans le mythe indien que
relate un des hymnes du Rig-Veda, l'Univers entier résulte du sacrifice
d'un géant primordial, Purusha, démembré par les dieux.
· Mythes eschatologiques
Les mythes eschatologiques, ou mythes de la fin du
monde, décrivent la fin du monde et le destin de l'individu après
la mort. La description de la fin du monde, cataclysme final, conflagration
universelle ou ultime bataille des dieux, est présente dans l'ensemble
de la mythologie indo-européenne, et notamment dans la branche
germanique. Enracinée dans la condition humaine, la question du destin
posthume est au coeur de nombreux mythes. Les uns, et
généralement les plus anciens, envisagent une prolongation de
l'existence dans l'au-delà, mais sans possibilité de
retour : réduites à des ombres ou à des doubles, les
créatures errent éternellement dans l'au-delà (l'Arallou
babylonien, l'Hadès des Grecs, le Shéol des Hébreux).
L'idée du salut de l'humanité, d'une résurrection et d'un
jugement est le fait du zoroastrisme, puis du mazdéisme d'une
part ; du judaïsme, du christianisme et de l'islam, d'autre part.
· Mythes de la naissance et de la
renaissance
Habituellement liés à l'initiation
rituelle, les mythes de la naissance et de la renaissance disent comment la vie
peut être renouvelée, le temps inversé ou les humains
transmués en de nouveaux êtres. Dans les mythes sur
l'avènement d'une société idéale (mythes
millénaristes) ou celui d'un sauveur (mythes messianiques), les
thèmes eschatologiques sont combinés aux thèmes de la
naissance et de la renaissance. Les mythes millénaristes et messianiques
sont présents dans les cultures tribales d'Afrique, d'Amérique du
Sud et de Mélanésie (culte du cargo), aussi bien que dans le
judaïsme, le christianisme et l'islam.
· Mythes du héros
culturel
Des mythes sont consacrés à des
êtres qui, par leurs actions, leurs artifices ou leurs
découvertes, sont élevés au rang de héros, tels
Prométhée, qui dérobe le feu aux dieux, le forgeron dogon
qui vole des graines dans le grenier des dieux et les donne à la
communauté, ou Hainuwele, en Indonésie, qui, par les orifices de
son corps, livre profusion de biens aux hommes.
· Mythes de fondation
Depuis l'apparition des premières
cités, entre le IVe et le
IIIe millénaire av. J.-C., des mythes racontent la
fondation de certaines d'entre elles. L'Épopée de
Gilgamesh à Babylone, ou le mythe de Romulus et Remus à Rome
sont des mythes de fondation.
v Etudes du mythe
La mythologie a attiré des savants venus
d'autres disciplines telles l'histoire, l'archéologie, l'anthropologie,
l'ethnologie, la linguistique ou la psychanalyse.
· Mythe et langage
Parce que le mythe est une narration, un
grand nombre de savants se sont concentrés sur sa structure
linguistique. L'un d'eux, Friedrich Max Müller, soutenant que le mythe est
un exemple du développement historique de la langue, voit dans les dieux
et les faits décrits dans les textes védiques de l'Inde ancienne
non pas des êtres ou des événements réels, mais les
balbutiements du langage humain, une tentative pour exprimer les
phénomènes naturels (mer, tonnerre, feu, etc.) à travers
des images visuelles et sensuelles.
Plus récemment, Claude Lévi-Strauss, partant des
travaux des linguistes de l'école structurale (Ferdinand de Saussure,
Roman Jakobson, le folkloriste Stith Thompson), pense que les
éléments constitutifs du mythe sont hiérarchisés de
la même manière que les éléments constitutifs du
langage et recherche dans la mythologie la manifestation d'un savoir humain
permanent et interminable.
· Mythe et connaissance
Les théories affirmant que le mythe constitue
une forme et un moyen de connaissance sont aussi anciennes que
l'interprétation du mythe lui-même. La superposition des modes
mythique et rationnel a été étudiée par les
philosophes grecs, et notamment par Origène, qui prétendait que
la révélation chrétienne de Dieu en Jésus pouvait
très bien être comprise en termes mythiques.
Deux orientations majeures reviennent à
propos de la relation entre mythe et connaissance. Selon la première, le
mythe est conçu comme un concept intellectuel et logique. Selon la
seconde, il est étudié dans sa signification imaginative,
intuitive -- soit comme un mode de perception différent des modes
de connaissance rationnelle et logique, soit comme un mode de connaissance
antérieur à la connaissance rationnelle.
L'un des pères de l'anthropologie britannique, sir
Edward Burnett Tylor, pense que dans les cultures archaïques le mythe
repose sur une illusion psychologique, sur une confusion de la
réalité objective et subjective, du réel et de
l'idéal. Il attribue au mythe une valeur morale. Un peu plus tard,
Robert Ranulph Marett voit dans le mythe une réponse émotionnelle
de la part des peuples primitifs à l'égard de leur environnement.
Il situe la signification du mythe à une étape intellectuelle
antérieure à la pensée rationnelle.
L'ethnographe Maurice Leenhardt explique le mythe comme
l'expression de l'expérience vécue par la communauté.
Ayant longtemps séjourné parmi les Mélanésiens, il
observe que ceux-ci répondent passivement aux réalités non
humaines, ne cherchant pas la maîtrise intellectuelle ou technologique de
leur environnement mais tentant de s'y adapter et de composer avec ses forces.
Il qualifie cette attitude de cosmographique et lie les mythes des
Mélanésiens à leur expérience cosmographique du
monde.
Lucien Lévy-Bruhl développe encore
davantage la notion de mentalité prélogique en avançant
que les peuples primitifs, en l'absence de toute catégorie logique,
acquièrent la connaissance du monde par une participation mystique
à la réalité et expriment cette connaissance dans leurs
mythes.
Andrew Lang (+ 1912) et Wilhelm Schmidt (+ 1954),
ayant noté la présence fréquente dans certains mythes d'un
« haut dieu », qui crée le monde avant de s'en
éloigner, établissent une distinction entre les mythes
présentant un dieu créateur et ceux qui n'en présentent
pas : pour eux, le concept de créateur provient d'une contemplation
métaphysique et non pas d'une évolution de la pensée du
prélogique au rationnel. Dans leur formulation, les mythes incorporent
simultanément le rationnel et l'intuitif.
Mircea Eliade expose une interprétation
du mythe à la fois rationnelle-logique et imaginative-intuitive. Selon
lui, le mythe révèle une ontologie primitive -- une
explication de la nature de l'être. Le mythe, par le biais des symboles,
exprime un savoir complet et cohérent ; malgré son apparence
triviale et sans fondement, il permet un retour aux origines, une
découverte ou redécouverte de la nature de l'homme. Paul Ricoeur
estime l'existence du mythe nécessaire pour appréhender justement
les origines, les processus et la profondeur de la pensée humaine.
· Mythe et
société
L'interprétation philosophique et
spéculative du mythe par Giambattista Vico (+ 1744) soulève le
problème de la relation entre mythe et société. Dans
les Principes de la philosophie de l'histoire (1725), il suppose
quatre étapes au développement du mythe et de la religion en
Grèce : au cours de la première étape, celle de la
divinisation de la nature, le tonnerre et les dieux deviennent Zeus, la mer
devient Poséidon. Au cours de la deuxième étape
apparaissent les dieux liés à la domestication de la
nature : Héphaïstos, dieu du Feu, Déméter,
déesse du Grain. Dans la troisième étape, les dieux
incarnent les institutions humaines (Héra, le mariage). Enfin, la
quatrième et dernière étape voit l'humanisation des dieux,
telle qu'on la retrouve chez Homère.
Examinant la relation entre mythe et
société, Émile Durkheim puise dans les cultures
aborigènes d'Australie et affirme que les mythes sont la réaction
des individus face au phénomène social : ils expriment la
façon dont la société se représente
l'humanité et le monde, et constituent un système moral, une
cosmologie et une histoire. Affinant cette conception sociologique du mythe,
Bronisaw Malinowski (+ 1942) dote le mythe d'une fonction indispensable, celle
d'exprimer, d'améliorer et de codifier les croyances. Garant de la
moralité, le mythe contient les préceptes destinés
à guider l'individu.
Si la signification sociologique du mythe est
unanimement acceptée par les anthropologues, elle n'implique pas
cependant que le mythe soit compris comme une fonction de la
société humaine, mais plutôt que mythe et
société coexistent : l'ordre sociopolitique peut être
perçu comme l'inexact reflet de l'ordre social ou cosmique
présent dans les mythes et, simultanément, les mythes peuvent
légitimer l'ordre social.
Le premier, sir James Frazer (+ 1941)
suggère, dans son oeuvre centrale, le Rameau d'or (1890) la
relation entre mythe et rituel, mais c'est George Dumézil (+ 1986) qui
trouve, en se fondant sur une étude des mythes indo-européens, la
combinaison de trois fonctions hiérarchisées
-- souveraineté, force et fécondité --,
structure tripartite que reflètent aussi bien le système des
castes en Inde que les triades divines. Accréditant la thèse
selon laquelle les mythes naissent d'émotions, Ernst Cassirer
précise que le mythe n'est pas identique à l'émotion qui
l'a fait naître mais en est l'expression -- l'objectivation, dans
laquelle l'identité et les valeurs fondamentales du groupe
acquièrent une signification absolue. Selon lui, le mythe et les modes
de pensée mythiques forment le substrat des cultures occidentales,
scientifiques et technologiques.
§3. Mythe et psychanalyse
dans la pensée analytique
Pour les psychanalystes le mythe est un outil leur
permettant d'éclairer la structure, l'ordre et la dynamique de la vie
psychique de l'individu et de l'inconscient collectif. Sigmund Freud (+1939) a
recours au mythe pour expliquer les conflits et la dynamique de l'inconscient
(complexe d'OEdipe, par exemple). Carl Jung (+ 1961) reprend la théorie
de son maître en tentant de montrer l'évidence de l'inconscient
collectif, à partir duquel il élabore sa théorie des
archétypes. Freud et Jung établissent une analogie entre
rêve et mythe. Anthropologue et psychanalyste, Géza Róheim
(+ 1953) s'attache à montrer, à partir de l'observation de
mythes, de coutumes et de rêves, l'universalité et
l'unicité du psychisme humain. L'étude la plus exhaustive des
mythes, vus sous l'angle de la psychanalyse, est l'oeuvre de Joseph Campbell
(les Masques de Dieu, 4 vol., 1959-1967), dans laquelle,
combinant les aperçus de la psychanalyse (principalement celle de Jung),
les théories de la diffusion historique et de l'analyse linguistique, il
formule une théorie générale sur l'origine, le
développement et l'unité de l'ensemble des cultures humaines.
A l'ère de la mondialisation, l'étude
comparée des civilisations, qu'elle relève de l'ethnographie, de
la linguistique ou de la littérature comparée, et même de
la géographie linguistique de la RD Congo, n'a pas encore abordé
avec succès le problème des correspondances culturelles des
divers monuments de la civilisation protohistorique ou historique.
« Par correspondance culturelle nous entendons
l'établissement de la corrélation d'une manifestation de la
civilisation matérielle, esthétique ou sociale, avec
l'état d'évolution ethno-historique du peuple qui en est
responsable. Par corrélation culturelle nous voulons signifier
l'établissement de l'état comparatif et des connexions organiques
qui relient deux manifestations cultuelles relevant de civilisations
différentes. Il ne s'agit pas, bien entendu, de l'établissement
d'une corrélation externe, savoir d'une comparaison des données
de la civilisation dans le temps chronologique, mais bien de déterminer
d'une part des liens internes d'une manifestation culturelle avec le
système ethno-historique dont elle dérive, d'autre part des
rapports essentiels qui subsistent entre deux systèmes de civilisation
séparés dans le temps et dans l'espace et, ou dans le
temps(399(*)) ».
v Applicabilité des mythes
Nous reviendrons sur la problématique de correspondance
et corrélation. La question de Mutuza est insinuante : «...
comment comprendre et expliquer, alors que la République
Démocratique du Congo, pays hospitalier, qui héberge des milliers
d'immigrés de ses neuf pays frontaliers, se trouve confronter, d'une
manière récurrente et vitale, qui menace
l'intégrité de son territoire, par la présence de seuls
immigrés Hima Tutsi à qui il a offert pourtant sa
légendaire hospitalité jusqu'à les hisser au sommet du
pouvoir de l'Etat »(400(*)).
La comparaison qu'établit Papadopoulos entre deux
monuments littéraires relavant des civilisations éloignées
l'une de l'autre dans l'espace et dans le temps, lesquelles sont en outre
absolument libres d'influences réciproques démontre bien la
valeur d'un mythe qu'un peuple peut avoir sur son héros civilisateur.
Les monuments sont le cycle d'éminemment
caractéristique des civilisations éloignées respectives
qu'il représente et peut justement être qualifié de
monuments nationaux en tant qu'important l'esprit des peuples qui les ont
créés.
Friedrich Maximilian Klinger (+1831) est, avec Lenz (+ 1792),
l'un des dramaturges les plus radicaux et les plus prolifiques du Sturm und
Drang. Ce mouvement littéraire doit d'ailleurs son nom à la
pièce éponyme écrite par l'auteur en 1776.
Né à Francfort, issu d'un milieu très
modeste, Friedrich Maximilian Klinger parvient néanmoins à
étudier le droit grâce au soutien de bienfaiteurs, dont fait
partie son ami Goethe.
v Décentrement de la
réalité vers le mythe
C'est ce même Goethe (+ 1832) qui, en 1775, plaide en
faveur de ses drames Othon (Otto), sa première tragédie,
et la Femme souffrante (Das leidende Weib) auprès de
l'éditeur Friedrich Weygand. Suivent d'autres pièces :
les Jumeaux (Die Zwillinge, 1775), Simsone Grisaldo
(1776) et surtout Sturm und Drang (littéralement
« tempête et assaut », 1776), qui donne son nom, et
en quelque sorte sa définition, au mouvement littéraire du Sturm
und Drang et apporte à son auteur la renommée. Entre 1776 et
1777, Klinger se joint à la troupe d'Abel Seyer en qualité de
comédien et de dramaturge. Au cours des voyages qu'il effectue à
la même époque, il fait la connaissance de Lessing et du
philosophe Friedrich Heinrich Jacobi (1743-1819), avant d'embrasser, dès
1778, une carrière militaire, dont il gravira tous les échelons.
Engagé comme lieutenant dans un corps de volontaires, deux ans plus
tard, passé au service de la Russie, il devient officier d'ordonnance en
1780, puis général en 1798.
Durant cette période, et en marge de ses occupations
militaires, il continuera d'écrire des drames (Prinz
Seiden-Wurm, 1780 ; Elfride, 1783), mais c'est surtout ses
romans philosophiques, dont Vie, exploits et descentes aux Enfers de
Faust (Fausts Leben, Taten und Höllenfahrte, 1791), qui
retiendront désormais l'attention. Curateur à l'université
de Dorpat (aujourd'hui Tartu en Estonie), au sein de laquelle il dispense,
entre 1803 et 1816, la culture allemande, Klinger cesse définitivement
d'écrire après la disparition de son troisième fils, mort
des suites d'une blessure à la bataille de la Moskova. Si l'oeuvre de
Klinger demeure importante au regard de l'histoire culturelle allemande, on ne
lui reconnaît que peu de valeur aujourd'hui sur un plan strictement
littéraire. L'oeuvre de J. J. Maquet, dans Le système des
relations sociales dans le Rwanda ancien, donne, avec une
négligence euro-centrique, les différences de l'outil de
transformation négro-africaine. Il justifie toute sa thèse par la
théorie de la migration.
La migration est un des thèmes majeurs de la
perpétuation et de l'expansion de tous les phénomènes
sociaux. « la civilisation des Chamites éleveurs de gros
bétail de l'Afrique du Nord s'est répandue du Nord-est au Sud par
la même voie de migration que celle des chasseurs de steppes que nous
venons de décrire. Toute l'Afrique orientale a été
occupée par elle, et par ceux qui la transportaient. Les Chamites
orientaux ont porté leur sang éthiopien partout où nous
rencontrons des manifestations de leur civilisation particulière ;
l'apparition de leurs traits physiques est même un critère de la
possibilité de la présence de leur civilisation et l'inverse se
trouvant être également vrai, la thèse de
l'identité de la civilisation et du sang paraît pleinement
justifiée »(401(*)).
C'est une tâche difficile que de chercher à
trouver une hypothèse fiable pour la justification de la domination des
Tutsi sur les Bantu. Certains auteurs ont voulu corroborer que suite à
l'écrasante majorité Bantu, les Tutsi ne purent résister
avec leur langue, qu'on ne nomme pas d'ailleurs. Mais comment justifier que
celui qui gouverne ne parvienne pas à imposer sa langue ? Comment
justifier que les Tutsi n'ont pas de langue (kitutsi) comme le bantus ont la
langue dite protobantu et dont les affinités ne sont pas à
démonter?
Certains semblent confirmer l'antériorité de
Tutsi. Les populations de ce groupe sont arrivées avant celles de Bantu.
Mais les fossiles archéologiques datés avec certitude se
réduisant à ceux de Predmost, il serait aventureux
d'établir une sorte de filiation entre les deux groupes qui se
présentent plutôt comme deux branches divergentes, deux solutions
d'architectures différentes des premiers stades de notre étude.
Nous y reviendront avec force détail.
§ 4. Poésie
dynastique et Récits épiques dans l'interprétation des
fonctions du pouvoir
Nous pouvons dire qu'une étude comparative attentive du
poème dynastique du Rwanda et d'un poème bantu de même
genre démontre que l'antériorité des Tutsi sur les terres
bantoues n'est pas convaincante parce que les poèmes dynastiques font
une traine si longue qu'on les croirait à des paraphrases du
poème bantou, fort court.
Si nous acceptons que l'idéologie soit l'ensemble des
structures sociales qu'une communauté crée en vue de se doter
d'un statut social, l'aspect mathématique qui marque certains points de
ce chapitre prouve à suffisance qu'il y a une puissance dans les
questions des mots. Le terme puissance peut être appliqué à
toutes les causes physiques, encore que la physique théorique ait
abandonné ce symbole anthropomorphique pour le remplacer par les
équations mathématiques. Mais même la physique actuelle
parle de « champs de puissance » pour décrire les
structures fondamentales du monde matériel. C'est là au moins une
indication sur l'importance de ce concept jusque dans l'analyse la plus
abstraite des phénomènes physiques.
Les physiciens sont généralement conscients du
fait qu'ils utilisent une métaphore anthropomorphique lorsqu'ils
emploient le terme de pouvoir. Il s'agit d'une catégorie sociologique
transposée à la nature (exactement comme la loi, ainsi que nous
le verrons plus loin). Mais le terme de métaphore ne résout pas
le problème. Il faut nous demander maintenant comment il est possible
que les sciences physiques et les sciences sociales se servent toutes deux du
même mot ? Il doit y avoir un point d'identité entre la
structure du monde social et celle du monde physique. Et cette identité
doit se manifester dans l'emploi commun du même terme. Mais il n'y a
qu'une seule façon de découvrir le sens fondamental de
pouvoir : c'est de chercher ses fondements ontologiques(402(*)).
Comme il y a ambiguïté de relation entre pouvoir
et force, cette dualité provoque le temps entropologique parce que
uniquement dans la sphère humaine. Comme Mutuza se refuse les
définitions, nous sommes devant une exigence qui nous oblige de marcher
à contre courant de sa méthode. Nous nous y refusions plus haut
mais la nécessité étant, la tâche
définitionnelle s'avère importante. La distinction entre pouvoir
et force n'a de sens que pour l'homme.
v Parenté clanique
L'un des postulats fondamentaux de
l'anthropologie sociale et culturelle, telle qu'elle s'est
développée depuis le XIXe siècle, est
l'idée que les liens de parenté sont au coeur de l'organisation
sociale de toute société. Dans la plupart des
sociétés, les principaux groupes sociaux sont constitués
sur la base des clans et des lignages. Lorsque l'appartenance au groupe
parental est fondée sur l'ascendance paternelle uniquement, on parle
d'un système de filiation patrilinéaire. Les
sociétés matrilinéaires, dans lesquelles l'appartenance au
groupe est fondée sur l'ascendance maternelle, sont rares aujourd'hui.
Hérodote fut le premier historien à décrire un tel
système, chez les Lydiens d'Asie Mineure. Plusieurs groupes
d'Amérindiens, dont les Iroquois, les Cherokees et les Creeks,
présentent une organisation matrilinéaire.
L'organisation parentale bilatérale, dans laquelle
l'appartenance au groupe est fondée sur les deux ascendances, maternelle
et paternelle, prévaut dans les sociétés de
chasseurs-cueilleurs (chez les Inuit, par exemple, ou les peuples du
désert du Kalahari, en Afrique australe).
Dans toutes les sociétés
parentales, les membres d'une famille, d'un clan ou de tout groupe parental
possèdent généralement un ancêtre commun. Ainsi, il
arrive que des groupes de familles se considèrent comme les descendants
d'un même ancêtre, dit ancêtre
« totémique ». Ce concept est un facteur qui permet
à lui seul d'unifier un grand nombre de peuples en période de
guerre ou d'activités rituelles, en leur forgeant une identité
distincte de celle de leurs voisins et ennemis. Parmi certains
« peuples nomades » d'Asie centrale qui
s'attaquèrent pendant des siècles aux sociétés
sédentaires d'Asie et d'Europe, l'organisation militaire complexe
reposait sur une filiation patrilinéaire.
Les sociétés humaines autrefois
considérées comme « de structure simple »
sont les groupes de chasseurs-cueilleurs comme les Inuit, les Bochimans de
Kalahari, les Pygmées du Congo et les aborigènes d'Australie.
Parmi ces peuples, un petit nombre de familles sont regroupées en
groupes nomades d'environ 30 à 100 individus, tous parents et
attachés à un territoire particulier.
Les rares groupes vivant encore de la chasse et
de la cueillette servent d'exemple hypothétique de ce que fut
l'organisation sociale et culturelle durant l'histoire de l'humanité. Le
système de parenté, l'idéologie religieuse, les pratiques
prophylactiques et médicales, et les caractéristiques culturelles
de ces peuples sont simples et peuvent être facilement
étudiées.
Des systèmes économiques et sociaux
plus complexes n'étaient envisageables qu'en présence d'une
source de nourriture régulière et stable, permettant la
sédentarisation des premières communautés humaines. C'est
pourquoi l'invention de l'agriculture et de l'élevage représenta
un apport culturel crucial. Elle coïncide avec ce qu'on appelle la
transition néolithique qui, selon les dernières
découvertes archéologiques, eut lieu au Proche-Orient et en Asie
orientale il y a environ 12 000 ans. Avec l'augmentation de la
population et la sédentarisation, les organisations socio-politiques se
sont développées, reliant de nombreux groupes locaux. Ces
nouveaux systèmes sociaux rassemblaient souvent plusieurs milliers de
personnes en groupes, composés de différentes communautés
qui s'intégraient progressivement les unes aux autres par le biais de
pratiques religieuses communes et par l'échange de nourriture.
Bien que les « petits groupes »
ne fussent généralement pas dotés de
« gouvernement central », l'augmentation de la population
et des ressources alimentaires rendit possible, voire nécessaire, une
organisation politique centralisée.
Dans les « petites sociétés »
qui pratiquent l'agriculture, les systèmes religieux de la
communauté mobilisent les individus dans des rites complexes, où
les responsabilités sacerdotales sont assumées à tour de
rôle. Le groupe familial constituant l'élément de base, les
cérémonies sont souvent centrées sur la famille ou le
lignage.
L'émergence de systèmes sociaux
centralisés avec une stratification sociale s'accompagne presque
toujours du développement d'une organisation religieuse
ecclésiastique avec des prêtres à temps plein, des rites
complexes impliquant l'ensemble de la population et une tendance accrue
à la réglementation morale et politique. Ces systèmes
religieux complexes sont rarement parvenus à éliminer les
pratiques individuelles de chamanisme (notamment pour guérir les
maladies) ou les observances religieuses axées sur la famille.
v Regroupement social
« Il a fallu auparavant, disait Kant, que les
hommes, qui vivaient d'abord, dans une liberté anarchique, de chasse ou
de pêche, eussent passé de la vie pastorale à celle
d'agriculteur ; qu'ils eussent découvert le sel et le fer
(vraisemblablement les deux premiers objets de commerce entre des peuples
différents) pour avoir entre eux des relations pacifiques, et pour
contracter, même avec les plus éloignés, des rapports de
convention et de société. »(403(*))
Des découvertes archéologiques datant des premiers
royaumes-villes attestent d'un partenariat étroit et fréquent
entre les chefs religieux et les dirigeants politiques et
économiques : la religion joue ainsi un rôle important comme
force conservatrice. D'un autre côté, les mouvements de
réforme sociale radicale sont, à l'origine, très souvent
des mouvements religieux. Même dans les sociétés modernes,
l'apparition de nouvelles formes religieuses porteuses d'un message social
réformiste est fréquente et ne manque pas de susciter troubles
politiques et persécutions (Réforme en Allemagne au
XVIe siècle, mouvement bahaï en Iran au
XIXe siècle, le kimbanguisme, le Nzambi Mpungu, l'Eglise
des Noirs, etc. en RD Congo).
Les schémas assez simples
d'évolution culturelle proposés au
XIXe siècle ont beaucoup évolué au fil des
découvertes archéologiques et ethnologiques. Certains
anthropologues du début du XXe siècle, dont
l'Américain d'origine allemande Franz Boas et l'Américain Alfred
Kroeber, adoptèrent un point de vue antiévolutionniste. Ils
estimaient que les processus culturels et sociaux étaient si
différents à travers le monde qu'il était impossible de
schématiser des étapes ou des tendances
générales.
Deux explications fondamentalement
différentes de l'évolution culturelle ont été
élaborées. La doctrine évolutionniste reçue au
XIXe siècle soutenait qu'il doit exister une
unité psychique fondamentale de l'humanité, puisque des processus
similaires d'élaboration et de développement culturels
apparaissent dans des sociétés différentes. Ainsi, les
similitudes dans l'émergence d'une stratification sociale et des
élites dirigeantes, par exemple, sont d'après cette thèse
le fait de qualités mentales communes à tous les humains.
L'approche matérialiste, défendue par un
nombre croissant d'anthropologues, met quant à elle l'accent sur les
conditions matérielles de vie, les sources d'énergie de
l'environnement naturel, les technologies et les systèmes de production
des groupes humains. Les influences de l'environnement sont également
prises en compte car le développement de systèmes culturels
complexes a été particulièrement favorisé par
certaines conditions géographiques et climatiques. Par exemple, le
Proche-Orient, à l'époque de la préhistoire,
possédait une faune (cochons sauvages, moutons et chèvres) et une
flore qui se prêtaient particulièrement bien à la
domestication et la culture.
Les méthodes de recherche des
anthropologues sont aussi variées que les sujets qu'ils étudient.
Pour les anthropologues archéologues, il est essentiel
d'établir des schémas chronologiques, afin de relier dans le
temps les activités humaines du passé dont on a retrouvé
la trace. Parmi les méthodes de datation employées par
l'archéologie moderne, la technique du carbone 14 est sans doute
celle qui est la plus couramment utilisée. On sait en effet que les
plantes et les animaux vivants contiennent des taux fixes d'une forme
radioactive de carbone, appelée le carbone 14. Celui-ci se
détériore à un rythme régulier pour donner du
carbone non radioactif. En mesurant la teneur en carbone 14 de morceaux de
charbon, d'échantillons de plantes, de fibres en coton, de bois, etc. il
est possible de déterminer avec précision l'âge des
matériaux.
L'âge des restes fossilisés de
l'Afrique de l'Est, datant de plusieurs millions d'années, a
été établi à partir d'une autre méthode
radiologique, utilisant du potassium-argon. Le potassium radioactif
(potassium 40) se désintègre extrêmement lentement
pour produire de l'argon 40.
La datation des vestiges archéologiques
s'effectue enfin par la stratigraphie, l'étude des couches
sédimentaires qui se sont déposées progressivement
à la surface de la terre et qui comportent des vestiges de
l'activité humaine passée. Pour déterminer les
séquences stratigraphiques, il est nécessaire de recourir
à l'histoire géologique du terrain, à l'analyse du sol et
des restes fossilisés d'animaux et de plantes, ainsi qu'à un
véritable travail de détective, qui consiste à
réunir les restes disséminés et lacunaires des
constructions humaines.
L'anthropologie sociale et culturelle a pour base une
enquête sur le terrain au cours de laquelle l'observateur s'immerge dans
la communauté ou l'organisation sociale qu'il veut étudier. Par
des contacts quotidiens, réitérés longuement, il peut
espérer établir une communication et se faire accepter, en
montrant notamment -- ce qui n'est pas toujours aisé -- que
ses objectifs sont désintéressés. Cette première
étape de la recherche sur le terrain peut prendre des semaines, voire
des mois, en particulier lorsqu'il faut apprendre la langue locale.
Les premiers ethnographes recueillaient leur
information par un contact direct, le plus souvent en interrogeant quelques
« informateurs-clés », choisis pour leur bonne
connaissance de leur culture ; leurs témoignages étaient
simplement rassemblés, recoupés et comparés avec les
observations faites sur le terrain. Toutefois, les études des
systèmes culturels complexes et en mutation nécessitent des
outils méthodologiques supplémentaires. Des questionnaires
structurés (sur des échantillons de la population) sont
utilisés pour obtenir des informations précises sur les habitudes
alimentaires et sanitaires, les ressources économiques, les migrations
dictées par le travail, les loisirs, etc. Les données
précises sur les transactions effectuées sur les marchés,
les horaires de travail, les prises de poisson et de gibier, et la production
agricole sont utilisées pour analyser la situation économique.
Des tests psychologiques complexes sont effectués lorsqu'il s'agit
d'étudier la personnalité des individus. Les informations des
registres des mairies, des églises, les textes des municipalités,
les rapports gouvernementaux, etc. sont également analysés.
De telles méthodes de recherche
quantitatives et techniques ne peuvent toutefois remplacer le travail sur le
terrain. Au contraire, des questionnaires détaillés,
destinés aux informateurs, ainsi qu'une analyse qualitative
élaborée des systèmes symboliques, rituels et culturels en
général, conservent une place méthodologique
essentielle.
v Pouvoir exponentiel et
entropologie
Comparant les Pasteurs et Agriculteurs dans ce qu'ils ont de
différent dans les comportements, Adnan Haddad découvrit que
« les pasteurs ont des attitudes, avec leur désordre, qui
ne permettent pas l'établissement d'une paix
durable »(404(*)) qui est possible dans un Etat.
Les conditions de formation des États-nations sont
diverses. Dans les régions du Proche-Orient, par exemple, il semble que
les premiers États-villes se soient développés lorsque
l'accroissement de la population et l'augmentation des besoins alimentaires qui
s'ensuivit nécessitèrent la mise en oeuvre de vastes projets
d'irrigation. Dans d'autres cas, un emplacement stratégique sur une
route commerciale (Tombouctou, par exemple, qui se trouve sur la route de
commerce du sel dans le Sahara) favorisa la centralisation administrative et
militaire.
Ces États ou ces royaumes naissants
se sont rapidement étendus, englobant les régions voisines par
une domination économique ou militaire. Les premiers sites urbains au
Proche-Orient, en Égypte, dans le nord de l'Inde, le sud-est de l'Asie,
la Chine, le Mexique et le Pérou possédaient déjà
des fortifications militaires, généralement assorties de
constructions somptueuses à vocation religieuse (les temples, les
pyramides égyptiennes, les kivas pueblos, les ziggourats
mésopotamiennes) marquant l'émergence d'un clergé
organisé. Ces premières villes accueillaient en
conséquence une société stratifiée, composée
d'une élite militaire et religieuse minoritaire, et d'une population de
paysans et d'ouvriers asservis405(*).
Les systèmes de croyances des groupes de
chasseurs-cueilleurs peuvent paraître complexes, car ils font appel
à un monde surnaturel, aux « forces de la nature »
et à l'intervention des esprits et des dieux. Les groupes de
chasseurs-cueilleurs relativement égalitaires et restreints en nombre ne
disposaient généralement pas de prêtres à temps
plein. Toutefois, il y existait toujours des chamans, des hommes ou des femmes
censés être en contact direct avec les êtres et les forces
surnaturels qui leur avaient transmis le pouvoir de résoudre
différents problèmes, les maladies, par exemple.
Dans les petites sociétés qui
pratiquent l'agriculture, les systèmes religieux de la communauté
mobilisent les individus dans des rites complexes, où les
responsabilités sacerdotales sont assumées à tour de
rôle. Le groupe familial constituant l'élément de base, les
cérémonies sont souvent centrées sur la famille ou le
lignage.
L'émergence de systèmes sociaux
centralisés avec une stratification sociale s'accompagne presque
toujours du développement d'une organisation religieuse
ecclésiastique avec des prêtres à temps plein(406(*)), des rites complexes
impliquant l'ensemble de la population et une tendance accrue à la
réglementation morale et politique. Ces systèmes religieux
complexes sont rarement parvenus à éliminer les pratiques
individuelles de chamanisme (notamment pour guérir les maladies) ou les
observances religieuses axées sur la famille.
Des découvertes archéologiques datant
des premiers royaumes-villes attestent d'un partenariat étroit et
fréquent entre les chefs religieux et les dirigeants politiques et
économiques : la religion joue ainsi un rôle important comme
force conservatrice. D'un autre côté, les mouvements de
réforme sociale radicale sont, à l'origine, très souvent
des mouvements religieux. Même dans les sociétés modernes,
l'apparition de nouvelles formes religieuses porteuses d'un message social
réformiste est fréquente et ne manque pas de susciter troubles
politiques et persécutions (Réforme en Allemagne au
XVIe siècle, Kimbanguisme en RD Congo, mouvement
bahaï en Iran au XIXe siècle). Les fonctions
sociales de ces mouvements conduisent à un organicisme qui aspire
à une harmonisation sociétale en rapport avec les fonctions
mathématiques qui révèlent la valeur de l'optimisme. Les
exponentiels sont révélateurs des pouvoirs d'être et de
l'idéologie de conquête dans la situation expansionniste.
C'est avec le problème d'expansionnisme et de la
conquête que le graphique de la fonction exponentielle devient important
pour la compréhension de notre étude sur l'interprétation
du pouvoir.
L'exemple typique de fonction à croissance
exponentielle est bien évidemment la fonction exponentielle
elle-même y = ex, dont la
représentation graphique est donnée ci-contre(407(*)).
E, nombre réel, dit exponentiel et noté de sa
première initiale e, intervenant dans différentes branches
des mathématiques et dans toutes les disciplines scientifiques utilisant
un formalisme mathématique. C'est un élément important qui
permet l'interprétation de la croissance numérique des
minorités et de leur reproduction.
Depuis sa définition au
XVIIe siècle, de nombreux mathématiciens
cherchent à déterminer le plus grand nombre possible de ses
décimales ; sa valeur approchée, à
10-24 près, est égale à :
2,718 281 828 459 045 235 360 287. Ce qui
nous a permis de déterminer la condition de possibilité de
l'existence d'une entropie dans l'interaction des éléments des
systèmes sociaux sous examen.
v Fonction exponentielle pour
l'interaction des éléments d'un système social
Il sied de rappeler que Mutuza fait beaucoup appel aux
éléments mathématiques. Ne formalisant pas son langage, il
se rabat à la littérature qui peut parfois fatiguer. Le lecteur
attatif découvrira que mutuza use la méthode
géométrique, comme un agriculteur. Et cette fonction
exponentielle résume la pensée de Mutuza sur la
constitutionalité du Les fondements culturels du
fédéralisme.
Ce réel est notamment la base d'une
fonction : la fonction exponentielle d'une variable x,
notée exp (x) ou ex. Cette
dernière est la fonction réciproque du logarithme
népérien, noté ln et défini en 1614 par le
mathématicien John Néper (+1617)(408(*)). L'évolution de la
variable y, ne dépendant que de celle de la
variable x, est déterminée par la résolution
de l'équation différentielle du premier ordre de type :
y' = dy / dx = ky
où k est un réel quelconque, et
de solution générale :
y = A.ekx. Ce nihilisme est à la
base du domaine de définition de E.
où A est la valeur particulière de la
variable y lorsque la variable x est nulle. Ce
nihilisme est la base flouée du domaine de définition de E.
v La base flouée et
propriétés de l'application du réel E dans la
connaissance de l'interprétation du pouvoir
Le nombre e intervient aussi dans la notation
exponentielle des nombres complexes. Pour tout complexe z, tel
que : z = x + iy
où i est le nombre imaginaire pur
tel que i2 = - 1, on a :
ez = ex.eiy
avec
eiy = cos y + i.sin y
En particulier, on a : ei p = - 1
(formule d'Euler).
Formule remarquable car elle met en relation e,
i et p, qui sont, tous trois, des nombres très particuliers et
nous définissent la reproduction des êtres dangereux d'un
système en nombres infinis.
D'autre part, le réel e est un
nombre irrationnel. Mieux encore, le mathématicien français
Charles Hermite (1822-1901) a établi en 1872 que le nombre e, est
un réel transcendant, à l'image du réel pi (p), dont
la transcendance n'a été démontrée qu'une dizaine
d'années après. Par définition un nombre est transcendant
s'il n'est pas algébrique. Le nombre e n'est donc la racine d'aucun
polynôme à coefficients entiers de quelque degré que ce
soit, autrement dit il n'existe aucun ensemble
d'entiers (an), où n est un entier
naturel, qui satisfasse à la relation :
Au XVIIIe siècle, les travaux
du mathématicien Leonhard Euler, associés aux apports du calcul
infinitésimal ont permis d'établir un développement en
série des fonctions logarithme et exponentielle. Dès
lors, e a été défini par la somme de la
série :
e = 1 + 1/2 ! + 1/3 ! +... =
Où n est un entier naturel ; e
est aussi égal à la limite de l'expression
(1 + 1/x)x, lorsque x tend vers
l'infini. C'est encore l'unique réel tel que :
Cette puissance exponentielle manque beaucoup aux Tutsi parce
qu'ils ne savent pas où ils sont étrangers, où ils ont les
devoirs ni moins là où ils ont les droits. Leur rencontre avec
les Bantu a créé des tensions graves et nourrit la
haine(409(*)). Les
Tutsi, comme groupe dirigeant, participent aux tensions du pouvoir,
spécialement à la tension entre pouvoir reconnu et le pouvoir par
contrainte. Ces deux formes sont toujours présentes et aucune structure
de pouvoir ne peut se maintenir en l'absence de l'une d'elles.
Beaucoup d'auteurs anthropologues, ethnologues et ethnographes
ont corroboré l'idée selon laquelle les Hutu ont reconnu la
seigneurie tutsie. Mais il est à noter que la reconnaissance tacite du
peuple se manifeste lorsqu'il raisonne ainsi : « Nos rois le
sont par décret divin et non d'une destinée historique. Cela ne
se discute pas, aucune critique n'est permise !il nous faut les accepter
parce qu'ils sont des dieux ». Mais comme les Bantu savent que
le roi est homme et non pas dieu, le roi devient de ce fait le
représentant du peuple. Et la reconnaissance tacite du peuple, chez les
Bantu, se manifeste lorsqu'ils raisonnent : « nos dirigeants
nous les avons choisis, sont nos représentants, maintenant il nous faut
les accepter aussi longtemps qu'ils détiennent légalement le
pouvoir, même s'ils en abusent ; autrement le système
lui-même s'effondrerait, avec les chances qu'il nous
donne ». C'est ainsi que les Tutsi au pouvoir se sentirent en
sécurité aussi longtemps que cette sorte de reconnaissance par
les Hutu, Bantu, leur était accordée subconsciemment, dans
l'éthique bantoue, ou semi-consciemment ou, pour parler de façon
métaphorique, tacitement.
Le rêve d'un tel royaume divin, à
caractère vocationnel créé est devenu dangereux pour le
système lorsque la reconnaissance par les Hutu, Bantu, est devenu
consciente et qu'il a fallu supprimer les doutes. C'est comme une
certaines fonctions dont la particularité est de
présenter à l'infini une allure très proche de celle d'une
droite appelée asymptote(410(*)). Lorsqu'un point situé sur la
représentation graphique de la fonction s'éloigne à
l'infini, la distance entre ce point et la droite asymptote tend vers 0. En
calculant le coefficient de cette droite, on peut tracer la courbe
associée à la fonction avec plus de précision. Par
exemple, la fonction f qui à tout x non nul
associe f(x) = x + 1/x a pour
asymptote en - 8 et + 8 la droite d'équation
y = x.
Puis, il est arrivé le moment où cette
suppression n'a plus eu d'effets et la situation révolutionnaire se
développa(411(*)). Il faut remarquer que, même dans une telle
situation, le pouvoir garde un caractère centré(412(*)) ou
hiérarchique : les porteurs de la situation révolutionnaire
forment un groupe des marginaux. Cela fait que s'ils sont économiquement
faibles, ils sont minoritaires. Par là ils décident de ne plus
accorder leur reconnaissance au groupe gouvernant. Marx les a appelés,
selon l'image militaire, l'avant-garde. Dans une situation
révolutionnaire, ils représentent le centre du pouvoir, au stade
prérévolutionnaire, ils forment le groupe qui gouverne. Cela fait
appel à l'indépendance comme principe de l'autonomie et de
l'affirmation de l'humain.
Section 3. Le concept
« indépendance » et l'équivoque mutuziste
§1. Indépendance du
premier genre ou affirmation de l'autonomie de l'Homme Noir
Ici l'appartenance s'effondre à cause de
l'insécurité et laisse la société s'enfermer
cherchant la place de l'individu au sein du groupe et la place du groupe parmi
les autres groupes. C'est ainsi que sous un premier aspect,
l'indépendance désigne, chez Mutuza, le processus par lequel
l'homme d'Afrique noire s'est progressivement affranchi de la tutelle d'une
colonisation qui lui avait servi de berceau. Après l'effondrement des
empires et royaumes antiques, en effet, la colonisation demeura la seule
institution capable d'assumer des tâches éducatrices. Fortement
charpentée en soi-même, héritière de la culture
antique qu'elle intégrait aux données de la civilisation, la
colonisation introduisit peu à peu les Hima-Tutsi dans l'héritage
combiné de la culture antique et du capitalisme et impérialisme
naissant. Elle joua ainsi un rôle de suppléance, sans
précédant pour elle(413(*)), et qui n'était pas fait pour durer.
Emancipation de la société traditionnelle par rapport à
une colonisation dans le domaine politique, culturel, social, économique
aussi, définit donc l'indépendance au premier sens du mot. C'est
à propos des biens des citoyens que les Représentants de la
Colonie Belge à la Table Ronde de Bruxelles utilisèrent à
leur profit un mot qui relevait du Droit belge et qui désignait en ce
cas le retour d'une colonie à son autonomie. Utilisé par les
Représentants en janvier et février 1960, ils exprimaient la
revendication que la « Nation » faisait valoir sur des
bien-fonds appartenant jusqu'alors à la Métropole. Il y a de ce
fait un certain relent polémique dans le nouvel usage de ce mot. En
effet, l'indépendance désigne toujours plus au moins le processus
au cours duquel les nations ou les hommes font valoir leurs droits propres et
leur inaliénable liberté à l'égard d'une instance
qui semble y faire obstacle ou qui réellement s'y oppose. C'est
l'autonomie légitime de l'homme et de sa société. Les
Belges évitaient, pour l'exprimer, le terme
d'indépendance historiquement conflictuel et culturellement
ambigu.
« Ce ne sont pas un peuple, ce ne sont que des
tribus. Laissons-les faire l'expérience pour nous permettre d'être
des modèles, disaient certains colons »(414(*)). « Ces primitifs
attachent trop d'importance au mot indépendance », ajoute
un autre colon. « Mais, Dieu est un mot alors que nous y croyons,
réplique un troisième »(415(*)). Il est très
difficile d'être clair dans l'approbation du meilleur, plus judicieux
aussi sur sa fragilité.
Beaucoup de ces problèmes sont d'abord
énoncés comme des hypothèses. L'exemple le plus frappant
est celui proposé par le physicien Amedeo Avogadro. La loi qu'il
énonça fut tout d'abord proposée comme hypothèse
par le physicien italien Amedeo Avogadro, en 1811. Les chimistes et les
physiciens italiens étudièrent cette hypothèse et, dans
les années 1850, grâce au chimiste italien Stanislao Cannizzaro,
la loi d'Avogadro fut universellement acceptée. La loi dit que dans les
conditions normales de température (0 °C) et de pression
(1 atm ou 101 325 Pa), une mole de gaz occupe un volume de
22,4 L (volume molaire) et renferme
N = 6,023 × 1023 molécules.
Cette loi demeura un paradigme en sociologie moderne pour justifier la
stabilité sociale et l'harmonie au sein des groupes. C'est la loi de
l'organicisme. Ce nombre est analogue à la conception de
l'indépendance au premier sens. Car la combinaison et la compression
donne autonomie aux gaz.
L'indépendance au second sens du mot justifie amplement
la sagesse avec laquelle la Table ronde intègre ici, sans
employer le mot, l'indépendance prise en son premier sens.
§2. Indépendance du
second genre ou réduction culturelle du contenu colonialiste et
impérialiste
Au second sens du mot, l'indépendance ne désigne
plus seulement chez Mutuza l'autonomie légitime de l'homme,
elle évoque au surplus le phénomène de
réduction dont le capitalisme et l'impérialisme est
l'objet. Si la colonisation, en effet, a réellement contribué
à l'édification de l'homme, cet homme, en prenant ses distances,
n'emporte-t-il pas avec lui des valeurs que la colonisation elle-même a
prônées ? Pensons au nationalisme, au front commun, à
la justice, à la vérité et même à la raison.
Il est tentant dès lors de penser que ces valeurs, constitutives de
l'humain, représentent à leur tour le seul contenu
important du capitalisme et impérialisme ou de la colonisation. Si
l'hypothèse est vraie, elle permettrait de dire que
l'impérialisme et le capitalisme -toutes ces expressions se valent ici
-est une institution (ou un moment) désormais dépassée.
Pédagogue et l'enfance de l'homme, témoin de sa jeunesse, elle
peut être rejetée comme inutile à sa majorité. Sans
doute, les choses sont-elles moins simples qu'il le parait d'abord, mais le
schéma évolutif se trouve dégagé. S'approprier
l'humain, promu, impliqué et en certains cas défendu par la
colonisation, c'est vider, pense-t-on, cette colonisation de la seule substance
qui a fait sa valeur. Le contenu du nationalisme aurait donc à passer
tout entier sous la seule maîtrise de l'homme et de l'humain. Ce furent
des penseurs allemands qui firent le succès d'une telle opinion et qui
lui donnèrent l'ampleur que nous lui connaissons désormais.
v Lessing
Lessing, dans ses Cent thèses sur l'Education du
genre humain, expliquait-il vraiment autre chose en 1780 ? Il
refusait les critiques purement négatives que Voltaire et les
Encyclopédistes adressaient ou avaient adressées à la
colonisation ; ils reconnaissaient que la colonisation avait appris
à l'homme par voie d'autorité ce que l'homme
désormais pouvait et devait s'approprier par sa seule
raison.
« A l'individu, explique-t-il,
l'éducation ne donne rien qu'il n'aurait pu tirer de lui-même,
mais ce qu'il aurait pu tirer de son propre fonds elle le lui donne plus vite
et sans d'aussi grands efforts. De même, la Révélation
(nous soulignons) n'enseigne rien au genre humain que la raison humaine
laissée à elle-même n'aurait pu trouver, mais par ce moyen
l'humanité a reçu et continue de recevoir l'enseignement des
vérités essentielles plus tôt qu'elle n'aurait pu l'avoir
par elle-même »(416(*)).
Pensant honorer la Tradition juive et chrétienne,
Lessing la réduisait au rôle d'avant-coureur ou de fourrier des
« lumières » nouvelles. Même
gardée au titre de stimulant culturel incomparable, la
Révélation proprement dite se noyait dans un mysticisme rationnel
tout humain. C'est ainsi que Mutuza, hégélien, n'a pas
manqué de comprendre Lessing en pensant que « le Congo que
la Belgique cède, à contrecoeur, aux Congolais le 30 juin 1960,
n'a, lui non plus, d'existence que formelle et fictive en tant
qu'Etat »(417(*)).
Lessing cependant n'est pas isolé : de
manière philosophique, Kant le frôle de près avec La
Religion dans les limites de la raison. Et Mutuza renchérit que
« en effet, d'une part, ceux qui n'ont appris à
connaître et à aimer l'Afrique que depuis cinq ans se disputent
à qui mieux l'honneur d'adresser à l'endroit du colonialisme le
réquisitoire le plus acerbe. Quant aux autres, ils ont des
intérêts trop enracinés dans la terre africaine pour qu'ils
la libèrent définitivement au son de la trompette entonnant son
hymne national ! Qui sont-ils ? »(418(*)).
Mais c'est Hegel qui donnera à l'indépendance du
contenu impérialiste sa forme philosophique.
v Hegel
Du point de vue philosophique, le seul qu'on ne dépasse
pas au regard de Hegel, l'incarnation n'est pas séparable de l'horizon
suprême qu'ouvre à nos yeux l'histoire réelle de
l'esprit. Dans cet ensemble où l'Orient, l'Egypte, Israël
et plus spécialement la Grèce, occupent une place de choix, le
Christ couronne un processus de maturation progressive de la conscience
authentique de soi. Apparue à la surface de l'histoire dans un individu
particulier -conformément au paradoxe de l'esprit
« absolu » qui ne redoute aucune détermination
singulière -, l'incarnation révèle à
tous le devenir destiné à chacun.
Dans ces homélies, Mutuza s'inspire de Hegel, dans
La vie de Jésus. Aucun individu humain ne saurait s'accomplir
en effet comme esprit et comme liberté, sans passer par le chemin de la
mort dont le Christ est la meilleure des représentations. La mort dont
il s'agit ici n'est pas la mort simplement naturelle, qui achève la vie
sans rien apporter d'autre que la pure suppression biologique. La mort,
nécessaire entre toutes, dont Jésus est l'exemple et le
révélateur, est celle de l'esprit ; elle implique
ou elle est une opération qu'on peut dire infinie,
dans laquelle la conscience accepte de passer par la contradiction, apparente
et réelle à la fois, que lui donnent les choses en leur
opacité. A ce prix, la conscience devenant la conscience de soi
découvre que ce qui apparaît d'abord lui échapper
relève en vérité de ses pouvoir. L'esprit, s'il veut
naitre à soi-même, n'a donc pas à craindre de se livrer
à l'objectivité du monde qui lui semble tout d'abord hostile,
étrangère et, pour tout dire, mortelle. « Ce n'est
pas cette vie qui recule d'horreur devant la mort et se préserve pure de
la destruction, mais la vie qui porte la mort et se maintient dans la mort
même, qui est la vie de l'esprit », explique Hegel en un
texte qui deviendra célèbre(419(*)). La vie de l'esprit pour l'indépendance du
second genre est présente dans la philosophie de Mutuza :
« Le chef de chacune de ces ethnies avait conclu
indépendamment des autres chefs des contrats avec les membres de l'Etat
Indépendant du Congo. Ces ethnies, par ailleurs, avaient très peu
de contacts entre elles et se considéraient comme souveraines et
indépendantes les unes des autres. L'Etat Indépendant du Congo
était donc composé d'une multitude de
« nations » indépendantes, mais désormais
soumises à un monarque, Léopold II, roi des
Belges »(420(*)).
Le mystère du Christ conduise Mutuza à creuser
les conditions requises à la vie de l'esprit. Il s'avère
essentiel à la mission civilisatrice d'aider les hommes noirs à
découvrir et développer toutes leurs dimensions humaines. Le
philosophe, en sa recherche des profondeurs ultimes de l'esprit et de la
liberté, ne pouvait échapper à une si heureuse influence.
C'est pourquoi la démarche de Mutuza de type hégélien est
l'écho qui nous rappelle un aspect liminaire qui ne peut que
réjouir et parfois fasciner tout révolutionnaire. A une
condition, toutefois : que le fait de s'inspirer de la culture
n'en vienne pas à l'altérer, en en
réduisant l'initiation à des mythes. Cet art de
réduire la mission civilisatrice de la colonisation aux seules
dimensions de l'esprit ou du vouloir humains, si sublimes qu'ils soient,
représente l'essence même de l'indépendance du second
genre(421(*)). Dans ce
contexte Léopold II est un confirmatur d'une idéologie
politique ou sociale.
Or à travers Mutuza, qui le trahit peut-être mais
qui se donne cependant comme son héritier, et qui l'est, Marx a
exercé et exerce encore une influence décisive dans les
infra-structures culturelles de l'indépendance. La trahison de Mutuza
vient à juste titre de celle de Marx à Hegel dans le domaine de
la sécularisation de la foi. C'est pourquoi il ne nous importe pas
cependant d'analyser ce type de trahison en son principe même et de
saisir sur le vif son écart initial par rapport à
l'incarnation(422(*)).
Aucune hostilité de la part de Mutuza qui veut protéger l'apport
de la colonisation.
Les nouvelles affirmations du pluralisme des valeurs qui,
toutes, prétendent à l'authenticité, soit sous une forme
réflexive, crée un désarroi dans la mentalité
occidentale, habituée à penser selon les normes d'un
système monothéiste. Les philosophies de Hegel et de Marx sont
des vestiges de cette manière habituelle de penser, parce qu'elles
essayent de réduire à un principe ou à dieu unique,
à savoir l'Esprit chez l'un et la matière (Economie) chez
l'autre, la variété et diversité infinie des
phénomènes humains et sociaux. Le polythéisme resurgit
avec toutes les tribulations qui sont les conséquences d'un antagonisme
irréductible des valeurs. Les théories des valeurs sont
arrachées par la sociologie ; chaque valeur affirme son autonomie
et entre en concurrence avec les autres, d'où d'inévitables
conflits dans la mesure où chacune prétend nourrir un nouveau
prophétisme. A la différence du polythéisme antique qui
demeurait sous le charme mystérieux des dieux et des démons mais
le monde actuel, sous l'effet d'une rationalisation et d'une
intellectualisation croissantes, est un désenchanté,
désorienté, dépoétisé.
Mutuza pense que tôt ou tard, la conduite
occidentale peut révéler sa propre anomalie. La tentation ayant
grandi de confondre l'impérialisme avec la seule colonisation dont il a
favorisé l'éclosion, la tentation de liquider
l'impérialisme même se présente à son tour. C'est
une troisième étape qui marque la fin du processus
d'indépendance, si elle est mal protégée du pouvoir
réducteur dont elle n'est pas exempte. Encore qu'il eût
lui-même rejeté avec horreur une expression
« culturaliste », Mutuza qui, comme Nietzsche qui eut la
nausée l'expression « théologique », est un
des représentants idéal de ce troisième type
d'indépendance qu'il souligne.
§3. Indépendance du
troisième genre ou abolition désirée de la
civilisation
On sait combien l'auteur des Réflexions d'un
séminariste autour des événements des années 60
eut l'ambition de supprimer la colonisation, souvent identifiée par
lui avec les derniers avatars de la science coloniale(423(*)). Férocement
lucide sur une vision du monde qui s'estime, par moments, comme Nietzsche,
capable de détruire, il se bat contre elle non sans ressentiment comme
si, nouvelle tunique Nessus(424(*)), elle lui tient encore à la peau.
Nietzsche a proclamé la fin de ce « rien », de ce
nihil, qu'est devenue l'Europe, infestée par la passivité
chrétienne ; il ne peut s'empêcher de revenir à
travers le visage de l'enfant dont il envie l'innocence et le jeu, sans pouvoir
le retrouver lui-même. Par delà Dionysos et Ariane, aussi
mythiques que l' « éternel retour », ce nostalgique
de la Grèce demeure, au fond de l'Engadine, un chrétien de
naissance épris de Celui qu'il combat, faute de pouvoir, à sa
manière, le remplacer(425(*)). Haïssant Paul, qu'il défigure tout
autant que Socrate, en raison de la croix où Jésus le
déçoit, Nietzsche espère anéantir la foi
chrétienne en s'apprenant à ses déformations. C'est par
là que Mutuza le rejoint, lui qui représente
l'indépendance du troisième genre, qui n'atteint l'au-delà
de la Révélation qu'en s'assurant d'abord du moment
négatif de sa liquidation. Ainsi pense Mutuza de
l'indépendance ; à moins qu'il ne s'acharne comme Nietzsche
lui-même, à caricaturer une mission civilisatrice inhérente
à la colonisation et qui devait définir la vie des peuples
autochtones(426(*)).
Voyez ces Tutsi, déclare Charles Djungu-Simba
dans un journal(427(*)),
bien qu'ils soient nos ennemis, passez près d'eux en silence et
l'épée au fourreau. Attention cependant de ne pas
« se souiller », « si l'on s'en
prend à eux ». Ils passent pour des bergers, ce sont
seulement des moutons : ils suivent un « Sauveur »
dont il faudrait les délivrer ! Projet d'ailleurs insensé,
car ils ont fait de leur captivité la condition de leur puissance ;
leur désistement est devenu la source d'un empire sur ceux dont ils
cultivent ainsi la maladie. Le salut qu'ils proclament dans « ces
cavernes embaumées qu'ils appellent murenge consiste à consentir
à ce qui nous détruit. La guerre est donc pour eux le
maître-mot, c'est leur maître tout court. N'ont-ils pas dû
apprendre à dire « non » à tout ce qui
mérite un « oui » ?, dit C. M.
Overdulve(428(*)).
D'où vient donc que des hommes qui ont
altéré à ce point « la plus pure doctrine,
soient devenus si convaincants ? Certes ils sont « pleins
d'astuce » mais la meilleure raison se trouve dans le fait que
« jamais encore il n'a existé de Surhomme », dit
Nietzsche ; ils ont donc exploité les penchants trop humains, qui
ont fait l'homme religieux. L'homme, ou plutôt cette forme de l'homme
qu'il faut à tout prix dépasser, est un être en effet qui
s'est cassé en deux et qui a construit « Dieu » avec
la moitié de lui-même dont il s'est alors
dépouillé.
Mutuza emprunte Nietzsche ici. Il n'est pas d'ailleurs loin de
Feuerbach qui a lancé, le premier, cette généalogie
réductrice de la « culture ». Mais alors que Marx a
transposé l'idée de Feuerbach sur le terrain
économico-social, Nietzsche, lui, l'a maintenue dans le domaine
psychologique, comme le fait Mutuza lui-même à la suite de Freud
dans L'avenir d'une illusion. De toute manière, Mutuza croit y
trouver la raison du succès « remporté » par
les Tutsi. Le Tutsi réussit parce qu'il s'arroge une fonction de
médiateur, qui dispense les hommes d'exister par eux-mêmes ;
il prend ainsi la place lâchement délaissée par chacun en
soi-même et falsifie en justice ce qui n'est qu'une abdication.
Marx, dans les Manuscrits de 1844, avait
félicité Adam Smith d'avoir été comme un nouveau
Luther qui a intériorisé le sacerdoce dans le croyant
lui-même, comme Smith avait intériorisé la richesse dans le
travailleur ! Mutuza, lui entend anéantir toute trace de
« Tutsi » dans la RD Congo. La médiation en tant que
le fait de devenir soi-même grâce à une relation
constitutive à un autre que soi, était valable pour Luther, comme
elle l'est pour Hegel(429(*)) à condition qu'elle se résorbe
finalement dans la liberté du croyant. Pour Mutuza, cette
médiation doit être à tout prix supprimée, de
quelque nature qu'elle soit(430(*)).
C'est par le doute effrayant sur soi-même qu'elle peut
provoquer et non pas par les fins délirantes au service desquelles elle
se trouve liée, que la critique mutuziste du colonisateur entre dans les
composantes culturelles de la « crise » que nous analysons.
En effet, à la faveur d'une « mission civilisatrice»
qui les mettait au contact immédiat et brutal avec le milieu ouvrier,
bien des colons ont découvert tout d'un coup, en eux ou dans l'action
civilisatrice, des défauts ou des manques profonds sur lesquels ils
avaient pu s'illusionner. Ils avaient pu le faire, faute d'avoir
réellement rencontré la partie non lettrée des
autochtones, qu'ils ont rejetés sans en avoir alors été
conscients. En rejoignant sur le terrain des hommes façonnés par
leur refus de la « civilisation », nombre de colons
entrèrent dans une auto-critique d'autant plus radicale que les
« valeurs », rencontrées chez leurs sujets, souvent
devenus amis, semblaient rendre inutile la « mission » dont
ils étaient porteurs. Même s'ils ignoraient totalement le
bestiaire burlesque imaginé par Nietzsche pour ridiculiser les attitudes
qu'il prêtait aux primitifs, tel ou tel colon de
« mission » en venait à se voir comme bête de
somme, `âne' ou « chameau », précise
Nietzsche(431(*)) -qui
aurait consenti à se voir « bien » chargé.
Mutuza va dans cette même ligne : refus de l'enfance, transformation
en « lion », par rapport à leur propre passé.
Ainsi pouvait-ils déchirer à belles dents leur
précédente identité et
« conquérir » la « liberté et le
droit sacré de dire non » à ce qui leur avait paru tout
d'abord un « devoir ».
Eblouis par des modalités nouvelles que revêtait
l'humain, meurtris par les contradictions auxquelles l'exposait leur
« mission », certains, mais non pas tous, se
laissèrent convaincre que l'authenticité de l'Homme noir et la
fidélité de le servir ne pouvaient plus passer par cette
civilisation qui avait vu en eux des délégués de sa
présence. Les années 60 furent cette prise de conscience de
l'abolition désirée de la civilisation et de colonisation.
Conclusion : Refonte
nécessaire de tels présupposés mutuzistes
Comment se libérer d'une vision politique qui
considère comme un dogme l'opposition de principe qu'elle a peu à
peu établi entre la culture et la civilisation dans le domaine de
l'anthropologie et de la science coloniale, sans s'affranchir des
présupposés dont cette vision résulte, des interdits dont
elle est obérée ?
Remarquons tout d'abord que cette distinction est la
dernière étape d'une longue dérive au cours de laquelle la
vision politique de Mutuza devenue la nature qui
apparaît étrangère ou hostile au mystère de
l'humanité qui cependant la fonde. Livrée dès lors
à la seule compétence du savoir et du pouvoir humains, la vision
politique est elle aussi entièrement enfermée sur soi. Comme elle
est la condition sine qua non de l'histoire, elle entraîne dans
l'histoire le mutisme de l'humanité. Le moindre signe que l'on pourrait
trouver d'elle en elle, détruirait la parfaite immanence que le
Mythe Hima-Tutsi ainsi construit dans la colonisation entend
s'attribuer.
Dans sa charpente, la philosophie de Mutuza constituait le
paysage que nous inspections dans cette partie de notre dissertation. Son
relief est rempli de montagnes caillouteuses du fait que Mutuza aborde beaucoup
de thèmes dans son acception du concept d'appartenance, qu'il n'utilise
d'ailleurs pas. C'est pourquoi sa cartographie laisse à désirer.
Comme philosophe, Mutuza a ouvert la voie vers une autre façon de
concevoir la philosophie de l'histoire et sa vision de la culture. Il a
contracté pour cela une dette envers la culture lega qu'il donne en
paradigme. Suivant notre avertissement nous étions entrés dans
une jungle de problèmes et de confusions, mais partout nous avions vu
comment en sortir : à savoir grâce à une
herméneutique de l'oeuvre de Mutuza soumise à la
réévaluation des concepts telle que l'on le rencontre chez
Musey.
Le concept d'appartenance dans la Problématique du
Mythe Hima-Tutsi explique cette herméneutique du
phénomène humain à l'occasion d'un essai
d'interprétation de la culture. Deux conséquences marquent alors
sa pensée: le refus de définition et le maintien de
concept. Du coup en effet l'universalité du concept devient une
nécessité linguistique. Dans sa tentative de concilier
définition et concept, il a abouti à deux conceptions dont l'une,
le refus de définitions crée la confusion mais maintient le
concept ; et l'autre, le maintient de concept crée de
définitions, mais maintient la confusion.
v Refus de la définition
La dernière conséquence de cette
réflexion laisse Mutuza sans voix à cause de son refus de
définition. On cherchera en vain une théorie de philosophie
politique chez Mutuza : le refus de définition est en même
temps le refus de théorie parce que l'on ne peut avoir l'une sans
l'autre. Mais il ne s'agit pas ici d'opposer un fait à un raisonnement,
il s'agit plutôt de savoir si ce fait est pensable, exprimable
rationnellement. C'est ce que peuvent faire tous ceux qui tenteront de rejeter
la philosophie politique de Mutuza. Ils auront à contester au
départ qu'une définition puisse se réduire à la
connaissance de l'objet, un fait à son explication dans laquelle on peut
analyser après coup ; et ils auront opposé, en somme, une
expérience vécue au langage conceptuel dans lequel on la
traduit.
Mutuza se montre plus prudent devant le problème de
concept. Il se contentera de l'admirer, comme l'oeuvre du langage qui ne
violente pas les confusions. Il signifiera pour lui la certitude d'une
réelle appartenance qui est acquise dans l'ordre social, mais qui laisse
aux confusions individuelles la possibilité de s'y soustraire. C'est une
jungle nominale. Dans cette jungle il y a conflit des
valeurs conceptuelles: démocratie (procédurale et
déontique ou substantive et conséquencialiste) et droit de
l'homme, la confiance aux voisins (communauté internationale) et la
garde des frontières (souveraineté nationale). De là nait
ce qui est forcé (armée), forcé, cela doit aussi garder
son identité (contrôle). Autrement ce n'est pas forcé mais
détruit. Dans ce contexte le temps entropologique se découvre
dans les mots dont Mutuza se veut sans fausse modestie l'éclaireur.
Aux questions des mots, le concept d'appartenance ouvre la
formulation du mythe Hima-Tutsi et son argumentation par la science coloniale.
Mutuza réoriente la philosophie en dénonçant
l'appartenance forcée des Tutsi sur les terres congolaises et l'erreur
des anthropologues et philosophes de la science coloniale de vouloir confirmer
l'assimilation des Tutsi à la nation congolaise. Il annonce une
ingénierie sociale hors de tout utilitarisme, mettant en garde la
tendance onusienne de faire le bien en forçant les Congolais
d'être heureux. Il montre la vraie philosophie de l'appartenance et la
perpétuation du mythe comme une tâche philosophique
préalable.
v Nominalisme
méthodologique
De là nait le nominalisme méthodologique. Les
définitions ne doivent pas occulter la valeur que la clarté
apporte. L'identité du mythe Hima-Tutsi réside dans la
définition (précision d'une équité successorale des
dynastes) plutôt que dans la clarté (de la limite par une
succession dont la mort ouvre la voie). Ce qui ramène à la
conception instrumentale du mythe et à l'association de la
théorie des ensembles et des nombres mathématiques, du cycle de
l'octave et du nombre ð (p), passant par le nombre d'or et l'ouverture
à la tablette de calcul babylonien. C'est l'effort d'une hygiène
philosophique de l'anthropologie traditionnelle. Mutuza est optimiste.
Optimiste, à cause de son antihistoricisme et à cause de son
acceptation de la philosophie en tant qu'une vie, un genre de vie.
L'optimisme mutuziste dans la résolution du conflit
Hutu-Hima-Tutsi révèle la problématique de l'appartenance
culturelle. Ce qui justifie l'étude de corrélation et
correspondance culturelles avec la fonction exponentielle dans la logique
mathématique.
C'est un travail qui ouvre le mythe Hima-Tutsi à
l'idéologie d'un royaume centralisé. Conception difficilement
conciliable avec la problématique de la démocratisation des Etats
modernes. Car les Tutsi ne se connaissent jamais étrangers dans une
terre étrangère. Ils ont la turpitude de ressembler à des
animaux de leur activité. La vie humaine étant
inféodée à celle d'un boeuf, l'homme n'a de sens que dans
sa vie biologique c'est-à-dire temporelle. Ce qui est tout à fait
le contraire de Muntu qui voit la mort ouvrir un autre genre de vie. La mort
devient un lien avec la vie et non pas une chaîne(432(*)).
L'histoire qui fonde l'anthropologie mutuziste est une
ingénierie sociale antihistoriciste qui nous oblige à appartenir
à des valeurs plus élevées. Cela à la seule
condition que chaque groupe ne se ferme pas sur ses certitudes, ses
préjugés et ses idéologies. Cela implique que le statut
d'étranger soit accepté et respecté sans voile ni honte de
peur que n'éclatent pas des conflits.
L'unification, à partir d'un état de philosophie
ethnologique de l'organisation sociale antihistoriciste, témoigne
déjà d'une élévation vers une condition historique
d'une teneur considérable. La révolution philosophique de Mutuza
prépare l'effondrement du système politique qui existe.
Deuxième partie : Rétablissement du comput éthique du
temps anthropologique
«Tous ceux qui se querellent disent qu'ils sont dans
leur droit. Ils prennent, cependant, plus de droit que ce à quoi ils ont
droit, et c'est pourquoi ils sont constamment en
désaccord. »
(Père Païsios, Lettres, p.189)
« Vouloir le règne de la loi, c'est
vouloir le règne exclusif de la raison ; vouloir, au contraire, le
règne d'un homme, c'est vouloir en même temps celui d'une
bête sauvage, car l'appétit irrationnel a bien ce caractère
bestial, et la passion du pouvoir fausse l'esprit des dirigeants, fussent-ils
les plus vertueux des hommes »
(Aristote, La Politique, II, 16)
INTRODUCTION
L'oeuvre de Mutuza est un discours qui se trame autour des
Grands Lacs(433(*));
elle s'inscrit dans une noétique à dessein brouillée et
accidentellement embrouillée. Il est tributaire d'un polycentrisme
à la fois indécis et imprécis dont les points de jointure
demeurent a-syntoniques en raison des intentions voilées des auteurs.
Loin d'être un discours polyphonique et implicite, il s'avère
être bien plutôt un discours disjonctif.
Mutuza est d'abord un professeur. Avant d'aborder sa
pensée personnelle et la manière par laquelle il parle aux Tutsi,
avant même de le voir dans ses contacts avec le milieu intellectuel de
son temps, il a fallu le situer dans son milieu véritable qui est la
communauté universitaire. Nous avons vu par sa vie que Mutuza avait
été prêtre, professeur et homme d'Etat : toute sa vie
s'écoule dans ces fonctions cérébrales. A cet
égard, son oeuvre plonge dans le milieu socio-politico-intellectuel. Il
est intéressant de l'envisager sous cet aspect, en voyant ce qu'elle
nous apprend de la vie socio-politico-intellectuelle de son temps et ce que
lui-même en pense à propos du vocable de la raison ambiante
Pays des Grands Lacs.
Dans cette partie, nous abordons la critique de cette raison
ambiante Pays des Grands Lacs, qui s'explique par l'analyse du temps
entropologique chez Mutuza, [- telle que Ngoma Binda l'a découvert, bien
qu'avec plein de contradictions dans son article : textes écrits
« sur l'histoire des peuples des Grands Lacs » et
« même si ces textes (épars et conçus,
chacun, dans des contextes différents et pour des objectifs tout
différents) ont été regroupés sous
l'intitulé générique d'Ethique et
Développement... »(434(*)) ] - et enjeux éthiques,
processus de séparation et de réunion entre l'historicisme et la
prédiction,- comme -comme d'ailleurs ignoré par le même
Ngoma Binda dans son analyse sur l'oeuvre de Mutuza. C'est une question
liée au langage et qui se mêle à un mythe tissé par
un certain nombre de préjugés phénotypiques.
La raison ambiante ouvre la continuité et la
discontinuité entre le monde végétal, le monde animal
(valeurs matérielles) et le monde humain (valeurs intellectuelles et
morales) dont le mythe Hima-Tutsi explique la divinisation du second, animal,
par l'expression libre et naturelle en rapport avec un constructivisme
néocolonialiste renfermé dans les poèmes dynastiques du
Rwanda.
Les poèmes dynastiques du Ruanda décrivent
l'histoire, dans son sens premier, du grec dont la racine désigne
l'action de voir: éóôïñ
(l'histor) est celui qui a vu ou, si l'on veut, un témoin et ce
qu'il peut ajouter à sa propre expérience n'est qu'un autre
témoignage au deuxième degré, comme soulever à
l'introduction générale. C'est déjà là
l'ingénierie sociale. Nous avons à ce stade le devenir, l'image
et l'étreinte.
Les paléontologues, les ethnologues, les
géophysiciens, les biologistes et les anthropologues sont clairs
là-dessus : avec le devenir, le processus d'évolution
biologique, qui va de l'apparition de la première cellule vivante
à l'émergence de la conscience chez l'Homme, s'étend sur
des milliards d'années, en regard desquelles la progression qui va des
Mammifères supérieurs à l'être humain semble infime,
aussi bien par sa durée que par le nombre relativement limité
des modifications anatomiques et biologiques auxquelles elle correspond. Ce qui
fait appel à la notion de race(435(*)).
Cependant, les rapports de l'homme (histoire) avec les animaux
( prédiction et l'ingénierie sociale) sont fondés, depuis
la préhistoire, sur un antagonisme initialement lié, pour les uns
et les autres, aux nécessités de la survie. L'Homme,
attaqué par les animaux, depuis les temps les plus reculés, a
dû se défendre. D'autre part, il lui a fallu pratiquer la chasse
pour assurer son existence. Les techniques qu'il a inventées, de plus en
plus perfectionnées au fil des âges, lui ont permis d'assurer sa
suprématie. C'est ainsi que, très tôt, le Chien a
été domestiqué et dressé par l'Homme pour l'aider
à capturer ses proies. Plus tard, l'élevage (tel que l'on le
rencontre chez les Tutsi) ayant remplacé la chasse, c'est des animaux
encore que devait dépendre la subsistance de l'être humain -
surtout celle des Tutsi qui ne s'en « nourrissent presque
pas ».
Etant donné la dépendance totale dans laquelle
ils se trouvent par rapport aux animaux, l'Homme se devait de traduire cette
situation dans ses croyances religieuses et ses mythes. Les ethnologues ont
d'ailleurs observé la présence privilégiée de
l'animal dans toutes les mythologies des peuples
« primitifs »(436(*)) existant encore aujourd'hui. Ce processus de
divinisation marque le début de la rupture entre l'humanité et le
règne animal, l'animal divinisé devenant finalement
étranger à l'Homme.
Les exigences de rentabilité augmentant à
travers les siècles jusqu'à devenir la motivation essentielle de
toute activité humaine, la rupture acheva de s'effectuer quand l'Homme
fut amené à considérer les bêtes comme des objets
utiles ou nuisibles qu'il s'arrogea le droit d'entretenir ou de détruire
selon ses besoins. Aujourd'hui, le milieu artificiel créé par la
société industrialisée implique une ignorance totale du
monde naturel, au détriment duquel l'Homme a longtemps cru pouvoir
développer sans risque une vie urbaine hypertrophiée, dont la
seule finalité semble désormais être sa propre
expansion.
Cependant, il n'est plus possible de douter que la
destruction d'espèces végétales ou animales(437(*)) ne perturbe
profondément l'équilibre écologique du monde vivant, dans
lequel chaque élément est nécessaire à la survie de
l'ensemble, c'est la théorie fonctionnaliste. Aujourd'hui, l'Homme est
amené à reconsidérer sa position au sein de la nature. Les
travaux des naturalistes et fonctionnalistes ont montré que les liens
qui rattachent l'Homme aux animaux supérieurs ne relèvent pas
simplement de la biologie, mais qu'ils s'étendent au domaine
psychologique. Entre l'instinct animal et l'intelligence humaine, il n'existe
pas de rupture radicale, mais une succession de stades évolutifs au
terme desquels se situe l'apparition de l'Homme, c'est encore le
caractère mathématique dont la succession renvoie au nombre
ð.
Les trois éléments constitutifs de cette
deuxième partie, tirés de l'analyse mutuziste des poèmes
dynastiques, apparaissent clairement : les techniques et les structures
socio-économiques et linguistiques où on traite de
l'activité banyarwandaise. On trouve, comme second
élément, la poésie dynastique du Ruanda et les valeurs
qu'elle défend et dont le manque de correspondance et corrélation
entre les ethnonymes (Hutu - Tutsi - Twa) et du glossonyme kinyarwanda laisse
bien percevoir le temps entropologique. Le troisième et dernier
élément se situe dans la problématique de
l'intégration et de la diffusion même du mythe de l'appartenance
autour de la vache et le peuple du mythe, les Tutsi.
Chapitre cinquième :
TECHNIQUES ET STRUCTURES SOCIO-ECONOMIQUES ET LE MYTHE DU KANYARWANDA L'ANCETRE
DES BANYARWANDA
Introduction
Mutuza a commencé par l'analyse des structures
technico-sociales pour comprendre les populations hima-tutsies. Dans cette
analyse certaines corrélations apparaissent clairement et il en est
arrivé à ouvrir le temps entropologique pour la meilleure
compréhension de la problématique du mythe hima-tutsi.
L'identité et l'appartenance en ont imposé une certaine habitude
qui se forme dans le temps historique que nous appelions
çèïò. En arrivant à ce point
de la formation d'une habitude dans le temps, les enjeux éthiques et
sociaux imposent leurs structures et deviennent des faits sociaux réels
dont les techniques ne sauraient expliquer les diversités politiques et
sociales que voile l'ancêtre Kanyarwanda chez Banyarwanda. S'il est
aisément perceptible que les techniques enseignées par
Kanyarwanda à ses descendants depuis le début de leur origine,
comme d'ailleurs celle de toute l'humanité, jusqu'à nos jours,
sont passées des formes les plus simples aux systèmes les plus
complexes, l'organisation des sociétés qui les ont
utilisées ou qui les utilisent n'apparaît pas avec une
évidence aussi nette.
Certes on comprend que les hommes qui conçoivent et
fabriquent aujourd'hui des avions, des computeurs, des machines
électroniques ou des fusées spatiales ne soient pas
organisés de la même manière que les hommes qui taillaient
la pierre pour en faire des outils et des armes. Mais entre ces deux exemples
dont la complexité bien connue de l'un n'a pas pour corollaire la
simplicité que l'on serait tenté de prêter à
l'autre, se situent une infinité de système où les
rapports entre les techniques et les structures socio-économiques
peuvent varier selon l'ancêtre qui les enseigne. C'est pourquoi nous
nous proposons d'étudier dans ce chapitre les hypothèses des
différences structuro-sociales entre les Bantu entre eux d'une part et
de l'autre part entre les Hutu et les Tutsi selon J. Maquet, Th. Papadopoulos
et R.E. Mutuza ; nous analyserons l'unité familiale et le
problème d'ascendance, et enfin, l'évolution des systèmes
dans le contexte mutuziste.
Section 1. De la
différence chez J. Maquet, Th. Papadopoulos et R.E. Mutuza (438(*)) Face au Kinyarwanda comme mythe
unificateur d'une société atomisée
§ 1. Correspondance et
corrélation technico-structuro-économiques
Un fait nous dérange dans la compréhension de la
structure des systèmes des peuples de l'étude que nous menons
ici. Comment est-ce possible que jusqu'à aujourd'hui aucune recherche
n'a trouvé quelque trace d'idiomes des Batutsi ? Ou encore, il est
connu que les femmes tutsies étaient données comme
épouses, à leur arrivée, aux baame des royaumes des Bahutu
et que comme femmes, comment est-ce qu'elles n'aient pu jamais rien apprendre,
comme élément de leur langue, à leurs maris à qui
elles ne donnassent, selon certaines sources, que des enfants adoptifs ?
Quelle correspondance et corrélation dans une telle
société atomisée ? C'est dans la structure sociale
que se présente bien la connaissance d'un peuple, et cette connaissance
n'est possible que par l'analyse du temps entropologique. Le temps
entropologique, lui, ouvre la voie de la correspondance et de la
corrélation entre les structures technico-économiques.
Pour comprendre la correspondance et la corrélation
technico-structuro-économique nous devons recourir aux théories
mathématiques dont les nombres439(*) traitent des différences et que, parce qu'aux
éléments différentiels d'une langue la dénomination
des outils accuse une différence technico-structurelle. La
différence étant l'absence de similitude (entre au moins deux
éléments ou deux personnes), on parle d'une différence
fondamentale. Elle peut aussi être un aspect ou un attribut distinctif
entre au moins deux éléments ou deux personnes ; c'est
pourquoi certains généticiens peuvent déclarer que la
différence entre les deux races est une différence
spécifique. En éthique et en politique on cherche le
caractère original par lequel on se distingue des autres, c'est pour
cette raisons que les partisans de la démocratie sociale parlent de
droit à la différence ; ils voient en ce sens l'écart
quantitatif (entre au moins deux valeurs).
R. Descartes, à la différence de J.
Locke(440(*)), est de
ceux qui nous obligent de comprendre la différence selon la loi
infinitésimale441(*). Pour lui, les différences finies sont une
branche des mathématiques qui étudie les différences entre
des paires successives de nombres ; elles nous laissent découvrir
les résultats de cette discipline utilisés dans de nombreuses
applications(442(*)). Il
considère, par exemple, la formule
yn = 3n - 1 qui donne pour
n = 1, 2, 3, ... la progression arithmétique 2,
5, 8, 11, 14, ... ; les différences entre les paires
successives sont 5 - 2 = 3,
8 - 5 = 3, ... La suite de nombres et la suite des
différences sont souvent écrites :
La formule
yn = n2 - 3n - 2
donne pour n = 1, 2, 3, ... les nombres de la
première ligne du tableau suivant :
On peut montrer que, si les y sont
déterminés par un polynôme de degré n,
leurs différences ne sont constantes.
Réciproquement, si les différences ne
d'une suite de y sont constantes, la suite peut être
engendrée par un polynôme de degré inférieur ou
égal à n.
Pour une fonction dont on ne connaît qu'une partie des
points (x1, y1),
(x2, y2) ... de sa courbe
représentative, le tableau des différences finies, avec les
estimations des erreurs, peut être utilisé pour déterminer
les coordonnées d'autres points de la courbe (par interpolation et
extrapolation), ainsi que des valeurs approchées de la
dérivée de la fonction en différents points, ou
d'intégrales définies de la fonction pour divers intervalles
d'intégration.
On peut parfois créer une suite de y
grâce à une formule récursive, c'est-à-dire une
formule qui exprime yn à l'aide d'un ou de plusieurs
de ces prédécesseurs. Par exemple, si yn est
le nombre de façons de naturaliser au moins une personne dans un pays de
n naturalisés de telle sorte que deux personnes n'occupent
jamais deux pays voisins, on peut démontrer que
yn = yn-1 + yn-2 + 1,
avec y1 = 1,
y2 = 2. Les différences finies peuvent
être utilisées pour « résoudre » de
telles équations, c'est-à-dire pour trouver une fonction qui
permet d'exprimer yn en fonction de n. Dans cet
exemple(443(*)) :
où est le coefficient binomial défini par
Suite à ces opérations mathématiques
complexes, Mutuza qui, comme un avorton parmi les maîtres comme J.
Maquet, Papadopoulos, Baumann et Westermann, etc. est arrivé à
trouver la base de la différence culturelle, dans son La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, en ressortissant les
éléments technico-économique pour comprendre
l'organisation politique après l'éclatement de petits royaumes en
un unique Rwanda comme le clame ce poème dynastique:
« Il fut en butte à une opposition
inouïe
Mais ses victoires furent sans
nombre
Il fit trembler les adversaires
Et rassembla bien des pays en
un seul,
Les fusionnant en son unique Ruanda »
(P. 171, p. 102)
Le but premier de la recherche de la correspondance et
corrélation est d'élever l'équivoque de la science
coloniale sur la problématique de la séparation et de la
réunion de deux peuples aux origines différentes et aux
systèmes politiques presque opposés.
Après une lecture attentive des auteurs qui ont
traité de ce sujet, nous pouvons avoir une meilleure
compréhension de la théorie de différence entre ces
peuples ou atomes socioculturels. Ces auteurs ne mentionnent nullement le mot
tutsi avant l'éclatement des royaumes hutu du Ruanda
anciens. Baumann et Westermann disent qu'il s'agit d'
« une région ethnologique d'un caractère assez
uniforme s'étend(ant) entre la chaîne des lacs Albert-Edwart, Kivu
et Tanganyika, d'une part, et le lac Victoria-Nyanza avec le Kaguera et le Nil
à l'Est, d'autre part. Une partie du pays est une région
élevée, montagneuse, très fertile qui comprend l'Ourundi,
le Rwanda , le Kiziba, l'Ankolé, le Toro, l'Ounyoro, l'Ouganda et
l'Ousoga (..) Le pays entier a été submergé par une vague
d'immigrants chamites orientaux, éleveurs de gros bétail, venus
probablement du pays des Gallas dans le Nord-est (...) Cette couche de nobles
constituait aussi une unité ethnique répandue dans tout le cercle
et qui s'opposait aux assujettis ; le centre politique fut jadis le grand
Etat de Kitwara (ou Kitara) qui formait le point d'appui de
l'organisation »(444(*)). Ici les auteurs nous préviennent
déjà contre le danger de confusion qui règne entre race et
ethnie. On comprend que le terme tutsi fut plus ethnologique que racial. Parce
que ce n'est que « plus tard, l'état se disloqua et des
royaumes indépendant furent créés dont les plus importants
furent ceux de l'Ouganda, de l'Ounyoro et le Karagwé. Les seigneurs
chamites s'appellent selon les états : Hemas, Himas, Houmas,
Toussis, Hindas, etc. »(445(*)).
Nous tâchons d'illustrer les notions qui
précèdent par l'examen comparatif des populations relevant d'une
même aire linguistique, si pas d'une même langue l'une de l'autre
dans l'espace et dans le temps, lesquelles sont entre autre absolument libres
d'influences réciproques. En attendant d'illustrer les mêmes
notions à base de données plus universelles nous nous limiterons
à la corrélation des peuples et cultures
représentées par deux civilisations : agricole et pastorale.
C'est là la tâche des théories mathématiques des
différences.
Il est d'ailleurs couramment connu que la civilisation
chamitique orientale de l'Afrique est essentiellement une civilisation
pastorale, « les immigrants Chamites ayant conservé
intacte (selon Papadopoulos) leur tradition d'éleveurs de gros
bétail, laissant aux peuples bantous soumis et incorporés dans
les royaumes qu'ils ont fondés les occupations agricoles qui leur
étaient propres »(446(*)).
Papadopoulos épouse l'avis de Baumann et Westermann sur
la garde en pureté de la civilisation pastorale perpétuant d'une
manière remarquable leur hiérarchie sociale traditionnelle et
organisant les Etats fondés par eux sur le modèle absolutiste et
théocentrique des peuples pastoraux.
Il ressort que pour lui le corollaire de l'organisation
sociale est le mode de production. Une question peut être
posée : comment le petit peut-il incorporer le grand ?
Autrement dit dans quel royaume chamite les Bantu furent-ils
incorporés ? Nous pouvons accepter que pour Papadopoulos incorporer
est synonyme d'assimiler. Mais là aussi nous sommes butté
à une difficulté énorme. Car le premier
élément culturel de l'assimilation est la langue ; il
continue en disant que « ce n'est que dans le domaine
linguistique qu'ils[les Tutsi] ont dû subir l'influence décisive
des peuples bantous soumis et politiquement incorporés en en adoptant
la langue sous l'effet d'une écrasante supériorité
numérique et en abandonnant complètement leurs propres idiomes
chamitiques »(447(*)).
On voit le kinyarwanda au centre des enjeux politiques,
éthiques et sociaux entant que non seulement comme élément
unificateur, mais aussi et surtout, paradoxalement, comme un diviseur.
Unificateur, parce que les monades ethniques (Hutu-Tutsi-Twa) sont
collées par lui, kinyarwanda; diviseur à cause de
l'authenticité et d'originelleité de kihutu dénommé
kinyarwanda dans un contexte utilitariste, pragmatiste ou instrumentaliste.
Nous remarquons d'ailleurs chez Papadopoulos ce rapprochement
entre la langue, la technique et structure économique des peuples.
Une même technique peut être utilisée dans
des systèmes économique de nature différente : les
engins spatiaux américains et soviétiques sont très
proches les uns des autres bien qu'ils soient le produit d'économies
de type capitaliste d'une part, socialiste de l'autre. Cependant dans
l'histoire de l'humanité, on peut pratiquer un certain nombre de coupes
qui mettent en évidence des correspondances d'ensemble, n'excluant pas
les nuances, les exceptions, entre types de technique et modes de
production : le moulin à eau est caractéristique de la
féodalité, comme la machines à vapeur est liée
au développement de l'industrie capitaliste. Tout comme les boeufs
servent de charrue pour les peuples agriculteurs et richesse prestigieuse pour
les pasteurs pour l'élargissement des royaumes.
Papadopoulos voit déjà un mythe dans la question
des origines des royaumes chamites en Afrique des Grands Lacs. Il écrit
que « la question des origines des royaumes chamites de la
région d'entrelacs est en réalité beaucoup plus complexe
et intimement liée avec l'expansion chamitique nord-sud qui n'a pas
encore fait l'objet d'investigations suffisamment approfondies. Il est
évident que ce que certains africanistes ont qualifié d'invasion
chamitique n'est qu'une expression très sommaire et probablement
très peu appropriée pour désigner les mouvement
migratoires de peuples non-bantous, nilo-chamitiques, chamitiques ou autres qui
ont pénétré le domaine géographique des Grands Lacs
africains. De là à nier la réalité de ces mouvement
migratoires constitue une hypothèse téméraire non
confirmée par les données culturelle. Dans le cas plus
spécial qui nous occupe, il semble que la formation du royaume ruandais
est aboutissement d'un procès d'unification progressif entraînant
la disparition des nombreux petits royaumes qui se partageaient le
pays »(448(*)).
Si on peut admettre que dans leurs grandes lignes les
institutions sociales sont solidaires des techniques, et qu'à un niveau
technique correspond un type d'organisation de la production, on ne saurait y
voir une relation de cause à effet à sens unique.
Considérée comme la connaissance qui permet de réaliser
une fin, une technique n'est pas nécessairement déterminante de
nouvelles formes d'organisation du travail et de la société. On
serait même tenté d'inverser les termes du rapport : les
conditions de la production amènent à concevoir de nouveaux
procédés techniques. A l'appui de la première proposition
on pourrait citer le cas de certaines inventions qui anticipent à tel
point sur les besoins sociaux réels qu'elles ne sont pas
adoptées par le groupe. Le moulin à eau, considéré
comme une révolution technique médiévale, a
été conçu par des penseurs grecs ; la machine
à vapeur mise au point par Denis Papin a été
précédée dans l'Antiquité par le turbine de
Héron d'Alexandrie. Il ne peut s'agir d'une occasion
manquée ; ces deux techniques hautement évoluée ne
pouvaient avoir un développement généralisé
à une époque où les forces productives constituées
en grande partie par des esclaves étaient obtenues à bon
compte. En Afrique, chez les Hutu, un phénomène analogue s'est
produit avec l'arrivée des Tutsi.
Maints exemples pourraient être avancés :
même si l'on reconnaît aux structures socio-économiques une
portée déterminante, on ne saurait toutefois rejeter toute
influence de l'apparition d'une technique nouvelle dans le processus de leur
évolution. Lefebvre Des Mouettes a soutenu que la fin de l'esclave
antique avait été accélérée par l'invention
vers le 10e siècle du collier d'épaules à
armature rigide. L'attelage antique, basé sur la tradition par la
poitrine gênait la respiration de l'animal et diminuait ses
possibilités. Ce moindre rendement devrait être
récompensé par l'utilisation et l'exploitation de
l'homme-esclave. Mais si on rappelle que l'Antiquité avait en puissance
de possibilités techniques et qu'elle ne les a pas
développées, que s'il y a eu correspondance entre l'apparition du
collier d'épaule et la fin de l'esclavage antique, on ne saurit y avoir
une relation directe et privilégier ainsi le déterminisme
technique.
La succession des modes de production et l'organisation de la
société ont été traduits dans leurs grandes
lignes par le schéma marxiste, à qui Mutuza se
réfère, qui, du communisme primitif au socialisme, les fait
passer par l'esclavage antique, la féodalité et le capitalisme.
Si pertinente que soit cette vue d'ensemble, on ne peut l'accepter sans
retouche, notamment en ce qui concerne le point de départ de
l'évolution, qui apparaît comme une constitution de
l'esprit(449(*)) - et
nous sommes déjà chez Hegel- plutôt que comme une
réalité objective. Les travaux ethnologiques, jusqu'aux plus
récents, n'ont jamais recueilli la trace d'un état de la
société caractérisé par le communisme primitif,
avec tout ce que cette dénomination impliquerait sur le plan de
l'organisation sociale : notamment la promiscuité sexuelle de la
« horde ». Bien au contraire, les sociétés
ayant conservé les cultures matérielles les plus
archaïques, comme les Pygmées
(ð?ãìç = coudée = environs 50
cm), ont des systèmes de parentés extrêmement complexes.
Ces peuples furent connus des grecs, comme Ptolémée qui en parle
en citant les « monts de la Lune » qu'est le
Ruwenzori.
Contestable sur ce point, ce schéma ne rend pas compte
des particularités des autres systèmes, dès qu'il s'agit
de sociétés non européennes. Une récente discussion
sur « le mode de production asiatique » montre la
difficulté d'intégrer au schéma théorique ce type
particulier, caractérisé par la coexistence de communautés
paysannes égalitaires et d'un despotisme qui prélève une
part importante de la production, mais assure en contrepartie l'organisation
d'un système de techniques supérieures nécessitant une
concentration du savoir et de l'autorité.
A. Metraux, décrivant les Etats
pré-incaïques, écrivait à propos des Mochicas,
indiens de la côte Nord du Pérou (300 à 800 après
J-C) :
« Comme en Egypte et en Mésopotamien, la
conquête du désert sur la côte péruvienne postule
l'existence d'une autorité respectée et d'une bureautique bien
organisée. K. Marx avait déjà pressenti le rôle de
l'irrigation dans la formation de gouvernements despotiques de types asiatique
(les incas, 1962)(450(*))
.
Dans une telle société l'économie est
sous la contrainte d'un pouvoir autoritaire qui prend progressivement la forme
d'un état : on voit dès lors la possibilité de
rapprochements entre ce type d'organisation ancienne et la forme
soviétique du socialisme.
D'autre part l'introduction du mode de production asiatique
dans la théorie permettait de remettre en cause le
dogmatisme historique et la succession des grands stades
caractérisés par des modes de production universellement
comparables. Il apparaît en effet qu'avant le capitalisme, ceux-ci ont
formé des systèmes difficilement réductibles.
Ce débat où des considérations
politiques d'actualité jouent un rôle important, a le
mérite de mettre en lumière la liaison entre systèmes
techniques, organisation sociale, économique et politique. Ce n'est que
dans la mesure où un pouvoir central autonome dirigeait des travaux
d'infrastructure à grande échelle que les paysans pouvaient
produire un surplus pour l'entretien de la classe supérieure(451(*)).
Un des traits le plus caractéristique du mode de
production asiatique est l'absence de propriété privée du
sol ; peut- on en déduire qu'il est directement issu de la
communauté primitive, laquelle n'aurait connu que la
propriété collective des terres ? Nombreuses sont encore
les populations, y compris les pays occidentaux, où la
propriété du sol est au moins en partie collective. La nature de
ces rapports de possession n'entraînant pas pour autant la mise en commun
de la production, on ne saurait parler de communisme...
L'intérêt de ce type de société est
de faciliter l'analyse du processus initial de différentiation des
fonctions dans un groupe autonome(452(*)). Engels l'a esquissé en montrant, à
travers l'expansion démographique(453(*)) et l'antagonisme entre communautés, la
nécessité vitale de créer des organes pour protéger
les intérêts communs et se défendre contre les
intérêts rivaux. Les hommes chargés de cette fonction ont
une situation privilégiée - le mwami- qui se perpétue non
seulement par l'hérédité mais aussi et surtout par
la méritocratie(454(*)); de sociale la fonction devient politique et la
contrepartie de cette-ci prend la forme d'une exploitation économique.
Telle serait d'après les marxistes le processus de la
différenciation sociale primordiale.
Le mode de production asiatique peut-il être
caractéristique d'autres continents ? Il ne le semble pas en ce qui
concerne notre Afrique noire par exemple, où les Etats à pouvoir
centralisé, nombreux aux sud du Sahara, -pas
généralement dans le Maniema- et dans la partie orientale, n'ont
pas contribué à développer des techniques
supérieures, systèmes d'irrigation notamment, comparables
à ceux de certaines parties de l'Asie.
Ce mode de production a-t-il jamais connu en Afrique les
conditions nécessaire à son développement ? Le
processus de différenciation sociale qu'il implique doit
nécessairement se dérouler dans des communautés qui n'ont
subi aucune intervention extérieure. Cette évolution interne n'a
pas eu en Afrique noire, dans la zone soudano-sahélienne, puisque la
plupart des Royaumes et Empires (Ghana, Mali, Songhay, Haoussa,
Bornou)(455(*)) ont
reçu avant leur établissement des apports
extérieurs ; berbères, puis arabes, venus à travers
le désert. Même si ces derniers ne participaient pas directement
au pouvoir, ils ont fourni le modèle de son fonctionnement et obtenu
des facilités pour leurs transactions commerciales de l'Afrique noire
vers le Maghreb ; or, ivoire, peaux et esclaves constituant l'essentiel du
trafic, il ne peut s'agir là d'une organisation technique d'un niveau
supérieur.
« Les populations noires qui restèrent
à l' écart des influences des nomades blancs
continuèrent à vivre en petites communautés
fermées. Elles ne présentèrent jamais une division du
travail social suffisante pour qu'une classe de chefs politiques
privilégiés puisse se former »(456(*)). Cependant, elles ont
progressivement adopté, dans le cadre du village, des systèmes
culturaux très élaborés, alors que les Etats-
néo-soudanais, utilisateurs d'esclaves, en restant à une
agriculture très primitive, malgré des possibilités
matérielles, notamment dans le domaine du travail du fer, beaucoup plus
étendues.
Le problème des techniques et de leur utilisation par
des hommes vivant en société est ainsi posé. S'agissant de
sociétés qui en sont à un niveau qui peut être
qualifié de pré-industriel si toutes doivent
nécessairement passer le stade de l'industrie, leurs activités
les plus représentatives sur le plan matériel se limitent aux
techniques de collecte, de production et de fabrication les plus
élémentaires : chasse, pêche, agriculture,
élevage, travail du bois, du fer pour l'outillage, des fibres textiles
pour vêtement, de la terre pour les récipients. Selon leur
évolution, on peut distinguer d'après le professeur Leroi-Gourhan
différents états de ces techniques(457(*)), de très rustique
à semi-rustique. On pourrait se limiter à cet
énoncé pour définir le niveau technique des
sociétés archaïques isolées, c'est-à-dire qui
n'auraient pas reçu d'importants apports des pays occidentaux. Dans de
nombreux groupes techniques caractérisés naguère encore
par la rusticité de leurs techniques, certains individus sont
intégrés, au moins en partie, dans des activités de type
industriel.
Par contre, dans des sociétés qui
présentent tous les aspects d'un état plus au moins industriel,
des secteurs entiers de celles-ci correspondant à des activités
artisanales ou agro-pastorales, demeurent encore à des stades
d'évolution technique plus archaïques.
Ce décalage se traduit sur le plan
socio-économique et apparaît nettement dans certains types de
sociétés rurales françaises.
Dans des sociétés caractérisées
par la rusticité de leurs activités agricoles, on constate que
certaines des autres techniques sont à des niveaux relativement
différents. Les Inké de la Haute Côte d'Ivoire et les
Proto-Indochinois de la chaine annamitique ont des systèmes culturaux
analogues : ils utilisent le procédé qui consiste à
semer le riz dans une partie de forêt défichée et
brûlée. Alors que les premiers ont d'excellents forgerons capables
de fabriquer des fusils de traite à partir du minéral de fer, les
autres se bornent à forger des armes blanches ; par contre, ces
derniers savent tailler dans du bois dur des engrenages hélicoïdaux
pour leurs égreneuses à coton.
Les deux milieux ont subi le contact des groupes
extérieurs dont ils ont adopté un procédé
techniquement supérieur : le fusil de traite dans un cas,
l'égreneuse à coton dans l'autre. Peu de groupes archaïques
sont restés à l'abri de tout contact ; chacun a
développé une technique pour laquelle il était
déjà pourvu de praticiens expérimentés :
forgerons chez le Malinké, spécialistes du bois chez les
montagnards de l'Indochine. Ces deux exemples très simples pourraient
être sinon généralisés, du moins largement
multipliés : ils serviraient à montrer que le domaine des
techniques est tributaire du milieu physique mais plus encore du milieu humain.
Son insertion dans le groupe social reste donc à préciser :
on ne pourra mettre en évidence cette liaison qu'en envisageant
l'organisation des membres de la société qui participent à
l'emploi d'une technique particulière.
L'analyse de quelques-unes de ces techniques et du contexte
socio-économique auxquels elles sont liées montrera certaines
étapes de l'évolution de l'organisation de l'homme dans le
domaine de la production(458(*)). Celle-ci doit être prise dans son acception
la plus large : dans la mesure où elle implique un travail elle
englobe aussi bien la collecte la plus élémentaire des produits
destinés à l'alimentation que la fabrication des biens de
consommation dans la société d'abondance.
En restant dans ce cadre de notre propos, c'est-à-dire
les sociétés pré-industrielles, il convient d'insister
sur le caractère social de toute production, même la plus
élémentaire : la simple cueillette ne se fait pas au seul
profit de l'individu qui l'effectue. Intégré dans un groupe avec
lequel il partage les fruits de son travail, il reçoit en contrepartie
une part du butin des autres membres. La division du travail la plus
élémentaire, par sexe, se situe dès ce moment : la
cueillette des baies et des pantes comestibles revenant à la femme, la
chasse aux gros animaux étant réservée à
l'homme(459(*)). Cette
activité implique la fabrication d'armes de pierre. Tous les hommes
vivant dans le même groupe n'étant pas également habilles,
certains se spécialisent et se bornent à la taille des pierres,
alors que d'autres sont meilleurs chasseurs. Les ateliers de débitage du
silex que l'on a retrouvés au grand Presssigny, à Spiennes et
à Girolle montrent que la division du travail technique remonte aux
temps préhistoriques.
Dans l'état de connaissance de nos
sociétés anciennes et des sociétés exotiques
actuelles on peut donc pratiquement admettre cette division. Elle
entraîne corollairement la notion d'échange, non seulement
à l'intérieur d'un groupe, mais encore d'un groupe à
l'autre. Le concept d'économie de subsistance, où un groupe
vivrait en autarcie complète, ne résiste pas à une
analyse, sauf dans des cas rares et particuliers. Tout au plus peut-on parler
de secteurs d'autosubsistance, par exemple quand la totalité des
besoins alimentaires est satisfaite par la chasse, la pêche, la
cueillette, l'agriculture, l'élevage. Il est rare que les biens de
consommation produits correspondent exactement aux besoins, même en
admettant que ceux-ci soient très variables. Il peut y avoir
pénurie ou surplus : ces derniers peuvent être mis en
réserve ou servir de moyens d'échanges. La possibilité de
conserver des denrées alimentaires d'origine végétale ou
animale est un fait déterminant dans le processus de
différenciation économique et sociale. Avec le
développement de l'agriculture, avec le perfectionnement des
méthodes culturales et des moyens de stockage des grains, avec la
domestication des animaux, se place l'origine du processus de
thésaurisation qui permet non seulement d'accumuler les richesses pour
assurer la sécurité alimentaire, mais encore de spéculer
sur leur vente à des prix très élevés en cas de
disette.
Cependant, d'une manière générale, on
peut considérer que les activités de production et
d'échange ne se situent pas exactement dans un même cadre
social : si la majorité des membres d'une société
traditionnelle ont des activités de production, les échanges
deviennent peu à peu le privilège de certains d'entre eux.
Le groupe primitif, selon la définition de
Leroi-Gourhan (le geste et la parole), constituée par un nombre
restreint d'individus des deux sexes, correspond à une unité de
subsistance dans le cas des activités de cueillette et de chasse. Il
peut s'identifier avec l'unité d'exploitation dans un contexte
d'activité agropastorale, tel que celui que l'on rencontre chez les
Hima-Tutsi au Rwanda. Une analyse plus fine de quelques-unes de ces
sociétés pastorales montrera la nature des rapports entre les
membres d'un groupe unis par des liens de parenté, -ce qui est
d'ailleurs le cas avec les Tutsi(460(*))-, d'alliances qui vivent en communauté de
propriété et de travail(461(*)). A la définition de ces structures
socio-économiques traditionnelles, on ajoutera le processus de leur
transformation sous l'effet de l'économie de marché introduite au
niveau de la production par des cultures dites industrielles.
Toutefois, avant de passer à l'étude de ce type
particulier de société très précisément
inscrit dans le temps et l'espace, encore qu'on en retrouve des traits
relativement comparables dans certains secteurs des sociétés
rurales de France, certains traits généraux, voire universels des
sociétés archaïques doivent être
éclairés.
§2. Caractères
dominants des économies et éloignement des identités
Hutu-Tutsi-Twa
Pour découvrir la différence il faut
nécessairement voir les caractères dominants des
économies. Ceci nous permet de trouver les lieux des activités
des ceux qui se distinguent les uns des autres. Les travaux des philosophes et
sociologues qui les premiers ont tenté de faire la synthèse et
d'interpréter les récits des voyageurs sur les
sociétés « primitives » allaient
dans le sens d'une distinction fondamentale entre ces sociétés et
celles des pays occidentaux. Un des critères majeurs de cette
différenciation avait pour base les principes d'identité et de
contradiction, opposés à ceux de la mentalité
européenne. Pour cette raison on appliqua à celle des primitifs
le qualificatif de prélogique, sans se rendre compte que la distinction
portait seulement sur le système de références. Aussi
Lévi-Strauss a pu écrire dans « La
Pensée sauvage » que jamais la conscience des
primitifs n'était perdue dans la confusion et la participation, mais
qu'au contraire leur pensée était rompue à tous les
exercices de spéculation.
Le plan des croyances a servi à distinguer les
prétendus primitifs, imprégnés de pensée magique,
des sociétés monothéistes. Mais ce que l'on sait des
fondements religieux des sociétés occidentales reste par sa
nature très proche des démarches magico- religieuses des groupes
archaïques.
Le comportement des membres de « la horde
primitive » a fait long feu : la promiscuité sexuelle
qu'elle impliquait n'a pas résisté aux analyses mettant en
évidence le passage de l'état de nature à celui de
culture(462(*)).
Dans le domaine des échanges apparaît encore aux
yeux de l'observateur occidental non prévenu un maximum de comportements
illogiques. On peut citer quelques manifestations ostentatoires qui ne sont que
la caricature de ce comportement : l'achat de montres ou de souliers
vernis par des autochtones qui n'ont aucune notion de la division horaire du
temps, ou qui ont toujours marché pieds nus.
Il est plus intéressant d'en appréhender de plus
fondamentaux, dont la finalité difficilement conservable par des esprits
occidentaux ne leur est cependant pas totalement étrangère.
Citons par exemple l'image du capitaliste qui allume son cigare avec un billet
de banque : celui qui peut détruire des richesses sans
espérer autre chose que d'en retirer du prestige est le symbole de la
puissance.
Dans certaines sociétés, le type le plus
achevé de l'irrationalité en matière économique est
celui de la destruction des biens de consommation d'une manière
ostentatoire. Il n'est pas nécessaire d'insister sur la causalité
économique qui dans les pays développés, amènes
à détruire, pour en faire remonter les cours, des produits trop
abondants.
Le « potlatch » des Indiens de la
région de Vancouver, sur la cote Pacifique du Canada, au cours duquel
de grandes quantités de richesses sont cérémoniellement
détruites, est une des formes de l'échange dans la mesure
où il implique la réciprocité. M. Mauss a appelé
« phénomène social totale » une telle
cérémonie, car elle exprime une signification sociale, magico -
religieuse, économique, juridique et affective.
Il n'est d'ailleurs pas nécessaire qu'il y ait
destruction ostentatoire de richesse pour que la cérémonie soit
pleinement significative. Plus généralement les richesses
rassemblées par un groupe sont offertes à un autre sur lequel le
premier veut assurer sa suprématie morale sinon politique. Les
bénéficiaire de cette opération ne sont pas en
définitive ceux qui reçoivent, mais ceux qui donnent, puisque ces
dons leur assurent prestige et puissance. Le groupe qui les a reçus
devra, pour retrouver sa supériorité, procéder
ultérieurement à des contre-dons d'une valeur plus
élevée au cours d'une cérémonie analogue.
« Donner, c'est manifester sa supériorité, recevoir
sans rendre, c'est se subordonner »(463(*)).
Avec cette conclusion fondamentale, il faut retenir le
caractère collectif de l'institution : ces destructions
ostentatoires, ces échanges de dons et de contre-dons ne
s'opèrent qu'entre des collectivités, entre des groupes sociaux
ou familiaux, entre individus. C'est une des particularités des
sociétés non industrielles que d'être
intégrées dans des ensembles dont tous les membres sont
solidaires.
Des institutions comparables au potlatch ont été
signalées en Polynésie, en Mélanésie, en Nouvelle
Guinée. Ailleurs dans le monde, et parmi des populations moins
archaïques, des cérémonies mettant en jeu des cadeaux
collectifs importants ont été attestées. Peut-on dire pour
autant qu'aujourd'hui les changements qui sont intervenus dans les
sociétés de ce type, favorisées par l'introduction de
l'économie monétaire, ont été tels que les
exemples cités ne sont plus que des curiosités
anachroniques ?
Il serait aussi loin de la vérité de le
prétendre que d'affirmer que les rapports économiques ne
ressortissent qu'à ce système. Georges Balandier,
récemment, a décrit le Bwiti du Gabon comme un exemple de ces
survivances. Les Haoussa du Niger dont la réputation dans toute
l'Afrique de l'Ouest, de commerçants avisés n'est plus à
faire, sont aussi d'excellents cultivateurs. Ils cultivent des plantes
industrielles, arachide et coton, en plus de leur production vivrière
traditionnelle. Certains d'entre eux louent des terres et emploient de la
main-d'oeuvre salariée : ils vendent leur coton à la
Compagnie Française pour le Développement du Textile (CFDT) et
spéculent notamment, en fin de saison sèche et en période
de disette sur le mil et le sorgho qu'ils stockent dans d'énormes
greniers. Ce contexte n'empêche pas certains de ces cultivateurs
particulièrement entreprenants et qui ont récolté mille
gerbes de mil ou de sorgho de procéder encore aujourd'hui à des
redistributions périodiques à caractère ostentatoire.
Ce type d'institution connue sous le nom de
« dubu » (mil) permet la consécration du titre de
Chef des cultures (sarki'n noma). C'est donc sur le plan des valeurs, et plus
précisément du prestige social que le décalage entre le
comportement actuel, économiquement « rationnel »,
et le comportement traditionnel apparaît comme irréductible. Le
caractère collectif de l'institution est mis en lumière par le
fait même que la récolte de mille gerbes de mil ne peut
être le fait d'un seul cultivateur postulant du titre. L'aide qu'il peut
obtenir de manoeuvres salariés serait insuffisante s'il ne faisait appel
à une masse de villageois accomplissant le travail en commun et, dans la
mesure où le prestige de leur employeur rejaillit sur eux, à leur
bénéfice. D'autre part, afin que la masse des cadeaux
distribués, parmi lesquels on peut compter des gerbes de mil, des
couvertures, des ânes, des chevaux, des vêtements, des nattes,
apparaisse plus importante, l'aspirant « sarki'n noma »
fait appel à l'aide de ses concitoyens, amis et parents, qui partagent
ainsi sa renommée. On s'efforce de rassembler le plus grand nombre de
participants ; tous les dignitaires ont leur place parmi les
invités, mais le chef de canton, le chef de village, les maîtres
de culture de la région, reçoivent obligatoirement les plus
riches cadeaux. L'énoncé de ces quelques personnages ne rend pas
compte de la foule qui les entoure et dans laquelle chaque individu est
subordonné à un chef : le plus représentatif parmi
eux n'est- il pas le « griot(464(*)) », personnage spécifiquement africain
dont le rôle est de chanter les louanges de ses maîtres et de tous
ceux qui sont prêts à lui faire des cadeaux. La valeur de ceux-ci
qui peut atteindre un montant considérable montrerait si besoin
était que le prestige ne s'acquiert pas par l'argent que l'on accumule,
mais par celui que l'on distribue.
On ne donne pas à n'importe qui, ni n'importe comment.
Les modalités de cette distribution sont régies par des
règles impératives. Elles sont variables en fonction de la nature
des rapports de sociabilité entre le détenteur de la richesse
qui aspire à la reconnaissance de la puissance, et les
bénéficiaires des dons(465(*)).
§ 3. Hiérarchie des
structures d'appartenance et des valeurs de Gihanga
Par hiérarchie on entend(466(*)) une organisation sociale
par classement des personnes selon une échelle ascendante d'importance
et de pouvoir ; on peut aussi penser à un ensemble des personnes
dont on dépend directement dans une entreprise(467(*)). Il y a là un
classement de choses selon leur importance. Et Gihanga est le père
fictif d'un fils fictif, événementiel pourrait-on dire dans le
contexte structuraliste, appelé Kanyarwanda. Toute cette construction
renferme non pas un mythe mais un mensonge. Néanmoins nous pouvons
appeler cette construction événementielle un mythe dans un sens
beaucoup plus large afin de comprendre que le système des valeurs de
cette société est directement issu de ses structures internes.
Celles-ci ne se confondent pas avec les relations sociales que l'on peut
observer ; elles constituent un niveau de la réalité,
invisible mais présent au-delà des relations sociales visibles.
Sans la connaissance de ces structures, on ne peut accéder à la
connaissance de valeurs de la société, qu'il ne faut pas
confondre avec les comportements particuliers des individus qui la composent,
cette dualité apparaissant nettement caractérisée dans le
cas du « dubu » Haoussa. Il convient d'insister sur le
caractère complexe de l'analyse, particulièrement dans des
sociétés en transition dont les structures sont
déjà altérées : les valeurs correspondant au
modèle initial demeurent longtemps inchangées, alors que certains
individus paraissent répondre sur certains points aux
définitions du comportement économique rationnel (au sens
occidental).
Tout individu vivant en société est
représenté à plusieurs niveau de la sociale : il est
à la foi membre d'une famille, d'une classe et d'une catégorie
professionnelle, il a une appartenance religieuse, politique, syndicale,
etc.
Toutes ces caractéristiques qui constituent la
personnalité d'un individu n'ont pas la même valeur, ne sont pas
situées dans un même plan, mais peuvent interférer. Par
analogie, les structures, familiale, sociale, économique, politique,
dans une société donnée se trouvent placées dans un
rapport variable(468(*)). Le rôle et l'importance de chacune des
structures par rapport à l'ensemble sont significatifs de cette
société. Dans la mesure où certaines ont une fonction qui
parait déterminante dans le jeu de l'ensemble, on peut parler de
hiérarchie des structures. Par suite d'interventions extérieures
cette hiérarchie peut se trouver remise en cause et des structures
dominantes peuvent devenir subordonnées. Mais ces changements prennent
l'aspect de glissements plutôt que de bouleversements. Encore sont - ils
loin de s'effectuer d'une façon homogène, ce qui contribue
à rendre leur connaissance difficile.
Prenons le cas relativement simple des sociétés
les plus traditionnelles d'Afrique de l'Ouest appelées
paléo-nigritiques et qui se situent dans la zone soudano-
guinéenne, tels les sénoufo, les Lobi, les tallensi, les
Kabré. Jusqu'à maintenant ces populations ont vécu en
limitant au maximum leurs échanges culturels avec l'extérieur.
Dans de tels systèmes, caractérisés par une absence de
pouvoir politique à un niveau supérieur au village, la
communauté villageoise est formée par des familles
étendues, comprenant plusieurs générations placées
sous l'autorité de l'aîné. Ce dernier apparaît
à la fois comme un chef de famille et comme un patron sans compter
d'éventuelles fonctions accessoires : prêtre du sol,
forgeron, devin, etc. son rôle essentiel est de gérer les moyens,
les forces de production et de reproduction du groupe familial. Il dispose des
terres, non pas parce qu'il les possède au sens du droit romain, mais
parce qu'il est seul détenteur du pouvoir rituel qui permet de les
défricher, il organise le travail des différentes personnes
actives de son groupe ; il reçoit l'ensemble de la production et en
assure la redistribution. C'est également lui qui doit fournir une femme
à chacun des jeunes gens en âge de se marier en payant la
compensation matrimoniale : en revanche il reçoit celles que lui
procurent la cession des filles les biens de consommation et sur les femmes
est fondement et l'assise la plus solide de son autorité. Dans un
tel système la vie sociale et la production dépendent
étroitement des rapports de parenté.
« En fait il faut examiner de plus près
ces rapports de parenté car s'ils déterminent la place des
individus dans la production, leurs obligations sur le sol et les produits,
leurs obligations de travailler, de donner, etc., ils fonctionnent comme
rapports de production, de même qu'ils fonctionnent comme rapports
politiques, religieux, etc. La parenté est donc ici à la fois
infrastructure et superstructure »(469(*)).
Ce schéma théorique est valable pour les groupes
sociaux qui continueraient en plein XXe siècle à vivre sans
avoir subi d'influences d'autres groupes plus évolués. On
trouvera bien peu de populations qui lui répondent exactement, mais on
peut considérer que la plus grande partie d'entre elles ont appartenu
plus ou moins récemment à un tel système et qu'elles en
dépendent encore dans des propositions variables. C'est là que se
situe la difficulté de l'analyse : dans des sociétés
en mutation comme le sont notamment celles d'Afrique noire, certaines des
composantes du système défini plus haut varient rapidement, alors
que d'autres suivent avec un retard important. En général ce sont
les rapports de production qui sont les premiers atteints, mais les valeurs
sociales, religieuses, politiques, demeurent longtemps inchangées ou
à peine altérées ; comme on le sait en ce qui
concerne les sociétés occidentales, la superstructure se
transforme beaucoup plus lentement que l'infrastructure(470(*)). Cette loi se
vérifie en Afrique avec d'autant plus d'ampleur que si on limite la
notion d'infrastructure aux rapports de production, ceux-ci se dégagent
très rapidement des rapports de parenté, sans que pour autant
les concepts nés de la prédominance de ces derniers cessent
d'être valables. Un exemple fera comprendre l'importance de ce
décalage en ce qui concerne le développement de l'agriculture,
plus précisément l'adoption de nouvelles techniques de
production.
Sous la double influence, d'abord de l'Islam, ensuite et
surtout de la colonisation européenne, les structures de parenté
des populations haoussa-phones du Niger central ont cessé de jouer un
rôle dominant dans la production. La terre, autrefois possession
collective de la famille étendue ou du lignage, devient l'objet de
droits d'usage privés. L'unité de production tend à se
réduire à la famille mono ou polygame. Cette évolution est
déjà très avancée bien qu'on puisse encore trouver
des témoins de plus en plus rares, il est vrai, de l'ancien type. Une
analyse de formes extérieures permettait même d'y voir un
début de stratification en classes sociales sur la base de rapports de
production de type libéral. Certains exploitants agricoles,
acquérant par location de terres, utilisent une main-d'oeuvre
extra-familiale salariée, relativement importante, pour la culture du
coton. On pourrait être tenté de voir dans ces exploitants de
véritables entrepreneurs au sens où l'entend l'économiste
occidental. En fait, ils ne font que suivre le schéma
traditionnel : le surplus monétaire provenant de la vente de la
production n'est pas capitalisé. Il est en partie
thésaurisé par achat de bétail mais le but final n'est pas
l'investissement dans l'exploitation en vue d'en tirer un profit maximum. La
recherche de la puissance, du prestige, ne passe pas l'accumulation
capitaliste. Elle s'exprime comme dans la société traditionnelle
par la possession d'une distinction, d'une renommée d'ordre
religieux ; c'est le voyage à la Mecque, par exemple, et le titre
de « Hadji » qui confèrent à ce pseudo-
entrepreneur le statut le plus élevé dans la hiérarchie
sociale.
Le système des rapports sociaux s'exprime toujours
comme dans la société traditionnelle par le processus de la
redistribution. Le chef de grande famille distribuait aux différents
éléments de celle-ci les biens de consommation et les femmes
dont ils avaient besoin. Le pseudo - entrepreneur conserve le contrôle
sur les jeunes hommes de sa famille en s'assurant le privilège -
incontesté - de leur fournir leur première épouse. Il
redistribue sous forme de salaires une partie de l'argent gagné par la
vente de sa production : la main-d'oeuvre salariée qu'il emploie
constitue le signe extérieur de sa puissance. Elle représente le
substitut de ses dépendants familiaux d'autrefois. Il n'y a pas lieu de
s'étonner si ces exploitants agricoles n'acceptent pas tous les
changements techniques proposés par la société
chargée de la diffusion de la culture du coton. Ils n'ont rien à
gagner sur le plan de la puissance et du prestige à remplacer leur
« clientèle » (au sens romain du terme) de
manoeuvres salariés par une charrue et une paire de boeufs. On ne
saurait accuser ces populations d'être imperméables à tout
progrès technique, car ce sont précisément les mêmes
qui depuis environ un siècle ont fait spontanément leur
« révolution agricole » en transformant totalement
leurs techniques agraires. L'attitude des exploitants agricoles restent
conforme aux valeurs de la société. Si on admet que dans celle-ci
le prestige, la puissance, sont liés non à l'accumulation des
richesses, mais à sa redistribution selon des normes directement
liées à la structure naguère dominante, ce comportement
découle de la logique interne du groupe : il est
profondément rationnel. Ce n'est que dans la mesure où la
connaissance de ces structures et des valeurs qu'elles déterminent
sera acquises qu'on peut comprendre certaines raisons du rejet d'une
technique objectivement valable.
C'est là qu'intervient le problème de
l'individualité occidentale qui n'apparaît vraiment qu'au niveau
supérieur de la vie, c'est-à-dire avec la conscience qui rend
possible le savoir de soi comme d'un moi(471(*)). Ce niveau est celui de l'homme. Et alors se pose
le problème de savoir comment des individualités peuvent se
relier. Ce problème possède d'une part un aspect logique ;
par elle-même la notion d'individualité pose le problème du
rapport du singulier et de l'universel et, du particulier et du
général d'une part. Il possède d'autre part une
portée capitale comme problème de l'intersubjectivité et
de la communication. Le problème métaphysique de la logique n'a
véritablement son sens que dans la rencontre humaine, synthèse
des individualités dans un sens universel. Les quatre abîmes
kantiens se présentent alors dans notre analyse :
existence, organisation, individualité et
personnalité. C'est cette soif de trouver un sens à
la vie, un ordre où l'on peut se reposer et un remède à
l'angoisse de l'isolement qui nous amène à découvrir
l'importance de la communauté. Il y a des familles, des tribus et des
groupes qui fonctionnent dans un ordre «parfait » semblant
apporter une solution au chaos de la vie. Les liens qui unissent les gens entre
eux leur donnent un sentiment de sécurité et de force. Mais ces
ordres parfaits et les sécurités trop fortes peuvent être
dangereux. Ils peuvent étouffer la liberté des personnes et
empêcher leur évolution.
Section 2. Identité
familiale et unité d'exploitation
§1. Le constructivisme
social et appartenance familiale
Si Leucippe (+ -370) et Démocrite d'Abdère (+
-370) ont vu en atome l'élément insécable de la nature,
une société atomisée ne peut se prétendre
appartenir à une monade. L'unité familiale à son tour
s'estompe par unification forcée des atomes compartimentalement closes.
Seul un constructivisme peut parvenir - si pas dans le rejet de la structure
pour la sauvegarde de l'événement - à sauver
l'extra-séquence où l'entropie détermine chaque
élément et en donne l'identité réelle à
cause de l'entrecroisement des plans.
L'élément du constructivisme du mythe Hima-Tutsi
est le kinyarwanda. Elément fragile mais dominant le plan de
l'unité et unicité apparentes.
Mais pour résoudre le problème d'unification des
atomes sociaux (Hutu-Tutsi-Twa) tel qu'il a été institué
par la science coloniale, nous devons rentrer dans la problématique du
problème métaphysique de l'atomisme grec.
Le problème métaphysique est le même qui
est posé à Anaxagore (+ -420) et à Empédocle (+
-433), à la suite de la critique éléatique du changement.
Comment concilier l'immuabilité et l'éternité de
l'être avec la réalité du mouvement et du changement, la
« voie de la vérité » avec celle de
l'opinion » ? A partir d'une analyse de la prédication,
c'est sur ce plan que la difficulté sera définitivement
levée (dans Le Sophiste de Platon). La réponse grecque
atomiste reste encore physicaliste.
Le vide est « non-être » ou l'
« infini » (Diogène Laërce, IX, 31, mentionne
cependant un vide originaire composé de vide et de plein), et les
atomes, insécables (étymologiquement), sont aussi dits
« indivisibles », l' « être », le
« solide »(472(*)), « corps primordiaux » ou
« grandeurs primordiales »(473(*)), « premiers
principes » ou « compacts », disait Simplicius
dans commentaire au De caelo, 242, 18. Et comme l'être
parménidien, ils sont encore inengendrés, immuables, impassibles,
c'est-à-dire inaltérables. Leur existence permettrait de
résoudre, dans son principe même, l'aporie zénonienne de la
dichotomie (si la divisibilité va à l'infini, elle amène
au rien, et les corps se composeraient de rien(474(*)). Cela va dans
l'élaboration de plans comme dans le constructivisme classique.
On peut comprendre ce constructivisme partant de son origine
artistique. Dans l'art contemporain, il est la tendance d'avant-garde d'origine
russe touchant de nombreux domaines de création, qui prônait le
passage de la composition à la construction ainsi que la production de
lignes et de plans ; ainsi, pourrait-on voir l'adepte de ce mouvement
artistique dans la construction, et l'abandon du tableau de chevalet au profit
de la production de lignes et de plans.
Le caractère communautaire et spiritualiste
de cet enseignement se marque principalement sous l'autorité d'Itten,
qui a introduit au Bauhaus des habitudes alimentaires
végétariennes et un comportement général et
vestimentaire inspiré de la doctrine mazdéenne. Cette tendance
fut combattue par l'arrivée d'influences constructivistes et par celle
de Théo Van Doesburg (+ 1931), qui avait ouvert à Weimar un
enseignement concurrent, inspiré par le néoplasticisme de
Mondrian.
Nous avons là un chiasme alimentaire dont on doit
rechercher le sens intime dans le mode de production.
Hutu agriculteurs
produits végétariens
Tutsi éleveur
produits laitiers
Il y a d'un côté l'échange important dans
la construction et constitution de l'esprit humain dont l'adoption du
kinyarwanda comme outil d'unification des trois atomes : Hutu-Tutsi-Twa.
Musey(475(*)) qui nous
démontre le mouvement constructiviste par la protection des structures
démontre la limite de la science. Il appelle esprit cette limite. Parce
que c'est l'esprit qui est cette limite, il démontre que c'est la
résistance de la nature qui permet à l'homme d'inventer, de
découvrir et d'avancer dans la recherche scientifique.
De l'autre côté, ni le spiritualisme ni le
matérialisme n'ont convaincu Mutuza dans la compréhension de
l'unité d'exploitation familiale. Il prend l'appartenance familiale
comme base de la réalisation d'une société. Les
Banyarwanda devient alors un terme vague d'une identité vague. Le Rwanda
à son tour devient une terre vague d'une culture vague.
v Tribu et tribalisme
Dans La mise en question du concept d'Etat et de
civilisation, Mutuza fait une différence entre la tribu et le
tribalisme(476(*)).
L'ancêtre commun n'est donc pas un rocher éternel. Les enjeux
sociaux ont la facilité de le déplacer à leur guise. Il
n'est pas non plus de la matière brute dont l'existence n'est connue que
par d'autres sujets que soi. Cette analyse de la matière beaucoup
d'autres philosophes et artistes y ont déjà pensé.
Certains empiristes en sont célèbres et pertinents dans le
raisonnement. La matière existe-t-elle au-delà des
idées que nous nous en faisons ? Berkeley est sceptique quant
à nos prétentions à connaître. Seule la perception
sensible semblerait pouvoir nous permettre l'accès à la
réalité. Giambattista Vico (+ 1744) qui publie la même
année son ouvrage De Antiquissima va encore plus loin, en
évoquant la possibilité d'une « fabrication »
de la réalité par notre pensée discursive. Berkeley (+
1753) et Vico apparaissent aujourd'hui comme les principaux fondateurs de la
pensée constructiviste moderne de la réalité. Pour eux, le
matérialisme est un idéalisme conventionnel.
Alors que le mouvement Dada s'essouffle
dès 1922, certains de ses participants se tournent vers un nouveau
mouvement, le surréalisme, fondé par André Breton lors de
la publication du Manifeste du surréalisme en 1924. Breton y affirme
principalement la supériorité de l'inconscient sur le conscient
et l'importance des rêves dans la création artistique, qu'elle
soit littéraire ou plastique. C'est cet intérêt commun pour
les processus inconscients, spontanés, irrationnels qui fait le lien
entre les nombreux surréalistes comme Max Ernst, Salvador Dalí,
René Magritte, Paul Delvaux, Man Ray, André Masson, Yves Tanguy
ou Joan Miró.
Parmi le veste éventail de population qui ressortissent
à cette étude, on peut reconnaître différents
niveaux caractérisés par les systèmes politiques qui ont
été adoptés et à l'intérieur duquel elles
s'inscrivent. En ce qui concerne les pays anciennement colonisés, la
recherche de l'état dans lequel se trouvait une population
donnée avant l'impact du colonisateur est primordiale ;
l'économie monétaire internationale a profondément
modifié et transforme encore ses structures, ses modes de
pensées et d'action.
v Corporation du pouvoir
En ce qui concerne l'Afrique noire inter-lacustre, deux cas
nous étonnent : l'unité culturelle ethnologique dont
l'organisation sociale de nombreuses populations étaient
demeurées à un niveau d'organisation politique très
différente de l'occident, dont le cadre se heurta à la vision
colonialiste napoléonienne qui croyait que ce cadre ne dépassait
pas le village, et que d'autres avaient constitué de véritables
Etats dotés d'un pouvoir central et d'une hiérarchie de
fonctionnaires et de dignitaires civils et militaires. Cette division en
catégories sociales - que l'on ne peut appeler classes sociales au
sens économique et moderne du terme - s'est répercutée sur
le plan professionnel plus particulièrement dans les cités qui
étaient le siège d'une autorité(477(*)). Cette
spécialisation sociale et professionnelle avait abouti, dans ces
véritables villes, à la constitution de corps de métiers,
de corporations formant des groupes sociaux fermés, dont les membres
ne pouvaient selon un principe d'endogamie se marier qu'entre eux. On donne le
nom de caste à ces groupes professionnels, bien que ce terme
désigne par ailleurs, notamment en Inde, une réalité
différente. Ces Etats ont aussi connu, comme l'Europe antique,
l'esclavage des populations conquises par faits de guerre. On pourrait
être tenté d'en déduire un parallélisme dans
l'évolution de la société et y trouver un stade
féodal comparable à celui de l'Europe médiévale.
Sans approfondir l'analyse, on peut reconnaître, au moins sur ce point,
une profonde différence. L'Afrique des Empires et des royaumes n'a pas
connu la division territoriale en domaines fonciers analogue à ce que
représentait le fief dans la société féodal. Les
rapports entre les chefferies africaines et leurs sujets s'expriment
directement et non par rapport à un territoire : le chef
contrôle une collectivité d'hommes, non une région
rigoureusement délimitée. La terre n'est pas, comme en droit
romain, une propriété privée ; dans la mesure
où elle est abondante, et surtout parce que les techniques agraires ne
permettent pas une exploitation intensive et continue du sol, elle est du
ressort de la communauté.
§ 2. Appartenance,
hiérarchie des structures et valeurs de l'identité des
Banyarwanda
Ce principe d'organisation est aussi valable dans l'ensemble
d'Afrique de l'ouest quel que soit le système politique adopté.
Les Etats fortement centralisés et hiérarchisés de la zone
soudano- sahélienne, ceux gravitant autour du Bénin, comme les
communautés réduites au cadre villageois les zones soudano-
guinéenne et forestières l'ont observé jusqu'à la
conquête coloniale.
Non seulement en Afrique, mais partout où les
systèmes culturaux sont basés sur une utilisation temporaire du
sol et aboutissent à une agriculture itinérante, les rapports
entre la terre et l'homme ressortissent surtout au domaine du sacré.
L'institution du « maître de la terre » qui a connu
une très grande extension en Afrique noire se retrouve chez les Proto
Indochinois avec des fonctions comparables. Les « hommes
sacrés dans la forêt et le village » selon
G. Condaminas(478(*)),
sont chargés de distribuer chaque années des lopins de terre
à cultiver et de conduire les cérémonies religieuses
concernant le sol et le Paddy, tout autant qu'un rôle de gestionnaire
des terres communes du groupe, le « maître de la
terre » a un pouvoir religieux. C'est donc aussi le
« prêtre de la terre », intercesseur entre les
génies des eaux et les hommes qui pensent se les concilier par des
sacrifices(479(*)).
Dans une certaine mesure les chefs de famille jouent aussi un
rôle important dans l'accomplissement des rites agraires concernant
les champs cultivés par leur groupe. C'est règle
générale en Afrique de l'Ouest et on la retrouve chez les
montagnards des Plateaux indochinois, en particulier dans les
cérémonies de fin de récolte du riz : c'est le chef
de famille qui rapporte au grenier familial, dans la dernière gerbe,
« l'âme du paddy qu'il se doit de conserver et de
protéger jusqu'aux prochaines semailles »(480(*)).
Ces rituels peuvent être considérés comme
des techniques magiques dont le chef de famille détient le
privilège. On peut mesurer ainsi l'importance du groupe familial dans
les sociétés archaïques, il constitue une unité
d'exploitation qui possède ses propres forces productives et ses moyens
de production.
« Chaque fois que je vais en Afrique, dit
Jean Vanier, je suis frappé par l'importance du sens communautaire
dans la culture africaine. La grande ville occidentale, trépidante et
bruyante, peuplée d'individus en compétition qui se
débrouillent comme ils peuvent, s'oppose au village africain,
organisé autour de la communauté »(481(*)). Cette observation
vaut aussi bien pour les campagnes occidentales. Mais tel n'était pas le
propos de l'auteur.
On comprend alors que si les travaux des spécialistes
de l'anthropologie sociale et des ethnologues en général
insistent particulièrement sur les structures familiales, les rapports
de parenté, les systèmes de mariage et d'alliance dans les
sociétés non occidentales, ce n'est pas par souci de mettre en
évidence les particularités ou les singularités de ces
populations. Il apparaît rapidement que les rapports de parenté
jouent un rôle déterminant dans le fonctionnement, y compris
l'aspect économique, de ces sociétés. On pourrait dire que
c'est là un lieu commun de l'anthropologie sociale et c'est pourquoi
une de ses préoccupations majeures est de rechercher la nature des
relations entre les structures que dans leurs sociétés
occidentales ils distinguent comme spécifiquement économique.
Il est hors de notre propos de faire un recensement qualitatif
des différents systèmes matrimoniaux dans le monde, ni
même en Afrique du lieu de notre travail, de nombreux ouvrages en ont
décrit les caractères spécifiques. Cependant pour la suite
de l'exposé il est nécessaire de donner quelques
précisions sur les types de familles qui seront examinés ici
pour comprendre comment la minorité a pu diriger la majorité
qu'elle a trouvée sur le terrain.
En général la famille est un groupe
constitué par les parents, par le sang et les parents par alliances
à un degré très proche et qui ont une résidence
commune. On distingue la famille élémentaire ou nucléaire
constituée par le marin, la femme et les enfants, groupement qu'en
Europe on appelle souvent ménage.
La famille polygame est constituée par un mari, ses
épouses et leurs enfants ; « on peut
considérer qu'elle est formée de plusieurs familles
élémentaires »(482(*)).
D'ailleurs, dans les villages africains, les gens sont
rarement seuls. Tout d'abord, ils vivent très proches les uns des
autres. Dans la plupart des cas, les enfants dorment dans une même
pièce. La cour retentit de la présence des tantes, des oncles,
des cousins et des parents en grand nombre. Tous sont rassemblés sous
l'autorité souvent stricte et puissante d'un chef ou d'un groupe
d'anciens(483(*))
La famille étendue ou indivise constitue un type
très courant bien connu dans les sociétés non
occidentales colonialistes(484(*)): elle comprend un groupe de parents par le sang et
d'alliés qui s'étend au minimum sur trois
générations. C'est ce groupement résidentiel dont
l'importance numérique peut être élevée, surtout en
cas de polygamie, et compter jusqu'à une centaine de personnes, qui
constituait, qui constitue encore dans certaines régions l'unité
de base du clan et de la tribu évoluant jusqu'à des
systèmes capables de donner l'idée vraie de l'appartenance au
lignage et à l'identité sociale. Mais nous pensons aussi que la
génétique et la biochimie des races, en dépit des
mélanges actuels de celles-ci, sont les seuls outils scientifiques
capables de nous mener à la source de l'origine des races, comme
à l'origine première du genre humain. L'aspect actuel de
l'humanité est semblable à celui des couches géologiques
d'un terrain qui, en dépit de nombreux bouleversement et mélanges
successifs, permettent de retracer à rebours l'histoire de notre
planète. La génétique des races et en particulier le sang
des peuples reflètent la longue évolution de l'homme, cet
« anthropoïde inachevé ».
Section 3. Evolution des
systèmes
§1. Appartenance au lignage
et identité sociale des familles grand-lacustres
Comme nous ne sommes pas ici au théâtre La
Nuit des rois de Shakespeare, nous devons envisager les processus
génétiques selon lesquels la présence des gènes
appariés, de provenance hétérogène (père et
mère d'espèce et race différentes), au lieu de
réaliser une expression somatique intermédiaire, hybride, ou de
dominance d'un des caractères au détriment de l'autre, pourront
réaliser, soit un caractère nouveau (n'appartenant pas aux
parents), soit neutraliser à la fois les caractères des deux
parents (appariement génitique mutilant).
Nous abordons le problème classique des
compatibilités et des incompatibilités structuro-technologique
avec leurs corollaires politiques de catalyse et dialyse des processus de
synthèse constructive ethnique. C'est d'ailleurs l'évolution des
systèmes politiques qui, on ne sait pas si ils sont
héréditaires du point de vue sociale ou génétique
si bien que de deux, la loi de la
ãíåóéò
(génération) est présente et celle de la
ö?ïñÜ (corruption ou destruction) s'en
suit sans peine pour l'évolution d'un système par les mariages
(ãáìïò)(485(*)).
On entend par évolution la transformation graduelle ou
progressive ; l'on peut dire que le lingala est une langue en
perpétuelle évolution. En philosophie on parle de
l'enchaînement causal de phénomènes appliqué
à l'univers ou à une totalité. Elle est opposée, en
ce sens au principe de la création divine. C'est une transformation
lente aboutissant à la diversification des espèces vivantes au
cours des temps à partir d'une même forme de vie primitive.
Certains parlent du développement d'une famille.
Cette famille comprend les descendants d'un même
ancêtre ; ses membres consanguins constituent un lignage. On peut
distinguer des patri et des matrilignages selon le mode de transmission de la
parenté et de la succession.
Dans la mesure où les femmes sont prises selon le
principe d'exogamie, en dehors du lignage, elles restent des
étrangères au sein de la famille. Elles participent ainsi
directement aux termes des échanges entre les lignages ; et
surtout théorique, généralement femme contre bien
précieux dans un système plus complexe. Cette institution s'est
étendue aux mariages endogamique, c'est-à-dire aux relations
d'alliance qui se nouent à l'intérieur du lignage, et qui dans
certains cas peuvent être préférentielles.
Le type même de ces préférences est les
mariages entre cousins germains. Là où la conception occidentale
ne voit qu'une parenté au 4e degré, quelle que soit
l'origine des conjoints, un grand nombre de sociétés distinguent
quatre cas différents de mariages pour un jeune homme ; avec la
fille du frère de son père ; de la soeur sa
mère ; de la soeur de son père, du frère de sa
mère. Les deux premières sont appelées cousines
parallèles, les secondes cousines croisées. L'avantage de ces
mariages ne s'explique que par la nature des structures familiales qui sont
souvent fort différentes d'une population à une autre dans une
même région géographique.
Egalement fort différents sont d'un groupe à un
autre le mode de transfert des femmes et le montant de la contrepartie.
Celle-ci peut être relativement élevée et atteindre
l'équivalent de plusieurs années de revenus ou au contraire entre
tout à fait symbolique. De toute façon on ne peut parler d'achat
au sens où nous l'entendons : la femme qui quitte sa famille la
prive d'une certaine force de travail(486(*)). En Afrique les richesses de la
« dot » (ou plus précisément de la
compensation matrimoniale) sont constituées aussi en partie par des
prestations des services du fiancé, puis du mari, à son
beau-père, selon des modalités bien définies et qui seront
précisées. Ces échanges ne peuvent s'expliquer que par la
nature de l'organisation de la société, par sa structure
familiale composée de lignages, par la conception du travail. La notion
de valeur du travail, travail manuel, bien entendu, puisque les
sociétés qui nous occupent peuvent être qualifiées
de pré-industrielles, est ambiguë. Si l'idée de
reconnaître, au moins implicitement, à la force de travail, au
moins implicitement, à la force de travail une valeur économique
est universelle, le concept de son honorabilité n'est pas
partagé par toutes les sociétés(487(*)). « En Afrique
les populations paléo-nigritiques ou paléo soudanaises
l'honorent, mais celles qui ont appartenu aux Etats et Empires le
méprisent et en abandonnent le monopole aux esclaves. Chez les
Haoussa, on considère que la terre n'est source de richesse que dans la
mesure où l'homme l'a fécondée par son action, ce qui
confirme la non-valeur de la possession foncière et l'importance du
travail, donc de l'homme, dans les sociétés africaines
traditionnelles. On ne saurait comprendre l'attitude de certaines populations
africaines vis-à-vis du travail manuel qu'en examinant la division
de la société traditionnelle en catégories
sociales : nobles, hommes libres, esclaves. »(488(*)).
L'esclavage déterminé par la transformation
d'anciennes communautés familiales en Etats centralisés, a eu
pour effet d'abandonner à la main-d'oeuvre servile le travail de la
terre(489(*)). Le
mépris de cette activité par les hommes libres qui seuls auraient
pu avoir intérêt à augmenter la production en adoptant de
nouvelles méthodes, a abouti dans la zone des grands Etats à une
stagnation de l'agriculture pendant de longs siècles. Par contre les
populations de villageois indépendants qui ne relevaient pas de ces
Etats ont pu faire progresser lentement mais effectivement l'agriculture.
Cependant d'une manière générale, qu'elle qu'ait
été le statut des cultivateurs, les Africains ont toujours
recherché des formes collectives de travail agricole. L'homme
isolé sur son champ n'obtient jamais un bon rendement : s'il y est
contraint, il essaie de trouver un palliatif sonore, un outil muni d'anneaux
qui cliquètent et rythment l'effort comme la houe,
« temo » de Aphende. Mais les meilleures conditions sont
celles qui correspondaient naguère avec les dimensions de la famille
étendue, qui pouvait aligner au moins une dizaine d'hommes sur un seul
des champs cultivés par le groupe. Malgré les tendances à
la fragmentation de la famille étendue en familles nucléaires, on
retrouve en Afrique des unités d'exploitation groupant de nombreux
travailleurs, comme chez les Hutu au Rwanda.
L'impact de la colonisation européenne a indirectement
provoqué la rupture des unités familiales de grandes dimensions
qui correspondaient à une unité d'exploitation. On a souvent mis
en cause l'économie de marché comme facteur de cette
désintégration, mais ce serait oublier qu'elle était
pratiquée de longue date en Afrique. On peut encore reconnaître
des zones où l'on retrouve des témoins matériels des
monnaies de fer : tiges ou plaquettes en forme d'instrument aratoire ou
d'arme, monnaie de bronze, monnaie de coquillage (cauris provenant de
l'Océan Indien). Ce n'est que dans la mesure où les cultures
industrielles - café, cacao, arachide, coton, etc.. - se sont
développées que le facteur économique est devenu
prédominant. Dans l'organisation économique traditionnelle le
chef du groupe familial avait le contrôle absolu sur la production, lui
seul commandait la main-d'oeuvre, lui seul redistribuait les richesses et la
nourriture.
Dès l'instant que les plantes cultivées purent
être vendues directement à un commerçant qui les payait
comptant, les choses changèrent et les hommes placés sous
l'autorité du chef de famille n'acceptèrent plus la concentration
du produit de la vente entre les mains de ce dernier. Ils commencèrent
par vendre à leur profit la production des petits champs qu'ils
travaillaient pour leur compte personnel, après avoir effectué
les travaux sur les champs communs du groupe familial, puis cherchèrent
a augmenter leur propre production au détriment de celle de la
communauté. Les chefs de familles étendues tentèrent de
résister sur le plan de la distribution des terres et des femmes dont
ils avaient le double monopole. S'ils ont conservé, au moins en
principe, le dernier, ils ont dû abandonner le premier et accorder des
terres et l'autonomie économique à leurs dépendants. On
pourrait croire revivre les heures pénibles du XIXème
siècle, où certaines communautés paysannes du centre de la
Frances « véritable Républiques des
parents », se trouvèrent confrontées aux mêmes
problèmes : « ... les jeunes gens...ne voulurent plus
travailler qu'à leur fantaisie pour le compte de la communauté,
détournant tout ce qu'ils pouvaient soit de travail, soit d'autres
objets communs, au profit de leur propriétés
particulières, dont la règle leur interdisait cependant
l'exploitation directe. Ils s'arrogèrent aussi le droit d'exiger des
comptes et de surveiller la réparation des fruits. De là des
défiances et souvent des querelles. Dès lors, les jours de calme
et de bonheur que la communauté avait accomplis disparurent sans
retour »(490(*)).
Il semble cependant que les jeunes hommes Africains ont su,
plus vite et plus complètement que ceux de la France rurale,
acquérir leur indépendance malgré des obstacles d'ordre
social. En effet, ce n'est que dans la mesure où un homme est
marié et a un enfant au moins qu'il peut être
considéré comme chef d'une famille, donc d'une exploitation
agricole. Dans certaines populations de la RD Congo, les Lega et Hutu
notamment, le garçon voudrait-il créer une plantation de Tumba,
qu'il ne le pourrait pas, car les arbres ne se plantent que dans les champs
des bananiers après une première récolte. Seules les
femmes, selon des croyances universelles, peuvent faire les semailles car
représentent l'élément fécondant de la
terre-Mère. Aucun jeune homme ne s'aviserait de violer ce principe.
Aussi doit- il se marier rapidement, mais seul le père peut
décider du mariage et payer la « dot de la fille ».
Finalement le garçon quitte le village et va gagner
l'argent de la compensation matrimoniale qu'il remet à son père
pour obtenir une femme et par là même la liberté
d'exploiter.
En France le jeune couple qui acceptait d'aller vivre sur
l'exploitation de ses parents et beaux-parents était souvent astreint
à des conditions aussi rigoureuses que dans l'Afrique traditionnelle.
Dans un contrat de mariage du début de ce siècle, ne lit-on
pas : « ... les futurs époux iront faire leur
demeure et résidence en la maison et compagnie des père et
mère du futur époux qui s'obligent à les loger, nourrir,
éclairer, chauffer, blanchir et entretenir, eux et les enfants
à naitre du mariage, à la charge pour les futurs époux
d'apporter dans la maison commune leur travail
matériel ». Les époux se trouvent ainsi
placés dans une situation de dépendance morale et
économique par rapport aux parents du jeune homme. On peut
préciser qu'en règle générale, ils ne recevaient
pas de salaire régulier : le fruit de leur travail était
représenté par l'héritage de la propriété
après le décès des parents.
Si les jeunes gens africains réussirent à
conquérir très vite leur liberté d'exploiter leurs champs
à titre personnel, ils durent se rendre rapidement à
l'évidence qu'ils n'en tiraient pas un gain substantiel. Le travail
qu'ils devaient effectuer seuls en était d'autant plus pénible.
Comment concilier les activités en groupe qui conviennent si bien
à tous les cultivateurs, et plus particulièrement à ceux
de l'Afrique noire, avec l'individualisation de la production du champ?
Les jeunes Africains n'eurent pas à inventer des
nouvelles formes de travail : la société possédait
des institutions qui pouvaient être adaptées à leurs
nouveaux besoins. Toutes les populations d'Afrique noire connaissaient,
à côtés du travail dans le cadre familial, une forme de
travail dans le cadre du village, basé sur l'appartenance à un
groupe d'âge(491(*)). Tous les jeunes garçons dès
qu'ils ont l'âge de participer au travail agricole appartiennent au
groupe des jeunes, et ils peuvent y rester jusqu'à ce qu'ils soient
eux-mêmes chefs de famille. Par ailleurs, dans quelques populations, tous
les garçons qui sont initiés en même temps forment une
classe d'âge qui a ses droits et ses devoirs précis.
Traditionnellement, d'une manière générale, le chef du
village demande à un groupe ou à un clan de jeunes des travaux
qui prennent l'allure de corvée, tel le nettoyage du village. Ce
même groupe offre son aide à un de ses membres qui va
exécuter des façons culturales sur le champ de son futur
beau-père, ces services faisant partie intégrante de la
compensation matrimoniale.
Une simple translation a résolu le problème des
jeunes gens. Ceux-ci, afin de retrouver un niveau de production relativement
élevée, associent leurs efforts pour travailler au
bénéfice492(*) d'un des leurs, à charge pour chacun
d'entre eux de rendre le service dont il a
bénéficié : sarclage, récolte, battage.
Comment traduire cette évolution en termes de
structures ? Dans le contexte traditionnel les rapports de parenté
apparaissent comme constituant la clef d'une organisation qui englobe les
relations économiques, religieuses, à l'intérieur de la
famille étendu - patri- ou matrilinéaire. Les rapports de
production que celle-ci implique ne se confondent pas totalement avec la
structure de parenté puisqu'ils s'en dégagent sans que pour
autant la solidarité du groupe familial sur le plan des alliances se
trouve rompue. Le chef de famille, et ceci est attesté par de nombreux
ethnologues, continue à être seul habilité à choisir
la première épouse pour chacun de ses dépendants,
frères cadet, fils ou neveu, même s'ils sont économiquement
indépendants, par exemple lorsqu'ils ont émigré en milieu
urbain ou lorsqu'ils sont salariés. Aucun d'eux d'oserait transgresser
la coutume : il ne le pourrait d'ailleurs pas, car le père de la
famille n'acceptait pas d'argent ou de cadeaux données directement par
le jeune homme. La génération des pères est solidaire pour
conserver les quelques privilèges qui lui restent encore: c'est
là un aspect du conflit de génération en Afrique qui
s'inscrit dans un système de structure en pleine évolution.
§ 2. Identité des
structures socio-économiques et les techniques agraires chez les
Hutu
La théorie marxiste de l'Etat soutient que les lois
d'un Etat sont des instruments qui donnent le contrôle social au groupe
dominant. Ce contrôle est beaucoup plus tourné vers des centres
des productions agricoles. La source du pouvoir étatique peut-être
l'invasion militaire ou la stratification socio-économique. Dans les
deux cas la justice ne peut exister que si l'Etat dépéri et a
été remplacé par une administration sans pouvoir
politique. La justice de la classe dominante est injustice(493(*)), et, si elle est
défendue, devient idéologie. Les lois qu'elle établit
préservent un ordre social donné, et aussi longtemps qu'il n'y a
pas d'alternative à cet ordre social, les lois des classes dominantes
sont préférables au chaos. Des tenants plus cyniques de cette
théorie définissent la justice exclusivement comme une fonction
du pouvoir et pas du tout comme son juge. Ils acceptent l'analyse marxiste sans
accepter l'espérance marxiste, et réduisent complètement
la justice à une fonction du pouvoir de production.
A la lumière des informations qui
précèdent et qui concernent les populations rurales de l'Afrique,
dans le Ruanda voisin, on peut interpréter les rapports entre les
structures socio-économiques et quelques techniques essentielles pour la
vie des groupes considérés. Malgré les efforts
d'industrialisation, les activités agro-pastorales occupent encore de 70
à 90% de la population de l'Afrique inter-lacustre(494(*)). Pour une grande partie il
s'agit d'une agriculture traditionnelle qui concerne les produits vivriers et,
dans une plus faible mesure, certaines plantes commerciales comme l'arachide,
le coton, etc. Contrairement aux idées couramment admises, les
techniques agraires ne sont pas demeurées sans changement depuis des
siècles : instruments aratoires et façon culturales ont
évolué en fonction des besoins des structures des
différents groupes sociaux. Si on peut avancer qu'aux temps
préhistoriques l'instrument universel a été la houe de
pierre, de bois, ou constituée d'une valve de coquillage, celle-ci n'a
pas été le seul moyen d'action sur le sol. Des instruments
adoptés aux conditions du milieu ont été
élaborés, comme la grande pelle verseuse des riziculteurs de la
côte Atlantique, la houe à très large fer des
Sénoufo et l'iler, outil spécifiquement africain qui permet de
semer et de sarcler sans se baisser. La genèse de cet instrument, dit
Leroi-Gourhan, est difficile à établir, mais si on peut
préciser que son aire d'extension historique se situe exclusivement dans
des populations islamisées de la zone sahélienne au sud du
Sahara - par exemple dans le territoire de Kasongo en RD Congo -, on peut par
là même avancer quelques hypothèses.
Cet instrument à trouvé les conditions primitive
de son emploi dans un contexte écologique et social bien
déterminé : dans la zone sahélienne, au contact de
groupes d'éleveurs. Chez les juifs, on remarque d'ailleurs que, quoique
l'élevage occupe une activité principale, les bergers sont une
classe de gens de peu de valeur. On a même la facilité de les
appeler « race ». D'après R. Martial,
« on appelle race l'ensemble d'une population dont les
caractères psychologique latents ou manifestes (langue en particulier)
et les traits anthropo-biologiques constituent, dans le temps (histoire), une
entité distincte »(495(*)). C'est
avec cette définition que nous comprenons l'appartenance d'un peuple en
rapport avec les structures socio-économiques qui l'accompagne.
§3. Race et
économie : structures socio-économiques et appartenance
raciale
Le structuralisme est l'affirmation du primat de la structure
sur l'événement ou le phénomène. Les processus
sociaux se déploient dans le cadre de structures fondamentales qui
restent le plus souvent inconscientes. Il existe un décalage entre ce
que les hommes vivent et ce qu'ils ont conscience de vivre, et c'est ce
décalage, qui rend les discours, que les hommes tiennent sur leur
conduite, impropres à rendre compte de façon adéquate des
processus sociaux effectifs. De même que c'est la langue qui produit du
sens par son jeu de différences, de même c'est l'organisation
sociale qui génère certaines pratiques et certaines croyances
propres aux individus qui en dépendent.
Gobineau qui avait conçu que « toutes les
civilisations (étaient) comme dérivées d'une race
fictive » se heurte à la pensée de Hankins qui dit
très justement qu' « on ne saurait identifier la race avec
la nationalité et la nation ». Nous allons parler des
Bantu des régions lointaines de notre locus du mythe Hima-Tutsi pour en
fin montrer les champs entropologiques du mystère de l'union culturelle.
Il y a quelque chose que nous devons observer chez les nomades d'origine
blanche venus à travers le Sahara. Comme on peut encore l'observer au
Niger et au Tchad, leurs descendants actuels nomadisent avec des troupeaux de
bovins ou de camelins, tandis que leurs serviteurs noirs, descendants
d'esclaves, se livrent à une agriculture élémentaire dans
les sables quasi stériles situés à la limite des cultures.
L'instrument conçu sur le modèle de la lance des Touareg, est
mieux adopté que la houe au sarclage rapide de grandes
étendues de terres légères. Sa pratique s'est
étendue à la plus grande partie de la zone sahélienne,
celle qui a connu les Etats à pouvoir centralisé et à
division du travail social très poussées. Les esclaves avaient
le monopole des activités agricoles : nullement
intéressés par les rendements - un esclave ne possède
aucun bien - ils ont reproduit les mêmes procédés
techniques pendant des siècles, sans prendre conscience que ceux-ci, en
favorisant une intense érosion éolienne, stérilisaient peu
à peu les terres. De même, leurs maîtres se souciaient peu
de cette situation, puisque pour élever la production chaque fois que la
nécessité s'en faisait sentir, il leur suffisait d'augmenter le
nombre de travailleurs et d'utiliser de nouvelles terres.
Pendant ce temps, les populations paléo-nigritiques,
freinées dans leur évolution technique par les contraintes de
leur système initiatique, accomplissaient de lents, mais substantiels
progrès. Une agriculture de type intensif, caractérisée
par des façons culturales nombreuses et soignées faites à
la houe, a servi de modèle à certains groupes utilisant l'iler,
mais qui ont ressenti la nécessité d'une transformation
techno-économique.
La seconde moitié du XIXe siècle a
apporté d'importants changements dans la situation politiques de
l'Afrique : le début est marqué par l'arrêt de la
traite des esclaves à destination d'Amérique, la fin voit la
conquête coloniale, avec la cessation des guerres intestines, des raids
de pillards et d'esclavagistes destinant leurs captifs aux pats arabes de Tippo
Tib. Le résultat de ces événements fut l'accroissement
démographique et le développement du commerce, en produits locaux
aussi bien qu'en marchandises européennes. Toutes les populations qui
pratiquaient une agriculture très extensive se trouvèrent
placées devant le problème de l'élévation du niveau
de la production ; chacune le résolut en fonction de ses propres
normes et valeurs.
Les Bantu de la RD Congo sont différents des anciens
conquérants et employeurs d'esclavages, les Songhay et les Djema de la
vallée du Moyen Niger qui ne concevaient pas le travail comme une
activité honorable, surtout dans leur propre pays : ils
cherchèrent la solution dans l'émigration saisonnière vers
les pays de la côte ou la main - d'oeuvre temporaire trouve toujours
à s'employer. Si le travail a été fructueux, on peut
embaucher des manoeuvres qui font le gros du travail agricole : ceux-ci
apparaissent comme le substitut des esclaves d'autrefois. Les rapports anciens
ont disparu, mais les concepts nés des structures anciennes sont
restés intangibles.
Les groupes Lega, en RD Congo, plus industrieux parce que
n'ayant pas connu les conquêtes esclavagistes, ont choisi la solution du
changement technique. L'abandon de la machette et/ou la hache et la reprise du
travail à la houe ont permis le défrichement et la mise en
valeur des terres lourdes des forêts. Cette évolution a
été si courte qu'on peut parler d'une véritable mutation
technique, favorisée par l'islamisation qui a fait table rase de
certaines coutumes agraires, l'adoption de la nouvelle technique a
été rapide et complète dans des zones homogènes.
Ces succès est dû en partie au système de travail en
commun : il n'était pas matériellement possible que les deux
techniques de défrichage avec la hache et la machette puissent se
faire sur un même champ par un même groupe de travailleur. Si les
conditions économiques et démographiques ont rendu indispensable
le changement technique, ce sont les structures socio- professionnelles qui ont
favorisé sa diffusion à l'échelle d'une vaste
région.
On peut aussi prendre l'exemple des Wolof(496(*)) du Sénégal,
ou la partie la plus importante d'entre eux qui dans le cadre de l'islamisation
a adhéré à la confrérie des mourides, ont
réussi à augmenter leurs production en conservant des
systèmes culturaux extensifs. Sur des champs temporaires, ils utilisent
encore nom-ou la culture attelée sous l'influence
européenne.
Cette réussite tient à la conjoncture d'un
certain nombre de facteurs favorables qui s'inscrivent dans les structures
agraires et religieuses du groupe.
L'appartenance à l'Islam, dans la mesure où
elle implique la rupture avec les cultes locaux - ce qui, malheureusement ne
fut pas le cas des Lega -, facilite l'abandon des terres d'origine. Mais on ne
peut s'installer sur des nouveaux terrains de culture que si on appartient
à une organisation solidement établie et
expérimentée. Le mouridisme(497(*)), mouvement islamique spécifiquement
sénégalais est aujourd'hui marqué par un comportement
favorable aux réussites matérielles plutôt que par le
mysticisme ascétique qui le caractérisait à l'origine. On
peut aussi croire de la perte de kitutsi comme langue, sans aucune survivance
n'existe ni dans les idiomes, ni dans les idiomêles. Il s'appuie sur ses
cadres, les marabouts et sur ses disciples, les talibés. Certains de
ces derniers sont formés dans des centres de colonisation agricole, mais
chez les Lega c'est le Kimbilikiti qui tient ce cordon ombilical ethno-cultuel.
Chez les marabouts ouest-africains, les jeunes y apprennent abandon total
à Dieu, mais la contemplation n'exclut pas l'action qui prend la forme
d'un travail productif au bénéficie de la hiérarchie
religieuse. On trouve et nullement et rarement ces rites initiatiques
systématiques chez les Tutsi.
L'organisation mouride peut résumer ainsi son
programme : « travaille comme si tu ne devais jamais mourir.
Prie comme si tu devais mourir demain ». Son succès dans le
Sénégal central et la poussée des colons vers la partie
orientale ne s'expliquent que par sa puissance idéologique, qui sait
utiliser la force de travail des Talibés. Sous le contrôle
étroit des marabouts et chez les Lega les baame qui recueillent une part
de la production en nature, en espèce et en services, les
communautés pionnières étendent toujours davantage leurs
cultures.
L'appartenance à une confrérie dont l'influence
religieuse se double d'une puissance économique et politique
incontestable, ouvre aux fidèles l'accès aux Terres Neuves.
Celles-ci sont obtenues soit par déclassement de forêts
domaniales, soit par refoulement des éleveurs peul de leurs terrains de
parcours. Le phénomène est différent car les Tuas, bien
que repoussées par les Bantu, gardent des terres fertiles. Cependant
avec les Tutsi le problème est tout à fait
compliqué ; parce que les Bantu vivent avec eux non point en
conquérants, comme voulaient nous le faire croire J. Maquet et Baumann
et Westermann, mais en hôtes, c'est-à-dire l'hospitalité
des Bantu est cet humanisme mystique et religieux. Les conséquences au
point de vue technique risquent à long terme d'être grave :
l'utilisation des sols jusqu'à épuisement et défrichement
des nouvelles terres ne peuvent être indéfiniment poursuivies.
D'autre part, l'équilibre indispensable tant au point
de vue agricole qu'économique dépend en partie de l'existence
d'un troupeau important qui assure en partie la fumure des champs. Ce type
d'exploitation du sol entre dans la définition de
«l'économie de rapine », c'est d'ailleurs la
razzia(498(*)) qui est,
chez les Tutsi, une institution nécessaire pour la survie d'un clan. Il
rappelle les procédés les plus extensifs : dans la mesure
où la terre est abondante, il n'est pas nécessaire de la
ménager. Ce n'est pas le rendement moyen (production par unité de
surface pendant plusieurs années) qui est recherché - ce qui se
trouve dans le Droit Coutumier Rwandais tel que codifié par A Kagame -,
mais la production brute, sans tenir compte des besoins futurs de la population
qui aura vraisemblablement doublé.
Les préoccupations actuelles ne sont plus rigoureuses
que celles qui ont prévalu lors de la genèse de l'instrument qui
permettait de sarcler(499(*)), de défricher, etc. plus vite. Pour
augmenter la production, suffit-il aujourd'hui de multiplier la terre et les
hommes ? Il n'en est pas non plus le cas dans l'élevage ; on
ne rencontre aucune industrie pastorale au Rwanda où les Tutsi sont
réputés champions éleveurs.
En dernière analyse, peut-on parler de rapports de
production d'un type déterminé à propos des
communautés mourides ou tutsies? La position des marabouts et des baame
apparaît conforme aux principes de la morale de l'Islam et de
kimbilikiti, puisqu'ils vivent des dons, aumônes et services de leurs
fidèles. Mais cet aspect des choses ne doit pas cacher la
réalité : aucun de ceux-ci ne pourrait appartenir à
la communauté contre l'accord du marabout ou du mwami qui en fait le
contrôle non seulement la vie religieuse, mais aussi la vie politique
sociale du groupe.
Dans celui-ci, composé d'immigrants, l'unité
familiale de base est la famille nucléaire ; le mwami choisit les
conjoints et arrange les mariages à son gré. Bien que chaque
village de pionniers ait son chef et ses notables choisis, la structure qui
domine la vie sociale et en permet le contrôle total par les
confréries est d'ordre à la fois religieux et économique.
Il est difficile de faire le départ économique. Il est
difficile de faire le départ entre ces deux formes
privilégiées, car selon les préoccupations personnelles
des baame, on peut dire que l'une ou l'autre est déterminante dans la
nature des rapports qui s'établissent entre ceux-ci et leurs
sujets ; mais les rapports de production apparaissent toujours
derrière les rapports politiques. La famille reste dans ce sens la base
de la communauté villageoise et noyau de la mentalité
collective.
§ 4. Communautés
familiales et communautés villageoises
La mentalité collective(500(*)), interprétée
du point de vue psychanalytique de Freud, étant un fait involontaire,
est donc une contrainte, un asservissement contre lequel le moi ne peut rien.
Quel est le rôle joué par la famille dans la constitution de la
société ? Il est courant d'affirmer que la famille est la
cellule de la société, mais d'autres auteurs observent que la
famille est une entité indépendante du concept social et qu'elle
en serait plutôt l'antagonisme. Des analogies ont été
esquissées entre certaines formes de rapports sociaux,
caractéristiques des populations africaines actuelles comme de groupes
particuliers d'anciennes sociétés rurales françaises.
Elles ne permettent cependant pas de conclure à une similitude globale
des structures socio-économiques.
Des premiers, il ressort que le système
d'organisation de la société à pour base des
unités étroitement conditionnées par des liens de
parenté et d'alliance. Ceux-ci sont déterminants à
l'intérieur de la famille, sur tous les plans de la vie sociale ;
ce n'est que dans la mesure où la tradition s'oppose à
l'économie que les rapports formés à l'occasion du
travail et de la production deviennent autonome. On peut parler ici d'une loi
générale d'évolution501(*), alors que les faits du domaine français ne
constituent que des témoignages très partiels, notamment en ce
qui concerne les communautés de parents, qui n'ont jamais
représenté l'ensemble de nos sociétés rurales.
Celles-ci ont élaboré, depuis l'origine des techniques agro-
pastorales, des formes d'organisation caractérisées par une vie
collective qui transcende la vie sociale et fonctionnelle des unités
familiales. Considérant leur aspect contraignant, on a pu parler de
servitudes collectives auxquelles chaque famille, chaque foyer devait
souscrire dans son propre intérêt. L'organisation communale de
la propriété territoriale était le trait le plus
significatif du système que l'on trouvait en France plus
particulièrement dans les pays d'habitat groupé.
Le terroir cultivé était divisé en un
certain nombre de quartiers (soles, contrées, saisons, selon les
provinces) qui étaient périodiquement affectés à
une culture ou laissés en jachère. Chaque foyer disposait de
terres dans chacun de ces quartiers et devait obligatoirement suivre le rythme
annuel de la communauté dans ses différentes opérations
culturales et pastorales. Le bétail de chaque foyer était
réuni sous la garde d'un pâtre ou d'un berger communal qui
conduisait son troupeau sur les quartiers en jachère du terroir
cultivé ou sur les fiches communales.
Si en Afrique Orientale - surtout dans le Ruanda-Urundi - on
peut reconnaître une organisation comparable en ce qui concerne la garde
des bêtes, confiées à un pâtre commun, appartenant
à une ethnie spécialisée dans l'élevage, les Peul,
on ne trouve que de rares traces de l'organisation collective des terres de
culture. D'une manière générale, l'utilisation de
celles-ci est laissée aux seuls soins du chef de famille : on peut
constater que le lien de voisinage ne fournit qu'un principe secondaire de
l'organisation sociale502(*). Telle était du moins la situation avant que
les grands changements liés indirectement à l'introduction de
l'économie de marché viennent la bouleverser. Dans la mesure
où les structures socioéconomiques des villages africains vont se
dégager peu à peu de la pression des rapports de parenté,
les liens de voisinages s'affirmeront pour organiser le terroir cultivé
selon des normes correspondant aux besoins nés de l'expansion
démographique et du développement économique. Apparemment
la famille étendue a conservé sa cohésion. Le chef de
famille continue à payer les impôts des adultes qui vivent dans
l'enclos (appelé concession ou carré) renfermant les cases de
tous les membres du groupe. Cet ensemble de cases, habitations ou cuisines, ne
varie que par la multiplication des greniers, mais ses limites restent
immuables, maintenant le système d'organisation spatiale du village, au
moins aussi longtemps que ses occupants sont assez nombreux pour les
entretenir. Compte tenu des difficultés pour un jeune homme de fonder
une nouvelle concession, il porte longtemps la trace de l'ancienne structure
familiale.
En revanche, le dessin des champs cultivés traduit
immédiatement les tendances à l'indépendance
économique de chacun des membres de la famille : le parcellement
qui remplace peu à peu les grands champs collectifs des groupes
familiaux permet de mesurer cette évolution. Celle-ci est
récente, mais si rapide que dans certaines régions du Niger des
vues aériennes prises à une dizaine d'années d'intervalle
mettent en évidence les changements du système
socio-économique dans le sens de l'individualisation des champs. Cette
tendance est si forte qu'elle s'étend à chacune des
épouses de la famille polygame qui tient à cultiver et à
produire pour son propre compte, au détriment de la production du
ménage. Cette atomisation du terroir et de la production va à
l'encontre des conceptions européennes de l'organisation du finage. La
concentration des entreprises agricoles et le rassemblement en grandes
pièces des parcelles naguère dispersées est la condition
nécessaire de leur exploitation rationnelle.
Quelles sont les tendances actuelles du monde rural ?
Dans quel sens évoluent ses structures socio-économiques ?
En ce qui concerne l'Afrique, on peut confirmer le passage des
sociétés qu'il a été commode d'appeler
« tribale » parce que leur fonctionnement était
dominé par les rapports de parenté et d'alliance au sein d'un
groupe étendu, vers des types de sociétés paysannes. Sans
que l'on puisse en déduire une similitude avec celle de la France, on
peut constater que dans les deux cas, la propriété
foncière individualisée devient en tant que structure une des
préoccupations majeures de la société.
Déjà les paysans français disparaissent,
non seulement numériquement, mais en tant que catégorie
socioprofessionnelle(503(*)). Un monde rural sans paysans est une
réalité dans plusieurs régions où la forme
d'exploitation qu'ils avaient élaborée au long des siècles
s'efface. Elle est remplacée par un système où, selon
l'expression de H. Mendras, « des techniques agricoles et
comptables tiennent lieu d'expérience et de savoir
faire »(504(*)). La terre cesse d'être le secteur
dominant des exploitations agricoles, au profit de l'équipement
mécanique. L'ordre mécanique des champs a vécu ainsi que
toute l'organisation familiale qui avait été
élaborée pour en assurer la succession à travers les
générations. Les prérogatives de l'entrepreneur, avec le
pouvoir de décision qu'elles impliquent, sont battues en brèche
par les lois du marché international. C'est là un des points
communs aux sociétés qui ont fait l'objet de ce propos, et on
peut se demander dans quelle mesure elles n'évolueront pas dans une
direction commune.
Si cette hypothèse implique finalement une
prédominance des rapports économiques, on peut tenir pour certain
que, comme aujourd'hui encore en Europe, les formes évolutives de
l'Afrique porteront pendant longtemps la traces directe des concepts et des
valeurs issus de structures qui ont prévalu pendant des
siècles.
Conclusion
Sous l'angle épistémologique historiciste la
perspective ébauchée plus haut entraîne une restructuration
méthodologique ; mais Mutuza voit bien ce que l'histoire peut avoir
de choquant et il termine par une analyse des structures technico-sociales pour
comprendre les populations hima-tutsies. Dans cette analyse certaines
corrélations apparaissent clairement et nous en sommes arrivé
à ouvrir le temps entropologique pour la meilleure compréhension
de la problématique du mythe hima-tutsi. L'identité et
l'appartenance imposent une certaine habitude qui se forme dans le temps
historique que nous appelions çèïò.
En arrivant à ce point de la formation d'une habitude dans le temps, les
enjeux sociaux imposent leurs structures et deviennent des faits sociaux
réels dont les techniques ne sauraient expliquer les diversités
politiques. C'est cette dimension du temps entendu comme succession
(áêïëïõèßá),
et cette succession nous a permis d'analyser le problème de la
différence chez J. Maquet, Th. Papadopoulos et R.E. Mutuza :
correspondance et corrélation technico-structuro-économiques,
caractères dominants des économies et éloignement des
identités et la valeur de la hiérarchie des structures
d'appartenance. Les unités familiales et l'unité d'exploitation
pour une identité font directement appel au constructivisme social et
à l'appartenance familiale. Il y a là l'appartenance, la
hiérarchie des structures et les valeurs de l'identité. C'est une
analyse sérieuse qui nous a orienté à comprendre
l'évolution des systèmes qui a pour corolaire :
l'appartenance au lignage et identité sociale des familles
grand-lacustres, l'identité des structures socio-économiques et
les techniques agraires chez les Hutu, les Structures socio-économiques
et appartenance dans la mentalité des Communautés familiales et
communautés villageoises.
L'analyse philosophique qui implique la corrélation et
la correspondance entre techniques et structures sociopolitique. Elle nous a
entraîné à restructurer la valeur de la technique.
Après tout ce travail Mutuza pense que « ces tentatives font
une part très large aux aspects les plus intellectuels d'une
culture : la croissance démographique étant, même aux
époques passées, un phénomène fluctuant, mais
inéluctable, un peuple qui ne parvient qu'à conquérir
partiellement un espace vital convoité sera affligé d'une double
frustration, celle de n'être jamais équilibré avec son
conditionnement géographique et celle d'être menacé
indéfiniment par des voisins non neutralisés. Quant au peuple
conquis, la réaction de défense pourra être
canalisée par un ressentiment secondaire, c'est-à-dire
conservée dans un désir latent de vengeance, stimulant suffisant
pour tenter d'accéder au même niveau de civilisation que celui des
nations supérieures et renforcé par une croissance
démographique accrue et cela crée des frontières
socialement difficiles d'être légitimes.
La frontière c'est la zone de critique au-delà
de laquelle la sécurité n'est plus sûre, la
délimitation entre le licite et l'illicite hasardeux. De nos jours
encore, un touriste traversant les frontières
congolo-ougando-ruando-burundaises, strictement dans un but de divertissement,
ressent un petit sentiment d'inquiétude, une appréhension
d'être soupçonné au moins d'indiscrétion chez ses
hôtes. Chez les Tutsi, par exemple, un simple regard porté par un
étranger vers l'intérieur d'une demeure, depuis la voie publique,
est une offense aussi grande que le serait dans notre milieu
démocratiste l'outrage provoqué par un inconnu coupable de
grossière indiscrétion.
La notion de « citoyenneté
transfrontalière », décrié par Mutuza(505(*)), implique une sorte de
pudeur à l'échelle nationale, raison pour laquelle bien des Tutsi
s'opposent à ce que des visiteurs puissent recueillir des documents sur
la misère ou les défauts de leurs populations. Voilà qui
entraine la mise en poèmes de pouvoir dynastique et les valeurs qu'ils
défendent.
Chapitre sixième :
IDENTITE ET APPARTENANCE SELON LES POEMES DYNASTIQUES DU RUANDA ET LES VALEURS
QU'ILS DEFENDENT
Introduction
Dans ce chapitre, notre attention est tournée vers
l'observation de première importance que nous devons noter au sein de
certaines peuplades africaines. Plus les groupements se rapprochent de leur
composante hamitique, plus augmente le nombre des individus
évolués. Le type physique s'affine et peut devenir d'une grande
beauté, le visage s'éveille, la démarche et le maintient
s'anoblissent, la vie luxueuse est recherchée, l'art se perfectionne. On
arrive à une élite que l'on n'ose plus qualifier de
« Noirs hamitiques », mais plutôt de
« Hamites noirs » car, pigmentation mise à part, les
physionomies se rapprochent du type européen
méditerranéen. « Nomades, les peuples pasteurs sont
toujours minoritaires dans les pays qui les accueillent. Mais
propriétaires du gros bétail qu'ils chérissent et dont ils
se nourrissent rarement ou pas du tout, selon qu'ils les considèrent
comme un bien de prestige ou un bien sacré, ils se trouvent
entourés de prestiges auprès des peuples bantu agriculteurs.
Prestige renforcé par l'exaltation des traits physiques qui les
rapprochent de l'homme blanc, qui s'est présenté à l'homme
noir comme le modèle et le prototype du beau, du bon et du vrai. Bien
que cela ne soit pas vrai, l'imaginaire populaire continue à croire (ce)
mythe(506(*)). Mais
l'homme blanc a oublié ce qu'était les Grecs, maîtres et
fondateurs de la civilisation occidentale.
Comparativement aux cultures protohistoriques des autres
régions de l'Europe, la Grèce se peupla tardivement et ses
habitants vécurent longtemps à l'état sauvage. C'est
seulement à l'âge du cuivre, vers l'an 3000, que de vastes
immigrations peuplèrent le Péloponnèse et les Cyclades qui
étaient encore déserts. Vers 2000 ans avant J.-C., les
Achéens, qui savaient fabriquer et travailler le fer,
s'établirent en tant qu'ethnie bien définie dans le nord du
Péloponnèse. Vers les XIe XIIIe
siècles de l'ère archaïque, les Doriens
refoulèrent leurs prédécesseurs Achéens, occupant
le Péloponnèse (symbolisé par les Spartiates) et
lançant dans la mer Egée, sur les côtes de l'Asie Mineure,
de l'Afrique, de Sicile et en Italie.
Ce résumé migratoire démontre encore le
phénomène psychosomatique résultant du contact de deux
ethnies antagonistes d'abord, puis complémentaires, fusionnant leurs
caractères physiques et psychiques et créant ainsi de nouvelles
combinaisons mentales, sources de civilisations nouvelles.
Pour prendre le cas sous examen à propos des Tutsi, il
est bien connu qu'ils sont venus de quelque part, et avec la haine pour outil,
nerveux, et parfois sentimentaux, les Hutu leur donnèrent
l'élément flegmatique, l'endurance et l'énergie, la
discipline d'un champ de conscience concentrique et l'organisation d'un
retentissement secondaire. Si l'accueil que les Hutu ont réservé
aux Tutsi eut son retentissement en ayant un caractère constructif,
alors que les razzias des Tutsi sont toujours destructives, cela a aussi permis
à la colonisation de procéder, mal pourrait-on dire, à
raison ou à tort, au découpage politique de territoires
fondé presque exclusivement sur des conventions qui n'ont pas souvent
tenu compte des similitudes ethniques ou linguistiques. Cependant ils ont
malheureusement réuni, au contraire, des peuples différents ou
encore séparé le même peuple.
Or, la division de l'Afrique en de très grands Etats
est psychologiquement moins favorable. C'est pourquoi il est plausible de dire
que ce ne sont pas ceux qui divisèrent l'Afrique qui contenaient en
puissance les effets dévastateurs de la traite puis de la colonisation
mais, qu'au contraire, c'est nous qui possédons «en
puissance » toutes les physionomies de ces avatars aujourd'hui
disparus. Mais les querelles restent entre Africains quand il s'agit des
intérêts des « autres » : il y a conflit
entre exportation et importation des valeurs des nos cultures.
Ainsi, allons-nous traiter du pouvoir avec l'ethnonyme et le
glossonyme du peuple Hima-Tutsi. Cela a des applications avec le champ de
conscience et le cloisonnement ethnique dont les valeurs morales,
renfermées dans les poèmes dynastiques, est un
matérialisme dialectique dont la vache achève de boucler la
boucle. A ces poèmes s'ajoute l'exaltation de cinq tambours qui forment
la pentatonique dont chacun des Ingoma représente un des sens d'un
organisme analogique à des êtres vivants. La razzia ouvre la
politique de l'appartenance dans l'ordre exponentiel. C'est ce qui nous permet
de découvrir la durée diatonique des poèmes et la
problématique de l'appartenance politique et juridique dont le mythe des
ethnonymes (Hutu-Tutsi-Twa) très usuels ne correspondent non seulement
pas, mais en rien avec le glossonyme kinyarwanda. Il est bien connu que
l'adjectif Banyarwanda (usé en
malignité comme ethnonyme) signifie ceux qui viennent de/ou
vivent au Rwanda, qui qu'il soit : Hutu-Tutsi-Twa.
Section 1. Pouvoir, glossonyme et
ethnonyme du mythe Hima-Tutsi
§1. Royaume et appartenance dans les poèmes
dynastiques
Il n'est pas impossible que telle langue se
révèle être l'outil particulier bien adapté à
l'acquisition d'une certaine forme de culture, mais rien ne permet d'affirmer
que la langue d'un peuple détermine le type de civilisation qu'il devra
se forger. Le primat de l'objet (la langue) faisant place au primat de la
fonction (la culture), l'on ne découvrirait la différence que
quand il y a entropie.
Dans ces lignes nous traiterons du roi et de son appartenance
sous les chaînes d'or cyclique de l'octave, de la pentatonique du
poème et la politique de l'appartenance dans l'ordre exponentiel et,
enfin, de la durée diatonique du poème et l'appartenance
politique.
A. Kagame rapporte les poèmes dynastiques en
kinyarwanda. Le poète exalte la royauté, en énumère
huit attributs et y expose cinq tambours royaux. Au roi le Rwanda et les
Banyarwanda en sorte que cette entité serait à la fois finie et
infinie comme la ligne d'un cercle néant(507(*)). Alors que le néant
ne possède aucune dimension euclidienne, ni aucun temps comme le royaume
lui-même, le terme du royaume évoque pour nous une idée de
grandeur, qui dépasse presque tout le reste de ce qui a du prestige aux
yeux des hommes. C'est la raison pour laquelle toutes les poésies, voire
même toutes les littératures se servent de cette expression pour
désigner des biens éminents. S'il avait existé quelque
chose de plus grand que le royaume, certainement que les littératures
l'eussent utilisé pour éveiller dans le coeur de leurs lecteurs
et auditeurs le désir de l'inexprimable beauté.
Il était impossible de désigner par leur terme
propre les biens qui dépassent notre entendement et notre connaissance.
Nous avons vu quelle était l'origine du mythe et de sa conception, et
comment Mutuza répond au problème posé par les mots.
C'est dans la poésie dynastique du Ruanda que ce problème est
clairement mis en exposé par Kagame. La poésie dynastique du
Rwanda a été créée en rapport avec l'institution
royale et pastorale et, comme telle, elle porte le cachet de la civilisation
chamitique pastorale à institutions patriarcales et hiérarchie
politique concentrée. Elle sert à glorifier les rois
sacrés, chefs du royaume, et immortaliser leurs gestes et les actes
significatifs de leurs règnes. Elle est si étroitement
liée à la personne du roi sacré et à l'institution
royale qu'elle a fini elle-même par être une institution annexe,
patriarcale pour ainsi dire. Elle a reçu le terme approprié de
dynastique par distinction des deux autres genres poétiques qui ont
fleuri au Ruanda, le pastoral et le guerrier.
L'itinéraire migratoire des Hima-Tutsi offre un
spectacle qui nous permet de comprendre le système politique de ce pays
et l'intégration astucieuse des immigrés. Les Hima-Tutsi sont
venus trouver les Hutu dans leur Ruanda sous les baame aux pouvoir
décentralisé. Arrivés, les Tutsi se sont rendus
auprès des chefs et leur ont offert leurs femmes pour épouses et
leur troupeau des boeufs. Les baame, ayant admiré les beautés de
femmes des immigrés(508(*)) et la viande des boeufs, les ont adoptées.
Malheureusement les femmes tutsies se sont arrangées pour n'avoir des
enfants qu'avec leurs maris plutôt qu'avec les baame, leurs
maîtres.
La société des Hutu est patriarcale. Les enfants
nés des femmes tutsies, eux-mêmes des Tutsi purs parce
qu'engendrés des Tutsi, maris coïtaux de leurs mères,
devinrent des baame et par conséquent des chefs terriens. Cela
n'était pas d'un seul instant. Ce fut un long processus. C'est ainsi
qu'il y eut dans pratiquement toutes les chefferies des Tutsi qui
régnèrent et leur prestige ne savait qu'augmenter. Et cela
n'était pas non plus sans s'attirer la haine des enfants des femmes
Bahutu.
Pour se protéger, ces baame tutsis durent faire des
alliances entre eux(509(*)). Ces alliances leur permirent de former
petit-à-petit une monarchie. Comment cela se fut réaliser ?
A la mort d'un des baame l'un d'entre eux annexait les sujets du défunt
sous sa juridiction. C'est ainsi que le pouvoir centralisé se
constituait. Lorsqu'il ne resta qu'un seul mwami, la conscience d'absolutisme
se réalisa. Et pour renforcer la monarchie, seul le lien biologique
pouvait justifier la pureté de la lignée. Pour se rassurer de
cette pureté il a fallu au mwami de prendre pour épouse sa soeur
ou sa nièce, seul fait sûr de l'appartenance. C'est ainsi qu'on
trouve l'exaltation de la lignée royale dans les poèmes
dynastiques.
Kagame ne parle d'ailleurs pas de la poésie dynastique
tutsie. Il parle plutôt de la poésie dynastique du Ruanda. Nous
avons là l'idée d'une affirmation de l'appartenance aux terres
ruandaises. Les immigrants Chamites orientaux se caractérisent par le
fait d'avoir préservé leur civilisation pastorale presque
à l'état pur, perpétuant d'une manière remarquable
leur hiérarchie sociale traditionnelle et organisant les Etats
fondés par eux sur le modèle absolutiste et théocratique
des peuples pastoraux(510(*)).
Les Bantu les ont dominés dans le domaine linguistique
dont l'influence reste encore jusqu'à nos jours et les ont aussi
politiquement incorporés, selon la pertinente remarque de K. Oberg, dans
African Political systems, en en adoptant la langue sous l'effet
d'une écrasante supériorité numérique et en
abandonnant complètement leurs propres idiomes chamitiques.
Notre thèse veut plus démontrer le sens de
l'appartenance plutôt que l'appartenance elle-même, nous ne nous
intéresserons pas des dates de début du règne du premier
roi dynastique du Ruanda. Etant donné cependant que ces études
dérivèrent artificiellement en supputant les règnes
successifs à trente ans chacun, ce qui est plutôt
exagéré, dit Mutuza à la suite de Papadopoulos. Une
rectification raisonnable donnerait une période totale dynastique pour
le Rwanda considérablement réduite(511(*)).
La confrontation comparative des monuments d'une civilisation
historique relevant de la rencontre de deux civilisations participant à
des degrés différents aux deux phases d'évolution,
ethnologique et historique, ont aidé Mutuza à comprendre et
illustrer les principes généraux qu'il avait exposés dans
son ouvrage.
Le noyau central de la poésie dynastique est
constitué par le thème de la royauté. Cette royauté
est sacrée. Le thème royal n'est pas celui qui donne la grande
idée du mythe. C'est le traitement interne du thème qui importe
ainsi que celui de thèmes subsidiaires motivés par la
royauté qui confère au poème une signification
qualitative : le bovin. C'est emphatique.
Le sens de l'octave est celui de ce cycle infernal du
thème central du poème : la royauté. Dans le
poème dynastique le poète élargie ses horizons tout en
posant affirmativement son thème central, y revient incessamment en
décrivant des cercles concentriques autour de ce même
thème. C'est l'annonce de ð (p) dont nous avons donné la
valeur supra §3.
Nous avons parlé du cycle d'octave à cause
qu'une civilisation pastorale, nomadique par ses origines, se fixant en une
organisation politique à caractère théocratique qui ne
saurait offrir qu'un champ d'action intellectuel très limité, un
champ qui ne saurait être fertilisé que par un nombre très
restreint de thèmes dérivés des modes très
restreints d'existence sociale atteints par le système. Ces
thèmes sont naturellement ceux de la royauté, de la vie pastorale
et de la guerre, apanage constant de la vie migratoire des nomades. Le roi, les
bovins et l'ennemi, « voilà, dit
Papadopoulos, la synopse de la vie sociale et
individuelle »(512(*)) d'un Tutsi.
Nous rencontrons à chaque enchaînement un retour
aux mêmes thèmes. C'est ainsi que l'on peut s'écrier en
disant : le même dans le même il demeure et en lui-même
repose dans l'immuable ici. Les trois thèmes sont dans l'expression
poétique unis et séparés. Quand Papadopoulos se voit
acculé par la non liberté du poète des poèmes
dynastiques, il ne manque pas de dire son indignation : « la
royauté semble primer sur les autres, évidemment nulle part
ailleurs il n'est si emphatique que dans le genre
dynastique »(513(*)). Et Mutuza de renchérir :
« Il ne faut pas chercher à expliquer cette connexion
raciale de la royauté avec la divinité : elle reste un
mystère »(514(*)).
C'est la vie quotidienne qui domine dans les poèmes.
C'est la matérialité de la vie dont l'activité pastorale,
le cycle bovidé et la lutte pour la « survivance de
l'espèce qui domine dans le poème et dont la guerre est d'une
tonalité excessive »(515(*)).
Le poète dynastique ne dispose d'aucune liberté
d'action créatrice considérablement plus accusée que ne le
disposerait un poète Muntu. L'élargissement de l'horizon
intellectuel se reflète sur une plus grande variété de
thèmes poétiques, et dans un développement plus
étendu de ces thèmes. Cette perception a permis à
Papadopoulos de rapprocher, culturellement, le Muntu de l'Hellène.
« Dans cette poésie l'homme individuel joue un plus grand
rôle que dans la poésie dynastique où il disparaît
presque sous le poids dominant du thème exclusif de la
royauté », le boeuf étant plus important que le
peuple qui n'est déjà « plus une quantité
négligeable qui existe grâce au roi et lui doit son existence
totale »(516(*)).
Quand on analyse bien les poèmes, on s'aperçoit
qu'il n'y a aucun sentiment nationaliste. Il y a, bien sûr le sentiment
d'une conscience sociale chez les Tutsi. Le peuple ne compte pas comme une
entité qui constitue l'essentielle dans le système tutsi,
puisqu'il n'est pas capable d'initiatives et de jugements sociaux, et par
conséquent il ne prend pas part à la conduite des affaires
sociales et nationales. Aucune autonomie d'action. Aucune
responsabilité. Cette inactivité n'implique pas
l'élaboration des sentiments moraux dans un sens plus profond.
Par contre, chez le Hutu, avec leur collectivité
d'action, le comportement de l'ancêtre durant son
existence terrestre a valeur d'exemple pour ses descendants, qui ne se
considèrent pas comme des individus isolés mais possèdent
au contraire un très fort sentiment d'appartenance à une
lignée et capables d'initiatives.
L'importance de la filiation s'illustre dans bien des
sociétés traditionnelles par un système assurant des
privilèges, accordant des responsabilités ou réservant la
pratique de métiers particuliers à certaines familles, en raison
des organisations préalablement établies par les ancêtres,
et dont on ne saurait remettre en cause la raison d'être. Ainsi la valeur
de la lignée, de même que son histoire, ont une importance de tout
premier ordre dans la hiérarchie sociale. En Afrique, les griots qui
entourent les chefs de clans ou de tribus ont la fonction de rappeler leur
généalogie (senga(517(*)), comme les
Aphende la nomment), car celle-ci signe leur légitimité.
Ce système d'organisation sociale va de pair
avec le sens de la piété filiale, ainsi qu'avec un grand respect
et une large place accordés aux personnes âgées dans la vie
quotidienne. Les paroles et la volonté des anciens sont
considérées comme des exemples de sagesse et ne peuvent pas
être discutées par les plus jeunes.
Fiers de leurs origines et de leurs alliances
princières, les Gombrowicz , par exemple, conservent avec
piété les archives familiales rapatriées de Lituanie.
Cette appartenance à une classe sociale à cheval entre la haute
aristocratie et le milieu des petits hobereaux déclassés peut
expliquer l'intérêt de Witold Gombrowicz pour les zones
intermédiaires, l'entre-deux, le haut et le bas, la forme et
l'antiforme, le fini et l'inachevé, ainsi que la
spécificité de son théâtre peuplé de rois
déchus, de princes déclassés, prisonniers d'un rituel vide
et agonisant sur fond d'apocalypse dans un univers grotesque aux allures
d'opérette.
Un tel peuple (Tutsi) ne peut être qu'instrument, chien
de chasse, de son roi. Comme le cycle d'octave est une hypothèse
cohérente de cette attitude, la pensée démocratique
moderne ne peut que souffrir chez un tel peuple. Toute autorité tutsie,
et surtout les chefs de l'Etat, baigne dans les chaînes d'or cyclique de
l'octave dynastique. Cela ne peut que susciter, réveiller et
éveiller la conscience démocratique des Bantu dont l'institution
de mwami est le prototype.
Les Bantu s'éveillent, se réveillent et
créent une révolution. Que s'était-il passé ?
Après la mort du mwami Mutara,
décédé sans héritier, son successeur,
Kigeli V, illégitime aux yeux des Hutu et imposé par les
conseillers du souverain défunt, applique une politique de
fermeté dans la défense des privilèges de l'aristocratie
tutsi. Les revendications socio-économiques ont pris, depuis la
publication, en 1957, du Manifeste des Bahutu, une dimension politique, sous
l'impulsion du Parme-hutu (parti du Mouvement de l'émancipation hutu),
et dégénère en affrontements communautaires.
L'Église prend alors fait et cause pour la majorité hutu et
l'administration coloniale laisse se développer les révoltes qui
éclatent en novembre 1959 et ensanglantent le pays après
l'assassinat d'un responsable politique hutu.
En janvier 1961, la République est
proclamée et un Référendum, organisé quelques mois
plus tard, rejette la Monarchie par 80% des voix. Le Parme-hutu remporte les
élections organisées au mois de septembre suivant, avec 78% des
suffrages. Le 26 octobre 1961, son dirigeant, Grégoire Kayibanda,
secrétaire de l'archevêque du Rwanda, est élu
président de la République rwandaise. Ces
événements historiques nous orientent vers la
considération que les Tutsi se font du pouvoir et qu'ils expriment dans
les poèmes dynastiques.
§ 2. Royauté et Kinyarwanda
Il est rare que l'on soit informé à la fois sur
la représentation qu'un groupe donné se fait de son appartenance
au peuple, et sur le choix politique que ce groupe a été
amené à prendre face à l'occupation. C'est ainsi que
parlant de La psychanalyse des peuples et de civilisations, G.
Dingemans dit que « la mentalité de l'Hamite le porte
instinctivement à la vie sédentaire, d'où le
développement d'une civilisation fondée sur la richesse agricole
et pastorale, origine de villes et de villages construits pour les
générations à venir. La création de leur art
complexe n'avait de raison d'être qu'au sein de royaumes ou des
communautés stables (...) Les types sémitiques et aryens (...)
sont par contre caractérisés par le goût de la vie
nomade... »(518(*)) Ne voit-on pas que ces caractéristiques ne
correspondent pas avec les Tutsi qui sont des hamites au Ruanda et qui sont des
Üèåôïé ?
Les Rwandais (Hima-Tutsi), transplantés,
immigrés ou infiltrés en RD Congo n'ont jamais renoncé
à leur nationalité rwandaise. Ils se camouflent derrière
la dénomination linguistique ethnicisante qu'ils appellent le
Kinyarwanda. Sachant qu'au Nord-Kivu il y a les Bahutu qui parlent le
« kinyarwanda », ils veulent se prendre au même pied
d'égalité qu'eux. Ceux qui escaladent une échelle, quand
ils ont franchi la première marche, prennent la deuxième, la
seconde les mène à la troisième, puis la suivante, et
ainsi de suite. Si bien qu'en montant progressivement, on s'élève
de plus en plus et on fini par atteindre le sommet.
Où veut-on en venir par cette entrée en
matière ? Pour les Tutsi la rwandophonie, qui est un produit de la
faction tutsie en RD Congo, signifie d'abord l'ensemble de personnes qui
partagent le Kinyarwanda comme langue maternelle. Ensuite la communauté
de ces personnes devant s'unir pour défendre des intérêts
présentés comme communs et menacés par d'autres groupes de
personnes. Bref une stratégie pour le groupe minoritaire tutsi d'assurer
ses intérêts en s'appuyant sur la majorité hutoue contre
les autres groupes ethniques du Nord-Kivu.
Serufuri nous rapporte que « les promoteurs de
la rwandophonie visent depuis les années 1960 à la colonisation
tutsi et à « l'unité rwandaise » au Kivu.
Dans leur plan de colonisation, ces promoteurs comptent se servir
« de la crédulité des évolués
Bahutu » (9epoint), de leurs « vendus
Bahutu » (12e point) ou « des Bahutu
naïfs » (18e point) « pour soumettre
les Bahutu du Congo et tous (sic) les autres ethnies qui les
entourent » en procédant « méthodiquement et
progressivement » (2e point)»(519(*)). De la rwandophonie nous
avons la rwandomanie en sorte que l'Est de la RD Congo qui a les Hutu
assimilés sans difficulté au Banyarwanda est devenu un centre
d'expérience et d'expérimentation nostalgique du temps de baame
dieu du Rwanda d'avant la colonisation. Cette nostalgique des conquêtes
du roi se trouve dans un poème que Kagame rapporte :
« Il fut en butte à une opposition
inouïe
Mais ses victoires furent sans nombre
Il fit trembler les adversaires
Et rassembla bien des pays en un seul,
Les fusionnant en son unique Ruanda »
(P. 171, p. 102)
Nous savons d'ailleurs que dans leur tradition celui qui est
roi est Dieu, il cesse d'être homme, bien que de la race des Tutsi,
eux-mêmes de la race de dieu. Une telle affirmation rend ipso facto le
peuple irresponsable pour le choix de ses dirigeants. L'Homme-roi a une
élévation au-dessus de la nature humaine, de façon que le
Roi est supra-humain :
« Le Roi n'est pas homme,
Celui-là cesse d'être un homme qui devient
Roi !»(520(*)).
De là, la nature humaine est niée à celui
qui devient roi :
« Le Roi, c'est lui Dieu,
et il domine sur les
humains ! »(521(*)).
Pour Mutuza, avec son ingénierie sociale, une telle
attitude ne saurait être étudiée en surface, il pousse son
raisonnement plus loin. En rester là serait demeurer en
deçà de la philosophie qui doit penser en termes
nécessaires ce que la coutume, le mythe ou la foi se contentent
d'appeler grâce (Hegel)
Que le croyant « demeure » en ce
« donné » ! Mais le penser se doit de passer
outre à la limite que la foi prétend lui imposer de façon
arbitraire.
Comment est-il arrivé à un poète humain
de chanter les louanges dont les origines se ressentent de la nature divine du
roi, alors que la royauté est l'apanage d'une seule lignée qui
s'apparente à Dieu ? Cette attribution exclusive du
privilège royal est un corolaire nécessaire de la nature divine
qui ne saurait être accessible au commun des mortels :
« La Royauté est le privilège
d'une seule Lignée,
Ô, Race de Dieu ! »
(P. 123, p. 78).
Ces louanges du poète n'ajoutent rien au roi qui
dispose de son propre pouvoir. Il ne faut pas chercher à expliquer cette
connexion raciale de la Royauté avec la divinité, elle reste un
mystère qui ne peut être élucidé :
« Le mode dont Dieu prédestine les
Rois
Est un mystère pour les autres,
ô le Cent-fois-puissant »
(P. 123, p. 78).
Mutuza, dans sa foi chrétienne, doute d'une telle
conception de la royauté ; il a cherché dans le poème
là où le poète reconnaît et justifie la nature
humaine du Roi. « Pourtant le roi est un homme fait de chair et
d'os, qui est assujetti à la nature humaine. Le poète doit
traiter de cet aspect et doit le justifier par rapport à la figure
supra-humaine qu'il a tracée de lui. Où trouvera-t-il la
matière de sa composition sinon dans le champ qu'offre la vie d'un
peuple, par tradition migratoire et pastorale, à savoir dans la guerre
et la razzia ? C'est ici que les qualités héroïques du
roi apparaissent et font de lui, en même temps qu'un guerrier invincible,
le héros national exclusif »(522(*)).
L'étourderie du poète engendre des
contradictions dans le poème, Mutuza nous dit que ce peuple forme une
véritable société quand bien même son sentiment
nationaliste n'ajoute rien à l'émergence de cette
société parce que c'est un peuple cerf du roi.
Le malheureux Dieu, le Roi, devient homme. Comment la
Royauté, tout en étant divine, maintient ses connexions avec le
monde de son milieu mortel, est expliqué par le même poète,
en enchaînant la royauté dans la séquence de la
création :
« Le Dieu qui a multiplié les
vaches
A commencer par créer les Rois ;
Après les avoir investis sous le signe des
tambours »
(P. 123, p. 78)
Papadopoulos s'étonne de « cette
espèce d'association, assez décousue d'ailleurs, de la
création des rois avec les bovins et les tambours, que s'explique la
connexion royale avec les affaires humaine »(523(*)). Mutuza avait
déjà remarqué l'absence des humains à ne jouer
aucun rôle actif dans cette institution centrale du pays. C'est au Roi,
en effet, que le peuple doit son existence et les possibilités de sa
subsistance sont entre ses mains. C'est le Roi qui « lui accorde
de la protection contre l'ennemi extérieur, et c'est lui qui lui procure
la pluie, indispensable condition de la subsistance des bovins et
conséquemment de la sienne »(524(*)).
La valeur cyclique du poème est ici claire : les
pouvoirs dont dispose le roi sont nécessairement d'un être
surnaturel, et se manifestent par excellence dans sa capacité de
procurer la pluie au pays :
« Tu as combattu la sécheresse,
Et elle vient de s'éteindre, ô
Eteigneur-des-malheurs ».
(P. 138, p. 83)
Voici l'octave du poème et sa combinaison: Roi
(1), Dieu (2), Race (3), Archer (4), Vaches (5), Guerre (6), Pluie (7) et (Roi
8).
Dans le poème on a des accords des mots comme
suite :
1+3= 4
2+4= 6
3+5= 8
4+6= 10
5+7= 12
6+8= 14
7+9= 16
On remarque d'ailleurs la présence d'autres entiers qui
ne font pas directement partie de la chaîne octave : Tambours 9,
Sauveur 10, Deuilleur 12, Législateur 14, et Razziaire 16. Avec ces
entiers nous voyons la fermeture et l'ouverture du cycle poétique. Il
est vrai que l'objet de la poésie dynastique est bien
déterminé, spécifiquement prescrit - la glorification de
la royauté, mais cette circonstance n'empêcherait pas le
poète, qui a le privilège d'un traitement
« libre » de son thème, de baser sur celui-ci et
d'en motiver des thèmes subsidiaires lui permettant un
élargissement de l'horizon de ces idées et son monde
esthétique et moral. Notre poète, à l'encontre de ces
possibilités, tout en posant affirmativement son thème central
(1), y revient incessamment en décrivant des cercles concentriques (2,
3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 1O, 12, 14, 16,...). C'est une octave du Roi (1).
Toute cette octave montre bien que le roi n'est pas un
intermédiaire entre Dieu et les hommes, mais dispose pour ainsi dire
à volonté des forces de la nature en vertu de ses qualités
sacrées et divines. Certains verraient un pharaonisme tutsi, mais il
n'en est pas question. Le pharaon possède une double
nature, dont les deux aspects sont inextricablement liés : il est
à la fois dieu (en tant que fils du dieu-soleil Rê) et roi humain
(considéré comme le successeur légitime d'Horus, premier
souverain mythique d'Égypte).
Toutefois, si on lui reconnaît de son vivant des
pouvoirs magiques, comme de gérer les crues et les décrues du
Nil, le pharaon ne devient dieu qu'après sa mort (après un
jugement divin favorable, lui permettant d'être assimilé à
Osiris. Mais dans le poème dynastique, le Roi est Dieu disposant le
menaçant spectre de la sécheresse qui pèse sur le pays
ruandais, et seuls les pouvoirs magiques du roi peuvent l'éliminer de
l'horizon :
« L'état du ciel était devenu un foyer
brûlant,
Et lui, Bon-caractère, fils du
Protecteur-habituel,
Nous montre à nouveau les nuages
pluvieux !...
Qu'on rassemble les cadeaux de remerciements pour la
pluie ».
(P. 138, p. 82)
Le Roi est sauveur du pays parce que ses interventions
surnaturelles sont étonnantes :
« N'a-t-il pas été confié
à un Roi qui le préserve des épidémies,
Le désaltéreur souche du
Voyageur-Matineux
Qui a éteint la sécheresse
Et sauva le Rwanda d'un incendie incertain ?
(P. 138, p. 85)
Et la pluie (7) est le thème vital que le poète
chante pour son Roi. Puisque l'existence du peuple est étroitement
liée aux conditions naturelles du pays qu'il habite, il est
nécessaire d'investir le roi du contrôle de ces conditions
« afin de rendre le peuple absolument dépendant de la
volonté royale. Sans un roi, l'existence du pays est
problématique »(525(*)). Le poète peut ainsi lier 1 et 7 :
« Le Rwanda possédant son Roi
(1),
Ne saurait manquer de pluie (7) »
(P. 138, p. 86)
Mutuza qui creuse le poème ne nous démontre
qu'une appartenance de la population à la fonction royale
où n (les activités de cette population)
est le nombre d'événements pour lesquels la
variable aléatoire X (le roi) adopte une des deux valeurs
possibles, parmi le nombre total m (les thèmes
concentriques du poème) d'événements
étudiés, et k (le thème de la survivance) est
compris entre 0 (le pouvoir magique du Roi) et n (les activités
du peuple).
Nous avons donc un rapprochement avec la fonction de Laplace.
Lors de ses études sur les erreurs de mesure des distributions
symétriques, Laplace a, de plus, laissé son nom à une loi
de probabilités continue, la loi de Laplace dont la forme possède
une certaine analogie avec la loi normale ; la fonction de densité
de Laplace est donnée par la relation:
Cette fonction est symétrique par
rapport à son espérance mathématique u
c'est-à-dire les relations avec les étrangers, correspondant
également à la médiane de la distribution qui est le
pouvoir du roi, et a une variance égale à
ó2 qui sont les aspects frontaliers; la quantité
Ö qui est le temps entropique = ó (aspect frontalier) /
(espérance de vie) est ce que nous trouvons dans le paramètre de
dispersion de la fonction de densité de Laplace. Ce que Sir Karl Popper
appelle le démon de Laplace. Mais la relation qui unit le
peuple des poèmes dynastiques au Roi est asymétrique.
Le Roi est le centre comme le soleil l'est pour le
système de Laplace. Inutiles seraient alors des prières que la
population doive adresser au Dieu (Roi). Le roi
dispose de son pouvoir bon gré malgré. C'est pourquoi
« la razzia est tellement enracinée dans la tradition
tribale qu'elle est presque une institution coutumière à laquelle
la tribu ne saurait pleinement se soustraire, avec en tête, le
roi »(526(*)).
Le poète chante l'inimitié du Roi aux peuples
voisins. Fièrement, il psalmodie la mise à sac d'un pays
voisin et la razzia dont il se fit champion:
« C'est ainsi qu'il arriva dans le Buzi et le
bouleversa.
Il n'y laissa pas même un
bébé !
Il se réjouit du fait que le roitelet de cette
région
Fut fait ornement du Grand Tambour, héritage de
Ndahiro
Aucun pays étranger auquel il n'ait imposé
le deuil !
On exalte comment il lutta pour le Karinga ;
Tous les pays lui ont témoigné le
respect »
(P. 170, p. 94)
Après toutes ces expéditions, le poète
jubile de la victoire remportée à la razzia au pays
étranger :
« A toi les vaches ô exalté
Dont le pays ne dit que louanges !
Tu razzias les bovidés du Gishali
Et conquis la race de cette région :
Jamais de ton corps la peur ne s'approcha ;
Sans retard ton butin nous fut
mené »
(P. 174, p. 121)
Papadopoulos dit que « d'ailleurs le peuple
participe au butin de razzias couronnées de succès -
Il razzia pour nous les vaches au `Bwongéra
Ainsi que celles enlevées au `Bwilili
Ce Courroucé, souche du Sagitaire.
(...) Il nous enrichit de myriades de vaches
Enlevées au Bugahe du Ndorwa.
(P. 90, p. 73) »(527(*))
La conséquence en est que la personnalité du roi
est jusqu'à présent intimement liée aux faits
matériels, de l'existence d'une part, (la pluie 7), de la survivance
d'autre part (guerre tribale 6, razzia 16) (528(*)).
De la royauté, nous arrivons à la place des
valeurs matérielles dont la vache représente la richesse dans le
poème.
§ 3. La vache et les Watutsi
Qui parmi nous se met à l'écoute des
poèmes dynastiques pour s'élever au-dessus des pensées et
des aspirations terrestres à ras du sol, jusqu'à la montagne
Ruwenzori ou au mont Kilimandjaro pour la haute contemplation ? Ces
montagnes émergent de toutes les ombres du vice qui les environnent,
nous éclairent de toutes parts des rayons de la lumière
véritable, qui nous permet de découvrir dans la clarté de
la vérité tout ce qui échappe à ceux qui
piétinent dans la plaine les bananerais. Les montagnes rendent ouvertes
les réalités et les dimensions de ce qui se découvre de la
hauteur par la vertu et s'expose au côté du royaume pour garantir
aux sujet royaux des biens matériels.
Avec l'idée de ressemblance phénotypique du
Hima-Tutsi et de l'homme blanc, l'idéologie de l'esclavagisme nait, et
du coup « quant aux Noirs, écrit G. Dingemans, il semble
que leur destin soit de servir éternellement d'esclave, affranchis ou
non, à tous les autres groupes. Le nationalisme systématique qui
a créé, et créera prochainement de nouveaux Etats
africains indépendants, semble préparer la venue de nouveaux
maîtres qui peuvent arriver de n'importe quel autre
continent »(529(*)) avec leurs valeurs matérielles.
La valeur matérielle la plus significative, la plus
précieuse et presque exclusive de la civilisation
négro-chamitique est la vache et
« généralement la race
bovine »(530(*)). Mutuza qui se moque d'une telle
considération de la vache a découvert en changeant la question du
comment en pourquoi la vache occupe-t-elle une pareille
place ? À cette question il répond que parce que
« la vache est le seul moyen possible d'assurer la survie de leur
existence (...). Elle est la valeur la plus déterminante qui conditionne
les rapports entre les différents acteurs de la société
que sont le Roi, le peuple et la vache (...). En droit coutumier ruandais, par
exemple, un peu plus de tiers des règles coutumières se
rapportent à la valeur sociale représentée par le
bétail bovin, ce qui nous donne la mesure de l'importance que cette
valeur revêt dans le système social
ruandais »(531(*)).
A cette réponse de Mutuza nous ne sommes pas d'accord
du fait que d'autres pasteurs d'Ethiopie sont malnutris alors que
l'élevage constitue l'activité la plus importante, sinon
exclusive. La réponse doit être cherchée ailleurs parce que
dire que la vache est la valeur la plus déterminante qui conditionne
les rapports entre les différents acteurs de la
société implique que la vache est un moyen. Mais chose qui
ne se vérifie pas car la vache est une fin pour les Tutsi.
Certes, la vache est la valeur matérielle quasi
exclusivement dominante dans la civilisation ruandaise. Elle impose aux hommes
une sujétion de haut degré. L'homme est conditionné
à un haut degré par sa valeur matérielle la plus
importante, le bétail bovin, et adapter sa vie aux
nécessités imposées par la conservation et la
perpétuation de cette acquisition et devenir lui-même presque un
instrument au service de cette valeur. La philosophie des valeurs
matérielles ne saurait se dégager parce que la vache constitue
une force d'asservissement au même degré que de la vie, et limite
le sens de l'activité humaine vers une voie unique qui ne lui permet
aucune expansion dans ses divers sens.
Mais la vache ne sert pas l'homme plutôt qu'il est servi
par elle. Elle est finale à un degré avancée au lieu de
lui être instrumentale. La vache, dans le poème est plutôt
finale qu'instrumentale.
Elle s'élève, à partir de son statut
original de valeur de subsistance, valeur purement économique, au statut
de valeur extra-substantielle, pour devenir une valeur sociale. Cette
exaltation au-dessus du niveau de la subsistance va, « dans
la civilisation ruandaise, jusqu'à l'institution d'une valeur
matérielle comme valeur sociale, puisque le bovin, loin de servir
exclusivement la satisfaction des besoins matériels, est aussi le terme
commun de fonctionnement des institutions sociales ».(532(*))
Dans Les Récits Epiques des Lega du Zaïre,
la philosophie des valeurs matérielles porte une libération
relative de l'homme vis-à-vis d'elles, dans le sens que le degré
de civilisation atteint permet la production, la circulation et l'utilisation
d'un plus grand nombre et d'une plus grande variété d'objets
culturels, mais aussi, l'intervention de valeurs morales et religieuses fait
que la supériorité de l'homme par rapport aux valeurs est
très accusée, ce qui confère à la civilisation des
Bantu une note de spiritualité qui fait défaut même dans la
civilisation des Hima-Tutsi et à la civilisation moderne occidentale,
protectrice des Tutsi, sévèrement teintée de
matérialisme.
Nous ne nions pas l'importance que revêt la valeur
fondamentale de la civilisation ruandaise sous une forme
légèrement variée dans la civilisation des Bantu où
le bétail ou la volaille, gros et menu, sert non seulement comme valeur
de subsistance, mais aussi comme valeur opérationnelle dans des
fonctions sociales définies par la coutume traditionnelle. C'est le cas,
par exemple, avec la conclusion des actes matrimoniaux où le
bétail caprin ou la volaille gallinacée, entre d'autres animaux,
rentre dans la composition de la dot cédée à la
mère de la fille donnée en mariage. Lors de son mariage à
une fille, un Muntu, le cas d'un jeune Lega qui est proche des Tutsi,
« le mariage est conditionné par le paiement du gage
matrimonial (igambya) par le futur époux (ou par un parent ou un proche
parent du prétendant) à la famille de la future
épouse. »(533(*))
C'est pourquoi chez les Lega, leurs voisins, bien que les
animaux offerts soient en partie utilitaires, il faut remarquer qu'ils sont en
grande partie des animaux d'agrément destinés à la
chasse ; d'autre part « d'outils en métal,
d'étoffes traditionnelles et surtout de monnaie
traditionnelle »(534(*)) sont des articles à valeur plutôt
artistique que d'actuelle utilisation, dépassant complètement le
niveau de l'utilisation économique.
Il n'existe pas de terme spécifique désignant la
notion de l'élevage chez les Bantu. Les Lega, par exemple, font une
nette distinction entre une chèvre femelle (kibuti kya
mpéné) et un bouc (kilimba kya mpéné); entre
une chèvre grasse et stérile (kalanga ka mpéné) et
une chèvre pleine (kikundu kya mpéné); une jeune
chèvre (mulamba wa mpéné) opposée à une
vieille. Les mêmes distinctions sont observées pour le mouton.
L'élevage se caractérise par ses moindres proportions, par une
organisation plus simple et par un intérêt social
modéré535(*).
Chez les Hima-Tutsi, l'existence des hommes est
inextricablement liée à celle des bovidés, et tout ce qui
affecte la race bovine a une répercussion immédiate sur les
hommes. L'amour des bovidés se réduit à un culte auquel
sont associés le roi et son peuple. Le plus grand malheur qui pourrait
survenir à la nation serait la destruction du bétail :
« Nous allions disparaître
Sans laisser souche de bovidés et
d'hommes ! »
(P. 138, p. 82)
L'accroissement du troupeau bovin est le seul vrai
enrichissement. La multiplication des bovidés est le signe du
progrès et de la prospérité ; « aussi,
appartient-il au roi de veiller à ce que cette multiplication ait lieu
-
C'est pour les multiplier que les bovins t'ont
été confiés,
Et tes recherches à ce sujet furent
couronnées de succès.
(P. 138, p. 85)(536(*))
C'est la razzia qui est le moyen sûr de l'accroissement
du troupeau :
« Il razzia les vaches au Kaziba, et celles du
Bukunzi ;
Les mêlant avec celles du Gishali, il les mit dans
le Rwanda »
(P. 170, p. 92)
Il est assez important de remarquer que la vache qui constitue
la valeur matérielle, celle qui dépend du roi, pour la survie de
la population, oriente toutes les valeurs intellectuelles et morales dans la
poésie dynastique. Mais cette affirmation se bute à tant de
difficultés que nous allons voir tout à l'heure.
Section 2. Champ de conscience et cloisonnement ethnique,
valeurs matérielles et Valeurs morales
§1. Champ de conscience et
cloisonnement ethnique
S. Freud écrivait : « toutes les
fois que deux familles contractent une alliance par mariage chacune se
considère comme supérieure à l'autre, comme plus
distinguée qu'elle ; deux villes voisines se font l'une et l'autre
une concurrence jalouse ; chaque petit canton est plein de mépris
pour le canton voisin. Des groupes ethniques appartenant à la même
souche se repoussent réciproquement : l'Allemand du Sud ne supporte
pas l'Allemand du Nord. L'Anglais dit tout le mal possible de
l'Ecossais, l'Espagnol méprise le Portugais. L'aversion devient d'autant
plus profonde que les différences sont plus prononcées :
c'est ce qui explique l'aversion des Gaulois pour les Germains, des Aryens pour
les Sémites, des Blancs pour les hommes de
couleurs »(537(*)).
L'asyntonie est une réaction de défense. Tous
les humains sont à divers degrés sensibles à la recherche
et à la délimitation d'un « anti-idéal du
Moi ». Mais la forme de cette aversion, toujours virtuellement en
puissance, dépend de l'ampleur du champ de la conscience.
Chez les Tutsi, le champ de la conscience est étroit,
en sorte que les différences des personnalités sont
considérées d'une manière beaucoup moins globale et ils
sont moins aptes à s'assimiler à un ensemble d'ethnies
hétérogènes (ce qui explique leur marginalisation du monde
des Hutu après leur intégration). Ils ne matérialisent pas
leur « anti-idéal du Moi » de façon
également moins globale, en occurrence un vaste univers congolais au
moins bien délimité, jugé « en
province » et qualifié « des monts de la
Lune »(538(*)). Depuis la guerre d'agression, cette région
est presque sous contrôle de la République d'Ouganda.
Les citoyens congolais se distinguent en majorité
(hormis leur aversion inter-linguistique) par une
« syntonie » qui peut être le facteur qui les
différencie le plus de la mentalité tutsie. La raison provient du
fait que la majorité des citoyens congolais descend d'immigrants Bantu
caractérisés surtout par un champ de conscience large (peu
attachés aux petites conventions, indifférents aux souvenirs,
disposés à tenter une aventure dans des conditions
imprécises, etc.(539(*)).
Les Tutsi sont conventionnistes (analytiques) et introvertis,
l'aversion se cache derrière une façade de fausse amitié
chez les uns, ou d'une hypocrisie déférente chez les
autres(540(*)).
Le cloisonnement psychosocial qui caractérise les Tutsi
est une réaction propre à l'esprit des pasteurs, esprit
analytique. C'est d'ailleurs la solitude qui fait d'un Tutsi un admirateur du
roi le seul libre de vivant. C'est une valeur vivante mais difficile à y
dégager des valeurs morales.
La tâche philosophique est celle de sortir d'une
situation difficile. Elle l'est encore, quand il s'agit de
dégager des valeurs morales d'un monument de civilisation aussi
axé sur une valeur égocentrique, la royauté
sacrée, que la poésie dynastique.
Les valeurs, si elles existent, doivent être
formulées par référence à l'individualité
royale, et ceci constitue un grand handicap à leur élaboration et
développement, en raison du caractère anti-social de cette
individualité affirmée dans des sens absolus. Une valeur
morale est une valeur essentiellement sociale et par
conséquent, s'il faut ériger en valeurs morales les diverses
attributions de la royauté, il faut d'abord prouver le caractère
social de l'institution royale visée par la poésie.
Le critère de cette preuve est facile à
établir ; si l'institution royale constitue une étape
nécessaire dans l'évolution d'une société humaine,
si elle en assure la cohésion et la promotion pendant une période
où cette société est incapable de se maintenir sans le
secours de cette formule politique, il est évident que les principes qui
donnent à l'institution royale sa physionomie sont des principes
sociaux.
Mutuza, pour sa part, déclare que « les
valeurs positives de la civilisation manquent presque totalement dans la
fonction royale. Ce sont les valeurs qui dominent- lesquelles ?,
et c'est sur ces valeurs que se construit l'existence et la survivance de
la tribu »(541(*)). Il veut dire ceci dans cette phrase: l'institution
émane des besoins sociaux et est appelée à servir le
groupe social comme tel. Mais si l'institution perd ce caractère
fonctionnel, si elle commence à exister en soi et pour soi, si elle est
érigée en valeur centrale et exclusive par rapport à
laquelle le groupe social assume le rôle d'un complément et d'un
instrument, et par conséquent d'une catégorie inférieure,
il est impossible de dire que les valeurs attachées à
l'institution sont des valeurs sociales.
Les valeurs varient selon les personnes et les
communautés humaines, et sont évolutives dans le temps : la
notion de valeur est relative. Pour une personne ou pour une communauté,
l'échelle des valeurs peut être rapportée à une
échelle des « biens » : il y a pluralité
des valeurs comme des Biens.
Il est certain que l'institution monarchique
négro-chamitique a joué un rôle éminemment social
dans le procès d'unification des nombreuses unités tribales quasi
autonomes à l'origine et dont la survivance et la sécurité
étaient problématiques dans un monde d'incompréhension et
d'inimitié réciproques ; mais aussi, d'autre part, il n'est
pas difficile de démontrer que cette institution a survécu son
rôle social à plusieurs égards.
C'est là une constatation qui ressort de l'étude
de la poésie dynastique, où le peuple, en tant que valeur sociale
essentielle, est relégué à un plan tout à fait
négligeable et secondaire. Nous nous souvenons à cet égard
que plus d'importance est accordée au bétail bovin qu'au peuple
même.
On comprend pourquoi les valeurs morales sont implicites dans
l'organisation sociale coutumière du pays, organisation qui ne saurait
subsister et survivre sans être étayée de valeurs morales.
Et Papadopoulos pense que « nous n'obtenons que des lueurs sur
les principes moraux à la base de l'organisation sociale ruandaise dans
la poésie dynastique »(542(*)).
Voici l'innovation : l'étude de cette
poésie, du point de vue philosophique, est d'ailleurs chose rare,
souvent même inconcevable. La critique philologique et littéraire
ayant accaparé pratiquement toute juridiction dans ce domaine, en
affectant le poids du traitement aux aspects linguistique et esthétique,
une recherche de ce genre parait suspecte pour les, homines unius
libri les monodisciplinaristes.
Cette manière d'aborder l'étude des monuments
littéraires peut porter préjudice à la valeur
intrinsèque des uns par rapport aux autres, d'autant plus que la valeur
anthropologico-philosophique d'un monument ne concorde pas
nécessairement avec sa valeur littéraire ou esthétique.
§2. Valeurs morales et
Kanyarwanda
Plus que d'autres chercheurs, Paul Serufuri Hakiza a
démontré une incohérence dans la dénomination de
Kihutu en Kinyarwanda. Professeur à la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines, il a publié un article qui nous semble parleur.
La grande question qui se pose est celle de savoir
pourquoi « il y a une discordance entre leur ethnonyme et
le glossonyme qu'on leur attribue. Nous constatons, en effet, que dans le monde
entier il y a normalement concordance entre l'ethnonyme et le
glossonyme »(543(*)). Il y a une triode d'ethnonyme :
Bahutu-Banyarwanda-Banyabwishi. Mais les Bahutu du Nord-Kivu appelaient leur
langue le kihutu ; cependant pour d'autres raisons le kihutu est
appelé tantôt kinyarwanda, tantôt kinyabwisha. Les documents
coloniaux rapportent que les Tutsi parlent la langue de Bantu. Or les Bantu
dont il est question sont les Bahutu, donc le kihutu est cette langue dont se
servent ceux qui habitent le Rwanda et qui sont mythiquement appelés
Banyarwanda. Gaston Van Bulck, un des grands en linguistique africaine,
identifie cette langue utilisée par les Bahutu sous l'appellation kihutu
« et l'a classée en 1948 parmi les langues des
« Bantous du Nord-Est » du Congo
belge »(544(*)).
Dans leur mythe, les Tutsi ont mis en évidence
Kanyarwanda, ancêtre fictif des Banyarwanda imaginaires. D'une
société atomisée et triadique (Hutu, Tutsi, Twa), un
royaume a été constitué. Ce royaume a imposé, dit
Serufuri, un nom à l'ensemble des ethnies d'origine différente.
Ce nom Banyarwanda était censé constituer une ethnie naturelle
basée sur une filiation commune (descendants de Kanyarwanda, fils de
Gihanga.), des liens du sol (le Rwanda) et du pouvoir (Tuli ab'umwami :
nous sommes les sujets du mwami). La langue de Bahutu, qui selon de nombreux
témoignages s'est imposée à tout le Rwanda, a
également servi à renforcer cette idéologie en devenant
tout naturellement le Kinyarwanda, un facteur
d'homogénéisation linguistique. De la sorte, le tour était
joué et ethnonyme et glossonyme correspondaient545(*).
Dans le cadre de la poésie dynastique, il s'agit de
l'expérience de la communauté à l'intérieur du
groupe. Tout groupe social est une communauté en puissance et dans sa
réalité. C'est ce qu'on peut appeler esprit du groupe qui
s'exprime dans ses proclamations, ses lois et ses institutions, dans ses
symboles et ses mythes, dans ses formes éthiques et culturelles et
finalement dans sa langue. Il est normalement représenté par les
classes dirigeantes qui ne peuvent communiquer que par cette langue.
Ce fait est peut-être le fondement le plus solide de
leur pouvoir. Chaque membre du groupe voit dans le roi l'incarnation des
idéaux qu'il affirme, lorsqu'il affirme le groupe auquel il appartient.
Il n'y a pas possibilité de créer une en conséquence les
possibilités d'une liberté d'action. Le poème dynastique
est un poème de passivité. La vie individuelle d'un simple sujet
ruandais est inconcevable pour qu'elle fasse sujet du poème comme il est
le cas dans les Récits Epiques des Lega du
Zaïre(546(*)).
Les lueurs des principes moraux à la base de l'organisation
sociale ruandaise dans les poèmes dynastiques sont ceux que nous
rencontrons dans le poème 90, intitulé « Se
reproduire en ses enfants », où le principe social
élémentaire est la conservation de la cellule familiale :
« Se reproduire en ses enfants réjouit
les parents,
Ô vous qui acclamez
l'allégresse ! »
(P. 90, p. 63)
La reproduction en tant que valeur sociale est
réaffirmée avec emphase et démontre l'attention que l'on
doit à la pureté de la race et à la robustesse de la
lignée :
« Vous autres descendance de Gisanura,
Vos épouses n'enfantent jamais des
dégénérés.
Vous avez fondé des familles et cela vous
réussi !
Vous avez bourgeonné des bras qui vous ont
rassasié de lait »
(P. 90, p. 64)
Mais des valeurs morales du poème sont vraiment
exposées à un relativisme extrêmement étroit. A
titre d'exemple, la vengeance constitue une valeur morale dont les membres de
la tribu sont à tel point imprégnés, qu'elle contribue
à développer la notion de devoir individuel et sociale :
« Tu étais au courant de ce
crime-là !
Aussi tranchas-tu le procès,
En déclarant qu'il est d'usage de venger la mort
des siens ! »
(P. 174, p. 124)
La religion ne joue aucun rôle marqué dans la
conduite humaine. La morale du peuple relève directement de la
constitution sociale de la tribu. Aucune trace d'influence des grandes
religions historiques des peuples couverts par la poésie dynastique.
L'hypothèse selon laquelle les Tutsi sont arrivés au Ruanda
à partir du Xème siècle pose problème.
Kagame qui nous rapporte le poème donne une introduction du
christianisme dans le Ruanda et fait refléter sur la poésie
dynastique de l'époque dont nous possédons des spécimens.
Or, dans cette faible insinuation du christianisme dans le paganisme, ce n'est
pas l'élément moral qui s'affirme, c'est un catéchisme
missionnaire qui se greffe sur l'arbre coutumier :
« Heureux est le sein qui t'a
allaité,
Ainsi que celui qui a allaité
Jésus-Christ »(547(*)).
(P. 172, p. 109)
Et chez les Lega leurs voisins, on considère la
fécondité comme une valeur divine. N'Sanda raconte :
«Un bébé peut mourir, mais si le
porte-bébé n'a pas brûlé, c'est que nous en aurons
un autre. J'ai encore ma chère femme, ma Nyakubia, ma femme
préférée, est encore en vie : j'aurai un autre
enfant" » (Récits, tome 1, p. 73).
« Heureuse la jeunesse de ce
règne,
Qui a grandi avec Dieu,
Recevant les Sacrements ! »
(P. 172, p. 109)
Cette influence faible et superficielle du christianisme
n'empêche pas que la notion d'une vertu éminemment
chrétienne comme celle de la miséricorde ne se trouve dans le
monde moral du poète ruandais exempt de toute influence
non-coutumière. Ainsi l'auteur du poème 90, écrit pendant
le règne de Mutara II Rwogera (vers 1825), a une notion claire de cette
vertu, bien qu'il attribue au roi, sans en définir la portée
comme vertu humaine et sociale.
Connaissant le roi et son appartenance sous les chaînes
d'or cyclique de l'octave, nous pouvons affirmer que la civilisation chamitique
des Tutsi a une morale relative. Cette pénurie d'élaboration
d'idées morales marche de paire avec une pénurie des valeurs
intellectuelles. En réalité le même procès mental
détermine les deux catégories de valeurs de sorte que le
développement de l'une d'elles ne va pas sans celui de l'autre. La suite
du poème montre une pentatonique dont les thèmes concentriques
forment l'ordre exponentiel. Mais toute valeur morale doit être
susceptible d'imitation. C'est pourquoi nous abordons le problème des
lois de l'imitation.
§ 3. Lois de l'imitation et
l'harmonie des cinq tambours comme valeur de l'identité de Banyarwanda
« Les termes Banyarwanda et Kinyarwanda sont
devenus, particulièrement depuis 1962, des termes fourre-tout, des nids
de confusion et des refuges commodes pour certaines personnes soucieuses de
camoufler leur vraie identité en vue d'obtenir
des facilités politiques en RDC »(548(*)).
Le « Banyarwanda » est un terme qui
renferme l'idée d'une commutativité fonctionnelle des trois
groupes ethniques vivant le Rwanda : Twa-Hutu-Tutsi qui, du reste, se sont
livrés à des guerres sanglantes jusqu'à l'unification en
un seul Rwanda.
Serufuri nous apprend que « pour réduire
les distinctions ethniques considérées comme des facteurs de
désintégration politique, la monarchie tutsie a trouvé
dans le vocable Banyarwanda un facteur d'unité symbolique et
d'intégration totale. La conceptualisation tutsi du peuple rwandais a
conduit à une falsification répétitive qui consiste
à faire croire que les Rwandais forment un tout homogène. Pour
consolider cette polarisation, la monarchie tutsi est allée
jusqu'à forger des légendes étiologique ou des mythes
d'origine dont la première fonction était de montrer que les
Bahutu, les Batutsi et, les Batwa forment une grande famille des frères
qui auraient pour ancêtre éponyme un personnage nommé
Kanyarwanda, dont le Rwanda et les Banyarwanda auraient hérité le
nom »(549(*)).
Ce qui étonne Mutuza en se demandant pourquoi ce mythe
est plein de contradictions quand bien même les Tutsi se
considèrent comme Banyarwanda, ils ne manquent pas du tout de se dire
une race différente que les autres sont sensés imiter parce
qu'élus et race de dieu !
Dans un ouvrage très célèbre, Tarde a
analysé les différentes formes de l'imitation « qui
est le processus psychologique essentiel dont découle la
répétition »(550(*)). Il distingue, par exemple,
« l'imitation-tradition » (qui se transmet d'une
génération à l'autre), puis
« l'imitation-mode » et
« l'imitation-coutume » (qui s'impose entre
contemporains).
Pour qu'il y ait spécificité dans la
propagation d'une attitude ou d'une opinion, « il faut
naturellement que tous les imitateurs aient choisi le même point de
repère, c'est-à-dire le même exemple à imiter qui
leur servira de `dénominateur commun'»(551(*)). Si on observe bien ce
concept d'une sociologie basée sur l'imitation, on resterait dans la
spéculation, comme chez Mutuza, si on ne le complète pas par la
fonction corrélative : la tendance à ressortir les
innovations ou les inventions.
L'analyse des poèmes dynastiques le montre bien
clairement qu'une société sans initiateurs reste à
l'état statique, état incompatible avec les changements
inévitables du milieu ambiant. Ce sont, les inventions qui les diffusent
(que ce soit sur des faits ou des idées isolées, ou que ce soit
sur des ensembles de manifestations diverses). Les poèmes dynastiques
donnent une idée de croyance, et toute idée ou croyance nouvelle,
donne naissance à une vague d'imitation, mais il faudrait ajouter, selon
les auteurs organicistes (Spencer), que « l'homme fait
spontanément ou consciemment un triage dans les faits qui lui semble
bons ou mauvais à imiter ». L'imitation n'est point
aveugle et l'innovateur ne sera sans doute entendu que si son invention
répond en réalité à des besoins virtuellement
présents dans le préconscient individuel. Il existe cinq tambours
dans les poèmes qui, de ce fait, font qu'il existe un
phénomène social incontestable : la force de l'imitation
varie proportionnellement au pourcentage des sujets qui ont déjà
adopté le genre à imiter. Cette diffusion s'opère donc en
« progression géométrique ». Comme une goutte
d'huile sur un buvard qui s'étend d'abord lentement à son point
de chute puis envahit tout le papier avec une vitesse croissante
d'étalement, le module imitable semble d'abord pénétrer
prudemment au sein d'un noyau de premiers adeptes. Le premier tambour sonnant,
puis le second, ensuite le troisième, puis encore le quatrième,
et en fin le cinquième en vue de justifier la présence royale
dans le kraal, l'unique Ruanda. Leurs sons font le stade critique d'abandon ou
de survie, le plus vulnérable, où seul un contradicteur peut
également, par le même processus de tendances imitatives, ramener
les pionniers à ses vues. C'est le cas de la révolution ruandaise
qualifiée de génocide.
Cette idée révolutionnaire sortait d'ailleurs du
« petit groupe ». Et comme telle, elle s'est
épanouie comme une véritable explosion. D'un départ
basé sur la curiosité individuelle, puis à travers un
processus de suggestion de proche en proche, le phénomène atteint
toute son ampleur à partir du moment où l'imitation
intéresse la « psychologie des foules »,
c'est-à-dire le stade où le mécanisme devient de plus en
plus irréfléchi, inconscient, voire animal. Le mouvement n'est
plus contrôlable. Seule la complexité de différentes vagues
superposées d'intérêts imitables oblige les groupes
à des compromis et des ajustements constants, déterminant un
degré de relativité aux cohésions collectives.
Ces engouements foudroyants, ces modes qui
révolutionnent en quelques jours la mentalité de tout un pays,
que le dernier des réfractaires finira par adopter de crainte
d'être lynché, nous en avons de multiples exemples dans toutes les
manifestations mystiques, politiques, artistiques ou simplement de modes et de
distractions qui forment la trame de l'histoire. Avec quelques années de
recul, certains de ces engouements, usages et modes paraissent ridicules.
L'histoire n'existerait pas, il n'y aurait aucune définition de
société, sans l'acte imitatif indéfiniment
répété. Ridicules sont aussi les cinq tambours royaux.
Mais leur explication reste une suite imitative dont la politique des Tutsi se
laisse guider par ordre identifié par les tambours dont les sons sont
exponentiels aux attributs royaux.
Section 3. Pentatonique des poèmes et la politique de
l'appartenance dans l'ordre exponentiel
§ 1. Ordre exponentiel des
tambours royaux et caractère différentiel dans les poèmes
dynastiques
On sait que le mythe kinyarwanda est exponentiel. Il est
intéressant de constater que le pentatonique des poèmes
révèle l'idée d'une identité des peuples
atomisés sous les sons des tambours royaux. Cela ne nous étonne
pas parce que la politique d'appartenance est une union forcée chez les
Banyarwanda. Il n'y a rien de véritablement socialiste dans une telle
organisation aux monades de natures et espèces différentes.
Cependant les cinq tambours avec leurs battements actionnent l'expansion
mythique du héros divin qu'est le roi.
Mais lorsqu'on étudie la structure de l'empire
véritablement socialiste des Incas et le degré de complication et
de raffinement auquel était parvenue cette société de
quelque douze millions de « proto-mongols »
Sud-américains, on réalise tout le sens et la force civilisatrice
du phénomène « idéologie ». Mais en ce
qui concerne cette société,
« l'idéologue » qui en fut à l'origine reste
inconnu. Ce qui n'est pas le cas chez les Hima-Tutsi dont le mythe n'est pas
une idéologie au sens restreint du terme.
L'Ancien monde, au contraire, a conservé le souvenir de
tous les idéologues qui furent, directement ou indirectement, à
la source de civilisations. Une idéologie ne peut être une
création inconsciente, basée sur le seul processus collectif de
l' « instinct de sympathie », mais elle est
généralement la création consciente d'un seul
« maître » qui synthétise les besoins, souvent
inconscients, de la collectivité. C'est là que vient l'ordre
exponentiel que ce maître produit en traduisant ces besoins qu'il a
assimilés afin de les induire, cette fois consciemment, au sein de cette
société.
On entend alors par ordre exponentiel l'acte numérique
qui possède un exposant variable ou inconnu et dont le
phénomène est constant et rapide dans sa progression. Cela se
passe dans l'esprit du maître et celui-ci cherche voies et moyens pour le
rendre effectif et concret.
Par quelle transformation passe-t-on du tracé de la
fonction logarithme à celui de la fonction exponentielle ? Cette
question nous ouvre la voie du savoir entropologique. La progression dans
l'acte communicatif de tambours vibre les oreilles de ceux qui appartiennent
à une même communauté de discours. C'est d'ailleurs
l'analyse fonctionnelle que l'on rencontre chez Mutuza. Il dit :
« Il faut le redire, considérées dans leur
ensemble, les dix leçons du Programme de l'idéologie politique de
l'AFDL est un amalgame des concepts, des propositions et des jugements
juxtaposés les uns à côté des autres, sans aucun
raisonnement renforcé, par une argumentation solide ne vienne les
coordonner logiquement, de manière à leur faire dégager un
corps d'idées clairement structurées et définies,
susceptible d'influencer la pensée et le comportement des membres de la
communauté nationale, c'est-à-dire, une idéologie
inspiratrice et justificatrice de l'agir social
nouveau »(552(*)). Ce que la structure afdelienne est une
fonction mal organisée et dont les relations sont
asymétriques.
Ce n'est pas seulement là que Mutuza devait arriver. Il
pense que les représentations graphiques des fonctions exponentielles et
logarithme népérien sont, dans le repère
orthonormé, symétriques par rapport à la droite d'équation
y = x. En effet, tout point
M(x ; lnx) de la courbe d'équation
y = lnx a pour symétrique le point M'
(lnx ; x). Comme
elnx = x, M' est un point de la
représentation graphique de la fonction exponentielle. C'est là
l'AFDL de Mzee LD Kabila. Et Mutuza poursuit en disant que
« cette analyse et reconstruction des idées qui ressemble
à l'analyse chimique, qui va au-delà de ce qui apparaît,
nous a révélé que l'AFDL véhicule une
idéologie manichéiste, soutenue par une logique
génocidaire, qui puise sa source dans le Mythe hima-tutsi. Un mythe
raciste, hégémoniste et expansionniste, d'où se
dégage une vision manichéiste de l'homme et de la
société génocidaire »(553(*)). Et cette
graphique peut être donnée pour illustrée la pensée
de Mutuza à ce sujet.
En particulier, le point (e ; 1) sur la courbe de la
fonction logarithme a pour symétrique le point (1 ; e)
sur la courbe de la fonction exponentielle. De cette symétrie
découlent toutes les propriétés de la fonction
exponentielle(554(*)).
On retiendra deux valeurs remarquables : e0 = 1 et
e1 = e.
Dans le fonctionnement de la société hima-tutsi
on a a-logarithme et asymétrie.
La fonction ex est définie sur , strictement croissante et strictement positive (son tracé est
toujours au-dessus de l'axe des abscisses). C'est la caractéristique des
Hutu qui connaissent mieux leurs limites.
Quelles sont les limites à connaître dans le
contexte géométrique et non analytique?
Au voisinage de - : c'est le propre de nomades. Ils s'en vont sans jamais penser au
retour. L'acte imitatif pose alors de problème du fait de la
difficulté d'innovation(555(*)). L'axe des ordonnées est asymptote verticale pour la courbe de
ln x au voisinage de 0. Par la symétrie axiale(556(*)), l'axe des abscisses
devient une asymptote horizontale pour la courbe de ex au
voisinage de - . Au voisinage de + : S'ils pensent au retour, ils ne s'imaginent jamais de la
stabilité des autres qui les remplacent de leurs lieux d'errance. Cette limite se déduit de par symétrie. Au voisinage de + : nous voyons le dillemme du sédentarisme chez les nomades. Ils
acquiernt d'autres techniques qui compliquent leur système politique et
les conduisent fatalement à la barbarie.
On vérifie graphiquement que l'exponentielle
s'élève vers l'infini, infiniment plus vite que la droite
d'équation y = x. Quelles sont la
dérivée et les primitives de la fonction exponentielle ?
On sait que y = ex
équivaut à ln y = x. En
dérivant y par rapport à x, on
obtient : , soit : y' = y. Donc :
(ex)' = ex. Plus
généralement, si f est la composée d'une fonction
u suivie de la fonction exponentielle, alors :
f(x) = eu(x). De la
formule de la dérivée d'une fonction composée, on
déduit :
f'(x) = eu(x) × u'(x)
Soit
(eu)' = eu × u'.
Réciproquement, la fonction a pour famille des primitives. Une fonction de la forme a pour famille de primitives. Comment transformer l'écriture d'une exponentielle qu'on
observe dans l'analyse des communautés du mythe hima-tutsi?
Pour deux exposants réels a et b, les
propriétés sont les mêmes que pour
l'élévation à une puissance entière. En
particulier, l'exponentielle de la somme est égale au produit des
exponentielles de ses termes : . De même, l'exponentielle de la différence est
égale au quotient des exponentielles de ses termes : Pour élever une exponentielle à une puissance
entière, on multiplie les exposants : . Pour passer de l'écriture exponentielle à
l'écriture sous forme de quotient, on peut appliquer la relation :
À retenir
Les représentations graphiques de la fonction
exponentielle de base e et de la fonction logarithme népérien
sont symétriques par rapport à la droite d'équation
y = x. La fonction est strictement croissante et strictement positive sur . ; l'axe des abscisses est donc une asymptote horizontale
pour la courbe d'équation . La fonction est égale à sa propre dérivée557(*).
L'exponentielle de la somme est égale au produit des
exponentielles de ses termes. De même, l'exponentielle de la
différence est égale au quotient des exponentielles de ses
termes.
Les tambours royaux communiquent-ils la valeur morale de la
vie ? C'est le sens de Ingoma des Bantu. Toutes les
concentricités sont d'ordre secondaire et peuvent donner naissance
à la confusion du manichéisme : « les bons et
les méchants ne peuvent jamais cohabiter. Ils sont appelés
inexorablement à s'affronter, à se détruire, à
s'exterminer. Suivant cette conception le bien et le mal sont
absolutisés, leur incarnation mêmement. L'autre est
diabolisé, déshumanisé, animalisé, chosifié,
instrumentalisé. Il est à éliminer sans scrupule s'il
s'oppose à nos ambitions et prétentions politiques. Assassinats,
empoisonnements, enlèvements, exterminations, génocides
deviennent monnaie courante, simple fait de divers »(558(*)).
La communication prend son envol dans la multiplicité
des intentions des interlocuteurs et
la croissance d'une population peut être très
rapide, par exemple lorsque l'on introduit quelques nouveaux dans un milieu
favorable, doté en particulier de ressources abondantes. Telle fut la
pensée de la croissance de la population hima-tutsie, d'autant plus
qu'elle se croyait si eugénique qu'il n'y aurait pas d'espèces
concurrentes dans le milieu. Le taux de croissance allait alors être
constant. C'est la croissance dite « exponentielle »,
c'est-à-dire « nomades, les peuples pasteurs sont toujours
minoritaires dans les pays qui les accueillent. Mais propriétaire du
gros bétail qu'ils chérissent et dont il ne se nourrissent
rarement ou presque pas du tout, selon qu'ils le considèrent comme un
bien de prestige ou un bien sacré, ils se trouvent entourés de
prestige auprès des peuples bantu agriculteurs. Prestige renforcé
par l'exaltation des traits physiques qui les rapprochent de l'homme blanc, qui
s'est présenté à l'homme noir comme modèle et
prototype du beau, du bon et du vrai. Bien que cela ne soit pas vrai,
l'imaginaire continue à croire au mythe » (559(*)).
Cependant, quand la limite des ressources
disponibles est atteinte, l'effectif de la population s'effondre brusquement.
Les animaux vont mourir de faim ou de maladies qui se propagent facilement
à cause de la surpopulation.
La croissance exponentielle permet d'arriver
très rapidement à des chiffres énormes.
En fait, la croissance exponentielle est rare. La plupart du
temps, le taux de croissance ne reste pas constant, mais, au contraire, diminue
peu à peu lorsque la population augmente. Lorsque le taux de croissance
est nul, ou très petit, l'effectif de la population devient
stationnaire, ou bien ne subit plus que des variations très faibles.
Lorsqu'une population s'accroît d'abord rapidement,
d'une façon à peu près exponentielle, puis de plus en plus
lentement, jusqu'à ce que le taux de croissance se stabilise, on dit que
la croissance (560(*)) est logistique. L'effectif limite atteint par la
population devenue stationnaire correspond au nombre maximal d'individus d'une
espèce que le milieu peut supporter sans être détruit. Cet
effectif limite est la capacité limite du milieu, ou charge biotique
maximale.
Le plus souvent, les populations subissent
des variations d'abondance. L'amplitude de ces variations n'est pas constante,
et leur cause est souvent mal connue. Les variations d'abondance peuvent
être, par exemple, dues au climat.
Deux êtres vivants entrent en
compétition lorsqu'ils se disputent une même ressource, qui par
ailleurs se trouve en quantité insuffisante dans le milieu. La ressource
qui est disputée peut être l'alimentation, un lieu de
nidification, etc. Des oiseaux ou des rongeurs mangeurs de graines se disputent
ces graines dans les régions où la production est faible. Les
oiseaux qui font leur nid dans les arbres creux se disputent les cavités
disponibles lorsque les arbres morts qui en sont pourvus sont rares.
La compétition peut se produire entre
individus de la même espèce : c'est la compétition
dite intra-spécifique. Elle peut aussi se produire entre individus
d'espèces différentes : elle est dite
interspécifique.
L'une des formes communes de compétition
intra-spécifique est la défense d'un territoire,
phénomène fréquent chez les oiseaux. L'oiseau qui s'est
délimité un territoire dans lequel il construit son nid et se
reproduit en chasse les autres individus de la même espèce et se
réserve ainsi les ressources qui s'y trouvent. Le résultat en est
une régulation du nombre d'oiseaux dans une région donnée,
puisque beaucoup ne peuvent ni s'y installer, ni s'y reproduire.
Dans le cas de la compétition
pour les ressources alimentaires, le manque de nourriture entraîne
parfois la mort de certains individus. Le plus souvent cependant, il diminue la
fécondité de ceux qui sont mal nourris. C'est un autre facteur de
régulation des populations. Ainsi, on a montré que des oiseaux
comme les mésanges pondent d'autant plus d'oeufs qu'il y a davantage
d'insectes à consommer dans le bois où elles vivent.
La compétition peut également se
manifester sous la forme d'agression directe entre individus de la même
espèce ou d'espèces différentes. Ainsi, l'écureuil
américain, qui a été introduit en Angleterre, en chasse
progressivement l'écureuil indigène qu'il attaque directement.
Les premières études expérimentales
de la compétition, qui ont été réalisées
vers 1935, ont conduit à admettre que deux espèces
ayant exactement les mêmes besoins ne pouvaient pas
cohabiter. Si elles cohabitent, elles entrent en
compétition pour les éléments indispensables à leur
survie. L'espèce supérieure dans la compétition finit
alors par éliminer l'espèce inférieure. Cette
théorie, avancée à la suite des recherches du biologiste
russe Gause, est appelée principe de Gause.
L'étude de la dynamique et de la
génétique des populations permet de prédire
l'évolution des populations, ou encore l'effet de la modification d'un
élément sur la population dans son ensemble. Ces études
sont en particulier nécessaires pour prévoir l'impact des
interventions humaines (activités agricoles, lutte contre les
prédateurs, etc.) sur l'environnement.
Les cinq tambours royaux tels que rapportés dans les
poèmes dynastiques nous en donnent une idée claire. Mais avant
d'aborder le problème du pentatonique, il est nécessaire de
comprendre la position des philosophes de l'Antiquité sur la tendance de
l'âme humaine qui détermine le mécanisme des
désordres, des explosions et des conflits(561(*)).
§2. Pentatonique des
poèmes dynastiques et mécanismes d'interaction du kihutu
dénommé kinyarwanda
En analysant les tendances actives de l'âme humaine,
Platon a trouvé trois facteurs fondamentaux de l'homme : le
désir, le coeur et la raison. Platon ajoute que l'équilibre
entre les tendances de ces trois vertus assure la stabilité,
c'est-à-dire empêche le désordre, les explosions et les
conflits(562(*)).
La société, poursuit Platon, prise comme une
extension collective de l'âme humaine, devra être formée
à son image, soit constituée par les trois castes
superposées aux trois vertus : les artisans, les guerriers et les
magistrats et les philosophes.
Là où notre Platon crée une
difficulté s'annonce : une certaine proportion numérique
entre ces castes devra toujours être strictement respectée, sinon
des ruptures d'équilibres sociaux engendreront les perturbations. En
insistant sur la « limitation quantitative de la
population », Platon réalise l'importance des facteurs
démographiques, une modification dans la densité et la masse de
la population étant génératrice de positions et de
structures nouvelles. Il étudia les mécanismes des cycles
politiques successifs selon l'alternance d'un certain nombre de types
psychologiques permanents qui rejoint presque la « théorie des
tempéraments » d'Hippocrate. C'est juste ce qu'a fait Mutuza
sans jamais se rendre compte en parlant de Ingoma sans y insister.
Nous retrouvons dans les poèmes l'idée
rencontrée déjà plus haut et que nous avons à
préciser maintenant : cette organisation des poèmes par le
poète en vue de la restructuration de la royauté par le
Ingoma, le tambour. Observons aussi que cette conception de la
royauté s'éloigne de la conception originelle de mwami. Et les
cinq tambours (la pentatonique) en sont une signification. En musique c'est la
gamme qui est formé de cinq
(ðåíôå) sons ou tons
(ôïíéêüò) et l'on
parle alors de l'échelle pentatonique.
Cela n'est pas innocent. Il y avait à la cour du Mwami
(le ROI) toute une série de tambours royaux. Certains n'étaient
jamais frappés : ils reposaient sur une litière et
étaient portés en procession à l'occasion de
cérémonies.
D'autres par contre étaient frappés à des
occasions spéciales et pour des fins spécifiques, par exemple
pour saluer le jour, annoncer un combat, notifier une victoire, marquer les
saisons et leurs activités propres, communiquer les idées du roi
et préparer la peau d'un roi vaincu pour la fabrication d'un nouveau
tambour.
Dans les poèmes dynastique la pentatonique est
l'ensemble de ces cinq tambours dont le Kiringa,
l'Emblème, le Kiragutse, le Tambour
Souverain et le Rukurura forment les cinq sons.
Les différentes gammes de ces cinq tambours
présents ici se distinguent par l'agencement des tons et demi-tons qui
remplissent une fonction et une signification rituelles, dont les secrets
n'étaient connus que du roi et des ritualistes, les confidents du roi.
A en croire ce proverbe : « Akari mu nda
y'ingoma Kamenywa n'umwiru na nyirayo », on peut dire que le fin
fond de la personne n'est connu que d'elle-même et de son confident. La
confidence est telle une gamme chromatique en musique.
La gamme chromatique est une succession de demi-tons, la
gamme par tons, comme son nom l'indique, une succession de tons. La gamme
mineure possède trois formes, reconnaissables par leurs trois derniers
intervalles ; la gamme pentatonique résulte, quant à elle,
de la réduction d'une succession de quintes (do, sol, ré, la,
mi).
Puisque l'ethnomusicologie part du principe qu'un style
musical est indissolublement lié à la société qui
le produit, des tentatives ont été faites pour trouver, entre les
deux, des parallèles clairs. Alan Lomax, un des premiers musicologues
à avoir étudié et recueilli la musique de
l'Amérique profonde et des Noirs, formula dans les années 1960
une théorie sur la corrélation entre les types sociaux et les
types musicaux : la « cantométrique » (mesure
du chant). L'étendue du champ d'application de cette théorie, la
relative modestie de l'échantillonnage étudié et les
nombreuses exceptions que lui opposèrent d'autres chercheurs lui ont
valu de sévères critiques, mais cette démarche n'est pas
sans valeur.
Comme beaucoup de sciences humaines, l'ethnomusicologie a
toujours dû faire la part entre la nécessité
d'étudier des traditions musicales particulières dans leur
contexte culturel et la recherche d'universaux dans la musique.
D'une part, ce que l'ethnomusicologie considère comme
de la musique est parfois considéré très
différemment dans la culture concernée (ainsi, l'appel
lancé par l'imam avant la prière des musulmans, dont la
mélodie est riche, n'est pas considéré comme de la musique
dans les pays musulmans) ; d'autre part, certains modes musicaux semblent
universels : les structures tonales et rythmiques, le principe de
répétition, la reconnaissance très répandue des
octaves, et souvent de la quinte, comme intervalles fondamentaux et l'existence
de gammes pentatoniques de l'Écosse à la Chine jusqu'aux Andes en
sont quelques exemples.
251641856
Schéma de K. R. Popper
La raison fondamentale du pentatonique tient lieu de la
musicalité poétique dont l'absence de liberté individuelle
du poète ouvre les lueurs d'une indépendance larvée. C'est
ainsi que chaque vers constitue une note. Et ces vers ont la même
hauteur de son musical correspondant à une équivalence de
fréquence et à un intervalle nul. Les différents vers du
poème sont dits à l'unisson :
« Il fut en butte à une opposition
inouïe
Mais ses victoires furent sans nombre
Il fit trembler les adversaires
Et rassembla bien des pays en un seul,
Les fusionnant en son unique Ruanda »
(P. 171, p. 102)
Dans cette perspective ce n'est pas de l'harmonie que nait
l'ordre, mais plutôt du désordre que nait l'harmonie. Ainsi le
principe philosophique selon lequel à chaque plaisir s'accompagne des
douleurs trouve son point d'appui dans les poèmes.
Ce saut parait quelque peu dangereux pour
l'appréciation de cette poésie en tant que monument
littéraire, nous n'insistons pas, c'est à la critique
littéraire et esthétique qu'il faut s'en référer.
Comme nous sommes dans le champ philosophique, nous nous bornons ici à
l'examen mathématique possible dénoté dans les
poèmes mêmes.
Or la seule valeur que nous puissions considérée
comme telle une valeur symbolique inextricablement liée à
l'institution royale dont elle est en même temps l'apanage et
confirmation; ce sont les tambours sacrés, symbole et confirmation de la
royauté, hérités de règne en règne et
perpétuant la validité métaphysique et temporelle de
l'institution royale. Mais quelle est la signification et la portée des
tambours, sacrés au même titre que la royauté, les
poèmes dynastiques nous en donnent une idée suffisante.
Papadopoulos rapporte la qualité du roi comme
héritier du tambour qu'un des plus anciens des
poèmes conservés donne (P. 42, p. 51) et dans un autre
poème il est dit que les tambours lui sont consacrés (P. 65,
p.53). Celui qui est destiné à la fonction royale est en
même temps destiné aux Tambours (P. 90, p. 69).
L'investissement de la fonction royale, sanctionnée dès la
création par Dieu, se fait sous des tambours:
« Le Dieu qui a multiplié les
vaches
A commencé par créer les Rois ;
Après les avoir investis sous le signe des
Tambours,
Il leur prodigua les
bénédictions »
(P. 123, pp. 78-79)
Ces mêmes tambours possèdent des
propriétés métaphysiques puisqu'ils ont la vertu de
pouvoir communiquer avec Dieu :
« Ne pourriez-vous pas me préserver de ce
précipice,
Ô toi le Dieu qui te réveilles au son des
tambours ? »
(P. 90, p. 76)
Le roi qui s'élève parmi les ovations des
tambours doit des sacrifices car leur possession entraîne des obligations
lourdes:
« Qu'il commence le Prévoyant, qui
sacrifia sa personne ;
Vis-à-vis duquel les Tambours furent trop
exigeants. »
(P. 90, p. 69)
Si l'on s'en tient à la division du travail chez les
Tutsi, la danse est-elle possible ? Et connaissant que le roi est le seul
à qui les sons des tambours sont dus, peut-on un seul instant penser au
loisir ? Ce problème n'avait pas été posé par
Mutuza. Or il est un point très important pour la connaissance de
l'appartenance. Cela étant, la royauté, telle que l'auteur de
La Problématique du Mythe Hima-Tutsi nous la
présente nous permet de comprendre la valeur de Ingoma.
La splendeur royale est identifiée à celle des
tambours. Et le poète chante ses antonins :
« Pareil à la Splendeur des Tambours,
fils du Bien-aimé »
(P. 170, p. 94)
Le peuple ne possédant rien, seul le roi est
possesseur, les tambours qu'il possède possèdent une vraie
personnalité mystique jouant un rôle significatif dans la
carrière des rois:
« Ce Tambour du Héros foudroyant
T'a reçu comme héritier et t'a
accepté irrévocablement »
(P. 170, p. 98)
C'est ainsi que ce peuple voué à la course de
derrière la vache, ne peut trouver de temps pour se divertir. Dans ce
contexte, il est très difficile de découvrir dans la notion
intellectuelle formée par les tambours royaux une signification musicale
sociale. Il faut maintenant que nous y voyons une consécration
symbolique de l'institution royale. Cette dernière étant par
position égocentrique, une valeur aussi étroitement liée
à cette position cesse d'obtenir cours comme valeur sociale, du moins sa
signification sociale n'est pas apparente à moins
d'interprétation forcée.
En attendant, les tambours existent uniquement par rapport
à la royauté, et la royauté est signifiée et
soutenue par les tambours. La relation et l'action de part et d'autre sont
réciproques :
« Le Karinga te félicitent ainsi qu'un
autre Tambour-Emblèmes,
Et le kiragutse de Kigeli.
Avec l'autre Tambour Souverain de ta Maison ;
Les Tambours sont devenus l'apanage de ta famille.
Tu les as défendus, tandis qu'ils te choisissaient
déjà:
Tu t'es comporté en leur souverain.
Tu fus également leur héros ; tu es
irréprochable ;
Je jure qu'aucun étranger ne te
surpassera. »
(P. 173, p. 117)
Nous avons ici les différents noms des tambours :
le Kiringa, l'Emblème, le Kiragutse, et le
Tambour Souverain. Dans le poème 71, nous avons le
Rukurura, Tambour dynastique par lequel le roi est investi de ses
fonctions. Dans les actes les plus délicats où la royauté
est engagée les bovidés interviennent comme moyen
d'exécution :
« Mais encore, puisque tu as déjà
désespéré d'avoir un héritier,
Le mieux serait qu'en hommage tu livres tes
bovidés,
Afin que Rukurura ne te soit arraché des
mains ! »
(P. 71, p. 59)
Chacun des ces tambours jouent en l'honneur du roi et selon
les circonstances. Là haut, sur des montagnes, comme un oiseau qui
plane, les Tutsi prêtent oreilles aux différents sons de ces
différents tambours pour savoir ce qui arrive au roi.
L'entropie arrive quand il y a invasion. Tous les tambours
battent et le roi se doit de les protéger.
De cette pentatonique il est bien clair que le Tutsi qui ne se
sert que rarement ou plutôt pas du tout de ses vaches comme nourriture ne
peut que difficilement en utiliser la peau pour la fabrication des tambours.
Dans le poème 170, la peau humaine, surtout celle des rois
étrangers vaincus, sert à l'ornement des tambours et le
Karinga pour lequel le roi lutta et imposa le deuil aux pays voisins
est fait de cette peau:
« C'est ainsi qu'il arriva dans le Buzi et le
bouleversa.
Il n'y laissa pas même un
bébé !
Il se réjouit du fait que le roitelet de cette
région
Fut fait ornement du grand Tambour, héritage de
Ndahiro. »
(P. 170, p. 94)
Nous pouvons d'ailleurs noter que le tambour royal
(ingoma) est au coeur de la musique traditionnelle de l'ethnie hutu.
Symbole de puissance, le ingoma - qui signifie aussi
royaume - était habituellement réservé à la
cour du roi. La tradition de percussion est transmise de père en fils,
et les joueurs de tambour sont profondément respectés. Dans un
enregistrement, on peut entendre un grand ensemble de tambours dominés
par le ingoma. Après une série d'appels du leader, le
groupe joue jusqu'à ce que chaque instrument ait exécuté
un solo. Les interjections vocales sont dirigées vers une
personnalité de l'assistance.
Les musiciens professionnels, que l'on appelle des
griots dans l'Afrique occidentale francophone, furent également
les historiens des royaumes africains qui se développèrent entre
le Xe et le XXe siècle. Ils rapsodient les
généalogies.
Quand les troupes gouvernementales ougandaises envahirent le
palais du kabaka (roi) des Bagandas, elles détruisirent en
premier lieu les instruments de musique royaux. Dans ses mémoires, le
Kabaka décrivit les tambours royaux comme le
« coeur » de son royaume.
Et d'ailleurs, la composition du plus antique ouvrage en prose
sur l'Univers et les origines de la vie, qui constitue la majeure contribution
d'Anaximandre, lui vaut d'être parfois appelé le père de la
cosmologie. Il conçoit l'Univers comme un système de cylindres
concentriques dont le plus extérieur contient le Soleil, celui du centre
la Lune et le plus intérieur les étoiles. En forme de tambour, la
Terre flotte au centre de ces cylindres sans être soutenue. Selon
Anaximandre, l'Univers tire son origine de la séparation des contraires
de la matière primordiale. Ainsi, le chaud se déplace vers le
haut, se séparant du froid, et ensuite le sec se sépare de
l'humide. Il soutient également que toute chose qui meurt retourne
à l'élément dont elle est issue. C'est l'ensemble de ces
éléments qui forme la pentatonique. Les éléments
cosmologiques reviennent au même. Et les mêmes dans le même
ils demeurent et en lui-même reposent dans l'immuable ici, dit
Parménide.
Cet examen de l'histoire de notre quinte des tambours
démontre bien son importance anthropologique. Mais il se pose maintenant
une question de méthode : comment le Karinga se
distingue-t-il de ce qu'on appelle Rukurura ? Nous dirons que le
Karinga est fondamentalement Razziaire en tant que tel. Le
Rukurura est pour l'intronisation du roi, c'est-à-dire de ce
qui est présent aux yeux du roi. On ne le bat pas souvent. Il est
toujours descriptif, décrivant les structures qui doivent être
présupposées dans toutes les rencontres avec la succession
dynastique.
Or la royauté est étrangère au commun de
mortel, le Tambour-Souverain porte la peau d'un roitelet pour
justifier la suprématie de la lignée royale. C'est ainsi que
l'Emblème abandonne les considérations de la razzia pour
l'invocation de la pluie. Le Kiragutse ouvre la voie de la guerre
tribale.
Il y a-t-il une méthode pour vérifier le
jugement du roi ? Il n'y a certainement pas de méthode
expérimentale, mais il y a une méthode d'expérience que le
poète chante. C'est celle de la reconnaissance intelligente des
structures sociales fondamentales, contenues dans la réalité que
nous rencontrons y compris le processus de cette même rencontre.
La seule réponse d'ailleurs suffisante, que Mutuza a pu
donner à cette question de la vérification, consiste dans un
appel à une reconnaissance intelligente. C'est aussi ce que nous donnons
pour la durée diatonique du poème et l'appartenance politique et
juridique. Finalement, l'on ne peut pas répondre à la question de
méthode avant d'avoir employé cette méthode avec
succès ou non. La méthode et son contenu ne peuvent pas
être séparés.
Les poèmes dynastiques ont deux temps. Et ces
deux temps nourrissent le mécanisme de la communication, fruit
d'appartenance politique. La durée est diatonique du fait que le kihutu
est appelé kinyarwanda et Kanyarwanda devient Hermès, dieu des
marchands et des voleurs immigrants tutsis.
Section 4. Durée
diatonique des poèmes et appartenance politique et juridique
§1 Communication dans les
poèmes dynastiques et le kihutu appelé kinyarwanda
En montrant et démontrant la faiblesse de la victoire
de l'AFDL par l'image de Hannibal, Mutuza ouvre la voie d'une idée de
concertation. Mais la concertation pour quoi faire ? La réponse est
claire : pour la communication.
Nous entendons par communication le contact direct ou indirect
entre membres d'une société, on peut aussi dire que c'est le
passage obligé entre deux entités culturelles. Chez les Tutsi ce
rôle est symbolisé par les tambours. Mutuza n'a pas tenu compte de
l'importance des tambours dans la communication chez les Tutsi c'est pourquoi
son analyse reste sans voix en face du monde philosophique bien marqué
par l'esprit de la philosophie analytique. Si le pentatonique ressort
très peu dans les études de la connaissance de tambours tutsis,
elle joue par contre un rôle éminent dans la communication. Comme
l'a bien remarqué C. M. Overdulve. Une dialectique
communicative563(*) est
représentée par la dualité et la duplicité dans le
langage chez les Tutsi chez qui la méfiance et le mensonge sont la
règle d'or. La caractéristique d'un mode de sept tons conjoints,
compris dans l'octave, qui comporte deux demi-tons joignant des degrés
déterminés constitue les gammes diatoniques issues des modes
majeur et mineur.
Dans les poèmes dynastiques nous sommes en face du
même phénomène. Les éléments constitutifs des
poèmes coïncident avec les thèmes d'une vie nomade. Ainsi,
Roi (1), Dieu (2), Race (3), Archer 4, Vaches (5), Guerre (6), Pluie (7) font
sept tons compris dans l'octave, c'est-à-dire le poème dont le
thème central de la royauté vient se fixer à la hauteur
huitième après le thème concentrique de pluie. Dans cette
perspective, la durée diatonique est ce saut des thèmes
concentriques et dont les thèmes subsidiaires sont liés au mode
de vie basé sur la razzia. Les poèmes dynastiques datent du
XIIIème au XIVème siècle de notre
ère. Il y a eu possibilité des influences de la musique
occidentale dans leurs compositions.
Il faut noter que l'essentiel du langage des tambours, comme
de tout langage, réside donc dans la relation, presque au sens
ensembliste du terme. L'on peut même aller jusqu'à dire : le
langage est (uniquement) une relation. L'intérêt de cette
affirmation est analogue à celui qu'il y a, en logique, à ne plus
parler du sujet `contenant' un prédicat mais de deux termes en relation.
Si aRb, la relation n'est plus le propre de
a que de b, elle n'
« appartient » pas plus à l'un qu'à l'autre.
De la même façon, le discours entre deux instances
énonciatrices (ou, disons, deux individus) n'est pas plus le fait
exclusif de l'une que celui de l'autre : il constitue une relation qui,
comme l'indique son nom, lie deux acteurs, et que l'on appellera
l'interlocution(564(*)).
Mais que voudrions-nous dire par là ? Que les mots
ne sont jamais strictement les miens, ni ceux de l'autre. C'est un fait que
l'on pense bien connaître ; soulignons-le tout de même. Il y
va de la simple possibilité de compréhension. Comment nous
comprendrions-nous si le langage n'avait pas pour nous cette égale
extériorité, autrement dit si nous n'étions pas
« égaux face au langage » ? Si la parole
était vraiment mon fait, pourquoi éprouverais-je ces
difficultés à bien exprimer une pensée complexe ?
D'où viendraient ces impressions si fréquentes d'insuffisance et
d'inexactitude ? Comment serait-il même concevable que j'aie parfois
besoin de « chercher mes mots » ? que j'aie d'autres
fois la désagréable sensation de ne pas en trouver de bon ?
Il est, malgré ce que l'on pourrait croire, plus difficile d'exprimer
ses sentiments que d'expliquer une théorie « objective ;
c'est qu'il y a inévitablement une fracture entre des sensations qui
sont bien « à moi » et les mots qui ne peuvent pas
l'être au même titre, sous peine d'être autant
incommunicables. L'isolement monadique et radical est aussi un fait ; mais
l'on aurait tort de voir là un constat pessimiste ruinant l'idée
de communication. S'il y a bien une communication qui s'avère
impossible, c'est celle des consciences - qui a prétendu qu'elle
était ne serait-ce qu'envisageable ? On peut éventuellement
attribuer à l'héritage ethnologique et philosophique une part de
responsabilité dans cette entreprise, notamment si l'on songe au
schéma de lutte des consciences
hégéliens, qui découle directement d'une
tentative de penser la communication des consciences, ou à toute la
pensée existentialiste de Sartre.
Hegel de qui Mutuza emprunte cette pensée reste aussi
sans voix à la critique que lui lance l'auteur de La
problématique du Mythe Hima-Tutsi : « Grâce,
d'autre part, à l'avènement des relations politiques à
leur avantage, les Tutsi ont pu développer des idées et des
jugements qu'ils appliquèrent avec succès à promouvoir les
effets. Le développement d'un système mental en rapport avec la
réalité produite par contact et le conflit ethnique n'est pas
à exclure. Il est bien au contraire admis, mais comme survivance a
posteriori »(565(*)). C'est là le rejet, par Mutuza, d'une
communication des consciences.
Mais il ne fait de mystère pour personne qu'une
communication des consciences est un idéal
désespéré qui sera toujours déçu. Et il
n'est rien de pire que ce genre de déception consécutive à
un idéal trop fort - elle transforme, par exemple, des
platoniciens dépités en sceptiques malheureux ou
agressifs ; de la même manière, de ceux qui
(souvent inconsciemment) rêvent d'une compréhension absolue, elle
fera des relativistes qui pourront aller,
armés de thèses comme celle de l'incommensurabilité,
jusqu'à nier toute communication possible.
N'ayant pas fait mention de ingoma, Mutuza a compris la
théorie de l'incommensurabilité. Il a évité de
traiter des tambours royaux dans son analyse du mythe Hima-Tutsi. La
théorie de l'incommensurabilité nie toute possibilité de
compréhension. Mutuza nous met en garde contre la tentative de sortir de
soi. Il est d'ailleurs vrai que sortir de soi est radicalement impossible, que
l'on ne peut être quelqu'un d'autre, c'est-à-dire le comprendre
au sens où l'on « adhérerait » à lui
comme on « adhère » à soi. Le proverbe
« Akari mu nda y'ingoma Kamenywa n'umwiru na
nyirayo » est révélateur. Si vous ne connaissez
pas le kinyarwanda, vous pouvez bien prêter oreille, vous n'entendez
jamais penser que vous ; il règne, si l'on y fait attention, un
silence mortel qui peut effrayer. La communication des consciences n'existe
pas. Si vous voulez savoir ce que pense quelqu'un, vous avez peut d'autres
moyens que le langage, quoi qu'en disent les mystiques ou partisans d'une
pseudo-communication/communion qui ne font que prendre leurs souhaits et
rêves (parfois beaux) pour des réalités.
Pour y parvenir avec précision, nous allons
considérer la durée diatonique des poèmes dynastiques et
l'analyse de l'identité royale pour comprendre l'appartenance
politique.
§2. Durée diatonique dans les poèmes et
identité dans la communication
La position de Platon sur les vertus de l'âme, si
savante soit-elle, est à la fois idéaliste et parfaitement
réaliste du fait qu'elle établit la corrélation entre le
caractère de l'Etat et celui des individus. La prédominance de
l'un de ces caractères à une certaine époque
détermine l'orientation politique. Les gouvernements varient comme
varient les coeurs des hommes et il doit y avoir autant d'espèces des
uns que des autres. On ne peut être plus proche des conceptions de
l'inter caractérologie moderne. C'est dans la compréhension du
« temps » que la durée diatonique peut être
bien analysée.
Bergson a bien différencié le
« temps » objectif et matériellement mesurable de la
« durée », cet aspect subjectif de
l'appréciation de l'écoulement du temps. Cette
appréciation dépend, selon nous de la résultante de deux
systèmes binaires :
1. L'un d'eux est conditionné par le rythme des
échanges neuro-chimiques, par la quantité de pulsions
neurotoniques disponibles en temps donné, pour un circuit
cérébral donné.
Un tel processus est considérablement plus intense
chez un jeune enfant que chez un vieillard, d'où l'impression relative
de lenteur de l'écoulement du temps vécu par les jeunes, par
rapport à la sensation de la fuite des années qui surprend le
vieillard.
Ce rythme métabolique et fonctionnel peut être
artificiellement modifié par des psycholeptiques. Des stimulants
(caféine, faible quantité d'alcool, etc.), augmentant la pression
neurotoniques, donnent au sujet l'impression que « le temps est bien
rempli », alors que des calmants, des analgésiques, qui
ralentissent le rythme des pensées, font dire aux patients que
« la journée s'est écoulée sans qu'ils sachent
comment » ! L'arrêt complet des échanges
neurotoniques, tel que cela se produit dans le sommeil profond et sans
rêve, correspond à un arrêt total de la durée.
2. Le second système est lié au couple
« plaisir-douleur », qui est la source la plus fondamentale
et primitive de la conscience animale.
Dans les poèmes dynastiques la souffrance, le malaise,
l'attente, la crainte, etc. augmentent le sentiment de la durée, alors
que le bien-être, le plaisir, l'euphorie, la distraction, la passion,
etc. raccourcissent le temps. Combinée avec les deux facteurs
binaires : rythme neurotoniques et plaisir-douleur, on doit utiliser la
durée de sons pour comprendre les gammes typiques de la musique
émise par tambour.
Depuis le Moyen Âge occidental(566(*)), les gammes typiques
de la musique occidentale sont des gammes diatoniques, correspondant aux
touches blanches du piano. Ces gammes se composent d'une séquence
répétée de demi-tons (entre les notes blanches,
mi-fa et si-do) et de tons (entre tous les
autres tons adjacents) ; elles comptent sept notes par octave (la
huitième note de cette série étant la
répétition de la première note à l'octave
supérieure).
Les gammes majeure et mineure, qui dominent la musique
occidentale depuis 1650 environ, sont, à proprement parler, deux modes
de la gamme diatonique fondamentale : le mode ionien -- do
ré mi fa sol la si (do) --, devenu la gamme majeure ; et
le mode éolien -- la si do ré mi fa sol
(la) --, devenu la gamme mineure. Ces deux modes ont une
sonorité différente parce que les intervalles d'un demi-ton
occupent dans chacun des positions différentes.
Quand on observe bien les poèmes dynastiques, on se
rend compte que le poète tutsi a expérimenté d'autres
gammes, en particulier la gamme par tons entiers : do ré mi fa
sol dièse la dièse (do), et les gammes
micro-tonales (utilisant des intervalles inférieurs au demi-ton). Les
gammes pentatoniques (de cinq notes), souvent utilisées dans la musique
folklorique et dans les musiques non occidentales, associent
généralement des intervalles de tierce mineure (ré-fa,
mi-sol, la-do, etc.) et des tons entiers : do-ré- fa-sol
la (do) ou do-ré-mi-sol-la (do).
Il existe de nombreuses autres gammes, en particulier des
gammes heptatoniques (à sept notes) et pentatoniques s'appuyant sur le
demi-ton. Toutefois, de nombreuses gammes non occidentales utilisent des
systèmes de tonalité différents, dans lesquels les
intervalles ne correspondent réellement à aucun intervalle des
gammes occidentales. C'est notamment le cas de la musique indonésienne,
qui utilise (parmi de nombreuses autres gammes) une gamme pentatonique
appelée sléndro, dans laquelle les cinq notes sont
espacées à intervalles presque réguliers à
l'intérieur de l'octave.
Mais si on affirme que la poésie occidentale et la
poésie des bantu précèdent chronologiquement la
poésie tutsie, on se bute à la question suivant : comment
dès lors expliquer cette inégalité des valeurs
civilisatrices dans la contemporanéité du temps conventionnel,
inégalité qui devient beaucoup plus aiguë dans le cas de la
survivance de civilisations de l'âge de la pierre à
côté de civilisations hautement évoluées ?
La théorie évolutionniste classique ne saurait
donner une explication valable de ces inégalités se
présentant dans la contemporanéité du temps chronologique
conventionnel, ou à des distances irrégulières dans ce
même temps, même si elle avait recours à l'argument de
l'évolution indépendante des civilisations dans l'espace, car
alors elle aurait à justifier deux phénomènes par
excellence antiévolutionnistes, celui de la régression d'une
part, celui de la stagnation de la civilisation d'autre part. La
difficulté ainsi créée ne saurait être levée
qu'en faisant abstraction du temps chronologique conventionnel, adapté
aux données physiques, et en adoptant à sa place la notion du
temps entropologique et/ou du temps anthropologique ou du temps culturel, sans
toutefois démunir de toute signification anthropologique le
premier(567(*)). Mais
cette notion nouvelle du temps entropologique nous induit en une nouvelle
problématique ; celle qui demande la détermination des
critères d'après lesquels cette notion est s'établit.
Ainsi le mode d'évaluation se détermine par la
craniométrie et par l'entropie des sons et des mélodies ou bien
encore par l'entropie craniométrique. Mais les chercheurs et
universitaires africains spécialistes en sciences sociales se sont
donné la peine du schéma néo-darwinien. Nous y reviendrons
avec Mutuza dans son analyse de la diaspora, panafricanisme, citoyenneté
transfrontalière, méritocratie, etc.
Les modes de la musique médiévale occidentale et
de la musique folklorique des Bantu sont constitués de façon
comparable, mais avec des points de départ différents
(ré-ré, sol-sol, etc.). Le mode est,
en quelque sorte, une gamme, bien que cette dernière corresponde
à une notion moins complexe, ce qui est le cas chez les Tutsis. Le
principe essentiel des gammes majeure et mineure et du mode est la
séquence caractéristique des intervalles, reproduite
indépendamment de la hauteur de son : par exemple, sol la si do
ré mi fa dièse (sol). Pour obtenir cette
séquence, il est nécessaire d'introduire des notes
supplémentaires en plus des sept notes initiales (ici, fa
dièse, soit une touche noire sur le clavier du piano).
Au cours du développement du
système de tonalité majeure-mineure, la gamme mineure naturelle a
subi deux modifications. La forte tendance à avoir un demi-ton au-dessus
de la note fondamentale (par exemple, sol dièse par rapport au
la) a abouti à la gamme mineure harmonique : la si do
ré mi fa sol dièse (la). Toutefois, la nouvelle
« note de base » (ici, sol dièse) a
créé un intervalle (ici, entre fa et sol
dièse) qui était mal venu dans les mélodies. La gamme
mineure mélodique, dans sa forme ascendante -- la si do
ré mi fa dièse sol dièse
(la) -- a permis d'adoucir cet intervalle
désagréable en rendant plus aiguë une deuxième note
et, ne nécessitant pas de première note dans sa forme
descendante, elle restait la gamme mineure naturelle descendante : la
sol fa mi ré do si (la).
N'empêche que l'auteur de cette codification, Alexis
KAGAME, l'éditeur des poèmes dynastiques, ait consigné
sous forme d'articles de code les points essentiels des règles
coutumières qui régissent les institutions sociales du royaume
ruandais. Le ton de ce code nous permet d'aborder la durée diatonique.
Nous sommes en philologie classique.
Dans cette perspective, l'intonation de la voix
considérée comme critère de différenciation des
mots par les variations de la hauteur et de l'intensité résultant
de l'accentuation est ce que l'on appelle ton. Et chaque vers des poèmes
dynastiques renferme une idée d'appartenance politique et juridique
comme sentiment de la durée diatonique au sein des poèmes.
§3. Appartenance politique et juridique comme sentiment
de la durée au sein des poèmes
L'importance du bétail bovin dans l'échelle des
valeurs sociales de la civilisation tutsie peut être
évaluée à partir de ce que A. Kagame nomme droit
coutumier rwandais consigné dans l'ainsi nommé
« Code des institutions politiques du Rwanda
précolonial » (Inst. Roy. Col. Belge, Sect. Des Sc. Morales et
polit., Coll. In 80, tome XXVI, 1, 1952). Les Tutsi n'ont pas de pensée
sous forme géométrique telle que nous le rencontrons dans l'ainsi
nommé « Code des institutions politiques du Ruanda
précolonial »(568(*)). Cette codification vient très mal à
propos comme formule d'exposition d'un droit coutumier parce qu'elle en
dénature le caractère en le faisant apparaître sous une
forme de pensée géométrique c'est-à-dire
synthétique, tenu pour ordre juste et nécessaire, une fois
pensée arrivée à la pleine possession d'elle-même
qu'elle n'a pas(569(*))
comme chez les Bantu et Aristote.
A l'impossibilité de séparer l'homme
« cet animal politique » de la vie de la
société, Aristote ajoute l'influence du climat sur la psychologie
sociale. Si Platon n'avait pas reconnu à la famille le rôle social
élémentaire (y voyant un élément destructeur de la
solidarité parfaite), Aristote, au contraire, la tient pour base de
l'organisme social qu'il assimile à un véritable corps vivant.
Opposé à l'élaboration d'une constitution
immuable, idéale, telle que la concevait Platon, Aristote affirme que
les sociétés se diffèrent et doivent se transformer
suivant le temps et le milieu et que la même constitution ne saurait
convenir à tous les peuples. De même a-t-il parfaitement
réalisé l'idée de la
« complémentarité » des
éléments hétérogènes des parties constituant
la société qui implique, inévitablement, « une
division du travail coordonné par le gouvernement et fonctionnant
grâce à une hiérarchie ». Cette hiérarchie
conditionne naturellement les rapports de subordination et d'autorité.
La philosophie aristotélicienne rejoint, d'une manière frappante,
le freudisme moderne du côté de Mutuza dans son entendement du moi
idéal et le concept de la conscience collective de Gudijiga.
D'après Aristote, l'homme ne s'explique pas seul. Cet
animal social est désemparé et en danger de mort s'il se trouve
isolé. Il confie donc son moi à une
« assemblée » qui doit être le reflet de sa
propre image consciente, mais agrandie, perfectionnée. Cette
assemblée peut être complètement soumise à un chef
omnipotent reconnu qui enveloppe toutes les consciences individuelles en les
assimilant au grand « Etre social » qui vit lui-même.
Mais si, selon les usages démocratiques grecs, une multitude d'hommes
délibèrent ensemble sur les affaires de leurs cités, la
résultante de leurs décisions les fait agir comme s'ils
étaient le corps d'une même conscience, d'une même raison.
Et cela se traduit soit en chansons ou en récitations poétiques,
soit en proverbes et dictons. Cela a valeur communicationnelle.
Les poèmes dynastiques expriment la conscience
collective. Le sentiment de la durée est aussi intimement lié au
facteur de retentissement ou « séjonctivité »
qui forme l'une des composantes fondamentales des caractères.
La conscience collective d'une société peut
être qualifiée comme possédant un caractère propre,
celui d'une « mentalité collective » qui serait la
résultante de l'interaction de tous les tempéraments individuels
qui collaborent à la vie du groupement. Entre Hutu et Hima-Tutsi, il
existe un retentissement primaire ou secondaire des événements
historiques qui conditionnent la trame qui encadre cette collectivité.
Ces événements historiques, selon leur importance, selon les
répercussions affectives qu'ils déterminent au sein des
populations, seront enregistrés avec des sentiments de durée
extrêmement variables.
Ainsi une tragédie sensationnelle imprégnera
longtemps les structures sociales et les sentiments populaires qui la
renouvelleront indéfiniment dans la littérature et les
cérémonies commémoratives ou les reconstitutions
théâtrales à travers les générations. Les
problèmes que connaît ces populations sont plus d'origine sociale
et politique qu'ethnique, les Banyarwanda (« gens du
Rwanda »), dominés par la même culture, vivant en
complémentarité économique et sociale depuis des
siècles, vivent, en ce qui concerne la communication, dans une
asymétrie fondamentale. Cette asymétrie consiste en ce que les
Tutsi arrivent facilement aux désaccords des contrats qu'ils concluent
à cause des conflits pour la survie. Chaque Tutsi cherche à
plaire au Roi et ne considère sa subsistance qu'à la seule
condition de la destruction et disparition d'autres.
Une donnée sociologique constitue le fin fond de cette
situation, dit C. M. Overdulve : « Akari mu nda y'ingoma
Kamenywa n'umwiru na nyirayo », littéralement : ce
qui est dans le ventre du tambour est connu du ritualiste et de son
propriétaire, c'est-à-dire nul ne connaît le secret d'une
personne si ce n'est elle-même et son confident(570(*)). La société
ruandaise traditionnelle était extrêmement complexe. Mais le droit
coutumier, tel que. A. Kagame nous le présente sous une forme moderne et
géométrique ne coïncide pas avec la réalité.
Dans cette codification l'auteur se représente la société
comme un certain nombre de colonnes (au moins trois, à savoir une
colonne politico-administrative, une colonne militaire et une colonne sociale),
qui sont traversées par des couches hiérarchiques. A la base se
trouve le peuple.
Cette présentation de la société n'est
pas correcte. L'auteur des poèmes dynastiques oublie qu'entre le peuple
et le Roi il n'y a pas d'intermédiaire, selon la poésie
dynastique. Mais dans le droit coutumier qu'il codifie, il nous montre comme si
dans chaque colonne il y avait progression ascendante de fonctionnaires, de
sous-chefs et de chefs.
Au sommet se trouvant le Roi et sa cour. Chaque Ruandais
trouvait sa propre place dans chacune des colonnes, différente dans
chaque colonne. Dans chaque colonne, il y avait toujours un ou deux chefs
au-dessus de lui, de sorte qu'il devait tenir compte d'au moins trois chefs.
Afin de se maintenir et de survivre, il devait rester en bon terme avec chacun
de ses chefs.
Cette vision de A. Kagame est fausse. La première
raison est que dans les poèmes dynastiques le Roi est seul au-dessus de
tout le peuple. La deuxième confirme la première en montrant que
tout est au Roi et le peuple se doit au Roi et à lui seul. Et
l'importance du bétail bovin dans l'échelle des valeurs sociales
de la civilisation ruandaise peut être évaluée à
partir des données du droit coutumier ruandais consignées en
premier lieu dans l'ainsi nommé « Code des Institutions
politiques du Ruanda Précolonial ».
Les matières du Code sont classées en trois
rubriques que nous appelions colonnes. Ce que C. M. Overdulve considère
comme hiérarchie n'est que l'ensemble de différentes
activités supplémentaires de la population que le droit coutumier
divise en droit militaire, droit pastorale, et le droit administratif qu'il
serait plus approprié de qualifier de droit politique. Ce Code est de
381 articles dont 197 pour le code militaire, 133 pour le code pastorale, et 51
pour l'administration.
Un peu plus du tiers des règles coutumières se
rapportent donc à la valeur sociale représentée par le
bétail bovin, ce qui nous donne la mesure de l'importance que cette
valeur revêt dans le système social ruandais. Pour mieux
comprendre ce droit coutumier, deux autres études nous permettent de
comprendre que souvent ici le bétail bovin intervient comme
matière causale de la règle coutumière.
L'exposition du droit coutumier des bovidés doit
être suppléée par les travaux portant sur l'ethnographie
ruandaise, ainsi que par les travaux spéciaux traitant du droit
coutumier ruandais. Le travail de J. VANHOVE(571(*)) traite la réalité coutumière
à travers les notions juridiques modernes, mais il est assez
intéressant de nous y référer parce que le bovidé y
est traité en tant que droit de propriété et
d'exploitation économique.
Nous ne sommes pas d'accord avec J. VANHOVE quand il parle de
propriété. La raison en est que le Mwami est le seul
propriétaire de tout le bétail ruandais. La détention du
bétail par les sujets du royaume est réduite à un droit
d'exploitation ou d'usufruit et non pas de propriété. Il s'ensuit
aussi que le sujet ne peut disposer de son bétail, en le vendant par
exemple, sans l'autorisation des chefs de « province ». Et
quand on interroge le Père PAGES(572(*)), il nous donne une nomenclature des bovidés
sans systématisation comme celle de J. VAN HOVE(573(*)).
R. BOURGEOIS(574(*)) expose aussi cette matière dans sa grande
monographie des pays ruandais et urundais.
Quant à Mutuza, tout son système donne une
idée claire de la politique ruandaise. Il affirme que, les chefs
terriens, les Hutu, ont été réellement dominés par
les Tutsi. Mais il se demande comment ce phénomène a-t-il pu
avoir réussi. C'est à ce stade qu'il est arrivé à
compliquer son système à cause de doute dans la correspondance
des faits : sont-ce les Tutsi qui compliquèrent la communication
d'avec les Hutu ou plutôt l'inverse qui fut possible ?
Les proverbes ruandais sont tous en Kinyarwanda ; on peut
alors réduire que Aloys Rukebesha a eu raison dans son ouvrage paru en
1985 en l'intitulant Esotérisme et communication
sociale(575(*))
illustrant que les traces de métallurgie du fer
mises au jour dans la région permettent d'établir que les
premiers agriculteurs bantous, en provenance du bassin du Congo, étaient
installés dans la région, dont l'environnement était
propice à l'établissement humain, au
IIIe siècle de notre ère. Lorsque les Tutsi
s'établirent à leur tour dans les collines de l'est du Rwanda,
entre le Xe et le XVe siècle, les Hutu
avaient déjà formé de petits royaumes.
L'image -- déformée -- habituellement
donnée de la société qui s'élabora alors montre les
Hutu placés dans une situation de dépendance et de soumission
totale à l'égard des Tutsi, seuls détenteurs du pouvoir et
de la richesse. Le système politico-religieux extrêmement
hiérarchisé qui fondait le royaume tutsi au Rwanda était
en fait moins rigide : parmi les chefs qui, sous l'autorité
suprême du mwami (roi) tutsi, géraient les affaires, les
chefs de sol étaient le plus souvent choisis parmi les Hutu de
même que les chefs d'armée pouvaient également être
hutu.
Et les mariages mixtes étaient relativement
fréquents. Au Burundi, dans le royaume baganwa, la souplesse du
système était plus grande encore. Si l'on considère la
masse de la population, Tutsi et Hutu partageaient le même sort, vivant
les uns et les autres de l'agriculture comme de l'élevage. Ils parlaient
la même langue, Le Kinyarwanda ou le kirundi, et avaient la même
religion, le roi étant l'image d'Imama, le dieu suprême.
La politique menée par les colonisateurs
européens, allemands d'abord, puis belges après la
Première Guerre mondiale, allait dresser la majorité hutu contre
la minorité tutsi. L'administration coloniale, en effet, s'appuya, pour
assurer son pouvoir, sur l'aristocratie tutsie et figea les rôles de
chacun au nom d'analyses ethnologiques rapides. En 1926, les fonctions de chef
devinrent ainsi héréditaires(576(*)). En 1934 et 1935, l'administration coloniale
procéda à un recensement de la population du Ruanda-Urundi et
délivra des livrets d'identité sur lesquels devait figurer
obligatoirement l'appartenance « ethnique ».
Les clivages ainsi institutionnalisés se
renforcèrent encore au Rwanda dans les années 1950. Après
la mort mystérieuse, en 1959, du mwami Mutara, qui s'était fait
le porte-parole des aspirations indépendantistes de son peuple,
éclata le premier conflit meurtrier entre Hutu et Tutsi. L'Église
catholique, puissance incontournable au « pays des mille
collines », a joué un rôle imminent et la
majorité des Hutu avait pris conscience. L'administration coloniale
favorisa désormais défavorablement les Hutu.
Dans ces populations où le conteur se permet d'une
grande liberté : «on pouvait retrancher ou ajouter,
colorer et même inventer du tout au tout »(577(*)), l'information
transmise de personne à personne était donc
défigurée consciemment ou inconsciemment, de sorte que, pour
finir, nul ne savait plus ce qui s'était réellement passé.
Mais, puisqu'il s'agissait ici d'affaires de la vie quotidienne, nul ne s'en
souciait.
Toutefois, la chose était différente dès
qu'il s'agissait d'affaires plus importantes. On communiquait alors les
informations avec grande circonspection : « ne raconter que
ce qu'on pouvait répéter devant toute autorité
était une règle d'or »(578(*)). Cette ruse est si claire
que Mutuza du déclarer que c'est un peuple amoral et immoral(579(*)). La méfiance fait
partie de la vie d'un ruandais. Pierre Crépeau a attesté la
conclusion de Mutuza sur l'immoralité et l'amoralité des
Ruandais : « La valeur morale de la parole ne dépend
pas de sa correspondance à la réalité ou à
l'idée qu'on s'en fait ; elle dépend avant tout de son
utilité. La parole moralement bonne, c'est celle qui est
profitable ; la parole moralement mauvaise, celle qui est nuisible.
Vérité et mensonge n'ont donc pas la connotation morale que leur
reconnaît la tradition
judéo-chrétien »(580(*)).
Ce qui veut dire que le code de droit tel que A. Kagame nous
l'a transcrit est entaché de beaucoup de corruptions puisque ce n'est
pas du tout ce que le Mwami déclarait qui nous était parvenu.
Car, si l'on veut comprendre ce qu'un Ruandais dit, on ne devra pas perdre de
vue qu'il parle sur deux niveaux. Ce qui compte pour lui, ce n'est pas, en
premier lieu, la concordance entre parole et réalité, ou encore
ce qu'il dit et ce qu'il pense sur tel sujet. Mais ce qui compte avant tout,
c'est la relation entre deux partenaires de l'entretien, qui doit être
servi par la parole ; la réalité sociologique l'exige, comme
nous l'avons dit.
Mutuza nous place « devant deux
conceptions du monde qui ne sont pas faites pour vivre harmonieusement
ensemble. L'Occident impérialiste et hégémoniste l'a, non
seulement compris, mais il l'a cultivé et entretenu et s'avise
aujourd'hui de s'en servir pour assurer ses intérêts en Afrique
centrale, en commençant par la région des
Grands-lacs »(581(*)).
Cela nait de l'exigence de survie pour ce peuple pasteur que
les troupeaux condamnent au nomadisme, en condition normale, et à
l'expansionnisme en cas de sédentarisme. C'est là le mythe
cultivé, encouragé et entretenu par le colonialisme,
conformément à l'adage impérialiste bien connu
« Divide ut imperas » et sont-ce ces populations
sans patrie ni terre, du moins dans l'aspect ethnologique et anthropologique,
que l'impérialisme a encore besoin pour assurer sa domination sur les
peuples bantu de l'Afrique Centrale.
Conclusion
Selon les poèmes dynastiques du Rwanda,
l'identité et l'appartenance se fondent sur le mythe de l'ethnonyme
banyarwanda et s'engagent dans un rythme qui augure le mouvement de
réunion et de séparation des fils de Kanyarwanda qui donne le
glossonyme kinyarwanda.
Servie par des circonstances successorales
particulières des Baame Hutu, la dénomination et la
dénaturalisation glossonymique de l'identité de la langue kihutu
est la mort des royautés des baame Hutu au Rwanda. Le poète
n'ayant pas la grande liberté de sortir de l'exaltation de la
royauté monarchique de l'absolutisme et divinatrice d'Imama, oeuvre pour
la différenciation de la race de dieu et de la servitude des Hutu par
la voie du mythe.
La question qu'on se posait dans ce chapitre est celle de
savoir pourquoi les Tutsi sont-ils appelés banyarwanda alors que le
kinyarwanda est bien connu comme la langue bantoue et que les Bantu du Rwanda
sont les Hutu qui, comme nous le savons, s'expriment en leur langue qui est
comme toutes les autres langues bantoues, correspondante de leur ethnonyme. Et
l'on a, au cas sous examen, le kihutu comme langue bantoue qui est
parlée au Rwanda, et que le mythe dissimile sous une appellation
savante : kinyarwanda.
Nous avons vu qu'il n'y a aucun idiome qui vienne des Tutsi.
De kihutu, les Watutsi ont bien voulu s'identifier et, avec la force de
l'histoire, ils ont réussi à réunifier tous les petits
royaumes des Hutu en un seul et unique Rwanda, comme le clame le poète.
Le royaume des Banyarwanda renferme alors une chaine d'or cyclique de l'octave
dans les poèmes dynastiques : Roi (1), Dieu (2), Race (3), Archer
(4), Vaches (5), Guerre (6), Pluie (7) et (Roi 8). Cette force de
l'identité du roi à son royaume identifie en même temps la
royauté et le kinyarwanda parce que le mythe rapporte que Kanyarwanda
est l'ancêtre de tous les Banyarwanda, Hutu, Twa et Tutsi.
L'analyse de Mutuza donne une nouvelle identité au
Tutsi à cause de leur bovidé-latrie. Ce culte de la vache enclot
le champ de conscience ethnique et les valeurs morales de Tutsi qui se
consolent d'avoir un ancêtre mythique né d'une ethnie fictive et
dont la réalité et la vérité les font
dépendre de la langue de Hutu. C'est d'ailleurs la loi de l'imitation.
L'esquisse géométrique de la pensée des Hutu a ouvert
à Mutuza la voie du processus de leur connaissance des cinq sens qu'ils
traduisent par les cinq tambours. C'est le caractère différentiel
de l'appartenance des Tutsi dans l'ordre exponentiel qui les permet
d'intégrer dans la communauté Hutu et ne les laisse identifiables
que par le biologique. Une de grande question était celle de savoir
comment le biologique peut-il être la base d'une identité alors
que le social qui caractérise l'humanité fait que les Tutsi
soient seulement un phénomène de différenciation
phénotypique comme on a dans chaque groupe social des grands, des
petits, des minces, etc.
Une chronique familiale kinyarwandophile qui néglige le
nationalisme et insiste sur le glossonyme crée la confusion entre l'Etat
et la langue officielle.
De là, il n'y a qu'un seul pas vers
l'indifférence. Et nous l'avons bien vu, dans les poèmes
dynastiques, comment l'appartenance est en conflit avec l'identité. La
communication fait défaut et l'appartenance juridique et politique ne se
limitent que sur le plan matériel. Et c'est grâce à cela
que l'analyse de Mutuza sur les poèmes dynastiques est possible.
Il est pratique et normal que nous ayons recours à des
distinctions classificatoires en vue de soumettre les différences
culturelles au traitement scientifique. C'est à la justification de la
distinction établie entre l'appartenance politique et l'appartenance
juridique. Nous avons rectifié cette distinction terminologique en
reformulant la distinction comme étant celle entre
sociétés agricoles et sociétés pastorales.
Au guérisseur des âmes et des corps que les Hutu
rêvent de rencontrer, réflexion philosophique, notamment dans le
texte mis en abyme que sont les poèmes dynastiques du Rwanda, le roi est
le Grand Inquisiteur qui fait trembler les Banyarwanda... Cette
manière romanesque complexe, s'articulant sur des récits de
nature différente, mêlant étroitement, plus encore que dans
les récits épiques, une littérature et une philosophie de
l'appartenance révélatrice de l'identité entre pouvoir,
glossonyme, ethnonyme renfermés dans le mythe Hima-Tutsi et qui renforce
la prise de conscience de l'appartenance aux sols rwandais.
Chapitre septième: LE
MYTHE DE L'APPARTENANCE ET PRISE DE CONSCIENCE
Introduction
Une idéologie ne peut aller contre le sens commun. G.
Bouthoul, grand sociologue français contemporain, écrit :
« La vie sociale est une hallucination partagée. Nous ne
percevons en réalité, dans le monde extérieur, que ce que
nous connaissons. Dans la vie sociale ce ne sont pas les choses, ni les faits
qui nous affectent mais l'opinion que nous en avons. »
« Tôt au tard », ajoute Bouthoul,
« l'idéologie dominante passe dans les institutions. Bien
mieux elle y est toujours latente car, derrière la lettre des lois, il y
a la réalité de la jurisprudence et des moeurs. D'ailleurs les
hommes ne respectent que les lois auxquelles ils croient, les autres, celles
qui choquent leur bon sens, leur paraissent, au contraire absurdes et
insupportables. Ils finissent toujours primitivement ou activement, par
s'insurger contre elles. »(582(*))
Aussi aborderons-nous, dans ce chapitre, les
éléments déterminants du mythe Hima-Tutsi en rapport avec
l'idéologie fixée dans le poèmes et dont le kinyarwanda
serait l'outil, et les valeurs manifestes de l'appartenance des Tutsi. Nous
avons vu, dans le chapitre précédant, l'identité et
l'appartenance selon les poèmes dynastiques du Rwanda et les valeurs
qu'ils défendent. Il est question maintenant de ressortir le mythe de
l'appartenance et la prise de conscience des Banyarwanda.
On pourrait définir les comportements ressortissant
à la religion comme des techniques rendant possible la communion de
l'homme avec la vie ou les figures de celle-ci. On appelle rites les
comportements verbaux ou gestuels qui traduisent le souci des hommes
d'établir un lien entre eux-mêmes et les réalités
que dénote la religion.
Dans ce chapitre, il convient d'abord d'établir une
étroite relation du rite qui apparaît dès lors d'actualiser
le mythe, c'est-à-dire de recréer les conditions mêmes du
temps originel ou apocatastasique qui était celui du mythe. Ainsi, dans
la société des Banyarwanda, le mythe qui fonde l'ordre social
peut-il être par là même universel ou simplement
raconté, comme on raconterait une histoire : il est
joué ? Dans ces populations, les Tutsi ont-ils un rituel ; ce
en quoi consiste ce rituel ! Les paroles mêmes du mythe sont-elles
réservées scrupuleusement ? Quelquefois la langue du mythe
diffère de la langue quotidienne ; c'est une forme de langage
archaïque ; ou bien une langue étrangère à la
communauté. Est-ce le cas du mythe Hima-Tutsi ? Selon le mythe
d'appartenance que l'on retrouve dans les poèmes dynastiques, être
Munyarwanda c'est d'abord et déjà parler le kinyarwanda,
l'abbé est-il munyarwanda ?
Cette constatation nous amène à insister sur le
caractère efficient de la parole et du groupe ethnique qui en use:
redire les mots mêmes qui, dans le mythe, ont engendré le monde,
c'est renouveler la création elle-même, lui redonner vie et lui
assurer pérennité.
Aussi aborderons-nous ici le problème psychologique des
minorités qui implique la question de l'historicisme comme prise de
conscience exceptionnelle de valeurs démographiques chez Mutuza dans les
poèmes dynastiques. On observera la prophétie sociale et les
prédictions du mythe Hima-Tutsi en les critiquant avec
l'ingénierie sociale de Mutuza ou avec sa théorie de la
communication et de la compréhension.
Section 1. Psychologie des
minorités
§1. Microcosmes et prise de
conscience
Une société fermée, très petite,
caractérisée par son langage, ses préoccupations et ses
habitudes, telle est la communauté hima-tutsi. Ce microcosme est
d'ailleurs différent à l'analogie philosophico-astrologique qui
considère l'homme comme un reflet de l'univers. Cela implique
l'organicisme fonctionnaliste anthropologique à la radcliff-brownienne
selon lequel un individu souffrant d'une caractéristique exceptionnelle
ou très rare, comme le nanisme, l'albinisme, un défaut corporel
isolé, un exemplaire unique de sa race, comme un mulâtre seul de
son espèce, né et vivant dans un village européen, ou
encore une personne ne faisant partie que d'un groupe minuscule (comme des
infirmes d'une certaine catégorie, réunis dans un institut ou un
hospice spécialisé) n'a pas conscience d'être membre d'une
minorité définie, car qui dit minorité dit un nombre
statistiquement important. L'importance de l'enseignement du Civisme et
Développement et de celui de l'Apport de la psychologie dans la
formation du juriste nous le démontre le mieux.
Dans La Problématique du Mythe Hima-Tutsi,
Mutuza affirme que l'hospitalité dans des régions non encore
gravement atteintes par les effets des conflits est visiblement la recherche de
la connaissance sur ces êtres fabuleux et inaccessibles. Mais lorsque le
nombre des nouveaux venus peut être assimilé à une
minorité statistiquement classifiable en tant que
« communauté », groupe ethnique ou social faisant
« masse », c'est-à-dire éventuellement
gênante, virtuellement envahissante, susceptible de « prendre
le pain des autres », tous les mécanismes de refus, de rejets,
d'hostilité inhumaine, peuvent naître spontanément et
collectivement.
Mutuza tente d'expliquer la manière dont les Hima-Tutsi
se sont insérés dans la société des Hutu
jusqu'à la presque dominer. Mais si nous savons toutefois que, si au
lieu d'appartenir à un groupement humain défavorisé, mal
coordonné, ou en état d'infériorité sociale, une
minorité peut au contraire s'affirmer par rapport à un territoire
bien défini - tel n'est pas le cas des Hima-Tutsi - , une tradition
remarquable comme une secte religieuse très exlusive-tels n'en ont pas
non plus les Hima-Tutsi - , ou mieux, un Etat souverain, aussi petit soit-il,
le complexe d'infériorité collectif, qui est propre aux
minorités oppressées ou
« insécurisées », fait place au complexe de
supériorité collectif, même lorsque le niveau
économoque de la petite nation est modeste. On trouve cet enseignement
chez Mutuza dans ses cours de Civisme et Développement,
Idéologies et philosophies politiques contemporaines.
L'importance que revêt la problématique de ces
enseignements chez Mutuza a été mise en cause. La première
contestation est ouverte par Ngoma Binda(583(*)), la seconde par Mbadu, tous les deux professeurs et
esprits ramasseurs des concepts. Pour le premier, l'enseignement du Civisme
et Développement doit être remplacé par celui de
l'Education à la citoyenneté.
Le second prenait les critiques de Mutuza comme les positions admises dans les
oeuvres de Mutuza. Erreur ! Ils se réfèrent aux
traités de l'Union européenne pour pouvoir penser et traiter de
la question de minorité.
Mutuza nie qu'il y ait une minorité ethnique en RD
Congo. Il ajoute que « la méritocratie de la
minorité telle qu'elle est prônée par L'AFDL est une
prostitution des mots. Et comme toute prostitution, elle est vilaine et
avilissante. Nous devons la proscrire dans l'organisation du pouvoir dans les
pays des Grands Lacs. Car elle vise à accréditer la thèse
de l'hégémonie tutsie non seulement sur les Hutu, mais sur tous
les Bantu des régions environnantes »(584(*)). Et cet enseignement est
le plus caractéristique du concept d'appartenance dans l'oeuvre de
l'auteur.
Ngoma Binda s'est basé sur le traité de l'Union
européenne pour affirmer ses thèses d'une nationalité
transfrontalière en opposition à la pensée de Mutuza. Il a
oublié que le traité sur l'Union européenne, signé
à Maastricht, le 7 février 1992, a institué une
citoyenneté de l'Union, accordée à toute personne ayant la
nationalité d'un État membre. Le citoyen de l'Union a notamment
le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des
États membres, ainsi que le droit de vote et d'éligibilité
aux élections municipales dans l'État membre où il
réside, de même que pour les élections au Parlement
européen.
De même que la citoyenneté
sert à fédérer une communauté, elle sert aussi
à l'individualiser afin de différencier les membres de la
cité de ceux qu'elle rejette. La citoyenneté antique est un jeu
dialectique qui englobe autant qu'il exclut. Les premiers à faire
l'objet d'un rejet du citoyen sont les femmes, les esclaves et les
étrangers.
La citoyenneté conçue comme un
idéal de vie en commun, où le plus humble des citoyens peut
s'enorgueillir d'appartenir à une collectivité, n'a su
résister aux faits et aux pratiques d'une vie publique qui, peu à
peu, l'a vidée de sa substance. Certes, le citoyen ne disparaît
pas avec l'émergence de l'Empire romain ; avec lui subsistent les
« avantages » d'un statut protecteur de l'individu. Mais la
citoyenneté a progressivement changé de nature. Cela a
été particulièrement vrai à Rome, où entre
la République et l'Empire, si le citoyen demeure, la vie
civique, pour sa part, disparaît. La fonction
élective, pierre angulaire de l'activité du citoyen, ne sert plus
qu'à ratifier les décisions prises par une minorité
dirigeante, ce qui sonne le glas de la citoyenneté démocratique
dans l'Antiquité.
« Le citoyen est celui qui participe de son
plein gré à la vie de la cité [...] Si tu ne votes
pas, pour t'occuper seulement de tes petites affaires, tu laisseras les autres
décider à ta place des grandes. Mais alors, tu ne pourras pas
venir te plaindre si un jour, par malheur, le gouvernement sorti des urnes
décide [...] d'interdire le rap sur les antennes [...]. Le
citoyen a le pouvoir de faire la loi. Si tu fais la loi, il est normal que tu y
obéisses. Ça s'appelle le civisme. Et si tout le monde
s'arrangeait pour ne pas payer d'impôt, il n'y aurait plus de gendarmes,
ni de lycées, ni d'hôpitaux, ni d'éboueurs, ni
d'éclairage public, parce qu'il faut de l'argent à l'État
ou à la ville pour entretenir ces services(585(*)), expliquait Regis Debray
à sa fille dans une lettre.»
Il ressort clairement que la notion de citoyenneté est
régie ici par une idéologie. Et quand les chercheurs et
universitaires qui ont siégé au Cap (Afrique du Sud du 24 au 27
juin 1997) en ont fait l'objet de leur étude, ils étaient sur le
schéma néo-darwinien de la sélection naturelle et
voulaient ainsi faire l'expérience de l'Union Européenne. Ils ont
oublié que la réalité en face d'eux était plus
complexe que de simples désaccords et malentendus.
Les premiers habitants connus du Rwanda sont
vraisemblablement des Pygmées, ancêtres des Twa actuels. Des
fouilles archéologiques ont mis au jour une métallurgie du fer et
des poteries -- apparentées à la culture bantoue -- que
la datation au carbone 14 fait remonter au premier millénaire avant
notre ère. On les attribue à une population qui serait originaire
du bassin du Congo et dont l'arrivée dans la région remonterait
à cette époque. Ce peuple d'agriculteurs aurait ensuite
cohabité avec les Tutsi, des pasteurs venus du Nord, qui se seraient
installés progressivement entre le Xe et le
XVe siècle.
Ces trois communautés partagent la même langue,
le kinyarwanda, et la même religion à l'arrivée du
colonisateur. Le roi ou mwami est l'image d'Imana, le dieu
suprême, et règne sur l'ensemble de ses sujets, les Banyarwanda.
Sous son arbitrage, le pays est régi au plan administratif par les chefs
de sol (généralement d'origine hutu), les chefs de
pâturages (d'origine tutsi) et les chefs d'armées (recrutés
chez les Tutsi). Le pouvoir est aux mains d'une aristocratie tutsie, mais les
mariages entre familles de pasteurs et de cultivateurs ne sont pas rares, sauf
dans l'aristocratie qui conserve ainsi le pouvoir. C'est à la question
de l'historicisme que nous allons recourir pour comprendre le fonctionnalisme
dans les poèmes dynastiques. C'est d'ailleurs la question liée au
patriotisme des minorités.
§ 2. Patriotisme des
minorités
En Afrique, le Ruanda, avec ses deux millions de citoyens
Tutsis, exprime au maximum toutes les caractéristiques psychologiques
d'une nation minoritaire, devenue farouche, intrépide, tenace dans sa
vigilance révolutionnaire contre le monde des Hutu, à l'exception
de ceux qu'ils appellent les Hutu modérés, protecteurs mais
lointains, et cela en raison de son extrême vulnérabilité
géographique et des grandes puissance auxquelles elle a du
échappé : L'Allemagne, l'Angleterre...et finalement la
Belgique. Mais le Ruanda n'est pas l'exemple le plus caractéristique
auquel peut aboutir une minorité si souvent lion-nelle et caniche, dans
l'hypertrophie d'un sentiment de « courage invincible »,
de « patriotisme absolu », de « camouflage
inconditionnel » capable de faire front, avec complexe de
supériorité devant l'allié, c'est-à-dire
révisionnistes et déviationnistes de toutes nuances,
« cliques des renégats » et « traitres
opportunistes » des Hutu, se trouvent alliés aux USA,
capitalistes, colonialistes, bourgeois, néo-fascistes, etc., voire
pacifiste d'obédience religieuse sans religion, ce qui conduisit
à la presque suppression totale des lieux de cultes chrétiens et
musulmans, alors que ces minorités devenues très offensives se
retrouvent tolérées en RD Congo.
Nous verrons plus loin comment ces mêmes
mécanismes de défense minoritaire, transposés au
gigantisme aussi bien au Ruanda qu'en RD Congo ou en Ouganda ou Burundi,
conditionnent des réactions identiques, face aux « dangers
potentiels » du reste du monde globalement considéré
comme une menace virtuelle et toujours proportionnellement supérieures
en nombre à toute nation, fût-elle la plus puissante.
Le sentiment de minorité n'est pas
nécessairement fondé sur une statistique démographique en
valeur absolue, mais plus souvent sur une prise de conscience de faiblesse
relative par rapport à d'autres puissances extérieures. Ainsi,
malgré une population augmentant de 30 à plus de 60 millions
d'habitants, au cours de son histoire contemporaine, la RD Congo, par son
extrême vulnérabilité géographique, conditionnait
les mêmes mécanismes propres aux minorités ethniques en
créant le type de citoyen le plus « patriote » de
l'Afrique, et le plus disposé à combattre toute intrusion
« jusqu'à la dernière goute de sang ». Le
patriotisme passe avant l'amour, » disait LD Kabila, alors que, au
sein de grandes nations puissantes et privilégiées, l'une comme
l'autre de ces deux grandes passions humaines se désagrège bien
facilement.
« S'il existe donc une psychologie des
minorités, c'est bien dans le sens d'un sentiment de
supériorité spécifique par rapport à la masse
anonyme des autres citoyens ou des autres
nations ! »(586(*)). Et Mutuza ajoute que « la question
des minorité ethniques se pose lors que la nation n'est pas encore
constituée en Etat indépendant, mais se trouve englobée
dans un Etat étranger »(587(*)).
Ceci répond à une réaction dynamique de
psychologie sociale fondamentale à la cohésion de toute la
communauté humaine, ce que l'on pourrait appeler « instinct de
chauvinisme », dérivé de l'instinct primitif de
« conservation », c'est-à-dire d'une garantie
absolue à l'amour de son groupe qui doit être d'autant plus uni
que son existence est plus facilement menacée(588(*)). Nous pouvons donc parvenir
à une définition positive des minorités.
§3. Définition
démographique positive des minorités linguistiques et dichotomie
de la trimonade (Hutu-Tutsi-Twa)
La démolinguistique est l'étude de la
démographie appliquée au domaine de la langue. On sait que la
démographie consiste en l'étude statistique et qualitative des
populations humaines et leurs variations. Cela signifie que la
démolinguistique s'intéresse non seulement au dénombrement
ou au recensement des langues, mais aux implications sociales, culturelles,
économiques et politiques qui découlent de l'étude des
langues.
Ainsi, une étude démolinguistique peut
s'intéresser à la répartition de la population selon la
langue maternelle ou d'usage, aux phénomènes des transferts
linguistiques (changement de langue comme le cas de Tutsi en face de kihutu
dénommé kinyarwanda), à la langue de la population
immigrée ou de toute autre langue recensée, au choix de la langue
d'enseignement, à la répartition de la langue sur le
marché de travail, etc.
On imagine sans peine tout le profit qu'ont retiré les
colonisateurs du recensement linguistique ; d'un autre côté,
le dénombrement linguistique a suscité des craintes. Le
recensement linguistique des pays colonisés et/ou placés sous la
préfecture a révélé un taux d'assimilation pour
l'un ou l'autre groupe avec des effets politiquement désastreux.
Quoi qu'il en soit, la démolinguistique a largement
été utilisée dans tous les projets ou toute fin de
divide ut imperere. Et avant même d'élaborer un
aménagement des langues, on procède à un recensement et
à une répartition des langues dans un contexte
socio-psychologique.
Dans le cadre de la socio-psychologie, nous pouvons admettre
que le fait d'appartenir à un groupement minoritaire est une condition
favorable ou même nécessaire :
1) Pour préciser et bien délimiter sa
personnalité par rapport à une masse anonyme et
éventuellement nuisible ;
2) Pour développer un complexe compensateur de
supériorité ;
3) et, en conséquence, pour pouvoir dominer la
masse majoritaire et réserver des privilèges
particuliers.
L'équilibre et la satisfaction psychique de l'individu
minoritaire seront conditionnés par la possibilité de contenter,
ou non, ces trois tendances.
Pour satisfaire ces trois tendances, faut-il encore être
capable de prendre conscience des possibilités de cohésion de
groupement minoritaires par rapport à des groupements majoritaires
psychiquement définissables ou délimitables.
Nous étudions les relations entre les
phénomènes linguistiques et les phénomènes sociaux
en vue d'établir, dans la mesure du possible, des liens de cause
à effet, ce qui est contraire à l'aspect de Hume dont nous avons
parlé. Ainsi, nous faisons des descriptions parallèles des
structures linguistiques et des structures sociales. De cette façon,
nous étudions la dépendance du linguiste par rapport au
social.
Nous exposions la condition sociale des Tutsi (origine
ethnique, activité sociale, division du travail, niveau de vie, etc.) et
leur performance du kinyarwanda. N'ayant trouvé aucun vocable ni idiome
de cette coloration sociale qui s'y rattachent, le kinyarwanda devient un
instrument relié à la politique de la minorité, à
son droit, à sa psychologie, à sa médecine, etc. ; ce
qui nous a surpris du fait qu'il n'y a pas des traces du
phénomène des langues en contact ; mais que le rapport de
force, de l'expansion et de la régression des Tutsi est criant.
Les problèmes de standardisation du kihutu
appelé kinyarwanda nous donne la norme et le dirigisme
linguistique(589(*)), en
ce sens que nous avions pu comprendre la problématique de
l'aménagement des langues.
Cela n'est possible qu'en saisissant les questions qui
déterminent l'orientation fondamentale de l'historicisme et de la valeur
démographique chez Mutuza. Nous traiterons aussi de nombre d'or et de
l'ingénierie sociale, et, enfin, la prédiction sera la voie de la
méthode vers l'impossible comme base d'action en matière sociale.
C'est ici que nous découvrons l'importance de la théorie de
l'Américain Charles Sanders Peirce sur le pragmatisme et ce qu'en pense
Mutuza. Nous achèverons ce point avec la théorie de la
communication et de compréhension.
Section 2. Question de l'historicisme comme prise de
conscience exceptionnelle de valeurs démographiques chez Mutuza dans les
poèmes dynastiques
§1. Raison ambiante et
milieu ambiant
Nous avions vu au deuxième chapitre, section 3, §
4 que s'il existe un lien entre la philosophie politique et du
développement chez Mutuza et ses conceptions de la société
et de la politique, c'est bien son rejet de l'historicisme. Il est alors claire
de dire que Mutuza n'est pas un homme d'opinion mais un meneur d'opinion et un
critique de l'influence diffusionniste et fonctionnaliste. Pour de nombreux
auteurs, les éléments exogènes qui influent sur les
comportements des individus ne seraient pas fondamentalement les conditions
sociales, en tant que créations humaines mais ces conditions seraient
surtout le résultat de l'influence du milieu géographique. La
« terre » façonne les hommes, soit positivement par
l'influence directe du milieu ambiant (selon la thèse du
matérialisme dialectique), soit négativement par le triage de la
sélection naturelle (thèse des néo-darwinistes).
En réalité, ces conceptions, qui sont
certainement justes à l'échelle de la vie animale ou primitive,
sont, en ce qui concerne le genre humain, fortement mises en cause par la
fonction créatrice de la société(590(*)). L'action de la
société sur le milieu dépasse souvent de beaucoup celle du
milieu sur la société et constitue un facteur de civilisation
qui, par rapport au règne animal, donne au biologique humain une autre
dimension qui lui est exclusive.
Il est moins intéressant pour le
généticien d'observer les personnes récemment parvenues
dans leur nouvelle patrie d'adaptation et l'on sait que, de toute
manière, un sujet aura d'autant plus de mal à s'assimiler
à un milieu étranger qu'il est plus avancé en âge en
raison de son histoire.
Cependant c'est connu que chez Mutuza l'histoire occupe une
place de choix dans l'analyse de son La problématique du Mythe
Hima-Tutsi. Il affirme que « Ce qui s'est passé au
Ruanda en 1994 et qui s'y passe encore aujourd'hui, et qui finit par
déborder au Congo trouve son sens et sa signification dans le mythe
hima-tutsi. Celui-ci est en effet, un sentiment de complexe de
supériorité qui anime le peuple pasteur tutsi habitant la
région des Grands lacs. Il nait de l'exigence de la survie pour ce
peuple pasteur que les troupeaux condamnent au nomadisme, en condition normale,
et à l'expansionnisme »(591(*)).
La manière avec laquelle Mutuza aborde le
problème donne la condition de possibilité de l'existence d'une
fonction. C'est donc le domaine de définition qui s'explique par
l'asymétrie des relations des groupes sociaux : le Roi et la
population, dans le système Hima-Tutsi. On sait bien que la
théorie des fonctionnalistes est fort combattue, mais elle nous laisse
dans l'analogie dont se servent les politiciens pour maintenir la
société. Ici, nous ne trouvons aucune trace d'organicisme. Mutuza
cherche, nous donnant le domaine de définition, la condition de
possibilité de la cohabitation des Tutsi d'avec les Hutu.
En mathématiques, cette condition de possibilité de
l'existence est la correspondance entre un ensemble A et un
ensemble B, qui à tout élément de A associent au plus
un élément de B.
Par exemple, la relation qui à tout
entier associe son carré est une fonction de dans . Par extension, on peut également définir des fonctions
de plusieurs variables, telles que la relation qui au triplet de réels
(x, y, z) associe le produit xyz. Quant à ce qui nous
concerne, on ne s'intéressera qu'aux fonctions structurelles de
l'appartenance sociale.
Le terme de fonction est utilisé
pour la première fois en 1637 par Descartes pour désigner une
puissance xn d'une variable x. Puis, en
1694, Leibniz applique ce terme à différentes
caractéristiques d'une courbe. Mais c'est Dirichlet qui a le premier
énoncé le concept de fonction dans son sens moderne de
correspondance. Il conçoit une fonction y comme une
variable dépendante, dont les valeurs sont fixées ou
définies par les valeurs assignées à la variable
indépendante x ou à plusieurs variables
indépendantes x1, x2, ...,
xn. Enfin, au XIXe siècle,
l'apparition de la théorie des ensembles élargit la notion de
fonction et l'étend vers celle d'application.
L'étude des poèmes dynastiques nous a
révélé, selon la recherche des conditions des
possibilités données par Mutuza, l'existence d'un système
social. Mais, malheureusement, Mutuza n'a pas su nous dire comment chez les
Hima-Tutsi la fonction n'existe pas mais plutôt une application.
La notion de fonction est souvent confondue
avec celle d'application et Mutuza s'y est bien appliqué en disant
que : « Les valeurs positives de la civilisation
manquent presque totalement dans la fonction royale. Ce sont les valeurs
négatives qui dominent, et c'est sur ces valeurs que se construisent
l'existence et la survie de la tribu. Si le roi assied sa réputation
divine sur sa capacité de procurer de la pluie, c'est que l'existence
physique des hommes est constamment handicapée par l'inclémence
de la sécheresse impitoyable. Si la razzia est institutionnalisée
comme valeur sociale, c'est que la survivance de tribale est
subordonnée, en partie au moins, à la destruction
d'autrui »(592(*)).
Nous sommes là en face d'une application plutôt
que d'une fonction. Cependant, à la différence d'une application,
tous les éléments de l'ensemble de départ d'une fonction
n'ont pas forcément d'image dans l'ensemble d'arrivée. Par
exemple, la correspondance qui associe à un nombre son carré est
une application ; en revanche, celle qui associe à un nombre son
inverse n'est pas une application car 0 n'a pas d'image.
Soit f une fonction d'un
ensemble A vers un ensemble B. On note alors :
Il ne faut pas confondre la
fonction f avec la valeur f(x) prise en x
par la fonction f.
Le fonctionnalisme systémique tel qu'il est
détaillé par Mutuza nous conduit vers un historicisme qui ouvre
la problématique du mythe. Avant de comprendre l'historicisme de Mutuza
nous sommes appelé à parler de l'historicisme tel que connu dans
le monde scientifique afin de saisir par son entropologie la valeur
évaluative du mythe dans la vie sociale.
L'Historicisme est le concept associé au
développement, vers le milieu du XIXe siècle, en
particulier en Allemagne, de la notion de « sens
historique », qui admet que le passé est radicalement
différent du présent et qu'il ne peut être
appréhendé qu'en fonction de son contexte propre. Le terme a
d'abord été largement utilisé dans les débats des
économistes politiques germanophones : on reprocha à Gustav
Schmoller et à son école de présenter une théorie
économique trop dépendante de l'histoire économique, ce
qui fut qualifié d'Historismus. Le terme
« historicisme » prenait ici un sens péjoratif et
s'appliquait aussi à la tentative d'introduire l'histoire dans des
disciplines où elle n'avait pas sa place. Le philosophe Nietzsche
considéra l'historicisme comme une approche désuète et non
critique de l'histoire, la réduisant à une simple accumulation de
données historiques.
Le philosophe allemand Ernst Troeltsch tenta le premier de
qualifier l'historicisme de façon plus objective. Il le définit
comme une tendance à considérer les connaissances et les
expériences comme perméables au changement historique. Selon lui,
l'historicisme était un courant dominant dans la pensée du
XIXe siècle, qu'il opposa à l'étude
généralisée et quantitative de la nature, ou
Naturalismus. L'historicisme fut considéré comme
Weltanschauung, une vision du monde fondamentalement différente
de la perspective « naturaliste » ou
« positiviste » fondée sur le concept de l'existence
d'une loi universelle naturelle et constante. Une autre interprétation
de l'historicisme mit l'accent sur l'importance qu'il accordait au concret,
à l'unique et à l'individuel (Friedrich Meinecke).
Le terme d'historicisme connut un glissement de sens lorsqu'il
passa en anglais vers la fin des années 1930. Il prit une acception
méthodologique et fut associé aux principes d'explication et
d'évaluation. L'historicisme attaqué par F.A. Hayek et
surtout Karl Popper était la doctrine du
XIXe siècle qui prônait l'existence de certaines
lois de développement sur lesquelles on pouvait se fonder pour faire des
prédictions scientifiques sur le futur. Cette définition
reflétait une tentative de rendre l'histoire
« scientifique », sur le modèle des sciences
naturelles. Les dimensions idéologique et méthodologique du terme
« historicisme » sont bien plus évidentes en
allemand, qui distingue Historismus de Historizismus.
Depuis le début des années 1980, un
« nouvel historicisme » est apparu en littérature
sous la forme d'un genre nouveau de critique historique. L'oeuvre de Michel
Foucault a été déterminante pour les nouveaux
« historicistes » qui ont tenté d'éradiquer
toute distinction entre littérature et histoire.
La pensée philosophique contemporaine assiste à
une résurgence de l'historicisme sous forme d'une thèse sur les
limites de la recherche fondée sur la compréhension de concepts
scientifiques relatifs à une tradition donnée (Robert D'AMICO).
C'est dans ce contexte que Mutuza continue à utiliser le paradigme
historiciste. Son fonctionnalisme est homologique et non pas
méthodologique. Car, pour lui, « une lecture attentive et
critique du Programme de l'idéologie politique de l'FDL, amène
tout lecteur lucide et sans parti pris à s'interroger sur le projet de
société de l'AFDL, ainsi que sur l'intention réelle de ses
animateurs»(593(*)). Par cette compréhension, est-il ou non un
historiciste ?
§2. Historicisme chez Mutuza et définition
démographique positive des minorités ethniques
« Ne voyez-vous pas, dit Cicéron, quelle
belle tâche c'est pour l'orateur que d'écrire l'histoire ?
Peut-être même n'y en a-t-il point d'autre qui demande plus
d'abondance rapide et de variété dans le style. Et pourtant je ne
trouve nulle part que les rhéteurs en aient fait l'objet de
préceptes spéciaux. Ces préceptes, aussi bien, sont en
évidence, sous nos yeux. Qui ne sait que la première loi du genre
est de ne rien oser dire de faux ? la seconde, d'oser dire tout ce qui est
vrai ? d'éviter, en écrivant, jusqu'au moindre
soupçon de faveur ou de haine ? Oui, voilà les fondements de
l'histoire, et il n'est personne qui les ignore. »
(Cicéron, De oratores)
Dans le cadre de la sociopsychologie, pouvons-nous admettre
que le fait d'appartenir à un groupement minoritaire est une condition
favorable ou même nécessaire ? Nous avons vu à la
première partie que s'il existe un lien entre la philosophie de
l'histoire de Mutuza et ses conceptions de la société et de la
politique, c'est bien son rejet de l'historicisme. Sans ce lien-là, ses
remarques en passant sur le bon ou le mauvais gouvernement, la politique de
ses moyens, l'égalité, la justice sociale, la liberté
et sa protection, pourraient facilement être prises pour les opinions ad
hoc de n'importe quel citoyen profane, bien intentionné et progressiste,
dont les années de formation s'étendraient de la Grande
dépression au premier Etat-providence et à l'économie
mixte.
C'est dans son deuxième chapitre intitulé
Idéologie Hima-Tutsi et la crise dans les pays des Grands Lacs
que Mutuza ouvre la voie vers sa croyance en un historicisme estampillé.
Il l'affirme sans réserve : « Pour savoir où
l'on va, il faut savoir d'où l'on vient, dit une sagesse de nos
pères »(594(*)). Mutuza se réfère à
Aristote : « c'est en considérant les choses dans
leur origine qu'on en obtient l'intelligence »(595(*)).
Là se pose un problème d'interprétation.
Mutuza fait un mauvais jeu dans son emprunt à Aristote. Celui-ci est
dans l'ontologie, alors que lui, Mutuza, est dans la philosophie pratique, dans
la « sociologie ». Il traite la question comme si un
cumulatif d'information emmagasinée constitue le fondement de
la résolution des conflits. Il est entrainé sur le terrain d'un
pragmatisme dont le mythe Hima-Tutsi donne une prédication.
Le pragmatisme est une attitude (d'une personne) qui
privilégie l'action pratique, l'adaptation au réel et la
recherche de l'efficacité, plutôt que des considérations
théoriques ou idéales et, c'est un réalisme.
C'est la doctrine philosophique développée au
XIXe siècle par les philosophes américains
Charles Sanders Peirce, William James, puis John Dewey, George Mead et Clarence
Lewis qui affirme que le critère de vérité d'une
proposition est son utilité pratique, que le but de la pensée est
de guider l'action et que la conséquence d'une idée est plus
importante que son origine.
Le pragmatisme est la première philosophie
américaine à avoir été développée de
façon autonome. Il s'oppose à toute spéculation sur des
questions qui n'ont pas d'application pratique et donc en particulier à
la métaphysique. Il considère que la vérité est
relative à une époque historique, au lieu et au but de la
recherche, et que la valeur est aussi inhérente aux moyens qu'aux
fins.
Ses ténors affirment que la solution aux
véritables problèmes philosophiques viendra des méthodes
empiriques issues des sciences, essentiellement de l'observation et de la
déduction. Le critère de la vérité
énoncé par Peirce fait intervenir celui de sa
signification : « Comprendre un énoncé, c'est
savoir ce qu'il en est, s'il est vrai. » Ces affirmations
servirent de base au positivisme logique.
Le philosophe américain John Dewey fit évoluer
le pragmatisme vers l'instrumentalisme, qui pousse le critère de la
vérité jusqu'à être une
« assertivité garantie », définie
par James dans les termes suivants : « Le vrai consiste
simplement dans ce qu'il est avantageux pour la pensée »
(le Pragmatisme, 1907). Aujourd'hui, Hilary Putnam et Richard Rorty
sont les principaux représentants américains du pragmatisme. Ce
dernier, dans les Conséquences du pragmatisme (1982), oppose la
voie philosophique ouverte par Platon et Kant à tous ceux, qui, comme
Wittgenstein et Dewey, mais aussi comme Foucault et Derrida, nient la
possibilité de dire quelque chose de recevable sur les concepts
normatifs issus de la tradition philosophique, comme la vérité,
la rationalité, la morale. Pour Rorty, il s'agit d'abandonner les
vérités qui n'ont pas été
« payantes ».
Le pragmatisme fut l'approche dominante de la philosophie aux
États-Unis dès le début du
XXe siècle et continue de régner de nos jours sur
la pensée américaine. Charles Sanders Peirce formule une
théorie pragmatique de la connaissance, pour laquelle le sens d'un
concept réside dans les prédictions que rend possibles son usage
et qui sont vérifiables par l'expérience future.
À la fin du XIXe siècle
et au début du XXe siècle,
l'idéologie positiviste légaliste est sérieusement remise
en cause par le jeu cumulé de plusieurs facteurs. Il apparaît
ainsi que les premières codifications, loin de couvrir tous les
problèmes susceptibles de survenir dans la vie sociale, doivent
nécessairement être interprétées et adaptées
assez largement par les juges saisis de litiges de nouveaux types, apparus, par
exemple, avec l'industrialisation massive. Ce constat est dressé sans
concession par François Gény qui prône la « libre
recherche scientifique » du droit, et non plus l'application servile
de textes législatifs créés en d'autres temps pour
d'autres besoins.
En outre, le mythe du législateur
omniscient et rationnel, qui sous-tendait l'idéologie des codifications
napoléonienne et germanique, est contesté par ceux, de plus en
plus nombreux, qui estiment que la société produit
spontanément des normes juridiques qui n'attendent pas l'État
pour exister, et qui vont même jusqu'à contredire le droit de
l'État. Ce type de thèse est notamment défendu, en
Allemagne, par les partisans de l'école du « libre
droit » née sous l'impulsion de l'historien du droit
Kantorowicz et surtout du sociologue du droit Ehrlich, qui est à
l'origine directe de ce mouvement de pensée.
La réaction au positivisme
légaliste n'est cependant pas antipositiviste en elle-même. Comme
leurs prédécesseurs, les auteurs contestataires partagent, et
même développent à l'extrême, la thèse de la
relativité du droit et des valeurs, au point parfois d'aboutir à
certains excès en légitimant ou en acceptant de façon
assez cynique le pouvoir quasiment incontrôlé du juge. Aussi le
positivisme sociologique ne devait-il finalement qu'être un moment
réactif, destiné surtout à tempérer les
excès du légalisme et à favoriser l'émergence de
théories moins polémiques.
Kelsen s'est attaché,
au milieu du XXe siècle, à faire
de la théorie du droit une véritable science, dépourvue de
toute-arrière-pensée idéologique. Ce faisant, il en est
arrivé à décrire le système juridique comme une
pyramide de normes au sommet de laquelle se trouve la norme fondamentale,
justifiant toutes les autres. On a pu reprocher à Kelsen un normativisme
froid. Dans la Théorie pure du droit, l'hypothèse du
conflit de normes illustre son raisonnement.
Le milieu du XXe siècle
est marqué par sa théorie confinée dans
Théorie pure du droit, 1962. Dans la lignée des premiers
courants positivistes, Kelsen entreprend de mener jusqu'à son ultime
conséquence la caractérisation du droit par
référence à ses seuls éléments formels,
indépendamment de son contenu. C'est ainsi que Kelsen en vient à
affirmer que tout système juridique peut être défini comme
un ensemble hiérarchisé de normes ayant en propre d'attacher
à un certain état de fait une conséquence donnée.
Par exemple, est une norme juridique la norme qui attache une sanction
particulière au fait de tuer un homme. De même, est juridique la
norme qui impose à une cour d'appel d'annuler le jugement rendu par un
tribunal inférieur en violation de la loi. Dans la perspective
kelsénienne, le caractère juridique d'une norme ne peut donc
être compris en observant le contenu de la norme en question ; il
résulte, bien plutôt, de sa structure et du fait que son
édiction a eu lieu conformément à la hiérarchie du
système juridique dans son ensemble.
Le caractère très abstrait des
théories kelséniennes a souvent été
dénoncé. La faiblesse de la théorie réside,
notamment, dans son incapacité à expliquer comment la norme
juridique suprême (la Constitution, par exemple) en vient à
posséder un caractère juridique, puisqu'il n'existe aucune norme
juridique de niveau supérieur conformément à laquelle la
Constitution a été posée. Aussi certains estiment-ils
raisonnable de réintroduire, dans la description des systèmes
juridiques, le constat de la fondation sociale de l'obligation juridique.
À cet égard, la tentative la
plus stimulante est sans doute celle de Hart, auteur en 1961 d'un
célèbre ouvrage intitulé The Concept of Law
(le Concept de droit). L'auteur, s'appuyant sur la réflexion
philosophique, mais aussi sur l'anthropologie et la sociologie, défend
l'idée que tout système juridique peut être défini
comme l'articulation de règles de nature différente : les
règles « primaires », qui imposent aux sujets de
droit certaines obligations (ne pas tuer, respecter les promesses que l'on a
souscrites, etc.) et les règles « secondaires », qui
permettent notamment de reconnaître et de changer les règles
primaires. Dans la perspective de Hart, qui s'inscrit en faux contre Kelsen, la
norme juridique de niveau suprême ne peut cependant être
« reconnue » autrement que par l'observation,
c'est-à-dire par le constat que les membres d'une société
donnée se considèrent comme liés par cette norme ultime.
Il y a là un pragmatisme qui est tout à l'honneur de l'auteur.
Reste à savoir si le positivisme ne peut être contesté,
précisément pour cette raison.
Le positivisme juridique a toujours
été et sera vraisemblablement toujours critiqué par ceux
qui, d'une façon ou d'une autre, récusent la possibilité
de définir le droit sans faire référence à
une justice absolue, à des valeurs transcendantes. Pour ceux-là,
le positivisme est insupportable, car il donne un soubassement théorique
à l'affirmation que les lois nazies étaient du droit, et
légitime indirectement les actes accomplis par les subordonnés
des autorités les plus infâmes. Il est d'ailleurs symptomatique de
constater qu'au lendemain de la Seconde Guerre
« mondiale », certains éminents positivistes ont
opéré un complet revirement par rapport aux thèses qu'ils
défendaient par le passé. Ainsi, le positivisme pose de
façon ultime la question de l'intrusion des valeurs, non dans le contenu
du droit, mais dans la définition même du droit. Et cette
définition implique un domaine précis des différentes
fonctions.
Ces différentes étapes qui
président à l'étude d'une fonction sont
l'établissement de son domaine de définition et de ses
propriétés, le calcul des limites aux points remarquables,
l'étude de sa continuité et de sa dérivabilité, la
recherche d'asymptotes et sa représentation graphique. On se placera ici
dans un repère cartésien (xOy). Mais Mutuza se
situe dans l'aspect social. Descartes, lui, agit en solipsiste, niant
l'existence du monde extérieur. Comment la fonction peut-elle être
comprise sans le cogito ?
Contrairement à Descartes,
Locke insiste sur la nécessité de se passer
de considérations a priori : il n'y a pas de principes innés
(contre Descartes et les métaphysiciens), et seule l'expérience
empirique doit être prise en compte. Dans son quatrième livre
où il traite de la vérité, John Locke dit qu'elle est
seulement affaire de mots et de discours, et la réalité
intéresse les sens. Pour pallier les insuffisances de nos
possibilités de connaître la réalité, nous pouvons
essayer d'employer dans nos discours la notion de choses
« probables », faute de mieux.
C'est avec John Locke que l'étude sociale
d'une fonction f d'un ensemble A vers un
ensemble B peut être comprise. Pour aborder l'étude de cette
fonction, il faut avant tout déterminer son ensemble de
définition Df, sous-ensemble de A pour lequel la fonction est
toujours définie. On peut alors dire que la fonction est une application
de son ensemble de définition vers l'ensemble d'arrivée B.
Le domaine de définition de f correspond aux
valeurs de x pour lesquelles f(x) est défini. Par
exemple, le domaine de définition de la fonction f, qui
à tout réel x associe
f(x) = 1/[x(x - 2)], est
Df = - {0 ; 2}, ensemble des nombres réels,
différents de 0 et 2, valeurs pour lesquelles le dénominateur de
la fraction s'annule. C'est donc dans le domaine social que le problème
mathématique trouve son fondement.
Dans les Deux Traités du
gouvernement (1690), Locke a attaqué la théorie du droit
divin des rois, droit que l'on rencontre dans les poèmes dynastiques, et
la conception de la nature de l'État propre à Thomas Hobbes.
Locke soutient que la souveraineté ne réside pas dans
l'État mais dans le peuple, et que l'État n'est suprême
qu'à condition d'être tenu par le droit civil et par le droit
« naturel ».
Pour Locke, les révolutions ne
constituent pas seulement un droit, mais souvent une obligation. Il
préconise un système tripartite d'équilibre des pouvoirs
dans le gouvernement, le pouvoir législatif y étant plus puissant
que les pouvoirs exécutif et judiciaire. Il défend
également la liberté du culte et la séparation de
l'Église et de l'État.
L'école fonctionnaliste naît dans le champ de
l'anthropologie sociale sous l'impulsion de Bronislaw Malinowski (+1942), puis
d'Alfred Radcliffe-Brown (+1955) nous apprend que les fonctionnalistes
affirment qu'un phénomène x existe en raison de
l'existence d'un phénomène y ou de la variation
systématique d'une pluralité de phénomènes par
rapport à lui. Ce sont des assertions très rigoureuses qui
présupposent un système de facteurs en corrélation que
l'on peut exprimer par des formules mathématiques plus ou moins
complexes. Selon le fonctionnalisme, on ne trouve rien dans la
société qui ne soit « fonctionnel », qui
n'agisse sur d'autres aspects de la structure ou du fonctionnement de la
société. Cette doctrine, dont le cadre théorique est
resté vague, s'est développée à partir
d'interprétations utilisées par les anthropologues qui
étudiaient des peuples n'ayant aucune histoire écrite.
À l'inverse, on peut privilégier
surtout les aspects pratiques ou politiques de la science. L'un des plus
fervents partisans de cette attitude est le philosophe français Auguste
Comte, inventeur du mot « sociologie » et d'un
système philosophique censé permettre de réorganiser la
société française bouleversée par la
Révolution. L'une de ses plus fameuses devises était :
« Science d'où prévoyance ; prévoyance
d'où action ».
En affirmant que toutes les choses existent parce qu'elles
remplissent une fonction dans la structure sociale globale, la théorie
fonctionnaliste apparaît comme une défense systématique du
statu quo. C'est la raison pour laquelle le fonctionnalisme fait
l'objet de violentes critiques de la part des sociologues dans les
années 1960. À la même époque, les sciences
sociales sont largement dominées par le marxisme, notamment par
l'école de Francfort, qui critique les institutions existantes et
préconise leur refonte complète.
S'il connaît des limites évidentes, le
fonctionnalisme demeure cependant une théorie majeure des sciences
sociales, qui a notamment influencé les structuralistes.
Développée par Malinowski, la méthode d'observation
participante, qui implique une totale immersion du chercheur dans son terrain,
est toujours utilisée dans les études sociologiques.
Un important courant philosophique apparu aux
États-Unis à la fin du XIXe siècle insiste
lui aussi sur le caractère pratique et collectif de l'activité
scientifique : il s'agit du pragmatisme, mouvement dont les pères
fondateurs sont Charles Sanders Peirce, William James et John Dewey. Plus que
sur les notions de cause ou de loi, les pragmatistes insistent sur
l'efficacité croissante de la science pour résoudre des
problèmes relatifs à la nature et sur le consensus sur lequel
devrait déboucher le développement des sciences.
Le pouvoir de prédiction des
théories est un thème capital pour les philosophies
privilégiant tout particulièrement l'action scientifique. Il
soulève toutefois des problèmes dépassant le seul domaine
des applications de la science. Ainsi, même quelqu'un estimant que la
science vise seulement une description vraie du monde valorisera au plus haut
point la justesse des prédictions. En effet, il y trouvera sans doute
une confirmation indirecte de la justesse de la description conduisant à
une telle prédiction.
Mais quel que soit l'intérêt
que l'on accorde aux prédictions, elles ne seront sans doute prises au
sérieux que s'il s'agit d'extrapolations à partir de faits
établis. Ainsi, on attend d'une loi, ou d'une relation causale, qu'elle
soit vraie dans d'autres situations ou qu'elle s'applique à d'autres
expériences que celles qui ont permis de l'établir. Sous
prétexte que l'on a fait bouillir de l'eau à 100 °C
tous les dimanches de l'an 2000, on ne considère pas comme une loi
l'énoncé suivant : « Tous les dimanches de
l'an 2000, l'eau est entrée en ébullition à
100 °C ». Il serait plus fécond de dire :
« Le dimanche, l'eau bout à 100 °C », ou
encore mieux : « L'eau bout à
100 °C ». Cette dernière formulation est
jugée plus féconde dans la mesure où sa
généralité permet d'anticiper ou de prévoir ce qui
va se passer lorsque la température de l'eau atteindra 100 °C.
En un sens, en étendant le pouvoir de la connaissance le
caractère prédictif l'enrichit et la complète.
Ainsi, les incertitudes de l'induction contaminent toute
spéculation sur les causes ou sur les théories
explicatives : ce n'est pas parce qu'une théorie ou une explication
rend compte de façon satisfaisante d'un ensemble de données ou
d'expériences, qu'elle va tout aussi bien rendre compte d'autres
expériences ou de nouvelles données. Pour ceux qui pensent que la
science a pour but de décrire le monde avec ses principes
régulateurs, le problème de l'induction est un obstacle à
résoudre ou à éliminer s'ils veulent rendre indiscutable
la description proposée, c'est comme le ð dans la
concentricité des thèmes des poèmes dynastiques du
Ruanda.
Ð est le quotient constant de la circonférence du
cercle par son diamètre, égal au nombre irrationnel 3,14159 + n,
symbolisé par l'équivalent grec du "p" français. Remarque
d'usage: au sens mathématique, le mot est souvent écrit avec une
majuscule initiale.
Le nombre p résume une histoire des
mathématiques vieille de 3 000 ans, recouvrant aussi bien la
géométrie que l'analyse ou l'algèbre. Les
mathématiciens s'y intéressent dès l'Antiquité, et
en particulier les Grecs, dans des problèmes de géométrie.
En considérant des polygones réguliers inscrits et circonscrits
dans un cercle, Archimède en a déterminé une valeur assez
précise, l'estimant compris entre 3 + 10/71 et
3 + 10/70. Il faut attendre la naissance du calcul
infinitésimal, dans la seconde moitié du
XVIIe siècle, pour que le nombre p intervienne dans
l'étude des séries. Ainsi, Leibniz découvre la
formule :
Les peuples agriculteurs sont de grands
géomètres. Géométrie venant du grec
ãÞò (Géo) qui signifie terre, et
ìôñßá signifiant mesure.
Donc la géométrie dont l'analyse de pi constitue le travail des
peuples agriculteurs pour le mesurage de leur circonscription est le propre des
agriculteurs, et les nombres premiers, jumeaux, constituent les dividendes de
cette mesure.
Tolérer que des prédictions
soient à la fois scientifiques et incertaines et que le raisonnement
inductif ait droit de cité dans les sciences revient à se
contenter d'un registre probabiliste. Autrement dit, il faut admettre que les
meilleures prédictions ne sont jamais que probables. Quand on songe au
problème de l'induction, aux difficultés d'interprétation
posées par la mécanique quantique, ou encore à
l'importance pratique prise par les méthodes statistiques, on se doute
de l'importance prise en philosophie des sciences par la réflexion sur
les probabilités.
Une tentative célèbre
d'élimination du problème de l'induction est associée au
philosophe britannique d'origine autrichienne Karl Popper. Selon lui, la
démarche proprement scientifique dans la recherche de théories
explicatives est de type hypothético-déductif. Elle consiste
à formuler des conjectures, des hypothèses, dont sont ensuite
déduites des conséquences susceptibles d'être
testées expérimentalement.
En cas de succès, la conjecture, l'hypothèse ou
la théorie est corroborée ; sinon elle est falsifiée.
L'une des plus célèbres objections faites à cette approche
comme à toutes celles reposant sur le concept d'expérience
cruciale -- l'objection dite holistique ou de Duhem-Quine (Quine,
Willard) -- stipule qu'un test ne porte jamais sur une hypothèse
isolée, mais sur tout un réseau d'hypothèses qu'il est
toujours possible de rectifier en un point ou en un autre afin de le rendre
compatible avec l'expérience.
Mais alors, pourquoi la prophétie historique sans
fondement est-elle fausse, et la prédiction sociale et l'intervention
qui se fonde sur elle, rationnelle et digne d'être
encouragée ?
§3. Concentricité des thèmes et
continuité de ð(596(*))
dans les poèmes dynastiques
Connaissant que ð est la périphérie ou le
contour, la réponse polissonne semble être que tout processus de
continuité de l'action d'un Tutsi est régi par le schéma
général de la fonction inversée de Laplace, que l'on peut
symboliser, comme le fait Mutuza, à la suit de Papadopoulos, de la
manière suivante :
f est la fonction dont Mutuza cherche le domaine de
définition ; le A est un élément de l'ensemble qui
joue un rôle en vue de l'équilibre de l'ensemble, tandis que B est
l'image de A et x le moyen par lequel f(x) permet d'ouvrir le chemin vers le
domaine de définition. L'aspect
« néo-malinowskien » de ce schéma est du
à l'analogie claire que l'on peut effectuer entre l'idée qui
affirme que les institutions humaines doivent être examinées dans
le contexte global de leur culture et de leur formation de la culture
humaine.
Parler de ð dans l'étude d'un
poème est assez étrange pour un esprit qui sait écrouler
les ponts d'interdisciplinarité. L'on sait, par malveillance, que les
mathématiciens sont ceux qui sont considérés comme des
hommes aux raisonnements tranchés. Mais si l'on s'en tient à
l'archéologie du mot mathématique, on se rend compte qu'il vient
du verbe grec :
ìáèáßíù qui
signifie apprendre ; et
ìáèçôçò est
celui qui apprend. Dans l'apprentis-sage il y a
ìáèÞíá, la
leçon,
ìáèÞôçò le
disciple (élève) et
ìáèÞôçêïò
le fait d'apprendre. Dans cette perspective, il est très difficile que
l'esprit soit borné. C'est ainsi que l'étude mathématique
nous a servi comme modèle pour découvrir les marges dont se
servent les géomètres avec la valeur de ð dont la suite
décimale ouvre des cercles concentriques des valeurs
différents.
Le thème central des poèmes dynastiques est la
royauté. C'est au tour de ce thème que nous avons divers
thèmes concentriques qui composent l'octave de la chaine cyclique. Tous
ces poèmes sont un chaînon qui forme le cercle dont les cinq
tambours chantent les louanges du roi. C'est un passage laborieux qui
recommande donc de ne se sentir éloigné du Ruanda, le grand
kraal. Il convient, au contraire, de voler au-dessus de la prairie des sons des
tambours, de cueillir en chacun un élément propre à
l'acquisition de la sagesse bovine, de façonner en soi des cellules de
fromage, en déposant dans son kraal, comme dans une cruche, cet amour du
bovin. Il faut aussi créer dans sa mémoire des compartiments
bien séparés pour les sons de Kiringa et de Kiragutse de Kigeli,
comme des alvéoles dans du fromage, et, ainsi à l'imitation du
roi dont la vie est dans l'aséité et la clémence et
l'inclémence, poursuivre sans cesse ce commerce terrien dans la
razzia.
L'on sait que ð est égal à
3, 14. Cela implique que l'exposition du droit coutumier des
bovidés récapitulé supplée les travaux de
l'ethnographie sur le Ruanda. Là vient se greffer la
problématique de l'appartenance qui s'effondre. La découverte de
notre humanité commune peut nous faire vivre une grande
insécurité. Mais les actes des Tutsi nous conduisent à
douter de leur humanité.
Section 3. Prédiction et critique du mythe Hima-Tutsi
§1. Acquisition de la notion
de cohésion d'un groupe du point de vue pragmatiste
Pour avoir conscience de l'existence d'une communauté,
qu'elle soit minoritaire ou majoritaire par rapport à un autre groupe,
concurrent ou non, il faut que chaque membre ait non seulement une impression
d'union, de cohésion de ce groupe, mais que ce groupe ait
également des représentants, des chefs ou un chef suprême
qui peut être un dieu. Avec la question de la
prédiction, l'opposition entre réalistes et antiréalistes
déborde du domaine de l'abstraction et de la spéculation pour
s'étendre à des préoccupations méthodologiques.
Le pouvoir de prédiction des théories est un
thème capital pour les philosophies privilégiant tout
particulièrement l'action scientifique. Il soulève toutefois des
problèmes dépassant le seul domaine des applications de la
science. Ainsi, même quelqu'un estimant que la science vise seulement une
description vraie du monde valorisera au plus haut point la justesse des
prédictions. En effet, il y trouvera sans doute une confirmation
indirecte de la justesse de la description conduisant à une telle
prédiction.
Mais quel que soit l'intérêt
que l'on accorde aux prédictions, elles ne seront sans doute prises au
sérieux que s'il s'agit d'extrapolations à partir de faits
établis. Ainsi, on attend d'une loi, ou d'une relation causale, qu'elle
soit vraie dans d'autres situations ou qu'elle s'applique à d'autres
expériences que celles qui ont permis de l'établir. Sous
prétexte que l'on a fait bouillir de l'eau à 100 °C
tous les dimanches de l'an 2000, on ne considère pas comme une loi
l'énoncé suivant : « Tous les dimanches de
l'an 2000, l'eau est entrée en ébullition à
100 °C ». Il serait plus fécond de dire :
« Le dimanche, l'eau bout à 100 °C », ou
encore mieux : « L'eau bout à
100 °C ». Cette dernière formulation est
jugée plus féconde dans la mesure où sa
généralité permet d'anticiper ou de prévoir ce qui
va se passer lorsque la température de l'eau atteindra 100 °C.
En un sens, en étendant le pouvoir de la connaissance le
caractère prédictif l'enrichit et la complète.
La philosophie des sciences ne se limite pas
à des thèmes aussi généraux et abstraits que les
précédents. L'importance des facteurs humains transparaît
surtout dans des philosophies croisant l'histoire ou la sociologie. La
situation en France en donne un bon exemple pour deux raisons : d'une
part, la tradition philosophique française des deux derniers
siècles est fortement encline à l'histoire des idées ou au
commentaire ; d'autre part, l'épistémologie française
a longtemps été peu perméable au positivisme logique que
l'on sait souvent radicalement anhistorique. Quelques noms prestigieux
-- Pierre Duhem, Gaston Bachelard, Georges Canguilhem, Alexandre
Koyré -- peuvent illustrer l'association étroite existant
entre une certaine épistémologie à la française et
l'histoire des sciences. Dans cette tradition, l'histoire est
fréquemment au moins un accessoire méthodologique. Ainsi, la
thèse la plus fameuse de Bachelard consiste à dire que ce qu'il
appelle « l'esprit scientifique » progresse de
manière dialectique, en s'opposant parfois à lui-même et en
opérant des ruptures épistémologiques par rapport à
des connaissances périmées ou mal placées. Par exemple, il
serait urgent de rompre radicalement avec avis et jugements relevant de ce que
Bachelard appelle « opinion » ou « sens
commun ». Or, c'est en puisant largement dans l'histoire scientifique
des derniers siècles qu'il entreprend d'étayer cette
thèse.
Un regain d'intérêt pour la
dimension humaine ou sociale des sciences s'est manifesté
également dans la philosophie anglo-saxonne à partir des
années 1960 avec le véritable best-seller qu'est encore
aujourd'hui la Structure des révolutions scientifiques (1962)
de Thomas Kuhn. Les thèses de Kuhn portent surtout sur la dynamique
interne de la science. En particulier, elles prétendent que les
scientifiques sont engoncés dans de véritables carcans
intellectuels -- les fameux « paradigmes » --,
à tel point qu'en période de crise ou de polémique, leurs
prises de décisions théoriques ne relèvent guère de
choix rationnels mais s'apparentent plutôt à de véritables
conversions. Cet ouvrage iconoclaste a stimulé une profusion de
travaux.
Que ce soit dans le sillage de Kuhn,
dans celui de l'histoire des idées, ou en réponse aux critiques
souvent corrosives d'une sociologie des sciences particulièrement
prolifique dans le dernier quart du XXe siècle, de
nombreux travaux philosophiques contemporains accordent une place de premier
plan à la dimension humaine des sciences, qu'elle soit d'ordre
politique, social ou même cognitif. Et en effet, l'essor des sciences
cognitives et le regain d'intérêt pour la philosophie de l'esprit
ramènent certains courants de la philosophie des sciences vers la
théorie générale de la connaissance.
En somme, la philosophie des sciences
d'aujourd'hui ne se réduit pas à un seul courant dominant mais
présente, au contraire, de multiples facettes témoignant de sa
vitalité.
Cela nous permet de procéder à une critique, si
critique,
du grec êñéíù
(Krinô), dont le spectre sémantique
est distinguer, juger, passer au crible, choisir et trancher, etc. Son
substantif est êñéóéò
(Krisis), d'après lequel toute critique est
comparative et judicative.
Si le terme n'apparaît qu'au
XVIIe siècle, la dialectique platonicienne à
l'oeuvre dans le Sophiste notamment, ainsi que la condamnation pour
parricide de Zoïle sous Ptolémée Philadelphe, premier
critique connu d'Homère, attestent d'emblée que tout discours
-- à plus forte raison en philosophie -- comporte de
facto une dimension critique issue, notamment, de la tradition judiciaire
et rhétorique grecque.
C'est en philologie cependant que la critique
entendue comme telle acquiert ses premières lettres de noblesse.
À la Renaissance notamment, l'édition des auteurs anciens ainsi
que l'établissement du texte biblique selon des critères
historiographiques rigoureux concourent à asseoir sa
spécificité.
Est-il bien prudent de parler de connaissance
à la fois plus vaste et plus assurée sous prétexte que
certaines prédictions sont confirmées ? Disposant d'un
ensemble de données présentant telle ou telle
caractéristique, qu'est-ce qui garantit la justesse de l'extrapolation
que l'on va en faire à des situations jugées comparables ?
Rien. C'est du moins la réponse apportée --notamment par
Hume -- au problème posé par le raisonnement inductif (ou
induction), opérant par extrapolation, que ce soit en étendant un
résultat à un autre cas particulier, en procédant à
une généralisation ou encore à une anticipation sur
l'avenir.
« Qu'est-ce qui me garantit que le Soleil va se
lever demain ? », demande Hume. Rien, si ce n'est -- encore
une fois -- l'habitude. Un raisonnement déductif, par exemple de
type logico-mathématique, est mal placé pour venir compenser
directement les défaillances de l'induction car, à strictement
parler, il opère sur des symboles. L'application du calcul à des
situations expérimentales demande des règles pratiques -- et
non pas logiques ou mathématiques -- dont la détermination
des conditions de validité réintroduit, de façon plus ou
moins visible, des problèmes de type inductif. C'est le pragmatisme
logique.
Le texte de Kelsen illustre bien la situation du pragmatisme
juridique. Il note que « parce qu'elle est le fondement de
validité de toutes les normes qui appartiennent à un seul et
même ordre juridique, la norme fondamentale assure l'unité de ces
normes dans leur pluralité. Cette unité s'exprime aussi dans le
fait qu'un ordre juridique peut être décrit en propositions de
droit qui ne se contredisent pas. Naturellement, on ne peut pas nier qu'il est
possible qu'en fait des organes juridiques posent des normes entre lesquelles
il y ait conflit -- en d'autres termes : qu'il est possible qu'ils
posent divers actes dont le sens subjectif est un Sollen et que, si l'on admet
que ces actes ont la même signification objectivement aussi, si on les
considère également comme des normes, il y ait conflit entre ces
normes. Un tel conflit de normes existe lorsqu'une de ces normes dispose qu'une
certaine conduite doit avoir lieu, alors que l'autre dispose que doit avoir
lieu une conduite inconciliable avec la première. Si, par exemple, la
première de ces normes disposait que l'adultère doit être
puni, et la seconde, que l'adultère ne doit pas être puni ;
ou si la première disposait que le vol doit être puni de mort, la
seconde que le vol doit être puni de prison(597(*)) ».
Comme on l'a précédemment
exposé [...] ce conflit ne consiste pas en une contradiction
logique au sens strict du terme, bien que l'on ait accoutumé de dire que
les deux normes « se contredisent ». Car les principes
logiques, et en particulier le principe de non-contradiction, sont applicables
à des assertions, lesquelles peuvent être ou vraies ou
fausses ; et une contradiction logique entre deux assertions consiste en
ce qu'une seule d'entre elles peut être vraie, ou la première ou
la seconde ; et si l'une d'entre elles est vraie, l'autre doit
nécessairement être fausse. Mais une norme n'est ni vraie ni
fausse, une norme est valable ou non valable.
« Par contre, ce qui peut être vrai ou
faux, ce sont les assertions qui décrivent un ordre normatif et qui
disent qu'une norme déterminée est valable selon cet ordre, et en
particulier les propositions de droit qui décrivent un ordre juridique
et qui énoncent que, selon cet ordre juridique, telles et telles
conditions étant données, un acte de contrainte
déterminé doit être fait ou ne doit pas être fait.
C'est par ce biais que les principes logiques en général, et par
suite le principe de non-contradiction en particulier, peuvent être
appliqués -- directement -- aux propositions de droit qui
décrivent des normes juridiques, et en conséquence
-- indirectement -- aux normes juridiques
elles-mêmes (598(*))».
Par suite, ce n'est pas tellement une déviation que de
déclarer que deux normes juridiques « se
contredisent » l'une l'autre. Et, en conséquence, on ne peut
considérer comme objectivement valable qu'une seule d'entre elles. Il y
a dans l'idée que A doit être et en même temps ne doit pas
être, autant d'absurdité que dans l'idée que A est et en
même temps n'est pas. Tout de même qu'une contradiction logique, un
conflit de normes représente une absurdité.
« Mais la connaissance du droit cherche
-- comme toute connaissance -- à concevoir son objet comme un
tout pleinement intelligible, et à le décrire en propositions non
contradictoires ; par suite, elle part de l'idée que les conflits
de normes peuvent être et doivent nécessairement être
résolus dans le cadre des matériaux normatifs qui lui sont
donnés -- ou plus exactement imposés --, cela par la
voie de l'interprétation »(599(*)).
La différence ici, c'est que le pouvoir mythique du roi
est une oeuvre des hommes, qui ainsi, d'une part, est impuissante à les
sauver entièrement - et, d'autre part, n'est accessible qu'à
quelques hommes. Au contraire - et nous arrivons ici à l'argument
fondamental de Mutuza, l'histoire est animée d'une vertu
salvatrice : « En effet, s'il existe chez tous les peuples
des individus qui peuvent servir de modèle à l'humanité,
il n'y a pas, sur la terre des hommes, un seul peuple, une seule race ou une
seule nation qui puisse servir de modèle irrécusable aux autres.
Mais les mythes ont une vie longue, d'autant plus longue qu'ils
répondent aux intérêts de la domination.
L'histoire de l'évolution de mythe hima-tutsi est
simple et cohérente. Elle obéit à la logique de la
domination. C'est ce que nous apprend Bernard LUGAN pour la région de
Grands Lacs, dans son ouvrage polémique et
fasciste »(600(*)) S'il faut parler clair, le mythe Hima-Tutsi,
très utilitariste, élaboré de la science coloniale et de
ceux qui lui ressemblent a été utile à peu, si même
elle leur a été utile, tandis que la manière de ceux qui,
comme Mutuza, ont écrit de façon à la fois plus simple et
pratique
(ðñáãìáôéêþò)
et capable de persuader la masse, a été utile à bien plus.
La science colonial, on peut le voir, n'est dans les mains que de ceux qui
paraissent philologues.
Nous ne disons pas cela pour condamner la science coloniale,
car elle a apporté beaucoup de belles choses aux hommes, mais pour
montrer le dessein de ceux qui disent que « leur parole n'est
pas dans la persuasion des paroles de mythes, mais dans la manifestation de
l'histoire ». Nous voulons bien accorder que certaines valeurs
sont bien communes à l'humanité, mais on n'y trouve pas la
même explication pour soumettre les faibles.
Nous sommes ici au fond de la question. L'histoire pour Mutuza
est moins une doctrine qu'une force des doctrines qui change le cours des
événements des hommes. Il est remarquable qu'en cette recherche
qui oppose Mutuza à Musey, les vrais arguments de part et d'autre, ne
soient pas philosophiques. Ou plutôt, cela n'est pas étonnant,
car, en tant que philosophes, ils sont près d'être d'accord, mais
le débat porte sur les faits. Il s'agit de savoir où l'on
reconnaitra la vraie réalisation des principes sur lesquels ils sont
d'accord. Musey pense que c'est dans l'archéologie, c'est-à-dire
dans l'écriture que la prédiction des faits est cohérente
et conteste l'historicisme qui est un mode fondamentaliste de la science. Il
est donc permis à l'archéologie de faire surgir, d'après
tout son mécanisme connu ou supposé, cette grande famille de
faits (car c'est ainsi qu'on devrait se la représenter si cette
parenté dite universelle doit avoir un fondement- au sens kantien) des
traces, qui subsistent des plus anciennes révolutions des faits.
Au contraire, l'argument essentiel de Mutuza, c'est
l'efficacité de l'histoire pour la prise de conscience de l'homme.
« L'argent de corruption perd, chez les Bantu, sa puissance
magique là où le sang a été abondamment
versé. Notre responsabilité est grave et nous sommes
irrévocablement compromis devant la génération de demain
si nous ne parvenons pas à régler aujourd'hui la guerre qui
continue à sévir à l'Est de notre
pays »(601(*)).
Le Mythe Hima-Tutsi nous pousse encore loin dans l'analyse. A
l'intérieur d'une même problématique qui est la vision du
monde comme vie de l'homme, la réponse de Mutuza est différente
de celle de Musey. Musey dit, avec Platon : la prédiction est
possible, mais la croyance en une technologie sociale est incontestablement une
croyance en une forme d'historicisme. Cependant, comme les termes que Mutuza
utilise pour caractériser l'historicisme d'une part, la technologie
sociale de l'autre sont quelque peu réversibles (pile la
prophétie déterministe, face à un ensemble
d'hypothèses prédictives accessibles au test), on peut avoir
l'impression qu'ils sont à des années-lumières l'un de
l'autre. Mais ce n'est le cas que parce que la même opération
linguistique est décrite par Mutuza comme de la métaphysique ou
comme une méthode subjective, suivant ce qu'elle prédit, ou
pourquoi, ou dans combien de temps.
A l'évidence, il y a des types de prophétie qui
sont essentiellement impossibles à tester. « Le Royaume de
Dieu viendra » ou « l'exploitation de l'homme par l'homme
prendra fin » n'ont aucun contenu d'information observable. Je peux
toujours prétendre que ce type de prophétie a en fait
été réalisée, et personne ne peut me traiter de
menteur. Citoyen Mutuza ravale ce genre de prétention au domaine de la
fantaisie apocalyptique. De même, l'affirmation « la
mondialisation sera finalement réalisée » ne risque
jamais d'être réfutée, à la fois parce que nous ne
nous sentirons peut-être jamais forcés de nous mettre d'accord sur
ce qu'est la mondialisation, et ce que signifierait sa réalisation, et
parce que même si nous étions d'accord, « confiture
demain » demeurerait à jamais compatible avec
« jamais avoir confiture aujourd'hui ». Ce truc est vieux
comme Hérode, et si l'historicisme n'était jamais rien d'autre
que de la prophétie irréfutable, nous pourrions aller vaquer.
Mais lorsqu'une prédiction n'est plus métaphysique mais
« observationnelle », s'agit-il de l'abracadabra de la
prophétie historiciste ou de la prédiction scientifique de la
technologie sociale ?
Mutuza implique que c'est le tour de passe-passe lorsqu'elle
est à grande échelle, et la science politique, lorsqu'elle porte
le détail. Mais le mot-clé du
« détail », dans ce contexte, n'est rien d'autre
qu'un procédé-clé pour se dispenser de répondre
à la question. C'est dans le même cas que nous trouvons les mots
diaspora, citoyenneté transfrontalière, minorité, etc.
Autant que nous ayons pu nous en assurer, Citoyen Mutuza ne
définit nulle part ce que c'est qu'un
« détail » ou une minorité; nous avions dit
que lire le mot comme s'il se rapportait à la taille ou à
l'ampleur des chantiers de réforme serait évidemment
erroné ; pas à pas ou petit à petit, tout cela est
bien trop subjectif et réversible pour nous laisser dire d'une mesure
sociale si c'est ou non une mesure de détail.
C'est donc avec les premiers Blancs qui furent venus chez nous
que l'on rencontre la nuance de minorité. Mutuza et Musey le disent
õðñ ôïà öÌ
Þóõ÷ßáò ìÞ
ðåñéóðþìåíïí
(avec plus de tranquillité et moins de distraction), car, ayant
vécu ce qu'il racontent, une
ðß÷áñé (grâce
particulière) juche sur la vie de peuple bantu avec une
äõíÜìéò (vertu)
de la culture de « cette région...érigée en
royaumes et que ces royaumes étaient dominés par la
minorité hema-tutsi. Hantés par les préjugés de
l'homme blanc, créateur des civilisations et, retrouvant chez les Tutsi
les « faciès » ressemblant aux leurs, ils en
conclurent que cette minorité, comme eux, était faite pour
dominer la majorité bantou »(602(*)).
En fait, Mutuza emploie le mot minorité comme un
synonyme pour négligeable. Un acte minoritaire d'ingénierie est
un acte dont nous pouvons discerner et juger les effets dans un avenir fini, de
préférence avant que nous ne soyons tous morts. On peut aussi le
supposer qu'il est économique : « Ceci dit, nous
croyons plus que quiconque à la méritocratie, mais à une
méritocratie sans qualification prédéterminée,
comme l'idéologie la plus appropriée pour l'établissement
de la démocratie au Congo et dans les pays des Grands
Lacs »(603(*))
Toutefois, Mutuza apporte ici, comme partout, sa marque
personnelle. Tout le travail que nous essaierons d'accomplir sera
précisément de nous efforcer de discerner dans sa croyance en
l'ingénierie sociale ce qui est l'écho de la tradition politique
des Tutsi et ce qui est l'influence du dehors. Nous aurons ainsi à le
situer dans le courant de la vie de la communauté universitaire et dans
la culture de son temps. C'est seulement ainsi que nous pourrons avoir de lui
une vue exacte. Or trop souvent on a confondu les deux choses et
identifié chez les Bantu discrétion et lâcheté. Nous
voudrions ici, comme pour les autres questions, montrer chez Mutuza ce double
aspect.
C'est d'ailleurs ce que nous avons dit de Mutuza : sa
croyance en l'ingénierie sociale se trouve exposée dans tous ses
ouvrages sans aucune exception, puisqu'ils sont tous fondés sur l'emploi
de la méthode subjective, y compris l'Apport de la Psychologie dans
la formation du juriste. Toutefois, nous avons la chance de
posséder un exposé systématique de la méthode
subjective par Mutuza lui-même : le quatrième chapitre de
La Problématique du Mythe Hima-Tutsi est, en effet,
consacré à la nationalité anthropologique et à son
interprétation. Il y a là dedans le panafricanisme, la
citoyenneté transfrontalière, la diaspora, la méritocratie
des minorités, la xénophobie des Congolais, la politique de ses
moyens et beaucoup d'autres thèmes dignes de prédiction
sociale : la fin de l'existence des Bantu dans les pays des Grand Lacs.
Il est désormais question de comprendre que les
poèmes dynastiques, pour nous en tenir à l'acte
héroïque fondé sur la force physique, nous permet vite de
constater une similitude frappante avec les thèmes des
spécialistes en Sciences Sociales entre les deux conceptions et
traitements poétiques. Nous nous contenterons de citer deux extraits
décrivant le même exploit, la lutte du corps à corps avec
le lion :
« Pareil à l'Archer qui brandit un
bâton de pasteur
Dont d'un coup il asséna un Lion,
Qui, pour enlever les génisses, était aux
aguets.
Il le frappa, telle la foudre des airs,
Il le fendit, une bonne fois, comme d'une hache le
bois
Et répandit à terre les perles de son
collier.
Il était bien trempé le bâton de cet
Archer !
Il l'en broya comme le marteau fait le minerai,
Et le Porte-crinière fut chassé par le
Victorieux ! »
(P. 170, p. 92)
On voit bien là une hypothèse faite sur les
conséquences probables d'une mesure politique publique appartenant
à la technologie sociale lorsqu'elle est exposée au test du
succès ou de l'échec, au tour de passe-passe lorsqu'elle ne l'est
pas. Mais les deux sont historicistes en ce qu'elles présupposent une
science de la société, la possibilité de savoir ce qui lui
fait faire tic-tac comme ceci, aussi bien comme cela. C'est un
néo-darwinisme qui se dessine.
Dans ce contexte la position de Mutuza est très forte,
car, comme il le remarque, c'est aux occidentaux, alliés de l'AFDL que
les Bantu s'attaquent en même temps qu'aux Tutsi qui sont leurs
chiens de chasse: « Considérées en
elles-mêmes, les dix leçons du Programme de l'idéologie
politique de l'AFDL, nous l'avons dit, est un amalgame des concepts, des
propositions et des jugements juxtaposés les uns à
côté des autres sans aucun raisonnement renforcé par une
argumentation solide ne vienne les coordonner logiquement et
systématiquement, de manière à leur faire dégager
un corps d'idées clairement structurées et définies,
susceptibles d'influencer la pensée et le comportement des membres de la
communauté nationale c'est-à-dire, une théorie
inspiratrice et justificatrice de l'agir social
nouveau »(604(*)).
C'est dans le cadre du consensus que Mutuza donne un tableau
des moyens culturels, qu'il tire de Papadopoulos, prouvant la dépendance
des Hutu et la domination (apparente) des Tutsi sur l'organisation politique,
tout en donnant une valeur numérique absolument conventionnelle et
illustrative. Là Mutuza montre sa position personnelle vis-à-vis
de la communauté du discours.
Tout conspire à faire de Mutuza un ingénieur
social incontesté. Sa croyance en l'historicisme ouvre la voie à
une critique du néo-darwinisme qui s'attaque au mythisme.
§2. Michel de Foucault et
l'archéologie structuraliste d'appartenance
Philosophe, et aussi historien de fait et de goût,
Michel Foucault fut, à partir des années soixante, l'une des
figures les plus influentes du paysage culturel français. Après
avoir enseigné aux universités de Clermont-Ferrand, puis de
Tunis, et enfin de Paris-VIII (Vincennes), il a été élu en
1970 au Collège de France, où il occupait la chaire d'histoire
des systèmes de pensée.
Ce qui nous intéresse chez Foucault c'est sa
manière de replacer événements et savoirs dans des
perspectives inédites, et dans lesquels la documentation érudite,
l'interprétation originale et la description talentueuse sont
subtilement indissociables, lui ont gagné la faveur d'un large public
volontiers séduit et fasciné. Aussi les controverses de ses
thèses philosophiques nous paraissent les jalons d'une pensée
continuatrice du structuralisme. La discontinuité anonyme du savoir est
un des thèmes qui donne place à cet auteur dans la recherche de
l'identité et d'appartenance. Comme il ne veut pas être philosophe
dans son acception habituelle : la recherche des « conditions de
possibilité » du savoir qui n'a, chez lui, qu'un rapport
d'homonymie avec l'entreprise kantienne.
« Le savoir, écrit-il, comme champ
d'historicité où apparaissent les sciences, est libre de toute
activité constituante, affranchi de toute référence
à une origine ou à une téléologie
historico-transcendantale, détaché de tout appui sur une
subjectivité fondatrice »(605(*)).
Sa parenté avec Mutuza est Marx. Et d'ailleurs les
seuls maîtres dont Foucault se réclame sont Marx et Nietzsche, et
G. Bachelard (les seuils épistémologiques), G. Canguilhem (les
« déplacements et transformations des concepts), on rencontre
encore Mutuza et Musey en cette matière de réévaluation
des concepts ; il y a aussi M. Gueroult (« l'unité
architectonique des systèmes philosophiques »), pour les
contemporains. La dénomination qu'il accepte est celle que nous
rencontrons chez Musey : un archéologue, d'un archéologue
voué à la reconstitution de ce qui en profondeur rend compte
d'une culture : archéologie du « silence imposé au
fou », archéologie du regard médical, des sciences
humaines, du savoir en général, de la société
disciplinaire.
L'attitude de domination dans laquelle se placent les Tutsi
dans leur triode mythique de kinyarwanda nous permet de comprendre que,
à la lumière de Foucault, « la grande confrontation
de la raison et de la déraison a cessé de se faire dans la
dimension de la liberté, et où la raison a cessé
d'être pour l'homme une éthique pour devenir une
nature ». C'est d'une dimension de liberté que
témoignent encore ces penseurs dont le génie voisine avec la
folie : Nerval, Nietzsche, Artaud.
Son étude sur le langage serait, pour nous, le premier
inventaire, en forme de littérature, des pouvoirs dédoublants du
langage, et dont la déraison communique sans doute avec la raison de
notre monde.
Quand Mutuza laisse le vide entre le visible et l'invisible,
notre kénôme se trouve remplit par la présence dont il est
arrivé alors, en effet, à tenir sur l'individu un discours
à structure scientifique, une fois que se sont modifiés le
partage de ce qui s'énonce et de ce qui est tu, comme le kihutu,
glossonyme des Bahutu. La figure de l'homme est l'un de thème qui fait
la nouveauté de Foucault, c'est-à-dire, en rigueur de terme,
« la finitude sans infini »(606(*)). C'est la
métaphysique de l'infini qui ouvre la voie radicale du structuralisme
comme base d'analyse prédictive de l'identité.
§3. Musey face au
Structuralisme comme base d'analyse prédictive de l'identité
Dans son livre intitulé Claude
Lévi-Strauss : Anthropologie et Communication, Musey pense
que si « l'homme » est réellement ce produit, en
somme monstrueux, obtenu par la mutilation de l'infini en lui, il faut
plutôt se réjouir de sa disparition, comme on peut s'affliger de
son surgissement(607(*)). Claude Lévi-Strauss, nous le voyons, ne s'y
est pas trompé. Michel Foucault, pas davantage. Puisque c'est dans
l'événement que l'homme invente et la structure lui sert de base
conceptuelle. Ainsi seule la structure existe, l'événement est
construction humaine.
Le structuralisme, issu des travaux de Ferdinand de
Saussure (Cours de linguistique générale, 1922), domine
les sciences humaines pendant les années 1960 grâce aux
travaux de Claude Lévi-Strauss (la Pensée sauvage, 1962)
et de Michel Foucault (Les Mots et les Choses, 1966). En outre, la
pensée de Heidegger laisse de profondes traces en France, comme en
témoignent les ouvrages de Jacques Derrida (la Voix et le
Phénomène, 1967), qui entreprend une
« déconstruction » de la métaphysique
occidentale.
Les deux philosophes qui influencent le plus la
pensée de Foucault sont Friedrich Nietzsche et Martin Heidegger. Le
premier soutient que la conduite humaine est motivée par une
volonté de puissance et que les valeurs traditionnelles ont perdu leur
emprise sur la société. Martin Heidegger critique pour sa part ce
qu'il appelle « notre compréhension technologique commune de
l'être ».
La réflexion sur l'apport de Nietzsche
et de Freud, et sur le symbolisme renouvelé par Ernst Cassirer
(Philosophie des formes symboliques, 1923-1929), donne l'occasion
à Paul Ricoeur de traiter des grands thèmes de la philosophie
morale et de la métaphysique (Finitude et culpabilité,
1960).
Michel Foucault explore à son tour la
mutation des structures du pouvoir au sein de la société et les
multiples mécanismes par lesquels le pouvoir se rattache au moi. Il
étudie les règles fluctuantes qui sont susceptibles d'entrer en
jeu dans les discours politiques des différentes périodes de
l'histoire. Il analyse également la façon dont les pratiques
quotidiennes permettent aux individus de définir leur identité et
de systématiser leur connaissance. Il se présente lui-même
comme un archéologue dont l'objet de recherche réside dans la
constitution des clivages qui marquent la culture occidentale.
Musey, à sa suite, vient d'affirmer le courant
structuraliste, courant de pensée issu de la
linguistique, qui marqua la psychanalyse, la philosophie et l'anthropologie
françaises des années 1960-1970, et se caractérisait par
l'affirmation du primat de la structure sur l'événement ou le
phénomène.
Le mouvement apparut dans les années
1950 à la suite de la thèse fondatrice de Lévi-Strauss,
les Structures élémentaires de la parenté, et
connut son apogée dans les années 1960, pour décliner
à la fin des années 1970. Ce courant, dont l'unité est
toujours restée problématique, est principalement marqué
par les noms de Lévi-Strauss, d'Althusser, de Lacan, de Foucault et de
Derrida.
Malgré l'extrême diversité des
pensées auxquelles renvoient ces noms, on peut tenter de définir
ce qui fait leur commune appartenance au structuralisme : l'affirmation du
primat de la structure sur l'événement ou le
phénomène. Les processus sociaux se déploient dans le
cadre de structures fondamentales qui restent le plus souvent inconscientes. Il
existe un décalage entre ce que les hommes vivent et ce qu'ils ont
conscience de vivre, et c'est ce décalage, qui rend les discours, que
les hommes tiennent sur leur conduite, impropres à rendre compte de
façon adéquate des processus sociaux effectifs. De même que
c'est la langue qui produit du sens par son jeu de différences, de
même c'est l'organisation sociale qui génère certaines
pratiques et certaines croyances propres aux individus qui en
dépendent.
Orientation récente de la critique
littéraire, le structuralisme met l'accent sur une approche du texte
dans sa forme finale achevée et se détourne donc de son histoire.
Il explore également les correspondances avec la littérature des
autres cultures qui transparaît dans les structures communes que
révèlent des histoires semblables racontées de
manière similaire. Son intérêt pour l'interprétation
est important. Il tente de parvenir à une psychologie humaine
universelle et suggère donc qu'un texte peut avoir une signification qui
dépasse la compréhension de son auteur.
Section 4. Ingénierie sociale chez Mutuza :
théorie de la communication et de la compréhension du mythe
Hima-Tutsi
§ 1. Relativité du
sentiment de minoritaire dans la communication
Le sentiment d'appartenir à une puissance majoritaire
peut être transféré à l'importance de la superficie
d'un territoire national. Ainsi les nomades Tutsi qui ne sont que quelques
centaines de sujets plus au moins dispersés dans le Ruanda, Burundi et
qui se forcent à nous persuader de leur nationalité congolaise
sous la robe de kinyarwanda, sachant que les Hutu de la RD. Congo parlent avec
eux la même langue, sont aussi persuadés qu'ils sont
incontestablement supérieurs aux Hutu, gens compressés dans des
villages parce qu'ils se sentent maîtres de pays immenses, capables
éventuellement d'imposer leurs lois aux sédentaires.
Inversement, des masses d'indigènes, plus au moins
intégrées dans des cités se comportent exactement selon
les règles psychologiques que l'on serait tenté d'attribuer
volontiers à des véritables minorités ethniques.
Il existe donc un mécanisme de prise de conscience
d'appartenance à un groupe
« infériorisé » plus
qu'à une minorité; mais les réactions collectives ou
individuelles auront des conséquences diverses (même si ces
réactions sont identiques), si cet état
d'infériorité intéresse une classe sociale
réellement minoritaire, ou cette même classe si elle est
franchement majoritaire, auquel cas vient s'ajouter une nouvelle dimension de
la psychologie dynamique qui est celle des foules en créant directement
des conflits.
Les conflits de valeurs apparaissent fort
divers : valeurs personnelles contre celles d'une autre personne, valeurs
personnelles contre valeurs communautaires, valeurs communautaires contre
valeurs d'autres communautés, valeurs d'une minorité contre
celles d'une majorité, sans oublier les valeurs internes de la personne
en conflit avec elle-même, souvent à l'origine des autres conflits
(Bernard Williams).
Les valeurs varient selon les personnes et les
communautés humaines, et sont évolutives dans le temps : la
notion de valeur est relative. Pour une personne ou pour une communauté,
l'échelle des valeurs peut être rapportée à une
échelle des « biens » : il y a pluralité
des valeurs comme des Biens.
Il est très passionné de voir Mutuza
élaborer la déontologie de l'Etat. Il tire des principes premiers
ce qu'il doit, ce qu'il peut et ce qu'il ne doit pas faire, au lieu
d'énumérer les nombreux effets désirables que nous en
attendons. Quand est-il juste -si ça l'est jamais- que certaines
personnes, qu'ils soient dictateurs ou majorités démocratiques,
emploient la force pour obliger les autres à se soumettre à leurs
choix ? Qu'est-ce qui rend la violence légitime ? Quand est-ce
notre devoir que d'obéir à l'autorité politique, et quand
est-il fondé à s'en servir pour distribuer des avantages aux
dépens de nos concitoyens ?
Voilà, nous semble-t-il, les questions de la
philosophie politique. Même le conséquencialiste, s'il veut de la
cohérence dans ses objectifs, doit y répondre, au moins
implicitement. Les réponses explicites valent encore mieux, car elles
sont ouvertes à l'examen et à la critique. Mutuza n'est pas
libéral, au sens européen du terme.
C'est un démocrate-social, même si on n'est pas
tout à fait sûr de savoir pourquoi. Il n'a aucune obligation
intellectuelle de fournir une déontologie de l'action politique, et s'il
en produisait une, nous serions le dernier à tenter de prédire
à quoi elle ressemblerait. Mais comme nous souhaiterions que,
libéral ou pas, il trouve le loisir et l'intérêt de nous
laisser quelques pistes pour le deviner. Ainsi, nous avons choisi la voie de
l'arithmétique pour entrer en contact avec ce que la statistique, telle
que prédite par les Viennois, secourt la science philosophique. Mutuza
s'y prend facilement. C'est un esprit métaphysique et un pythagoricien
sans Pythagore.
Nous avons dit pourquoi la théorie pythagoricienne des
nombres nous intéresse. Avec les mathématisables, les
quantifiables, ces éléments constituant une forme de connaissance
et de savoir, l'esprit s'épanouit en toute béatitude par la
purification
(êáôáñóçò).
Cette purification implique la purification de chaînes de la dictature
qui s'était presque assis sur la même chaise de la
démocratie : la chaise conséquencialiste.
La chaise conséquencialiste implique le dialogue et le
débat comme l'emplacement de la commutativité et de
l'associativité de l'addition et de la multiplication en
mathématique. La communication doit donc s'enraciner dans cette
perspective pour nous donner la valeur réelle du dialogue qui ne peut
avoir lieu que dans une fonction ayant un domaine de définition bien
déterminé. C'est là la seule condition de
possibilité de l'existence d'une fonction.
On prend alors l'addition qui
est une opération commutative et associative, et l'on aura
dès lors pour tous nombres x (une femme tutsie), y (un
homme tutsi) et z (les enfants tutsis), il existe les
égalités suivantes :
x + y = y + x,
relation qui traduit la commutativité de l'addition. Et
(x + y) + z = x + (y + z),
relation qui traduit l'associativité de l'addition.
L'addition possède ainsi un élément neutre, le
zéro. En effet, pour tout nombre x, on a
x + 0 = x. ce qui a permis à
certains de croire que le croisement entre Hutu et Tutsi ne produisait pas de
progénitures hybrides car, tout compte fait, la femme tutsie cherchera
à s'accoupler à un tutsi pour donner le génome tutsi.
C'est vraiment l'aspect le plus animal de l'union de semblable avec le
semblable. Mais une fois éloignée, elle s'accouplera à un
Hutu et donnera des hybrides qu'elle n'aimera jamais.
Si l'on ajoute quatre Tutsi en RD Congo qui en
contient déjà cinq, on peut calculer le nombre total de Tutsi en
RD Congo en les comptant un par un : on obtient alors neuf Tutsi; neuf est
la somme de quatre et de cinq. Cependant, il est bien plus simple d'utiliser
l'addition, qui permet de calculer la somme beaucoup plus facilement :
4 + 5 = 9. Dans ce but, il convient de mémoriser les
opérations de base résultant des combinaisons les plus simples,
celles des chiffres. La table suivante indique les sommes de deux chiffres
quelconques de 0 à 9 :
Avec les naissances, nous allons plus loin. C'est
déjà la multiplication qui est aussi une
opération commutative et associative. Pour tous nombres x,
y et z, on a, en effet, les égalités
suivantes :
x × y = y × x,
relation qui traduit la commutativité de la multiplication ;
(x × y) × z = x × (y × z),
relation qui traduit l'associativité de la multiplication.
Par ailleurs, la multiplication est distributive par rapport
à l'addition. En effet, pour tous nombres x, y et z,
on a :
x × (y + z) =(x × y) + (x × z)
1 est appelé élément neutre de la multiplication, puisque,
pour tout
nombre y,y × 1 = y ; 0
est appelé élément absorbant de la multiplication,
puisque, pour tout nombre y, y × 0 = 0.
On peut assimiler la multiplication
d'entiers naturels, appelés aussi nombres entiers, à une addition
répétée. Par exemple, l'expression 3 × 4
correspond à l'addition de 3 termes égaux à 4
(4 + 4 + 4), ce qui, puisque la multiplication est
commutative, est équivalent à l'addition de 4 termes
égaux à 3 (3 + 3 + 3 + 3).
Cependant, pour de grands nombres, Comme il est le cas avec
les Banyamulenge, une telle démarche s'avérant fastidieuse, on
applique les règles de la multiplication qui supposent d'avoir
mémoriser les résultats des combinaisons les plus simples,
c'est-à-dire les multiples de base des entiers compris entre 0 et 9,
illustrés par la table de multiplication suivante :
Nous constatons que la multiplication est une opération
dont les Tutsi se sont servie pour s'installer dans des villages des Hutu.
Nous avions signalé que la razzia était une
institution, la soustraction est - pas des semblables - à cet effet -
mais des simulables -, une opération capable d'infliger les deuils.
L'assimilation semble une bonne méthode dans cette communication. Nous
en arrivons aux intimidations des pouvoirs politiques.
L'AFDL ne s'y était pas retrancher, elle avait
apporté l'idée d'une démocratie sociale. Idée qui
était difficile à identifier à cause de la présence
des étrangers en son sein. Nous avions dit que Mutuza ne définit
pas la démocratie. Mais on se demande quand est-ce que les institutions
démocrates-sociales ne sont-elles ni « trop à
gauche » ni « trop à droite » mais pile
dans le centre ? La réponse de Mutuza est qu'il est
« nécessaire de les structurer conformément
à l'exigence de la cohérence logique, au souci pédagogique
de la communication et de la compréhension, et à la valeur de
leur contenu, en les situant dans le contexte socio-culturel, pour
dégager la doctrine qui inspire, en réalité, le
Gouvernement AFDL »(608(*)).
La démocratie de l'AFDL est démythifiée.
Celle que prône Mutuza, demande aux institutions d'avoir un sens
précis de réponse à la demande d'équité et
de protection pour les faibles. A un endroit, avons-nous dit au premier
chapitre, Mutuza demande une assurance obligatoire pour l'invalidité, le
chômage et la vieillesse, et pour des moyens d'existence statutairement
garantis pour quiconque est disposé à travailler. Une
« réversibilité » évidente
caractérise même des détails terre-à-terre de ce
genre : quel est le niveau de prestations qui constitue une assurance
« suffisante » contre les risques en question ? -et
que signifie Diaspora disposé à travailler ? Pour quel
travail ? - et qu'est-ce qui passe pour des moyens d'existence ?
Certes, toutes les normes de ce qu'un Etat devrait faire ne sont pas facilement
quantifiables.
Tous ne peuvent pas être traduits en engagements
précis. Il n'y a que les engagements précis dont on puisse dire
que les hommes de l'Etat les ont respectés, ou ne l'ont pas fait, ou
qu'ils ont outrepassé leurs pouvoirs, car sinon, ces affirmations ne
seraient que vague rhétorique de simples assertions
« irréfutables ». Par conséquent, même
en condescendant
(êáôÜâáóáíôé)
à sortir des nobles généralités, à passer de
planifier, étape par étape, des institutions qui
préserveront la liberté, particulièrement la protection
contre l'exploitation... au niveau plutôt ennuyeux des institutions
concrètes que nous devons construire pour y parvenir, on ne
préserve pas le discours mutuziste du danger de se faire retourner pour
justifier quasiment n'importe quelle position, et s'y faire mettre n'importe
quel contenu empirique, même si l'intention de départ était
manifestement d'y fourrer de la démocratie sociale
modérée.
Il reste à noter que dans le monde entier tout esprit
penseur se rend compte qu'il est de plus en plus difficile de comprendre la
situation actuelle des Tutsi. Si nous voulons saisir les rapports des choses et
la dépendance mutuelle des Hutu et des Tutsi, il faut que nous
révisions notre façon de penser. Car se qui se passe actuellement
concerne chacun d'entre nous. Ce n'est qu'ensemble que nous pourrons accomplir
les tâches et explorer les possibilités qui s'offrent à
nous. Au colonialisme et à l'injustice postcoloniale a
succédé une époque de trêve sans paix
véritable. Et il n'est pas sans peine d'observer la
phénoménologie biologique avec laquelle les Européens
traitent la question Hima-Tutsi.
« Quand les premiers Européens
pénétrèrent au Ruanda, à partir de 1896, ils
observèrent la coexistence de plusieurs races dans ce royaume
dominé par celle qui avait la stature la plus élevée et
les appartements somaliens ou gala les plus visibles. Une taille
élevée, un port altier et même arrogant, tels apparurent
les Tutsi aux premiers voyageurs européens »(609(*)).
Dans cette perspective, les forces de dissuasion mutuelle, un
potentiel d'armement qui permettrait de détruire plusieurs fois l'Est
de la RD Congo, le déséquilibre croissant de l'économie
mondiale, la menace pesant sur le système monétaire et la
confrontation d'idéologie hostiles, tout cela fait que réviser
notre manière de penser est devenu une question importante.
Avec cette découverte, nous avons certainement atteint
le noeud de l'affaire. Mutuza, comme nous l'avons vu, a pris coutume
d'énoncer des jugements normatifs en termes des conséquences
qu'il désire obtenir. La démocratie doit permettre aux
gouvernés de remplacer les dirigeants et de brider le pouvoir
économique. Nos institutions doivent empêcher l'exploitation des
moins doués, des moins impitoyables, ou des moins chanceux, doivent
empêcher même de mauvais dirigeants de faire trop de
dégâts. La vie politique doit être expurgée du
« crime de l'anti-égalitarisme » qui donnerait
à certains hommes le « droit de se servir des autres comme
d'un instrument ».
§ 2. Ingénierie
sociale et sentiment de minorité et de majorité
Si le sentiment national, suscité par
les rois de France, fait son apparition lors de la guerre de Cent Ans, la
définition actuelle du mot « nation » est le fruit
d'une longue évolution qui n'aboutit qu'au
XIXe siècle, bien que le terme ait existé
antérieurement : ainsi, au XVIIe siècle, le
dictionnaire de Furetière en donne la définition suivante :
« Un grand peuple habitant une même étendue de terre
renfermée en certaines limites ou même sous une certaine
domination », mais le terme n'a pas encore sa connotation
idéologique d'attachement à un ensemble géographique,
d'enracinement dans un terroir. L'Encyclopédie (1765) n'est pas plus
précise et s'attache au constat : « Une quantité
considérable de peuples qui habite une certaine étendue de pays,
renfermée dans de certaines limites, qui obéit au même
gouvernement. »
De ces définitions, seule l'ingénierie sociale a
le pouvoir d'améliorer notre vie et rendre nos institutions
économiques et sociales plus efficaces. Certes, « les
bruits courent, la rumeur, les on dits rapportent que deux grands dignitaires
du groupe « zaïrois d'expression rwandaise »
viennent d'accéder à la haute direction de deux
sociétés d'une importance capitale et vitale dans leur lutte pour
la conquête de nationalité, qui passe par l'acquisition du pouvoir
politique. Il s'agit de Ngirabatware CI. et de Ngezao K. Le premier serait
devenu Président du Conseil d'Administration de l'Hôtel
intercontinental et le second, Président du Conseil SOMINKI-Maniema.
Deux postes hautement stratégiques. Le premier place son chef à
la source des informations et de communications avec l'étranger et
exclut les ressortissants du Kivu de cet Hôtel pour des raisons que tout
le monde peut deviner. Le deuxième assure l'implantation du groupe
« zaïrois d'expression rwandaise » au Maniema
introduit ainsi un nouveau foyer de conflit ethnique à Kalima, Kamituga
et Lulingu »(610(*)).
Les peuples du Kivu-Maniema ne pouvant supporter des tels
injustices, font comprendre que nous vivons, avec les Tutsi, dans
différentes sociétés, dans des systèmes juridiques
différents et sous différentes formes de gouvernement, et nos
propres traditions ont une influence déterminante sur l'habitat, les
arts, la division du travail et l'attitude face à la prière et
à la méditation. Ces formes d'existence étrangères
les unes aux autres, avec tout ce qui fait la culture -l'éducation,
l'assistance aux malades, l'architecture et la planification urbaine, les
ordres sociaux et politiques - se heurtent entre elles dans la civilisation
technique qui embrasse le monde entier, sans que nous puissions nous
comprendre. Jusqu'à présent nos regards ne se sont pas encore
croisés, nous avons à peine pris conscience les uns des
autres.
Au regard de l'appartenance, Mutuza, en face des
prétendus Zaïrois d'expression ruandaise souligne que :
« A quelque chose malheur est bon. La guerre zaïro-rwandaise
aura au moins eu le mérite de nous révéler une
vérité. A savoir que les Rwandais immigrés ou
réfugiés n'ont jamais renoncé à leur
nationalité. Ils sont bel et bien Tutsi-Rwandais du Congo-Zaïre et
non « Zaïrois d'expression rwandaise », expression qui
prête à confusion. Ils sont peut-être au Congo depuis des
années ! Ce qui reste à montrer. Mais ce n'est pas parce
qu'un tronc d'arbre est resté longtemps dans le fleuve, dit la sagesse
populaire, qu'il devient crocodile. Les Portugais dont l'arrivée au
Congo, en 1489, est attestée historiquement, sont-ils devenus pour
autant Congolais ? Et tous ces centaines des milliers d'Angolais habitant
au Congo depuis les temps immémoriaux, pourquoi ne prétendent-ils
pas à devenir Congolais ? »(611(*)).
Ce faisant, ils n'abdiquent pas leurs traditions mais, au
contraire, ils en prennent plus pleinement conscience et les rendent ainsi
vivantes et les préservent. Les rencontres, les discussions et la
coopération à des tâches concrètes n'ont pas permis
au Tutsi à mieux comprendre les autres et à mieux se comprendre.
C'est pourquoi Mutuza ouvre la fenêtre du côté fermé
de la porte en se référant aux travaux des séminaires et
colloques internationaux sur les problèmes relatifs aux Pays des
Grands-Lacs.
« Les chercheurs ont tenté, dit Mutuza,
d'apporter une réponse à la question de savoir quel est le
diagnostic du mal qui ronge la société africaine des Grands Lacs
et quels sont les spécificités régionales propres à
tous ces conflits, les auteur ont souligné plusieurs
éléments communs : le racismes ethnique, le problème
de nationalité des ethnies à cheval sur deux ou plusieurs pays,
la gestion entre majorités et minorités ethniques, etc. Ils ont
estimé que le principe de base de remèdes à apporter
à ces problèmes est l'intégration régionale et la
citoyenneté transfrontalière, qui consistent à construire
une union économique de l'Afrique orientale et australe au sein de
laquelle la citoyenneté transfrontalière se substituerait
à l'ethnicité »(612(*)).
Restons silencieux sur la manière dont Mutuza
conçoit les institutions qui combleront nos voeux les plus chers. Nous
trouvons là une autre conjecture : qu'en fait, il n'y a pas
grand-chose à dire, qu'obtenir ce que nous souhaitons n'est
principalement affaire de conception des institutions et que, si cela
l'était, nous ne saurions comment le faire.
C'est un doute tout à fait essentiel qui inspire cette
interprétation. S'il s'avérait qu'il n'existe pas de fondement
épistémologiques sur quoi bâtir une technologie sociale,
qu'en réalité « y `en a pas » il n'y
aurait rien non plus de raisonnable à dire sur la manière
à suivre pour produire les résultats sociaux auxquels Mutuza nous
recommande d'aspirer. Tout ce que nous pourrions dire à
l'ingénieur social est que nous souhaitons que le moteur tourne sans un
pet, comme une horloge, mais nous ne pourrions lui proposer aucune solution
pour trouver comment y parvenir. Il se pourrait bien qu'un bidouillage au
hasard, dont les effets supposés (« L'illusion de la
fraternité noire ou africaine a aveuglé les Zaïrois trop
hospitaliers au point qu'ils ont oublié que les Tutsi se
considèrent avant tout non pas comme une ethnie à part, mais
comme une race à part. Cette idée qu'ils ont d'eux-mêmes
constitue une menace et un danger pour le voisins(613(*)) ») ne
pourraient pas être reconnus par les gens différents, ou que pour
qu'autres raisons on ne pourrait pas tester, ne donne jamais naissance à
une technologie ; il a toutes les chances de casser le moteur
avant(614(*)).
C'est pourquoi les Tutsi doivent se présenter tels
qu'ils sont et tels qu'ils se comprennent eux-mêmes, autrement aucune
coopération n'est pensable. De façon effective ceci est possible
si une rencontre a lieu entre des Hutu et des Tutsi qui sont versés dans
leur propre culture, et qui peuvent donc être considérés
comme « représentatifs ». De l'extérieur, vu
avec les yeux d'experts étrangers, il n'est pratiquement pas possible
de reconnaître ces hommes - ni dans la religion, ni dans les modes de
penser particuliers aux cultures, ni dans les sciences et les arts, non plus
dans la vie politique officielle. Tous les détenteurs du pouvoir et tous
les fonctionnaires ne sont représentatifs, et les véritables
représentants n'occupent souvent pas de poste officiel. C'est là
le plus grand problème.
§ 3. Mécanisme de
prise de conscience communicationnel
La conscience collective est un
concept majeur de la sociologie d'Émile Durkheim
désignant « l'ensemble des croyances et des sentiments communs
à la moyenne des membres d'une même
société ». La notion de conscience
collective, qui renvoie à la conception d'une société
comparable à un « être psychique » existant en
dehors des individus et doté de sa propre conscience, s'inscrit dans les
préoccupations du sociologue Émile Durkheim face aux
transformations du lien social. Dans De la division du travail social,
Durkheim observe que la conscience collective est une des
caractéristiques des sociétés traditionnelles, où
la solidarité est de type « mécanique »,
c'est-à-dire que les pratiques, les valeurs et les croyances y sont
très peu différenciées. La pression du groupe sur
l'individu est très forte et le droit principalement répressif.
Les sanctions pénales, en ressoudant le groupe autour de ses valeurs
communes, contribuent à maintenir la cohésion sociale.
C'est donc à ceux qui sont reconnus dans leurs propres
cultures qu'il incombe de choisir des hommes et des femmes compétents
qu'ils considèrent comme représentatifs. Ils devront se
rencontrer par delà les frontières. En tant que
« natifs » d'une certaine culture et d'une certaine
histoire, il faut que nous ayons la possibilité de rencontrer les
« natifs » d'autres cultures, dans une
atmosphère de saine curiosité exempte de préjugés,
et que nous puissions travailler avec eux. Sur le plan interdisciplinaire et
interculturel ce n'est qu'ainsi que seront libérés des forces
visant à une communauté d'efforts et à la paix. La
compréhension et la confiance mutuelle ne se développent pas de
façon abstraite, mais sur la base d'expériences
concrètes.
Dans ce but, et en vue de notre quatrième chapitre
les Tutsi et l'appartenance, nous comprendrons plusieurs thèses
de Francis Jacques afin, entre autres, d'établir que la tradition
critique, c'est-à-dire rationnelle, ne dépend pas que de
certaines conditions sociales et institutionnelles mais également de
choix individuels (certes subordonnés à des considérations
objectives). La raison en est que le medium principal de la critique est le
dialogue.
Il n'est pas seul ; l'écrit, notamment la
diffusion et la lecture des livres et articles, en est l'autre voie majeure,
avec ses avantages que n'a pas le dialogue (organisation claire, construite et
suivie de la pensée, support stable, accessible à un grand nombre
et conservable longtemps) mais également ses inconvénients- comme
le notait déjà Platon : « l'on ne peut poser
de question à un livre » ; c'est ce qui fait du
support écrit un medium éventuellement plus opaque car il ne peut
compenser par lui-même, à tout le moins pas directement, les
défauts de compréhension du lecteur. C'est comme le note aussi
Popper en disant avec assez d'humour qu' « un homme qui lit
un livre en le comprenant est une créature
rare »(615(*)). Nous ne dénions pas à
l'écrit sa participation à la critique, qui est au moins aussi
importante que celle du dialogue, voire plus.
Nous traitons donc du dialogue actuel exclusivement,
avec beaucoup de difficultés car l'interlocuteur peut facilement changer
sa position pour se protéger et la compréhension est
bloquée, mais en ne perdant pas de vue que ces considérations
sont dans d'autres mesures valables pour ce dialogue fragmenté
qui peut avoir lieu lorsque l'on produit la critique d'un livre, comme celui-ci
qui fait objet de noter thèse, ou d'une idée qu'on nous a
transmise, c'est-à-dire en l'absence d'interlocuteur direct. On rejoint
Musey dans la difficulté qu'il a trouvée dans le dialogue qui ne
pourrait être compris par tous(616(*)).
Toujours est-il que le dialogue met en jeu - jusqu'à
dernier ordre ! - des individus ; or, aucun individu n'est
constitutivement capable d'avoir de certitude sur ce qui est objectif. Lorsque
l'on développe une théorie ou une idée, on est à la
merci d'une erreur de raisonnement ou de présupposés plus au
moins inconscients dont on ne tient pas compte et desquels on infère,
sans le réaliser forcément, des énoncés qui peuvent
être incohérents ou surmotivés. C'est pourquoi l'on
dépend du contrôle intersubjectif ; c'est pourquoi la
critique dépend de l'argumentation qui elle-même a
nécessairement lieu au sein d'un dialogue (fut-il fictif, ou à
des siècles d'intervalle...) C'est également pourquoi une
pragmatique critique, régissant le dialogue pour en exclure
l'obscurantisme ou les malhonnêtetés, peut être très
utile.
« Trop d'espace nous étouffe autant que
s'il n'y en avait pas assez, écrivait J. Supervielle à une
enfant », et l'on a l'habitude d'appeler dialogue toute
situation d'échange linguistique à plusieurs locuteurs,
généralement au nombre de deux (mais éventuellement plus
-songeons aux dialogues d'un film) ; on l'oppose en cela au
monologue, qui n'est sensé mettre en jeu qu'un unique individu.
Dans notre tentative de concilier la théorie fonctionnaliste, nous avons
bien distingué une fonction d'une application.
Dans le cas d'espèce sous examen, il faut qu'il ait
interaction stabilisée de la condition de possibilité de
l'existence de cette fonction. Ce que nous avions appelé domaine de
définition. Et il n'est d'aucun intérêt de constater ces
appellations génériques. Toutefois il peut être utile de
distinguer le dialogue authentique de certaines formes différentes
d'échange linguistique, comme la conversation, la
négociation ou la controverse. C'est pour cette raison que nous parlons
de dialogisme, c'est-à-dire de ce qui renvoie au
caractère conférant à une situation le statut de
réel dialogue. Mais il n'y a là que question des mots. Tentons de
dire en quoi réside la différence.
Nous avons vu que la population tutsie était de 10% de
la totalité des populations rwandaise. Elle emprunte le Kinyarwanda des
Hutu autochtones. Donc les nombres exercent une influence dans le dialogue qui
peut avoir lieu. Nous partons aussi de l'idée, simple mais qui
mérite d'être réaffirmée, que le langage ne
m'appartient pas, comme il n'appartient à personne. Aussi
constatons-nous avec F. Jacques que « le langage n'est d'abord ni
de plusieurs ni d'un ni de tous : il est entre »(617(*)). C'est bien pourquoi il ne
faut pas perdre de vue que si nous voulons appartenir, dans une bonne
communication et interaction, nous parlons avant tout ensemble. C'est là
le sens de Ingoma, les tambours des poèmes dynastiques. C'est
l'interlocution qui est le seul et l'unique motif de la communication. Nous
sommes dans la commutativité.
C'est le lieu de la communication qui nous intéresse.
Il y a la communicabilité du discours quand bien même on a
l'impression de s'isoler avec sa parole et sa pensée ; son
activité est une réflexion, c'est-à-dire une sorte de
simulation d'une situation de communication. Elle n'a de sens que si on peut
également la mener avec quelqu'un d'autre. Et il est clair qu'elle
dépend de l'existence de cette possibilité ; en d'autre
termes, si en effet, comme l'écrit Mutuza, « Et si notre
vie n'a été qu'une suite de conflits et des luttes où nous
avons dû nous défendre ou attaquer pour avoir une place, le but de
notre vie ne peut être autre chose que gagner, réussir, et exercer
l'autorité avec assurance »(618(*)). Ce constat
mutuziste est pour nous un fait (au sens où pour Kant la
science en est un). Comme il est difficile, voire impossible de ne pas
être en situation de communication, c'est que même quand les Tutsi
s'opposent aux Hutu en se dressant contre eux comme une épée
à deux tranchants qui tire vengeance des nations hospitalières,
ils ne s'isolent pas, car il n'est pas à leur pouvoir de cesser
d'être en relation.
Le mythe des Hima-Tutsi nous pousse à nous moquer de
leur animosité. Ils nient leur dépendance aux Hutu du même
coup, ils l'affirment encore plus par le mensonge pour manipuler les media. Ils
sont alors dans une situation auto-réfutatoire dont le domaine de
définition est découvert par Mutuza. Il s'agit d'une position
anti-relationnelle que vraiment a-relationnelle.
C'est avec le langage et sa critique que nous signalons que
Mutuza ne néglige pas la question du langage, il lui consacre une place
fondamentale dans son argumentation. Il considère, en effet, qu'il
constitue l'origine de l'apparition de la connaissance objective (telle
qu'entendue par Popper- qui ne prétend pas avec cette idée
être original). C'est le langage qui différencie l'homme de la
bête.
L'argumentation est une prédiction de la persuasion
dans le débat. Cette fonction argumentative du langage humain et
hautement humaine. C'est avec elle que l'appartenance est possible. Elle
illustre la commutativité et l'associativité. Dans cette
perspective, Mutuza s'étonne du silence des intellectuels tutsis, car
pour lui, pour qu'une réelle discussion s'engage, il faut la
découverte de la possibilité de critiquer des raisonnements ou
des descriptions en déclarant certains rapports faux ou
incohérents. Ce que nous appelions canon de la pensée.
Seule l'apparition de la logique formelle, autrement dit du
moyen de déterminer si une inférence est valide, permet l'essor
de la fonction argumentative qui, au sein d'une tradition précise (la
tradition critique, née avec l'humanité communicative), s'efforce
de démêler la confusion et l'ambivalence des descriptions au nom
de plusieurs régulatrices. Et la norme est celle de vérité
(qui correspond à une représentation correcte de la
réalité) ; et l'argumentation qui, régie par la
validité, l'emporte sur la vérité dans le pragmatisme.
Dans ce contexte, tout processus de compréhension est
régi par le schéma général de résolution des
problèmes par conjectures et réfutations, que l'on peut
symboliser, comme le fit Popper, et que nous avons déduit par
l'étude attentive de la manière suivante : PS1 est le
problème d'où l'on part; les TSi sont l'ensemble des
Tentatives de Solution (dans notre cas des
essais d'interprétation) qui mènent chacune par différent
biais, et au moyen de leur critique, l'Elimination des
Erreurs qui s'y peuvent trouver, après quoi la
situation de problème telle qu'elle se présente est susceptible
d'être différente et de donner lieu à un nouveau
problème P2 (ou plusieurs P2i)(619(*)).
TS1
TS2
P1 TS3
EE P2
TS4
I
TSn
Nous avons là l'aspect néo-darwinien de ce
schéma, aspect dû à l'analogie claire que l'on peut
effectuer entre l'idée de sélection naturelle et celle de
progression par élimination de l'erreur ; Mutuza lui-même
décrie cette construction des chercheurs et universitaires sur la
région des Grands Lacs et rapporte : « le principe
de base de remède à apporter à ces problèmes est
l'intégration régionale et la citoyenneté
transfrontalière, qui consistent à construire une union
économique de l'Afrique orientale et australe au sein de laquelle la
citoyenneté transfrontalière se substituerai à
l'ethnicité »(620(*)).
Après l'ère newtonienne, la
découverte scientifique qui marqua le plus l'éthique fut la
théorie de l'évolution élaborée par Charles Darwin.
Les découvertes de Darwin fournirent un appui au système
nommé parfois éthique évolutionniste que défendait
le philosophe britannique Herbert Spencer. Pour celui-ci, la morale n'est rien
d'autre que le résultat de certaines habitudes acquises par
l'humanité au cours de l'évolution(621(*)).
On doit à Friedrich Nietzsche une interprétation
surprenante mais logique de la thèse darwinienne selon laquelle la
survie des plus forts est la loi fondamentale de la nature. Le philosophe
allemand affirmait que ce que l'on appelle la conduite morale n'est
nécessaire qu'aux faibles. La conduite morale -- en particulier
celle que préconise l'éthique judéo-chrétienne qui,
pour Nietzsche, est une morale d'esclave -- tend à autoriser le
faible à empêcher le fort de se réaliser. Pour Nietzsche,
chaque action devrait être orientée vers le développement
de l'individu supérieur, l'Übermensch
(« surhomme ») qu'il appelle de ses voeux et qu'il
décrit comme le seul type d'Homme capable de réaliser dans
l'avenir les plus nobles possibilités de la vie. Nietzsche trouvait les
meilleurs exemples de cet individu idéal dans chacun des philosophes
grecs antérieurs à Socrate ainsi que dans les dictateurs
militaires tels que Jules César et Napoléon.
Opposé à la thèse qui
fait de la lutte impitoyable et incessante la loi de la nature, le prince Peter
Kropotkine, avec l'idée de Faust(622(*)), invente la théorie anarchiste et
réforma en Russie, tout en présentant, entre autres, des
études sur le comportement des animaux vivant en liberté qui
révèlent le rôle de l'entraide dans la nature. Kropotkine
soutenait que l'entraide favorise la survie de l'espèce et que les
êtres humains ont acquis leur supériorité sur les animaux
au cours de l'évolution grâce à leur capacité de
coopération. Kropotkine exposa ses idées dans de nombreux
ouvrages, parmi lesquels une place singulière revient à
l'Entraide (1892) et à une oeuvre inachevée,
l'Éthique. Persuadé que les gouvernements sont
fondés sur la violence et que leur élimination permettrait aux
hommes de donner libre cours à leurs instincts de coopération et
d'instaurer un ordre coopératif, Kropotkine défendait
l'anarchisme. Les anthropologues ont appliqué les principes
évolutionnistes à l'étude des sociétés et
des cultures humaines. Entreprenant des analyses comparatives portant sur les
concepts du vrai et du faux, du juste et de l'injuste dans les
différentes sociétés, ils contribuèrent à
diffuser l'idée que la plupart de ces concepts avaient une valeur
relative et non universelle. Parmi les concepts éthiques fondés
sur une approche anthropologique(623(*)), il faut retenir ceux de l'anthropologue finlandais
Edvard A. Westermarck, auteur de la Relativité
éthique. Le darwinisme social est une doctrine formulée
à la fin du XIXe siècle, selon laquelle
l'évolution des individus et des sociétés procède
de la sélection naturelle, principe décrit par Charles Darwin
dans sa théorie de l'évolution biologique. Les tenants du
darwinisme social considèrent qu'à l'instar des animaux et des
plantes, les hommes sont fondamentalement inégaux, physiquement et
intellectuellement, et que leurs aptitudes sont strictement
héréditaires. Ils sont donc destinés à la lutte
pour leur survie et à la recherche de la réussite personnelle
dans la société. Les individus qui deviennent riches et puissants
sont les plus « aptes », alors que les membres des classes
socioéconomiques les plus défavorisées sont les moins
« adaptés ».
C'est pour cette raison que le darwinisme social en est ainsi
venu à considérer que le progrès de l'humanité
repose sur la rivalité. Cette doctrine servit de base philosophique aux
idéologies de l'impérialisme, du racisme et de
l'eugénisme. Au XXe siècle, elle tomba en
discrédit lorsque de nouvelles découvertes scientifiques
relativisèrent le rôle de la sélection naturelle dans
l'étude de la société humaine, où les facteurs
économiques et culturels ont éclipsé les facteurs
physiologiques comme moteurs de l'évolution sociale. Herbert Spencer fut
le principal représentant du darwinisme social. Il est donc
étonnant de voir les chercheurs et universitaires qui ont
siégé sur la région des Grands Lacs, spécialistes
en sciences sociales par surcroit, tomber dans l'anachronisme scientifique
privilégiant ainsi les intérêts des impérialistes.
Et c'est une utopie pire et simple que de croire encore à ce mythe de la
déesse AèÞíá(624(*)).
Quant audit schéma, bien que son champ d'application
soit très vaste et qu'il opère sur des conjectures et des
arguments, nous avons à nous réjouir objectivement de notre
appartenance.
Conclusion
Nous venons de voir le mythe de l'appartenance et la prise de
conscience. C'est un bien fondé dont nous n'avons pas nié la
pertinence du fait que chaque groupe social a sa psychologie. Et la psychologie
des minorités est une psychologie qui fait appel à un
macrocosmisme de prise de conscience, à un patriotisme de ces
mêmes minorités et, qui finalement, aboutit à une
définition démographique positive des minorités
linguistiques et engendre la dichotomie de la trimonade (Hutu-Tutsi-Twa).
Cela ne s'est pas arrêté gratuitement, chez
Mutuza, sans soulever la question de l'historicisme comme prise de conscience
exceptionnelle de valeurs démographique dans la poésie dynastique
du Ruanda. L'on a facilement compris l'idée de la raison ambiante et le
milieu ambiant comme processus de séparation et de réunion entre
le système politique des agriculteurs et celui des pasteurs. Ce qui nous
a permis de bien définir, avec le rejet de l'historicisme
cohérent chez Mutuza, la démographie positive de minorités
ethniques. Poussant loin notre réflexion, nous avons découvert
dans les poèmes dynastiques une concentricité des thèmes
et la continuité de la périphérie, ð (pi), dans ces
poèmes.
Tout cet exercice est une grande ingénierie sociale,
elle oriente tout chercheur à la prise de conscience de la
prédiction pour la meilleure critique du mythe Hima-Tutsi. Pour y
parvenir il a fallu saisir la base de l'acquisition de la notion de
cohésion d'un groupe du point de vue des pragmatistes. S'il existe donc
une minorité, Michel de Foucault et son archéologie
structuraliste donne d'une part la valeur d'une appartenance psychologique
sans, bien sûr, laisser de côté la base biologique. Musey de
sa part aussi ouvre la voie de l'analyse structuraliste comme base de
l'identité prédictive.
Cette attitude est appelée ingénierie sociale
chez Mutuza. Nous avons là une théorie de la communication et de
la compréhension du Mythe Hima-Tutsi dont la relativité du
sentiment de minoritaire dans la communication guide l'ingénieur social
et distingue le double mouvement du sentiment de minorité et de
majorité et, en fin prépare le mécanisme de prise de
conscience communicationnel pour une correspondance entre un groupe et
l'idée qu'il se fait de son appartenance.
Chapitre huitième: LES
TUTSI ET L'APPARTENANCE
Introduction
Nous avons déjà signalé que le point de
vue historique moderne risque de nous induire à l'erreur de confondre
les diverses formes de royautés au cours de l'histoire du contour de
Ruwenzori, et surtout à l'Est de la RD Congo et au Rwanda,
antécédemment à l'avènement des idées
constitutionnelles que nous rapporte A. Kagame dans son Le droit coutumier
rwandais et les idéologies démocratiques, en un seul type de
régime politique, celui de l'absolutisme à pouvoir
concentré dans les mains d'une seule personne qui en use à
volonté et à discrétion.
Or l'étude des diverses formes de régimes
absolutistes au cours des siècles relève des différences
profondes entre les divers types de concentration du pouvoir politique, dues
à une évolution longue et lente qui a produit des modification
essentielles dans la nature et le contenu du pouvoir politique
concentré, et qui a abouti aux formes constitutionnelles des temps
modernes.
Nous nous sommes déjà
référé aux différences qui séparent les
baame Bahutu au mwami tutsi qui les remplaça, après la
réunification de tous les royaumes en un seul et unique Rwanda,
différences qui ne peuvent être réduites à des
simples variations mais à des degrés d'une évolution
profonde à la signification sociale portant sur une longue
période anthropologique et entropologique.
Dans ce chapitre qui traite des Tutsi et l'appartenance, nous
allons démontrer l'importance de l'acquisition de la cohésion du
groupe Hima-Tutsi que la royauté a apporté. L'existence de cette
communauté hima-tutsi tient au statut qu'elle accorde au roi
assimilé à Dieu, il est en conséquence lui-même la
source du pouvoir politique et n'admet aucune limitation dans l'exercice de ce
pouvoir. On ne doit pas confondre la fonction du mwami tutsi à celle
d'un pharaon. Celui-ci est fils de dieu, il reçoit les honneur et les
hommages du au dieu son père et ne devient dieu qu'après sa mort.
Mais le mwami est dieu, comme le clame le poète des poèmes
dynastiques.
Nous remarquons d'ailleurs que la problématique d'une
succession héréditaire, surtout à caractère
biologique est étrangère au maintient du pouvoir des baame des
Bahutu. Le principe d'hérédité successoral chez les Tutsi,
montre à suffisance la difficulté qu'ils ont à se
construire comme peuple.
Section 1. Acquisition de la
cohésion d'un groupe
§ 1. Existence d'une
communauté
Nous avons dit que pour les Tutsi la race bovine occupe la
place de choix. Puisque la vache est considérée comme une fin en
soi (principalia =
Þãïõìíùò),
l'homme devient relatif (consequentia =
áêïëïýèùò),
moyen dont le roi se servirait pour la reproduction de ses richesses par des
guerres sanglantes.
Mutuza qui a horreur de la guerre, et surtout celle qui
sévisse à l'Est de la RD Congo, note par ailleurs que les
habitants de la région du Kivu-Maniema vivent dans un cosmos tributaire
de la cosmologie lega. Cosmologie selon laquelle si une grande
diversité des choses et une variété des conditions
humaines, où la liberté a une grande part parce que n'ayant pas
choisi sa condition pour elles-mêmes, où dans quel pays, dans
quelle condition naître, il n'y a pas de hasard. On voit dès lors
comment Mutuza va retrouver sa théorie de la réévaluation
des concepts.
Il écrit : « Un faisceau des
concepts centrés sur la xénophobie et la nationalité
congolaise visent à inspirer le complexe de culpabilité aux
Congolais-Zaïrois en les accusant de haine contre les étrangers, en
vue de les préparer, par voie de la culpabilisation, d'accorder la
nationalité collective aux « Zaïrois d'expression
rwandaise », aux Banyamulenge et autres immigrés tutsi
chassés au Rwanda par la guerre d'indépendance et
réfugiés au Congo, vers les années 6O. La culpabilisation
et la ruse viennent ainsi suppléer l'échec de la conquête
de la nationalité par la guerre »(625(*)).
Toutes les guerres sont odieuses, mais plus
particulièrement celles qui se font sans que les belligérants
soient auparavant ennemis. Aux intérêts en cause, elles ajoutent
l'implacable dimension d'une animosité. On se bat sur ordre et pour le
plus grand bénéfice des peuples des horizons lointains.
Dès lors, aucun compromis n'est possible, l'ennemi doit
capituler sans condition ou disparaître. Que faire ! L'homme de tous
les siècles, de toutes les races, de toutes les cultures a souvent
choisi pour plus haut idéal celui de la paix, se sachant
irrésistiblement fauteur de guerre. Donnez-lui n'importe quel drapeau et
il s'en servira aussitôt comme d'une épée, c'est notre
conviction.
§2. Relativité du
sentiment de minorité et de majorité
L'histoire des peuples de la région des Grands Lacs
africains est là pour attester cette cruelle et sanglante
vérité, même pour les missions occidentalalisantes
d'essence pacificatrice comme les sont la MONUC et l'EUFOR forgée pour
la pacification des élections de 2006. « Paix, paix !
Mais il n'est pas de paix », disait le prophète
Jérémie (6, 14 ; 8, 11). Amani, amani, et c'est ce que
toutes les liturgies chantent, et que la conférence de Goma a
adopté. Les hommes, particulièrement les swahilophones et les
bahutuphones (banyarwandophones), à l'instar des Sémites, se
saluent au nom de la paix mais sont aussi des fauteurs de guerres, et les plus
cruelles des ces guerres sont celles qui sévissent l'Est de la RD
Congo.
La guerre la plus constante et la plus paradoxale, fascinante
par certains de ses aspects, est celle qui oppose, depuis l'arrivée de
l'homme blanc, les Tutsi aux Hutu, les Hema aux Lendu, d'où Mutuza tire
et dévoile le mythe Hima-Tutsi. Nous voulons démêler
l'imbroglio qui oppose en une guerre à peu près ininterrompue
les Hima-Tutsi aux Hutu de qui ils ont l'accès à la communication
par le kihutu (kinyarwanda), au point de paralyser le fonctionnement des
institutions des pays des Grands Lacs africains.
C'est le problème d'appartenance qui fait appel
à l'intégration. Tout le contenu de l'appartenance s'inspire de
la notion de paix. L'appartenance est finalement une opération de paix
et de réconciliation entre le peuple et leur société.
D'ailleurs, toutes les conférences sur les pays des Grands Lacs ont
aussi ce double caractère. Conférences comme lieu dialogique par
excellence, cherchent à supprimer le malentendu destructeur qui fait
irruption dans la communication entre différentes entités. Cette
paix, nous la recherchons par notre identité, et nous la sollicitons par
négociation.
Mais pourrait-on accepter qu'une communication de masse puisse
nous conduire à la vérité de cette guerre ? Il est un
schéma qui domine plus ou moins consciemment les conceptions modernes du
phénomène de communication, héritière en cela des
théories de l'information apparues à la moitié du
siècle (que l'on retrouve chez Shannon ou Jakobson, par exemple) et qui
identifie communication et transmission de message. Ce schéma bien connu
peut être représenté comme suit :
Schéma de Jakobson 1.
251659264
Schéma de Jakobson 2.
F. Jacques le nomme très justement schéma
d'Hermès- Hermès, jadis dieu des voleurs et des marchands,
aujourd'hui honnête émissaire des postes et
télécommunications, en raison de son évidente analogie
avec le transport d'un contenu d'un point à l'autre. On réalise
l'emprise d'Hermès quand on compte le nombre d'expression de la vie
courante qui filent cette métaphore d'un contenu/objet dont l'on
remplirait des expressions linguistiques transmissibles. Il a été
dénombré, par exemple une centaine de locutions de ce type
couvrant 70% de la langue anglaise et qui ont pour la plupart des
équivalents français. Le propre d'une métaphore
étant d'être un trope d'analogie à foyer unique, elle a
pour effet, d'orienter l'attention vers un aspect précis du concept.
Nous avons dans le cas d'Hermès une métaphore du conduit (pour
reprendre l'expression de Lakoff et Johnson) qui amène à
assimiler sans plus de distinction information et communication, dans un
modèle qui convient autant aux hommes qu'aux machines (il n'est, du
reste, pas sans lien avec l'essor de la cybernétique dans les
années 1940), et dont il n'est pas sans intérêt de noter
qu'il influença des penseurs comme Morris, Fodor, et surtout Bühler
(certes après que Popper fut son élève). Ce schéma
couvre l'idéal de paix. Paix que l'on cherche par les dialogues, les
négociations, les conversations, les discours, les publications, les
analyses politiques...Mais toutefois, jamais des chercheurs
autoproclamés des négociateurs ne se sont départis de
l'idée que le coeur de leur étude était le
message ; ils ne sont ainsi pas écartés du
schéma général d'Hermès.
L'on peut tout de même s'attarder quelques instants sur
un travail précis qui ne manque pas d'intérêt,
spécialement grâce au recul qu'il prend à l'égard de
la linéarité toujours présupposée par le
modèle classiques (qui est linéarité, fût-elle
réversible, du conduit ou canal. Il est dû au sociologue George
Gerbner qui propose d'articuler la schématisation selon deux niveaux, ou
plutôt deux dimensions, l'une consistant en la perception ou
réception d'un événement du monde réel (car George
Gerbner tient à lier le message à la réalité, ce
qui est une option relativement originale), et l'autre - qui ressort plus
particulièrement du domaine de la communication - étant
nommée dimension de contrôle ; elle induit une
interaction entre percepteur (qui peut être un individu ou une machine)
et les éventuels contenus de signification des messages ou
événements perçus on obtient alors une figure
communicationnelle pour que l'on s'en tienne à la paix.
Malgré cela, la paix entre Hima-Tutsi et les Hutu
établit certains présupposés :
« ...quel que soit le défi qu'on nous lance ou le
piège qu'on nous tend, nous ne pouvons, pour rien au monde, renoncer
à nos devoirs des nationalistes, dont le premier est celui de
rétablir l'intégrité de notre territoire et de faire
respecter les droits séculaires, sinon millénaires, des
populations zaïroises les plus directement concernées qui
s'appellent, du Sud au Nord Kivu-Maniema, Babemba, Bavira, Bafuliro, Bashi,
Bahunde, Banyanga, Batembo, Banande, Balega. De ce respect seul dépendra
la solidarité de toute solution qui visera à la cohabitation
pacifique des peuples frontaliers. Mais d'ores et déjà,
précisions que ce respect est incompatible avec l'idéologie
raciste et hégémoniste qui caractérise les Tutsi et leur
histoire, et qu'eux-mêmes, hélas, entretiennent sans vergogne,
mais avec tant de malices ! »(626(*)).
Nicolas Cabasilas précise qu' « en
disant paix, il n'entend pas seulement la paix les uns avec les autres,
lorsqu'on ne veut de mal à personne, mais aussi la paix avec
nous-mêmes, lorsque notre coeur ne nous contente point. Grande est
l'utilité de la paix ; ou plutôt, cette vertu nous est d'une
absolue nécessité. Car l'esprit agité ne saurait en aucune
façon s'unir (...), en raison même d'abord de la nature de son
agitation. De même que la paix veut dire l'unité dans la
multitude, de même l'agitation fait de l'individu une
multitude »(627(*)). Il nous faut donc justifier cette quête de
paix par la recherche du savoir correct de l'élément culturel de
l'identité des Hima-Tutsi. Nous devons avoir une connaissance de
l'identité de cet élément culturel. Ce n'est qu'en
découvrant cet élément chez les Hima-Tutsi que nous
trouverons le moyen de la reprise de la critique de la raison ambiante qui
s'articule autour de l'intégration et de l'identification de
l'élément culturel du mythe Hima-Tutsi.
§3. La psychologie des
minorités juvéniles en temps de paix et en temps de guerre et la
politique d'expansionnisme
En RD Congo, il y a dans le Nord- Kivu les Tutsis venus du
Rwanda, qui se sont installés dans la région du Masisi, à
l'ouest de Goma, au milieu du XIXe siècle, qui ont,
évidemment trouvé des agriculteurs Bahutu pour travailler dans
les plantations de thé et de café développées
à l'époque coloniale. Le développement des cultures
vivrières et industrielles destinées à l'alimentation de
Kinshasa et à l'exportation, avive les tensions entre les Banyarwanda
(« habitants du Rwanda ») et les agriculteurs Bahutu
indigènes, appelés Banyarwanda à cause du kihutu
dénommé kinyarwanda par ceux du Rwanda. La querelle a pris
l'amplification jusqu'à l'attaque des Bahunde parce que ceux-ci sont
aussi Bantu comme les Bahutu locaux.
Ce qui est aberrant est que des pasteurs, les Tutsi se
réclament agriculteur parce que Kivu offre des avantages et des
avantages. Les Tutsi perdent déjà une des leurs
caractéristiques. En plus de cette richesse du sol, qui fait du Kivu le
« jardin potager de Kinshasa », la région est riche
en diamants, en or, en étain, et en méthane
liquéfié dans les profondeurs du lac homonyme. Cible de
l'expansion rwandaise à la fin du XIXe siècle en
raison de l'étendue de ses pâturages, le Kivu est également
convoité par les Anglais, les Allemands et les Belges lors de la
conquête coloniale. En 1910, des rectifications de frontières au
profit de la colonie belge du Congo amputent le Rwanda de l'île d'Ijwi au
centre du lac Kivu, attribuant la majeure partie du lac à la Belgique.
Ces problèmes territoriaux resurgissent depuis peu à travers les
conflits qui ensanglantent la région et qui ont leur origine dans
l'histoire et dans l'explosion démographique des anciens royaumes
interlacustres (Ouganda, Rwanda, Burundi).
Nous avons étudié l'évolution
psychologique de ces trois monades Hutu, Tutsi et Twa. Nous avons vu
qu'après la longue évolution égocentrique et assimilatrice
extravertie de la rencontre, et la courte période d'adaptation
généralement introspective et introvertie qui
précédait la prise de conscience d'une supériorité
et les nouvelles dimensions psychiques qui a conduit à
l'émancipation du milieu ambiant, syntone et hiérarchisé,
cette « explosion des Tutsi dans la société des
Banyarwanda » n'apparaît que vers la fin du XIXe et
au début du XXIe siècles.
Avec l'arrivée de l'AFDL, une sorte de coagulation des
expériences vécues, une certaine décantation des pulsions
agressives aussi bien constructives, a conduit à la maturité les
Hutu, comme les Congolais dans leur ensemble, devenus de nouveau plus
égocentriques et routiniers dans leurs responsabilités familiales
et professionnelles. Les Tutsi disposent donc de très peu
d'années en RD Congo, par rapport à une stabilisation
territoriale depuis le partage de l'Afrique à la Conférence de
Berlin, pour, après avoir renié leur langue, qui n'a d'ailleurs
peut-être jamais existé, du fait non seulement de manque mais
aussi et surtout du vide argotique et idiomatique d'une telle existence.
Etant donné leur inexpérience, le risque a
été grand de se tromper, au point de sacrifier leur propre
langue pour une cause idéale finalement inaccessible. Mais, pendant des
années où la majorité des Hutu devait mourir jeune ou dans
la force de l'âge, et où le rythme des générations
était très rapide, cette crise psychosociologique de la jeunesse
était le seul moyen, pour la nature, de faire évoluer, ou
émigrer les Tutsi. Comme nous le savons, chez les pasteurs les jeunes
occupent une place de choix dans la division du travail. Les jeunes
étaient démographiquement majoritaires. La minorité tutsie
s'est ainsi dissoute dans la majorité des jeunes que le mythe a
identifiée aux fils de Kanyarwanda. Fils de Kanyarwanda en trois monades
dont la monade Tutsi est de la race divine. La jeunesse devient le seul moyen
d'indentification du peuple rwandais. Rwandais ici veut dire tous ceux qui
parlent kinyarwanda. Et par conséquent, tous les Bahutu sont ainsi
banyarwanda dans la mémoire des Tutsi. Le kihutu aliène les
Bahutu. Ayant perdu le glossonyme, leur ethnonyme devient une
aliénation, si l'on ne peut pas dire leur perte d'identité. Les
Tutsi ont perdu leur langue et leur glossonyme, ils ont en même temps
perdu leur véritable ethnonyme. Et par ruse, ils ont
entraîné les Hutu dans cette même perte, cette fois-ci dans
la falsification de l'histoire par le mythe.
En 2006, la population du Rwanda était
estimée à 8,65 millions(628(*)) d'habitants contre près de 8 millions
lors du recensement de 1991. Entre 1993 et 1994, la guerre civile a fait
environ huit cent mille morts et jeté hors des frontières deux
millions de réfugiés (principalement au Congo et en Tanzanie). On
décompte également trois millions de personnes
déplacées à l'intérieur du pays.
Avant les massacres, la densité de la
population du Rwanda était l'une des plus fortes d'Afrique :
301 habitants au km2 en 1991, et près d'un tiers en plus
dans les régions de culture. La plupart des Rwandais vivaient en zone
rurale dans des fermes individuelles dispersées dans les collines ;
le taux d'urbanisation était l'un des plus faibles du monde (5%).
Aujourd'hui, les campagnes sont désertées et la capitale, Kigali,
est passée de 130 000 à 250 000 habitants.
La composition de la population rwandaise
est semblable à celle du Burundi, « frère
jumeau » du Rwanda : cultivateurs hutu (environ 85 % de la
population avant la guerre civile), éleveurs tutsi et Twa, des
Pygmées considérés comme les premiers habitants de la
région. Le pays, ayant subi de grands mouvements de population depuis
l'indépendance (réfugiés tutsi d'abord, puis hutu depuis
1994 avec le retour des Tutsi), l'image de la société rwandaise
en a été profondément modifiée. Par voie de
conséquence, les statistiques sont à considérer avec
prudence
En 1998, le Rwanda déploie des
troupes dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC,
ex-Zaïre) afin d'assurer sa « sécurité »
face aux extrémistes hutu qui s'y réfugient. Aux
côtés du Rwanda, l'Ouganda et le Burundi soutiennent la
rébellion du RCD/Goma (Rassemblement congolais pour la
démocratie) contre le régime de Laurent-Désiré
Kabila. Toutefois, l'Ouganda prend rapidement ses distances vis-à-vis de
son allié rwandais et des affrontements sanglants opposent
sporadiquement à Kisangani les corps expéditionnaires des deux
pays, entraînant même des tensions sur leurs frontières
communes (1999-2000). Les autorités ougandaises négocient
directement avec le président congolais Kabila un retrait qui se fait
attendre, laissant le Rwanda, et en partie le Burundi, supporter seuls
l'impopularité de l'occupation de cette région.
La mort de Laurent-Désiré Kabila
en 2001, auquel succède son fils, Joseph Kabila, ainsi que
l'arrivée au pouvoir de l'administration Bush aux États-Unis,
plus critique que l'équipe Clinton à l'égard de Kigali,
entraînent une évolution de la situation dans la région.
Après la signature d'un accord de paix avec l'Ouganda en
novembre 2001, le Rwanda signe un accord historique avec la RDC en
juillet 2002 : les forces congolaises s'engagent à
procéder au regroupement et au désarmement des miliciens
extrémistes hutu, tandis que le Rwanda s'engage à retirer ses
troupes. Au mois d'octobre suivant, le Rwanda affirme avoir rapatrié la
totalité de son contingent.
Tout est régi autour de l'élément
culturel de l'identité des populations Hima-Tutsi. Il faut de la terre
pour le pâturage, malheureusement on ne rencontre aucune industrie
laitière de ce pénible travail de l'élevage.
Section 2. Elément culturel de l'identité des
Hima-Tutsi
§1. Vache : vide
social ou désemparement des guerres ?
Au sein du monde tutsi où un sécularisme
artificiel de sécurité sociale, assurances, aides techniques
occidentales, a été conçu théoriquement pour
faciliter l'accès en RD Congo qui représente le bonheur des
Tutsi, où la paix a régné depuis une
génération, où l'expérience de la guerre, chez les
voisins Rwandais, n'a pas directement touché des Congolais des provinces
de l'Ouest, du Centre et du Sud du pays, comme au Grand-Kivu, surtout à
Goma.
Fasciné ou écrasé par les risques du
mythe de kinyarwanda devenu réalité, de l'atome kihutu au cosmos
kinyarwanda, la conscience réagit comme s'il eût eu un
envahissement qui d'abord s'amuse pour entropier le système sociale,
puis le réduit aux cendres de la haine.
Il nous est déjà paru que toute
société doit être considérée comme un
système dont les diverses parties sont liées entre elles par des
liens fonctionnels. L'organisation sociale exprime à travers les
groupements d'individus, l'agencement de ces groupements et les manifestations
auxquelles ces groupements et leur agencement donnent lieu, cette
solidarité de la société. La diversité des types
d'organisation sociale rend compte de la diversité des rapports qui
unissent les hommes entre eux avec leur milieu.
Une vache et un espace géographique (le champ
agricole), tels sont les éléments qui différencient deux
populations. La vache peut détruire le champ, mais c'est dans le champ
que la vache trouve sa survie. Il y a séparation, du moins apparente,
entre le monde animal et le monde végétal. Nous avons dit que le
monde animal a été divinisé et élevé
au-dessus de la valeur humaine. Tel est la conception tutsie de l'animal. Et le
champ, terre des ancêtres, a valeur instrumentale pour le Muntu. Deux
réalités existent alors comme en
Ôñéáò (trias) et au
ÐáíãÞò
(Pangée)(629(*)).
Nous pouvons les chiasmer comme suit :
Vache
champ
Muntu
Tutsi
Nous avons sans beaucoup de peine à comprendre que le
Muntu a l'homme pour la fin et la terre et la vache comme moyen ; tandis
que le Tutsi a pour la fin la vache et le champ et l'homme pour moyen. La
dépendance de la tribu du gros bétail est tellement grande, que
la tribu entière s'adapte à une vie nomadique
nécessitée par les mouvements saisonniers vers les régions
fournissant des possibilités de subsistance au bétail. Notre
chiasme signale de suite que cette dépendance de la tribu n'est pas,
pour ainsi dire, directe, puisque le bétail n'est pratiquement jamais
sacrifié aux besoins de subsistance de la tribu, malgré le lait
constaté par les ethnographes que les tribus pastorales souffrent d'un
certain degré de sous-alimentation chronique. Ce n'est que les animaux
malades qui sont abattus, ou ceux servant à l'accomplissement de rites
cérémoniaux et religieux. La tribu elle-même tire sa
subsistance du lit de vache et de ses dérivés, de quelques
produits agricoles de base, et, s'il y a lieu, de pêche et de chasse.
Nous avons vu que le thème du bétail
était le second après celui du roi dans la poésie
dynastique. Cette circonstance nous révèle que l'existence des
hommes est extricablement liée à celle des bovidés, et
tout ce qui affecte la race bovine a une répercussion immédiate
sur les hommes. L'amour de bovidés se réduit à un culte
auquel sont associés le roi et son peuple. Le plus grand malheur qui
pourrait survenir à la nation serait la destruction du
bétail :
« Nous allions disparaître
Sans laisser souche de bovidés et
d'hommes ! »
(P. 138, p. 82)
La prospérité du peuple est, bien sûre,
liée à celle des bovidés. Accroître le troupeau,
c'est là la vraie richesse :
« Alors aux fidèles sujets
prédestinés à la richesse,
Yuhi ajoute les vache aux anciennement
octroyées.
(P. 123, p. 81)
On ne peut aspirer à la prospérité plus
idéale que celle que l'acquisition de bétail
confère :
« Eh bien, Source du pays, j'ai fait un
rêve !
J'ai vu en songe des myriades de bovidés
razziés dans Gihunya »
(P. 71, p. 62)
Parler de la vache comme élément culturel de
l'identité des Hima-Tutsi ouvre la voie de la connaissance de la valeur
matérielle de cet élément. Mutuza(630(*)) se réfère
à Papadopoulos. Celui-ci s'étant permis de formuler quelques
considérations sur le problème Watutsi-Bahutu par
référence au travail de l'ethnologue Belge J. Maquet qui, pour
tant que Papadopoulos sache, fut le premier à abordé
l'interprétation du problème de l'inégalité sociale
inhérente au système ruandais sur une base pour ainsi dire
philosophique dans son ouvrage sur l'organisation sociale ruandaise(631(*)).
Mutuza nous donne le Problème de
l'inégalité raciale et sociale au Ruanda comme titre de ses
réflexions à la page 19 de La Problématique du Mythe
Hima-Tutsi. Il est d'accord avec ce que Papadopoulos argumente contre
Maquet.
§2. Différenciation
de groupements et d'activités face aux fonctions du désir et de
la foi dans leur priorité sur le réalisme
Certes, il est vrai que l'analyse de Maquet sur le
problème de l'inégalité est très subjective. Cela
étant dû à la complexité du problème de cette
inégalité (apparente), Mutuza doit justifier sa position. La
phénoménologie peut l'aider. Mais la situation politique actuelle
en rapport avec la réduction phénoménologique
dégage l'essentiel de l'accidentel et du factice. J. Maquet se laissait
renvoyer au sujet transcendantal ; c'est-à-dire avec un regard pur
d'une intuition apodictique ; le Ruanda apparaissait alors comme un
phénomène. Mais déjà demain il fallait que notre
Maquet choisisse.
La référence à l'origine de
l'inégalité dénote une multiplicité et la
séparation de deux systèmes sociaux historiquement
attestés. Mais cette recherche des origines n'est pas l'un, l'unique
source de connaissance de ce problème. C'est le niveau
ontologico-biologique qui doit encore faire objet de cette recherche parce que
les Tutsi se considèrent non pas comme une ethnie mais comme une race
à part entière et bien différente des Bantu. Cela est
très important pour en arriver à l'élément culturel
de l'identité des Hima-Tutsi.
Mutuza, en acceptant la position de Papadopoulos, s'est rendu
coupable du fait que Papadopoulos pense en termes de cogito cartésien.
Or le cogito n'est point la dernière réalité, il n'est pas
l'absolu, il n'est qu'une sécularisation. Toutes les autres
sécularisations (Marx, Feuerbach, Hegel,...) en sont aussi une
réponse insuffisante. Une dernière et ultime réduction
était possible pour Mutuza si réduire pouvait signifie pour lui
saisir comme relatif et que tout relatif ne puisse se penser qu'en relation
avec l'absolu.
Mais malheureusement, que ce soit chez Maquet ou chez
Papadopoulos, Mutuza ne comprenait pas leur champ épistémologique
fondé sur la certitude phénoménologique. C'est pourquoi en
revenant à Mutuza deux grandes réalités existent : le
pasteur et l'agriculteur. Avec le pasteur nous avons la vache et avec
l'agriculteur c'est le terrain, l'espace géographique.
La valeur matérielle la plus significative, la plus
précieuse et presque exclusive dans la civilisation
négro-chamitique est la vache, avons-nous dit, et
généralement la race bovine. Le négro-Chamites orientaux,
au même titre que les peuples nilotiques, Shilluk, Nuer et Dinka, sont
des peuples éminemment pastoraux, éleveurs de gros bétail,
toute autre occupation économique étant complémentaire et
pour ainsi dire secondaire.
La vache conduisant le Tutsi, celui-ci est psychologiquement
et logiquement assujetti aux caprices animaux. Nous sommes en présence
d'une psychosociologie dont la fonctionnalité est à rechercher
dans le langage. C'est d'ailleurs là l'importance de la théorie
de communication où les Tutsi semblent se complaire en se ventant de la
tuerie. Il se peut qu'ils aient tué les Congolais sous le poids de ce
qu'ils en ont fait ; mais ils ne pensent pas qu'ils feront de tout ce
qu'ils disent un Tutsi qui vivra. Notre élément culturel des
Hima-Tutsi a permis une communication entre Hutu et Tutsi dans le droit
coutumier. Et le dialogue consensuel des différentes révolutions
ruandaises démontre l'ignorance qu'on avait de la psychologie sociale
dans le Ruanda sous examen.
Les psychosociologues ont mis en évidence le
rôle central du langage et de la communication dans l'organisation et le
fonctionnement de la vie sociale. Il existe une grande tradition de recherche
sur la communication non verbale qui montre qu'une communication inconsciente
complexe utilisant le langage du corps est nécessaire au bon
fonctionnement de l'interaction sociale. C'est de cette façon que
l'individu communique sa sympathie et laisse percevoir ses tendances
affectives.
Kurt Lewin, durant la Seconde guerre mondiale, a
montré que l'adoption d'un comportement (consommer des abats)
était favorisée par des discussions collectives (sur
l'économie de guerre ou les bienfaits de ces aliments), bien plus
qu'avec une conférence incitative. La forme de la communication
influence donc l'efficacité du message. La psychologie sociale
manifeste actuellement un intérêt croissant pour l'analyse du
discours. Le rôle du langage dans la construction du monde social est
appréhendé par des méthodes inspirées de la
linguistique, en particulier de la pragmatique.
L'étude comparative de l'élément culturel
de l'identité que Mutuza, Maquet et Papadopoulos ont brièvement
analysé est l'étude philosophique de l'histoire. Une
confrontation de deux civilisations sur le plan anthropologique entraine
inévitablement des jugements de valeur, car la notion même de
l'élément culturel est une de valeurs entendues tant
objectivement que subjectivement. Cette constatation éveille
immédiatement chez l'observateur la problématique non pas de
l'étude comparative des civilisations, mais aussi de celle des
civilisations étudiées en elles-mêmes et par rapport
à leur évolution historique. C'est faute d'une
problématique de valeurs qui déborde le domaine strict de la
science positive et contraint à la spéculation philosophique.
Attachons-nous toutefois aux données des deux
civilisations telles que les éléments de l'identité
culturelle nous les présentent. Dans l'examen, les Tutsi placent leur
vie quasi exclusive sur le bétail bovin, bétail qui occupe dans
l'échelle des valeurs matérielles la mesure de la limitation du
monde par rapport à la gamme considérablement plus étendue
que nous rencontrons dans la civilisation des Bahutu.
Cette inégalité considérée par
les occidentaux soulève des sérieuses difficultés surtout
par rapport à la théorie classique de l'évolution des
civilisations dans le temps, le néo-darwinisme. C'est nécessaire
de penser à cela ; mais cette introduction d'une notion nouvelle de
l'intégration nous induit en une nouvelle problématique ;
celle qui demande la détermination des critères d'après
lesquels cette nouvelle notion s'établit.
Ici le choix est forcément limité par la nature
même de et le sens du progrès culturel indissociablement
lié au développement des sociétés humaines. Et
c'est le développement qui servira de base à la
détermination des critères d'évaluation des moyens
culturels qui y contribuent. Laissez-nous donc adorer notre vache, diraient les
Hima-Tutsi et venez, mangeons-en la viande diront les Bantu.
§3. Réflexe
réactionnaire et fonction de mortalité collective
Ce qui vient d'être dit montre la
spontanéité des mécanismes psychiques qui tendent à
délimiter et réunir un groupement d'hommes particuliers dans une
sorte de « classe minoritaire ».
Leur conscience est dite spontanée ou directe si elle est
intentionnelle, c'est-à-dire portée vers l'objet auquel on fait
attention à un moment particulier. Elle est réfléchie au
sens où elle donne à l'homme la capacité de revenir sur ce
qu'il pense, ce qu'il vit, sent ou fait ; l'individu porte alors attention
à l'état de conscience lui-même. Enfin, elle est dite
psychique lorsqu'elle rend le sujet capable de percevoir sa propre
activité psychique et d'en revenir comme saisi de lui-même. Avant
René Descartes, le terme de conscience était
généralement lié à l'action et entendu dans le sens
de conscience morale désignant ce retour sur soi par lequel nous savons
que nous agissons, en même temps que nous portons un jugement sur nos
actions.
Cette levée de bouclier humain d'une minorité
dite de réactionnaires se retrouve toujours statistiquement
confirmée devant tout événement social, découverte
scientifique et philosophique de l'entropologie comme base de la connaissance
de l'homme plutôt que de l'anthropologie comme base biologico-culturelle
de l'homme. Ainsi, Galilée a-t-il été condamné,
les premières machines détruites par les ouvriers, les grandes
découvertes médicales combattues par des académiciens
mêmes, des vaccinations, encore aujourd'hui comme celles contre la
poliomyélite, refusées dans certains milieux. Des prouesses
chirurgicales ont été violemment critiquées, de nombreux
progrès techniques souvent mal interprétés, jusqu'à
ce que l'habitude de leurs présences en vienne à estomper la
méfiance, à en endiguer les rivières de problèmes
ethniques.
L'exemple le plus frappant est celui de l'intervention,
en 1990, de la Belgique, de la France et de plusieurs pays
d'Afrique centrale qui envoyèrent des troupes au Rwanda pour contrer un
coup d'État préparé par des exilés Tutsi à
partir de l'Ouganda. Réunis au sein du Front patriotique rwandais (FPR),
ceux-ci sont soutenus par des Hutu modérés, opposants au
régime et vivant à l'intérieur du pays. Pressé par
son opposition et par la vague de démocratisation qui traverse le
continent, le président Habyarimana accepte de mettre en place une
nouvelle Constitution en 1991 qui donne naissance à une
démocratie pluraliste. Le Conseil national de développement est
remplacé par une Assemblée nationale de transition et un poste de
Premier ministre est créé.
De plus en plus contesté au sujet
de sa volonté d'agir en faveur de la réconciliation et du partage
démocratique du pouvoir, le régime s'attaque à la fraction
des Hutu modérés qui lui ont servi de caution lors de sa prise du
pouvoir en 1994. Ceux qui détenaient des postes de responsabilité
démissionnent ; certains sont mystérieusement
assassinés. En juin 1999, le gouvernement décide de
prolonger de quatre ans la période transitoire pour permettre
l'élaboration d'une Constitution devant remplacer la Loi fondamentale
élaborée en 1994.
C'est avec la conscience de l'élément culturel
qu'est la vache que l'on rencontre toutes les grandes difficultés de ces
populations Hima-Tutsies. La conscience morale implique donc la reconnaissance
de certaines valeurs et la libre adhésion à ses valeurs. Or, la
valeur la plus éminente, la plus importante, sinon la seule valeur est
la vache. En ce sens, on dit qu'elle est normative. Y aurait-il donc plusieurs
consciences en l'homme sans liens les unes avec les autres ?
Section 3. Identité de l'élément
culturel chez les Hima-Tutsi
§1. Formation spontanée des groupes minoritaires
de contrôle
Ayant donné l'élément culturel chez les
Hima-Tutsi, il est question de savoir quelle est l'identité de cet
élément. Chez Mutuza, tout comme chez Papadopoulos, chez Van
Hove, avec la considération de Pagès et l'argument de Overdulve,
l'identité de cet élément est la
domination. La domination est l'exercice d'une
autorité souveraine, elle peut être aussi une
supériorité intellectuelle, morale ou sportive. Cela implique une
classification ou une typologie des valeurs sur lesquelles on se fonde pour
décrire cette domination.
Dans le cas sous examen, les
matières du code du droit ruandais sont classées sous trois
rubriques principales qui constituent les trois divisions
générales du droit coutumier ruandais, à savoir, le droit
militaire, le droit pastoral et le droit administratif qu'il serait plus
approprié de qualifier de droit politique. Avec le droit pastoral on est
aux cimes de la hiérarchie matérielle. Alexis Kagame qui a
rédigé ce code en a subdivisé en trois rubriques. Ces
trois rubriques sont subdivisées en chapitres et ceux-ci en articles
à la manière des codifications historiques. Epargnons-nous des
détails pour aller droit au but. Il y a plus de la moitié des
matières de ce droit qui est consacrée au droit des
bovidés. Ce qui est étonnant c'est qu'il y a des articles
réservés au culte dû aux reines des troupeaux et aux
taureaux.
Nous nous sommes servi des travaux sur l'ethnographie
ruandaise, ainsi que ceux de J. VAN HOVE, pour suppléer à notre
traitement de l'identité de l'élément culturel chez les
Hima-Tutsi. Comme d'ailleurs chez Mutuza, J. VANHOVE atteste qu'en principe le
Mwami est le propriétaire de tout le bétail ruandais. Les grands
chefs, c'est-à-dire les propriétaires terriens (les Hutu),
veillent pour son compte à la conservation du troupeau national. Il en
résulte que la détention du bétail par les sujets du
royaume est réduite à un droit d'exploitation ou d'usufruit et
non pas de propriété. Il s'en suit aussi que le sujet ne peut
disposer de son bétail, en le vendant par exemple, sans autorisation des
chefs des provinces ; exception consentie pour les vaches stériles
ou les taureaux.
C'est ici que notre hypothèse de la
considération de la vache comme viande par les Hutu s'affirme. Les chefs
terriens sont généralement les Hutu. L'accroissement des
troupeaux n'est pas prestige comme il en est le cas chez les Tutsi ; c'est
une viande. C'est pour cette raison qu'un sujet du pays en quittant une
province pour se rendre dans une autre ne saurait emmener son bétail
sans l'autorisation du chef, « et plutôt il l'abandonne
pour en recevoir un troupeau de même importance dans la province de son
nouveau domicile (632(*)).» Pour l'acquisition de ce nouveau troupeau on
tient compte de la couleur, de l'âge, des cornes et d'après ce que
la coutume prévoit. C'est ce qui justifie la
mécompréhension de VAN-HOVE devant les transactions intimement
liées aux institutions sociales du pays pour parler de «
la domination des Tutsi sur les Hutu(633(*)).»
Tout tourne autour de la vache : transactions sociales,
acquisitions, dons, dots, dotations, bêtes de sacrifice, hommages au roi,
impôts etc. La vache est une valeur matérielle, comme nous
l'avions dit, et son importance est quasi exclusive dans la civilisation. Et
les Hutu sont aussi contaminés de cette valeur sans pour autant
négliger l'espace géographique, espace que leurs ancêtres
leur ont légué.
Le père PAGES(634(*)) fait une nomenclature très
systématique des bovidés. Ces travaux sont l'exposition la plus
complète que nous possédons du droit coutumier ruandais, et c'est
d'ailleurs ce qui nous permet de bien parler de l'identité de
l'élément culturel des Hima-Tutsi. Ici, Mutuza ne s'était
pas beaucoup intéressé à la question de classification des
bovidés. Il jugeait inutile de traiter d'un tel problème tant
qu'il était évident pour lui que la vache est la seule valeur
matérielle pour les Tutsi. Mais une telle considération ne nous a
pas permis de trouver la mécompréhension de la notion de
domination.
Le § 164 du droit coutumier, tel que A. Kagame nous
le rapporte montre déjà l'influence de culte des morts des Hutu
sur les Tutsi. La problématique des la succession fondée sur
l'idée que le Mwami exerce le droit au nom de ses ancêtres qui
sont sensés être les véritables propriétaires est
claire. C'est ce que nos différents auteurs n'ont pas vu. Et la notion
de domination s'éclaircie grâce à cette étude de
l'élément culturel et de son mode de gestion.
Papadopoulos nous suggère encore une réponse
à la question de la domination : « Le contrat de
servage pastoral a généralement lieu entre Batutsi,
propriétaires de bétail, et Bahutu. Bien que pour les derniers
(Bahutu) ce contrat représente une amélioration de leurs
existence économique et sociale, pour les premiers (Batutsi) c'est un
moyen de domination des populations non Batutsi, domination qui s'entend tant
dans un sens social qu'économique(635(*)). »
La valorisation systématique de l'idée de
domination d'une « race supérieure » constituait la
base idéologique de l'Holocauste, qui engendra des
phénomènes de rejet (ségrégation, formation de
ghettos), d'asservissement (travail forcé), d'expulsion
(déplacements de populations) et finalement le génocide.
En règle générale, le
sentiment de supériorité s'accompagne de la conviction que les
autres races constituent un danger, ou sont génératrices de
désordre social. Ce préjugé repose sur le mécanisme
bien connu de la recherche du bouc émissaire, qui rend responsable un
groupe social de la crise économique et politique, en l'accusant
d'être un élément naturellement perturbateur.
En effet, les inégalités sociales qui frappent
souvent des groupes sociaux distincts entraînent une assimilation entre
ces groupes et des phénomènes tels que la délinquance ou
la pauvreté. Cependant, de nombreuses formes de racisme perdurent dans
les sociétés contemporaines, en dépit des injonctions du
droit international, et notamment des conventions sur les droits des
minorités et de la personne humaine. Il est encore enrichi avec la
naissance de la science politique sous sa version actuelle.
L'autonomisation de la science politique s'est ainsi
accompagnée, selon Marcel Prélot, d'une triple approche des
phénomènes politiques. Une première approche
prend pour objet un certain type de relations humaines parmi l'ensemble des
rapports sociaux, qu'il s'agisse de relations de conciliation, de
subordination, de domination ou d'antagonisme, comme c'est le cas chez Carl
Schmitt. Toutefois, cette approche n'est pas parvenue à identifier un
type de relation suffisamment cohérent pour fournir la matière
propre à une science autonome.
Dans une seconde approche, classique et
prolifique, la notion centrale est le pouvoir, faisant de la science politique
la science du pouvoir. On rattache à ce courant un grand nombre de
chercheurs américains, les plus nombreux et les plus actifs dans ce
domaine, mais aussi des auteurs plus classiques comme Platon et Machiavel
(le Prince, 1515) ou le sociologue Max Weber. L'un de ses
prolongements contemporains est le béhaviorisme, très en vogue
aux États-Unis, qui applique l'analyse objective et le calcul à
toutes les manifestations observables du comportement humain. Cependant,
étendu à toutes les formes de puissance, d'influence ou de force,
l'objet de cette approche se dilue et dépasse de loin les
phénomènes proprement politiques, tant le pouvoir non
spécifiquement politique se niche partout dans les groupes humains.
Enfin, issue d'une tradition millénaire,
la conception institutionnelle de la politique se concentre sur l'État,
défini comme une collectivité à base territoriale,
organisée et représentée par des organes détenteurs
légitimes de l'usage de la contrainte, intérieure et
extérieure. Historiquement situé, l'État, institution
suprême et englobante, se distingue de tous les autres groupements, tant
quantitativement que qualitativement. L'État intègre, par
conséquent, dans un objet homogène, l'ensemble des
phénomènes politiques. C'est là que nait l'idée de
domination sous sa forme actuelle et dans le cas sous examen. Et on a dû
penser de la domination tutsie, en insistant sur la soumission des Hutu.
§2. Domination et temps
anthropologique face à la notion universelle de l'infini
L'étude comparative des monuments littéraires
brièvement analysés est l'étude comparative des
civilisations que ces monuments représentent ou, plutôt, dont ils
font parti. Une confrontation de deux civilisation sur le plan anthropologique
entraîne inévitablement des jugements de valeur, car la notion
même de civilisation est une de valeurs entendues tant objectivement que
subjectivement. Cette constatation éveille immédiatement chez
l'observateur la problématique non seulement de l'étude
comparative des civilisations, mais aussi celle des civilisations
étudiées en elles-mêmes et par rapport à leur
évolution historique. C'est toute une problématique de valeurs
qui déborde le domaine strict de la science positive, l'avions-nous
déjà dit plus haut, et qui contraint à la
spéculation philosophique.
Dans l'examen comparatif des valeurs rencontrées dans
les poèmes dynastiques nous avons constaté des
inégalités lesquelles, pour éviter de se laisser
entraîner dans le domaine des jugements de valeur, nous situons
provisoirement dans la catégorie quantitative. Et c'est notamment dans
le domaine des valeurs matérielles, morales et intellectuelles que nous
avons constaté l'inégalité. La place quasi exclusive que
le bétail bovin occupe dans l'échelle des valeurs
matérielles(636(*)) donne la mesure de la limitation du monde de ces
valeurs par rapport à la gamme considérablement plus
étendue que nous rencontrons dans la civilisation des Hutu. Cette
inégalité considérée dans le temps chronologique
conventionnel soulève des difficultés graves surtout par rapport
à la théorie classique de l'évolution des civilisations
dans le temps.
Si le sociologue français G. Gurvitch a analysé
les différentes formes de « temps sociaux »
exprimés au sein des groupements particuliers comme dans celui des types
de sociétés globales, nous croyons que les individus prennent
conscience des événements ou des avènements personnels ou
collectifs en vivant de temps différents (le psychologue parlera
plutôt de durées polydimensionnelles) selon la structure des
collectivités. Celles-ci sont déterminées par le milieu
géographique ambiant (exemple des saisons, des moissons, etc.), ou par
le caractère des civilisations proprement dites ou selon les groupements
particuliers dont les activités se superposent ou se combinent avec la
société globale.
En analysant les éléments psychodynamiques de
chaque société ou de chaque groupement nous trouvons une
identité qui se dessine par une entropie sociale. C'est une affliction,
et la vraie dimension du temps devient la désintégration. Ce qui
nous rassure d'introduire une dimension nouvelle du temps que nous appelons
temps entropologique.
Peut-on définir ce qu'est le temps ? Il est
impossible de définir le temps dans ses trois dimensions (passé,
présent et avenir) ; définir le temps, ce serait dire :
« le temps, c'est... ». Or, on ne peut demander ce qu'est
le passé (qui n'est plus) ou l'avenir (qui n'est pas encore) : seul
le présent est, mais le présent n'est pas la totalité du
temps.
Plus qu'une chose à définir, le temps est la
dimension de ma conscience, qui se reporte à partir de son
présent vers l'avenir dans l'attente, vers le passé dans le
souvenir et vers le présent dans l'attention (Saint Augustin).
En quoi la conscience est-elle temporelle(637(*)) ? Edmund Husserl
montre comment la conscience est toujours conscience intime du temps. Si je
regarde à l'intérieur de moi, je n'y trouve pas une
identité fixe et fixée d'avance, mais une suite de perceptions
sans rapport entre elles (le chaud puis le froid, le dur puis le lisse par
exemple). C'est alors la conscience du temps qui me permet de poser mon
identité : la conscience du temps me permet de comprendre que dans
cette suite de perceptions, ce n'est pas moi qui change, mais c'est le temps
qui s'écoule. Mon identité est donc de part en part
temporelle.
Surtout, la perception suppose que ma conscience fasse la
synthèse des différents moments perceptifs : j'identifie la
table comme table en faisant la synthèse des différentes
perceptions que j'en ai (vue de devant, de derrière, etc.). Or, cette
synthèse est temporelle : c'est dans le temps que la conscience se
rapporte à elle-même ou à autre chose qu'elle.
Si le temps n'est pas une chose, qu'est-il ? Selon
Emmanuel Kant, le temps n'est ni une intuition (une perception), ni un concept,
mais plutôt la forme même de toutes nos intuitions : cela seul
explique que le temps soit partout (tout ce que nous percevons est dans le
temps) et cependant nulle part (nous ne percevons jamais le temps comme
tel)(638(*)).
Nous ne pouvons percevoir les choses que sous forme de temps
et d'espace ; et ces formes ne sont pas déduites de la perception,
parce que toute perception les suppose. La seule solution consiste donc, pour
Kant, à faire du temps et de l'espace les formes pures ou a priori de
toutes nos intuitions sensibles : le temps n'est pas dans les choses, il
est la forme sous laquelle notre esprit perçoit nécessairement
les choses.
Quelle est la solution proposée par Bergson ? Ni
le passé, ni l'avenir ne sont : seul l'instant présent
existe réellement, et le temps n'est que la succession de ces instants
ponctuels de l'avenir vers le passé. Quand nous essayons de comprendre
le temps, nous le détruisons en en faisant une pure ponctualité
privée d'être.
Henri Bergson montre ainsi que notre intelligence comprend le
temps à partir de l'instant ponctuel : elle le spatialise, puisque
la ponctualité n'est pas une détermination temporelle, mais
spatiale. Le temps serait alors la succession des instants, comme la ligne est
une succession de points. Notre intelligence comprend donc le temps à
partir de l'espace : comprendre le temps, c'est le détruire comme
temps. À ce temps spatialisé, homogène et mesurable, il
faut donc opposer notre vécu interne du temps ou
« durée ».
À ce temps spatialisé, homogène et
mesurable, il faut donc opposer notre vécu interne du temps, ou
« durée » : la durée, c'est le
temps tel que nous le ressentons quand nous ne cherchons pas à le
comprendre. Elle n'a pas la ponctualité abstraite du temps : dans
la durée telle que nous la vivons, notre passé immédiat,
notre présent et notre futur immédiat sont confondus.
Tout geste qui s'esquisse est empreint d'un passé et
d'un avenir : se lever, aller vers la porte et l'ouvrir, ce n'est pas pour
notre vécu une succession d'instants, mais un seul et même
mouvement qui mêle le passé, le présent et l'avenir. La
durée n'est pas ponctuelle, elle est continue, parce que notre
conscience dans son présent se rapporte toujours à son
passé et se tourne déjà vers son avenir. La durée
non mesurable, hétérogène et continue est donc le vrai
visage du temps avant que notre intelligence ne le décompose en instants
distincts.
Sous quel signe le temps place-t-il notre existence ? Non
seulement le temps place notre existence sous le signe de
l'irréversible, mais il éveille en nous la possibilité
d'une conscience morale : je me reproche mon passé parce que je ne
peux rien faire pour annuler les erreurs que j'ai commises.
Parce que le temps est irréversible, je crains mon
avenir et je porte le poids de mon passé ; parce que mon
présent sera bientôt un passé sur lequel je n'aurai aucune
prise, je suis amené à me soucier de ma vie.
Selon Martin Heidegger, c'est même parce qu'il est de
part en part un être temporel que l'homme existe. Les choses sont, mais
seul l'homme existe (au sens étymologique) : l'homme est
jeté hors de lui-même par le temps. Être temporel, ce n'est
donc pas simplement être soumis au temps : c'est être
projeté vers un avenir, vers du possible, avoir en permanence à
choisir et à répondre de ses choix (ce que Heidegger nomme le
souci).
Le temps fait-il de la mort notre horizon ? Si je ne
savais pas d'avance que je vais mourir un jour, si je n'étais pas
certain de ne pas avoir tout le temps, je ne me soucierais pas de ma vie. Ce
n'est donc pas la mort qui nous vient du temps, mais le temps qui nous vient de
la mort (Heidegger). Je ne meurs pas parce que je suis un être temporel
et soumis aux lois du temps, au contraire : le temps n'existe pour moi que
parce que la perspective certaine de ma mort m'invite à m'en soucier. Et
comme personne ne pourra jamais mourir à ma place, personne ne pourra
non plus vivre ma vie pour moi : c'est la perspective de la mort qui rend
chacune de nos vies uniques et insubstituables.
Pour bien comprendre cette vocation, les ouvrages marxistes se
devaient de montrer le monde capitaliste sous le jour le plus haïssable,
technique impérieuse pour préparer la force psychologique de
combat de la masse prolétarienne. Il était cependant inopportun
de prétendre que tous les patrons ou propriétaires d'entreprises,
ou de toute organisation commerciales « à but
lucratif » ne pouvaient qu'abuser des salariés dans un but
exclusif de lucre au mépris de tout humanisme. C'est le problème
réel de la domination que l'on rencontre dans les études de
Mutuza. Ses affirmations nous poussent à la recherche du contenu du
concept domination.
La domination des Tutsi sur les Hutu qu'on nous
présente ressemble à une mécompréhension des
termes. Puisque les mauvais trafiquants entreprennent de rendre le
phénomène social de mauvais aloi, en obscurcissant la
clarté du concept par un mélange avec des pensées
hérétiques et fausses, par ignorance de la culture ainsi
observée, soit parce qu'ils les reçoivent - et c'est mal - comme
bon leur semble, ils le tirent dans le sens qui vient au secours de leur propre
méchanceté, et disent, pour détruire le Ingoma
des Hutu, que la vache comme valeur matérielle s'accorde à leur
pensée : la soumission de Hutu, puisqu'une telle
compréhension de la soumission manifeste une certaine idée de
consensus des deux communautés. C'est pourquoi il a paru
nécessaire d'examiner avec soin une telle idée de domination qui
touche à ce sujet, afin de montrer que la culture des Hutu est
véritablement pure de toutes souillures, exempte de toutes les
considérations occidentales de la soumission ou de la domination, sans
mélange avec elles.
· Que signifie dominer dans le
cadre où le maître n'est pas le modèle?
Nous savons donc que, selon l'usage des textes
anthropologiques, un tel mot a une pluralité de sens et ne s'adapte pas
toujours aux mêmes idées, mais tantôt signifie ceci,
tantôt renvoie à cela. On dit par exemple que le commerce
triangulaire a renforcé l'esclavagisme et que les esclaves furent soumis
à leurs propres maîtres. Et, à propos de la nature
irrationnelle, que les Lega pratiquent l'élevage pour soumettre les
chèvres et la forêt. A propos de ceux qui sont vaincus à la
guerre, ils disent que « les Lega viennent d'ailleurs ; les
territoires qu'ils occupent actuellement aurait appartenu à d'autres
ethnies qu'ils auraient assimilées après de nombreuses guerres,
ou auxquelles ils se seraient eux-mêmes
assimilés(639(*)). » Mais faisant mémoire de
ceux qui sont sauvés grâce à la connaissance, les textes
mettent en « contraste les Lega et les Blancs(640(*)) », comme si les
Lega étaient les seuls Noirs face aux Blancs. Et il semble que ce que
nous trouvons chez Van Hove est proche de cela, quand il
dit : « Pour les premiers [les Batutsi], le
contrat de servage est un moyen de domination(641(*)) ».
Et par-dessus tout, l'expression que l'impérialisme nous objecte, dans
les relations Hutu- Hima-Tutsi : « les Tutsi
invincibles ».
Mais puisque le sens de ce mot conduit à beaucoup
d'idées, il serait bon de prendre séparément chacune de
ces acceptions en soi et reconnaître à quel sens du mot domination
s'apparente la parole des textes anthropologiques. Nous disons donc, à
propos de ceux qui sont vaincus à la guerre par la puissance de ceux qui
les dominent, que le sens du mot domination désigne le fait de se
courber malgré soi et par nécessité devant les vainqueurs.
Car si quelque pouvoir échoit ensuite aux prisonniers, qui leur
suggère l'espoir de s'élever au-dessus de ceux qui les dominent,
alors ils se dressent en face de ceux qui les ont dominés, estimant que
le fait d'avoir été soumis à leurs ennemis est une
injustice et un affront.
Dans un autre sens, les choses irrationnelles sont soumises
aux rationnelles parce que leur nature manque de ce qui est le plus grand des
biens, c'est-à-dire la raison, car il est nécessaire, selon la
bonne répartition naturelle, que ce qui manque soit soumis à ce
qui possède davantage. Mais ceux qui sont dominés et sous le joug
de la servitude à cause de la conséquence d'une loi, bien que,
selon la nature, ils soient égaux, reçoivent le rang de
dominés parce qu'ils sont conduits à la soumission par
l'inflexibilité de la nécessité. Enfin, le but de la
soumission des Tutsi à la vache c'est le salut, comme nous l'apprenons
de la poésie dynastique qui nous dit :
« Nous allions disparaître
Sans lisser souche de bovidés et
d'hommes »
(P. 138, p. 82)
· La soumission aux Hutu ou la
force de l'ouvrier sur son maître
Donc lorsque les occidentaux nous objectent les textes
ethnographiques qui disent que les Hutu se furent soumis aux Tutsi, il serait
logique, étant donné la diversité de sens du mot, de leur
demander quel sens du mot domination ils ont en vue pour penser qu'il faut
l'appliquer aux Hutu. Mais il est évident qu'ils diront qu'il ne faut
penser la domination des Hutu en aucun des sens que nous avons dits. Car ce
n'est pas étant ennemis qu'ils auraient été soumis par la
guerre, de telle sorte qu'ils mettent en retour leurs efforts et leurs espoirs
dans un soulèvement contre les Tutsi qui les dominent. Ce n'est pas non
plus comme des vaches, créatures irrationnelles, que les Hutu subiraient
comme une nécessité naturelle la soumission parce que le bien
leur ferait défaut, telle la soumission du petit bétail, des
troupeaux ou des boeufs à l'égard de l'homme. Ce n'est pas non
plus à la ressemblance des esclaves achetés à prix
d'argent ou nés de la maison qu'ils attendent, asservis qu'ils seraient
par la loi, d'être libérés de leur servitude par
bonté ou grâce. Mais, pourrait-on objecter, ce n'est pas non plus
en conformité avec le but et la ressemblance des belligérants.
Quel sens du mot domination peuvent-ils raisonnablement leur
appliquer de manière propre ? Car on a trouvé que tous les
sens découverts sont très loin de pouvoir être
pensés ou dits de manière propre aux Hutu. Mais s'il faut ajouter
aussi cette forme de domination dont parlent les textes ethnographiques, il ne
convient pas non plus que cela soit dit du maître du terrain par rapport
aux « transplantées, immigrées,
réfugiées ou clandestines, les populations Hima-Tutsi qui ont
trouvé asile sur le sol hospitalier de la République
Démocratique du Congo, se sont comportées et ont vécus en
conquérantes »(642(*)).
§3. Adaptation et temps
entropologique face à l'expérience biologique et philosophique de
la mort et de l'éternité
Le manque de culte des morts chez les Tutsi est une preuve
frappante de leur vie sans espérance. C'est d'ailleurs la
caractéristique de tous les
Üèåôïé parce qu'ils
manquent le temps historique. Nous avons vu qu'il y a une différence
entre le temps chronologique, historique et le temps anthropologique ou
ethnologique. C'est en effet, grâce à la civilisation des royaumes
négro-chamitique de l'Est africain que nous avons la connaissance des
mouvements migratoires des tribus chamites ou nilo-chamites aux environs du X
e siècle, et qui n'a pris sa forme définitive
qu'après le XIII e siècle. Cette civilisation est tout
au plus contemporaine de la dernière période de la civilisation
lega, laquelle avait en attendant depuis longtemps atteint ses formes
définitives. Comment dès lors expliquer cette
inégalité des valeurs civilisatrices dans la
contemporanéité du temps conventionnel, inégalité
qui devient beaucoup plus aiguë dans le cas de la survivance de
civilisations hautement évoluées ? La théorie
évolutionniste classique ne saurait donner une explication valable de
ces inégalités se présentant dans la
contemporanéité du temps chronologique conventionnel, ou à
des distances irrégulières dans ce même temps, même
si elle avait recours à l'argument de l'évolution
indépendante des civilisations dans l'espace, car alors elle aurait
à justifier deux phénomènes par excellence
antiévolutionnistes, celui de la régression d'une part, celui de
la stagnation de la civilisation d'autre part. La difficulté ainsi
créée ne saurait être levée qu'en faisant
abstraction du temps chronologique conventionnel, adapté aux
données physique, et en adoptant à sa place la notion du temps
anthropologique qui, lui-même, sans toutefois démunir de toute
signification anthropologique le premier, prend l'envol entropique. C'est
là la nécessité du temps entropologique. Et cette
dissociation des deux temps s'avère nécessaire en matière
de traitement anthropologique, où la classification des civilisations
dans leurs rapports essentiels et organique impose le temps culturel en tant
que postulat méthodologique.
Mais cette introduction d'une notion nouvelle de temps
entropologique nous induit en une nouvelle problématique ; celle
qui demande la détermination des critères d'après lesquels
cette notion s'établit. Ici le choix est forcément limité
par la nature même et le sens du progrès culturel indissolublement
lié au développement qui servira de base à la
détermination des critères d'évaluation des moyens
culturels qui y contribuent. Tout moyen culturel sert à l'affirmation et
la promotion du phénomène social, et par conséquent le
critère de son évaluation anthropologique repose sur le
degré de sa contribution à cette affirmation et promotion. Il
s'ensuit que nous jugerons la valeur anthropologique et sociale des moyens
culturels par leur degré respectif d'universalité relative,
c'est-à-dire le degré de leur portée effective ou
potentielle sur le phénomène social. Nous avons là une
base sûre d'adaptation et de gradation des valeurs culturelles, savoirs
sociales, sur une échelle axiologique conçue en conformité
avec l'idée générale du progrès social et de la
mort par l'inventaire darwinien.
L'adaptation, en biologie, est un
ensemble des caractéristiques (et de leurs modifications) qui
permettent à une espèce de se maintenir dans un milieu
donné, et, lors de changements de cet environnement, de survivre et de
continuer à se reproduire. Ces caractéristiques peuvent
être anatomiques, physiologiques ou comportementales. Le
phénomène d'adaptation est lié au processus
d'évolution par sélection naturelle.
Elle est la possibilité pour une
espèce de développer de nouvelles armes pour survivre dans un
environnement inhabituel. Chaque espèce possède en effet un
certain nombre de caractères dits adaptatifs, qui maintiennent
l'adéquation entre l'espèce et son milieu, autorisant sa survie
et sa reproduction. Les caractères adaptatifs sont l'utilisation
optimale des conditions et des ressources de l'environnement, la défense
adéquate contre les prédateurs et la protection contre toute
autre condition défavorable à la survie de l'espèce.
Les exemples remarquables d'adaptation ne manquent
pas. Les bandes que présentent les coquilles des escargots, certaines de
couleur sombre, d'autres de couleur claire, en sont un. Les coquilles à
dominante sombre absorbent en effet plus d'énergie solaire que les
claires : ces escargots, qui semblent pourtant vivre dans le même
milieu que ceux à coquille claire, sont avantagés dans les
microclimats frais et ombreux (en revanche, ils risquent la mort par choc
thermique dans les endroits chauds et ensoleillés). Les divers types
d'escargots se cantonnent donc aux endroits dont les conditions climatiques
leur conviennent.
La recherche moderne vise à
évaluer le plus précisément possible les filiations entre
les espèces, à comprendre les mécanismes des
phénomènes adaptatifs et, enfin, à décrypter les
différentes étapes de ce long et lent travail évolutif.
Par un travail d'observation sur le terrain, et
en laboratoire, l'éthologie et les sciences cognitives visent à
déterminer si l'acquisition de tel caractère adaptatif est
innée ou acquise. La méthode de l'ingénierie inverse,
quant à elle, part du résultat de l'adaptation, à savoir
les caractéristiques anatomiques ou physiologiques d'une espèce.
Elle explique, par exemple, pourquoi l'aile de tel oiseau présente telle
forme. Ainsi l'analyse aérodynamique des ailes des aigles montre que
leur conformation est idéale pour la pratique du vol plané (qui
fait partie intégrante de la technique de chasse de ces rapaces).
Les méthodes de l'ingénierie
inverse ont ouvert la voie à un certain nombre de découvertes. On
connaissait, par exemple, l'existence dans le cerveau humain de
récepteurs spécifiques de la morphine, une substance calmant la
douleur extraite de l'opium. On supposa dès lors qu'il devait exister
une substance naturelle, produite par l'organisme, qui se fixerait sur ces
récepteurs. C'est ainsi que furent découvertes les endorphines,
neurotransmetteurs de structure similaire à la morphine.
La reconstitution environnementale essaie
d'évaluer l'importance relative des paramètres du milieu qui ont
participé à la création de nouvelles espèces par le
biais des processus évolutifs. Il faut considérer les organismes
comme des produits des environnements dans lesquels ont vécu leurs
ancêtres successifs. Étudier les caractères adaptatifs
permet donc de reconstruire les conditions dans lesquelles évoluaient
ces ancêtres. Ces recherches mettent en valeur les
caractéristiques stables et persistantes des environnements
passés, dans leurs aspects à la fois physiques, chimiques,
écologiques et sociaux.
Cela dit, toutes les caractéristiques
des organismes ne sont pas pour autant des adaptations aux environnements
actuels. Il se produit, en effet, des décalages dans le temps : les
organismes montrent des adaptations qui ne sont pas conditionnées par
leur propre environnement mais par celui des générations
précédentes. On observe, par exemple, chez certaines
espèces animales, des vestiges d'organes dont la fonction a disparu
depuis longtemps. L'appendice vermiforme de l'Homme est l'exemple classique
d'organe atrophié hérité des générations
antérieures.
Ainsi l'expérience biologique et la philosophie de la
mort et de l'éternité nous fait comprendre ce que, pour les
finalistes idéalistes, l'expérience médicale
avancée par les matérialistes positivistes du malade
réanimé après avoir été légalement
déclaré incontestablement mort et qui ne se rappelle plus rien
lors de sa réanimation - expérience présentée comme
une preuve irréfutable et définitive de la non-existence de
l'âme - apparait comme relevant d'une conclusion bien empirique pour
appuyer un humanisme moral sur lequel une éthique matérialiste
peut se fonder pour régir les relations de l'homme et de
l'humanité. La « prothèse » biologique
étant autoréglée par l'interprétation
électronique synchronique de l'électro-encéphalogramme, il
est absurde de voir un peuple qui manque de rituel pour les morts. Or, c'est
parce que l'homme change des positions après sa mort que les
archéologues et biochimistes sont intrigués et voient en la
nature l'élément important qui, posant sa résistance
à l'homme, le permet cependant de découvrir sa vraie nature.
Cet état de chose est intriguant et laisse beaucoup de
consciences troublées à la pensée de savoir que les Tutsi,
bien qu'au milieu des Hutu, ne savent pas où va l'âme et se
demande ce que devient l'âme chez un « mort-vivant »
ou chez un sujet devenu profondément psychopathique, incapable de
réflexion, ou pratiquement inconscient. C'est avec cette idée que
l'on peut comprendre la manière de dominer que les Tutsi on eu sur les
Hutu. L'existence de l'âme implique l'espérance. Or le
problème de l'âme est presque évacué,
l'espérance l'est de même. L'homme devient une matière si
pas inférieure à la vache, du moins il en est le serf.
C'est parce qu'il y a éloignement de tels
présupposés aux considérations métaphysiques, nous
sommes en difficulté de trancher le problème. Mais l'influence
considérable des facteurs métaphysiques et de toutes les
préoccupations privées qui les accompagnent dans le
conditionnement de l'équilibre psychique de la personnalité
individuelle, comme de la mentalité collective, peuvent être
prioritaires sur toutes les autres fonctions psychosomatiques. Ne s'agit-il pas
d'intégration, une intégration au sens mathématique de la
théorie des ensembles ?
Section 4. Intégration et identification de
l'élément culturel du mythe Hima-Tutsi
§1. Fin ou début
d'une époque : le problème métaphysique et la
relativité d'Einstein et d'Augustin
Dans toutes les sociétés bantoues, le terme
personne doit garder le sens qui lui confère ses origines
dramatiques. On comprend alors pourquoi à toutes les étapes de sa
vie l'individu est pris en charge et magnifié par son groupe, qui
progressivement étoffe le personnage. C'est le sens de ces
cérémonies d'initiation (bwame, mukanda, etc.), d'investiture,
qui ponctuent ces moments essentiels de la vie que sont la naissance, la
puberté et la mort, accidents dans la vie du groupe que la
société doit harmoniser dans l'intérêt de chacun.
Ainsi donc, au sein de sa communauté et grâce
à celle-ci, l'individu se construit et vit pleinement une existence
limitée, certes, aux contours de son groupe, mais riche cependant de
toutes les valeurs traditionnelles de celui-ci. L'individu devient pour ainsi
dire un miracle et un mystère.
Dans sa correspondance avec Solovine, Einstein dénonce
« le point faible des positivistes et athées
professionnels qui se sentent heureux parce qu'ils ont la conscience non
seulement d'avoir, avec un plein succès, privé le monde des
dieux, mais aussi de l'avoir dépouillé des
miracles »(643(*)). Lui-même avait pris soin de définir
plus haut ce qu'était, à ses yeux, le miracle.
« vous trouverez curieux, dit-il à son ami, grand
mathématicien, que je considère la
compréhensibilité du monde (dans la mesure où nous sommes
autorisés à parler d'une telle compréhensibilité)
comme un miracle ou comme un éternel
mystère »(644(*)). Mais il s'en explique aussitôt.
Alors que' « a priori, dit-il, on devrait s'attendre
à un monde chaotique » où la pensée n'ait
pas de prise, il se trouve que ce monde est saisissable par
« notre intelligence ordonnatrice ». Le cas de la
théorie de Newton en est un signe indiscutable.
« Même si les axiomes de la théorie de la
gravitation universelle, poursuit, Einstein, sont posés par l'homme, le
succès d'une telle entreprise suppose un ordre d'un haut degré du
monde objectif, qu'on était a priori nullement autorisé à
atteindre ». Et Einstein d'ajouter : « C'est
cela le miracle, qui se fortifie de plus en plus avec le développement
de nos connaissances »(645(*)).
Einstein retrouve ainsi, à son insu, une pensée
familière d'Augustin. « Tout ce qui s'accomplie de
merveilleux en ce monde, disait l'évêque d'Hippone dans un
contexte tout à fait différent puisqu'il s'agissait alors du feu
de l'enfer, l'est certainement moins que ce monde dans son ensemble,
c'et-à-dire le ciel, la terre et tout ce qu'ils
renferment...Peut-être le miracle des natures visibles a-t-il perdu de sa
vertu à force d'être vu : il n'en est pas moins, à le
considérer sagement, supérieur aux miracles les plus
extraordinaires et les plus rares »(646(*)). Pour prouver la grandeur
d'un tel sage ordonnateur, Augustin ajoute, cette fois ci à propos de la
multiplication des pains : « C'est un plus grand
miracle de gouverner l'univers que de rassasier cinq mille hommes avec cinq
pains, et cependant, personne ne s'émerveille ». Il en
tirait une remarque qui vaut encore de nos jours : « les
hommes admirent le rare beaucoup plus que le grand »(647(*)).
L'organisateur de l'univers nous apprend que le curieux, c'est
que nous devons nous contenter de connaître l'
« organisation » sans qu'il y ait une voie légitime
pour aller au-delà. Est-ce si sûr. L'intégration implique
la cession des certaines matières à une instance
supérieure. Celle-ci est définie par la conscience qu'on a de ne
pouvoir jamais échapper au pouvoir de la mort. On peut alors dire
négativement qu'elle .n'est pas le fait du hasard ni une simple
déclaration. S'il est difficile pour l'homme d'échapper au
concept d'un futur illimité dans le temps, il lui est, par contre,
beaucoup plus difficile de concevoir un passé qui n'a jamais
commencé. Il lui est malaisé de prendre conscience d'un univers
qui aurait évolué éternellement (refaisant
éventuellement indéfiniment les mêmes cycles) sans aucune
intervention « surnaturelle » pour changer le cours de
cette effrayante monotonie. Il était plus facile pour l'esprit humain
d'attribuer ce mystère incompréhensible d'un « monde
qui n'a jamais commencé » à un être
immatériel, à un absolu d'essence infinie. La relativité
d'Einstein conduit des philosophes modernes à élucider un
« espace-temps » courbe, susceptible de se replier sur
lui-même, en sorte que cette entité serait à la fois finie
et infinie comme la ligne d'un cercle, alors que le néant ne
possède aucune dimension euclidienne, ni aucun temps.
De même qu'un événement qui a
existé sera toujours un fait qui a existé, que ce qui a
été dans le passé ne peut plus « ne pas avoir
été », de même, un événement futur,
qui n'est qu'une virtualité tant qu'il n'est effectivement pas apparu,
n'en reste pas moins une « puissance concrète », un
événement dans une dimension hors de laquelle l'action
présente en cours ne peut s'échapper. Et comme les philosophies
matérialistes ne pouvaient admettre la coprésence d'un
volonté indépendante, c'est de l'intégration de
l'élément identitaire dont il sera question.
Si l'intégration des Tutsi est en réalité
l'intégration de la vache, cette intégration est saisie ici par
les chercheurs et universitaires spécialistes en sciences sociales dans
son échec comme un résultat de l'histoire. Comment alors donner
pour naturel l'anti-nature que représente ainsi le congé
arbitraire donné par les belligérants à la guerre ?
En revanche, si une telle aberration est l'oeuvre de la liberté au sein
de la culture, elle peut être à son tour
révoquée.
Ayant perdu conscience de son rapport au Hutu ou l'ayant
refusé, le Tutsi n'a pas pu détruire en lui la capacité
linguistique qu'il en a, capacité dont témoignent les
anthropologues, les ethnologues, les ethnographes, les historiens, les
archéologues, les missionnaires, etc., avec la tradition tout
entière ; le Tutsi en a seulement perverti ou déplacé
l'objet. Pas plus qu'on ne saurait nier l'existence du désir
refoulé qui travaille en nos rêves, comme l'a montré Freud,
on ne peut supprimer l'existence de celui en qui s'origine la guerre à
l'Est de la RD Congo où les populations sont devenues pauperissimes.
L'émergence de la pauvreté et le
développement de l'individualisme(648(*)) dans la société contemporaine
conduisent à s'interroger sur la nature du lien social qui unit les
citoyens. Les instances traditionnelles d'intégration que sont la
famille ou l'école, sont-elles dépassées ? Comment se
met en place le sentiment d'appartenance ? Le lien social est-il
menacé ? L'intégration permet au lien social de se
renforcer. Elle désigne le processus qui lie l'individu à des
groupes sociaux et à la société, qui lui permet de se
socialiser, de s'intégrer à la société et d'en
tirer les éléments de son identité. L'intégration
est ce qui donne une existence au groupe, au-delà de la simple
juxtaposition d'individus isolés.
L'intégration passe par la socialisation : par ce
mécanisme, les individus intériorisent les rapports sociaux,
assimilent les valeurs, les normes et les croyances de la
société. Cet apprentissage se déroule tout au long de la
vie par l'intermédiaire de différents agents de socialisation (la
famille, l'école, les groupes d'âge ou les relations
professionnelles). Par exemple, le rôle de l'école excède
largement la transmission de connaissances et l'apprentissage du savoir :
l'enfant, puis l'adolescent, apprend des règles de conduite dans un
groupe social élargi et prend conscience de la réalité
complexe d'une collectivité. On distingue les agents primaires de
socialisation (famille, école) des agents secondaires (entreprise,
syndicat, association).
La distinction classique en sociologie entre communauté
et société consiste à opposer deux formes de lien social.
Elle a été établie à partir du constat des
transformations économiques et sociales de la fin du
XIXe siècle qui ont abouti aux sociétés
industrielles. La communauté désigne les sociétés
anciennes ou traditionnelles. Elle est le résultat d'un agencement
naturel des rapports sociaux. Les regroupements sont basés sur les liens
de sang (la famille), la proximité (le voisinage) et l'appartenance
religieuse. Les relations sociales sont définies par leur
caractère affectif et spirituel, appuyées sur la grande
proximité spatiale et sociale des individus.
L'intérêt collectif prime sur
l'intérêt individuel. Le rôle et le statut sont prescrits
dès la naissance. Le sentiment d'appartenance dépasse le
sentiment de différence. A contrario, la société est une
organisation sociale réfléchie fondée sur des principes
abstraits et a priori universels, que ce soit l'adhésion à un
ensemble de valeurs formant un projet politique ou un calcul rationnel visant
à satisfaire les intérêts particuliers. Les relations de
type sociétaire induisent souvent des comportements individualistes et
utilitaires, tempérés toutefois par le civisme (et le respect des
lois égales pour tous) qui se distingue radicalement du sentiment
d'appartenance et de l'empathie communautaire.
Le sociologue Émile Durkheim a approfondi cette
différence en distinguant les sociétés à
solidarité mécanique des sociétés à
solidarité organique. La solidarité mécanique est une
forme de lien social dans laquelle l'intégration des individus repose
sur leur similitude, alors que la solidarité organique est une forme de
lien social dans laquelle l'intégration des individus et la
cohésion sociale reposent sur la complémentarité entre
individus. Alors que les individus sont de plus en plus différents et
s'émancipent de plus en plus, la division du travail permet de les
rendre complémentaires, interdépendants, tous indispensables au
fonctionnement de la société, ce qui consolide la cohésion
sociale.
L'affaiblissement des instances traditionnelles
d'intégration a des conséquences néfastes sur la
cohésion sociale. Ainsi, depuis quelques décennies, les
fondements du lien social sont mis à mal, laissant apparaître de
multiples phénomènes d'exclusion sociale (mise à
l'écart, marginalisation des individus qui ne sont plus reconnus dans un
groupe donné). Le sociologue français Robert Castel parle de
« désaffiliation » pour désigner la double
rupture d'intégration dont un individu peut être victime :
celle relative à la perte d'emploi et celle relative à
l'appauvrissement de la sociabilité socio-familiale.
De son côté, le sociologue Serge Paugam parle de
disqualification sociale pour rendre compte du processus d'entrée dans
une situation de pauvreté. Celui-ci comporte trois phases : la
première est une phase de fragilisation, la deuxième correspond
à une dépendance vis-à-vis des travailleurs sociaux, la
troisième à la rupture des liens sociaux. L'exclusion sociale
apparaît donc comme un processus ayant plusieurs causes, qui cumulent
leurs effets.
Le délitement du lien social se manifeste par
l'émergence de divers dysfonctionnements. Outre l'accroissement de la
pauvreté, certains phénomènes de délinquance
(crimes, vols, violences urbaines) sont en constante augmentation depuis les
années 1960, le taux de suicide des jeunes a doublé depuis
1975, le nombre de toxicomanes est en croissance régulière.
Ainsi, de manière globale, les signes d'anomie (absence de
« freins moraux », non respect des règles sociales)
semblent progresser. C'est là qu'intervient le consensus et la
dérivation ; il y a aussi l'ordre exponentiel qui
caractérise la fonctionnalité de ces intégrations.
Du consensus, on arrive à l'intégration. Le
consensus étant, en sociologie, une notion
désignant l'accord explicite ou tacite établi par les membres
d'un groupe ou d'une société relativement à certaines
normes ou institutions, et qui offre à ces ensembles sociaux la
cohésion qui leur est nécessaire, l'intégration devient
alors la valeur inhérente.
La notion de consensus occupe une place
importante chez les fondateurs de la sociologie, qui ont insisté sur la
nature de la société comme une entité supérieure
à la simple addition des parties qui la composent. Ainsi, pour Auguste
Comte, le consensus est une condition indispensable à la cohésion
sociale. Chez Émile Durkheim, il s'exprime à travers la
conscience collective, résultat de l'agrégation des consciences
individuelles.
Le consensus n'est pas tant le résultat
de l'adhésion totale et entière des acteurs à des valeurs
communes que le produit d'un compromis autour d'une solution moyenne
(« consensus de compromis »). Dans le cas plus rare
où les acteurs s'accordent non pas sur un point moyen mais sur une des
positions extrêmes du débat, on parle de « consensus de
polarisation ». Albert Hirschman rappelle par ailleurs que le
consensus n'exclut pas le désaccord : il peut être
renforcé voire établi par le départ (volontaire ou
imposé) ou par la prise de parole des membres dissidents.
Le consensus présente tendanciellement un
certain nombre de dangers : d'une part, une possible uniformisation de la
pensée, et son corollaire, un affaiblissement de l'esprit
critique ; d'autre part, la propension à tenir pour vraies des
propositions qui ont pour principal mérite de limiter les dissensions.
C'est dans ce contexte que la pensée mathématique nous a
semblée utile pour des raisons de conservation, comme nous l'avons dit
à propos du fonctionnalisme.
Comme le problème d'appartenance est un problème
d'intégration, il est aussi important d'analyser l'intégration
dans son domaine, mathématique voulons-nous dire, afin que le puzzle de
la politique ambiante ne gangrène l'essentiel.
§2. Règles
d'intégration et la recherche d'une minorité souffrante face
à la théologie de Durkheim
Un groupement est humain quand il est à la recherche
d'une délimitation de son idéal commun, et de son
« antagonisme de précision» :
l'anti-idéal, a besoin de trouver une - minorité souffrante -
pour matérialiser la conscience dans un état affectif
stimulateur.
Il existe deux sortes de minorités souffrantes. Les
anciens Hébreux se débarrassaient de tous leurs
péchés en les transmettant symboliquement à un bouc qui
était ensuite chassé dans le désert. Le terme de
« bouc émissaire » désigne le substitut
innocent du vrai responsable de nos ennuis ou de nos colères. Ainsi tout
au long des siècles, d'innombrables collectivités humaines ont
été choisies pour servir de bouc émissaire aux soucis des
autres, communautés inférieures ou privilégiées. On
regrette aujourd'hui que le Tutsi - vainqueur - ne soit plus victime
écrasée, crucifiée. Mais on peut dire que les
Euro-Américains en complot avec les Tutsi ont transformé les pays
des Grands Lacs africains en un véritable troupeau de boucs. Si
paradoxale soit la vérité énoncée en raison du
caractère sacré du troupeau chez les Hima-Tutsi dont la
xénophobie instinctive offre une prise facile à ce besoin
« d'agressivité défensive», préventive la
présent-on.
Nous ne pensons pas comme Claude Lévi-Strauss qui fait
appel à la notion d'ethnocentrisme, que nous avons tous,
instinctivement, un préjugé envers les gens qui sont
différents de nous, selon une théorie qui a été
également appelée celle de « l'horreur des
différences ».
Notre besoin de comprendre et d'appartenir clame l'anomalie de
n'avoir plus de sens, c'est-à-dire, en ce cas, de ne plus savoir
rencontrer au plus profond de nous l'autre qui fonde ce désir.
Pour Durkheim, Dieu n'est qu'une auto vision de la
société dans le cadre d'une « conscience
collective ». « Il n'est pas douteux qu'une
société a tout ce qu'il faut pour éveiller dans les
esprits par la seule action qu'elle exerce sur ceux la sensation du divin car
elle est à ses membres ce qu'un Dieu est à ses
fidèles ». G. Gurvitch commente ainsi la pensée de
Durkheim : « Dieu est considéré, d'une part,
comme un produit ou une projection de la conscience collective comme sa
sublimation, sinon comme son imagination, mais, d'autre part, la conscience
collective, déjà placée à la hauteur du Logos et du
Bien suprême, est élevé plus haut encore, elle remplace
Dieu en se confondant avec lui. La conscience collective se voit attribuer une
suprématie absolue, un tel ascendant, une telle richesse, qu'elle se
substitue affectivement à Dieu, qu'elle remplit ses fonctions en
incarnant la totalité des qualités positives du monde et leur
harmonie en servant de fondement au sacré et en unifiant tous les
aspects de la spiritualité »(649(*)).
Pour Durkheim, il faut choisir entre Dieu et la
société, car il est impossible, dans un système
monothéiste, de servir deux dieux à la fois. Pour échapper
au dilemme de la « fonction divinisante » de l'individu par
rapport à la discipline d'une conscience collective, Dieu a parfois
été transposé dans les termes ambigus de culte de
« l'Etre suprême » de la Révolution
française, le « Grand Etre de l'humanité »,
d'Auguste Comte, « l'Esprit absolu » ou
« l'Esprit objectif » de Hegel, la « Grande
conscience universelle » des commentateurs modernes, voire le
« Point Oméga » de Teilhard de Chardin.
Pour Mutuza il n'y a pas de choix entre deux valeurs
connaturelles, consubstantielles. Il y a primitivité de sens que
d'affect. C'est avec le calcul des primitives, fonction de la
variable(650(*))
réelle, dont la dérivée est une fonction donnée,
appelé intégration(651(*)), sensiblement gouverné par les mêmes
règles que celles régissant la dérivation(652(*)) que la théorie de
l'appartenance de Mutuza se greffe. Il est d'ailleurs à noter que Mutuza
est indifférent, pour ne pas dire ignorant de ces applications
mathématiques savantes. Par exemple, il prend la primitive(653(*)) d'une somme ou d'une
différence de fonctions qui est la somme ou la différence de
leurs primitives et la conduit indubitablement à une intégration.
Toutefois, l'intégration dont il s'agit chez lui s'avère
généralement plus complexe que la dérivation. On dispose,
pour certains cas, d'une règle nommée intégration par
parties :
Si f et g sont deux fonctions
dérivables sur un intervalle I, et si les fonctions
dérivées f' et g' sont continues sur I, alors
on peut écrire, pour tous réels a et b de
I :
Calcul d'une aire
L'une des applications classiques de
l'intégration(654(*)) est le calcul d'aires. Soit A l'aire de la
région délimitée par la représentation graphique de
la fonction f, l'axe des x, la droite
x = a et la droite
x = b. Pour simplifier, supposons que
f(x) = 0 entre a et b. Pour tout
x = a, soit L(x) l'aire de la
région comprise entre a et x. Pour déterminer
la valeur de A, il suffit donc de calculer L(x) et
de l'appliquer à x = b. Si h est
une petite variation de x, le domaine délimité par la
représentation graphique de f et l'axe des abscisses compris
entre x et x + h s'apparente
approximativement à un rectangle de hauteur f(x)
et de largeur h. Par conséquent, l'aire de ce domaine, par
ailleurs égale à
L(x + h) - L(x),
est sensiblement égale à f(x).h.
Lorsque h ? 0, ces approximations deviennent plus
fondées donc
k / h ? f(x). On en
déduit que
L(x) = f(x) : L est
une primitive de f. Donc, si nous connaissons une
primitive F de
f,L = F + c, où
c est une constante. Mais comme L(a) = 0,
c = -F(a). Par conséquent,
A = L(b) = F(b) - F(a)655(*).
Il nous faut une exégèse pour ce genre de
recherche. Mais comment comprendre que l'exégèse qui cherche
à fixer le sens d'un texte du point de vue de son auteur et en fonction
du temps et du milieu où il fut composé, secourt
l'herméneutique ?
Le schéma d'Hermès nous a déjà mis
à l'abri du danger du conduit. L'herméneutique entend
nous introduire au sens qu'il [le texte] peut encore pour nous. C'est sur cette
discipline que se fonde notre recours aux mathématiques. Pareille
discipline ne date pas d'hier ; elle a même probablement
précédé l'exégèse, dans la mesure où
des textes, par ailleurs bien connus ou dûment travaillés,
« Homère » durant l'Antiquité,
« Tempels » par exemple durant la querelle
existentiale de la philosophie africaine vers les années 1945,
suscitaient cependant des problèmes de signification, comme le furent de
leurs jours, dans leur patrie respective, Ronsard (+1585), Goethe ou
Shakespeare. Ainsi comprise, l'herméneutique est donc dans ce sens
relative à la diversité des générations qui lisent
un même texte, elle est également inséparable des attentes
de sens dont parle Gadamer.
Ces attentes de sens deviennent aussi bien des refus, si les
textes étudiés se voient d'avance discrédités par
celui qui les lit et qui les interprète. Telle est la situation
où se trouve bien souvent l'étude de relation Hutu- Hima-Tutsi et
dont Mutuza a publié son La Problématique du Mythe
Hima-Tutsi aux Editions Noraf, de peu d'importance, peut-on
croire. L'étude de tels oeuvres semble suspecte aux yeux des
extéristes.
Il y a des exigences pour une interprétation de
l'intégration. La première et peut-être la plus importante
de ces exigences est celle d'un entendre qui se doit être imperturbable
pour parler ici comme Gadamer(656(*)). Un tel entendre exige évidemment un
travail, adapté à chacun, et qui suppose qu'on accepte
d'être négatif envers soi-même. En effet quelconque
cherche à comprendre un texte doit aussi écarter quelque
chose - à savoir tout ce qui, sur la base des
préjugés du lecteur, se propose comme attente de sens -
dès lors que le sens du texte lui-même le refuse.
C'est alors que le calcul d'aires constitue
l'une des applications classiques de l'intégration. Soit donc une
fonction continue et positive sur un intervalle
[a ; b]. Par conséquent,
f(x) = 0 pour tout x compris entre a et
b. Soit C la représentation graphique de la
fonction f, et A l'aire du domaine délimité par C,
l'axe des x, et les droites d
L'Equation x = a et
x = b. Alors on a :
où F est une primitive de f. Ce
résultat permet de comprendre pourquoi le symbole ? (correspondant
à la lettre S utilisée au
XVIIe siècle) évoque une somme d'aires
égales à f(x)dx, correspondant à une
infinité de rectangles de hauteur f(x) et de largeur
infinitésimale dx.
Le calcul infinitésimal est issu de la
géométrie grecque de l'Antiquité. Au
Ve siècle av. J.-C., Démocrite calcule ainsi
les volumes des pyramides et des cônes en considérant ces solides
composés d'un nombre infini de coupes transversales d'épaisseur
infinitésimale (infiniment petite). De même, Eudoxe de Cnide et
Archimède emploient la méthode d'exhaustion pour
déterminer l'aire d'un disque, en l'approchant par des polygones
inscrits et circonscrits(657(*)). Toutefois, les Grecs ne font qu'effleurer la
théorie du calcul infinitésimal, freinés par les paradoxes
de Zénon d'Élée et les problèmes que posent les
nombres irrationnels.
Ces recherches ne sont reprises qu'au
début du XVIIe siècle, tout d'abord par le
jésuite et mathématicien italien Cavalieri. Ce dernier
étend l'usage des quantités infinitésimales en
élaborant sa théorie des indivisibles, qui considère une
surface comme constituée d'un nombre infini de lignes parallèles
à une direction, appelées indivisibles de la surface. Mesurer
l'aire de cette surface consiste donc à effectuer la somme de ces
indivisibles. En France, Fermat puis Descartes ont recours à la
géométrie analytique pour déterminer des aires et des
tangentes à une courbe. Fermat invente notamment une méthode pour
déterminer les maxima et minima de certaines fonctions : sans le
savoir, il manipule ainsi le concept de limite qui ne sera défini qu'au
XIXe siècle. De son côté, le
mathématicien et théologien anglais Barrow établit le lien
entre le problème des tangentes et le problème inverse du calcul
des aires, montrant que ces deux procédés sont intimement
liés.
Les fonctions dérivables sont continues, la
réciproque se révèle fausse. Au
XXe siècle, les progrès de l'analyse
légitiment complètement les quantités
infinitésimales.
Supposons que deux inconnues x et
y soient liées par l'équation
y = f(x), où f est une fonction
continue qui associe la valeur y à la
valeur x. Par exemple, x peut symboliser un temps et
y la distance parcourue par un corps en mouvement à
l'instant x. Considérons alors le point
(x0 ; y0) appartenant
à la représentation graphique C de la
fonction f. Cette représentation C correspond donc
à une courbe dans le plan xOy.
Si l'on prend en compte une variation
infinitésimale h de x0 (h
étant un réel positif ou négatif proche de 0), x
passe donc de la valeur x0 à la
valeur x0 + h, provoquant un
changement k de y, qui passe de la valeur
y0 = f(x0) à
la valeur
y0 + k = f(x0 + h).
Le quotient k / h est appelé le taux moyen
de variation de y quand x augmente ou diminue de h,
avec
k = f(x0 + h) - f(x0).
Il correspond à la pente de la droite (AB), où
A(x0 ; y0) et
B(x0 + h ;
y0 + k) sont deux points de la
courbe C.
Nombre dérivé
Lorsque h tend vers 0,
k / h tend vers le taux instantané de
variation de y en x0. D'un point de vue
géométrique, le point B se rapproche alors du point A
le long de la courbe y = f(x). La droite (AB) se
rapprochant de la tangente (AT) à la courbe C en A,
k / h tend par conséquent vers la pente de
la tangente en x0. On définit alors la
dérivée f'(x0) de la
fonction f en x0 comme la limite
-- lorsqu'elle existe -- du
quotient k / h quand h tend vers
0, ce qui s'écrit :
Cette valeur représente à la fois le
taux instantané de variation de y en x0 et
la pente de la courbe C en A. Si x correspond à un temps
et y à la distance parcourue à l'instant x
par un corps en mouvement, la dérivée de y par rapport
à x représente alors la vitesse instantanée du
corps. Une valeur positive, négative ou nulle de
f'(x0) indique respectivement que
f(x) augmente, décroît ou est stationnaire au voisinage
de x0.
Lorsque ce nombre dérivé existe
en tout point x0 de l'ensemble de
définition D de f, on peut alors définir la
fonction dérivée de f, notée
f', telle que pour tout x0 appartenant
à D,
On note également f' = dy / dx,
et on dit que la fonction f est dérivable.
Soit une fonction f définie
par f(x) = x2 pour tout x réel.
La représentation graphique de f est alors une parabole. On
peut alors calculer le taux instantané de variation de f en un
point x0.
Donc k / h = 2x0 + h,
qui tend vers 2x0 lorsque h ? 0. Par
conséquent f'(x) = 2x. Plus
généralement, on montre que toute fonction f
définie par f(x) = xm, avec
m réel fixé, a pour dérivée la
fonction f', définie par
f'(x) = mxm-1.
Toutes les fonctions continues ne sont pas
dérivables, le rapport k/h n'ayant pas toujours
une limite finie quand h ? 0. Par exemple, la fonction
valeur absolue qui à x associe |x| n'a pas de
dérivée en x0 = 0, car
k/h est égal à 1 ou - 1 selon que
h > 0 ou h < 0. D'un point de vue
géométrique, la courbe représentative de cette fonction
présente un angle en A (0 ; 0), et ne possède donc
pas de tangente.
v Dérivation et intégration de fonctions
usuelles
Ce tableau regroupe une sélection de
dérivées et de primitives de fonctions usuelles. Le calcul
différentiel permet notamment de déterminer les variations et les
extrema locaux éventuels d'une fonction. Le calcul intégral
intervient quant à lui dans un grand nombre de problèmes, en
particulier les calculs d'aires et de volumes.
Le calcul des dérivées,
appelé dérivation, est régi par différentes
règles qui en simplifient l'utilisation.
Soient deux fonctions u et v
définies et dérivables sur un intervalle I. On peut alors
énoncer les résultats suivants :
-- Les fonctions constantes ont des
dérivées nulles.
-- La somme u + v est dérivable
sur I, et a pour dérivée
(u + v)' = u' + v'.
Si ë est un réel, alors
ëu est dérivable sur I, et a pour dérivée
(ëu)' = ëu'.
Le produit u.v est dérivable
sur I, et a pour dérivée
(u.v)' = u'.v + u.v'.
Si v est non nul sur I,
alors le quotient u / v est dérivable
sur I, et a pour dérivée
(u / v)' = (u'.v - u.v')/v2.
Si u est dérivable sur
l'intervalle v(I) (image de l'intervalle I par v),
alors u o v est dérivable sur I, et a pour
dérivée
(u o v)' = u'(v).v'.
D'après ces règles, on en
déduit par exemple que toute fonction polynôme f,
telle que
f(x) = a0 +a1x + ... + anxn
pour tout x réel, est dérivable sur l'ensemble des
réels, et a pour dérivée f', telle que
f'(x) = a1 +
2a2x + ... +
nanxn-1 pour tout x
réel.
On montre que la fonction la plus
générale vérifiant cette condition est la fonction
exponentielle définie par
y = f(x) = ceax, avec
e = 2,718... et c constante réelle. Puisque
e0 = 1, y = c pour
x = 0, ce qui signifie que la valeur c est la
quantité initiale de matière radioactive. Puisque
a < 0, on remarque que, quand x augmente,
eax ? 0 donc y ? 0, ce qui
confirme que la quantité de matière radioactive diminue
progressivement au cours du temps(658(*)). Cette étude illustre un exemple de
décroissance exponentielle (voir figure 1 ci-dessous). En revanche,
si a est une constante positive, y augmente cette fois
rapidement lorsque x croît. On dit alors que la quantité
de matière radioactive augmente en fonction du temps suivant une
progression exponentielle (voir figure 2 ci-dessous). Cette croissance de
matière radioactive se rencontre lors d'explosions nucléaires.
Calcul Intégral
v Primitive d'une fonction en rapport avec l'organisation
sociale
Soit une fonction f définie
sur un intervalle I. Si f est continue sur I, alors il existe une
infinité de fonctions F qui admettent f pour
dérivée. Ces fonctions F sont appelées primitives de
f sur I, et notées de manière générale
?f(x)dx. Elles sont définies à une constante
près, puisque l'on a vu ci-dessus que les fonctions constantes ont des
dérivées nulles. Si F est une primitive quelconque de f,
la primitive la plus générale de f est donc notée
F + c, avec c constante arbitraire réelle,
appelée constante d'intégration. Considérons par exemple
la fonction f définie par
f(x) = x2 pour tout x réel. Alors
la fonction F définie, pour tout x réel, par
F(x) = x3/3, constitue une primitive de
f.
v Définition d'une intégrale face à la
problématique de la cohabitation
Considérons une fonction f
définie et continue sur un intervalle
[a ; b]. Cette fonction admet donc une
primitive F sur cet intervalle, définie à une constante
près. On appelle alors intégrale de a à
b de la fonction f le réel :
On peut remarquer que cette intégrale ne
dépend pas de la constante d'intégration c. En effet, si
G est une autre primitive de f, telle que
G(x) = F(x) + c pour tout réel
x, alors
G(b) - G(a) = F(b) - F(a).
La variable x introduite dans
l'écriture de l'intégrale est totalement arbitraire, et peut
être remplacée par la lettre u, t, etc.
§ 3. Corrélation et
correspondance entre l'identité et l'appartenance face aux
propriétés d'une intégrale et stratégies de
cohabitation
De l'Être-Identité au Temps-Appartenance, on ne
peut que prendre le chemin de marche d'une échelle vers une
montée dont l'escalade est embrumé et embrouillé des
concepts tels que Élément, Etant, Individu, Devenir, Pouvoir,
Espace, Développement, Langage, Culture, Contrat, Société,
Condition, Histoire, Croyance, Tradition, Ethique, Coutume, Norme, Structure,
Politique, Etat, Besoin, Economie, Egalité, Liberté, Choix,
Démocratie, Intégration... qui constituent une fonction continue.
Soit f une fonction continue sur un
intervalle I. Pour tous réels a, b et c de I, on
a :
Cette relation est appelée relation de
Chasles.
Soient f et g deux fonctions
continues sur un intervalle I. Pour tous réels a et
b de I, et pour tous réels quelconques á et
â, on a :
Cette relation traduit la linéarité de
l'intégration. Et, c'est grâce à elle que nous avons
maintes fois expliqué ce qu'il faut entendre par la raison ambiante. Et
nous nous sommes longuement appesanti, dans la présente partie, sur la
fonction que les poèmes dynastiques avaient assignée à la
royauté, à la vache et aux tambours(659(*)). Ce fut une question des
valeurs morales que la poésie dynastique du Ruanda défend. La
pentatonique des poèmes et l'appartenance dans l'ordre exponentiel, la
durée diatonique des poèmes et l'appartenance politique et
juridique de tout genre paraissaient très complexe si on les prenait un
à un. Mais l'ensemble en est fort simple.
Le mythe d'appartenance est le seul moyen dont l'action soit
mal assuré, qui hésite et tâtonne, qui forme des projets
avec espoir de réussir et la crainte d'échouer. C'est le seul
aussi qui démontre l'animosité de la force des armes. Le reste de
la pensée sonne le glas de l'appartenance forcée. Il y a alors
question de l'historicisme chez Mutuza, il y a aussi la question de la
concentricité des thèmes des poèmes et continuité
de ð dans les poèmes dynastiques. Cela nous a
directement conduit à la prédiction et à la critique du
Mythe Hima-Tutsi. Pour y arriver il nous fallait passer par l'ingénierie
sociale chez Mutuza. Celle-ci a favorisé l'éclosion de la
théorie de la communication et de la compréhension du Mythe
Hima-Tutsi. Sans jamais nous lasser, nous avons dû nous déployer
pour structurer les discours de Mutuza aux Tutsi. Ce qui manque jusqu'à
ces jours dans les textes philosophiques. Il était question des Tutsi et
l'appartenance. Dans ce contexte il était nécessaire de trouver
l'élément culturel de l'identité des Hima-Tutsi. La vache
qui constitue cet élément culturel de l'identité devrait
elle aussi avoir son identité.
Quelle est alors l'identité de la vache comme
élément culturel de l'identité des Hima-Tutsi ?
C'était très facile de le comprendre. C'est la domination qui en
est l'identité. L'aspect essentialiste de la description de la
domination et de la soumission imposait un autre problème : celui
de l'intégration. De là il fallait des règles
d'intégration, le calcul de l'intégral s'imposait parce qu'il
était nécessaire de trouver la primitive d'une fonction, trouver
la définition de l'intégral et ouvrir aux
propriétés d'une intégrale afin de pouvoir
reconnaître la raison ambiante. Nous n'avons qu'à nous
résumer pour définir cette raison ambiante et sa critique en
termes précis. C'est une réaction défensive des deux
sociétés contre ce qu'elles pourraient y avoir de
déprimant pour les individus, et de dissolvant pour la
société, dans l'exercice de l'intelligence.
Terminons par ces remarques, pour prévenir des
malentendus. Quand nous disons qu'une des fonctions des poèmes, telle
qu'elle a été voulue par le poète, est de maintenir les
chaînes cycliques de l'octave de la vie sociale, nous n'entendions pas
par là qu'il ait solidarité entre cette poésie et la
morale tutsie. L'histoire témoigne du contraire. L'avoir a
été toujours le propre du Mwami. Roi 1, Dieu 2, Race 3, Archer 4,
Vaches 5, Guerre 6, Pluie 7, (Roi 8) forment cette chaîne cyclique. Ces
éléments nous ont permis de mener une étude
sérieuse dans le cadre de la géométrie philosophique.
L'appartenance étant une étude de théories des ensembles,
une mathématisation de La Problématique du Mythe
Hima-Tutsi était donc obligatoire.
Mais l'exégèse contemporaine et politicienne
(de 1+4, transition de la RD Congo) et du courant congolopessimiste et
opportuniste ont donné à Mutuza un vêtement qui le dessert.
En réalité, Mutuza n'avait pas à ce point formalisé
son épistémologie et, si on la reprend de cette dernière
décennie, on lui trouve au moins la possibilité d'une autre
direction, d'une autre in-tentio. Une théorie de la
connaissance ne pouvait en ce temps là être
développée, et l'esquisse implicite qu'en donne Mutuza est
évidemment insuffisante par rapport aux outils que depuis lors on a
raffinés. Mais si l'on se place du côté de celui-ci,
à l'intérieur d'une anthropologie existentielle, ses arguments
prennent une autre coloration, qui ne sont ni univoques, ni philanthropiques,
ni idéels.
Comme dans la théorie des ensembles, une preuve a
priori par les effets exclus, ils se présentent à la
manière d'une recherche d'antinomies dans le concept, d'antinomies qui
les rendraient impossibles au réel. Ils deviennent alors sinon valables,
du moins légitimes. Raisonnement non positif, dogmatique,
intuitionniste, qui cherche à exclure seulement l'exclusion, et qui y
parvient, les arguments célèbres sont destinés, dans leur
consistance concrète de 2004 (date du La Problématique du
Mythe Hima-Tutsi) à montrer la force des armes comme étant
un orgueil insensé et à détecter la
spécificité logique d'une appartenance. L'interprétation
ambitieuse des antagonistes politiques sont donc, pour l'historien, une simple
erreur sur Mutuza.
Celui-ci ne prétend d'ailleurs pas que tout Hutu soit
Congolais ni que tout Tutsi ambitionne devenir Congolais par la force des
armes, il refuse seulement l'argument de l'ancienneté
résidentielle au Congo- Kinshasa.
Nous trouvons alors plus d'ouverture sur plusieurs
significations selon des alternatives formellement vraies. On voit là le
comportement d'un nouvel Anselme de Cantorbéry qui, priant
déclare : Si on pouvait penser meilleur que Toi, ça serait
la créature qui jugerait le Créateur, et ce blasphème est
un illogisme. En fait, Mutuza ferme implicitement les colonialismes
antérieurs et n'ouvre pas le schéma néo-darwinien des
spécialistes chercheurs et intellectuels qui ont siégé au
Cap malgré la réputation de leurs concepts de citoyenneté
transfrontalière, de la diaspora, de la méritocratie, etc.
Le texte de Mutuza ressemble à la prière de
Anselme, il a la structure d'une parole aux Tutsi et non d'une parole sur les
Tutsi. Il désigne ces derniers comme ceux qui ne se suffisent pas et
c'est le détourner que de le lire comme une proposition
séparée.
Si Musey a promu la pensée sauvage qui n'est pas la
pensée des sauvages sans être sauvage, c'est fut un débat
qui se déroulait à l'intérieur du champ de la science
coloniale et auquel il serait an-épistémologique de mêler
Mutuza. Musey traite les faits dans l'archéologie du savoir et Mutuza
dans l'histoire du savoir. Lorsque Ngoma Binda, en son article (La
formation civique et politique comme préalable de la démocratie,
Réflexion à partir du cours de `Civisme et Développement'
dans l'Enseignement Supérieur et Universitaire du Zaïre)
souligne l'impossibilité d'une philosophie du Civisme et
Développement dans les textes de Mutuza, cela est inexact car il
est bien évident qu'il se meut dans le quid sit et non dans
l'an sit.
La Problématique du Mythe Hima-Tutsi est un
discours esquissant une philosophie : l'appartenance s'enquiert de
l'origine d'un peuple et remonte sans peine à l'Etat Nation,
société globale actuelle dont toute société
découle par causalité comme par hiérarchie.
On voit chez Mutuza que l'étude de la structure
intégratrice de l'identité correspond à la théorie
de système de l'appartenance dont le schéma est:
ETRE = IDENTITE
Élément
Etant = Individu
Devenir = Pouvoir
Espace = Développement
Langage = Culture
Contrat = Société
Condition = Histoire
Croyance = Tradition
Ethique = Coutume
Norme = Structure
Politique = Etat
Besoin = Economie
Egalité = Liberté
Choix = Démocratie
Intégration
TEMPS = APPARTENANCE
CONCLUSION GENERALE
Nous arrêtons ici notre thèse. Un des
résultats de notre analyse a été de joindre le concept de
l'identité (être) à celui de l'appartenance (temps) tel que
nous les rencontrons dans la philosophie sociale et politique de Mutuza. Pour y
parvenir nous avons eu à distinguer, dans le domaine social, la
séparation et la réunion de deux groupes sociaux qui se
distinguent par leurs ethnonymes (Hutu -Tutsi) auxquels on les identifie, dont
l'appartenance au glossonyme kinyarwanda est problématique et dont la
vie sur le toponyme RD Congo crée le flou constitutionnel de la
nationalité.
De la recherche philosophique du temps entropologique au
rétablissement éthique du temps anthropologique chez Mutuza, on
ne passera que par la brisure des murs d'hostilité qui nous
séparent des autres et par l'aide de chacun à sortir de
l'angoisse provoquée par l'insécurité, l'isolement, la
peur et le chaos, pour entrer dans la communion et l'unité.
Mutuza Kabe a constaté de bonne heure que
l'éloignement d'ethnoglossonyme favorise des préconceptions. Il
s'est proposé de créer une solution féconde, qui l'a
poussé à devoir réhabiliter l'image
dénaturée des institutions bantoues dont l'authentique valeur
est la communion qui nait de la confiance, de l'acceptation mutuelle et de la
liberté pour chacun d'être pleinement lui-même, dans sa
beauté et son unicité, afin d'exercer ses dons et de donner sens
à la vie.
Nous appartenons à un groupe lorsque nous marchons
ensemble - ne voyant pas nécessairement les mêmes choses, moins
encore de la même manière, mais les voyant concurremment et
concomitamment - et que nous avons conscience de notre besoin les uns des
autres, que nous soyons faibles ou forts, compétents ou non. Si nous
cheminons vers la liberté, cette appartenance n'inspirera pas de
sentiment de supériorité. Elle ne cherchera pas à exclure
le faible, le démuni ou l'étranger qui se reconnaît comme
tel, mais les inclura.
Ainsi, ce que nous disons à propos de l'identité
et de l'appartenance, du temps entropologique et des enjeux éthiques
chez Mutuza prolonge les réflexions de sa philosophie sociale et
politique en fonction de l'optique de notre contexte qui exige une
réévaluation des concepts, fruit d'une rupture
épistémologique que créent les rencontres de
différentes visions du monde. Le droit de nommer les choses explique les
pouvoir existentiel de deux civilisations en exemple chez Mutuza : la
civilisation pastorale et la civilisation agricole.
L'erreur serait seulement qu'on ait cru que, pour autant, nous
ne sommes qu'un de ces philosophes égaré dans l'anthropologie,
imprégné d'analyse mathématique, dominé par la
passion de la musique, attaché aux exigences de la biologie,
obnubilé par la méditation théologique et emballé
par les considérations métaphysiques.
Si l'on contestait une seule de nos assertions relativement
aux problèmes des éléments culturels à la
correspondance et corrélation dans les civilisations pastorale et
agricole en face de la philosophie de Mutuza, nous sommes en mesure de la
prouver à l'aide des documents officiels émanant de la
poésie dynastique du Ruanda et du Droit Coutumier relatif à
l'élevage, des interventions radiodiffusées de certains Tutsi, ou
des rapports des Nations Unies généralement approuvés par
le Ruanda et que Mutuza analyse avec grand soin.
Le plan que nous avons adopté pour exposer la
philosophie de Mutuza nous a permis de suivre, pour la première partie
intitulée vision philosophique de Mutuza, les
différents concepts philosophiques familiers à notre auteur, en
accompagnant chaque étape de sa vie d'un commentaire aussi bref que
possible. Ce qui nous a permis de découvrir le temps entropologique.
Après, nous avons tenté de rétablir le temps
anthropologique et les enjeux éthiques dans La problématique
du Mythe Hima-Tutsi en y joignant les implications d'ordres divers,
musicologiques, mathématiques, physiques...
Nous
n'avons certes pas la prétention d'avoir fait un travail
irréprochable ; encore moins nous flattons-nous d'avoir
présenté cette philosophie de Mutuza dans sa majesté. Nous
sommes dans l'intention de compléter notre recherche et de la corriger,
conformément aux observations que voudront bien nous faire nos
Pères et Frères dans ce savoir royal (qui est)
de tous et universelle (êáôà
ðàíôùí,
ôü
êáèüëïõ),
qu'est la philosophie.
Nous avons travaillé avec autant de soin et
d'exactitude qu'il nous a été possible ; mais qui peut se
flatter d'être infaillible et embrasser, d'une manière
complète et dans leur ensemble, toutes les questions de la philosophie
sociale et politique de Mutuza ?
Une analyse du temps entropologique et des
considérations des enjeux éthiques nous a permis de
découvrir que la vraie philosophie de Mutuza est
intersectionniste et intersessionniste, suivant la
pensée géométrique. Sa philosophie sociale emprunte chez
Descartes la géométrie et chez Locke la théorie politique.
Elle s'explique par l'usage qu'il fait de
la position d'un élément culturel de la
société qui peut être déterminé ou
repéré par rapport à deux institutions orthogonales
orientées, appelées groupes sociaux, au moyen des distances qui
considèrent la nature des grandeurs selon leur nature et non selon leur
valeur.
Sur la figure suivante, le point A est situé
à 1 unité de l'axe vertical, ou axe des y, et
à 4 unités de l'axe horizontal, ou axe des x. Les
coordonnées du point A sont donc 1 et 4, ce que l'on note comme
suit : A (1 ; 4). Cela signifie que, dans le repère
(xOy), O étant le point d'intersection des deux axes, ou
origine du repère, le point A a 1 comme abscisse (x)
et 4 comme ordonnée (y).
Les valeurs positives de x correspondent aux points
situés à droite de l'axe des y, et les valeurs
négatives correspondent aux points placés à gauche. De
même, les valeurs positives de y correspondent aux points
situés au-dessus de l'axe des x et les valeurs négatives
de y correspondent aux points placés en dessous. Ainsi, le
point B de la figure 1 a pour coordonnées :
x = 5, y = 0. De la même
façon, on peut déterminer la position de points dans l'espace par
rapport à trois droites concourantes perpendiculaires et
orientées (les axes), les deux premiers axes étant ceux du plan
et le troisième axe, vertical, étant généralement
appelé axe des z.
Cette intersection ouvre la perspective entre
l'identité et appartenance. La question de l'intégration et de
cohabitation, les valeurs matérielles et morales, les analogies et
homologies avec les principes mathématiques ont fait que nous soyons
obligé à quelques répétitions.
Mais nous avons préféré revenir plusieurs
fois sur les mêmes sujets que d'avoir recours à des renvois
toujours désagréables pour les lecteurs. Par exemple, en
commentant l'élément culturel de l'identité et
l'identité de cet élément culturel, en exposant les
civilisations pastorale et agricole, nous avons dû parler, non seulement
de deux visions du monde, mais des rapports qu'elles ont entre elles pour
qu'enfin le temps entropologique joue un rôle déterminant pour la
connaissance et la reconnaissance de l'identité et de l'appartenance des
peuples sous examen chez Mutuza; nous sommes revenu sur ces rapports,
plusieurs fois, lorsque le sujet le demandait.
On remarque que nous ne parlons pas des conflits entre
d'autres communautés au monde. C'est parce que la méthode
comparative est dangereuse et conduit assez facilement aux conclusions
hâtives et mène aux jugements des valeurs non philosophiques. Mais
notre jugement des valeurs consistait à nous porter sur les normes
reçues et sur les institutions en vigueur au nom des valeurs que nous
avions adoptées et que nous rencontrons dans le courant de la
réévaluation des concepts. C'est pourquoi nous avions
cherché l'axe véritable de cette philosophie dans les
institutions fondamentales des Hima-Tutsi, autrement dit dans leurs racines
métaphysiques. Nous avons aussi dû souligner que le mutuzisme,
tellement dominé par le refus de définitions en vue du
rétablissement de la notion d'équilibre social, n'arrive pas
à intégrer la genèse et l'histoire.
Nous ne disons pas que le mutuzisme nie la genèse et
l'histoire, mais nous soulignons que leurs réalisations concrètes
n'en tiennent pas, ou très peu, compte. C'est parce qu'aussi les
mêmes conflits et problèmes qui se posent ici et là ne
partent pas de mêmes contextes. Assurément, ces conflits ont une
base toute différente de l'analyse des éminents auteurs dont nous
avons parlé tout au long de cette thèse. La difficulté du
mutuzisme apparaissait alors très clairement : le refus de
définitions écroule l'édifice
épistémologique bâti à grand-peine du fait que le
développement radical semble nous donner comme outil de base la
théorie de communication. Nous avons déduit que le meilleur outil
est la théorie générale des relations à n termes,
dont on a trouvé un modèle dans la théorie des ensembles.
C'est pourquoi, nous nous sommes placé au juste milieu du courant de la
réévaluation des concepts - dans la via antiqua de la
haute scolastique - , plus prête à renoncer à une vision
d'ensemble du monde, au cosmos harmonieux - héritage de type platonicien
conservé par les antiquités ; puisque, pour cette voie, la
vérité est une et cohérente, l'erreur doit être
multiple et de ce fait, pleine de contradictions, pour bien expliquer la
philosophie de Mutuza telle qu'exposée dans La problématique
du Mythe Hima-Tutsi.
On sait que les Tutsi se font dire être d'une race
différente de Hutu, tandis qu'ils manquent non seulement la langue, mais
aussi et surtout de l'espace. C'est pourquoi Mutuza les appelle
Üèåôïé. Quant à
nous, nous n'entendons par Tutsi que l'ensemble des populations pastorales
sédentarisées qui se déclare minoritaire et au Ruanda et
en R.D. Congo ; qui n'ont pas des terres en propre, mais seulement vivent
parmi les Bantu et partagent avec eux le glossonyme kinyarwanda qui n'est autre
que le kihutu, mais qui, malheureusement, revendique leur identité
(ethnonyme Tutsi) par les liens biologiques phénotypiquement
extrabantumorphes.
Notre but étant d'aplanir, autant que possible, dans
cette thèse, les obstacles qui s'opposent à la stabilité
de la situation sociopolitique des pays des Grands Lacs, nous avons
adopté le sens le plus philosophique que présente la
problématique du Mythe Hima-Tutsi ; nous avons aussi profité
de bien distinguer entre l'idéologie de l'Education à la
citoyenneté (citoyenneté transfrontalière) et la
philosophie du Civisme et Développement.
Nous n'avons pas voulu, dans ce travail, faire étalage
d'érudition. Ce n'est pas une dissertation savante, dans l'acception
vulgaire de ce mot, que nous avons entrepris, mais c'est une recherche que nous
avons voulue claire, exacte, lucide, qui puisse être lue par des gens du
sens commun aussi bien que par d'autres scientifiques ; qui puisse
être comprise par les personnes les moins instruites.
Avons-nous réussi ? Il ne nous appartient pas de
le dire. Si notre travail n'acquiert pas l'assentiment de tous, nous
espérons qu'on l'acceptera avec autant plus de bienveillance que nous
n'avons eu pour but que d'être utile, et que nous sommes dans la
disposition de profiter de toutes les observations justes
qu'on voudra bien nous faire pour améliorer nos recherches.
Nous tenons à déclarer que nous ne suspectons
pas les intentions des Tutsi. C'est l'analyse du temps entropologique dans les
écrits de Mutuza qui nous a obligé de louvoyer par là.
Nous regardons comme des erreurs toutes les idéologies qui ne sont pas
en complète conformité avec la philosophie sociale et politique
de Mutuza, surtout dans son humanisme. Mais nous ne voulons pas croire que tous
ceux qui se trompent sont des entropoethnophages de parti pris. D'abord, pour
qu'une erreur devienne une entropoéthnie, il faut que la
société, gardienne du Civisme et Développement, ait
déclaré cette erreur contraire à son Civisme et
Développement. Pour être entropoethnophage, il faut soutenir,
malgré la vie de la société globale, une opinion
opposée à son temps anthropologique. Un homme ou un groupe
d'hommes qui se trompe peut être de bonne foi et excusable;
l'entropoethnophage est un orgueilleux et un révolté qui
mérite jugement et condamnation.
Nous voulons croire que pour les pays de Grands Lacs, il y a
plus d'hommes qui se trompent de bonne foi que des entropoethnophages
obstinés. C'est pourquoi nous leur offrons notre travail avec tous les
sentiments d'un amour vraiment fraternel, si l'amour est séparation et
réunion. Nous les prions de le lire avec autant de bonne foi qu'il a
été composé ; et que nous voulons espérer que
si la voix de la vérité se fait entendre, ils n'endurciront
pas leur coeur et ne repousseront pas la lumière qui
viendra....éclore leur appartenance à la culture de leur devenir
et réinventer leur identité.
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118. HERMITE, Ch., Transcendance de E, 1872.
119. HOMBURGER, L., Langues africaines, SD.
120. HOUDRET J.P., Grégoire de Nysse et Jean de la
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121. HOUNTONDJI P., Histoire d'un mythe,
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122. -Sur la philosophie africaine, Paris, Maspero,
1977.
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Roy. des Sc. Colon., Cl. Des Sc. Morales et polit. Nouvelle série in
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130. -La poésie dynastique du Rwanda ;
131. - La philosophie bantu ruandaise de
l'être, Tournai, 1964 ;
132. -le Poème
généalogique de la Dynastie (pp.
14-18) ;
133. -« Ceux qui ont fait le
Rwanda », in La voix du Congolais, n°5,
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Âáóßëåéïò
ÄéãåíÞò
Áêñßôáò, vol. I-II,
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136. -La Religion dans les limites de la simple
raison, trad. J. Gibelin, Paris, Vrin, 1968 ;
137. -Fondements de la métaphysique des
moeurs, Paris, Vrin, 1970 ;
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139. KANTOROWICZ, Traité de Sociologie (sous
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?'Óçìåéïþóåéò
êñéôéêáß
ßóôïñéêáß
êáß
ôïðïãñáöéêáß
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« Áêñßôáí »,
dans
ÅðéóôçìïííéêÞ
`Åðåôçñßò
ôïý
Ðáíåðéóôçìßïõ
Áèçíþí, 1905-1906.
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Cité par Eisenmann Charles, Paris, Dalloz, 1962.
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vies, Simono-Petras, Thessalonique, 2010 ;
145. -Compréhension et communication chez Karl
Popper, Travail de fin de cycle en philosophie, U.A., inédit,
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146. -Les techniques du corps : tête, membres
et gestes sexuels, Travail de fin de cycle en anthropologie,
Unikin, inédit, 2005 ;
147. -La religion comme vie extra cosmique d'une
société, Mémoire de Licence en anthropologie, Unikin,
inédit, 2007 ;
148. -Le réversible n'est pas testable,
mémoire de Licence, UCCM, inédit, 2005 ;
149. -La mondialisation et ses enjeux religieux,
Conférence, inédit, 2004 ; - Ignace d'Antioche et
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155. KIPLING, R., Le livre de la jungle,
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Apocastatasis Pantôn, M. Fichant éd. Vrin, 1991 ;
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Brunschwig, Paris, éd. Garnier Flammarion, 1969.
163. LEONARD (de Pise Fibonacci), Liber abbaci,
SD.
164. LEONARD (de Vinci), L'homme vitruvien, SD.
165. LE PLAY, F., les ouvriers européens,
SD ;
166. - l'Organisation de la famille selon le vrai
modèle signalé par l'histoire de toutes les races et de tous les
temps, 1875.
167. LEROI-GOURHAN, l'évolution humaine,
Fascicule 4505, in « L'homme, races et
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168. LESSING, G.E., L'Education du genre humain suivie des
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169. LEVI-STRAUSS, C., Les structures de la
parenté ;
170. - Mythologiques IV, 621 ; Tristes
tropiques, Plon 1955 ;
171. -La Pensée sauvage, Plon 1962, 26 et les
Mythologiques, IV. L'Homme nu, Plon 1971.
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décolonisation mentale, Bruxelles, Remarques Africaines, 1964.
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cet ouvrage a paru sous le titre The Premise of Inequality in Ruanda,
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238. SPINOZA, B., Ethique, éd. Appufin, Paris,
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239. -Letrre 8, datée du 24 février
1963 ; - Lettres 123, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67,
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240. -Traité théologicopolitique.
241. STEPHANOU, E., La préexistence initiale du
corps et de l'âme d'après saint Grégoire de Nysse et saint
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de l'anglais par Théo JUNKER, PUF, Paris, 1964.
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251. TOWA, M., Essai sur la problématique
philosophie dans l'Afrique actuelle, Yaoundé, 1971 ;
252. -Tradition africaine et rationalité
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christianisme et la naissance de la philosophie chrétienne.
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traduction luba, CERA, 1974.
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Bruxelles, IRCB, Classe des Sciences morales et Politiques, t. XVI,
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Ruanda. Institut Roy. Col. Belge, tome X, 1, 1944. ; Essai de
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258. VANIER, J., Accueillir notre humanité,
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259. VANSINA, J., L'évolution du royaume Ruanda des
origines à 1900 (dans la même collection, tome XXVI, fasc.
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260. Sur les sentiers en forêt, Centre
d'Histoire de l'Afrique Place Blaise Pascal 1, Louvain-la-Neuve, 1991.
261. VERDIER, R., La civilisation agraire et droits
fonciers négro-africains, Présence Africaine, XXXI, 1960.
262. VARHAEGEN, B., Introduction à l'histoire
immédiate, Gembloux, 1974.
263. VERNANT, J.P., Les origines de la pensée
grecque, Paris, 1972.
264. WAGNER, G., Le dogme pneumatologique du
deuxième concile et son contexte théologique dans la tradition
patristique. 1983, pp. 351-367.
265. WESTERMANN, D., Geschichte Afrikan,
266. WILMART, A., La tradition de l'hypotypose ou traite
sur l'ascèse attribuée à saint Grégoire de
Nysse. Roc 21, 1979.
267. WINLING, R., La résurrection du Christ comme
principe explicatif et comme élément structurant dans le Discours
catéchétique de Grégoire de Nysse.
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268. -La résurrection du Christ dans les
traités pseudo-athanasiens Contra Apollinarium. RSR 62 (1988), pp.
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269. WITTGENSTEIN, L., Investigations philosophiques,
trad. par Pierre Klossowski, Paris, Gallimard, coll.
« Tel », 1961.
270. dans « Remarque sur le Rameau d'or de
Frazer », in Actes de la recherche en science sociale, 16,
septembre 1977, p. 35-42.
6. Dossiers
- Archives africaines des Bruxelles, A. I. (1370)
-Ministère des Colonies. Enquête sur les coutumes indigènes
en exécution du décret du 3/6/1906, 1907-1909. Territoire de la
Ruzizi-Kivu, Zone de la Rutshuru-Beni, Secteur de Rutshuru, Race Muhutu par le
Chef de Secteur A. Spiltoir (Lieutenant), Rutshuru, le 10 janvier 1908, 4 pp.
ms. ; Lettre du G.G., n°874b, Dossier E.a., n° 30, Boma, le 20
septembre 1909, par Goffoel, Territoire de la Ruzizi-Kivu, Poste de Rutshuru.
Les deux Lieutenants ont résidé à Rutshuru de 1907
à 1909.
-« Rapport 379 par Stamene, Commandant
Supérieur, sur la reconnaissance en territoire contesté du 28
juin au 13 juillet 1906 », in VANDEWOUDE E.J., Documents relatifs
à l'ancien District du Kivu (1900-1922). Archives du Congo belge,
n° 3, Section Documentation, Document n° 15, Léopoldville,
1959, p. 151. O. Stamane fut Commandant Supérieur du Territoire de la
Ruzizi-Kivu (devenu District du Kivu le 13 novembre 1913) de 1905 à
1906.
TABLE DES MATIERES
Dédicace.....................................................................................................I
Remerciement...............................................................................................II
Epigraphe..................................................................................................IV
0. INTRODUCTION GENERALE
1
0.1. Etat de la question : Identité et
Appartenance: génétique de la recherche philosophique du temps
entropologique
1
0. 2. Objectifs : temps entropologique et
éthique anthropologique face à l'espace géométrique
computationnel
10
0. 3. Problématique : séparation
et réunion computiques
14
0. 4. Hypothèse : réunion
anthropologique computative
20
0. 5. Méthodes :
réévaluation entropologique computationnelle
21
0. 6. Limites, difficultés et plan
26
Première partie : Vision philosophique
de Mutuza
28
Chapitre premier : LA QUESTION DU LANGAGE
29
Introduction
29
Section 1. Critique de l'essentialisme
30
§1. Les questions des mots
30
§2. Genèse des mots
32
Section 2. Critique
33
§1. Conflits langagiers
33
§2. Critique d'usage des mots
35
Section 3. Réévaluation des concepts
et saisie de l'identité et de l'appartenance
41
§1Catégorie conceptuelle
41
Section 4. Les concepts à
problème
44
§1. Etat
44
§2. Pouvoir
45
§3. Progrès
45
§4. Société, esclavage et
colonisation
46
§5. Sous-développement
47
Conclusion
50
Chapitre deuxième : ITINERAIRE DE
MUTUZA
51
Section 1. Contexte historique
51
§1. L'homme
51
§2. Conscience et science philosophique
56
v Un jour sa vie bascula.
59
v Début du combat
61
§3. Privilège de la culture et son
identité
63
v Les concepts anthropologiques
64
v Réévaluation des
concepts anthropologiques
67
Section 2. De la politique au politique
69
§1. L'homme d'Etat
69
v Xénologie
77
§ 2. Essence de la pensée de Mutuza
80
§3. Ethique et politique
86
Section 3. Espace philosophiques
91
§1. Milieu philosophique
91
§2. De la démocratie
95
§ 3. De l'appartenance et de
l'identité()
100
§ 4.La problématique de
l'identité et de l'appartenance dans la perspective d'une
minorité
107
Section 4. Philosophie de l'Etat
122
§1. Pouvoir politique
122
§2. Exigences politiques et les crédos
mutuzistes
126
§ 3 Tâche philosophique et
rationalisme
135
Conclusion
142
Chapitre troisième: HUMANISME DE MUTUZA
144
Introduction
144
Section 1. Lutte politique
146
§1. Rencontre
146
v A la découverte des pays des
grands lacs
147
v Education pour tous
147
v La présence
étrangère au Congo
148
v Catégorie
philanthropique
149
v Réversibilité des faits
historiques
150
v Métaphysique de la
rencontre
152
v Ontologie de la rencontre
152
§2. Marxisme, socialisme ou isolement
politique : question des mots ?
154
v La politique et le langage
157
§3. Ordre et désordre dans la lutte
politique
161
Section 2. Affront comme réponse au
nominalisme
165
§ 1. Nominalisme méthodologique
165
§2. De la déconstruction du langage
philosophique
168
§3. Terre ou
géométrie ?
173
§4. Société pluraliste et
diapasonnée()
178
v Imitation des nombres par des choses
sensibles ou entités culturelles
179
· Présentation graphiste des
ensembles()
179
· De l'ensemble de nombres
179
v Entiers naturels
180
v Des entiers relatifs
181
v Nombres décimaux
181
v Nombres rationnels
182
v Nombres réels
182
· Possibilité de
sensibilité
182
· La sensibilité
arithmétique
183
v Monadisme ()
183
· Limites de la
Décade
184
· Vers conté
186
· Octave : la puissance
dynastique du do ut des
188
· Courbe de la variable des valeurs
culturelles
190
v Nombre Ð
191
· D'où vient le nom
pi ?
191
· Combien vaut pi ?
191
· Comment obtenir une valeur
approchée de pi ?
192
·
Ou la formule de Leibniz pour une
compréhension métaphysique du phénomène
social
193
· A quoi sert le nombre
pi dans la géographie humaine?
193
v Nombre d'or et géométrie
sociale
194
· Qu'est-ce que le nombre
d'or ?
194
v Combien vaut le nombre
d'or ?
194
· A quoi sert le nombre d'or dans
une étude philosophique ?
195
Quelles sont les propriétés du nombre
d'or ?
196
· Où trouver le nombre
d'or dans l'interprétation du conflit chez Mutuza ?
196
· Tablette de calcul
babylonienne
197
Section 3. Résistance
198
§1. Paradoxe de la communauté et
instrumentalisation du langage communautaire
198
§2. La place des faibles et l'idée de
succession
201
v Parole du Verbe
205
v Sens de la mort
206
v Questions des mots
208
Conclusion
210
Chapitre quatrième: CONJURATION ET
ENTROPOLOGIE TUTSIES
212
Introduction
212
Section 1. Conjuration insurrectionnelle
214
§ 1. Entropologie
214
v Insurrection
216
v Théanthropologie
217
§ 2. Analytique fonctionnelle et chronologique
de l'entropologie
219
v Regard mutuziste et ses emprunts chez
les anthropologues
219
v Entropie et migration
conjurée
221
v Préjugé de la
dépendance des Hutu aux Tutsis
222
§ 3. Théocratie et patrimoine
226
Section 2. Mythe
230
§1. Histoire et Ethnologie
230
§2. Sens et interprétation du mythe
233
v Mythe, histoire et raison
233
· Mythique et
réalité
233
v Typologie des mythes
234
· Mythes cosmogoniques
234
· Mythes eschatologiques
235
· Mythes de la naissance et de la
renaissance
236
· Mythes du héros
culturel
236
· Mythes de fondation
236
v Etudes du mythe
236
· Mythe et connaissance
237
· Mythe et
société
238
§3. Mythe et psychanalyse dans la
pensée analytique
240
v Applicabilité des
mythes
241
v Décentrement de la
réalité vers le mythe
241
§ 4. Poésie dynastique et Récits
épiques dans l'interprétation des fonctions du pouvoir
243
v Parenté clanique
244
v Regroupement social
246
v Pouvoir exponentiel et
entropologie
249
v Fonction exponentielle pour
l'interaction des éléments d'un système social
252
v La base flouée et
propriétés de l'application du réel E dans la
connaissance de l'interprétation du pouvoir
253
Section 3. Le concept
« indépendance » et l'équivoque mutuziste
255
§1. Indépendance du premier genre ou
affirmation de l'autonomie de l'Homme Noir
255
§2. Indépendance du second genre ou
réduction culturelle du contenu colonialiste et impérialiste
257
v Lessing
258
v Hegel
259
§3. Indépendance du troisième
genre ou abolition désirée de la civilisation
261
Conclusion
265
v Refus de la définition
266
v Nominalisme
méthodologique
267
Deuxième partie : Rétablissement
du comput éthique du temps anthropologique
269
INTRODUCTION
270
Chapitre cinquième : TECHNIQUES ET
STRUCTURES SOCIO-ECONOMIQUES ET LE MYTHE DU KANYARWANDA L'ANCETRE DES
BANYARWANDA
274
Introduction
274
Section 1. De la différence chez J. Maquet,
Th. Papadopoulos et R.E. Mutuza () Face au Kinyarwanda comme mythe
unificateur d'une société atomisée
275
§ 1. Correspondance et corrélation
technico-structuro-économiques
275
§2. Caractères dominants des
économies et éloignement des identités Hutu-Tutsi-Twa
289
§ 3. Hiérarchie des structures
d'appartenance et des valeurs de Gihanga
293
Section 2. Identité familiale et
unité d'exploitation
298
§1. Le constructivisme social et appartenance
familiale
298
v Tribu et tribalisme
300
v Corporation du pouvoir
301
§ 2. Appartenance, hiérarchie des
structures et valeurs de l'identité des Banyarwanda
302
Section 3. Evolution des systèmes
305
§1. Appartenance au lignage et
identité sociale des familles grand-lacustres
305
§ 2. Identité des structures
socio-économiques et les techniques agraires chez les Hutu
311
§3. Race et économie : structures
socio-économiques et appartenance raciale
313
§ 4. Communautés familiales et
communautés villageoises
318
Conclusion
323
Chapitre sixième : IDENTITE ET
APPARTENANCE SELON LES POEMES DYNASTIQUES DU RUANDA ET LES VALEURS QU'ILS
DEFENDENT
325
Introduction
325
Section 1. Pouvoir, glossonyme et ethnonyme du
mythe Hima-Tutsi
327
§1. Royaume et appartenance dans les
poèmes dynastiques
327
§ 2. Royauté et Kinyarwanda
333
§ 3. La vache et les Watutsi
341
Section 2. Champ de conscience et cloisonnement
ethnique, valeurs matérielles et Valeurs morales
344
§1. Champ de conscience et cloisonnement
ethnique
344
§2. Valeurs morales et Kanyarwanda
348
§ 3. Lois de l'imitation et l'harmonie des
cinq tambours comme valeur de l'identité de Banyarwanda
351
Section 3. Pentatonique des poèmes et la
politique de l'appartenance dans l'ordre exponentiel
354
§ 1. Ordre exponentiel des tambours royaux et
caractère différentiel dans les poèmes dynastiques
354
§2. Pentatonique des poèmes dynastiques
et mécanismes d'interaction du kihutu dénommé
kinyarwanda
361
Section 4. Durée diatonique des
poèmes et appartenance politique et juridique
369
§1 Communication dans les poèmes
dynastiques et le kihutu appelé kinyarwanda
369
§2. Durée diatonique dans les
poèmes et identité dans la communication
372
§3. Appartenance politique et juridique comme
sentiment de la durée au sein des poèmes
376
Conclusion
384
Chapitre septième: LE MYTHE DE
L'APPARTENANCE ET PRISE DE CONSCIENCE
386
Introduction
386
Section 1. Psychologie des minorités
387
§1. Microcosmes et prise de conscience
387
§ 2. Patriotisme des minorités
391
§3. Définition démographique
positive des minorités linguistiques et dichotomie de la trimonade
(Hutu-Tutsi-Twa)
392
Section 2. Question de l'historicisme comme prise
de conscience exceptionnelle de valeurs démographiques chez Mutuza dans
les poèmes dynastiques
395
§1. Raison ambiante et milieu ambiant
395
§2. Historicisme chez Mutuza et
définition démographique positive des minorités
ethniques
399
§3. Concentricité des thèmes et
continuité de ð() dans les poèmes dynastiques
409
Section 3. Prédiction et critique du mythe
Hima-Tutsi
410
§1. Acquisition de la notion de
cohésion d'un groupe du point de vue pragmatiste
410
§2. Michel de Foucault et
l'archéologie structuraliste d'appartenance
420
§3. Musey face au Structuralisme comme base
d'analyse prédictive de l'identité
422
Section 4. Ingénierie sociale chez
Mutuza : théorie de la communication et de la compréhension
du mythe Hima-Tutsi
424
§ 1. Relativité du sentiment de
minoritaire dans la communication
424
§ 2. Ingénierie sociale et sentiment de
minorité et de majorité
430
§ 3. Mécanisme de prise de conscience
communicationnel
433
Conclusion
442
Chapitre huitième: LES TUTSI ET
L'APPARTENANCE
443
Introduction
443
Section 1. Acquisition de la cohésion d'un
groupe
444
§ 1. Existence d'une communauté
444
§2. Relativité du sentiment de
minorité et de majorité
445
§3. La psychologie des minorités
juvéniles en temps de paix et en temps de guerre et la politique
d'expansionnisme
448
Section 2. Elément culturel de
l'identité des Hima-Tutsi
451
§1. Vache : vide social ou
désemparement des guerres ?
451
§2. Différenciation de groupements et
d'activités face aux fonctions du désir et de la foi dans leur
priorité sur le réalisme
454
§3. Réflexe réactionnaire et
fonction de mortalité collective
457
Section 3. Identité de
l'élément culturel chez les Hima-Tutsi
458
§1. Formation spontanée des groupes
minoritaires de contrôle
458
§2. Domination et temps anthropologique face
à la notion universelle de l'infini
462
· Que signifie dominer dans le
cadre où le maître n'est pas le modèle?
467
· La soumission aux Hutu ou la
force de l'ouvrier sur son maître
468
§3. Adaptation et temps entropologique face
à l'expérience biologique et philosophique de la mort et de
l'éternité
469
Section 4. Intégration et
identification de l'élément culturel du mythe Hima-Tutsi
473
§1. Fin ou début d'une
époque : le problème métaphysique et la
relativité d'Einstein et d'Augustin
473
§2. Règles d'intégration et la
recherche d'une minorité souffrante face à la théologie de
Durkheim
479
v Dérivation et
intégration de fonctions usuelles
486
Calcul Intégral
487
v Primitive d'une fonction en rapport
avec l'organisation sociale
487
v Définition d'une
intégrale face à la problématique de la
cohabitation
487
§ 3. Corrélation et correspondance
entre l'identité et l'appartenance face aux propriétés
d'une intégrale et stratégies de cohabitation
488
CONCLUSION GENERALE
493
BIBLIOGRAPHIE
499
TABLE DES MATIERES
518
* 1 Nous voulons la
restauration de la science politique
(åðéóôåìÞ des
anciens Grecs) opposée aux opinions
(äïîáé). La science politique
est la science de l'existence humaine dans la société et dans
l'histoire, et des principes de l'ordre. Par « ordre », il
faut entendre la structure de la réalité telle que nous en
faisons l'expérience, soit l'ordre cosmique. Pour rendre compte du
« désordre », les stoïciens inventèrent
le concept d'aliénation
(áëëïôñéïóçò),
un état de retrait par rapport au moi, constitué par la tension
vers le fondement divin de l'existence. Ces catégories stoïciennes
seraient applicables aux phénomènes idéologiques modernes
qui falsifient la réalité, c'est-à-dire la nation et
l'Etat.
* 2 Nous avons emprunté
ce terme chez Claude Lévi-Strauss. Celui-ci dans Tristes
tropiques, Plon, p. 477-478 ; La Pensée sauvage,
Plon, p. 26 ; les Mythologiques, IV. L'Homme nu,
Plon, p. 620-621, décrit la situation de l'homme sous le vocabulaire de
« dissolution » et de
« caducité » pour parler du résultat final de
la culture et de l'humain.
* 3 Chaque peuple a son
comput. Le comput est le système de mesure du temps pour le besoin de la
vie quotidienne. Un calendrier luni-solaire à 354 jours
(apparaissent au comput) était utilisé dans la Grèce
antique; les Grecs furent les premiers à intercaler les mois
supplémentaires selon des principes scientifiques, au bout d'un cycle
particulier. C'est ainsi que nous avons de différences calendaires. Et
la computation devient le paradigme de toute reconnaissance des formes
culturelles.
* 4 Masques. Chez Aphende
(les Pende), les masques sont des symboles de la vie sociale. On peut traduire
masque par personnage. Le miroir de ces images héroïques
est donc d'un enjeu considérable pour l'époque zaïroise de
l'authenticité, ne serait-ce que parce qu'à travers
l'échange informationnelle, c'est une identité nationale qui
s'élabore et se réfléchit dans le kilega (sa langue), dans
le bwame (sa culture), dans le kimbilikiti (ses valeurs) ; parce que la
conversation est encore le code en gestation de la critique philosophique (chez
Mudiji a Malamba).
* 5 Les ngoma sont des
tam-tams ou tambours qui symbolisent les pouvoir royal. Détruire les
ngoma est signe de la destruction de la royauté.
* 6 Ndombolo est l'ensemble
des chants et des danses congolais modernisés. Il fait figure de la
musique congolaise moderne.
* 7 D'après
LEROI-GOURHAN (+ 1986), dans Evolution et Techniques,
les traces de métallurgie du fer mises au jour dans
la région des grands lacs ont permis d'établir que les premiers
agriculteurs bantous, en provenance du bassin du Congo, se sont
installés dans la région au IIIe siècle de
notre ère. Lorsque les Tutsi s'établissent à leur tour
dans les collines de l'est du Rwanda, entre le Xe et le
XVe siècle, les Hutu ont déjà formé
de petits royaumes. Vers le XVIIe siècle, un royaume
gouverné par les Tutsi se développe sur la plus grande partie du
territoire de l'actuel Rwanda (à l'exception du sud-ouest).
* 8 Par exemple, les
éditions commentées de la Bibliothèque augustinienne
(Dictionnaires : nous pensons à ceux de LAMPE et de BLAISE, ceux
de A. LALANDE, il y en a beaucoup)
* 9 Par exemple pour
Tertullien : Gästa CLAESSON : Index Tertullianus, 3 tt. Paris,
1974-1975
* 10 MUTUZA, De la
philosophie occidentale à la philosophie négro-africaine, p.
257-259.
* 11 Nous disons
probablement par Pythagore parce qu'on rencontre, avant lui, certaines
affirmations telles que celles de Héraclite d'Ephèse dans ce
passage chez Hérodote où Crésus dit à Solon :
« j'ai appris que tu as sillonné bien des pays en
`philosophant'
(öéëïóïöåïí
= en cherchant la culture, en étudiant à fond, en
méditant) pour l'amour de la
`èåþñéá =
contemplation, connaissance pure, spéculation, savoir
théorique ».
* 12 SMET, A. J.,
Bibliographie de la Philosophie africaine, tome I et II,
2004.
* 13 NGOMA BINDA, La
philosophie africaine contemporaine : pensée et pouvoir,
thèse de doctorat en Philosophie, inédit, FCK, pp. 343,1985.
* 14 La technique n'est donc
pas un instrument neutre qu'on peut bien ou mal utiliser, mais un mode
de pensée. L'homme ne pense plus qu'à gérer,
à calculer (computer) et à prévoir : c'est la
différence que fait Martin Heidegger entre la
pensée méditante et
désintéressée, et la pensée computante
(calculante) qui veut par la technique dominer la nature et l'asservir
aux besoins de l'homme. De l'approche cognitiviste nous proposons l'approche
computationnelle pour comprendre la génétique de la recherche
philosophique du temps entropologique. Car le problème de la
connaissance se trouve au coeur du problème de la vie. Cette idée
ne relève nullement d'une conception
« bio-logistique » qui s'opposerait à la conception
philosophique de la connaissance. En fait, le problème de l'enracinement
vital de la connaissance se pose au coeur de la philosophie. Dilthey disait que
les processus fondamentaux de la connaissance sont dans la vie, et que la
pensée ne peut aller au-delà. Interrogeant Piaget, nous avons le
sentiment profond qu'il a découvert les conditions de la connaissance, y
compris les données a priori et les catégories qui auraient pour
source les principes fondamentaux de l'organisation vivante. Il en vient
à concevoir « l'isomorphisme structurel entre les
organisations biologiques et cognitives » (1967). Mais tôt
venue, la réflexion de Piaget s'est trop tôt cristallisée,
avant qu'on ait pu concevoir que l'activité computante
de l'être cellulaire constituait la source de la
connaissance ou de l'identité.
* 15 Chez Epicure, il faut
reconnaître au êåíüò -
vide ou silence - le rôle qu'il a de nous révéler
l'un (intégralité, objectivité
et Essence) et le tout (intégrité,
objectité et être). Émouvant certes des choses, les vides
n'en acquièrent pas moins les apparences au cours de leur trajet
jusqu'à nos sens, c'est leur indépendance : on ne saurait
les identifier unilatéralement, ni avec l'objet dont elles
émanent, ni avec une simple représentation du sujet qu'elles
affectent. Elles opèrent donc une disjonction inclusive entre les termes
de l'alternative qui oppose la surface à la profondeur.
* 16 La mythologie
valentienne expliquait que le Père ineffable émet d'abord
l'abîme et le silence
(Âõèïò
êáé
ÓéãÞ), d'où
procèdent l'esprit et la vérité
(íïýò
êáé
áëÞèåéá),
d'où naissent enfin le Verbe et la Vie
(ëüãïò êáé
æùÞ), et on remarque aussi d'ailleurs que dans
cette théogonie, ce n'est pas du Silence que sort le
ëüãïò, mais bien du
íïýò. Le verbe sorti du silence
(ëüãïò Üðü
óéãÞ
ðñïåëèùí) est
différent du le verbe éternel non sorti du
silence (ëüãïò
Üßäéïò ïýê
Üðü óéãÞ
ðñïåëèùí). Tel
quel cependant, le sens christologique veut que le Verbe Christ est sorti du
silence du Père, sorti du silence où il était près
de lui comme enfant (Ðáßò).
Mais il faudrait savoir que le mot
Ðáßò accolé au Christ
ne signifie pas fils (õïò) mais
serviteur, mais pas tout de même esclave. Il est fils
(õïò) bien-aimé qui est
aussi Vie (æùÞ). C'est le
problème de la situation temporelle de Jésus Christ. Nous
reviendrons plus sur Hegel de qui Mutuza soutire certains commentaires pour ses
homélies à Saint Joseph des Epinette à Paris. Nous allons
exposer Mutuza avant d'établir l'orthodoxie de sa pensée.
* 17 On peut bien comprendre
l'alternance par le schéma cyclique de fougère (schéma de
la botanique universelle) qui se présente comme suit :
F1
* 18 MUTUZA, La
Problématique du Mythe
Hima-Tutsi, Noraf, Kinshasa, 2004.
* 19 Si par peuple on entend
un ensemble de personnes constituant une nation ou un ensemble de personnes
soumises au même système politique et au même gouvernement,
ou encore un ensemble de gens partageant la même culture ou la même
religion et qui est une nation en puissance (au sens aristotélicien du
terme).
* 20 Selon leur mythe,
Kanyarwanda est le fils de Gihanga, le père de Banyarwanda à qui
le kinyarwanda est donné comme symbole d'unité et
d'unification.
* 21 La grande
autorité en linguistique africaine, VAN BULCK, n'a jamais
mentionné, dans sa classification des langues bantoues le glossonyme
kinyarwanda. Jusqu'à présent, les autorités en
linguistique africaine ne désignent pas le kinyarwanda dans leur
nomenclature. Nous pensons que le kinyarwanda est une dénomination
toponymique et glossonymique. Par ailleurs, le toponyme est difficile à
prendre à la lettre du fait que la division et la dénomination de
l'espace géographique ne venait pas souvent de la population mais du
colonisateur qui se donnait le droit de nommer (les choses).
* 22
L'individu est pensé à la fois par rapport
à lui-même -- en tant qu'indivisible -- et à un
tout dont il est une partie. L'individualité, ce qui distingue un
être de tous les autres, est définie par le principe
d'individuation, à savoir par la disposition de la matière dans
le temps et dans l'espace, selon Thomas d'Aquin, ou par l'unité de la
matière et de la forme, selon saint Augustin. La distinction
individu-tout conduit à l'opposition singulier-universel. Guillaume
d'Occam développa sa théorie nominaliste à partir de la
singularité absolue de l'individu.
Pour Guillaume, n'est réel que l'universel, qui est une
substance essentielle, la même dans tout individu : l'Homme est
identique dans Pierre et dans Paul. Les individus ne sont que des
accidents : l'individuation ne dépend que des accidents, elle n'est
pas essentielle. Guillaume soutenait que les idées universelles ne sont
« pas après, mais avant les choses ».
Abélard, quant à lui, tout en s'appuyant sur le nominalisme de
Roscelin, affirmait que ce n'est pas l'universel que partagent Pierre et Paul
mais la condition (status) d'Homme.
L'ambition de connaître l'individu atomique et unique participe
de la volonté de saisir des réalités ultimes en biologie,
en chimie, en logique, en philosophie ou dans les sciences humaines. Se posent
alors, explicitement ou implicitement, les problèmes ontologiques
fondamentaux : les réalités élémentaires et
originaires qui composent le réel sont-elles individuelles, comme chez
Guillaume d'Occam, en interdépendance, comme les monades de Leibniz, ou
bien en relation avec des réalités transcendantes, comme chez
Platon ? De plus, cette connaissance de l'individu est-elle
possible ? Leibniz rédigea sa Thèse sur le principe
d'individuation (1663). Carl Gustave JUNG, dans Dialectique
du Moi et de l'inconscient, son ouvrage le plus complet (publié en
1933), expose les liens entre le conscient (le moi) et l'inconscient (qui
possède une dimension dynamique de croissance, alors que Freud le
considère comme une instance de refoulement). Le dialogue entre
conscient et inconscient doit permettre le processus d'individuation,
c'est-à-dire l'évolution de l'individu vers sa
personnalité globale. La qualité de ce dialogue dépend
notamment d'un autre dialogue, celui entre la « persona »
et l'« ombre », la persona correspondant à l'image
personnelle et sociale, et l'ombre à la partie inconsciente de la
personnalité.
* 23 MUTUZA, Quelles
Institutions pour un Congo démocratiques : le droit de nommer les
choses, p. 25. Et chez Aphende (Pende, population bantoue qui
s'étend du territoire de Gungu, d'Idiofa, de Tshikapa et Kahemba), la
chenille porte le nom de la plante d'où elle vit. Les fruits portent la
dénomination du même radical de leur plante...Et Aphende
disent : « ngongo iji », la chenille
c'est la feuille (de l'arbre d'où elle vit, ou bien la vie de la
chenille dépend des feuilles).
* 24 DINGEMANS, G.,
Psychanalyse des peuples et des civilisations. Tragédie du
passé angoisse du présent et espoir d'avenir, p. 97.
* 25 L'archontat vient du
grec (arkhôn), « celui qui commande »),
viagère, puis décennale, la charge devient annuelle à
partir de 683 av. J.-C. À l'origine détenu par un seul
homme, l'archontat est partagé, à cette même date, entre
trois aristocrates élus annuellement : l'« archonte
roi », ou « basileus », reprend les
prérogatives religieuses des anciens rois et juge les crimes
d'impiété et les homicides. À l'époque romaine, il
est utilisé pour désigner l'empereur dans les territoires de
l'Empire de langue grecque, dans un processus politique et idéologique
qui conduit à l'évolution de la figure du monarque tendant vers
la théocratie et l'absolutisme et s'achève par la forme du
pouvoir instaurée à l'époque byzantine, quand le titre de
basileus désigne officiellement l'empereur.
* 26 LEROI-GOURHAN,
l'évolution humaine, Fascicule 4505, in
« L'homme, races et moeurs », p. 13.
* 27 DANIELOU, J.,
Origène, p.5.
* 28 BREHIER, E.,
Thèmes actuels de la philosophie, p. 23.
* 29 DANIELOU, J.,
Ibidem, p.209. Voir aussi la mythologie de Valentin et de Marcion les
gnostiques.
* 30 ARISTOTE,
Métaphysique, II, 5ac.
* 31 Entretien familial par
lequel le père révèle à ses enfants que nous,
hommes, rêvons la paix, mais nous sommes affligés par les guerres.
Attachés à la loi et à l'ordre, mais nous ne parvenons pas
à endiguer le flot croissant des massacres, viols, vols,
meurtres...Malgré les annonces d'espérances, notre
société se désagrège comme jamais auparavant. On
pourrait d'ailleurs formuler cette remarque que certes, la guerre froide est
terminée, mais force est de constater que le monde est devenu plus
propice à la vengeance et à la sauvagerie que déclenchent
des facteurs ethniques, tribaux, et nationaux... nous avons baissé le
niveau de nos principes et notre morale est profondément
perturbée. Nous récoltons les fruits de notre
négligence... et de la violence présente à chaque coin de
la rue. C'est comme si notre maison avait résisté au grand
tremblement de terre que nous appelons guerre froide pour finalement se faire
manger par des termites. Les Hema et le Lendu se massacrent, les Tutsi
pourchassent les Hutu...
* 32 Les hommes contre
l'humain : une illustration et une défense de l'idéal
humaniste ne cesse de rencontrer de multiples obstacles.
* 33 Peut-être
pourrait-on aujourd'hui traduire le mot anthropos
« Üíèñùðïò
» par « humain » plutôt que par
« homme ». Si on se réfère à
Wittgenstein dans « Remarque sur le Rameau d'or de
Frazer », in Actes de la recherche en science sociale, 16,
septembre 1977, p. 35-42. Ce même concept avait été
définit par Turing, 1938, en rapport avec la computation qu'il prend
comme traitement de symboles et pour lui le calcul numérique
était un aspect inessentiel de la computation. Dans ce sens, et alors
qu'ils étaient considérés comme des outils de calcul
numérique, Simon, en 1952, concevait les computeurs comme des
systèmes de manipulation de « symboles physiques ».
Mutuza qui se réfère à Russel pour définir la
philosophie, sait qu'avec Frege et Whitehead, dans leurs travaux, ils avaient
montré que la logique était un système symbolique
obéissant à des règles de « calcul »,
notion dont le sens linguistique et logique (calcul des propositions) signifie
très exactement computation.
Áíèñùðïò et
Computeur sont ici interchangeables.
* 34 L'on peut bien se
demander d'où vient le changement de l'intitulé du cours de
civisme et Développement !
* 35 Poésie
dynastique du Ruanda et l'Epopée Akritique, Paris, Belles Lettres,
1963, Préface.
* 36 GREGOIRE DE NYSSE,
Sur l'Ecclésiaste, Hom. 13, PG 44, 628 AB.
* 37 MARGUERITE, A. P.,
La nouvelle éthique de la mondialisation : défi pour
l'Eglise, p 2.
* 38 TILLICH, P., Amour,
Pouvoir et Justice, traduit de l'anglais par Theo Junker, Paris, PUF,
1964, p. 63.
* 39 La mystique est une des
doctrines philosophiques qui se fonde sur la croyance en une
réalité essentielle pour la compréhension de l'univers qui
dépasse l'entendement humain. Ici, on prend ce qui est rare chez les
Occidentaux comme le normal chez les Bantu. Ainsi Jakob Böhme (1575-1624),
mystique allemand, surnommé « le philosophe
allemand », a exercé sur la pensée allemande une grande
influence, notamment sur Hegel, dont Mutuza a lu l'oeuvre, et Schelling. Il
commente la Bible dans son Mysterium Magnum en 1623 et les travaux de
Paracelse sa vision de la réalité. Pour Lui, toute chose advient
à l'existence dans le conflit des contraires, de même que ce
conflit enrichit la perception et l'intelligence. Ainsi, le mal est un
élément nécessaire du bien, car, sans le mal, la
volonté deviendrait inerte et le progrès impossible. Dieu
lui-même, selon Böhme, possède des attributs conflictuels. La
vie mystique est caractérisée par une vitalité, une
productivité, une sérénité et une joie accrues, car
les aspects intérieurs et extérieurs s'harmonisent avec le Divin.
On a développé de nombreuses théories philosophiques
complexes pour tenter d'expliquer le phénomène mystique.
* 40 La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, Kinshasa, Noraf, 2004,
Introduction.
* 41 Philosophe africain et
congolais (Mulega).
* 42 MUTUZA, Une remise
en question des travaux de la Conférence Internationale sur les pays de
grands lacs, p 22. Mais l'auteur n'a pas distingué que
ce qui est perçu peut être un objet
matériel, une action ou un discours. Ce qui est perçu peut aussi
l'être fantasmatiquement : c'est le cas de ce projet sur la paix
que l'on simule et dont on évalue les résultats en imagination.
Dans tous les cas, la prise en compte de ce qui est perçu passe par la
construction d'une représentation de l'objet, sous forme, par exemple,
d'images ou de propositions discursives. Le jugement de valeur porte sur la
représentation de l'objet, sa description interne en
connexion avec d'autres : de l'objet, nous n'avons jamais
qu'une apparence de sa réalité. De fait, le jugement
s'élabore également à partir d'informations
déjà présentes dans la mémoire : croyances,
désirs, influences sociales, autres valeurs, etc.
* 43 Réseaux
neuronaux. Microsoft ® Encarta ® 2007. (c) 1993-2006 Microsoft
Corporation. En haut est schématisé un réseau neuronal
humain, composé de cellules nerveuses appelées neurones. Chaque
neurone peut émettre des signaux vers ses voisins, par
l'intermédiaire de prolongements nommés dendrites ; il peut
également en recevoir, véhiculés par des fibres
appelées axones. En bas est représenté un réseau
neuronal artificiel. Entre les noeuds d'entrée et de sortie figurent de
nombreux autres noeuds, appelés pour cette raison noeuds cachés.
Un réseau neuronal artificiel peut comprendre plusieurs niveaux de
noeuds cachés.
* 44
Même si l'objet perçu est différencié
de son contexte, le jugement de valeur lui est relatif. L'évaluation
d'un objet est éminemment subjective si une nécessité
vitale ne dicte pas sa loi. Voir aussi Okolo Okonda, Tradition et
modernité en Afrique aujourd'hui, le point de la question, in
« Recherches philosophiques africaines » n°
29, Philosophie africaine : bilan et perspectives, p.14
* 45 Nous sommes dans la
morale de Socrate. Pour celui-ci l'homme fait le mal par ignorance. Nul ne peut
mal agir s'il est cultivé. La conscience humaine devient l'absolu. C'est
un problème épistémologique de la philosophie morale qui
se transmet dans l'histoire de la philosophie.
* 46Cf. Michel HENRY dont
l'oeuvre philosophique s'inscrit, non sans difficulté, dans le
courant de la phénoménologie. Avec l'Essence de la
manifestation (1963), cette inscription et cette distance sont
posées, ainsi que le fondement de l'oeuvre à venir. Dans un
contexte marqué en France par le structuralisme, le marxisme et la
psychanalyse, Michel HENRY reprend le fil de la phénoménologie
tout en en récusant le fondement, qui est aussi celui de toute la
philosophie occidentale -- et non pas seulement d'Edmund Husserl ou de
Martin Heidegger --, celui qu'il qualifie de « monisme
ontologique », autrement dit l'assimilation de l'essence à
l'idée : « philosophie qui pose que rien ne peut nous
être donné qu'à l'intérieur et par la
médiation de l'horizon transcendantal de l'être en
général » (Philosophie et
phénoménologie du corps, écrit en 1950 et
publié en 1965). Cette tradition retire toujours ce qu'elle donne dans
le phénomène et subordonne le donné à l'ordre de la
transcendance et de l'extériorité. Philosophie et
phénoménologie du corps élabore en outre une
philosophie du corps subjectif -- du sujet corporel et
incarné -- préexistant à toute expérience et
à tout discours à partir d'une étude approfondie sur Maine
de Biran. Cfr aussi Mutuza dans Apport de la psychologie dans la formation
du juriste, Deuxième partie, chap.I, où il est question
d'analyse des différentes phases du comportement, p.90-109.
* 47 La composition du plus
antique ouvrage en prose sur l'Univers et les origines de la vie, qui constitue
la majeure contribution d'Anaximandre, lui vaut d'être parfois
appelé le père de la cosmologie. Il conçoit l'Univers
comme un système de cylindres concentriques dont le plus
extérieur contient le Soleil, celui du centre la Lune et le plus
intérieur les étoiles. En forme de tambour, la Terre flotte au
centre de ces cylindres sans être soutenue. Selon Anaximandre, l'Univers
tire son origine de la séparation des contraires de la matière
primordiale. Ainsi, le chaud se déplace vers le haut, se séparant
du froid, et ensuite le sec se sépare de l'humide. Il soutient
également que toute chose qui meurt retourne à
l'élément dont elle est issue.
* 48 Cfr. LAROUSSE, R.,
Introduction à la philosophie politique, p. 9.
* 49 Pour l'enquête,
nous nous référons à John Dewey qui
a profondément marqué l'histoire de la pensée
américaine pendant la première moitié du
XXe siècle, non seulement dans le domaine de la
pédagogie mais aussi dans les questions politiques et
économiques. Après la Seconde Guerre mondiale, son influence
diminue cependant, et sa philosophie est éclipsée par les
débuts de la philosophie analytique. Elle connaît cependant un
regain d'intérêt à partir de la fin des
années 1970, en particulier auprès des philosophes
américains Richard Rorty et Hilary Putnam.
* 50 En métaphysique
l'analyse comme la synthèse ont une double acception : la
synthèse est, soit qualitative, elle est alors progrès dans la
série des subordonnés de condition à conditionné,
ou bien quantitative, elle est alors, comme dit Kant, un progrès dans la
série des coordonnés, de la partie donnée, par ses
compléments, au tout. Symétriquement, l'analyse, au premier sens,
est une régression du conditionné à la condition, au
second, du tout à ses parties possibles ou médiates,
c'est-à-dire aux parties de ses parties ; et elle n'est pas
division, mais la subdivision du composé. Et c'est au second sens
seulement que nous prenons l'analyse.
* 51 Cfr. MUSEY, N.M.,
Claude Lévi-Strauss, Anthropologie et communication,
Introduction.
* 52 Idem.
* 53 Contrairement à
ce qui est habituel quant à ce qui concerne les notes, nous avons
dû dans cette thèse, vu la complexité des sujets
traités et de notre totale dépendance de multiples disciplines et
leurs sources, faire appel à des notes nombreuses et quelquefois
obèses. Nous demandons au lecteur de bien vouloir nous passer
condamnation sur ce point. D'ailleurs, il peut, sans devoir aller constamment
de l'étage au sous-sol, se faire une juste idée de l'ensemble des
choses.
* 54 MUTUZA, De la
philosophie occidentale à la philosophie négro-africaine, p.
136
* 55 Ibidem, p.
241.
* 56Histoire de
l'humanité, cité par Mutuza dans Des Nations sans Etat,
Avant-propos VII.
* 57 Cette incapacité
de « s'ouvrir à d'autres horizons » a
caractérisé la politique coloniale en matière du droit
foncier et en matière domaniale où le législateur,
enfermé dans la même alternative, soutenait tour à tour la
négation de la propriété de certaines terres et
l'assimilation de la propriété immobilière par une
procédure de constatation des droits.
* 58 L'illusion
ethnocentrique qui masquait la discontinuité de nos gammes conceptuelles
et la prétention réformiste du législateur colonial qui
méconnaissait le principe exprimé par l'auteur de
« l'Esprit des Lois » selon lequel celles-ci doivent
être relatives au principe du pays, au genre de vie du peuple, expliquent
les nombreux échecs des réformes foncières entreprises.
* 59 MUTUZA, La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 7.
* 60 On se rappellera que la
plupart des Tutsis font les études de Droit.
* 61 MUTUZA, Op.
Cit. p. 17.
* 62 VERDIER, R., La
civilisation agraire et droits fonciers négro-africains, pp.
24-34. La problématique que pose l'auteur ainsi que
l'explication qu'il présente s'applique mutatis mutandis aux conceptions
que beaucoup d'auteurs occidentaux se font de réalités
africaines.
* 63 VERDIER, R., op.
cit. p. 12.
* 64 MUTUZA, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 46. Voir aussi Quelles
Institutions pour un Congo démocratique, p. 22.
* 65VERDIER, R., op.
cit. p. 16.
* 66 Des Nations sans
Etat, p. 11.
* 67 Encyclopédie
française, t. XX, Section A 20-20-9 20-20-12, GASTON BERGER.
* 68 MUTUZA, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 108.
* 69 Des Nations sans
Etat, p. 12.
* 70 LALANDE, Vocabulaire de
la Philosophie, P.U.F., 1962, 714. « Connaissance de ce que sont les
choses en elles-mêmes - leur contenu réel - par opposition
à l'étude de leur apparence ou de leurs attributs
formels. »
* 71 MUTUZA, De la
philosophie occidentale à la philosophie négro-africaine, p.
20.
* 72 Philosophie analytique
c'est la philosophie de l'analyse du langage et les concepts qu'elle exprime.
Pour ces philosophes l'activité propre à la philosophie est la
clarification du langage ou encore celle des concepts pour trancher les
débats et de résoudre les problèmes qui surgissent en
philosophie de la confusion linguistique.
* 73 Ibidem, p.
68-69.
* 74 Ibidem, p.
67.
* 75 Ibidem, p. 70. Voir
aussi Ethique et Développement, p. 17.
* 76 Ibidem, p. 74.
* 77 MZEE MUNZIHIRWA MWENE
NGABO, La dynamique apostolique du diocèse de Kasongo (1093-1995),
p. 2.
* 78 MUTUZA, Des Nations
Sans Etat, p. 27.
* 79 MUTUZA, La
Problématique du Mythe Hi-ma-Tutsi, p. 32.
* 80 MUTUZA, Des Nations
sans Etat, Avant-propos.
* 81 Cette conception prend
sa source dans une tradition philosophique nettement caractérisée
qui remonte à Hegel. En revanche, parce que la loi est
l'expression de la volonté générale, elle est
supérieure aux règlements qui émanent de l'exécutif
et de l'ensemble des pouvoirs publics. Pour la même raison, les
juridictions judiciaires et administratives n'ont pas le droit de se prononcer
sur la validité d'une loi après sa promulgation,
c'est-à-dire qu'elles n'ont pas le droit de la censurer implicitement en
prenant un jugement qui lui serait contraire. Seul le Parlement peut remettre
en cause la validité d'une loi. Il faut cependant apporter une nuance
à cette règle : le juge peut être saisi pour constater
une incompatibilité entre une loi et une norme de droit international ou
de droit communautaire, (c'est-à-dire pour constater s'il y a des
dispositions dans la loi qui seraient contraires au droit international ou
communautaire). Si l'incompatibilité est effectivement constatée,
la loi ne peut être appliquée, et c'est la norme communautaire ou
internationale qui prévaut. Mais, ce faisant, le juge n'annule pas la
loi ; c'est en effet au Parlement qu'il revient de tirer les
conséquences de cette incompatibilité.
* 82 BALANDIER, G.,
Anthropologie politique, P.U.F., 1969, p.29.
* 83 LOMBARD (J),
« Pensée politique et démocratie dans l'Afrique noire
traditionnelle », in Présence africaine, n°63, 1967,
p.10. « A propos de diversité de formes d'organisations
sociales et politiques J. Lombard affirme « A la fin du
XIXème siècle, l'Afrique Noire présentait le
plus riche champ d'expériences qui puisse se trouver en matière
d'organisation politique. Jamais sans doute, sur un même continent et
à une même époque, n'ait pu coexister une telle
diversité dans les formes de gouvernement des hommes ».
« C'est seulement maintenant qu'on découvre, par le truchement
des traditions orales et des mémoires humaines cette diversité
des institutions et des formes d'organisation politique, alors sans doute aussi
nombreuses et aussi variées que le sont de nos jours les langues
africaines ».
* 84 BALANDIER, G.,
« Réflexion sur le fait politique : le cas des
Sociétés africaines », in Cahiers Internationaux de
Sociologie, Vol. XXXVII, 1964.
* 85 LOMBARD, J.,
op. cit., pp.10-11
* 86 Idem.
* 87 MUTUZA, Des Nations
sans Etat, p.
* 88 Idem.
* 89 Idem.
* 90 Anthropologie, art.
Politique.
* 91 LALANDE, op. cit.
p.838.
* 92 MUTUZA, Des Nations
sans Etat, p. 30.
* 93 Ibidem.
* 94 Le XVIIIème
siècle, nous affirment les auteurs de l'Histoire de
l'humanité, a admis que l'Afrique était d'autant plus attirante
qu'elle représente une sorte de degré 0 de la civilisation. Le
XIXème siècle, moins optimiste, a
considéré ce continent muet sur son propre passé, comme
inférieur à tout jamais à tout autre, dans la perspective
de l'histoire. Beaucoup de techniciens de l'histoire aujourd'hui encore,
s'aventurent à écrire que l'Afrique n'a pas et n'aura jamais
d'histoire puisqu'elle ne possède pas de documents écrits qui ont
servi dans le monde blanc à élaborer la discipline du
passé, op. cit., pp.727-728.
* 95 SACHS cité par
Mutuza dans Des Nations sans Etat, p.
* 96 MUTUZA, Op. Cit.
p. 19.
* 97 MUTUZA, La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 23 ; voir aussi Des
Nations sans Etat, p.
* 98 GENDARME, R., p. 33.
* 99 De la Philosophie
occidentale à la philosophie négro-africaine, p. 235.
* 100 Ibidem, p.
236-237.
* 101 De la philosophie
occidentale à la philosophie africaine, p. 235.
* 102 Ibidem, p.
235.
* 103 MUTUZA, La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 16.
* 104 Mutuza a vu
soumettre son ouvrage intitulé Ethique et
Développement à la censure de la
Commission Doctrine et Idéologie Institut Makanda Kabobi du Mouvement
Populaire de la Révolution (MPR). Ce livre fut connu sous le
titre de Mal Zaïrois, mais il n'était pas encore
publié quand Mutuza se heurta à Kangafu et Gambembo.
* 105 C'est à ce
moment qu'il pensait à la publication de son Les fondements
culturels du fédéralisme, qui n'a vu le jour qu'en 1991 aux
Editions NORAF à Kinshasa.
* 106 Article paru dans
Réflexions d'un séminariste autour des
événements des années 60, pp 49-58.
* 107 MUSEY, N. -E..,
M., Claude Lévi-Strauss, Anthropologie et communication, p.
3.
* 108 L'article a paru dans
« Présence Africaine », N° 10, Juillet
1962, pp. 6-15.
* 109 Cet article se trouve
dans Réflexions d'un séminariste autour des
événements des années 60, pp 9-16.
* 110 Nous sommes aux
lendemains du discours du Maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendo Waza
Banga, Président fondateur du MPR, Chef de l'Etat et Président de
la République du Zaïre. Mutuza occupe la chaire de philosophie
politique où il parle entre autre des paradigmes démocratie.
* 111 Il s'agit de MUSEME,
Ethique et Développement : critique et reprise à Mutuza
Kabe, Mémoire de Licence en Philosophie FCK, 1991. Cfr. aussi,
NGONGO, Mutuza et le développement de l'Afrique, TFC Saint
Augustin, site de Kintambo, 2001. Voir encore MBUYI, Tribalisme et
nationalisme chez Mutuza, Mémoire de Licence en Philosophie, ISPL,
2003.
* 112 Pour les
étudiants MUTUZA KABE a précédé l'histoire, la Revu
NUMERACA reproduira dans une des ses A la Une marque la calvitie de Mutuza en
caricature.
* 113 Il y a certes
beaucoup d'autres Congolais qui ont traité de ce problème mais
ils partaient des postulats occidentalistes et occidentaux, postulats qui sont
taillés en vue de renforcer une idéologie, celle de convaincre
les populations que sans la collaboration et l'intervention des occidentaux, il
n'y aurait ni démocratie, ni liberté, ni paix, etc. dans les pays
des Grands Lacs.
* 114 Ici Mutuza pense en
terme des substantifs au génitif dans une proposition : il parle du
respect des occidentaux. Cela peut-être compris soit du respect dont les
occidentaux inspirent aux Noirs, soit du respect dont les Noirs inspirent aux
occidentaux ; tout compte fait, c'est le respect de l'homme qui
l'intéresse.
* 115 NGOMA BINDA admirait
beaucoup Mutuza qui était d'ailleurs son professeur. Nous avons
rencontré dans les tiroirs de Mutuza certains travaux pratiques de Ngoma
Binda. En ce temps là, déjà, Mutuza mettait en garde son
étudiant d'avoir copié un texte et de le lui avoir remis comme
travail pratique. La même remarque va revenir dans l'appréciation
de la thèse que Ngoma Binda a soutenue aux Facultés Catholiques
de Kinshasa. Mutuza a reproché à son étudiant d'être
éclectique. Cela n'a pas enchanté Ngoma Binda.
* 116 ELONGO, Pratiques
journalistiques en situation de crise, thèse de doctorat en
Information et Communication, Bruxelles, 2009-2010.
* 117 NTUMBWA, Le
paradoxe de la liberté par la chosification dans la conception welienne
de l'Etat, thèse de doctorat en Philosophie, Mexico, 2006.
* 118 MILALA, La
problématique de la rénovation des sciences sociales africaines,
thèse de doctorat en Philosophie, 2008-2009.
* 119 Mutuza a un texte
très précieux du cours de Civisme et
Développement. Il est d'ailleurs sous presse. Mais tout ce
que Ngoma Binda rapporte dans son article est bel et bien son intention
à lui, cela n'a rien avoir avec le texte de Mutuza. Et le Mutuza que
Ngoma Binda nous présente n'est surement pas le nôtre.
* 120 NGOMA BINDA,
Formation civique et politique comme préalable à la
démocratie. Réflexion à partir du cours de
« Civisme et Développement » dans l'Enseignement
Supérieur et Universitaire du Zaïre, in « La
démocratie en Afrique, Colloque de A.P.P.M./ Zaïre- Académie
des Professeurs pour la Pais Mondiale, 14-16 décembre 1990,
Kinshasa-Zaïre, p. 105-127.
* 121 MUTUZA, Le Bwami,
la superstructure de la société Lega frein ou moteur au
développement, thèse (inédite) de doctorat en
philosophie, Paris, 1971.
* 122 MILALA, B., Op.
Cit. 58.
* 123 La science coloniale
a du se défendre en argumentant en faveur de l'antériorité
des Tutsi sur les territoires rwandais. J. Maquet est de ceux qui ont
affirmé cette hypothèse. Mais l'on se demande pourquoi chercher
à confirmer une hypothèse historique si l'arrivée est un
fait ? Baumann et Westermann ont eu le privilège d'avoir
travaillé sur les civilisations africaines. Ils se sont trompés
quant ils affirmèrent que l'homme blanc était venu civiliser le
nègre. Comment une civilisation peut-elle civiliser une autre ? Ca
serait une jungle. Or, la jungle est la civilisation qui cherche à
s'imposer. Donc la civilisation occidentale est une civilisation de la jungle.
Ayant vu la jungle chez les Tutsi, les occidentaux ne purent que la prendre
comme une civilisation soeur, celle des barbares entre eux.
* 124 MUTUZA, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 23.
* 125 De gauche à
droite la version et la traduction de Kamugulampungu. En italiques le kilega,
en gras le français.
* 126. Kamugulampungu est
une comptine, comme d'ailleurs toutes les comptines qui sont des formulettes,
poèmes simples, récités ou chantés, souvent
accompagnés d'une mélodie afin d'amuser et d'éduquer les
petits enfants. Se distingue des comptines occidentales qui, on le sait se
distinguent généralement en plusieurs types: les comptines
numériques (Un Deux Trois / Nous irons au
bois /Quatre Cinq Six / Cueillir des cerises / Sept
Huit Neuf / Dans un panier neuf / Dix Onze
Douze / Elles sont rouges), celles qui se terminent par un ordre
va t'en ou sors, celles encore qui sont chargées de
jeux phonétiques, avec des allitérations et parfois
incompréhensibles (Am stram gram / Pique et pique et
colégram / Bourre et bourre et ratatam / Am stram
gram pique dame), et enfin des comptines narratives au sein desquelles se
déroule une histoire cocasse ou pourvue d'un élément
permettant de les dater. La plupart des comptines est transmise d'une
génération à l'autre, par voie orale. Souvent, elles
ouvrent et inaugurent un jeu. Dans ce cadre, elles désignent l'enfant
à qui incombe une certaine tâche : un cercle d'enfants est
formé et l'un d'eux doit compter ses camarades, les désignant
successivement du doigt, syllabe après syllabe, d'une façon
très rythmée, jusqu'à la fin de la comptine. Le dernier
désigné est, selon le jeu, éliminé ou heureux
élu. Universelles, les comptines sont bien souvent anonymes. Celles qui
sont racontées au coucher des enfants ou qui leur apprennent les
chiffres où l'alphabet figurent parmi les plus anciennes. On
relève autant de variantes dans les comptines qu'il y a de
régions. Parfois, poétiques et absurdes, elles mettent en
scène des animaux, ceux qui notamment contiennent une connotation
particulière, comique, drôle ou terrifiante : le cochon,
l'éléphant, le lapin ou l'araignée. Kamugula mpungu est
l'une des plus célèbres comptine qui demeure comme celle
d'Une souris verte / Qui courait dans l'herbe / Je
l'attrape par la queue / Je la montre à ces
messieurs / Ces messieurs me disent / Trempez-la dans
l'eau / Trempez-la dans l'huile / Ça fera un
escargot tout chaud !. L'introduction de l'animal dans ce genre est
l'occasion aussi de faire entrer un monde fantastique et magique dans lequel
tout arrive et où tout est possible. La comptine se présente
comme un univers merveilleux, irrationnel, qui plaît aux enfants.
Cependant, les origines de nombreuses comptines, comme Coccinelle,
Coccinelle, Envole-toi, sont l'objet de conjectures ; certains
théoriciens pensent que diverses comptines en apparence naïves
expriment en réalité des opinions sur la politique ou sur
d'autres sujets d'actualité. Aussi est-il courant de trouver à
l'intérieur d'une comptine un nom propre, un surnom, une allusion ou un
événement précis qui sont autant de clins d'oeil de
l'auteur destinés au lecteur, au réciteur ou au joueur. À
l'instar des chansons populaires ou des ballades, certaines comptines doivent
leur attrait à leur mélodie autant qu'à leurs mots.
* 127 MTUZA, Des
nations sans Etat, p. 154-155. Il est à noter que l'accession aux
charge de Baame n'est pas héréditaire et encore moins le
privilège d'une caste. Le Bwami, disons-nous en paraphrasant Biebuyck,
représente dans la pensée lega l'essence et le but final de la
vie. Le Bwami imprègne toute la vie du Lega. Il est quelque chose qui
marque, qui laisse des traces- KYANDANDA- il sert à renforcer les
relations sociales et humaines.«Bwami, précise Biebuyck, has no
theory about the universe, its origins and organisation or about the place of
divinities, animals, and men in the universe. Bwami has no myths. It does not
practise a specialized cult. Its ideology is essentially oriented toward men,
toward the moral improvement of individual and toward harmonious relationships
between men. Bwami is a search for the mastery of the good and for moral and
spiritual excellence. The intent is both théorical and piratical. The
Lega are convinced that moral improvement, moral and spiritual excellence, and
absolute good can be achieved only trough initiation into and memberships in
Bwami. J. VANSINA, qui a fait la synthèse de D. Biebuych sur le Bwami,
nous présente sur la nature et le mode d'accession à cette
institution des éléments précis: le Bwami lega, dit-il,
était une superstructure qui affermissait les relations à
l'intérieur des lignages et des clans tout en fournissant des grades et
des titres plein de prestige et symboles et formait des systèmes de
valeurs et d'idéologies très riches. Le Bwami était
l'institution de tous les Lega, non seulement parce que 80% des hommes y
participaient, mais aussi parce que les parties importantes du rituel
étaient publiques. Le Bwami reliait donc différents clans en un
seul faisceau et renforçait les liens à l'intérieur d'un
clan et de ses lignages. Mais c'est à Biebuych qu'il faut faire appel
pour dégager les conditions d'accès au Bwami. En principe,
dit-il, cette Institution est accessible à tout homme pourvu qu'il soit
circoncis. Les initiations au Bwami ne sont pas exclusivement
réservées aux aînés des lignages et des familles
étendues, aux riches, aux devins sorciers ou aux possédés.
On peut dire avec certitude que 80% de Balega mouraient comme initiés
à l'un ou l'autre grade de l'Institution. A l'intérieur des
familles étendues, des lignages, des sous-clans et des clans,
d'après l'importance hiérarchique du grade, les initiations se
font suivant un système de rotation et de substitution. Un agnat
accédant à un grade supérieur doit être
remplacé dans son grade précédant par un agnat : s'il
expire pendant les initiations on lui substitue immédiatement un agnat.
Les femmes, en tant qu'épouses d'initiées, ont accès au
Bwami. Il existe pour elles une série des grades qui sont homologues
à ceux des hommes. Les initiations pour homme et pour femme sont
inséparables : les femmes participent à celles des hommes et
vice-versa, sauf quelques rites secrets réservés à l'un ou
l'autre sexe. Un homme initié a donc toujours au moins une de ses femmes
initiées au grade complémentaire. S'il monte en grade, sa femme
doit également accéder à un grade supérieur. Il
existe à l'intérieur de l'institution une hiérarchie de
grades dont la nomenclature et le nombre ne sont pas les mêmes pour tous
les Lega. Cette stratification, en commençant par le bas, se
présente comme suit :
|
Homme
|
Femme
|
1. BWAMI
|
-LUKEKO
-KONGABULUMBU
-KANSILEMBO
|
KEGOGO
|
2. NGANDU
|
-MUSAGE WA NGANDU
-LUTUMBO LWA NGANDU
|
BOMBOA
|
3. YANANIO
|
-MUSAGE WA YANANIO
-LUTUMBO LWA YANANIO
|
BULONDA
|
4. KINDI
|
-KYIGO KYA KINDI
-MUSAGE WA KINDI
-LUTUMBO LWA KINDI
|
BUNYAMWA
|
* 128 A l'école
Mutuza gravait ses côtes du jour à ses Joux ; d'un
père illettré, il savait lui expliquer ce qu'il apprenait avec
zèle.
* 129 Leur professeur de
latin traduisait les textes en swahili.
* 130 Cette entrée
est une preuve d'une rupture avec la tradition. Il fait en cela l'imitation de
Jésus en se rappelant de ce que celui dont il fait la sequella
a dit : « je ne suis pas venu abolir la loi mais la parfaire. Il
honore ainsi la tradition lega évitant de l'enclore
monadologiquement.
* 131 L'idée de
l'identité et d'appartenance devient aussi claire. Mutuza veut
être lui-même, son recteur lui a demandé d'avoir
l'autorisation de son évêque pour apprendre l'anglais.
* 132 DADA MUTUZA, Les
éléments d'une biographie de Mutuza, p. 19.
* 133 La maison des
Pères Blancs a refusé de prendre en charge l'abbé
Mutuza.
* 134 Ces homélies
furent prononcées en 1965-1966, dans l'Eglise Saint Joseph des
Epinettes, située dans le XVII ème arrondissement. C'était
à l'époque où le Zaïre traversait une crise sociale,
politique et économique aiguë. Même dans ses sermons, Mutuza
trouve l'occasion de dire ce qu'il pensait de sa patrie.
* 135 La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 37 où Mutuza se dit
que « En vue de me permettre d'examiner avec un maximum
d'objectivité une question où je me sens juge et partie et en
vertu du principe selon lequel ce qui différencie l'animal de
l'homme... » ; et cfr. De la philosophie occidentale
à la philosophie négro-africaine où notre auteur
renchérit, à la page 145 que « A ce propos, je
montre d'abord que la question an sit est non seulement une question mal
posée, mais que c'est aussi un faux problème. L'existence ne se
prouve ni ne se démontre : elle se montre, se constate et
s'affirme. Ensuite, que la question quid sit est une vraie question, mais
qu'elle a souvent été mal posée, parce que les auteurs
l'ont souvent confondue avec la question quo modo sit. Je présente enfin
es oeuvres des philosophes congolais qui ont contribué, au cours de
cette dernière décennie, à la clarification de la
problématique de la philosophie africaine et qui, par leurs travaux, ont
engagé la philosophie africaine sur la voie de la
créativité.
* 136 Cfr. MUTUZA, La
mise en question du concept de l'Etat.
* 137 La Religion dans
les limites de la raison, p. 67.
* 138 MUTUZA, Des
Nations sans Etat, p. 23.
* 139 WITTGENSTEIN, L.,
dans « Remarque sur le Rameau d'or de
Frazer », in Actes de la recherche en science sociale, 16,
septembre 1977, p. 32.
* 140 C'est le principe de
correspondance qui énonce que toute nouvelle théorie doit
expliquer tous les phénomènes que l'ancienne théorie,
dépassée, expliquait déjà
* 141 Cfr. MUTUZA, Le
Bwame, la superstructure de la société lega, frein ou moteur au
développement ? thèse inédite, Faculté de
Philosophie, Institut Catholique de Paris, 1972. Voir aussi le même
auteur : le préjugé sous-jacent aux concepts de
progrès et de développement, in La place de la Philosophie,
Lubumbashi, 1976, 215-230.
* 142 MUTUZA a
traité de cette question avec beaucoup de délicatesses au
chapitre troisième pp.82-100. C'est là que se dévoile la
métaphysique mutuziste. C'est un véritable traité de
métaphysique qui confirme la philosophicité de son analyse de la
société.
* 143 Mutuza explique bien
cette idée dans Sermons d'un prêtre
défroqué. Il pense au Verbe de Dieu fait chair et qui a
habité parmi nous. Doctrine chrétienne.
* 144 MUTUZA, Sermons
d'un prêtre défroqué, p. 15.
* 145MUTUZA, Mon
expérience d'homme politique congolais, p. 15.
* 146 Qui se soumet aux
règles de l'art. Avec la naissance des académies d'art, une
critique conformiste s'impose, jugeant la peinture d'après les
critères de l'Antiquité et se basant principalement sur les
chefs-d'oeuvre de Raphaël, des peintres de la famille Carrache ou de
Nicolas Poussin. Cependant, bientôt émerge une critique
s'opposant à la critique officielle : des écrivains tels que
Marco Boschini et Roger de Piles se font les avocats de
l'anti-académisme, attirant l'attention sur d'autres critères
propres à la peinture, comme par exemple -- outre le dessin et
l'idée, traditionnellement reconnus -- la couleur, l'expression et
la composition.
* 147 Ingénierie
sociale est le nom que Comte a donné à la Sociologie. Il le fait
en rapport avec le génie civil qui est
un domaine d'activité dont le but est la construction
d'ouvrages d'art au bénéfice de la collectivité. Il
concerne la création, l'amélioration, et la protection des
structures et des constructions utiles pour l'environnement de la
collectivité : équipements pour l'habitat, l'industrie et
les transports
* 148 Prédiction
c'est le pouvoir d'anticipation des théories qui est un
thème capital pour les philosophies privilégiant tout
particulièrement l'action scientifique. Il soulève toutefois des
problèmes dépassant le seul domaine des applications de la
science. Ainsi, même quelqu'un estimant que la science vise seulement une
description vraie du monde valorisera au plus haut point la justesse des
prédictions. En effet, il y trouvera sans doute une confirmation
indirecte de la justesse de la description conduisant à une telle
prédiction.
Mais quel que soit l'intérêt
que l'on accorde aux prédictions, elles ne seront sans doute prises au
sérieux que s'il s'agit d'extrapolations à partir de faits
établis. Ainsi, on attend d'une loi, ou d'une relation causale, qu'elle
soit vraie dans d'autres situations ou qu'elle s'applique à d'autres
expériences que celles qui ont permis de l'établir.
La philosophie des sciences ne se limite pas à des
thèmes aussi généraux et abstraits que les
précédents. L'importance des facteurs humains transparaît
surtout dans des philosophies croisant l'histoire ou la sociologie. La
situation en France en donne un bon exemple pour deux raisons : d'une
part, la tradition philosophique française des deux derniers
siècles est fortement encline à l'histoire des idées ou au
commentaire ; d'autre part, l'épistémologie française
a longtemps été peu perméable au positivisme logique que
l'on sait souvent radicalement anhistorique.
* 149 MUTUZA, Op. Cit.
p. 16.
* 150 Idem.
* 151 MUTUZA, Mon
expérience d'homme politique congolais, p. 34.
* 152 Ibidem, p
36.
* 153 KIPLING, R., le
Livre de la jungle, trad. par Louis Fabulet et Robert
d'Humières, Paris, Gallimard, Folio, 1972.
* 154 MUTUZA, Op. Cit. p.
36.
* 155 MUTUZA, apport de
la psychologie dans la formation du juriste, cours qu'il publia en
2006.
* 156 MUTUZA, Ethique
et Développement : le cas du Zaïre, p. 44. L'auteur
rapporte la fiche d'appréciation en y accompagnant de sa réaction
sous formes d'indignation. C'est ici qu'on voit chez Mutuza l'analyse du
langage. C'est la philosophie du langage ordinaire et analytique à la
manière de Carnap et de ses amis du Cercle de Vienne. On se bat
là sur le sens des mots comme si une définition pouvait à
elle seule dire ce que sont les choses.
* 157 Idem.
* 158 Ibidem, p.
49.
* 159 Ibidem, p.
54.
* 160 Ibidem, p.
55.
* 161 Ibidem, p.
56.
* 162 C'est une conception
anarchiste de la démocratie. La dictature ayant matraqué les
esprits, il était donc difficile de concevoir la démocratie sur
sa bonne chaise.
* 163 GREGOIRE DE NAZIANZE,
Sur la divinité du Fils, PG, XLVI, 557-B.
* 164 MUTUZA, Mon
expérience d'homme politique congolais, p. 25.
* 165 Ibidem, p.
147.
* 166 Ibidem, p.
48.
* 167 Ibidem, p.
48-49.
* 168 Idem.
* 169 CAMUS, A.,
l'Étranger, Paris, Gallimard,
coll. « Folio », 1971.
* 170 MUTUZA, La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 51.
Hannibal (247-182 av. J.-C.), général
carthaginois, fils d'Hamilcar Barca, dont la marche sur Rome au départ
de l'Espagne entre 218 et 217 av. J.-C. reste un des plus hauts faits
de l'histoire militaire.
Élevé dans la haine de Rome, Hannibal,
à l'âge de neuf ans, accompagna son père dans
l'expédition carthaginoise visant à conquérir l'Espagne.
Entre sa 18e et 25e année, il fut responsable
de la réalisation des plans de son beau-frère Hasdrubal visant
à étendre et à consolider la mainmise carthaginoise sur la
péninsule Ibérique. Hasdrubal ayant été
assassiné en 221 av. J.-C., l'armée choisit comme
commandant Hannibal qui, en l'espace de deux ans, soumit l'Espagne entre le
Tage et l'Èbre, à l'exception de la colonie romaine de Sagonte,
prise après un siège de huit mois. Les Romains virent dans cette
attaque une violation du traité existant entre Rome et Carthage et
demandèrent que Carthage leur remette Hannibal. Le refus des
Carthaginois précipita la deuxième (218-201 av. J.-C.)
des guerres puniques. En 202 av. J.-C., Hannibal fut
rappelé en Afrique pour diriger la défense de son pays contre une
invasion romaine dirigée par Scipion l'Africain. Lorsqu'il affronta
Scipion à Zama, en Afrique du Nord, ses recrues
inexpérimentées désertèrent en masse et se
rallièrent aux Romains, et ses vétérans furent
anéantis. Carthage se rendit à Rome et la seconde guerre punique
s'acheva. Après la conclusion d'un traité de paix avec Rome en
201 av. J.-C., Hannibal prépara aussitôt une reprise des
hostilités. Il modifia la constitution carthaginoise, réduisit la
corruption au sein du gouvernement et assainit les finances de la cité.
Accusé par les Romains de vouloir rompre la paix, il fut obligé
de quitter Carthage et se réfugia à la cour du roi de Syrie
Antiochos III. À ses côtés, il combattit contre les
Romains, mais lorsque le monarque syrien fut battu à Magnésie
(Manisa) en 190 av. J.-C. et signa un traité avec Rome
prévoyant de livrer Hannibal, ce dernier se réfugia dans le nord
de l'Asie Mineure auprès du roi de Bithynie, Prusias II (de 192
à 148 av. J.-C.). Lorsque Rome demanda à nouveau qu'on
lui livre Hannibal, celui-ci s'empoisonna.
* 171 MUTUZA, Des
Nations sans Etat, troisième partie.
* 172MUSEY, Claude
Lévi-Strauss, Anthropologie et communication,
Introduction.
* 173 MUTUZA. K., La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 4.
* 174 MUTUZA, Apport
des philosophes zaïrois à la philosophie africaine,
* 175 MUTUZA, Dialogue
Intercongolais, prolégomènes à une culture
démocratique, Editions Universitaires du Kasaï, Kananga,
2002.
* 176 VANIER, J.,
Accueillir notre humanité, p. 25.
* 177 Ici la tradition
signifie ensemble de savoir ou de croyance remontant à un certain
passé.
* 178 MUTUZA, Les
fondements culturels du fédéralisme au Zaïre, p. 11.
* 179 Idem.
* 180 Le Centurion, le
Cerf, 1971. Quelle surprise ? Le cerf et l'abeille, cela invite à
la méditation. En ces temps-là - pour dire comme une histoire -
les éditions du cerf sont venues remplacer l'abeille, la maison
d'édition dirigée par les Dominicains à Paris. Cerf et
Abeille à Lyon ! Mais l'Abeille est les ruines des cerfs.
* 181 Voir deuxième
partie, Chap II, Sect. 3. §2.
* 182 MUTUZA, K., La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 57-58.
* 183 Nous avons lu
publiquement ce texte à l'occasion d'une rencontre au CSN, où
Citoyen Mutuza trône à la place d'honneur. Mutuza ayant compris la
teneur de cette analyse, a quitté la séance choqué et
furieux à la fois de tant d'impertinence...et de pertinence dans la
critique.
* 184
Ìáíôñáñßäç,
×ñéóôéáíêÞ
ÇèéêÞ,
Èåóóáëïíßêç,
(4ème édition) 1995, p. 17.
* 185 Eth. Nik. B, 1,
1103a, 17-18. Voir aussi . `I.
Ìáíôñáñßäç,
×ñéóôéáíêÞ
ÇèéêÞ, op. cit. Idem.
* 186DIELS, H., Die
Fragmente der Vorsokratiker, Zürich, Berlin 1964, 1, 177, p. 119, et
1, 168, p. 78. . `I.
Ìáíôñáñßäç
* 187 Baame est le pluriel
de Mwami.
* 188 C'était un
lieu de rassemblement et de rencontre, un lieu de palabre et de prise de
décisions, un lieu d'accueil et de réconciliation, un lieu
d'hospitalité, une oasis de sérénité où se
construisaient la paix et la sécurité. On n'idéalise rien.
On décris les faits et les bénéficiaires de ces faits en
témoignent. Les passants et les visiteurs y étaient accueillis,
admis à partager les repas et échanger avec les résidents.
« Il était vraiment bon et agréable, comme dit le
psalmiste, de se retrouver avec ses frères dans ce lieu.
* 189 MUTUZA, Mon
expérience d'homme politique congolais, p. 17.
* 190
Après l'ère newtonienne, la découverte
scientifique qui marqua le plus l'éthique fut la théorie de
l'évolution élaborée par Charles Darwin. Les
découvertes de Darwin fournirent un appui au système nommé
parfois éthique évolutionniste que défendait le philosophe
britannique Herbert Spencer. Pour celui-ci, la morale n'est rien d'autre que le
résultat de certaines habitudes acquises par l'humanité au cours
de l'évolution. On doit à Friedrich Nietzsche une
interprétation surprenante mais logique de la thèse darwinienne
selon laquelle la survie des plus forts est la loi fondamentale de la nature.
Le philosophe allemand affirmait que ce que l'on appelle la conduite morale
n'est nécessaire qu'aux faibles. La conduite morale -- en
particulier celle que préconise l'éthique
judéo-chrétienne qui, pour Nietzsche, est une morale
d'esclave -- tend à autoriser le faible à empêcher le
fort de se réaliser. Pour Nietzsche, chaque action devrait être
orientée vers le développement de l'individu supérieur,
l'Übermensch (« surhomme ») qu'il appelle de
ses voeux et qu'il décrit comme le seul type d'Homme capable de
réaliser dans l'avenir les plus nobles possibilités de la vie.
Nietzsche trouvait les meilleurs exemples de cet individu idéal dans
chacun des philosophes grecs antérieurs à Socrate ainsi que dans
les dictateurs militaires tels que Jules César et Napoléon.
Opposé à la thèse qui fait de la lutte
impitoyable et incessante la loi de la nature, le prince Petr Kropotkine,
théoricien anarchiste et réformateur russe, présenta,
entre autres, des études sur le comportement des animaux vivant en
liberté qui révèlent le rôle de l'entraide dans la
nature. Kropotkine soutenait que l'entraide favorise la survie de
l'espèce et que les êtres humains ont acquis leur
supériorité sur les animaux au cours de l'évolution
grâce à leur capacité de coopération. Kropotkine
exposa ses idées dans de nombreux ouvrages, parmi lesquels une place
singulière revient à l'Entraide (1892) et à une
oeuvre inachevée, l'Éthique. Persuadé que les
gouvernements sont fondés sur la violence et que leur élimination
permettrait aux hommes de donner libre cours à leurs instincts de
coopération et d'instaurer un ordre coopératif, Kropotkine
défendait l'anarchisme.
* 191 LADRIERE, J.,
Cité par Mutuza, De la philosophie occidentale à la
philosophie négro-africaine, p. 143. Mutuza a écrit :
« expression culturelle donné à sa
propre.. » ; mais Jean Ladrière a écrit
donnée culturelle.
* 192 Quand nous disons que
c'est une philosophie qu'il n'a pas compris, il faut entendre par là que
Mutuza est indigné de la manière avec laquelle les philosophes
des sciences coloniales expliquent les faits sociaux et la pensée des
Noirs.
* 193Il suffit d'ailleurs
de lire l'introduction de ce livre pour constater le nombre d'allusion à
Marx ou plus précisément au marxisme que nous trouvons dans ce
seul ouvrage.
* 194 Cfr. Les
fondement culturels du fédéralisme, p. 24-31. Voir aussi
La problématique du mythe hima-tutsi, p 57-83.
* 195 Europe
(mythologie), dans la mythologie grecque puis romaine, belle
jeune fille phénicienne, l'une des nombreuses aventures mortelles de
Zeus (Jupiter chez les Romains), et dont le nom, qui signifie « au
large visage » ou « aux grands yeux », a
été donné au continent européen par les Anciens et,
à une époque beaucoup plus récente, à l'un des
satellites de la planète Jupiter.
Europe est fille d'Agénor, roi phénicien de Tyr,
et de Théléphassa. Un matin, Zeus l'aperçoit alors qu'elle
cueille des fleurs avec des amies au bord de la mer. Il tombe amoureux d'elle
et, désireux de se cacher de sa femme Héra dont la jalousie est
terrible, prend l'aspect d'un magnifique taureau blanc.
Zeus prend tout d'abord pour épouse
l'Océanide Métis, personnification de la Raison et de la Sagesse.
Mais, à la suite d'un oracle, il met fin à cette union en avalant
la déesse. Il prend ensuite pour épouse la Titanide
Thémis, qui incarne la Justice et la Loi divine puis, après
quelques autres amours divines (Déméter, Mnémosyne et
Léto), il choisit comme reine des dieux Héra, protectrice des
femmes mariées. Mais la légende de Zeus est aussi marquée
par ses nombreuses aventures amoureuses. Époux volage de la jalouse
Héra, il séduit des déesses (telles Éris,
déesse de la Discorde et Séléné, la Lune), des
nymphes et de nombreuses mortelles. Pour approcher ces dernières, le
dieu se métamorphose souvent : en pluie d'or pour s'unir à
Danaé, en cygne pour conquérir Léda, en magnifique taureau
blanc pour enlever Europe... Il prend aussi l'apparence d'Artémis pour
approcher Callisto, l'une des compagnes de cette dernière. Cette fille
assise sur le taureau blanc est le symbole qui représente le parlement
de l'Union Européenne.
* 196 MUTUZA, K., La
problématique du mythe Hima-Tutsi, p. 7.
* 197 TYLOR, E. B,
Études sur l'histoire ancienne de l'humanité »,
p. 40. Voir aussi la Civilisation primitive, p. 13 ; et
Anthropology, p. 53.
* 198 MUTUZA, K., La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 8-9.
* 199 Cfr. Sommet du G8 de
2008. Emission télévisée, Euro News.
* 200
La thèse selon laquelle les objets ont des essences peut
être fondée comme suit. On est en droit de supposer qu'un objet
pourrait ne pas avoir certaines des propriétés qu'il a de fait.
Par exemple, Socrate pourrait ne pas avoir été
exécuté par les Athéniens en 399 av. J.-C. et
mourir paisiblement dans son sommeil quelques années plus tard.
Néanmoins, pour pouvoir encore parler de Socrate, on ne peut pas
à loisir multiplier les propriétés qui pourraient lui
avoir fait défaut. Supposons que quelqu'un suggère que Socrate
aurait pu être une girafe et non un être humain. Personne ne
contestera que nous aurions alors tout simplement cessé de parler d'une
possibilité réelle concernant le Socrate historique. Le Socrate
historique -- cet individu en particulier -- ne saurait avoir
été autre chose qu'un être humain. C'est pourquoi le fait
d'avoir été un être humain appartient à l'essence de
Socrate, contrairement au fait d'avoir été exécuté
en 399 av. J.-C. D'autres penseurs affirment que chaque
objet a une essence individuelle unique. Un cas d'essence individuelle
spéciale, mais controversée, appelé
« singularité », est la propriété qu'a
un objet d'être précisément cet objet. Manifestement, s'il
existe des singularités, c'est qu'il y a des propriétés
qui ne pourraient faire défaut à un objet.
* 201 Cf. MUTUZA, La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 40-42.
* 202 SAINT THOMAS MORE,
l'Utopie, trad. par Marie Delcourt, Paris, Garnier-Flammarion,
1987.
* 203 SAINT THOMAS MORE,
Ibidem, idem.
* 204 Formation civique
et politique comme préalable à la démocratie.
Réflexion à partir du cours de « Civisme et
Développement » dans l'Enseignement Supérieur et
Universitaire du Zaïre, in « La démocratie en
Afrique, Colloque de A.P.P.M./ Zaïre- Académie des Professeurs pour
la Pais Mondiale, 14-16 décembre 1990, Kinshasa-Zaïre, p. 118.
* 205 Idem.
* 206 TYLOR, E. B., Op.
Cit. p. 22.
* 207 MUTUZA, K., Op. Cit.
p. 17-18.
* 208 L'idée est que
le falsificationnisme de K. Popper pourrait être appliquée ici
pour rendre justifiable la scientificité de la
réévaluation des concepts telle qu'elle prônée par
Mutuza. Pour y parvenir, elle ne fait que fondre les idées de Mutuza une
fois celles-ci posée dans l'acide de la méthode de Musey.
* 209 NGOMA BINDA, La
philosophie a africaine contemporaine, analyse historico-critique p.
29.
* 210 Le flambeau de
l'historicisme était passé de Hegel à Marx ; mais
quoique Popper tienne Marx pour un bien meilleur intellect, il ne le
considère pas comme un philosophe (pas plus que la grande
majorité des historiens ne le considèrent comme historien, ni
celle des économistes comme économiste).
* 211 « Il s'agit
au-delà de ce qui apparaît ; c'est-à-dire
au-delà des phénomènes examiner le noumène, comme
disent les philosophes, à la suite de E. Kant » cité
par Mutuza à la page 3 de son La problématique du Mythe
Hima-Tutsi.
* 212 Mutuza ne sait pas
que les sciences sociales sont inductivistes, sa méthode de
réévaluation des concepts ne lui permet pas de faire cette
quête. Dans leurs méthodes quantitatives, les sciences sociales
aboutissent à beaucoup d'erreurs que nous verrons plus tard.
* 213 MUTUZA, K., Op. Cit.
p. 17.
* 214 MUTUZA, K., Le
dialogue inter-congolais Prolégomènes à une culture
démocratique, p. 9.
* 215 David Hume poussait
l'empirisme jusqu'à douter de l'identité, de la causalité
et de la régularité, qu'il est nécessaire de postuler a
priori pour pratiquer la méthode expérimentale. L'historicisme
moins radical, permet l'approche expérimentale et non l'empirisme
consiste essentiellement à appliquer celle-ci à la théorie
sociale. Or, c'est exactement ce que fait Mutuza, malgré sa fameuse
évaluation des concepts qui fait la réfutation de la
régularité dans les sciences de l'action humaine : il montre
que, dans la mesure où l'action des hommes à venir dépend
d'une information qui apparaîtra dans l'intervalle, aucune
prédiction de l'Histoire à venir n'est logiquement possible. Mais
il n'avait pas compris que cette absence de régularité invalide
aussi tout « évaluation empirique de la causalité
sociale, et que la méthode expérimentale, celle des
ingénieurs, est donc inacceptable aux sciences sociale.
* 216 Musey et Mutuza sont
tous deux de la méthode de la réévaluation des concepts.
Il y a pour Musey deux types de prophétie qui sont essentiellement
impossibles à tester. « Le Royaume de Dieu viendra »
ou « l'exploitation de l'homme par l'homme prendra fin »
n'ont aucun contenu d'information observable. Je peux toujours prétendre
que ce type de prophétie a en fait été
réalisée, et personne ne peut me traiter de menteur. Citoyen
ravale ce genre de prétention au domaine de la fantaisie apocalyptique.
De même, l'affirmation « le panafricanisme sera finalement
réalisé » ne risque jamais d'être
réfutée, à la manière poppérienne, à
la fois parce que nous ne nous sentirons peut-être jamais forcés
de nous mettre d'accord sur ce qu'est le panafricanisme, et ce que signifie sa
réalisation, et parce que même si nous étions d'accord,
« confiture demain » demeurerait à jamais compatible
avec « jamais avoir confiture aujourd'hui ». Ce
truc-là est vieux comme Hérode, et si l'historicisme
n'était jamais rien d'autre que la de la prophétie
irréfutable, nous pourrions aller vaquer. Mais lorsqu'une
prédiction n'est plus métaphysique mais
« observationnelle », s'agit-il de l'abracadabra de la
prophétie historiciste ou de la prédiction scientifique de la
technologie sociale ?
* 217 MUTUZA, K., La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 63.
* 218 L'anthropologue et
ethnologue américain d'origine allemande Franz Boas développe
dans l'Esprit de l'homme primitif (1911) une critique radicale du
concept de « race pure », et de l'opposition traditionnelle
du primitif et du civilisé. Les travaux anthropologiques de Boas sont
devenus des classiques du genre. Il insistait sur la nécessité de
recherches empiriques et descriptives, se méfiant des
systématisations et des classifications arbitraires. Par ses
contributions extrêmement diverses, il a également
démontré la nécessité d'étudier une culture
sous tous ses aspects, au nombre desquels il faut compter la religion, l'art,
l'histoire, la langue, les caractéristiques physiques du peuple, mais
également le poids des expériences individuelles. En montrant que
les prétendus « types raciaux » ne sont pas des
caractéristiques stables, il aboutit à une critique radicale du
concept de « race pure », et de l'opposition traditionnelle
du primitif et du civilisé. Il est l'auteur de la Croissance des
enfants (1896), l'Esprit de l'homme primitif (1911),
Anthropologie et Vie moderne (1928) et Race, langage et
culture (1940.
* 1. En médecine, c'est la
méthode qui appréhende l'individu comme un tout et traite le
corps comme une entité unique et non par organes distincts, en
privilégiant les interactions qui unissent le physique et le spirituel.
Ainsi la médecine holistique est la plus utilisée en
Afrique, chez les Bantu. Actuellement elle est une méthode de
santé qui permet de soigner les hommes comme tous étant
« normaux ».
* 219 POPPER, K.,
Misère de l'historicisme, Chapitre 14.
* 220 FOUCAULT, M., les
Mots et les Choses, Paris, Gallimard, 1966.
* 221 La
génétique définit l'anomalie comme
la modification d'un ou de plusieurs gènes, dans tout ou
partie des cellules de l'organisme, responsable d'un trouble, d'une
malformation ou d'une maladie. Une maladie congénitale
(présente à la naissance) peut être génétique
mais non héréditaire (apparue à un certain moment du
développement embryonnaire), ou génétique et
héréditaire (provenant d'un parent ou des deux), ou encore non
génétique (due, par exemple, à une infection de la
mère, pendant la grossesse). Certaines anomalies
congénitales sont constatées dès la naissance, parce
qu'elles sont sévères ou facilement décelables
(malformation, par exemple). D'autres existent, fondamentalement, dès la
naissance, mais ne se manifestent que pendant l'enfance, voire à
l'âge adulte. Les anomalies génétiques peuvent se
limiter au niveau d'un gène, infime partie d'un chromosome qui est
héritée des parents et qui commande une fonction
élémentaire (par exemple, la synthèse d'une des
protéines du sang). Elles peuvent aussi toucher la totalité d'un
chromosome, qui peut manquer, se trouver en excès, ou présenter
une structure anormale : ce sont les aberrations chromosomiques. Elles
peuvent être héréditaires ou non.
* 222 Pour Musey,
Lévi-Strauss a bien vu la pertinence de l'interdisciplinarité. Et
le terme de normal est cher aux anthropologues de la science coloniale, c'est
en médecine que ce terme est le plus utilisée. L'organicisme de
fonctionnalistes a fait que l'on croit devoir identifier les hommes,
isolément pris, comme des membres au même pied
d'égalité que les pieds ou les bras, voire les mains dont la
séparation d'avec le corps s'avère fatale ; mais un homme se
séparant de sa communauté, sa séparation bien que
malheureuse, n'est jamais fatale.
* 223 GUDIJIGA,
Sociétés et cultures africaines, cours (inédit)
UNIKIN, Faculté des Sciences Sociales, Administratives et Politique, p.
13, 2004-2005.
* 224 Le métissage
est un concept raciste. Pour ceux dont le français est la
première langue, ils y voient la méfiance, c'est-à-dire
« vous n'êtes pas moi, pas non plus lui ».
Récemment Hillarie Clinton voulait s'y hasarder dans son attaque contre
Obama, mais l'opinion américaine s'y était refusée.
* 225 En ce temps là
(ôï êáéñï
êåéíï), comme on le dit dans la divine
liturgie quand on commence chaque lecture de la péricope
évangélique. Ce groupe adverbial indique la continuité du
temps où l'on se trouve. C'est pour dire qu'il y a une présence
évoquée. Cette idée se retrouve chez H. Balthasar dans ses
célèbres ouvrages Présence et Pensée ;
L'enfer, une question. Le cardinal allemand est sûr d'une
présence : celle dont il a pleine conscience.
* 226 Aussi paradoxale que
peut paraître l'analogie, il est intéressant de savoir que
octoèque vient du grec : ï ê ô
ï (okto) : huit et Þêïò
(hêkos) : ton, mode ou choeur, c'est-à-dire huit
tons de la musique byzantine. Et Paraclitique vient de
Ðáñáêëçôïò
(Paraclitos) qui signifie consolateur. D'où l'office de consolation
selon les huit tons ou modes de la musique byzantine. C'est un paradoxe de
croire que La problématique du mythe hima-tutsi fût une
consolation pour les Tutsi. Il est vrai que l'analogie est dans l'usage qu'en
font les Tutsi comme les fidèles moines de Chévetogne font de
l'octoèque.
* 227 Journal Numerica, en
sa rubrique Les Documents, supplément des éditions 173
du 31 mai 1999, 174 du 04 juin 1999, p. 1.
* 228 Du jeudi 25 septembre
au mercredi 01 octobre 2008, p. .
* 229 MUTUZA, K., Le
dialogue inter-congolais Prolégomènes à une culture
démocratique, p. 19-20.
* 230 Ibidem, p.
9.
* 231 MUTUZA, K.,
Ethique et développement, p. 45.
* 232 Mutuza s'interroge
souvent du rôle de la Communauté internationale, plus
particulièrement de la MONUC dans la résolution de conflits
armés. Cette indignation fait que, pour lui, un élément de
l'ingénierie sociale peut non seulement redresser les torts et apaiser
la souffrance mais contribuer au bonheur de certains. Il pose la question de
savoir pourquoi ne doit-on pas aller de l'avant ?
* 233 Un trait majeur de
Mutuza est en effet qu'ayant toute sa vie côtoyé de grands
anthropologues, au point d'exercer sur certains d'entre eux une influence
notoire (Gudijiga, hélas ! et Wingenga,, inévitablement), il
n'a jamais appris assez de théorie anthropologique pour éviter
que ses écrits politiques ne fourmillent d'erreurs de ce genre qui,
même si on admettait sa méthodologie et ses moyens de preuves,
ôtent toute pertinence et même toute apparence de sérieux
à ses conclusions politiques. Conséquence de son historicisme, ou
paresse pure et simple ?
* 234 Mill le
libéral, qui ne voulait admettre l'emploi de la force que pour
empêcher les gens de porter atteinte aux intérêts les uns
des autres, était lui-même en danger de tomber dans un
problème compatible avec Mill le socialiste, qui prétendait
réorganiser la distribution du produit social, après qu'il avait
été attribuer à l'issue d'un processus où des
acheteurs et des vendeurs consentants avaient exercé des droits de
propriété légitimes.
* 235 MUTUZA, K.,
Dialogue inter-congolais, Prolégomènes à une culture
démocratique, p. 20.
* 236 GUDIJIGA,
Sociétés et cultures africaines, p. 50. Cours
inédit 2007.
* 237 Dans ces pages du
Les fondements culturels du fédéralisme au Zaïre,
il argumente avec éloquence contre les tentatives pour faire le
bonheur des gens : l'homme politique doit se limiter à lutter
contre les maux et ne jamais se battre pour des valeurs
« positives » ou « supérieurs »,
telles que le bonheur...
* 238 Si le principe du
« dommage », quand même plus rigoureux, de John
Stuart Mill, a pu être retourné au point de signifier un appel
à l'Etat providence, (car ne pas venir en aide aux gens est leur faire
du tort), que n'est-il pas possible de lire dans le « Lutter Contre
la Souffrance et Non Pour le Bonheur » de Mutuza ?
* 239 Non seulement la
liste de telles exigences demeure ouverte, mais chacune de ces exigences, prise
isolément, est susceptible de servir de prétexte à une
action coercitive de l'Etat, qui n'aurait d'autre limite que le risque de
l'épuisement ou de la révolte des contribuables.
* 240 KIPAMBALA, M.-JFP.,
Temps et Apocatastase chez Grégoire de Nysse, p. 91.
* 241 MUTUZA, K., La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 85.
* 242 BARAHINYURA, Sh. J.,
Rwanda, Trente deux ans après la Révolution sociale de 1959,
Ed. Izuba Frankfurt am Main, 1992, p. 126.
* 243 Ibidem, p. 130.
* 244 Nous signalons ici
que Mutuza n'utilise pas le terme pragmatique dans le sens de la
vérité comme utilité. Ce qu'il faut bien voir, c'est que
derrière les théories pragmatistes en général, de
manière vague et très large, reposant sur une certaine
idée d'utilité ou de succès, Mutuza chasse le relativisme
et tous ses avatars.
* 245 MUTUZA, K., Le
dialogue inter-congolais prolégomènes à une culture
démocratique, p, 38.
* 246 Les peuples et
les civilisations de l'Afrique, p. 7.
* 247 Idem.
* 248 CRAHAY, F, La
diversité des sciences dans l'unité du savoir, p. 5.
* 249 MUTUZA, De la
philosophie occidentale à la philosophie négro-africaine, p.
108.
* 250 MUTUZA, Op.
Cit, p. 247.
* 251 Etudes
zaïroises, p. 14.
* 252 Ethique et
Développement, p. 27.
* 253 Ibidem, p.
49.
* 254 POPPER, K.,
Connaissance objective II, 33- p. 172.
* 255 MUTUZA, K., La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 24.
* 256 Cfr. K. R. POPPER
dans La Logique de la découverte scientifique où il
s'opposa à l'idée que l'induction soit la méthode qui
préside à la constitution de la science. Selon lui, l'induction
ne permet ni la découverte ni la confirmation des hypothèses
scientifiques. Il soutient que ces dernières ne sont pas formées
inductivement, c'est-à-dire à partir de l'observation de
régularités, mais sont le fruit de l'imagination créatrice
du scientifique. De plus, l'accumulation d'énoncés d'observations
particuliers ne suffit jamais à justifier un énoncé
général, et les hypothèses scientifiques sont des
énoncés généraux.
* 257 MUTUZA, K., Mon
expérience d'homme politique congolais, p. 109.
* 258 L'humanité a
été humiliée trois fois : avec Copernic Nicolas, on
est parti du géocentrisme à l'héliocentrisme, l'homme
n'est plus au centre de l'univers; plus tard, Darwin arrive dans le jeu et
révèle que l'homme est un des fruits de l'évolution dont
l'ancêtre proche est le singe ; récemment, S. Freud a
rappelé que l'homme n'est pas le maître de tous ses actes, il y a
une part de l'inconscient.
* 259 L'humanisme s'oppose
aussi bien au fanatisme religieux qu'à l'étatisme politique, qui
voudrait sacrifier l'individu à la raison de l'Etat.
* 260 On peut penser
à la faim, au froid et aux maladies.
* 261 Certains philosophes
pensent qu'il y aurait une société sans lutte, sans classe, et
cependant organisée.
* 262 Atalante, dans la
mythologie grecque, fille de Schoenée de Béotie ou de Iasos
d'Arcadie. Déçu qu'elle ne soit pas un garçon, son
père l'abandonna sur une montagne peu après sa naissance. Elle
fut secourue et nourrie par une ourse, puis élevée par des
chasseurs. Devenue grande, c'était elle-même une chasseresse
habile. L'exploit qui la rendit célèbre fut sa participation
à la chasse au sanglier de Calydon, une ville d'Étolie dans le
centre de la Grèce. Selon une autre légende, Atalante
était une athlète au pied léger qui accepta de se marier
avec celui qui la battrait à la course à pied. Ceux qui perdaient
étaient tués. Le jeune Hippomène (ou Mélanion)
gagna avec l'aide d'Aphrodite, déesse de l'Amour, qui lui donna trois
pommes d'or des Hespérides, et, en s'arrêtant pour les ramasser,
Atalante perdit la course. Ils furent plus tard tous deux changés en
lions en châtiment d'un affront fait aux dieux.
Parthénopée, leur fils, se joignit à l'expédition
des Sept contre Thèbes.
* 263 MUTUZA, Fondement
culturels du fédéralisme au Zaïre, p. 43.
* 264 Cette conception
mutuziste de la rencontre est, dans l'original du texte, un pot pourri de
latin, de grec et d'hébreu.
* 265 Mutuza se
réfère à la lettre que Graeber a reçue en 1841.
Dans cette lettre, c'est l'éminence de la rencontre qui y est
chantée.
* 266 MUTUZA, Op. Cit., p.
21.
* 267 MUTUZA, De la
philosophie occidentale à la philosophie négro-africaine,
84.
* 268 PAPADOPOULOS, T.,
Op. Cit., p. 22. Voir aussi PAGES, Op. Cit, 54.
* 269 DESROCHE, H.,
Socialismes et Sociologie religieuse, p. 193, Lettre à F.
Graeber, Brême, le 22 février 1841, une adresse grandiloquente
où le jeu de mots sont intraduisible (N.D.T.)
* 270 Idem. On
nourrit l'entropologie. On la confirme par le mélange
hétérogène. Finalement, ces éléments
hétérogènes se seront ramenés à leur
identité originelle.
* 271 TILLICH, P.,
Amour, pouvoir et justice, p. 66.
* 272 MUTUZA, Sermons
d'un prêtre défroqué, p. 22.
* 273 Ce n'est pas nous qui
faisons cette distinction. Ce sont les Blancs et les Tutsi eux-mêmes qui
se considèrent comme une race, pas une tribu, à part
entière.
* 274 KIPAMBALA, M.
J.-F.-Ph., Lumière et vie, p 15.
* 275 MUTUZA, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 1.
* 276 Idem.
* 277 CAMUS, A, l'Homme
révolté, Paris, Gallimard, 1951.
* 278 Idem.
* 279 Idem.
* 280 MUTUZA, De la
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 39.
* 281 Ibidem, p.
39-40.
* 282 Ibidem., p.
39.
* 283 MUTUZA, K., Mon
expérience d'homme politique congolais, p. 48.
* 284 Ibidem, p. 46.
* 285 POPPER, K.,
Post-scriptum I, préface de 1956, p. 27.
* 286 Le citoyen Kangafu
Gundumagana fut Directeur de l'Institut Makanda Kabobi. En juillet 1985, il
réagit, en tant censeur à l'idéologie du Parti Etat,
à l'ouvrage de citoyen Mutuza. Cet ouvrage était attendu à
l'imprimerie. Avec un ton ferme, Kangafu règle ses comptes à
Mutuza. Celui-ci de son côté réagit dans une
polémique tel un Moore en face de Martin Luther le réformateur
allemand.
* 287 MUTUZA, K., Le
dialogue inter-congolais prolégomènes à une culture
démocratique, p, 38.
* 288 Mutuza ne
connaît certes pas bien le terme pragmatique. Nous avions souligné
ci-haut que les mots ne l'importent peu. Il est à l'aise à cause
de son état d'esprit ouvert à la critique. Il est en effet fort
difficile de soumettre à la critique des idées
présentées de façons obscure et floue.
* 289 MUTUZA, K., Mon
expérience d'homme politique congolais, p. 51.
* 290 Ibidem, p.
49.
* 291 Physique et
philosophie, p. 57. Voir aussi Les principes physiques de la
théorie quantique, p. 26.
* 292
Complémentarité, p. 31.
* 293 Comment
je vois le monde, 27.
* 294 CAMUS, A., l'Homme
révolté, Paris, Gallimard, 1951
* 295 Idem.
* 296 EULER, L.,
Introduction à l'analyse des infiniment petits, p. 148.
L'auteur traite de manière analytique et complète
l'algèbre, la théorie des équations, la
trigonométrie et la géométrie analytique.
La faible dispersion spatiale des rayons laser et leur grande
précision temporelle permettent de les utiliser pour mesurer des
distances, à la manière des ondes radar : les rayons sont
envoyés sur des miroirs positionnés sur les sites à
cadastrer, par exemple le long d'une faille ou sur les rives opposées
d'un océan en expansion. Le temps du trajet aller-retour du rayon laser
permet de mesurer les distances au centimètre près.
Les satellites utilisent également des altimètres laser
pour déterminer l'altitude du relief survolé ou la hauteur des
vagues sur la mer. Des miroirs laser ont même été
déposés sur la Lune par certains astronautes, et ont
renvoyé des rayons laser émis depuis la Terre, permettant de
mesurer la distance Terre-Lune avec une précision
inégalée : de telles mesures ont mis en évidence la
lente dérive de la Lune qui s'écarte de notre planète au
rythme de quelques millimètres par an.
* 297 Idem.
* 298 Idem.
* 299
Ce que le Moyen Âge établit, c'est ainsi
l'évidence commune à tous les sens. Dans la mesure
où sentir, c'est proprement être illuminé, et que
cette illumination a pour source une unique lumière, il est possible de
parler d'une lumière du goût ou du tact, qui participent d'une
même évidence lumineuse que la vue. On peut difficilement
comprendre Descartes, chez qui le concept d'évidence est essentiel mais
qui ne l'étend pas à un autre sens que la vue, sans ce contexte
scolastique dont il est l'héritier beaucoup plus qu'il ne l'affirme.
Ainsi, l'évidence est lumineuse et non
-- seulement -- visuelle. En accord avec l'optique du
XIIIe siècle (Robert Grosseteste, Roger Bacon), on ne
parlerait pas ici d'un « tact de la vision » (Descartes,
Diderot) mais plutôt d'un « toucher lumineux ».
Il y a une sensation de l'évidence ; il y
a aussi une évidence de la sensation. Chez Descartes, ce n'est pas
l'oeil qui voit, mais l'âme. Ainsi, chez lui, les animaux ne voient pas,
à proprement parler. Pour Descartes, sentir, c'est se sentir. Et c'est
ce qu'il nomme penser : « il me semble que je vois (videre
videor), que j'entends, que je m'échauffe, et c'est proprement ce
qui en moi s'appelle sentir, et cela, pris ainsi précisément,
n'est rien autre chose que penser » (Méditations
métaphysiques, II). « Je pense donc je
suis » peut ainsi se traduire par « je sens que je pense,
donc je suis ».
En écho négatif à l'évidence de
la sensation, l'erreur ou l'illusion lui seront souvent attribuées.
* 300
À partir de Descartes, le
XVIIe siècle développe le problème central
de l'erreur, puis le XVIIIe siècle celui de l'illusion.
On parle du témoignage des sens. Mais, à
côté du lieu commun d'une induction dans l'erreur par le
témoignage des sens, on a très tôt souligné que
l'erreur n'est pas une catégorie de l'ordre de la sensation. Malebranche
rappelle que l'erreur est dans le jugement.
Remarquons toutefois que supposer un faux
témoignage des sens repose sur une conception de la sensation comme
donné brut, qui se constitue en perception par l'apport du jugement.
Aux XIXe et XXe siècles,
dans une démarche analogue à celle de l'humanisme renaissant qui
chercha l'essence de l'humain dans ses limites ou au-delà (fous,
« sauvages », etc.), on peut noter l'extrême
attention de la psychologie et de la physiologie pour toutes les anomalies de
la sensation, « erreurs perceptives », déformations,
pathologies sensorielles, etc. Dans le même ordre, mais dans une tout
autre visée, il faut mentionner les expériences provoquées
d'une transformation de la sensation par les drogues (Baudelaire, Rimbaud,
Michaux...).
* 301 KIPAMBALA, J. F.-Ph.,
Temps et Apocatastase chez Grégoire de Nysse, p. 91.
* 302
C'est pourtant sur ce type d'approche que s'appuient des travaux
tels que ceux d'Ernst Mach dans l'Analyse des sensations (1886) pour
développer un sensationnalisme intégral : « le
monde est uniquement constitué par nos sensations ».
L'influence de ces thèses est importante, tant en physique (Einstein,
Boltzmann, Planck) qu'en philosophie (Russel, William James), en psychologie
(Gestalt Theorie) ou encore en littérature (Musil, Hofmannsthal).
* 303
Les techniques modernes d'analyse moléculaire de l'ADN, de
l'ARN et des protéines permettent de détecter les mutations et
constituent les outils indispensables d'une meilleure approche des pathologies
génétiques, mais aussi des autres maladies dans lesquelles des
remaniements du génome sont impliqués (comme les cancers). La
recherche des mutations, lorsque ces dernières sont
répertoriées pour un gène donné, facilite le
dépistage d'une maladie héréditaire, permet souvent un
diagnostic de certitude et facilite le conseil génétique.
* 304 Action de
déconstruire qu'on rencontre chez Aristote dans sa forme active
ïßêïäüìçóéò,
dans son livre de métaphysique. La notion même de
« déconstruction » de l'oeuvre repose sur le
postulat que le texte ne possède pas une signification fixe et
prédéterminée que l'interprétation pourrait
retrouver ; la stratégie déconstructiviste se fonde en outre
sur le principe d'une « autocontradiction »
inhérente au texte, qui empêche l'émergence d'un sens
définitif et cohérent. Né sans doute du décalage
entre l'intention de l'auteur et la signification effective du texte, cette
« autocontradiction » du texte littéraire est le
point de départ de la critique déconstructiviste. Notons que le
terme de « déconstruction » renvoie aussi à
la pratique critique elle-même, parce qu'elle utilise des concepts
inaptes à rendre vraiment compte de la complexité et de
l'instabilité du texte littéraire du point de vue du sens.
* 305 Langage,
vérité et logique, p. 50
* 306 A la
différence de Austin, Mutuza ne veut pas que l'on s'attarde à des
définitions. Il pense que le vrai problème philosophique est la
pratique de la vertu dans la vie. La vertu s'impose à tous comme la loi
morale.
* 307 Nous évitons
souvent d'utiliser le mot race qui est biologique à cause des confusions
qu'il entraîne en sciences sociales. Cfr. J. Maquet, Op ; Cit., pp
23-27.
* 308 MUTUZA, De la
philosophie occidentale à la philosophie négro-africaine, p.
1.
* 309 MUTUZA, La
problématique du mythe Hima-Tutsi, p.23.
* 310 SMET retrace
l'itinéraire de la pensée africaine dans sa Bibliographie de
la pensée africaine, Cahiers Philosophiques Africains, Lubumbashi,
pp 39-96, 1972. Cfr. Crahay, Le décollage conceptuel :
conditions d'une philosophie bantoue, in Diogène, n° 52,
61-84.
* 311 MUTUZA, Ibidem,
p.66.
* 312 Ibidem, p.
67 où Mutuza exagère un peu...
* 313 Nous avons dit que la
pensée de Hutu est une pensée géométrique, ce qui
nous conduit à Pythagore dont nous connaissons le théorème
de géométrie plane, selon lequel, dans un triangle rectangle, le
carré de la longueur de l'hypoténuse est égal à la
somme des carrés des longueurs des deux autres côtés. En
d'autres termes, si le triangle ABC est rectangle en A, alors
BC2 = AB2 + AC2.Ce
théorème tire son nom du mathématicien et philosophe grec
Pythagore, qui l'aurait démontré au
Ve siècle av. J.-C. Mais cette formule était
déjà connue des Babyloniens. Nous avons aussi donné une
tablette de calcul babylonien pour rendre témoignage de la
mathématicité des peuples sédentaires. Il existe de
très nombreuses démonstrations de cette géométrie.
Nous en donnons ci-dessous une simple, faisant appel à des
décompositions ou découpages dudit théorème.
Considérons un triangle rectangle
d'hypoténuse C et de côtés adjacents A et B. La
figure 1 indique qu'un carré de côté A + B
peut être décomposé en quatre triangles rectangles, un
carré de côté A, et un carré de
côté B. D'après la figure 2, un carré de
côté A + B peut également correspondre à
quatre triangles rectangles plus un carré de côté C.
Comme les deux carrés de côté A + B ont la
même aire, les figures obtenues après avoir enlevé les
quatre triangles doivent donc avoir aussi la même aire. L'aire totale des
carrés de la figure 1 est égale à
A2 + B2, celle du carré de la
figure 2 est C2. Par conséquent,
A2 + B2 = C2.
* 314
Selon la théorie du big bang, les protons et les antiprotons
sont apparus simultanément lors de la création de l'Univers. Pour
des raisons non entièrement élucidées, seuls les protons
ont survécu aux annihilations protons-antiprotons (il en est de
même pour les autres antiparticules constituant l'antimatière).
Ces annihilations produisent des particules plus légères, qui
sont majoritairement des mésons p. Ainsi, pour observer les
antiprotons et les antiparticules en général, il faut les
créer artificiellement dans les accélérateurs de
particules.
L'existence de cette particule
élémentaire a été envisagée dès les
années trente. Toutefois, l'antiproton n'est observé pour la
première fois qu'en 1955, par les physiciens O. Chamberlain, E. G.
Segré, E. C. Wiegand et T. Ypsilantis, dans
l'accélérateur de particules de Berkeley, au cours de collisions
à haute énergie entre deux nucléons : un
nucléon cible et un nucléon accéléré. Ce
type de collision ne produit pas uniquement des antiprotons (en vertu de la loi
de conservation du nombre baryonique dans les interactions), mais s'accompagne
simultanément de la production d'un nucléon (un proton ou un
neutron).
* 315 Le
diapason est utilisé par les musiciens pour
accorder leur instrument : frappé sur une surface dure, il produit
une vibration sonore qui leur donne une note de référence, le
la, qu'il leur faut reproduire pour jouer avec la plus grande justesse
possible. Auparavant, les musiciens s'accordaient les uns par rapport aux
autres en se « passant le la » ; mais des
variations infinitésimales s'accumulaient qui, au bout du compte,
rendaient l'ensemble assez dissonant. Lassé de ce
phénomène, le luthiste anglais John Shore met au point le premier
diapason en 1711, permettant enfin aux
instrumentistes de se référer tous à la même
fréquence.
* 316 Au sens
hégélien du terme.
* 317 VANIER, J.,
Accueillir notre humanité, p. 27.
* 318 On arrive ainsi
à un foisonnement de nouveaux ensembles et on dit que toute
sélection d'un sous-ensemble de cet ensemble final est une structure. Le
problème philosophique est alors de justifier la notion d'ensemble, la
notion d'élément (notion fort « choisistes »)
et d'expliquer la prédominance de certains moyens de construction. La
notion de sélection quelconque dans l'ensemble infini résultant
est délicate (est-ce que l'ensemble des structures définies ainsi
existe, sans provoquer de paradoxe ?). Mais on prend alors ses
précautions. Enfin, la troisième époque vient, qui selon
nous, est philosophiquement du plus grand intérêt : le primat
de l'objet fait place au primat de la fonction. La théorie des
catégories, développée par Samuel Eilenberg pour commencer
et puis par toutes les mathématiques modernes définissent
essentiellement les entités par leurs morphismes, leurs
représentations sur d'autres entités. Le structuralisme en
mathématiques n'est pas plus qu'ailleurs une doctrine mais un
état d'esprit : C'est essentiellement le remplacement de la notion
d'ensemble, par la catégorie comme notion fondamentale. Cfr. Leo
APOSTEL, Structuralisme et théorie des systèmes, in
« Annales de l'Institut de Philosophie », 1970,
éditions de l'Institut de Sociologie, Bruxelles, p.163-174.
* 319 Quantité
évaluée en unité.
* 320 MUTUZA, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 74.
* 321 Pendant la guerre
d'agression, certains Congolais se demandaient si Ruberwa ! la raison est
simple : il y a-t-il un glossonyme kitutsi auquel Ruberwa
appartiendrait ? Pour un Congolais nationaliste et patriote un Tutsi ne
peut prétendre être un Congolais d'origine. Alors qu'on ne voit
aucun document de naturalisation de Ruberwa, il est fort bien que c'est un
étranger. Il est un entier relatif appartenant à un ensemble
flou. Et la Constitution de la RDC interdit tout flottement de ses
éléments (citoyens)...
* 322 MUTUZA ,
Ibidem, p. 63.
* 323 Ibidem, p.
66.
* 324 Ibidem, p.
43.
* 325 EULER, L.,
Introduction à l'algèbre, p. 32.
L'ensemble des nombres rationnels forme un corps, appelé corps
des fractions rationnelles. En effet, l'ensemble Q est
muni de deux lois de composition interne : la loi additive
notée Å et la loi multiplicative
notée Ä ; chacune possède un élément
neutre (respectivement 0 et 1) et pour chacune d'entre elles, il est possible
de définir des éléments inverses :
- (p/q) = - p/q est
l'opposé de p/q pour la loi additive et
q/p est l'inverse de p/q pour la loi
multiplicative. L'ensemble Q muni de la loi additive
(Q, Å) est un groupe commutatif tel que :
p/q Å p'/q' = p'/q' Å p/q
* 326 La puissance est ce
qu'on appelle Exposant. Et Mutuza se demande qui a créé Bizima,
Bugera et autre James ? Qu'étaient-ils ? D'où
viennent-ils ?
* 327 MUTUZA, ibidem,
p.29.
* 328 EULER, L.,
Traité du calcul différentiel, p. 27.
Avec le développement de la géométrie est apparu
le besoin de créer de nouveaux nombres. Ainsi, la longueur de la
diagonale d'un carré dont le côté mesure une unité
ne peut s'exprimer à l'aide d'une fraction. Cette longueur est
égale à la racine carrée de 2, de symbole . Multipliée par elle-même, cette valeur vaut 2. De
même, le quotient de la circonférence d'un cercle par son
diamètre n'est pas un nombre rationnel, mais vaut
p = 3,1415... Ces nombres sont dits irrationnels. La vie
d'une communauté forestière est troublée par les pratiques
sataniques qui ont lieu dans la sinistre vallée des grands lacs
africains. C'est le romantisme qui a élevé l'horreur au rang de
catégorie artistique.
* 329 Cfr. Sermons d'un
prêtre défroqué, sur l'Incarnation de Verbe. Ici on
voit que Mutuza a l'influence de la théologie trinitaire, c'est pourquoi
il désigne l'amour du Fils Monogène et consubstantiel au
Père et à l'Esprit par le terme de Transcendant.
* 330 Chez Aristote on
découvre le principe monadique appelé
centsðüöáíóéò du
ìïíáäéêü?,
Métaphysique, I,10a.
* 331
La grande majorité des publications de Liouville concerne
l'arithmétique. Le monde mathématique retiendra surtout sa
démonstration du théorème suivant qui porte son nom :
si l'irrationnel x est racine d'une équation
algébrique de degrés n, il existe une
constante A(x) telle que pour tout rationnel p / q. Ce
théorème, bien que non définitif, permit d'obtenir des
nombres transcendants qui furent appelés nombres de Liouville, de la
forme où les an sont des entiers
naturels quelconques inférieurs à 9. Liouville travailla
également sur les fonctions d'un entier n liées aux
diviseurs de n, sur les décompositions de n en somme
de carrés, ou encore sur les nombres premiers congruents (voir
Nombres, théorie des).
* 332
C'est à Abel, que l'on doit la notion de nombres
algébriques, qui sont des solutions d'équations polynomiales
à coefficients entiers (? est algébrique puisqu'il est solution
de x2 - 2 = 0, alors que le mathématicien
français Charles Hermite (1822-1901) a démontré que
le nombre réel e n'était pas algébrique).
* 333 MUTUZA, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 23.
* 334 Ibidem, p. 22.
* 335 Ibidem., p.
23.
* 336 Idem.
* 337 Paraclitique vient du
grec
ðáñáêëéôïò,
consolateur. Le livre de Mutuza devient de ce fait un office de consolation des
peuples affligé parce qu'il leur permet de comprendre leur situation
à cause de ceux qui les menacent, malheureusement ils se
réclament les leurs sans êtres des leurs.
* 338 MUTUZA,
Réflexions d'un séminariste autour des
événements des années 60, p.11. L'auteur nous fait
pensée au cri des Nègres.
* 339 Nous nous inspirons
ici de la méthode de l'archimandrite ANTONIO, R., Le lucernaire,
p. 10.
* 340 MUTUZA, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 43.
* 341 CORNELIUS LONGUS,
Anthologie grecque, Paris, Garnier, I, p. 131.
* 342 Cet aspect est bien
développé à la deuxième partie de ce travail, au
chapitre deuxième, section 1, §2.
* 343 Dans les conceptions
de la biologie aristotélicienne la valeur de l'ascension qui est chose
rare ressemble à l montée platonicienne que Grégoire de
Nysse appelle Épectase et que lui-même Aristote nomme
áêñßâåéá
êáé äýíáìéò
dans Métaphysique II, 7ac.
* 344 Musey situe cette
conception de l'octave dans la symphonie.
* 345 N'SANDA WAMENKA,
Op. Cit. pp. 37.
* 346 MUTUZA, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 23.
* 347 Ibidem, pp.
23-24.
* 348 FRALUCA PACIOLI,
De divina proportione, p. 48. Voir aussi LEONARD de Pise (Fibonacci),
Liber Abbaci, p. 19.
* 349 EULER, L.,
Introduction à l'analyse des infiniment petits, p. 87. Cet
Euler est le premier à traiter de manière analytique et
complète l'algèbre, la théorie des équations, la
trigonométrie et la géométrie analytique. Dans ce travail,
il traite du développement en séries des fonctions et formule la
règle selon laquelle seules les séries infinies convergentes
peuvent être correctement évaluées. Il discute aussi des
surfaces à trois dimensions et prouve que les sections coniques sont
représentées par l'équation générale du
second degré à deux variables. D'autres travaux traitent du
calcul infinitésimal, dont le calcul des variations, de la
théorie des nombres, des nombres imaginaires et de l'algèbre
déterminée et indéterminée. Euler donne aussi des
contributions dans les domaines de l'astronomie, de la mécanique, de
l'optique et de l'acoustique.
* 350 Ce processus
itératif qui définit la notion de successeur est le
schématisme transcendantal sous-jacent rituel.
* 351 Idem.
* 352 LEONARD de Pise
(Fibonacci), Liber Abbaci, p. 19. La multiplicité est
engendrée par répétition comme le divers prolifère
et est maintenu par la répétition rituelle du mythe.
* 353 FRA LUCA
PACIOLI, De divina proportione, p. 77. Ce schéma de
construction témoigne des recherches entreprises par le Léonard
de Vinci sur les règles mathématiques régissant l'harmonie
des proportions et notamment de son intérêt pour les travaux du
mathématicien Luca Pacioli.
* 354 STRADIVARI, A.,
la lingua franca, p. 12.
* 355 Tablette
babylonienne. Argile. Musée de Bagdad (Irak).
* 356 Mutuza, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 25.
* 357 N'SANDA WAMENKA,
Récits épiques des Lega du Zaïre, Tome 1, p. 9.
* 358 POPPER, K.,
Quête inachevée, VII, p. 28.
* 359 Idem.
* 360 MUTUZA, K., La
problématique du mythe Hima-Tutsi, p. 16.
* 361 Cfr. Supra.
* 362 Ibidem, p.
26.
* 363 Dans la division du
travail des Tutsi, les veilles personnes n'ont pas assez d'importance. Elles ne
sont pas des bibliothèques comme chez les Hutu (Bantu) dont la
pensée géométrique permet de considérer ceux qui la
détiennent comme des bibliothèques vivantes et dont la mort
causerait beaucoup de dommages à la communauté qui a encore
besoin de maitriser les cartographies terriennes.
* 364 NIETZSCHE, F.,
Gai Savoir, 66. La libre maîtrise de soi
doit aller de pair avec un certain laisser-aller : « Car il faut
savoir se perdre de vue pour longtemps, si l'on veut apprendre quelque chose
des réalités que nous ne sommes pas nous-mêmes ».
Mais les « grands messages » demeurent « dans la
douleur de l'humanité ».
* 365 Gambembo est
professeur de Métaphysique à l'UNIKIN, il est un très
éminent et fut un haut dignitaire à l'Institut Makandakabobi sous
le Marechal Mobutu. Nzege est, lui aussi professeur de l'histoire de la
philosophie moderne à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines
de L'université de Kinshasa, il est actuellement sénateur du
groupe parlementaire de l'AMP.
* 366 Cfr. NGOMA-BINDA,
Philosophie africaine contemporaine, pensée et pouvoir,
Thèse de doctorat en philosophie, juillet 1985, p. 4,
Inédit.
* 367 MUSEY nous le dit
d'une manière inconsidérée. Il ne prend pas soin de
décrire tous les éléments d'une succession et toutes les
caractéristiques successorales. Mais OPPENHEIMER J. R. dans la
Science et le Bon Sens, trad. par Albert Colnat, Paris, Gallimard, 1955,
nous raconte « qu'à mesure que de nouveaux engins de
destruction, de terreur collective, viennent accroître la
férocité de la guerre totale, nous comprenons que l'un des buts
et des problèmes spéciaux à notre temps est d'accorder
l'éternelle préoccupation d'améliorer le sort de l'homme,
de soulager la faim, la pauvreté et la misère à la
nécessité impérieuse de limiter et d'éliminer le
plus possible le recours à la violence organisée entre les
nations. La destruction toujours plus experte de l'esprit humain par la
puissance de la police, plus perverse, sinon plus affreuse que les ravages dus
à la nature elle-même, est un autre de ces pouvoirs qu'il vaudrait
mieux n'avoir jamais à utiliser ». Il met l'accent sur
l'homme et lui seul.
* 368 MUTUZA, K., Le
dialogue inter-congolais, prolégomènes à une
culture démocratique, p. 48.
* 369 Idem.
* 370 PAPADOPOULOS, Th.,
Poésie dynastique du Ruanda et Epopée Akritique, p.
2.
* 371 JAVIERRE, El tema
literario de la sucesion, Prolegomena para el estudio de la sucesion
apostolica, Zurich, Pas Verlag, 1963, p. 111-162.
* 372 Platon restant celui
qui a le plus clairement exprimé ce désir dans
l'Antiquité, Le Banquet, p. 206-208. Voir dans JAVIERRE, El
tema...p. 150-157, la résonance antique d'un tel point de vue.
* 373 MUTUZA,
Réflexions d'un séminariste autour des
événements des années 60, p. 23.
* 374 Ibidem, pp.
23-24.
* 375 MUTUZA, La
problématique du mythe Hima-Tutsi, p. 29. Voir le même
auteur, Le dialogue intercongolais, prolégomènes à une
culture démocratique, p. 10.
* 376 Nous avions vu que
Mutuza a lu Hegel et Marx, c'est ainsi que beaucoup de leurs critiques se
trouvent être pris en compte par lui.
* 377 Heine,
Heinrich (1797-1856), poète et critique allemand, auteur
du Livre des chants (1827), dont l'oeuvre, polémique à
l'égard des institutions politiques et religieuses de son pays, a
redéfini la notion même de romantisme.
* 378 Mutuza a
encadré Elongo Vicky qui vient d'obtenir un doctorat en Journalisme.
* 379 MUTUZA,
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 22.
* 380 LEVI-STRAUSS, CL.,
Tristes tropiques, Plon 1955, p. 477-478. Voir aussi du même,
La Pensée sauvage, Plon 1962, 26 et les Mythologiques,
IV. L'Homme nu, Plon 1971, 620-621, où l'on trouve le
vocabulaire de « dissolution » et de
« caducité » pour parler du résultat final de
la culture et de l'humain.
* 381 Populations du
District de la Tshangu dans la capitale congolaise. Cette population habite
au-delà de la rivière Nd'jili sur la route qui mène
à l'aéroport du même nom. Cette brave population a
montré à celui que les Congolais appellent M'zee Laurent
Désiré Kabila une sympathie et un soutien extraordinaire et
inouï en attaquant les insurrection-aires de la coalition rwandaise
* 382 MUTUZA, K., Op.cit.,
p. 42-43.
* 383 Ibidem, p. 85.
* 384 Une guerre s'est
abattue sur la ville de Kinshasa. J'ai perdu tous mes biens. Quelque jours
après ces émeutes l'on entendait Ruberwa répéter
son refrain : Minembwe doit devenir un territoire. Pourquoi Minembwe doit
devenir un territoire ? Pauvre Minembwe qui héberge des malheureux
...qui attendent la bonne foi...pour l'asile ! Quel dommage Ruberwa cause
à ce pauvres ?
* 385 MUTUZA, La
problématique du mythe Hima-Tutsi, p. 4.
* 386 Selon laquelle la
nature humaine est identique en tous lieux et en tous temps.
* 387 LEVI-STRAUSS, Cl.,
Mythologiques IV, 621.
* 388 MARX, K.,
Manuscrit de 1844, Economie politique et philosophie, traduction
Botticelli, Editions Sociales, Paris 1962, 87-89.
* 389 MUTUZA, Apport de
la psychologie dans la formation du juriste, Edition 2010, p. 102. Voir
aussi Sigmund FREUD, Malaise dans la civilisation (1929) PUF 1971,
76-78.
* 390 DELEUZ, G.,
Nietzsche et la philosophie, PUF 1970, 213-223 et Henri de LUBAC,
L'affrontement mystique, Paris 1949, 158-167.
* 391 Ancienne mesure de
longueur d'à peu près 50 centimètres, dont la base
était la distance comprise entre la pointe du coude et celle du
majeur (vieilli)
* 392 Poésie
dynastique du Ruanda et l'Epopée Akritique, p. 5.
* 393 Idem.
* 394 Dans le cas sous
examen le souverain est dieu lui-même. Il n'y a pas de ministres
intermédiaires. Le Roi est dieu, celui-ci est dieu s'il est Roi.
* 395 LEVI-STRAUSS, C.,
Les structures de la parenté, p. 43.
* 396 Les peuples et
les civilisations de l'Afrique, p. 27.
* 397 KIPAMBALA, J.F.-Ph,
Technique du corps : tête, membres et gestes sexuels,
Travail de fin de cycle en anthropologie 2004-2005, UNIKIN, p. 2
* 398 Idem.
* 399 PAPADOPOULOS, Th.,
Poésie dynastique du Ruanda et Epopée akritique, p.
5.
* 400 MUTUZA, K., op. cit.,
p. 3.
* 401 BAUMANN, H. et
WEASTERMANN, D., Les peuples et les civilisations de l'Afrique, p.
48.
* 402 TILLICH, P.,
Amour, pouvoir et justice, p. 11, avec des analyses ontologiques et
applications éthiques
* 403 KANT, E., Projet
de paix perpétuelle, Ier Supplément, VIII, 363,
3°.
* 404 HADDAD, A.,
Pistes de réflexions sur : IV L'agression hamito-nilotique,
p. 77 où l'auteur dit que certains peuples commandent
aisément à leur bras qu'à leur coeur : arme et
Dieu.
* 405 Ces
considérations ont été à la base des postulats
selon lesquels c'est la minorité qui dirige et c'est elle qui
développe l'instinct polémogène. Et comme lesTutsi
comptaient un grand nombre de militaires et dont la lignée royale avait
l'imperium sur le reste des populations parce que minoritaires.
Erreur !
* 406 Ce que l'on ne
rencontre pas chez les Tutsi.
* 407 EULER, L.,
Introduction à l'analyse des infiniment petits, p. 235.
* 408 La fonction
exponentielle intervient dans la résolution de nombreux
problèmes, en particulier dans les phénomènes physiques
dépendant de deux variables x et y,
caractérisées par un taux de variation
Äy / Äx proportionnel à
y.
* 409 EULER, L.,
Introduction à la théorie de la nature, p.18.
* 410 Asymptote, droite
associée à une courbe, telle que la distance d'un point de la
courbe à cette droite tend vers zéro lorsque le point
s'éloigne à l'infini de la courbe. D'après la
définition de l'asymptote, la courbe et la droite ne peuvent donc se
croiser à partir d'une certaine distance mesurée sur l'asymptote.
Sur la figure 1, les droites d'équations x = 0
et y = x sont respectivement des asymptotes
verticale et oblique du graphe d'équation
y = x + 1/x. L'axe des
x et l'axe des y sont respectivement des asymptotes
horizontale et verticale du graphe de l'hyperbole
y = 1/x. On trouve parfois des asymptotes
horizontales sur les graphes représentant la croissance d'une population
lorsqu'un facteur, tel qu'une quantité restreinte de nourriture, inhibe
cette croissance (voir figure 2). On représente souvent ce type de
croissance par la fonction :
* 411 EULER, L., Ibidem,
19.
* 412 Centré se
réfère à la prise de décisions. Même dans les
grandes démocraties, le chef a aussi une responsabilité, celle
d'être le vrai guide.
* 413 MUTUZA, Les
fondements culturels du fédéralisme au Zaïre, §3,
p. 51-53.
* 414 Ces propos sont ceux
que l'on entend dans le film : Lumumba, épisode de la
Table ronde.
* 415 Dans cette
épisode du film Lumumba, on comprend facilement ce que
pensaient les Belges des Congolais.
* 416 Traduction Grapin,
Aubier 1946, §3.
* 417 MUTUZA,
Réflexions d'un séminariste autour des
événements des années 60, p. 9 ; Fondements
culturels du fédéralisme au Zaïre, p. 51.
* 418 MUTUZA,
Réflexions d'un séminariste autour des
événements des années 60, Idem.
* 419 La
Phénoménologie de l'esprit, trad. Hyppolite, Aubier 1941,
Préface, p. 29.
* 420 MUTUZA, Les
fondements culturels du fédéralisme au Zaïre, p. 48.
* 421 Imperturbable
cependant, notre pratique démocratique des communautés pose donc
en termes subversifs par rapport à la nature hiérarchique du
pouvoir dans les colonies le problème délicat et irritant des nos
chefs coutumiers. La subversion existe à deux
« niveaux » : le premier niveau est que tout membre de
la communauté pouvant être mené à exercer un pouvoir
en son sein, il va de soi que toute règle excluant un(e) particulier(e)
de tel ou tel fonction ou degré apparaît en contradiction avec
l'égalité démocratique... Et le second
« niveau », où apparaît la pratique
démocratique des communautés n'est pas moins subverti. Mutuza
parle de la communauté s'auto-gérant, l'idée
même d'un chef qui leur serait envoyé de l'extérieur, par
une autorité supérieure, apparaît complètement
invraisemblable. D'où le schéma institutionnel de Bwami.
* 422 MUTUZA, Sermons
d'un prêtre défroqué, p. 25. Voir du même,
Les fondements culturels du fédéralisme au Zaïre,
p. 15.
* 423 MUTUZA,
Réflexions d'un séminariste autour des
événements des années 60, p. 49.
* 424
La bataille entre les Centaures et les Lapithes a fourni
à la sculpture grecque classique un très beau sujet, figurant la
lutte entre la sauvagerie et la civilisation. Les Centaures sont ainsi les
héros du bas-relief de Michel-Ange, Combat des Centaures
(1492). On les retrouve également dans de nombreuses oeuvres
picturales : Déjanire enlevée par le Centaure Nessus
(1620-1621) de Guido Reni, Combat des Lapithes et des Centaures
(XVIIe siècle) de Rubens, l'Éducation
d'Achille par le Centaure Chiron (1783) de Jean-Baptiste
Regnault, etc. Le thème a également inspiré des
sculpteurs, tel Antoine Bourdelle (Centaure mourant,
1914).
* 425 JASPERS, K.,
Nietzsche et le christianisme (trad. Jeanne Hersch) Minuit 1949,
55-99 ; 1026103, H. de LUBAC, Nietzsche le mystique, dans
Affrontements mystiques, Edition du Témoignage chrétien,
Paris, 1976, 171-173.
* 426 NIETZSCHE, F.,
Ainsi parlait Zarathoustra, p. 54.
* 427 MUTUZA, La
problématique du mythe Hima-Tutsi, Epigraphe (Voisin) !
* 428 OVERDULVE, C-M.,
Fonction de la langue et la communication au Ruanda. L'auteur est
né en 1929 ; pasteur des Eglises Réformées aux
Pays-Bas depuis 1957, et pasteur-missionnaire de l'Eglise Presbytérienne
au Ruanda de 1961 à 1971 et de 1982 à 1988, de 1987 à
1994, professeur de théologie pratique à la Faculté de
Théologie Protestante de Butare au Rwanda.
* 429 Albert Chapelle a
rappelé ce point dans Pour la vie du monde, pp. 262-270.
* 430 Cfr. VALADIER, P.,
Nietzsche et la critique du christianisme, pp. 290-291.
* 431 Cfr. Nietzsche qui
nous donne la triade évolutive sur le plan individuel : âne,
lion et super-homme.
* 432 N'SANDA WAMENKA,
Récits épiques des Lega du Zaïre, p. 34.
* 433 Cette
présentation est clairement exposée à la
préface de Des Nations sans Etat à l'Etat sans
Nation. Mais Quand on s'attèle à la vision de Ngoma Binda
sur l'oeuvre de Mutuza on s'aperçoit que l'on est déjà
dans une réduction opératoire : « De même le
professeur Mutuza Kabe a rassemblé une demie douzaine d'articles
publiés, ça et là, sur l'histoire des peuples des
Grands Lacs et sur les concepts de développement, de sous
développement, de civilisation, etc. ». (in La formation
civique et politique...p. 118. Jugement malhonnête et maladroit. Une
chose est de dire que Mutuza a réfléchi sur les Pays des Grands
Lacs, une autre est d'affirmer ce que Ngoma Binda fait péremptoirement
et présomptueusement.
* 434 NGOMA BINDA, La
formation civique et politique comme préalable de la démocratie,
p. 118. Ses positions si importantes soient-elles ne sont qu'historicistes
et renferment de bonnes intentions d'un citoyen de bonne formation mais ne se
situent pas dans une théorisation bien encragée pour que ses
intentions ne fourmillent des énoncés ad hoc.
* 435Nous prenons la race
comme une notion en raison de sa corrélation avec l'idée
abstraite de différenciation des hommes qui semble être fruit
d'une construction intellectuelle. Nous pourrions même dire que le
substantif race est un concept. Mais n'ayant pas pour seule
caractéristique de principe général ou d'idée
directrice (de quelque chose), ou encore d'idée (de produit ou de
service) développée par un entrepreneur ou comme
représentation mentale (de quelque chose) réduite à
l'essentiel, nous tenons pour notion l'idée de race.
* 436 Que l'on ne nous
tienne pas rigueur à cause de l'usage du mot primitif dont les
plaies ne sont pas encore bien cicatrisées depuis les blessures par
l'anthropologie traditionnelle et coloniale. Primitif est ici utilisé
dans le sens d'authentique tel que Bergson l'utilise dans Les deux
sources de la morale et de la religion, p. 133 Où il est dit
que « sous l'influence de circonstances accidentelles, tandis
que le progrès de la technique, des connaissances, de la
civilisation enfin, se fait pendant des périodes assez longues dans un
seul et même sens, en hauteur, par des variations qui se superposent ou
s'anastomosent, aboutissant ainsi à des transformations profondes et non
plus seulement à des complications superficielles. Dès lors on
voit dans quelle mesure nous pouvons tenir pour primitive,
absolument, la notion du tabou que nous trouvons chez les «
primitifs » d'aujourd'hui ». Autres
références chez CAZENEUVE, in Traité de
Sociologie (sous la direction de G. Gurvitch), t. II, 1960, p. 426, n. 1.
Mais seulement quand Bergson parle de la présence primitive sous la
surface de la société civilisée, revêt ce terme d'un
sens moral péjoratif inacceptable en science anthropologique.
* 437 Dans cette
étude, nous sommes en face de deux civilisations : pastorale et
agricole. Le danger est d'autant plus grand pour la pastorale que pour
l'agricole. Nous le verrons dans la suite.
* 438 Nous avons dit que
Mutuza a lu Hegel, Marx, Lessing, Kipling... le marxisme reviendra de temps en
temps dans cette problématique de la différence. Et comme
historien, Mutuza se révèle autrement sur l'analyse de la
différence que Maquet et Papadopoulos. S'il est avec Marx c'est pour
démontrer les faits sociaux et les phénomènes qu'ils
renferment. Il est rarement d'accord avec Hegel, mais la méthode de
l'auteur de La phénoménologie de l'esprit est
déterminante.
* 439
áñéèìüò, nombre
dans le sens où l'on peut dire de
Áñéèìçôéêüò
pour désigner le nombre arithmétique, c'est d'ailleurs,
dans le pythagorisme, synonyme de
ìáèçìáôéêüò
áñéèìïò, nombre
mathématique ou
ìïíáäéêïò
nombre formé d'unités, mais s'oppose à
åßäçôéêïò,
nombre idéal ;
áßóèçôïò,
nombre sensible qui s'oppose à
íïçôïò
áñéèìüò, nombre
intelligible ;
áñéèìüò
ôëåéïò, nombre parfait
(c'est-à-dire ì÷ñé
äåêÜäïò, dans les limites de
la Décade) ;
áñéèìüò
ðñùôïò...
* 440 Selon Voltaire,
« jamais il ne fut peut être un esprit plus sage, plus
méthodique, un logicien plus exact que Locke ; cependant, il
n'était pas un grand mathématicien ». L'allusion est
lourde de sens. Descartes est un grand mathématicien et son oeuvre est
également un événement décisif dans l'histoire des
idées. Il y a une différence fondamentale de
« tempérament philosophique » entre Descartes et
Locke. On souligne le caractère essentiellement politique du second.
Celui-ci veut être utile à l'existence sociale des hommes.
Descartes, lui, cherchait la vérité pour son propre compte et en
solitaire. S'il expose sa méthode dans le Discours de la
méthode « en espérant qu'elle sera utile à
quelques uns », il lui suffit, en réalité de savoir
« qu'elle ne sera nuisible à personne ». Même
les préoccupations les plus concrètes et presque médicales
de Descartes sur l'homme incarné ne débouchent jamais sur
l'existence sociale, problématique de la philosophie. Mais, ici, c'est
sa méthode nous intéresse, bien au contraire.
* 441 Infinitésimal,
calcul, branche des mathématiques recouvrant le calcul
différentiel et le calcul intégral.
Le calcul différentiel étudie les
propriétés locales des fonctions pour des variations infiniment
petites des variables, tandis que le calcul intégral s'intéresse
au calcul des primitives et intégrales, ainsi qu'à la
résolution d'équations différentielles. Le calcul
infinitésimal est d'une importance fondamentale dans la plupart des
domaines de la science. Le calcul infinitésimal est issu de la
géométrie grecque de l'Antiquité. Au
Ve siècle av. J.-C., Démocrite calcule ainsi
les volumes des pyramides et des cônes en considérant ces solides
composés d'un nombre infini de coupes transversales d'épaisseur
infinitésimale (infiniment petite). De même, Eudoxe de Cnide et
Archimède emploient la méthode d'exhaustion pour
déterminer l'aire d'un disque, en l'approchant par des polygones
inscrits et circonscrits. Toutefois, les Grecs ne font qu'effleurer la
théorie du calcul infinitésimal, freinés par les paradoxes
de Zénon d'Élée et les problèmes que posent les
nombres irrationnels. Ces recherches ne sont reprises qu'au
début du XVIIe siècle, tout d'abord par le
jésuite et mathématicien italien Cavalieri. Ce dernier
étend l'usage des quantités infinitésimales en
élaborant sa théorie des indivisibles, qui considère une
surface comme constituée d'un nombre infini de lignes parallèles
à une direction, appelées indivisibles de la surface. Mesurer
l'aire de cette surface consiste donc à effectuer la somme de ces
indivisibles. En France, Fermat puis Descartes ont recours à la
géométrie analytique pour déterminer des aires et des
tangentes à une courbe. Fermat invente notamment une méthode pour
déterminer les maxima et minima de certaines fonctions : sans le
savoir, il manipule ainsi le concept de limite qui ne sera défini qu'au
XIXe siècle. De son côté, le
mathématicien et théologien anglais Barrow établit le lien
entre le problème des tangentes et le problème inverse du calcul
des aires, montrant que ces deux procédés sont intimement
liés. Mais les véritables fondateurs du calcul
infinitésimal moderne demeurent Newton et Leibniz, qui, dans les
années 1660 et 1670, démontrent notamment le
théorème fondamental stipulant qu'intégration et
dérivation sont des opérations inverses. Le développement
des techniques de calcul par Newton, inspirées par ses travaux en
physique, précède en fait les résultats de Leibniz, mais
Newton tarde à publier ses conclusions. Finalement, ce sont les
notations de Leibniz qui sont adoptées, comme les symboles ? pour
les intégrales et df/dx pour les
dérivées. Le XVIIIe siècle voit
s'élargir le champ d'application du calcul différentiel et
intégral. Cependant, en raison d'une utilisation imprécise des
quantités infinies et infinitésimales, et du recours à
l'intuition en géométrie, confusion et polémiques
règnent encore au sujet des fondements de ce calcul. Ce n'est qu'au
XIXe siècle que les analystes remplacent ces vagues
concepts par des notions solides et rigoureuses, fondées sur des
quantités finies. Bolzano et Cauchy définissent ainsi avec
précision les limites et les intégrales ; Riemann
développe ensuite une théorie de l'intégration plus
générale que celle de Cauchy. En 1874, Weierstrass construit
à partir de séries particulières une fonction continue
mais dérivable en aucun point, prouvant ainsi que si les fonctions
dérivables sont continues, la réciproque se révèle
fausse. Au XXe siècle, les progrès de l'analyse
légitiment complètement les quantités
infinitésimales.
* 442 Les applications
sont des opérations mathématiques qui mettent en
correspondance deux ensembles d'éléments, telle qu'à tout
élément de l'ensemble de départ soit associé un et
un seul élément de l'ensemble d'arrivée.
* 443 EULER, L.,
Introduction à l'analyse des infiniment petits, p. 78.
* 444 Les peuples et
les civilisations de l'Afrique, p. 215.
* 445 Ibidem.
* 446 BAUMANN, H. et
WESTERMANN, D., Les peuples et les civilisations de l'Afrique, pp. 215
sqq.
* 447 PAPADOPOULOS, Th.,
Poésie dynastique du Ruanda et Epopée Akritique, p. 8.
L'auteur épouse les vue de K. OBERG, dans African Political
systems, p. 122.
* 448 PAPADOPOULOS, Th.,
Op. Cit., pp. 9-10. Voir aussi M. C. FALLER, The Eastern
Lacustrine Bantu, pp. 14-16.L'absence des preuves linguistiques
invoquée par l'auteur ne constitue pas un critère décisif
en face des preuves intrinsèques fournies par les données
culturelles et sociales qui opposent les systèmes sociaux des Chamite et
Bantu. Le processus culturel peut, au contraire, expliquer l'assimilation
linguistique des éléments raciaux chamites, entraînant
naturellement l'absence de données linguistiques chamites chez les
royaumes en question. L'importance panafricaine de la pénétration
chamite a été indiquée par G. SPANNAUS, dans In
Memoriam Karl Weule, 1929, pp. 181- 195. Voir aussi Père PAGES,
Un royaume hamite au centre de l'Afrique, pp. 72-93 où il
expose les origines en rapport uniquement avec les traditions orales mais
n'éclaire pas suffisamment les origines chamitiques du royaume.
* 449 Il faut distinguer le
processus de la pensée et l'objet de la pensée.
* 450 Cité par M.
GODELIER : « Notion du mode de production
asiatique ». Cahiers du CERM.
* 451 Cfr. MUTUZA, Le
Bwame, la superstructure de la société lega, frein ou moteur au
développement, p. 18. Voir aussi le même auteur, Les
fondements culturels du fédéralisme au Zaïre, p.
10.
* 452 Il s'agit de ce que
DURKHEIM a appelé la division du travail social qu'il ne faut pas
confondre avec la
division technique du travail ou spécialisation.
* 453 Un des points les
plus difficiles sur lequel Mutuza se base est la considération
biologique de la race. L'on se demande jusqu'où l'on va en acceptant de
confondre ethnie et race. Si tous les Banyarwanda sont d'une même ethnie,
leur différenciation raciale devient très problématique du
fait que l'hybridation est très en vogue à cause de leur
métissage des mariages.
* 454 Nous avons vu dans la
première partie, §2., note 2. Comment on accédait aux
charges du mwami.
* 455 LEROI-GOURHAN, A.,
dans Évolution et Techniques, pense que si le nom des
Songhaï apparaît pour la première fois à la fin du
XVe siècle dans un texte d'al-Magili, l'existence de
proto-Songhaï, évoquée dans les traditions orales,
remonterait au VIIe siècle avec la première
dynastie des Dia. Les Songhaï se seraient constitués dans le Dendi
(région de Niamey) en amalgamant des éléments
mandé, « voltaïques » (Kurumba et
Gourmantché), des pêcheurs Do puis Sorko, des chasseurs Gaw, et,
plus tard, des éléments sahariens (Touareg et Maures). Tout
d'abord petite communauté de la région de Gao (Mali) au
XIe siècle, vassale de l'empire du Mali, les
Songhaï ont profité de la pression des Touareg sur les territoires
maliens du Sahara pour agrandir leur empire. La création de l'Empire
songhaï est l'oeuvre de Sonni Ali Ber dont le royaume de Gao a pris les
dimensions d'un empire qui a dominé le Soudan sous la dynastie des
Askia, celle-ci ayant pris fin en 1591. Ils doivent leur essor à la mise
en place d'une administration centralisée et à la maîtrise
des voies de communications entre la forêt, la savane et le Sahara
(commerce avec le monde arabe), grâce à la constitution d'une
cavalerie utilisable en saison sèche et à une flotte de grosses
pirogues capables d'évoluer dans la plaine d'inondation pendant la
saison des pluies.
* 456 MUTUZA, Les
fondements culturels du fédéralisme au Zaïre, p. 37.
* 457 LEROI-GOURHAN, A.,
L'homme et la matière, p. 534.
* 458 LEROI-GOURHAN,
Evolution technique, p. 23.
* 459 Il est aussi à
dire que la garde des troupeaux est réservée aux adolescents
à cause de leur habileté et vigueur.
* 460 Il est à noter
que du fait de l'absence de leur langue, les Tutsi ne se reconnaissent que par
les liens biologiques qui, d'autre part sont difficiles à établir
à cause des métissage et hybridations fréquents entre Hutu
et Tutsi.
* 461 Il y a des contrats
très significatifs dans le Droit Coutumier.
* 462 Selon la
théorie de Lévi-Strauss à propos de la prohibition de
l'inceste.
* 463 MAUSS, M., Essai sur
le don, p. 67. Il met ainsi en évidence le rôle central d'une
forme de don (le potlatch) chez certaines populations nord-américaines.
Étendant son hypothèse aux sociétés antiques
(Une forme ancienne du contrat chez les Thraces, 1921), il formule
l'idée selon laquelle le potlatch serait la forme fondamentale
de l'échange, qui se serait progressivement dégradée dans
les sociétés modernes ; c'est l'Essai sur le don, forme
archaïque de l'échange (1923-1924), ouvrage qui rassemble une
somme considérable de données ethnographiques et historiques, et
qui vaut à Marcel Mauss la célébrité.
* 464 Chez les Tutsi nous
avons le poète des poèmes royaux, de la poésie
dynastique.
* 465 « Voilà
le problème auquel nous nous attachons plus spécialement tout en
indiquant les autres. Nous espérons donner par un assez grand nombre de
faits, une réponse à cette question précise et montrer
dans quelle direction on peut engager toute une étude des questions
connexes. On verra aussi à quels problèmes nouveaux nous sommes
amenés : les uns concernant une forme permanente de la morale
contractuelle, à savoir : la façon dont le droit réel
reste encore de nos jours attaché au droit personnel ; les autres
concernant les formes et les idées qui ont toujours
présidé, au moins en partie, à l'échange et qui,
encore maintenant, suppléent en partie la notion d'intérêt
individuel. »
* 466 Cette
définition est « révélée »,
elle ne se présente pas comme notre vue personnelle.
* 467 L'équivoque de
la « hiérarchie » telle qu'elle est ici entendue est
que cette « valeur » est à la fois une
réalité « naturelle » et cependant un
mérite qui s'acquiert par un effort de « tension vers le
haut». Elle est un des généreux, mais qui ne se transmet que
« par degré ».
* 468 C'est avec cette
idée que Mutuza cherche le domaine de définition d'une fonction.
Cette idée est la recherche de conditions de possibilité de
l'existence d'une fonction.
* 469 GODELIER, M.,
rationalité et irrationalité en économie,
Maspero, 1966, p. 90-91.
* 470 MARX, K.,
L'Idéologie allemande, p. 25. « La dissolution de la
communauté naturelle engendre le droit privé ainsi que la
propriété privée, qui se développent
simultanément. Chez les Romains, le développement de la
propriété privée et du droit privé n'eut aucune
autre conséquence industrielle ou commerciale parce que tout leur mode
de production restait le même. Chez les peuples modernes où
l'industrie et le commerce amenèrent la dissolution de la
communauté féodale, la naissance de la propriété
privée et du droit privé marqua le début d'une phase
nouvelle susceptible d'un développement ultérieur. Amalfi,
première ville du Moyen Âge qui eut un commerce maritime
étendu, fut aussi la première à élaborer le droit
maritime. »
* 471 KANT, E.,
Critique de la faculté de juger, §67.
* 472 ARISTOTE,
Métaphysique, A, 4, 985b 4 Sqq.
* 473 ARISTOTE, De
caelo, , 403a 5.
* 474 ARISTOTE,
Physique,I, 3, 187 a 1 ; Gen. Et Corr., I, 2,
316 a 10-317 a 2.
* 475 Cfr. MUSEY, M.,
Claude Lévi-Strauss, Anthropologie et communication, p. 7.
* 476 Voir aussi La
famille traditionnelle à la croisée des chemins ; voir
encore Quand les guerres tribales battent leur plein ; on peut
lire aussi L'Afrique écartelée où l'auteur
expose mieux sa réévaluation des concepts. Le sentiment
d'appartenance est vraiment humain et le racisme se voit être combattu
par l'analyse pertinente de l'unicité de l'espèce humaine.
* 477 L'exemple le plus
frappant est celui que l'on a rencontré au Rwanda où tout
intellectuel devait être automatiquement assimilé au Tutsi. Alors
le terme tutsi ne désignait plus une population mais une classe
sociale.
* 478 Nous avons
mangé la Foret, Mercure de France 1957.
* 479 Cette
réalité est tout autre chez les Tutsi. Seul le roi chez eux a
pouvoir sur la pluie ou la fécondité. Les éléments
des poèmes dynastiques nous le montreront sans jambage. C'est le roi qui
est Dieu et le Dieu est roi. Il ne faut pas confondre la pensée des
Tutsi de la pensée juive. Pour ceux-ci il y a Dieu qui est roi de sa
manière et, par délégation, il y a un homme qui lui est un
représentant. Et donc ce représentant peut être
déchu de ses fonctions royales s'il ne les exerce pas comme l'entend le
véritable roi.
* 480 Etroitement
à la même croyance d'origine : « le bouquet de
maison » que l'on rentre à la femme en est exemple. Ce n'est
que l'avènement des moissonneuses batteuses qui le fait
définitivement disparaître, symbole du passage d'une
acticité de type paysan à une activité industrielle
où les liens de l'homme ......
* 481 VANIER, J.,
Accueillir notre humanité, p. 26-27.
* 482 LEROI-GOURHAN, A.,
Op. Cit., Idem.
* 483 Les baame dans le
cadre des peuples de la Problématique du
Mythe Hima Tutsi.
* 484 Les pays occidentaux
appelés aujourd'hui Grandes puissances ont eu le mérite d'imposer
leurs visions culturelles de la famille. Mais qui ignore la tribu chez le Bela
de la Hongrie?
* 485 Sur
ãíïò, voir WAITZ, I, 278. Cela
prouve que ãáìïò, le
mariage, est de la même racine que
ãíåóéò (la
génération, le devenir), on peut dire comme Aristote que ce qui
devient se réalise et est produit.
* 486
La coutume du mariage varie considérablement d'une
culture à l'autre, mais l'importance de l'institution est
universellement reconnue. Dans certaines sociétés,
l'intérêt communautaire pour les enfants, pour les liens entre
familles et pour les droits de propriété créés par
le mariage sont tels qu'ils ont donné naissance à des dispositifs
et à des coutumes destinés à préserver ces valeurs.
Les fiançailles ou le mariage entre mineurs, répandus dans des
régions comme la Mélanésie, sont une conséquence
directe de l'importance accordée à la famille, à la caste
et aux alliances de propriété. Le lévirat,
coutume en usage principalement chez les Hébreux, qui obligeait un homme
à épouser la femme de son frère défunt,
était destinée à perpétuer un lignage
déjà établi. Institué pour la même raison, le
sororat est une coutume encore usitée dans certaines parties du
monde, qui permet à un homme d'épouser une ou plusieurs des
soeurs de sa femme, généralement en cas du décès ou
de stérilité de celle-ci. La monogamie, union d'un homme
et d'une femme, est considérée aujourd'hui comme le prototype du
mariage et sa forme la plus largement acceptée, au point qu'elle est
dominante même dans les sociétés qui tolèrent
d'autres formes de mariage. Celles-ci relèvent de la polygamie, qui
comprend à la fois la polygynie, union matrimoniale d'un homme
avec plusieurs femmes, et la polyandrie, union d'une femme avec
plusieurs maris.
* 487 Nous empruntons la
pensée du professeur Leroi-Gourhan dans L'homme et la
matière.
* 488 Cfr. Une étude
de F. Engels sur les coopératives communautaires au XIXeme
siècle écrit par Engels pendant l »hiver 1844-1845,
publiée sous l'anonymat en 1845 dans le recueil Deutsches
Bürgerbuchfür 1845 édité par H. Püttmann
à Darmstadt et reproduite dans l'édition critique des oeuvres de
Marx-Engels.
* 489 Le Mwami ne cultive
pas la terre. Il a de quoi se nourrir. Il doit, lui, réfléchir
pour l'avènement d'une vie heureuse de sa population.
* 490 LE PLAY, F., Les
ouvriers européens,
* 491 LEROI-GOURRHA, L.,
L'évolution des cultures africaines, p. 19.
* 492 Il ne faut pas
entendre cette production dans le sens du capitalisme qui est
un système tout autant économique que politique et
social dans lequel des agents économiques (les entrepreneurs),
détenteurs des moyens de production permettent que cette production soit
échangée sur un marché, où les transactions sont de
nature monétaire. En tant qu'organisation productive, le
capitalisme serait, par nature, évolutif. Il n'existe en effet plus rien
de commun entre la manière actuelle de produire et celle qui avait cours
il y a deux siècles. Pourtant, les pays qui ont été les
acteurs de la révolution industrielle de 1850 méritent, dans leur
ensemble, tout autant que les pays industrialisés d'aujourd'hui, le
qualificatif de nations capitalistes. Cela sous-entendrait qu'il existe une
permanence des éléments qui caractérisent le capitalisme
dont il faut expliquer la nature.
Le terme « capitalisme » est aujourd'hui
associé à un système d'organisation des
sociétés qui dépasse la simple description des structures
et des logiques qui déterminent la production. Ce terme revêt une
signification politique et sociale forte qui excède la seule
sphère économique. Cette généralisation, qui
paraît abusive aux yeux de certains, associe le capitalisme aux
conditions politiques qui ont permis son développement. Capitalisme et
libéralisme constitueraient les deux versants d'une seule et même
réalité. L'histoire montre, cependant, que l'utilisation courante
du mot « capitalisme » dans le sens de libéralisme
est récente, et donc qu'il faut interpréter à rebours la
notion de capitalisme. Il apparaît que ce n'est pas tant le capitalisme
qui a une histoire, mais bien l'histoire qui explique le sens de la notion.
* 493 La justice est
un concept et un principe désignant le respect du droit
et de l'équité ; en morale, la justice désigne le
respect et l'équité à l'égard d'autrui.
Le terme « justice » possède trois
significations distinctes mais corollaires : il désigne un
idéal -- que ce soit pour une personne ou pour un groupe
social --, une norme positive pour une société et
une institution. La réflexion philosophique sur ce concept, qui
tient compte de ces distinctions et articulations, implique trois questions
majeures : La justice existe-t-elle réellement ? Pourquoi
faut-il la suivre ? Et quelle est sa nature ?
* 494 Les Tutsi qui sont,
selon les analyses de J. Maquet, de Baumann et Westermann, de Papadopoulos, de
Mutuza, etc. de grands pasteurs n'ont malheureusement pas d'industrie de
charcuterie ni une laitière.
* 495 MARTIAL, R., La
Race française, p. 317.
* 496 Le Wolof est un peuple
du centre-ouest du Sénégal, qui fut à l'origine du royaume
de Dyolof au XVe siècle dont la langue est aujourd'hui
parlée par les trois quarts des Sénégalais. Ils furent
décrits pour la première fois comme un groupe distinct par des
explorateurs portugais, qui entrèrent en contact, au
XVe siècle, avec le royaume du Dyolof. Partiellement
islamisé, celui-ci avait unifié les petites principautés
établies au sud du fleuve Sénégal. La
société wolof ainsi constituée était
organisée selon un système de castes, hiérarchisées
selon la naissance (hommes libres ou esclaves) et selon la profession.
Après l'arrivée des Européens, le royaume du Dyolof se
scinda en plusieurs petits États wolof qui se maintinrent jusqu'à
la colonisation française, entreprise à la fin du
XIXe siècle.
* 497
Ahmadou Bamba Mbacké, son fondateur (+1927), est un Toucouleur
qui a reçu l'initiation (wird) de Cheikh Sidiyya. Il fonde sa
confrérie, en 1886, près de son village d'origine, MBacké,
à 60 km à l'est de Diourbel (Sénégal),
à la limite de la région aride du Ferlo. Prêchant sa
doctrine chez les Wolof du Sénégal, il donne au travail manuel un
statut équivalent à la prière, permettant ainsi au
disciple d'accéder au salut éternel par une action qu'il est en
mesure d'accomplir. Le mouridisme s'est développé dans la zone de
plantation d'arachides du Sénégal, où il a fini par
s'approprier au profit de la confrérie qui la commercialise cette
culture d'exportation, génératrice de devises.
* 498 MUTUZA, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 53.
* 499 Le mouridisme a
valorisé le travail de la terre, freiné l'exode rural et
adapté la population à l'évolution économique.
Aujourd'hui, les Mourides ne pratiquent pas seulement la culture de l'arachide,
certains émigrent à l'étranger, comme marchands, utilisant
les moyens de communication les plus modernes (Internet, etc.). Le siège
général de la confrérie est la ville de Touba. Son chef,
le Khalife général (depuis 1990, Serigne Saliou
Mbacké), règne sur une organisation très
structurée.
* 500 FREUD, S.,
Introduction à la psychanalyse, p. 27. Il écrit :
« Pourquoi l'homme à ce point contrarié
réussit-il si rarement, malgré le désir qu'il en a,
à diriger son attention sur le mot qu'il a, ainsi qu'il le dit
lui-même, « sur le bout de la langue » et qu'il
reconnaît dès qu'on le prononce devant lui ? Ou, encore, il y
a des cas où les actes manqués se multiplient, s'enchaînent
entre eux, se remplacent réciproquement. Une première fois, on
oublie un rendez-vous ; la fois suivante, on est bien décidé
à ne pas l'oublier, mais il se trouve qu'on a noté par erreur une
autre heure. Pendant qu'on cherche par toutes sortes de détours à
se rappeler un mot oublié, on laisse échapper de sa
mémoire un deuxième mot qui aurait pu aider à retrouver le
premier ; et pendant qu'on se met à la recherche de ce
deuxième mot, on en oublie un troisième, et ainsi de
suite. [...] »
* 501 Dans La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, Mutuza décrie cette
dernière marque du darwinisme social, doctrine formulée à
la fin du XIXe siècle, selon laquelle l'évolution
des individus et des sociétés procède de la
sélection naturelle, principe décrit par Charles Darwin dans sa
théorie de l'évolution biologique. Les tenants du darwinisme
social considèrent qu'à l'instar des animaux et des plantes, les
hommes sont fondamentalement inégaux, physiquement et
intellectuellement, et que leurs aptitudes sont strictement
héréditaires. Ils sont donc destinés à la lutte
pour leur survie et à la recherche de la réussite personnelle
dans la société. Les individus qui deviennent riches et puissants
sont les plus « aptes », alors que les membres des classes
socioéconomiques les plus défavorisées sont les moins
« adaptés ». Le darwinisme social en est ainsi venu
à considérer que le progrès de l'humanité repose
sur la rivalité. Cette doctrine servit de base philosophique aux
idéologies de l'impérialisme, du racisme et de
l'eugénisme. Au XXe siècle, elle tomba en
discrédit lorsque de nouvelles découvertes scientifiques
relativisèrent le rôle de la sélection naturelle dans
l'étude de la société humaine, où les facteurs
économiques et culturels ont éclipsé les facteurs
physiologiques comme moteurs de l'évolution sociale. Herbert Spencer fut
le principal représentant du darwinisme social. Pour la sociologie
au XVIIIe siècle, David Hume, dans ses
Essais moraux et politiques (1741-1742) et Adam Smith, qui fut par
ailleurs le défenseur de la théorie économique du
« laisser-faire », dans sa Théorie des
sentiments moraux (1759), ont élaboré des systèmes de
morale subjective similaires. Ils assimilaient tous deux le bien à tout
ce qui suscitait des sentiments de satisfaction et le mal à tout ce qui
suscitait des sentiments douloureux. Pour Hume et pour Smith, les idées
relatives à la morale et à l'intérêt public
proviennent des sentiments de sympathie que les hommes se portent mutuellement
même en dehors de liens de parenté ou d'autres liens directs.
En France, Jean-Jacques Rousseau adhéra, dans son oeuvre
majeure intitulée Du contrat social (1762), à la théorie
hobbienne. Cependant, dans Émile (1762) et dans d'autres ouvrages, il
attribue le mal aux anomalies inhérentes à toute organisation
sociale et juge les hommes bons par nature. L'anarchiste, philosophe, romancier
et économiste politique britannique William Godwin a poussé cette
idée à l'extrême dans son Enquête sur la justice
politique (1793), où il rejette toutes les institutions sociales, y
compris celle de l'État, considérant que par leur existence
même, elles constituent une source du mal.
Opérant une « révolution
copernicienne » en philosophie, Emmanuel Kant apporta une
contribution majeure à l'éthique avec le Fondement de la
métaphysique des moeurs (1785). Pour Kant, aussi judicieusement que
l'on agisse, les résultats des actions humaines sont exposés aux
accidents et aux aléas. Par conséquent, il ne faut pas juger la
moralité d'un acte par ses conséquences mais seulement par la
motivation qui y a présidé. Seule est bonne l'intention parce
qu'elle conduit l'Homme à agir non par inclination mais par devoir,
lequel repose sur un principe général qui est juste en soi. Quant
au principe moral de base, Kant reprend la règle d'or sous une forme
logique : « Agis de telle sorte que la maxime de ton action
puisse être érigée en règle universelle. »
Cette règle est appelée impératif catégorique,
parce qu'elle est inconditionnelle et qu'elle a la forme d'un commandement.
Aussi, Kant insiste-t-il sur le fait que l'on doit traiter autrui
« en toute circonstance comme une fin et jamais seulement comme un
moyen ».
* 502 Les affaires
proprement villageoises sont cependant du ressort d'un conseil formé par
le chef de famille. Chaque village africain a son lieu de réunion.
* 503 MENDRAS, H.,
Sociétés paysannes, p. 83.
Élargissant son champ d'étude à la
société française puis aux sociétés
européennes, Henri Mendras analyse leurs mutations, dans une approche
comparative, à partir de travaux de terrain.
* 504 MENDRAS, H., La
fin des paysans, p. 23.
* 505 La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 72.
* 506 MUTUZA, La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 45.
* 507
Nourris de Freud, les auteurs dramatiques créèrent
des personnages marqués par le traumatisme de la guerre chez qui la vie
psychique a pris le pas sur la réalité et qui dominent mal leurs
fantasmes et leurs névroses. À la suite de l'expérience
historique des camps de concentration et d'Hiroshima, la conviction selon
laquelle le monde a un sens fut ébranlée : on prit
conscience de l'abîme entre les actes humains et les principes nobles.
Les pièces obéissent à une logique interne, fondée
sur le caractère et le statut des personnages, sur l'intrigue (souvent
circulaire, sans but, ne tendant jamais vers un dénouement
esthétique), sur les objets (pouvant proliférer au point
d'effacer les caractères, comme chez Ionesco, ou bien réduits au
strict minimum, comme chez Beckett, mettant en exergue les thèmes
récurrents du vide et du néant) et sur l'espace, identifié
au personnage ; ainsi dans Oh les beaux jours (1963) de Beckett, Winnie
s'enlise dans le sable et le monologue.
* 508 La sagesse bantoue dit
que la femme du voisin est la plus belle femme.
Les coutumes des Inuit sont remarquablement uniformes
malgré la large diffusion de ce peuple. La famille -- qui comprend
le noyau familial, les parents proches et les parents par alliance -- est
l'unité sociale la plus importante. Dans la culture traditionnelle, les
mariages, bien que parfois arrangés, sont généralement
ouverts au choix individuel. La monogamie est d'usage mais la polygynie et la
polyandrie existent aussi. Le mariage, qui est une
quasi-nécessité pour la survie physique, est fondé sur une
division stricte du travail. Chacun des époux conserve ses propres
outils, ses biens ménagers et d'autres possessions personnelles.
* 509 C'est nous qui
insistons, et c'est une des nos hypothèses.
* 510 MUTUZA, à la
suite de Papadopoulos traite avec clarté cet aspect. Les Tutsi, sous
Paul Kagame, ont l'utopique idée de pouvoir se faire accepter par les
Juifs comme une des tribus de Jacob.
* 511 A. Kagame, dans son
Une histoire du Ruanda, Leverville, 1959, a repris la matière
de la généalogie royale ruandaise dans un nouveau mémoire,
La notion de génération appliquée à la
généalogie dynastique et à l'histoire du Ruanda de Xe -
XIe siècles à nos jours (Acad. Roy. des Sc. Colon., Cl. Des
Sc. Morales et polit. Nouvelle série in -8°, tome IX, fasc. .
5), 1959. L'auteur retrace une nouvelle généalogie à base
de la moyenne tout à fait arbitraire de 33 ns de règne par roi et
fait reculer ainsi les origines dynastiques au Xè
siècle, dit Papadopoulos. La nouvelle source mise à contribution
à cet effet, le Poème
généalogique de la Dynastie (pp. 14-18), ne
donne qu'une liste de noms mais point d'indications chronologiques. Ces essais
manquent d'esprit critique. Dans tout le récent travail de J. VANSINA,
L'évolution du royaume ruanda des origines à 1900 (dans
la même collection, tome XXVI, fasc. 2), 1962, nous avons enfin la
première tentative de traitement critique de l'histoire du royaume
ruandais. Il y est notamment entrepris (pp. 17-41) une vraie critique des
« sources » de cette histoire qui est sociale et politique
en même temps. L'ancienneté des origines du royaume ruandais ne
peut en effet être beaucoup plus antérieure à celle du
royaume bagandais, estimée aussi d'après les
généalogies comme remontant au XVe siècle. Cette
indication nous vient de Papadopoulos (Poésie dynastique du Ruanda
et Epopée Akritique, note 5, pp. 8-9) qui cite lui aussi J.
CZEKANOWSKI que nous avons lu nous même. Nous renvoyons aux études
de K.W, Abakama ba bunyoro-Kitara, dans Uganda journal, III,
1935, pp. 149-160, VI, 1936, pp. 65-83, V, 1937, pp. 53-84, ainsi que celle de
Sir Apolo Kagwa que nous rapporte Papadopoulos. Mutuza se refusait de pousser
plus loin ici ces considérations générales qui lui ont
servi d'introduction à la compréhension de la civilisation dont
La problématique du Mythe Hima-Tutsi en fit
l'examen.
* 512 PAPADOPOULOS, Th.,
op. cit., p. 18.
* 513 Idem.
* 514 MUTUZA KABE, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi p. 30.
* 515 PAPADOPOULOS, Th.,
op. cit., p. 19.
* 516 Idem.
* 517 Senga est la
généalogie en kipende. Les Aphende (Bapende) sont un peuple de la
RD Congo recouvrant certaines parties des régions du Kasaï
(territoire de Tshikapa) et du Bandundu (territoire d'Idiofa, de Gungu, de
Kahemba).
* 518 DINGEMANS, G.,
La psychanalyse des peuples et de civilisations, pp. 452-453.
* 519 SERUFURI HAKIZA, P.,
Ethnonyme et glossonyme les Bahutu du Nord-Kivu et le kihutu. Contribution
à un débat, p. 215. Voir aussi RUKEBESHA, Op. Cit. Nous
avons-nous-même lu ce plan de la colonisation Tutsi au Kivu, plan
découvert lors des troubles du 15/9/1962 à Matanda- Nyamitaba-
Karuba- Kibabi, et libellé en 18 points sur deux pages
dactylographiées.
* 520 KAGAME, A., La
poésie dynastique au Ruanda, Poème 65 p. 53. Les
références pour les extraits cités par la suite sont au
numéro du poème et la page du recueil.
* 521 Idem.
* 522 MUTUZA, Op. Cit.
pp. 32-33.
* 523 PAPADOPOULOS, Th.,
Op. Cit. p. 22.
* 524
Idem.
* 525 PAPADOPOULOS, Th.,
Op. Cit., p. 23.
* 526 MUTUZA KABE, Op.
Cit., p. 33.
* 527 PAPADOPOULOS, Th.,
Op. Cit., p. 25.
* 528 Idem. Le 6
et 16 se réfèrent à la chaîne cyclique de l'octave.
C'est nous qui l'ajoutons dans le texte de Papadopoulos pour garder la valeur
de l'octave parce que les qualités du roi, si sublimes qu'elles puissent
paraître, présentent un contenu purement matériel, puisque
la qualité héroïque se réfère, ainsi que le
pense Papadopoulos, à la guerre tribale et à la razzia, la
qualité du législateur à la soumission totale du
peuple ; qualités c. à d., ajoute Papadopoulos,
suscitées par la rudesse de l'existence et de la lutte pour la
survivance. Les valeurs positives de la civilisation manquent presque
totalement dans la fonction royale. L'inclémence ou la clémence
dépendent du roi et la survivance tribale, dans une telle
société, est subordonnée, en partie au moins, à la
destruction d'autrui. Le roi sacré est égocentrique, toutes
choses convergent vers lui, tout servant à sa sublimation. Puisque le
peuple doit son existence au roi, le roi ne se doit pas à son peuple, le
peuple est simplement débiteur au roi. Le peuple ne doit aucun
rôle actif dans les exploits tribaux, pour n'en donner que tout le
mérite au roi.
* 529 DINGEMANS, G.,
Op. Cit. p. 453.
* 530 PAPADOPOULOS, Th. Op.
Cit., p. 34.
* 531 MUTUZA KABE, OP.
Cit., p.p. 5-7.
* 532 PAPADOPOULOS, Th.,
Op. Cit., pp. 41-42.
* 533 N'SANDA WAMEKA,
Récits Epiques des Lega du Zaïre, T. 1, p. 26.
* 534 Idem.
* 535 Cfr. DELHAISE,
Les Warega, Collection Monographie ethnographique, Institut International,
p. 129.
* 536 PAPADOPOULOS, Op.
Cit., p. 35.
* 537 FREUD, S.,
Psychologie collective et analyse du moi, p. 32.
* 538Plusieurs pics du
Ruwenzori avoisinent les 5 000 m d'altitude, le plus
élevé étant le pic Marguerite (5 109 m). Le
géographe grec Ptolémée est le premier à mentionner
le massif du Ruwenzori (les « monts de la Lune »). Le
massif est exploré pour la première fois en 1889 au cours d'une
expédition menée par l'explorateur britannique Henry
Stanley ; les principaux pics sont atteints en 1906 au cours de
l'expédition de l'Italien Luigi Amedeo, duc des Abruzzes.
* 539Cfr.
L'intégration tutsie chez BAUMANN, H. et WEASTERMANN, D., dans Les
peuples et les civilisations de l'Afrique, p. et PAPADOPOULOS, Th.,
Poésie dynastique du Ruanda et Epopée Akritique. Essai de
l'établissement d'une notion de temps anthropologique
* 540 OVERDULVE,
Fonction de la langue et communication au Ruanda, p. 59.
* 541 MUTUZA, Op. Cit.
p . 35.
* 542 PAPADOPOULOS, Th.,
Op. Cit., p. 47.
* 543 SERUFURI HAKIZA, P.,
Ethnonyme et glossonyme les Bahutu du Nord-Kivu et le kihutu. Contribution
à un débat, p. 199.
* 544 Ibidem, p.
207.
* 545 SERUFURI HAKIZA, P.,
op. cit, p. 212.
* 546 N'SANDA WAMENKA, Op.
Cit. p. 5 où il est question de données physiques.
* 547 Au cours du
ministère de Jésus, la voix d'une femme s'est un jour
élevée du tumulte de la foule et s'est
écriée : « heureuse est la matrice qui t'a
porté, et les seins que tu as
tétés ! ». Si Jésus avait voulu que sa
mère soit révérée, il avait là une occasion
en or d'encourager cette forme de dévotion. Et Jésus de prendre
sa mère pour celle qui a entendu la Parole de Dieu et qui La garde
replique : « Heureux ceux qui endendent la Parole de
Dieu et La garde ». Marie n'est-elle pas de ceux-là et
leur modèle ? (Luc 11 : 27, 28). Nous avons ici une
interprétation de type presbytérale qui représente
d'ailleurs sans doute le sens littéral de la métaphore. Dans des
très curieux passages, Alexi Kagame nous montre dans ces poèmes,
cinq tambours, les cinq étapes de la vie communicative, correspondant
à la hiérarchie des sens spirituels lega et les cinq sens:
(Kiringa P. 42 correspond à la vue, p. 51 ; Emblème
P. 65 correspond à l'ouie, p. 53 ; Kigutse P. 125 correspond
à l'odorat, p. 78 ; Tambour Souverain P. 173 correspond au
goût, p. 117 et Rukurura P. 71, correspond au toucher p. 59). Il a en vue
le pentateuque mosaïque.
* 548 SERUFURI HAKIZA, P.,
Op. Cit. p. 210.
* 549 Ibidem, p.
211.
* 550 TARDE, G. (de) ,
Les lois de l'imitation
* 551 DIGEMANS, G.,
Psychanalyse des peuples et des civilisations, p. 160.
* 552 La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 23 où l'auteur
s'inspire de la théorie mathématique de la communication qui est
le modèle sous-jacent de certains structuralistes est un formalisme trop
particulier pour pouvoir offrir une description valable de tous ou d'une
grande partie des secteurs culturels humains. En effet, l'ensemble des messages
y est supposé être soumis à une distribution stationnaire
de probabilité, et ce même ensemble, pourvu d'une mesure
probabiliste classique est en fait une algèbre Booléenne avec
mesure (Óéãìá
algèbre Booléen). Cette remarque peut presque se
généraliser pour tous les modèles que les structuralistes
ont, à partir de la linguistique synchronique, voulu développer
pour les autres secteurs de la culture. Mais nous croyons qu'elle ne doit pas
nous mener à un rejet du structuralisme mais à un
approfondissement :
« l'épistémé » de la Renaissance qui
selon Foucault est la « ressemblance » (une relation forte
ou faible d'équivalence) est à première vue en effet
(c'est une des trois structures-mères des Bourbaki) trop faible pour
caractériser le style des sciences de cette époque. D'où
la critique et le rejet Piagétien. Mais n'y aurait-il pas moyen de
creuser plus à fond dans les données appropriées par
Foucault pour cette période et d'arriver à une
caractérisation mathématique plus riche et plus spécifique
qui serait en effet le paradigme commun (nous ne résistons pas au
plaisir d'indiquer combien
« l'épistémé » de Foucault et le
« paradigme » de Kuhn, dans sa « Theory of
Scienctific Revolution » sont analogues de cette époque ?
et Mutuza dans La problématique du Mythe Hima-Tutsi, pp.
40-41 est-il loin ? C'est l'attitude que nous prendrions
personnellement..
* 553 Idem.
* 554 EULER, L.,
Etablissement du calcul intégral, p. 32.
* 555 Cela nous
amène à notre seconde remarque : il y aurait une histoire
à écrire du développement de la définition de la
structure de l'identité et de l'appartenance dans le groupe Bourbaki
(dont on connaît l'immense influence) de 1940 à 1970. Dès
le début leur notion de structure est plus générale que
celle de Levi Strauss ou de Foucault plus tard que Musey reprend dans sa
théorie de communication. Quant à nous, nous distinguons,
grâce aux mathématisables, grâce aux comptables, dans cette
histoire (il y en a sans doute plus) : on pose trois
structures-mères (la structure d'équivalence, la structure ordre,
et la structure topologique des voisinages) et on reconstruit les
mathématiques à partir des combinaisons complexes de ces
trois-là. Le problème philosophique fondamental est alors :
comment justifier la plus privilégiée de ces
structures-mères ? Puis on arrive à une définition
générale de structure identité et appartenance, qui est
essentiellement ensembliste : on pose un ensemble de base ; on donne
un certain nombre de procédés de construction de nouveaux
ensembles à partir de l'ensemble de base (pr exemple l'ensemble de
sous-ensembles, l'ensemble des ensembles biunivoquement représentables
sur un sous ensemble, etc.)
* 556 C'est avec Euler
qu'en géométrie on définit la symétrie comme une
propriété de certaines figures planes ou à trois
dimensions qui restent globalement invariantes par certaines transformations,
appelées elles aussi symétries. Ces transformations
mathématiques permettent d'obtenir une figure identique à la
figure originelle ou une image miroir de la figure initiale. Les
différents types de symétries sont définis par rapport
à un point donné (centre de symétrie), par rapport
à une droite (axe de symétrie) ou par rapport à un plan
(plan de symétrie). Ces symétries sont respectivement
appelées symétrie centrale, symétrie axiale et
symétrie plane.
* 557 EULER, L.,
Idem.
* 558 MUTUZA, Op. Cit.
p. 42.
* 559 Ibidem, p.
43.
* 560 Pendant sa
période de croissance, un organisme doit donc bénéficier
d'un apport nutritionnel adéquat : énergie sous forme de
molécules organiques pour les animaux et de lumière pour les
végétaux, eau, sels minéraux, vitamines... Faute d'une
alimentation adaptée, des troubles de la croissance sont à
redouter. Des pathologies de ce type peuvent également être
liées à une anomalie de la synthèse ou de la
sécrétion des hormones, elles aussi indispensables à la
croissance.
* 561 En se
référant au Gorgias de Platon, beaucoup estiment que
« la philosophie est bonne à connaître dans la mesure
où elle sert à l'éducation et il n'y a pas de honte, quand
on est jeune, à philosopher. Mais l'homme mûr qui continue
à philosopher fait chose ridicule » ou même
répréhensive: mépris de la philosophie tel
qu'exprimé par Calliclès dans le Gorgias n'est pas le
privilège de ce disciple supposé des sophistes.
* 562 KIPAMBALA ?
J-F-Ph., Temps et Apocatastasa chez Grégoire de Nysse, p.
57.
* 563 OVERDULVE, C.-M.,
Fonction de la langue et la communication au Ruanda, p. 267.
* 564 C'est de Francis
JAQUES que nous avons cette idée de communication.
* 565 MUTUZA , La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 29.
* 566 Cette comparaison
entraîne des jugements de valeurs entendues tant objectivement que
subjectivement. Cette constatation éveille immédiatement chez
l'observateur la problématique non seulement de l'étude
comparative des civilisations, mais aussi celle de civilisations
étudiées en elles-mêmes et par rapport à leur
évolution historique. C'est toute une problématique de valeurs
qui déborde le domaine strict de la science positive et contraint
à la spéculation philosophique. Attachons-nous toutefois aux
données des civilisations tutsie et bantu, les deux, en rapport avec la
civilisation occidentale qui les colonisa. Tels que les poèmes se
présentent en face des récits épiques des Lega, il y a
inégalité lesquels, pour éviter de se laisser
entraîner dans le domaine de jugement des valeurs, nous situons
provisoirement dans la catégorie matérielle. Et c'est dans le
domaine des valeurs matérielles, morales et intellectuelles que nous
constatons cette inégalité. Et la migration justifie la
consolidation au XIIIe siècle de cette civilisation
Chamite.
* 567 Avec MUTUZA et MUSEY
cette dissociation des deux temps s'avère nécessaire en
matière de traitement anthropologique, où la classification des
civilisations dans leurs rapports essentiels et organiques impose le temps
culturel en tant que postulat méthodologique. C'est l'ingénierie
sociale dont Musey nie les pertinences et que Mutuza accueille avec foi
à cause de sa croyance en la prédiction.
* 568 Inst. Roy. Col.
Belge, Sect. Des Sc. Morales et polit., Coll. In-8°, tome XXVI, 1,
1952.
* 569 Cfr. La
Préface composée par Louis Meyer de Principes de la philosophie
de Descartes, vol. I, p. 230.
* 570 L'auteur est
né en 1929 ; pasteur des Eglises Réformées aux
Pays-Bas depuis 1957, et pasteur-missionnaire de l'Eglise Presbytérienne
au Ruanda de 1961 à 1971 et de 1982 à 1988, de 1987 à 1994
professeur de théologie pratique à la Faculté de
Théologie Protestante de Butare au Rwanda.
* 571 Essai de droit
coutumier du Ruanda, Institut Roy . Col. Belge, tome X, 1, 1941.
* 572 Un royaume hamite
au centre de l'Afrique, 1933, pp. 55-509.
* 573 VANHOVE, J., Op.
Cit, pp. 48-59.
* 574 Banyarwanda et
Barundi, Institut Roy . Col. Belge, Section des sciences morales et
politiques. Tome I, Ethnographie, 1957. Tome II, La coutume,
1954. Tome III, Religion et Magie, 1954. Voir tome II, pp.
266-335.
* 575 RUKEBESHA, A.,
Esotérisme et communication, sociale, Kigali, 1985.
L'auteur commence son livre en citant le proverbe que nous venons de
rapporter ci-haut :: « Akari mu nda y'ingoma Kamenywa
n'umwiru na nyirayo », littéralement : ce qui est
dans le ventre du tambour est connu du ritualiste et de son
propriétaire, c'est-à-dire nul ne connaît le secret d'une
personne si ce n'est elle-même et son confident. Il s'agit là d'un
tambour royal, dont le roi était le propriétaire, qui symbolisait
son autorité et dont les secrets rituels n'étaient connus que du
roi lui-même et du ritualiste-gardien des rites roayaux.
* 576 Cfr. 1ère
note du §2 de la sect.1 du premier chapitre de la première
partie.
* 577 RUKEBESHA, A., Op.
Cit., p. 167.
* 578 Ibidem, p.
168. L'on peut dire que cela valait à plus forte raison dans le contexte
politico-administratif. Le roi et les chefs disposaient de sujets, qui
étaient chargés de l'information de tout ce qui se passait dans
le pays et dans la société, en vue du maintien de leur pouvoir.
Lors de ce genre de communication, la position de l'informateur était
directement mis en cause. La nature et le contenu de l'information
étaient directement définis par la relation de l'informateur avec
le destinataire de l'information et étaient donc une fonction de
stratégie de survie.
* 579 L'on peut affirmer
que le jeune ruandais était éduqué dans une ambiance de
méfiance et d'extrême prudence. Quand une information était
sollicitée, on la donnait avec beaucoup de réserve et on
essayait, autant que possible, d'éviter des réponses pertinentes,
du moins tant qu'on ne savait pas quelles pourraient en être les
conséquences.
* 580 CREPEAU, P.,
Bizimana, p. 224.
* 581 MUTUZA KABE, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 43.
* 582 BOUTHOUL, G.,
Traité de Sociologie, p515.
* 583 La formation
civique et politique comme préalable de la démocratie.
Réflexions à partir du Cours de `Civisme et Développement
` dans l'Enseignement Supérieur et Universitaire au Zaïre, in
« La Démocratie en Afrique », 14-16 décembre
1990, Kinshasa-Zaïre, Presses Africaines pour la Paix- Kinshasa,
Zaïre, pp. 105- 127. L'auteur ne cite aucun texte de Mutuza. Il l'accuse
gratuitement. Et ce qui est étonnant c'est que nous revoyons les
phrases de Mutuza dans ses remarques contre Ngoma Binda dans sa thèse
où il dit : « ta thèse est bonne mais elle ressemble
à un ramassis d'articles publiés ça et là sur
l'histoire de la philosophie africaine, il n'y a pas de cohérence
d'idée. » et à la page 3 de la Thèse de Ngoma
Binda Mutuza écrit comme remarque : quel lien entre la nature du
pouvoir et le problème to be or not to be ? », à
la page 4 Mutuza fait encore cette remarque : « il n'y a rien
qui vous permet de tirer cette conclusion : philosophia ancila
politicae». En lisant les remarques que Mutuza fait à Ngoma
Binda qui, du reste, sont fondées, nous avons l'impression que Ngoma
Binda ne les a pas acceptées avec scientificité. C'est pourquoi,
malheureusement, il ment dans son article sur Mutuza. Il le calomnie
tranquillement. Il affirme ce que Mutuza a dû penser de lui.
* 584 MUTUZA, La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 80.
* 585 REGIS DEBRAY, la
République expliquée à ma fille, Le Seuil,
1998.
* 586 DINGEMANS, G.,
Psychanalyse des peuples et des civilisations, p. 507.
* 587 MUTUZA, La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 62.
* 588 MUSEY, Claude
Lévi-Strauss, anthropologie et communication, p.80.
* 589 DINGEMANS, G.,
Psychanalyse des peuples et des civilisations, p. 507.
* 590 Ce qui sépare
l'envie et l'admiration c'est notre attitude à la
créativité, notre reconnaissance du Bien et du
Beau.
* 591 MUTUZA, Op.
Cit. p. 44.
* 592Ibidem, p.
35.
* 593 Ibidem, p.
38.
* 594 Idem, p.
37.
* 595 Idem.
* 596 Par ð, nous
n'entendons rien d'autre que cette continuité vague des thèmes
concentriques que soulève le poète dans ces antonins. Cela nous
revoie aussi à la continuité des décimaux qui suivent la
virgule de 3,14 dans un cercle.
* 597 KELSEN, H.,
Théorie pure du droit, trad. Cité par Eisenmann Charles,
Paris, Dalloz, 1962. Obèse est cette note, nous ne le regrettons pas
parce qu'elle nous a permis de comprendre le pragmatisme juridique et vu la
complexité des sujets traités et notre totale dépendance
de multiples sources, faire appel à des notes nombreuse et quelque fois
obèses. Nous demandons au lecteur de bien vouloir nous passer
condamnation sur ce poin. D'ailleurs, il peut, sans devoir aller de
l'étage au sous-sol, se faire une juste idée de l'ensemble des
choses, comme le dit Gustave Martelet.
* 598 Idem.
* 599 Idem.
* 600 MUTUZA,
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 44-45.
* 601 Ibidem, p.
86.
* 602 MUTUZA, Ibidem,
p. 78.
* 603 Idem.
* 604 Ibidem, p.
49.
* 605 KANT, E., Critique
de la raison pure, p. 23.
* 606 FOUCAULT, M., Les
mots et les choses, Une archéologie du savoir, p. 384.
* 607 Cfr. Claude
Lévi-Strauss : Anthropologie et communication, p. 32-38.
* 608 MUTUZA, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p49.
* 609 Ibidem, p.
46.
* 610 Ibidem, p.
84. On comprend là combien nous heurtons le temps entropologique. Le
mode de penser, la langue, les moeurs, les lois et les rites, ainsi que le
comportement quotidien de chacun de nous, portent l'empreinte de
différentes histoires et prouvent à suffisance que nous sommes
tous différents.
* 611 Idem. Nous
pensons aussi que les individus, comme les sociétés ne se
définissent pas uniquement par rapport à leur
nationalité : leur culture a une impotence essentielle et leur
permet de trouver leur identité. C'est là la vraie appartenance.
Et ce n'est qu'ainsi, dans la conscience profonde de leur propre culture, que
les hommes et les peuples peuvent se comprendre les uns les autres et
communiquer entre eux. Nous nous heurtons ici de la position des Tutsi. Ils
sont Banyarwandas de langue. Mais se considèrent une race
différente de Hutu desquels ils dépendent de
l'élément linguistique.
* 612 Ibidem, p.
72-73.
* 613 Idem.
* 614 Il n'est pas idiot de
critiquer les propositions qui prétendent nous dire quelque chose sur
l'existence. Aussi bien, elles pourraient être fausses. Il n'est pas non
plus idiot de mettre en cause une hiérarchie de
préférences ou prétendue telle : elle pourrait
souffrir d'incohérence interne et n'être pas un véritable
système. Il serait en revanche complètement idiot de rejeter la
pensée politique de citoyen Mutuza, puisque ce n'est ni une
hiérarchie cohérente de normes ni un guide de l'ingénierie
pour améliorer la société. Il est trop évident
qu'il n'entendait rédiger ni un credo ni un tropaire, moins encore un
para-clitique ou un manuel liturgique.
* 615 POPPER, K., La
connaissance objective, III, 2- p. 193. Nous nous occupons du dialogue
pour la simple raison qu'il nous semble être la forme originelle de la
pensée. En conséquence, le discours manuscrit peut être vu
comme une modalité très spéciale du dialogue en
général, qui se développe en solitaire et se f ixe (c'est
son avantage) ; elle reste au fond, pensons-nous, dialogique, car son
intérêt primordial est que l'on peut lui
« répondre », y trouver des éléments
de réflexion, des idées, comme lorsque l'on parle avec quelqu'un.
Avec cet intérêt supplémentaire que l'on peut grâce
à elle « parler » avec des individus absents (ou
plutôt apprendre d'eux), soit qu'ils résident loin, soit qu'ils ne
soient plus de ce monde.
* 616 MUSEY, Op. Cit.,
p.22.
* 617 JACQUES, F.,
L'espace logique de l'interlocution, avertissement -p. 18. Quand on lit ce
passage de Jacques, on se rapporte au siècle de Cyprien de Carthage, on
dirait qu'on lisait Cyprien contre Donatien : « L'Eglise
n'est ni d'Etienne ni de Firmilien ni de personne d'entre les
évêques, elle est entre » C'est là sa
catholicité.
* 618 MUTUZA, De la
Philosophie occidentale à la Philosophie négro-africaine. Apport
des philosophes zaïro-congolais, p. 98. On peut encore dire que
penser c'est se parler à soi. Parler c'est toujours et
déjà parler à quelqu'un.
* 619 POPPER, La
connaissance objective, p. 173.
* 620 MUTUZA, La
problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 73.
* 621 Cette
interprétation se trouve déjà chez Aristote, Eth. Nik. B,
1 , 1103, 17-18. Voir aussi T. I. Celui-ci considère
l'éthique comme le pendant de l vertu, après la raison
(äéáíïçêÞ).
Voir aussi J.F. Ph..KIPAMBALA Mvudi en donne des amples explications dans
temps et Apocatastase chez Grégoire de Nysse, dissertation
de D.E.S. en Philosophie , UNIKIN, 2007, p. 82.
* 622 Selon la
légende, ce Johann Faust gagne sa vie comme enseignant, mais aussi comme
illusionniste et diseur de bonne aventure, ce qui lui vaut d'être
accusé de sorcellerie et chassé de ville en ville. Sa mort
mystérieuse, après qu'il s'est vanté d'avoir vendu son
âme au diable, consolide sa notoriété. Martin Luther, par
exemple, est persuadé que Faust était possédé par
les puissances diaboliques ; beaucoup plus réservés,
d'autres le considèrent simplement comme un charlatan et un
débauché. D'autres encore assurent qu'il a obtenu la protection
de l'archevêque de Cologne à partir de 1532, et qu'il est mort
respectable.
* 623 MUTUZA, Apport de la
Psychologie dans la formation du juriste, p.
72 ;L'éthique moderne est profondément
influencée par la psychanalyse de Sigmund Freud et de ses disciples,
ainsi que par les doctrines béhavioristes inspirées des
découvertes du physiologiste russe Ivan Pavlov. Freud attribuait le
problème du bien et du mal en chaque individu au conflit entre la
pulsion du moi instinctuel visant à satisfaire tous ses désirs et
le besoin du moi social qui consiste à contrôler ou
réprimer la plupart de ces impulsions afin de permettre à
l'individu de fonctionner en société.
* 624
AèÞíá
(Athéna), dans la mythologie grecque, déesse de la
Guerre et de la Sagesse, dont les qualités morales symbolisent la
grandeur de la civilisation grecque, assimilée par les Romains à
Minerve. Athéna est la fille de Zeus. Celui-ci
craint le pouvoir de l'enfant que porte sa première épouse,
Métis, et, pour s'en protéger, avale sa femme. Souffrant par la
suite d'insupportables maux de tête, le dieu intime l'ordre à
Héphaïstos, dieu du Feu et des Forgerons, de lui fendre le
crâne. Athéna sort alors de la tête de son père,
déjà adulte et en armes, en poussant un terrible cri de guerre.
Déesse guerrière, Athéna est cependant reconnue
comme l'incarnation de la Raison, de l'Équité et de la Sagesse.
Elle s'oppose par son sens de la mesure au dieu de la Guerre, Arès.
Athéna règne sur l'Attique et devient la protectrice de la ville
d'Athènes, après avoir remporté un défi l'opposant
à Poséidon, dieu de la Mer (celui-ci ayant reçu
l'Atlantide). Elle est, de plus, la déesse des Arts, de la
Littérature, de l'Industrie et de l'Artisanat féminin.
Bienveillante, elle préside aux arts agricoles, fait don aux hommes de
la charrue et leur apprend la manière de dompter les animaux sauvages.
La légende d'Athéna est marquée par le
rôle prépondérant qu'elle joue dans la lutte contre les
Géants. Elle est aussi célèbre pour avoir pris une part
active dans la Guerre de Troie. Lésée par le jugement de
Pâris, elle se range en effet aux côtés des Grecs, devenant
leur principal soutien. Elle veille également sur l'expédition de
Jason et des Argonautes et apporte son aide à Héraclès
dans l'accomplissement de ses travaux.
* 625 MUTUZA, Op.
Cit., p. 71.
* 626 MUTUZA, La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 91-92.
* 627 CABASILAS, N.,
Explication de la divine liturgie, 26, PG 140, 452, Cf. I Co 11,
28.
* 628 "Rwanda."
Microsoft® Encarta® 2009 [DVD]. Microsoft Corporation, 2008.
* 629 Nous avions dit que
les petits royaumes étaient unis en seul et unique Rwanda et les rois
monades (Hutu-Tutsi-Twa) et la considération que les Tutsi ont des
terres rwandaises comme toute la terre, leur terre.
* 630
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, pp. 19-24. Ici, Mutuza
admire l'analyse de Papadopoulos. Nous sommes étonné de voir que
Mutuza ne se soit pas rendu compte du cartésianisme papadopoulosien. Aux
pages 87-98 de l'ouvrage de Papadopoulos, Mutuza est un admirateur de ce
cartésianisme.
* 631 J. MAQUET a
intitulé son ouvrage Le système des relations sociales dans
le Ruanda ancien. Annales du Musée royal du Congo Belge, Science de
l'Homme, Ethnologie, No° 1, 1954. Une traduction anglaise de cet ouvrage a
paru sous le titre The Premise of Inequality in Ruanda, 1961.
* 632 VAN HOVE, J.,
Essai de droit coutumier du Ruanda. Institut Roy. Col. Belge, tome X,
1, 1944, cité par Papadopoulos, Poésie dynastique du Ruanda
et Epopée Akritique, p. 83. VAN HOVE traite de ces questions aux
pages 45-60 en tant que droit de propriété et d'exploitation
économique.
* 633 VAN HOVE, J.,
Essai de droit coutumier du Ruanda, p. 48.
* 634 Un royaume hamite
au centre de l'Afrique, p. 55-509. Nous avons trouvé une
étude importante pour ce genre de travail. Mais l'auteur vante les Tutsi
sans avoir bien pénétré l'histoire de ces deux peuples aux
relations dialectiques. Cette vision fut reprise par R. BOURGEOIS dans la
grande monographie des pays ruandais et urundais (Banyarwanda et
Barundi, Inst. Roy. Col. Belge, Section des Sciences morales et
politiques. Tome I, Ethnographie, 1957. Tome II, La Coutume,
1954. Tome III, Religion et Magie, 1954. Voir tome II,
pp. 266-335.
* 635 PAPADOPOULOS, Th.,
Op. Cit. , p. 84.
* 636 POPPER, K., La
Connaissance objective, p. 336.
* 637 Kant, écrit
Popper, a fait une « distinction tranchée (...) entre
l'intuition et la pensée discursive n'est pas soutenable. L'intuition,
quoi qu'on désigne sous ce nom, est en grande partie le produit de notre
développement culturel de notre pratique de la pensée discursive.
Il est difficile d'accepter l'idée kantienne d'un modèle unique
d'intuition pure qui nous serait commun à tous ... »
(La Connaissance objective, p. 218).
* 638 Kant a
profondément souffert d'un cauchemar et il échoué dans sa
tentative d'y échapper ; voir l'excellente présentation que
fait Compton de « l'échappatoire kantien » dans
The Freedom of Man, pp. 67sq. Qu'on nous permette de préciser
ici que Popper n'approuve pas tout ce que Compton a à dire dans le
domaine de la philosophie des sciences. Voici quelques exemples de conceptions
qu'il ne partage pas : l'approbation par Compton du positivisme ou du
phénoménalisme de'Heisenberg (The Freedom of Man, p.
31) ; et certaines remarques reprises à Carl Eckart : bien que
Newton n'ait pas été lui-même, semble-t-il, un
déterministe.
* 639 N'SANDA WAMENKA,
Récits épiques des Lega du Zaïre, tome 1, p. 8.
* 640 Idem.
* 641 PAPADOPOULOS, Op.
cit., p. 84.
* 642 MUTUZA, La
Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 1.
* 643 Lettre du 30 mars
1952 dans Lettres à Maurice Solovine,, 115.
* 644 Idem.
* 645 Idem.
* 646 Cité de
Dieu, X, XII.
* 647
Traité sur l'Evangile de Jean, XXIV, 2.
* 648 La conséquence
sociale de la conception de l'homme comme un composé d'une âme
immortelle et d'un corps périssable par la philosophie classique
crée un individualisme.
* 649 GURVITCH, G., La
Vocation actuelle de la Sociologie, tome II, p. 53.
* 650 Une variable est, en
mathématique, une grandeur ou valeur susceptible de se modifier ou
d'être modifiée.
* 651 L'intégration
est une opération consistant à calculer des intégrales.
* 652 La dérivation
est un calcul d'une dérivée et la dérivée est une
limite vers laquelle tend le rapport de l'accroissement que prend une fonction
à l'accroissement attribué à la variable, lorsque ce
dernier tend vers zéro.
* 653 La fonction de la
variable réelle dont la dérivée est une fonction
donnée.
* 654
Les troncations, très fréquentes dans la langue
parlée, appartiennent généralement au registre familier
(une manif, un instit, le petit-déj, etc.). Cependant,
certaines sont consacrées par l'usage et ne sont plus ressenties comme
étant familières. Si quelques-unes s'emploient aux
côtés de la forme longue (photo / photographie,
kilo / kilogramme, etc.), d'autres se sont plus ou moins
totalement substituées au mot souche (stylo / stylographe,
métro / métropolitain, etc.).
* 655 EULER, L.,
Etablissement du calcul intégral, p. 15.
* 656 Vérité
et Méthode, p. 53. Parallèlement à l'examen
de l'expérience de vérité hors de la science, Hans-Georg
Gadamer fonde celle-ci sur une « conscience de la
détermination historique », dont il développe
l'idée dans cette oeuvre majeure,
* 657 LEIBNIZ, G.W., De
Arte Combinatoria , p. 20. Il avait établi que l'usage du nombre
supposait une pensée capable de faire abstraction des qualités
propres aux unités qui le composaient, pour en former de nouvelles, qui
pouvaient à leur tour se combiner. Fondée sur le
« principe de continuité » qui garantit que l'on
peut toujours trouver, entre deux états, une série
d'intermédiaires pour rendre compte du passage de l'un à l'autre,
la pensée de Leibniz se donna pour objectif de trouver un langage qui,
sur le modèle des mathématiques, est capable de formaliser
l'infinité des données. Il nomma ce langage
« caractéristique universelle », censé
retrouver l'unité mythique de la langue d'avant Babel et parvenir, par
la définition de règles de transformations, à ramener
toutes les formes de réflexion à des calculs vérifiables
par tous.
* 658 EULER, L.,
Introduction à la théorie de la Nature, p. 76.
* 659 Nous prenons la
linéarisation dans son sens informatique dont la graphique constitue la
méthode de lutte contre l'aspect en marches d'escalier, ou
crénelage, d'éléments graphiques tels que les diagonales,
les courbes et les cercles. Le crénelage se produit lorsque la
résolution du milieu de sortie est trop grossière pour que
l'image qui s'y projette apparaisse sous forme de lignes douces et continues.
La méthode la plus simple pour lutter contre ce phénomène
consiste à augmenter la définition du milieu de sortie. Une autre
approche consiste à utiliser des routines de linéarisation qui
estompent l'aspect dentelé en ombrant ou en colorant les pixels voisins,
de façon à atténuer la transition entre noir et blanc (ou
entre deux couleurs) et à la rendre moins visible.
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