INTRODUCTION
Avec les bouleversements de la révolution du XIX
eme siècle, de nouvelles idéologies sont nées
déclenchant ainsi une lutte perpétuelle pour la reconnaissance et
le respect des droits humains. La Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme et des Peuples de 1879 sonne l'alarme et octroie plus de liberté
à la personne. Dans toutes les sociétés ce processus a
permis de défendre des causes politiques, sociales, économiques,
raciales et culturelles.Le statut de la femme préoccupe dès lors
les mouvements féminins et les institutions tant nationales
qu'internationales qui mettent en place des stratégies pour
améliorer sa condition. Cette situation pousse les Etats à
adopter de nouvelles politiques de développement tenant compte de la
cible féminine jusque-là délaissée.En 1945,
l'égalité des femmes et des hommes est admise en tant que
principe fondamental de la personne à travers l'adoption
générale de la charte des Nations Unies.De la conférence
de Mexico en 1975 sur « le statut des
femmes »,coïncidant avec la décennie des femmes, une
série de conférences mondiales est organisée par
l'ONU : celle de Copenhague en 1980 sur
« égalité développement et
paix », celle de Nairobie en 1985 chargée
d'évaluer les résultats de la décennie des Nations Unies
pour la femme, celle de Rio en 1992 sur « l'environnement
et le développement », celle de Vienne 1993 sur
« les droits de l'homme », celle de Caire en 1994
sur « la population et le développement »
et par la suite celles de Beijing, AddisAbéba, Dakar, New York
viendront approfondir les analyses et pousser la réflexion, toujours
avec des éclairages plus pointus, des propositions mieux
articulées et des engagements de plus en plus éclairés et
argumentés des Etats et gouvernements. La rencontre Beijing + 10 notera
des avancées appréciables, mais surtout relèvera des
manques notoires qui font que les Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD) planifiés pour l'horizon 2015, ont peu de
chances d'être atteints surtout en Afrique.
Après ces années de réformes et de
grandes conférences, la communauté internationale s'est
dotée de tout un appareil de conventions internationales et des plans
d'actions en faveurs de l'égalité entre hommes et femmes.Au
Sénégal avec la ratification et l'adhésion du pays
à la CEDAW1(*), la
CDE, les Conventions et Traités de l'OIT, la Charte Africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples d'Arusha et son Protocole Additifs Relatif aux Droits
des Femmes, la Déclaration des Chefs d'Etats et de Gouvernements
Africains sur la Parité à tous les postes Electifs et Nominatif,
la Structuration de la Commission Africaine, les Textes de la CEDEAO et le fait
que Dakar abrite le Centre de la CEDEAO pour le Développement du Genre
(CCDG), l'adoption de la SNEEG , font que les questions relevant de la
marginalisation et de l'exclusion ne doivent plus être posées en
termes de manques mais plutôt en termes de droits à
réaliser pour l'Equité, l'Egalité de Chances et
l'Egalité de Traitement entre les sexes. D'ailleurs la Convention
sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes (CEDAW/CEDEF) adoptée en 1979 est
ratifiée par le Sénégal le 5 février 1985 et son
Protocole Additionnel ratifié en 2000 dont l'article 15.2 relatif
à l'égalité des femmes et des hommes.
L'égalité et l'équité genre a été
inscrite dans la constitution2(*)du Sénégal en 2001. Pour permettre aux
autorités de réaffirmer ces engagements à construire un
Sénégal sans discriminationentre les sexes, la Stratégie
nationale pour l'Egalité et l'Equité de Genre (SNEEG) a
été élaborée pour la période 2005-2015.Dans
le cadre de la mise en oeuvre du plan décennal de développement
familial et social, des réformes sont mises en place par le gouvernement
du Sénégal pour appuyer la promotion de la femme à travers
la création d'une Direction Nationale de l'Equité et de
l'Egalité de Genre, d'un Observatoire des Droits de la Femme et de
l'Enfant et d'outils de suivi comme l'IDISA et d'autres indicateurs.
Le Sénégal comme beaucoup de pays Africains a
ratifié des traités, signé des conventions,
élaboré des chartes et même procédé à
des réformes constitutionnelles visant à améliorer le
statut de la femme.3(*)Cette
période a aussi été marquée par l'émergence
d'une masse critique de femmes sur les questions relatives à la
condition féminine.Ainsi sont nées plusieurs organisations de
femmes oeuvrant pour la promotion féminine. Les tendances du mouvement
féministe remontent avant les indépendances, mais c'est avec le
mouvement « yéwwu-yéwwi4(*) » vers les
années 80 que le débat a été véritablement
ouvert mais, traité de radicale, ce mouvement ne dura pas.Cependant,
cette lutte continue permet quelques avancées. Le 03 Mai 2010, la loi
sur la parité est votéepar l'assemblée nationale du
Sénégal, même si son application n'est pas encore
effective. Des améliorations sont perçues au
Sénégal : des femmes ont été promues à
des postes de responsabilité, beaucoup de projets et programmes
publiques et privés tiennent particulièrement compte de leurs
préoccupations et la tendance à trouver des solutions à
leurs problèmes continue de susciter aujourd'hui des réflexions
poussées et la création de mouvements autour de ce sujet.
Cependant comme l'attestent les rapports5(*) sur la situation de la femme
sénégalaise, ces acquis semblent dissimuler une
réalité autre, marquée par leur sous
représentativité dans la plupart des instances de prise de
décision, leur difficile accès aux ressources, leurs
problèmes de santé, de scolarisation et une persistance de la
violence qu'elles subissent au quotidien.
Pour pallier à cela, depuis la décennie des
femmes instituée en Décembre 1972 par l'Assemblée
Générale des Nations Unies dans sa résolution 3010 et
proclamée en 1975, la période 1976-1985 ainsi que le 08 Mars
retenue comme Journée Internationale de la Femme, la lutte contre la
pauvreté a pris essentiellement en considération les
problèmes de la femme à travers différentes approches dont
l'IFD (intégration des femmes dans le développement), la FED
(femmes et le développement) et le GED (genre et développement).
Le concept Genre est donc apparu dans ce contexte, vers les années 1990
après des recherches menées en vue de pallier aux
inégalités observées entre les Hommes pour accéder
au développement. La rupture opérée par l'approche genre
montre que le déséquilibre noté entre les hommes et les
femmes ne résidait pas chez l'un d'eux mais dans leurs relations. Il
faudrait alors pour améliorer la condition de la femme redresser ces
rapports inégaux entre elles et les hommes. Le genre tente donc une
analyse de la société dans sa totalité en analysant la
capacité de chacun.Etant donné qu'en Afrique le patriarcat
prédomine au sein des communautés et influence les valeurs et les
croyances, il sied de s'interroger sur les déterminantes
psychosociologiques qui structurent les rapports entre les hommes et les
femmes. La construction sociale des rapports entre les hommes et les femmes
dans la société a été l'objet de nombreuses
interrogations à travers le concept de genre.Des chercheurs
s'intéressent de plus en plus à ce concept sociologique qui jette
un regard analytique sur les rapports entre les diverses catégories
sociales, notamment entre les hommes et les femmes. A ce titre,Fatou SARR
SOW6(*), conçoit que
« Introduire l'analyse genre dans les sciences sociales,
c'est s'interroger à la fois sur les statuts et les rôles des
femmes et des hommes dans la stratification sociale, sur l'impact des rapports
sociaux de sexe ou de genre sur les situations qui concernent l'individu ou le
groupe ; c'est s'interroger sur les manières dont les statuts et
les rôles par l'appartenance à un sexe
donné ».Ainsi, le genre en s'intéressant aux
relations homme/femme et aux inégalités observées dans ces
relations souvent caractérisées par des rapports de pouvoir, de
subordination d'une catégorie sur l'autre, s'inquiète
nécessairement des violences faites aux femmes.
Dans la région de Kaolack située au centre du
Sénégal, ces violences y sont depuis un certain temps de plus en
plus nombreuses.Nous ne disposons pas de statistiques fiables qui informent sur
le nombre de femmes victimes de violences dans cette zone, mais devant la
fréquence des cas de violences faites aux femmes, le Groupe de Recherche
sur les Femmes et les Lois GREFELS avait mené une première
recherche sur le thème à Dakar et Kaolack. En2000, l'unité
Promotion des Droits des Femmes (PDPF) du Centre Canadien de Coopération
Internationale (CECI) a mené une deuxième étude sur les
violences conjugales dans ces deux régions. Ces études et les
actions menées par les ONG montrent une effectivité et une
recrudescence de ces violences dans la région de Kaolack. Mais c'est
surtout à travers la presse que de nombreux cas de violences ont
été dénoncés dans cette zone. La couverture de la
presse écrite sur les violences à l'égard des femmes a
connu une amélioration depuis quelque temps. C'est surtout vers la fin
de l'année 1994 avec l'affaire DOKI NIASS dans la région de
Kaolack que la presse a commencé à vraiment s'intéresser
à ce phénomène. Notons aussi que les jugements en 1996 du
cas DOKI NIASS, de l'assassinat de ASTOU MBENGUE, des cas de viols collectifs
à Dalifort, Saint- Louis et Ngor et d'autres formes de violences ont
été à l'origine de beaucoup d'articles sur ce
thème. De par son ampleur et sa persistance dans la
société, ce phénomène soulève des
interrogations qui nécessitent des analyses pluridisciplinaires.
L'analyse crédible du phénomène nécessite que
soient convoqués les aspects sociaux, juridiques, psychologiques,
anthropologiques, démographiques et même cliniques des violences
faites aux femmes.
Nous nous sommes donc investis à rechercher les
éléments sociaux explicatifs du phénomène sans
occulter l'importance des autres aspects.Notre cadre d'étude, le Point
d'écoute de l'ONG APROFES (Association pour la Promotion de la Femme
Sénégalaise) de Kaolack, reçoit chaque jour des cas de
violences de toutes sortes. Nous mènerons notre étude sur les cas
traités par cette ONG.
Nous avons tenté d'analyser les causes de ces violences
en rapport avec le genre donc la construction des rapports sociaux de sexe.
Nous présentons dans la première partie le cadre
théorique et méthodologique de cette recherche.
La seconde partie est le cadre d'analyse, nous montrons le
cadre d'étude et l'analyse des données recueillies à
travers nos recherches.
PREMIERE PARTIE : CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE
I.1. ETAT DES CONNAISSANCES
Les études qui existentne traitent
passpécifiquement du rapport entre le genre et lesviolences faites aux
femmes. Celles que nous avons consultées portent soit sur le genre ou
sur les violences faites aux femmes. Un certainnombre d'ouvrages traitant du
genre a été consulté. Pour les violences faites aux femmes
un nombre assez limité de recherche a été mené au
Sénégal et il n'existe pas encore d'étude nationale sur ce
phénomène. De ce fait des textes internationaux et nationaux ont
été consultés. Ces textes nous renseignent en fait sur
l'évidence des pratiques de violences sur les femmes au
Sénégal, les lois sur ces violences et les actions entreprises
par le Sénégal pour la protection des femmes en
général.
Maryse Jaspart, (2005) fait l'analyse sociologique du
phénomène de violences faites aux femmes dans un ouvrage du
même thème7(*).Directrice scientifique de la première
enquête statistique sur le sujet, elle se réfère à
l'enquête ENVEFF (Enquête Nationale sur les Violences Envers les
Femmes en France) pour répondre à la plupart des questions sur
les violences faites aux femmes. La prise en compte d'untel
phénomène en France est suscitée par un contexte ou
l'émergence d'un concept sociopolitique international s'engage à
éliminer les discriminations à l'égard de femmes. Les
actions menées pour cela allant des réformes juridiques à
l'aide aux victimes et prévention et en 2000 à l'enquête
ENVEFF donne à ce phénomène une reconnaissance
institutionnelle jusque là inconnue. L'enquête
révèle surtout que les formes de violence les plus
répandues en France en 2000 sont les agressions verbales et les
pressions psychologiques et que le huis clos familial demeure le principal
cadre des violences les plus graves. Un accent particulier est mis sur les
violences conjugales en France. Ses formes sont multiples : propos
blessants, paroles injurieuses, autoritarisme paternaliste, condescendant ou
tyrannique, contrôle, reproches et réprimandes, humiliations,
jalousie maladive, dénigrement, dévalorisation, cris, menaces,
brutalités physiques et sexuelles etc. Bien souvent le comportement du
violent qui selon les analyses recentre sur un seul type d'auteur le conjoint
ou le concubin est fondé sur l'accumulation d'actes, des paroles de
geste en apparence sans gravité. La violence sexuelle toujours en
rapport avec la sexualité de l'agresseur et de l'agressé concerne
dans l'analyse sociologique des formes moins graves comme les atteintes
sexuelles et des formes les plus graves telles que les agressions sexuelles,
les tentatives de viol et les viols, le harcèlement sexuel.
Maryse Jaspart fait aussi état de la prise en compte
des violences au plan international et de sa situation différente dans
d'autres pays.L'auteure en s'appuyant sur l'enquête ENVEFF expose la
situation des violences contre les femmes en France en 2000,mais surtout une
profonde analyse sociologique du concept de violence dans divers
aspects.Cependant les résultats de l'étude portent
spécifiquement sur la France alors que le phénomène ne se
produit pas forcément partout de la même manière.
AyeshaM.Imam,FatouSowSarr, Amima Mama(2004)ont
traité dans un ouvrage collectif (Sexe, genre et
société : Engendrer les sciences sociales en Afrique)
et dans une approche pluridisciplinaire, de l'analyse genre et des sciences
sociales en Afrique.8(*)Les
éclairages apportés surl'analyse de genre internationale puis
africaine et l'histoire de leur émergence, les concepts de rapports
sociaux de sexe, de rôles sexués et sur les courants
théoriques (le féminisme)fournissent dés le débutde
leur analyse, une définition de ces concepts clés.Par une nette
rupturel'ouvrage fait en générale une critique sexuée des
sciences socialesdominantes. Se basant sur l'analyse genre, les études
féminines et la recherche féministe ils critiquent ainsi et
remettent en cause les sciences sociales dominantes. La plupart des chapitres
de cette publication critiquent la théorie et la pratique des sciences
sociales. Ils montrent ainsi par quels mécanismes la plupart des
sciences sociales ignorent et marginalisent l'apport des femmes à la
société et aident à les inférioriser et à
les assujettir par le fait de produire des connaissances sexistes qui
légitiment la domination de l'homme.
Les auteurs suggèrent ainsi l'incorporation de la
dimension genre dans le courant dominant de la théorie sociale. Ils
adoptent une approche qui reconnaît l'importance des rapports sociaux de
sexe. Ils considèrent que toute science sociale qui ne reconnaît
pas ces rapports comme catégorie analytique est une science appauvrie et
dénaturée et ne peut pas dans ce cas expliquer les
réalités sociales. Ainsi ces auteurs ne se limitent pas
seulement aux critiques, ils suggèrent une analyse qui intègre
les rapports sociaux de sexe dans les sciences sociales Africaines. C'est ce
qu'ils appliquent d'ailleurs dans cet ouvrage à propos de quelques
sciences sociales telles que l'histoire, la géographie,
l'économie etc.
Cette étude a le mérite de proposer une nouvelle
approche basée sur l'analyse genre adaptée presque à
toutes les sciences sociales. Ceci a son importance dans le sens où le
genre a été pensé au début des années 1990
pour pallier aux inégalités sociales et comme un moyen
d'accéder au développement.
Dans le sens où notre étude propose une analyse
genre des violences faites aux femmes cet ouvrage ne peut manquer d'être
une référence.
Cependant l'ouvrage se limite à la critique des
sciences sociales existantes et propose une analyse de quelques sciences
sociales. Il aurait plus de mérite en adoptant cette analyse sur les
principaux problèmes auxquels les femmes sont confrontées. Ceci
nous aurait permis d'avoir une esquisse de solutions sur les violences faites
aux femmes qui nous intéressent présentement.
Pierre Bourdieu (1998)dans son ouvrage intitulé (La
domination masculine), fait une étude sociologique des rapports
sociaux de sexe et tente d'expliquer les causes de la permanence de la
domination des hommes sur les femmes dans toutes les sociétés
humaines. Il s'interroge sur la permanence de la domination masculine. En
mettant cela en évidence il base son étude sur une ethnographie
menée auprès des Berbères de Kabylie une
société entièrement construite autour de l'homme
archétype d'une culture méditerranéenne. La pensée
relative à la différence des sexes y est profondément
enracinée permettant ainsi de dégager les structures symboliques
qui perpétuent la domination de l'homme. Cet
inconscientandrocentique qui réside chez les hommes et les femmes
doit selon l'auteur être dissout et exploré car c'est à
l'intérieur de lui que se trouvent les structures symboliques qui
légitiment cette domination.
Pierre Bourdieu pense que cette domination masculine s'entend
par un habitus donnant aux femmes et aux hommes un rôle
prédéterminé. Une culture différenciatrice entre
les sexes est imposée par la société, notamment via la
famille (les filles sont moins encouragées à suivre les
études scientifiques que les garçons, par exemple). Il en
résulte une dissymétrie dans l'enseignement supérieur,
entre les études littéraires et linguistiques, où la
population étudiante est fortement féminisée, et les
études techniques et scientifique
La domination masculine tente notamment de se
perpétuer par un processus de dé historicisation. Tout au long de
son oeuvre, Pierre Bourdieu s'est attaché à décrire les
rapports de domination qui s'exercent entre les individus dans tous les
domaines de la société. Selon sa théorie, les dominants
(groupes sociaux, ethnies, sexes) imposent leurs valeurs aux dominés
qui, en les intériorisant, deviennent les artisans de leur propre
domination. C'est à partir de cette grille de lecture qu'il analyse les
ressorts de la domination masculine.
Cet ouvrage de Bourdieu revêt une grande importance pour
notre étude en ce sens qu'il met en évidence les fondements
sociologiques de la domination de l'homme sur la femme. Même si
l'étude porte sur la civilisation traditionnelle des Kabyles,
l'entendement qu'il a des catégories sociales de sexes arbore des
caractéristiques universelles.
Cependant force est de constater que cette étudeaborde
surtout les causes de la domination masculine. Cette domination étant
présente dans toutes les sociétés, il aurait pu aborder
les problèmes engendrés par cette domination masculinecomme les
violences.
Les travaux de Fatoumata Bintou Kebe (2004) sur (La
violence conjugale au Point d'écoute de l'APROFES KAOLACK)nous
intéressent particulièrement. C'est la seule recherche
effectuée sur notre site à savoir le point d'écoute de
l'APROFES Kaolack. Fatoumata. B. Kebe traite des violences conjugales
exercées sur les femmes âgées de 18 à 35 ans qui
fréquentent le Point d'écoute de l'APROFES. L'étudese
penche sur les causes réelles des violences conjugales et sur les
stratégies d'intervention de l'APROFES dans la prise en charge des
victimes. Parmi les causes évoquées dans la présentation
des résultats, on retrouve notamment : le défaut d'entretien
(30%), la jalousie (20%) et l'incompatibilité (20%) d'humeur. Cette
recherche a le mérite d'explorer un type de violence très courant
dans la région de Kaolack et d'en évoquer les causes. Cependant
la recherche s'est plus employée à développer les
activités de l'ONG APROFES. Elle aurait pu s'appesantir sur les actions
du Point d'écoute et sur les causes des violences conjugales.
Des études non moins importantes sur la situation de
femmes Sénégalaises ont aussi attirés notre attention. Il
s'agit de deux études du WILDAF, celle de Jacqueline CABRAL NDIONE et
une autre du GREFFELS.
L'étude de Jacqueline CABRAL NDIONE (2000)
qui porte sur (Les violences conjugales dans les réions de Dakar et
de Kaolack)traite spécifiquement des types de violences
conjugales9(*).C'est une
étude du CECI (Centre d'Etudes Canadien et de Coopération
Internationale) et de la PDPF (Promotion des Droits et Renforcement du Pouvoir
des Femmes) en partenariat avec l'ACDI a pour objectif d'estimer l'ampleur et
les causes des violences conjugales dans les régions de Dakar et Kaolack
et d'identifier des moyens pour lutter contre ce
phénomène.L'auteur élabore en premier lieu une typologie
des violences conjugales dans ces deux régions et révèle
que les violences conjugales sont très connues par la population
cible à savoir les régions de Dakar et Kaolack, (95%) des
enquêtés estiment les connaître. Les formes de violences
conjugales, leurs causes, conséquences, fréquences et les
partenaires qui interviennent dans ce domaine sont aussi bien
maîtrisés par grande majorité des enquêtés.
L'étude s'est aussi intéressée sur l'impact que les
croyances socioculturelles pouvaient avoir sur ces violences, (49%) pensent
que ces croyances socioculturelles incitent à la violence eu sein du
couple. Par rapport à l'action judiciaire, l'étude montre que
seulement (22%) des victimes en ont eu recours et même parmi les femmes
enquêtées qui n'ont jamais subi de violences (66%) projettent de
recourir à la réconciliation et seulement (26%) pour l'action
judiciaire.
Cette recherche a aussi établi une typologie des
violences conjugales, les causes des violences, les réactions face aux
violences, les opinions sur les violences, les conséquences des
violences, et les stratégies de lutte.Cette étude nous
intéresse surtout en se sens que c'est la seule étude qui existe
sur les violences faites aux femmes à Kaolack, cible de notre
étude. Il ne peut manquer d'être une référence pour
nous même s'il ne traite que d'une seule forme de violence à
savoir la violence conjugale
Le GREFELS(1997) a aussi mené une étude
nationale sur (Les violences à l'encontre des femmes)10(*).En l'absence d'enquêtes
nationales sur les violences contre les femmes au Sénégal, le
GREFELS avait comme objectif de recueillir des données plus
substantielles sur cette question. L'étude concerne la violence
physique, sexuelle et psychologique et a été menée dans
les zones urbaines de Dakar et de Kaolack. Elle traite de l'effectivité
des violences faites aux femmes au Sénégal. Cependant elle ne
nous renseigne que très peu sur ce phénomène dans la
région de Kaolack.
Un document de WILDAF/FEDDAF Sénégal (2002)
traitant de la non violence au Sénégalnous a aussi
intéressée.Ce document constitue un module élaboré
par WILDAF/FEDDAF afin d'apporter aux acteurs judiciaires et extrajudiciaires
une assistance en informations et en habiletés dans le but de les aider
à lutter plus efficacement contre les violences faites aux femmes.Il
fait partie du projet de WILDAF/FEDDAF sur l'amélioration de
l'effectivité des droits des femmes dans certains pays de l'Afrique de
l'Ouest (Bénin, Burkina Faso, Mali, Sénégal, Togo, Nigeria
et Ghana).Son objectif général consiste à informer les
groupes cibles impliqués dans la mise en oeuvre des droits des femmes,
les différents types de violences à l'égard des femmes et
les amener à combattre ces violences.Une partie du document
présente les actions entreprises par le gouvernement du
Sénégal pour la lutte contre les violences faites aux
femmes par le vote de la loi du 29 janvier 1999, et la signature de
conventions visant à protéger les femmes en général
et à combattre toutes violences dirigées contre elles.Selon les
auteurs du module, si sur le plan législatif et quantitatif il y a eu de
réel progrès, des difficultés existent en ce qui concerne
la connaissance des textes et de la répression des violences contre les
femmes.
En outre, en l'absence de données statistiques fiables,
seule l'observation de la réalité judiciaire qui alimente la
presse, permet une bonne connaissance du phénomène.
Une partie du document présente aussi les textes
internationaux prohibant les violences faites aux femmes auxquels le
Sénégal a adhérés et les textes nationaux
sanctionnant également les violences faites aux femmes.
Un autre document de WiLDAF/FeDDAF- AFRIQUE DE L'OUEST (2004)
trace et relate sous forme d'articles la situation des femmes du
Sénégal.L'article présente le cadre juridique dans lequel
s'exercent les droits des femmes civils, économiques et sociaux des
femmes. Il présente aussi les lois nationales touchant les droits des
femmes, les textes existants et les instruments juridiques internationaux
relatifs aux droits des femmes auxquels le Sénégal est partie
prenante ou a ratifié. Une partie de l'article examine la
situation effective des droits des femmes au
Sénégal et révèle des aspects négatifs
tels que les mariages forcés dans certaines régions du
Sénégal (Nord), les mutilations génitales des filles, la
violence conjugale tolérée socialement et la répudiation
des femmes.Le dernier point abordé porte sur la femme
Sénégalaise et l'outil juridique. Il estime que dans la
société traditionnelle Sénégalaise, la femme
était reléguée au second rang. En ces temps elle occupait
le même titre que les biens mobiliers et les animaux. Cette situation a
longtemps empêché à la femme d'accéder au statut
officiel, même avec l'introduction de l'islam elle demeurait toujours
sous la domination de l'homme.
Devant l'insuffisance de documents sur les violences faites
aux femmes au Sénégal, nous nous sommes intéressés
à quelques conventions internationales et lois traitant de ce sujet.
Le Protocole11(*) à la charte africaine des droits de l'homme et
des peuples relatif aux droits des femmes de (Maputo 2003) consacre
une partie à la violence faite aux femmes. Ce Protocole de l'Union
Africaine complète la Charte africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples et protège spécifiquement les droits fondamentaux des
femmes. Adopté le 11 juillet 2003 à Maputo, il exhorte les
gouvernements africains à lutter contre toute forme de discrimination
et de violence à l'encontre des femmes en Afrique .Il les engage aussi
à inclure dans leurs constitutions nationales et autres textes
législatifs les principes d'égalité entre hommes et femmes
et la notion de discrimination fondée sur le sexe.
Les Etats présents à la signature du protocole
dont le Sénégal, sont convenus d'oeuvrer à
l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes
dans toutes ses formes et des pratiques néfastes et se sont
engagés dans les articles 2 et 5 à prendre toutes les
dispositions nécessaires allant dans ce sens.
Ils reconnaissent que toute femme a droit à la
dignité, à la vie, à l'intégrité et la
sécurité. Les Etats se doivent donc d'adopter et d'appuyer les
lois réprimant les violences faites aux femmes, de promouvoir la paix,
la sécurité et l'épanouissement de la femme comme
évoqué ici « Les états combattent la
discrimination à l'égard des femmes, sous toutes ses formes, en
adoptant les mesures appropriées aux plans législatifs,
institutionnels et autre »12(*)
Le Protocole engage les Etats à assurer et à
veiller au respect des droits des femmes relatif à la paix, à
l'éducation et à la formation, à la protection sociale,
à la santé et au contrôle des fonctions de reproduction par
les femmes ;à la sécurité alimentaire, à un
habitat adéquat, à un environnement sain et viable et
à un développement durable. Il demande aux Etats d'assurer une
protection spéciale à une catégorie de femmes
considérées comme vulnérables à savoir la veuve,
les femmes âgées les femmes handicapées, celles en
situation de détresse et leurs droits à la succession. Les Etats
doivent garantir en outre une réparation à toute femme dont les
droits et libertés ont été violés. La
réparation est déterminée par une autorité
compétente.
Le Journal officiel13(*) de la République du Sénégal
(1999) par la loi 99-05 du 29 janvier 1999 porte sur un certains nombre de
réformes apportées au droit pénal et à la
procédure pénale14(*) dans le souci de sauvegarder et de renforcer les
droits de la défense et les principes de liberté, d'une part et
d'autre part de renforcer les droits de la victime et de protéger les
groupes vulnérables.Dans l'objectif de réprimer les violences
faites aux femmes et aux enfants, les articles 4, 80, 238,239, 240,294,
297, 299, 320 et 379 du code pénal ont été
modifiés.
Ces articles modifiés traitent des violences telles que
les coups et blessures, les mutilations génitales féminines,
l'harcèlement sexuel, la pédophilie, le viol, la violence
conjugale.
Cette loi traite des violences auxquelles les femmes sont le
plus souvent confrontées au Sénégal et sur les peines
encourues par les auteurs de tels actes. L'Article 320 par exemple
définit le viol comme « tout acte de
pénétration sexuel de quelque nature qu'il soit sur une autre
personne par violence, contrainte, menace ou surprise »
15(*)et punit son auteur
d'un emprisonnement de cinq à dix ans. Si le viol a
entraîné une mutilation, une infirmité permanente ou si
l'infraction a été commise par séquestration ou par
plusieurs personnes, la peine sera doublée. La peine prononcée
contre les auteurs de violences tels que le viol, la mutilation génitale
féminine, de violences conjugales, de coups et blessures ou d'autres
violences de faits est alourdie si la victime est une personne de sexe
féminin et si l'infraction a causé la mort ou bien a
occasionné une maladie ou une incapacité de travail.
D'autres textes de loi ou conventions, chartes pourraient
s'ajouter à cette liste. Nous citerons au niveau national : le code
de la famille adopté en 1972, le code du travail, le code de la
sécurité sociale et la Constitution adoptée sous
l'ère de l'alternance par référendum de 07 janvier
2001.
Au niveau international les instruments juridiques
internationaux relatifs aux droits des femmes auxquels le Sénégal
est partie prenante ou a ratifié qui sont : la Convention sur
l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard
des femmes (1985) CEDEF, la convention no 156 de 1981 de
l'organisation internationale du travail, la Déclaration des Nations
Unies sur l'élimination des violences à l'égard des
femmes.
Ces données nous renseignent suffisamment sur
l'existence et la persistance des violences faites aux femmes au
Sénégal, les engagements pris par le gouvernement du
Sénégal pour lutter contre ce phénomène et
l'existence de lois réprimant de tels actes.
De manière générale, le
Sénégal a ratifié toutes les conventions favorables au
statut de la femme. Il se pose un problème d'effectivité de ces
conventions jusque-là peu connues et comprises du public.
Cependant les données sur la question sont
parcellaires, elles n'utilisent pas toutes l'analyse genre et surtout elles ne
fournissent pas toutes des données statistiques.
I.2. PROBLEMATIQUE
La généralisation des constats sur la situation
des violences faitesaux femmes dans le monde a amené les associations
féminines et l'opinion internationale à se pencher sur la
question.Ce phénomène socialreste fréquent et suscite de
plus en plus des observations.Le prix Nobel d'économie
« Amartya Sen »de 1990 note qu'il
manque prés de 100 millions de femmes et filles dans le monde. Ce
qui constitue une inégalité démographique du au fait que
des millions de bébés et foetus de sexe féminin sont
supprimés chaque année en raison de leur moindre valeur
supposée et de la préférence culturelle et sociale
accordée dans certaines cultures.16(*)Selon une étude mondiale du Fonds des Nations
Unies pour l'Enfance UNICEF publié en Aout 2006, dans le monde, une
femme sur trois a été violée, battue, ou victime d'une
forme ou d'une autre de mauvais traitement au moins une fois dans sa vie.
Dans certains pays, la violence domestique est la cause principale de la mort
ou de l'atteinte à la santé des femmes entre 16 et 44 ans.
17(*)
Ce contexte a poussé la communauté
internationale à élaborer des politiques visant à
améliorer la condition de vie de la femme, notamment par la protection
et le renforcement de ses droits.C'est l'occasion de faire le point sur le
problème des femmes et de proposer des pistes et solutions pour leur
prise en compte effective dans tous les actes des Etats, Institutions
Internationales et Organisations de la Société Civile. Ainsi en
1979 en continuation des promesses et perspectives de Mexico fut adoptée
la Convention sur l'Elimination de Toutes les Formes de Discrimination à
l'Egard des Femmes (CEDEF/CEDAW).
Au Sénégal comme dans beaucoup de pays
africains, l'on s'inquiète aussi sur le phénomène.
Le Sénégal a ratifié la plupart des
chartes, traités, protocoles et conventions relatives aux violences
faites aux femmes.Sur le plan législatif l'on note même une
certaine amélioration suite au vote de la loi de la loi 06-99 de 1999
qui modifie le code pénal en aggravant les peines encourues par les
auteurs de violences à l'encontre des femmes et des filles.
Malgré ces efforts opérés sur le plan
international et national pour la protection des droits des femmes, la
situation des femmes restent dans la réalité presque
inchangée.Les Nations Unies confirmeront d'ailleurs toute la
précarité de la situation sociale des femmes
sénégalaises, de leurs positions politiques comme
dépourvues de leurs droits à la citoyenneté et à
une vie digne de ce nom. Cecia amené les instruments régionaux et
internationaux relatifs aux droits de l'homme à mentionner les
principaux problèmes des femmes dans leurs rapports, dont des faits de
violences subies par les femmes sénégalaises.Le rapport de la
Rapporteuse Spéciale des Nations Unies en 2002 en relatant les acquis
dans le cadre de la législation du gouvernement
sénégalais allant dans le sens de lutter contre les violences
faites aux femmes ne manque pas de s'inquiéter.La Rapporteuse
Spéciale évoquant les points qui l'inquiète le plus,
remarque en effet que malgré les garanties constitutionnelles dont
bénéficient les femmes, l'existenced'une forte discrimination
surtout en milieu rural, la violence au foyer persiste, le manque de
législation qui prévoit des mesures de protection pour celles
qui sont victimes de violence et la persistance de la mutilation
génitale au Sénégal.18(*)
Un autre rapport, celui du Comité des Droits
Economiques Sociaux et Culturels des Nations Unies (2001)
considère que l'Etat pratiquementn'a pas progressé dans la lutte
des pratiques discriminatoires à l'égard des filles et des
femmes.Il estime que le Sénégal n'a pas pris des mesures pour
combattre les discriminations à l'égard des femmes concernant
l'accès à l'emploi et est d'autant préoccupé par le
fait que les mutilations sont toujours pratiquées dans
l'impunité, dans certaines régions du Sénégal
malgré les lois qui l'interdisent.
Ce comité constate surtout une absence de mesures
réelles prises pour éliminer toutes les formes de violence contre
les femmes mais aussi pour faire appliquer les lois en vigueur.
Suite à ces observations l'OMCT recommande au
gouvernement du Sénégal de mettre en oeuvre des politiques visant
à lutter contre toutes les formes de violences faites aux femmes.
Les rapports et études révèlent que ce
phénomène persiste dans la société et sous des
formes diverses : physiques, verbales, morales, économiques,
psychologiques etc.
Les actions menées par les associations
féminines ont permis de lever le tabou qui entourait ce
phénomène. Ainsi l'opinion publique devient de plus en plus
consciente de la gravité des violences faites aux femmes depuis la
mobilisation de ces associations féminines sur les affaires DOKI NIASS,
ASTOU MBENGUE, A.S. de Kaolack, Caty Gaye, FamaNiane, etc.
Même si un manque est observé dans la
documentation sur le thème, des cas de violence sont fréquemment
cité par les médias.
Dans la commune de Kaolack, depuis l'affaire DOKI
NIASS19(*), une jeune
femme enceinte battue à mort par son mari en 1993 et la récente
affaire de KATY GAYE en 2007, les cas de violences continuent de
défrayer la chronique. Ce qui a certainement poussé des
organisations de la région de Kaolack regroupées sous le Forum
d'Initiative Citoyenne des Femmes Leaders de la Région de Kaolack
à faire une déclaration en 2009 pour attirer l'attention sur la
gravité du phénomène.« Le point
d'écoute de l'APROFES a enregistré durant l'année 2008,
184 cas de violences dont les violences conjugales et viols sont les plus
nombreux. Et de plus en plus au niveau de la région, certaines violences
se soldent par des meurtres. Les péripéties rocambolesques du
meurtre de la jeune lycéenne Katy GUEYE, le 17 Octobre 2008 à
Ngane Alassane dans la banlieue Nord-Est de la commune de Kaolack, met sur les
feux de la rampe ce type de violence odieuse, sans occulter, les violences
sociales, économiques, culturelles, morales, voire
psychiques ».20(*)
Mais force est de constater que seuls quelques cas de
violences sont cités ou dénoncés tels que les meurtres,
les viols, et quelques cas de violences physiques. Or, si nous nous en tenons
aux textes et à l'acceptation du terme violence, il existe plusieurs
sortes de violences infligées aux femmes.Au sens courant, la violence
est caractérisée par l'usage de la force physique
(brutalité, crime, etc.), ou mentale (harcèlement, violence
psychologique ou verbale) afin d'imposer sa propre volonté contre celle
d'autrui. L'enquête ENVEFF menée en 2000 en France sous la
directiondu professeur Maryse Jaspart la définit d'abord en
référence à (Gavert 1968) qui convoque la notion
d'atteinte à la personne par« les actes violents, quels
qu'en soient la nature et les protagonistes , sont une atteinte
àl'intégrité physique et psychique de la
personne »21(*), ensuite par sa définition qui voit le
phénomène comme « La violence est fondée sur
un rapport de force ou de domination qui s'exerce par les brutalités
physiques ou mentales entre au moins deux personnes. Il s'agit d'imposer sa
volonté à l'autre, de la dominer, au besoin en l'humiliant, en
le dévalorisant, le harcelant jusqu'à sa capitulation ou sa
soumission »22(*)
Harona SY (2006) essaie aussi de donner une définition
de la violenceétant exercée spécifiquement sur la femme
mais en rapport avec le genre , il le conçoit comme
« Toute action qui s'exerce sur la personne de la femme en tant
que cible spécifique produisant chez elle une douleur et/ou
préjudice physique et/ou moraux. Selon le type d'effet produit l'action
violente exercée soit par un individu singulier, soit de manière
collective ne s'exprime pas toujours par la force
physique. » 23(*)
Les violences sont donc multiformes et beaucoup de facteurs
entre en jeu quant il faut l'expliquer, la décrire ou en dégager
les causes. Car lorsqu'il s'agit d'une cible particulière comme la
femme, l'homme, les enfants, une ethnie, un peuple ; une analyse
spécifique s'impose.AwaThiam(1978) auteure de La Parole au
Négresses24(*) met
d'ailleurs en exergue plusieurs sortes de violences dont les femmes sont
confrontées. Elle montre que la femme a toujours était l'objet de
différentes sortes de violences dans la société Africaine
et Sénégalaise. Sa description de la vie des femmes met en
exergue les oppressions et exploitations que le système patriarcat leur
fait subir en tant que sexe, tant au niveau du couple qu'au niveau de
l'organisation du travail.
Le fait est que la violence infligée
spécifiquement aux femmes s'accentue de plus en plus dans la
société sénégalaise notamment dans la commune de
Kaolack. Elle revêt plusieurs formes. Cependant l'attention est plus
attirée sur une de ses formes ; les meurtres et les
brutalités. Or analyser ce phénomène dans sa
totalité et en sortir les causes requiert une observation
générale et beaucoup d'interrogations sur:
-Le statut de la femme et les rôles qui lui sont
confinés, la place qu'elle occupe dans la société
Sénégalaise en général
-La construction des rapports sociaux de sexe notamment les
facteursqui interagissent dans l'encrage de cette construction tels que la
culture, les valeurs, la religion, le patriarcat et les croyances de la
société Sénégalaise.
-Dans l'exercice de ces violences, les responsabilités
qui incombent à la femme violentée et à l'homme avec qui
elle partage la société.
Nous ne manquons pas de constater que ces aspects
dégagés sont intrinsèquement liés au concept
sociologique qui est le genre. Le terme genre apparaît au début
des années 90 et vient du terme anglais
« gender »qui signifie « catégorie sociale
de sexe ». Par opposition au rôle biologique
déterminé par les gènes, le concept genre
s'intéresse aux rôles et responsabilités des hommes et des
femmes qui sont socialement déterminés souvent par la culture et
les croyances.
Les sociétés évoluent en se
référant à leurs propresconstructions. Quelles que soient
leurs domaines, ces constructions sociales portent nécessairement les
caractéristiques de la société d'origine.Le genre en
s'intéressant surtout aux rapports inéquitables entre les hommes
et les femmes a décelé un certain nombre de problèmes
auxquelles les femmes sont confrontées. Ainsi Fatou SARR SOW en se
référant à ces aspect sociaux et inégalitaires
montre que « L'analyse genre se veut donc une approche militante
qui, à partir des rapports sociaux entres les sexes, en analyse le
degré, les formes et les conséquences pour les transformer. Elle
suppose donc que l'on en reconnaisse non seulement l'inégalité,
mais son caractère social. Les hommes et les femmes sont des produits de
leurs cultures, de leurs valeurs et de leur histoires »25(*).Ces relations
inégalitaires notées entre homme/femme présentent ainsi
des caractéristiques de subordination d'une catégorie sur
l'autre. Il se trouve qu'entre ces deux catégories les femmes montrent
une grande vulnérabilité les exposant ainsi à diverses
sortes de violences.Édifier ce phénomène qui est la
violence infligée aux femmes, requiert une analyse genre qui
étudie les soubassements de ces rapports sociaux de sexe. Pour cela,
l'organisation sociale qui pour Guy Rocher est « L'arrangement
global de tous les éléments qui servent à structurer
l'action sociale, en une totalité présentant une image, une
figure particulière, différente de ces parties composantes et
différentes aussi d'autres arrangements
possibles »26(*) nécessite une large observation. La
société Sénégalaise comme la plupart des
sociétés Africaines est structurée de sorte que les femmes
et hommes sont différenciés dans les places qu'ils occupent et
les rôles qu'ils jouent. Cette structuration n'est pas neutre en ce qui
concerne les sexes. La société est érigée avec des
valeurs profondément ancrées dans toutes les pratiques. Et une
organisation interne qui ne privilégie pas toujours les besoins de la
femme. D'ailleurs, cette situation est bien cernée par Raaby DIOUF
(2005) qui avance que « Partout dans le monde, les fonctions et
les rôles sont biens déterminés. Chaque culture
possède une façon caractéristique de définir les
rôles des deux sexes. Les femmes sont presque toujours cantonnées
dans des rôles secondaires par rapport à ceux des hommes. Et la
violence est souvent fréquemment utilisée pour faire respecter
cette répartition des compétences. Les institutions sociales et
politiques encouragent parfois la soumission des femmes et les violences dont
elles sont victimes »27(*) . Ilfaudrait alors se demander si la
prolifération de ces cas de violences ne serait pas du à la
façon dont la société est construite, la manière
dont elle construit ses femmes et ses hommes. Chaque société a sa
façon spécifique de fonctionner. La manière dont chaque
société évolue varie d'un milieu à l'autre. De la
même manière chaque société donne des places et
rôles différents à ses femmes et hommes.
Pierre Bourdieu met en exerce cette différence entre
homme et femme dans son ouvrage intitulé «La domination
masculine ». Cette étude qui se trouve être une
ethnographie menée auprès des Berbères de Kabylie montre
cette différence des sexes en dégageant les structures
symboliques qui perpétuent cette domination masculine28(*). C'est en effet l'habitus qui
donne aux hommes et aux femmes un rôle prédéterminé
qui exerce cette domination masculine. La société impose ainsi
selon Bourdieu une différence entre hommes et femmes par le biais de la
culture et les sphères telles que la famille et l'école.
Mais l'analyse sociologique de ce phénomène peut
se faire sous des angles aussi divers que variés. La
problématique des violences dont les femmes sont victimes soulève
de nombreuses interrogations comme l'attestent la plupart des textes
consultés. En effet l'analyse de la situation des femmes s'effectue en
prenant en compte différents contextes. Les aspects historiques,
sociologiques, juridiques, culturels, anthropologiques, religieux et même
économique interagissent dans la lecture de ce fait de
société.
Il sied d'approfondir cette réflexion en
s'intéressant davantage aux aspects socio anthropologiques liés
aux violences dont les femmes sont confrontées. En recadrant le
problème dans le contexte social nous l'analyserons dans un angle
plutôt spécifique, mais non moins important c'est-à-dire
les rapports sociaux de sexe.
Donc nous établirons l'analyse des violences auxquelles
les femmes qui fréquentent le Point d'écoute de l'APROFES Kaolack
sont confrontées en partant de l'étude des rapports sociaux de
sexe. Il s'agira d'étudier particulièrement les violences contre
les femmes parmi les problèmes posés par le genre. Ceci dit nous
porterons notre regard sur la construction des rapports entre les hommes et les
femmes en général tout en s'intéressant
particulièrement aux violences dont les femmes sont victimes dans la
commune de Kaolack.
Ces constats nous ont conduit à nous interroger sur ces
aspects :
Ø Quels sont les déterminantssocioculturelsdu
phénomène de violence faites aux femmes dans la ville de Kaolack
notamment celles suivies au Point d'écoute del'APROFES Kaolack ?
I.3. PERTINENCE DE L'ETUDE
Le choix d'une telle étude est fondé sur les
observations suivantes :
-Un des éléments de pertinence est qu'on parle
beaucoup de violence sans en maîtriser parfaitement les causes et sans se
baser sur des données chiffrées. C'est d'ailleurs surtout la
presse qui en parle. Cette recherche vient donc contribuer à combler un
vide scientifique en apportant des éclairages sur ce
phénomène insuffisamment élucidé par une analyse
profonde.
-La population du Sénégal est estimée
à 12 171 264 habitants selon le dernier recensement
général de la population et de l'habitat de 200229(*). Selon cette même source
les femmes constituent prés 51% de cette population. Si nous nous en
tenons à cela, l'évidence serait que le développement du
Sénégal dépend en partie du rôle que jouerait cette
partie non négligeable de la population. Mais dans un contexte où
elles n'ont pas suffisamment accès aux ressources, ne sont pas
très représentatives dans les instances de prise de
décision et sont majoritaires dans la population analphabète du
Sénégal et devant la fréquence des violences qui leur
sont infligées chaque jour, de réels obstacles les
empêchent de participer effectivement au développement du
Sénégal. Beaucoup de femmes sénégalaises restent
ainsi en marge des processus de développement et dans une situation de
pauvreté.
Dès lors la recherche doit de plus en plus s'orienter
vers l'analyse de ces problèmes notamment par plus d'études sur
les violences faites aux femmes
-L'autre aspect est que le genre est érigé en
principe par l'Etat du Sénégal à travers le SNEEG30(*) et un Ministère
spécifiquement chargé du genre a été
créé. Les femmes bénéficient aussi de dispositifs
législatifs et répressifs et de mesures socio économiques
pour les protéger. En parfaite harmonie avec la CEDAW/CEDEF
ratifiée, le dispositif législatif,
accompagné d'un cadre législatif et répressif tend
à les protéger. Les dispositions allant dans le sens de lutter
contre les violences faites aux femmes contenu dans, l'OMD31(*), le DSRP32(*) et le SNEEG l'ont d'ailleurs
certifié en prenant en compte toute les préoccupations des femmes
dans leurs programmes. Il sied ainsi de confronter la réalité, le
vécu des Sénégalais à toutes ces mesures prises.
Notre étude s'inscrit dans ce cadre, liant deux aspects saillants de ces
principaux engagements par une analyse des violences basées sur le
genre.
-Un dernier élément qui a aussi poussé
à investir sur une étude sur les violences faites aux femmes est
la recrudescence des cas de violences. Nous constatons chaque jour des cas de
violences surtout à travers les médias. Ces derniers temps, ce
phénomène se caractérise non seulement par son
atrocité, mais aussi par l'exacerbation dont il est marqué. Nous
constatons par ces faits que le Sénégalais a tendance à
devenir de plus en plus violent. Or ceci doit attirer la curiosité des
sociologues que nous sommes. Cette étude entre dans ce cadre en
s'intéressant particulièrement au Point d'Ecoute de l'APROFES
KAOLACK qui reçoit quotidiennement des cas de violences faites aux
femmes. Ainsi les résultats qui seront tirés de cette
étude permettront à l'APROFES d'affiner sa stratégie et de
mieux s'arrimer à l'approche genre.
I.4. OBJECTIF DE LA RECHERCHE :
I.4.1. OBJECTIF GENERAL
Cette étude a pour objectif général
d'analyser les déterminants socioculturels des violences faites aux
femmes par l'étude des cas reçus au Point d'Ecoute de l'APROFES
Kaolack en privilégiant une approche genre axée sur les rapports
sociaux de sexe.
I.4.2. OBJECTIFS SPECIFIQUES :
Les objectifs spécifiques de cette étude
consiste à :
- Analyser les causes de ces violences en mettant l'axant sur
les déterminants socioculturels
- Identifier les rapports sociaux sexe et croyances
socioculturellesprédisposant les femmes dans une certaine
vulnérabilité
- Saisir l'ampleur du phénomène de violences
faites aux femmes dans la commune de Kaolack par l'analyse des cas
référés au point d'écoute de l'APROFES Kaolack
I.5. HYPOTHESE
Une hypothèse est une proposition provisoire, une
présomption, qui demande à être vérifiée.
Nous élaborerons deux types d'hypothèse, une
hypothèse principale et des hypothèses secondaires.
I.5.1. HYPOTHESE PRINCIPALE
Le processus de socialisation à travers les facteurs
socioculturels inculque à deux catégories distinctes du genre
à savoir les hommes et les femmes un modèle à suivre pas
forcement avantageux. Compte tenu de cela nous affirmons que ces violences
dont les femmes suivies au Point d'écoute de l'APROFES sont victimes
sont liées au genre par conséquent à la construction des
rapports sociaux de sexe et aux facteurs socioculturels qui interagissent, se
fondent et s'institutionnalisent dans la structuration de ces rapports.
I.5.2. HYPOTHESES SECONDAIRES :
- La construction des rapports sociaux de sexe
prédispose les femmes suivies au centre d'écoute de l'APROFES
à une vulnérabilité manifeste les exposant ainsi à
toutes sortes de violences
- Les facteurs sociaux culturels qui régissent les
rapports sociaux de sexe tels que le patriarcat, la religion, la tradition,
l'éducation, les coutumes tolèrent et favorisent dans certaines
circonstances les violences infligées aux femmes.
-Les rôles différents des hommes et des femmes
déterminés par les réalités historiques, religieux
et culturelles enclins à ne pas dénoncer les cas de violences,
favorisant ainsi l'impunité et la recrudescence de ce
phénomène.
I.6. MODELE THEORIQUE
Les enseignements tirés de la phase de documentation
nous orientent vers quelques modèles constituant des
références pour cette présente recherche.Le genre, un
outil d'analyse et concept sociologique33(*) n'en est pas moins un model pour étudier les
violences faites aux femmes. C'est ce que nous avons fait en nous
référant à quelques chercheurs qui nous ont
précédés.D'abord utilisée par les anthropologues
américains par le concept « Gender » pour
définir les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes, sa
traduction française par le terme « Genre »
apparaît très polysémique mais elle devient une
méthode d'analyse pour la plupart des sciences sociales à la fin
du XVXém siècle.
Les premières conceptualisations du terme Genre
apparaît dans l'ouvrage de Margaret Mead intitulé «Sex
and temperament in three primitive societies » (1935) par le
concept de rôle sexué.D'autres comme le psychanalyste Robert
Stoller, souvent associé vers les années 1970 aux mouvements de
« genderstudies » l'ont utilisé pour faire
la distinction entre le biologique et le psychologique et pour définir
les identités masculines et féminines.
Simone de Beauvoir dans « Le deuxième
sexe » (1949), ouvre véritablement le débat des
inégalités entre les hommes et les femmes. Sa
célèbre phrase « On ne nait pas femme on le
devient» résume à elle seule l'analyse qu'elle fait de
cette ségrégation sexuelle. Elle l'explique par le construit
social, un héritage ancien transmis par le biais de l'éducation
et de la culture. Les différences morphologiques ne sont pour rien de
ces inégalités ou de la domination de l'homme sur la femme.Si le
genre est l'expression des rôles traditionnels assignés aux hommes
et aux femmes, si le genre se définit par les constructions sociales et
historiques de ces rôles et s'il traduit les rapports entre les hommes et
les femmes, donc les violences faites aux femmes peuvent être
analysées dans cette approche. C'est en ce sens que le genre s'entend
être l'outil d'analyse par excellence des violences infligées aux
femmes.
Nous nous référons aussi à d'autres
penseurs. Emile DURKHEIM, en nous appuyant sur l'approche34(*) qu'il a optée dans
« le suicide35(*) » (1897). Considéré
comme le père fondateur de la sociologie moderne, il est le premier
à élaborer une méthode qui étudie les faits sociaux
comme des choses dans son ouvrage intitulé « Les
Règles de la Méthode Sociologique » (1895).
Pour ce faire il conçoit qu'il faut définir rigoureusement
et rechercher leurs causes dans les faits sociaux antérieures.La
sociologie cherche les relations générales qui existent entre les
phénomènes de par la causalité. La méthode
comparative est selon E.DURKHEIM la seule qui permet cette causalité. De
ce fait la statistique s'impose pour connaître les faits sociaux car
étant la seule méthode à pouvoir saisir les faits dans
leur globalité indépendamment des cas particuliers. Cependant en
élaborant la méthode à suivre ilressortque les
règles de la vie sociale sont intériorisées au cours du
processus de socialisation, d'éducation etc.Dans Le
Suicide(1897) il met en oeuvre sa méthode préalablement
établie et définie dans Les « Règles de la
Méthode Sociologique » (1895). Il considère le
suicide comme un fait social total. Le suicide exerce sur les individus un
pouvoir coercitif extérieur à l'individu. C'est en
étudiant les causes et la typologie des cas de suicide qu'il
découvre que c'est un phénomène normal et régulier.
En suivant cette logique d'E.DURKHEIM notre étude sur les violences
basées sur le genre, nous considérons les violences comme des
faits sociaux à part entière. Elles sont présentes dans
toutes les sociétés donc générales, sont
extérieures à l'individu et exercent un pouvoir coercitif. Comme
E.DURKHEIM nous considérons ces cas de violences comme
indépendants de la volonté de l'individu. C'est par le processus
de socialisation qui inculque des valeurs à l'individu qui estdonc le
facteur moteur de ces violences.Ce phénomène a donc ses causes
dans la manière dont la société construit ses membres. En
nous référant à la logique d'E.DURKHEIM ces violences
faites aux femmes sont à rechercher dans la conscience collective donc
déterministe. Toujours dans cette logique, nous avons utilisé les
statistiques de la base de données du Point d'écoute de l'APROFES
pour cerner les différents aspects de ce fait de
société.
Nous basons aussi notre analyse sur une autre logique, celui
de Pierre BOURDIEU. Sociologue moderne, il axe son analyse sur les
mécanismes des hiérarchies sociales en insistant sur l'importance
des facteurs culturels et symboliques de la reproduction.
P. BOURDIEU (1987) 36(*)en dépassant les concepts fondatrices de la
sociologie crée le « Le structuralisme constructiviste ou
constructivisme structuraliste37(*) ». Il conçoit ainsi le monde comme
constitué de structures qui sont certes constituées par les
agents selon le constructivisme mais qui une fois constitués
conditionnent à leur tour l'action de ces agents, selon la position
structuraliste.Dans Théorie de l'action P. Bourdieu (1998)
développe le concept d'habitus pour penser ce lien entre socialisation
et action des individus. Il le définit comme étant l'ensemble des
dispositions, des schèmes, des actions, et des perceptions que
l'individu acquiert à travers son expérience sociale. Ce puissant
générateur qu'est l'habitus38(*) montre ainsi que c'est par la socialisation puis par
sa trajectoire sociale que tout individu incorpore lentement un ensemble de
manières de penser de sentir. Cette logique de P. Bourdieu montre que
les agents sociaux ne font que développer des stratégies acquis
par la socialisation. En nous référant à cette analyse
nous constatons que les agents occupent des positions que leur
confèrent des dispositions qu'ils acquièrent dans leurs
sociétés d'origines. Les violences auxquelles les femmes sont
confrontées ne peuvent être expliquées que par cet habitus
qui les prédispose en une position de vulnérabilité. Dans
la reproduction, P. Bourdieu développe d'ailleurs le concept de violence
symbolique qu'il considère comme la capacité de faire
méconnaitre l'arbitraire des productions symboliques et à les
faire admettre. C'est donc le mécanisme symbolique des rapports de
domination. De ce fait P. Bourdieu conçoit que la capacité des
agents en position de domination à imposer leurs productions culturelles
et symboliques joue un rôle essentiel dans la reproduction des rapports
sociaux de domination.
Ces deux auteurs P.BOURDIEU ET PASSERON mettent de ce fait la
violence symbolique en rapport avec les positions qu'occupent les agents. Elle
est donc liée à l'intériorisation par les agents de la
domination sociale inhérente à la position qu'ils occupent dans
un champ donné, plus généralement à leur position
sociale. Cette violence symbolique trouve donc son fondement dans la
légitimité des schèmes de classement inhérent
à la hiérarchie des groupes sociaux.
Dans la présente étude nous nous
référons surtout à l'ouvrage de P. Bourdieu
intitulé « La Domination Masculine »
(1998). Il y fait l'analyse des rapports sociaux de sexe en cherchant les
causes permanentes de la domination de l'homme sur la femme. Dans toutes les
sociétés humaines cette domination s'explique par un habitus
donnant aux femmes un rôle prédéterminé.
L'étude qu'il fait auprès des Berbères du Kabyle lui
permet ainsi de dégager les structures qui perpétuent la
domination de l'homme sur la femme.Il rejoint dans cette optique celle de
Lévi-Strauss : « C'est dans la logique de
l'économie des échanges symboliques et plus
précisément dans la construction sociale des relations de
parenté et du mariage qui assignent aux femmes universellement leur
statut social d'objet d'échange définis conformément aux
intérêts masculins.... Et vouées à contribuer ainsi
à la reproduction du capital symbolique des hommes, que résident
l'explication du primat universelle accordée à la
masculinité dans les toxicomanies culturelles »39(*). Cette logique de P. Bourdieu
montre simplement que des prédispositions assignent à la femme
universellement une certaine vulnérabilité. Laquelle
vulnérabilité est en fait l'expression de cet habitus et explique
parfaitement la domination de la femme comme les violences en leur encontre.
L'habitus en mettant la femme dans une position qui la prédispose
à être violentée met l'homme forcement dans une position de
dominant.
Cette logique se rapproche essentiellement à celui du
genre. Le genre s'intéresse et cherche dans les constructions sociales
et historiques des rôles assignés aux femmes et aux hommes.
I.7. DEFINITION DES CONCEPTS DE L'ETUDE
La définition des concepts de l'étude est une
phase indispensable dans l'élaboration de la recherche. Il est donc
nécessaire voire impérieuse de définir les concepts pour
qu'ils puissent jouer leur rôle. Un concept peut avoir plusieurs
acceptations, tout dépend de l'angle ou des aspects où le
chercheur veut le situer. Cependant il sied de le définir
rigoureusement en cernant les divers aspects du concept.
Le concept genre apparaît vers les
années 90 et provient de l'anglais
« Gender » 40(*)et se réfère principalement aux
rôles, droit, et responsabilités des hommes et des femmes, et la
relation entre eux. Le terme ne signifie pas seulement les hommes ou les femmes
mais cherche à identifier le processus par lequel leurs qualités,
comportements et identités sont déterminés a travers le
processus de socialisation.Mais le genre ne s'intéresse pas uniquement a
l'étude des catégories sociales de sexe, il s'intéresse a
d'autres catégories ou genre tel que les jeunes et les vieux, les
handicapés et les valides etc.Dans cette présente étude
nous tenterons de définir le genre comme catégorie sociale de
sexe. La différence entre le fait biologique et le fait social ou
symbolique41(*) permet au
genre de mettre en exergue les relations hiérarchiques entre les deux
sexes. Dominées par des relations de pouvoirs qui ont tendance à
défavoriser la femme, ces hiérarchies sont socialement
déterminées et se basent le plus souvent sur la culture.
Les éclairages anthropologiques ont été
déterminants dans la différenciation des faits biologiques
désignés par le sexe et les faits sociaux ou symboliques
désignés par le genre. Claude Levis Strauss considère le
sexe comme un principe d'organisation sociale et une propriété
symbolique. En rejetant l'acception biologique et toute différenciation
physiologique, il fait appelle aux relations entre hommes et femmes dans ce
qu'il appelle les trois piliers universelles de la société que
sont la prohibition de l'inceste, le mariage et la
répartition sexuelle des taches.En somme on peut retenir que le genre
s'intéresse aux rapports sociaux de sexe. Socialement
déterminés ces rapports hiérarchiques sont dominés
par le pouvoir d'un sexe sur l'autre susceptible de violences comme celles
vécues par les femmes en général.
Le concept de violence n'est pas facile
à cerner. Tant les aspects qui régissent sa définition
sont nombreux. Quelques caractéristiques permettent de spécifier
des types de violence : violence économique, violence symbolique,
violence raciale et beaucoup d'autres formes. De l'observation de cette
diversité de violence nous retenons qu'elle ne se conçoit que
dans le cadre d'une relation ou d'un système. Larousse définit
cette violence en tant que relations comme « la force brutale
des êtres et des choses ». Cette acceptation s'ouvre a
plusieurs aspects de la violence, la violence militaire, la violence physique,
la violence psychologique etc. Or dans cette présente étude nous
nous intéressons a la violence dans le cadre des relations encore plus
restreintes, dans la relation hommes /femmes. La sociologie lie violence et
domination divisant la société en
« dominants » et « dominés »,
termes souvent employés pour designer une forme de violence symbolique.
Bourdieu élabore une théorie de cette violence symbolique dans
son ouvrage intitulé « La domination
masculine »et à partir d'une étude sur
l'école qu'il élabore avec Passeron. Ainsi il cerne ce type de
violence comme « Tout pouvoir qui parvient à imposer des
significations et à les imposer comme légitimes en dissimulant
les rapports de force qui sont au fondement de sa force ». Ce
pouvoir est donc imposé à son destinataire par des
significations et des rapports de sens. Parmi les caractéristiques de
cette violence symboliques Bourdieu distingue aussi le caractère
arbitraire car :
-elle contribue à renforcer l'inégalité
sociale et culturelle entre les classes, en privilégiant une classe au
détriment des autres.
- elle n'est fondée sur aucun principe biologique,
philosophique ou autres qui transcenderaient les intérêts
individuels ou de classes sociales.
- C'est une violence symbolique culturel "légitime"
dans la mesure où elle apparaît, par une opération de
méconnaissance instituée, comme "destinée" à
certains à l'exclusion d'autres et comme ayant une valeur reconnue par
tous.
Il sied aussi d'énumérer parmi les violences
subies par les femmes, les plus récurrentes au Sénégal.
HaronaSy42(*) (2007) les
reparties en quatre groupes :
-Une violence normative coutumière qui s'exerce selon
les normes, les valeurs sociales, les traditions et les coutumes ;
-Une violence normative conjugale qui se manifeste dans
et par l'acte du mariage en tant qu'il apparaît comme contrat de
soumission et de disponibilité de l'épouse ;
-Une violence expiatoire qui s'exerce sur la forme de
bannissement pour sorcellerie ;
-Une violence déguisée qui se donne comme
surtravail des femmes.
Les types de violences rencontrées par les femmes sont
nombreux mais la plupart se regroupe en quatre types les violences physiques,
verbales, morales et économiques.
En prenant les rapports sociaux comme cadre d'étude des
violences faites aux femmes, nous définissons la violence comme
l'expression du pouvoir que subissent les femmes sous diverses formes. Cette
violence s'exerce sur elles d'une manière symbolique et est
déterminée par des aspects culturels et historiques.
Le conceptRapports sociaux de
sexeapparaît vers les années 70 suite aux nouvelles
études liées au mouvement féministe et à la
nécessite politique de décrire et de dénoncer les
l'oppression des femmes. Le terme met en évidence le caractère
entièrement social de l'oppression des femmes et l'omniprésence
de la domination masculine dans divers sociétés.
Mais l'acception du concept de nos jours se
réfère beaucoup à la reproduction du rapport social de
sexe. Les rapports sociaux de sexe forment désormais une logique
d'organisation du social qui fait système à travers l'ensemble
des champs. C'est donc un construit social caractérisé par un
aspect historique et une certaine transversalité dans les champs de la
société. Ces rapports créent de ce fait des groupes
opposes, hiérarchisés et antagonistes. Mais il est aussi
important de noter l'aspect dynamique des rapports sociaux de sexe, ils
dépendent de nombreux facteurs en constante évolution.
Le vocable socialisation désigne un
processus. L'homme est un être social, son comportement, sa
manière d'être et de penser lui ont été
inculquée à travers ce processus de socialisation. La
socialisation est caractérisée par l'intériorisation des
valeurs et normes en vigueur dans une société donnée. La
socialisation s'effectue tout au long de la vie, elle débute par une
socialisation primaire au cours de l'enfance et de l'adolescence et se poursuit
au cours de l'âge adulte. Plusieurs agents interviennent lors de la
socialisation, d'abord la famille, l'école mais aussi d'autres agents
complémentaires tels que les medias, les groupes de pairs l'entreprise
etc.
Le terme pouvoir est souvent
associéà la sphère politique. Il peut se définir
comme une ressource ou une aptitude qui permet a une personne ou groupe
d'agir. Considéré sur le plan relationnel, le pouvoir d'un
individu A sur un individu B « A a des chances d'imposer sa
volonté sur B...même contre une résistance de
B » (M.Weber). L'aspect relationnel, interactionniste de ce
pouvoir permet à certains individus ou groupes d'agir sur d'autres
individus dans une relation de pouvoir.
Les notionsde
vulnérabilité43(*), de marginalité et de précarité
font une entrée remarquée en sociologie vers les années
1990 pour affiner et la description et la compréhension de situation
sociales d'exclusion et de pauvreté. La vulnérabilité
revoit aussi bien a des situations individuelles que collectives, des
fragilités matériels que morales, des personnes que des choses ou
encore des territoires. Le terme est étroitement lie à la notion
de risque et en terme juridique à la notion de victime. Dans le
système juridique une personne vulnérable est une victime
potentielle. (Fiechter-Boulvard 2000).Nous l'utilisons dans cette étude
pour élucider les risques dont les femmes sont enclines dans la
construction de rapports sociaux de sexe. Cette vulnérabilité
traduit donc la manière dont la femme est exposée et
prédisposée à subir toutes sortes de violences dans la
société.
Le terme culturea plusieurs acceptations
selon que l'on se trouve dans une perspective anthropologique, sociologique
où l'on privilégie le sens courant du mot.
La perspective anthropologique de la culture s'oppose
à la nature et désigne les manières de faire de sentir, de
penser propres à une collectivité humaine. La culture
relève donc de tout ce qui est acquis et transmis dans la
société.Dans une perspective sociologique des auteurs comme
Pierre Bourdieu font référence à ces facteurs culturels
pour expliciter des faits de société comme la domination
masculine. En analysant les mécanismes de reproduction des
hiérarchies sociales,44(*)Pierre Bourdieu insiste sur le primat de facteurs
culturels et symboliques au détriment des facteurs économiques
des conceptions Marxistes. Les agents en position de domination imposent leurs
productions culturelles en reproduisant des rapports sociaux de domination.
Dans la perspective où nous l'utilisons dans cette
présente étude, nous l'associons aux éléments
sociaux construits qui prédisposent les femmes à une certaine
violence. Le concept de « Construction sociale » est
dès lors au coeur de l'analyse que nous faisons présentement de
la violence faite aux femmes, nous l'avons donc utilisé comme concept
opératoire.
I.8. CONCEPT OPERATOIRE : « LA
CONSTRUCTION SOCIALE »
En définissant les termes de notre hypothèse,
les explications et analyses font toujours référence à un
processus qui fonde même la nature de toute société. Les
phénomènes sociaux suivent une logique sur laquelle beaucoup de
sociologues ne se sont pas entendus, mais qui relève après tout
d'une réalité construite. Ce que Marc LORIOL dans l'article
« Réflexions
sur la notion de construction sociale »reconnait
à la plupart des sociologuestravaillant sur les politiques sociales,
c'est qu'ils évitent d'appréhender les catégories ou les
problèmes qu'ils étudient comme des phénomènes
naturels et évidents, mais ils les considèrent au contraire comme
des constructions sociales. Il est assez difficile de définir ce que
recouvre l'expression construction sociale, les approches
semblent surtout très diverses, cependant LORIOL le situe dans un
premier temps dans la vision générale de Ian Hacking (2001)
qui le voit qu' « une analyse de ce type aurait pour but de
monter qu'un phénomène ou une façon de voir
généralement perçu comme inévitable,
découlant naturellement de la nature des choses, aurait pu être
différent dans un autre contexte social. La comparaison internationale
ou historique pouvant servir à mettre en évidence cette
relativité. »
Dans une logique de dégager une typologie des formes
d'usage de la notion de construction sociale, LORIOL
s'intéresse à des textes dont la plupart avaient une
compréhension du concept comme une analyse de la connaissance du monde
social,il s'agit principalement des travaux de Berger et Luckmann (1986)sur la
construction d'un concept, d'une notion, d'une représentation, d'une
catégorie de pensée... , de François Ewald (1986) sur
l'accident du travail, de Salais (1986) ou Topalov(1994) sur le chômage
ou encore celle d'Anne-Marie Guillemard (1986) sur la politique de la
vieillesse, de Serge Paugam (1991) sur la notion de pauvreté.Suivant
l'analyse de LORIOL toujours, dans un premier cas, l'expression
« construction sociale » est là
pour signifier qu'il doit s'agir d'une coproduction, d'un travail
nécessairement collectif dans un deuxième cas (celui d'une
construction non intentionnelle), le recours au terme de construction
sociale a pour but, alors, de souligner le caractère contingent
des phénomènes étudiés qui apparaissent comme des
effets émergents, non voulus par aucun des acteurs impliqués,
mais résultat de l'agrégation de leurs stratégies. C'est
le sens donné par Crozier et Friedberg(1977) à l'emploi
fréquent qu'ils font de la notion de « construction
sociale ».Si l'on fait référence cependant
auconstructivisme social en
sociologie, le concept
est au croisement de différents courants de pensée.
Pierre Bourdieu dans
son oeuvre Choses dites, propose de donner à sa théorie
sociologique le nom de « structuralisme constructiviste »
ou de « constructivisme structuraliste », 45(*)affichant par là sa
volonté de dépasser l'opposition fréquente en sociologie
entre le
structuralisme (qui
affirme la soumission de l'individu à des règles structurelles)
et le constructivisme (qui fait du monde social le produit de l'action libre
des acteurs sociaux). Bourdieu distingue ainsi deux moments dans
l'investigation, un premier moment objectiviste et un deuxième
subjectiviste« d'un côté, les structures objectives
que construit le sociologue dans le moment objectiviste, en écartant les
représentations subjectives des agents, sont le fondement des
représentations subjectives et elles constituent les contraintes
structures qui pèsent sur les interactions ; mais d'un autre
côté, ces représentions doivent aussi être retenues
sur l'on veut rendre compte notamment des luttes quotidiennes, individuelles et
collectives, qui visent à transformer ou à conserver ces
structures ». Dans son ouvrage intitulé
« La Domination Masculine » (1998) il fait
l'analyse des rapports sociaux de sexe en cherchant les causes permanentes de
la domination de l'homme sur la femme. La rencontre de l'habitus et du
champ46(*)comme
mécanisme de production du monde social dont se sert l'auteur pour
expliquer ces faits sociaux démontre la dimension constructiviste de son
raisonnement.
Il existe certes des divergences dans la compréhension
et l'utilisation du concept construction sociale mais
malgré cela il est pratiquement toujours fait référence
comme s'il s'agissait d'une démarche bien définie et dont le
contenu serait clair pour tout lemonde, ce qui constitue un risque de dialogue
de sourds. LORIOL sur cette difficulté conçoit que
« le plus important n'est pas de brandir ostensiblement la
bannière imprécise de la construction sociale, mais de ne pas se
faire enfermer dans des catégories de pensée ou des options
épistémologiques sans avoir conscience des limites de leurs
mérites respectifs, de leurs implications et de la part d'arbitraire
qu'elles contiennent ».Ainsi pour l'étude des violences
faites aux femmes nous l'envisagerons comme les spécialistes de sciences
de l'éducation, du travail social ou des organisations qui l'emploient
comme synonyme de production collective.
Dans la mesure où l'explication aux violences faites
aux femmes est à rechercher dans la construction des rapports sociaux
de genre, cette construction s'appuie sur les éléments, les
facteurs qui participent de manière progressive ou brève à
la production de tels actes. Par la socialisation, différents types de
rapports et de comportements se construisent. Cette étude s'inscrit dans
la logique de construction de rapports de pouvoir, de force au sein de la
société qui place la femme victime de violence dans une position
de vulnérabilité. Pour trouver une explication sociologique
à ce phénomène l'analyse des principaux
déterminants de cette violence qui participent de façons
très active à la construction de tels rapports s'impose.
CHAPITRE II : CADRE METHODOLOGIQUE
II.1.SOURCES D'INFORMATIONS
La collecte des informations est parmi les phases les plus
importantes d'une recherche. Il est primordial de collecter ce qui a
été dit sur le sujet. De là doivent découler
l'orientation et la position du problème.
Dans cette présente étude nous nous sommes
rendus à plusieurs endroits. Enpremier lieu au département de
sociologie pour consulter les mémoires qui traitent du sujet.
Ensuite il fallait se rendre à d'autres lieux de
documentations pour recueillir des données sur le thème de
recherche, ces lieux sont : la bibliothèque universitaire (BU) de
l'Université Cheikh AntaDiop de Dakar, l'IFAN, le CODESRIA, l'IRD,
l'ANDS, le CRDI, la bibliothèque de la faculté de sciences
juridiques et politiques, le CESTI et le CECI.
Après cela des documents de quelques structures qui
travaillent sur le sujet nous ont aussi servis. Ces structures sont le centre
d'écoute de l'APROFES et le RADI à Kaolack, le Réseau
SiggilJigéen, le CLVF, le GREFFELS et l'UNIFEM à Dakar.
Notons enfin que la documentation en ligne a été
pour nous d'un grand apport, vu que les données sur ce sujet sont peu
nombreuses.
II.2.METHODES ET TECHNIQUES DE TRAITEMENT DES
DONNEES
Considérée selon le dictionnaire français
comme un ensemble de procédés raisonnés pour faire une
chose ou bien un ordre que l'on doit suivre pour étudier ou enseigner,
en sciences sociales les conceptsméthodes et
techniquesrenferment des sens plus précises.
L'ouvrage de MadelaineGrawitz, « Méthodes
et techniques en sciences Sociales » (2001) qui demeure une
référence dans la méthodologie en sciences sociales les
définit selon plusieurs orientations. Cette opération
instinctuelle renvoie tantôt à l'explication, tantôt
à l'organisation de la recherche. Mais elle consiste surtout à
poser théoriquement la manière, la démarche, la
procédure par laquelle le chercheur étudie son sujet. Elle traite
de la question du comment et est toujours liée un à domaine bien
définit.
La technique quant à elle revoit au mode de traitement
des données collectées, « un ensemble
concerté d'opérations mise en oeuvre pour atteindre un ou
plusieurs objectifs, un corps de principes présidant à toutes
recherche organisée, un ensemble de normes permettant de
sélectionner et coordonner les techniques. Elles constituent de
façon plus ou moins abstraite ou concrète, précises ou
vague, un plan de travail en fonction d'un but ».47(*)
Cependant en sciences sociales les méthodes et
techniques sont nombreuses et variées mais il existe deux
catégories : les méthodes qualitatives et les
méthodes quantitatives.
II. 3. METHODE QUALITATIVE
La méthode qualitative a été
utilisée dans cette recherche pour apporter quelques explications autour
de la notion genre, recueillir d'une manière plus profonde les opinions
sur la violence et surtout interroger ceux qui s'activent en même temps
sur le genre et sur les violences faites aux femmes dans la région de
Kaolack. Mais nous nous sommes aussi servi de cette méthode pour
recueillird'une manière plus approfondie les opinions des victimes et
auteurs de violence et de quelques proches de ces victimes.
L'entretien a été utilisé comme technique
de recueil des données dans cette recherche.
Cette technique définit par Madeleine Grawitzs
« Un procédé d'investigation scientifique utilisant
un processus de communication verbal, pour recueillir des informations en
relation avec le but fixé»48(*). Ce but fixé,la cible a été
identifiée. Il s'agit de la responsable du Point d'écoute qui est
aussi la représentante du CLVF (Comité de Lutte Contre les
Violences Faites aux Femmes) dans la région de Kaolack et de quelques
membres de l'APROFES qui se trouve être une association de femmes qui
s'active dans la lutte contre les violences faites aux femmes à Kaolack
et dans l'approche genre, c'est aussi la structure qui abrite le centre ou
s'effectue notre étude.Sont aussi concernés par ces entretiens
des usagers qui fréquentent le point d'écoute. Ces usagers sont
composés en majorité de femmes victimes de violences, il y a
aussi des auteurs de violences et les proches des victimes qui sont soit de la
famille ou de l'entourage de la femme violentée.
La cible des entretiens touche aussi d'autres structures et
autorités de la région concernée par le thème de
notre recherche et entre autre partenaires du point d'écoute de
l'APROFES. Il s'agit du RADI (Réseau Africain pour le
Développement Intégré) de Kaolack, du Développement
communautaire représentant le ministère de la famille dans la
région,
Nous avons interrogé la police et le personnel de
santé qui reçoivent aussi des femmes victimes de violences du
Point d'Ecoute.
Le tableau ci-dessous regroupe les personnes concernées
par les entretiens :
Tableau 1 : Répartition des personnes
ressources interviewées
Personnes ressources
|
Nombre
|
Pourcentage
|
Victimes de violences
|
15
|
41
|
Auteurs de violences
|
5
|
14
|
Proches de victimes
|
10
|
27
|
Direction de Point d'écoute
|
1
|
3
|
APROFES
|
1
|
3
|
RADI
|
1
|
3
|
Développement communautaire
|
1
|
3
|
Personnel médical
|
1
|
3
|
Police
|
1
|
3
|
Total
|
37
|
100
|
Source : enquêtes 2010
En ce qui concerne l'autre partie de cette méthode
qualitative nous avons fait des récits de vie et un focus group. En
collaboration avec la responsable du point d'écoute, nous avons fait une
liste des cas les plus en rapport avec notre recherche. Apres analyse nous en
avons choisi quatre en tenant compte des différents aspects du
problème. Nous avons ainsi pour ces récits de vie opté
pour des cas de violence différents. La responsable du Point
d'écoute classe les cas reçus par types de violence. En tenant
compte de cette classification, nous avons fait un récit de vie par type
de violence. La classification est la suivante :
-Violence physique
-Violence morale
-Violence verbale
-Violence économique
Le focus group a aussi était élaboré avec
l'aide de la responsable.
II.4. METHODE QUANTITATIVE
L'utilisation de la méthode quantitative revêt un
aspect plus qu'indispensable dans cette recherche. Pour mesurerl'ampleurde la
violence, les différentes formes qu'elle prend et son rapport avec le
genre il nous a fallu quantifier. Nous avons pour cela choisi des techniques
appropriées, il s'agit de la méthode de l'analyse des
données secondaires, nous avons travaillé sur les registres
disponibles au point d'écoute de l'APROFES.
Il fallait recourir à des documents fiables pour
étudier ce fait social. Durkheim (1897) s'intéressant au Suicide
impose d'ailleurs cette technique pour l'étude de ce fait. Il l'utilise
dans la méthode comparative pour saisir la cause des suicides. Il s'est
en effet intéressé à des documents statistiques afin de
prouver la multiplication des cas de suicide.
Dans cette présente étude nous avons
procédé au dépouillement de documents statistiques
fiables. Ce dépouillement concerne les registres du centre
d'écoute de l'APROFES Kaolack durant ces quatre dernières
années. Cette technique nous a permis de cerner l'effectivité de
ce phénomène, de faire une typologie des violences et connaitre
l'évolution des violences faites aux femmes. Nous avons aussi pu
analyser à partir de ces documents le suivi des cas traités au
point d'écoute, l'appui apporté aux victimes de violences et les
stratégies de lutte contre les violences faites aux femmes.
L'autre technique consistait à administrer le
questionnaire à un nombre de femmes du Point d'Ecoute choisi par
sondage. Ceci a permis d'étudier le phénomène sur un plus
grand nombre. Le choix des questions ouvertes laissant ainsi s'exprimer les
victimes enquêtées et de questions fermées qui proposent
une série de réponses, ont été formulées.
II.5. POPULATION DE L'ETUDE
La population de base est composée de l'ensemble des
individus concernés par l'enquête. Elle doit être
définie de façon très précise afin de faciliter le
recueil des données.
Kaolack étant une très grande région
nous avons effectué l'enquête sur une catégorie restreinte
et bien définie. Notre étude porte sur tous les femmes victimes
de violences suivies au centre d'écoute de l'APROFES et de tous les
acteurs qui s'activent sur le genre et les violences faites aux femmes dans la
région de Kaolack.
Nos recherches se sont donc faites sur un échantillon
prélevé de cette population.
Les données du centre d'écoute de l'APROFES ont
été pour nous d'un apport considérable les services de
justice, de police ou de santé, les ONGs intervenant dans la lutte
contre les violences faites aux femmes dans la région fontaussi partie
de cette population
II.6. L'ECHANTILLONNAGE
La base de données du Point d'écoute a permis
d'élaborer une source de sondage fiable. L'accès à ces
données nous ont permis de d'avoir la liste des femmes victimes de
violences ayant eu recours au centre depuis sa création. Cependant les
chiffres enregistrés avant 2007 manquent de précision
d'après la responsable. Pour respecter la précision et la
fiabilité des données,la base de sondage a été
élaborée en relevant toutes les femmes victimes de violence
enregistrées au Point d'écoute en 2007, 2008 et 2009.
Tableau 2 : La base de sondage
Années
|
Effectifs
|
Fréquence
|
2007
|
152
|
28,20
|
2008
|
184
|
34,13
|
2009
|
203
|
37,66
|
TOTAL
|
539
|
100
|
Base de donnes Point d'Ecoute
APROFES
La base de sondage est ainsi composée de 539 femmes.
Cependant, techniquement il nous est impossible d'interroger ce nombre de
personnes. Ainsi la méthode des quotas a été choisie pour
tirer notre échantillon. L'échantillon est constitué de 40
femmes. Ce nombre a été retenu en rapport à la
difficulté liée à l'accessibilité des lieux de
résidence des enquêtées. En effet les premières
investigations nous ont permis de situer ces zones de résidence qui
s'avèrent éloignées car ne concernant pas seulement la
Commune de Kaolack.
Tableau 3: La classification de l'échantillon
des enquêtées
Années
|
Effectifs
|
Fréquence
|
2007
|
11,28
|
28,20
|
2008
|
13,65
|
34,13
|
2009
|
15,06
|
37,66
|
TOTAL
|
40
|
100
|
Base de données Point d'Ecoute
APROFES
En définitive l'échantillon des femmes
enquêtées par questionnaire sont au nombre de 40.
II.7.ANALYSE DES DONNEES
II.7.1 L'ANALYSE QUALITATIVE
L'entretien étaitparmi les principaux outils de
collecte des données. Nos avons eu des interviews avec une cible
plutôt large. L'usage d'un dictaphone nous a permis de mener à
bien cette phase de la recherche. Toutes les conversations des entretiens ont
été enregistrées dans le cadre de l'enquête.Par la
suite il fallait retranscrire intégralement les discours des
enquêtées et regrouper les éléments recueillis par
thème pour ensuite les codifier à l'aide de chiffres. Pour finir
les éléments de la retranscription ont été
réunis dans un seul fichier.
II.7.2 L'ANALYSE QUANTITATIVE
La méthode quantitative de cette étude
consistait à travailler sur les registres du point d'écoute de
l'APROFES et à administrer des questionnaires aux usagers victimes de
violences. Le procédé était d'utiliser les registres
disponibles au point d'écoute pour recueillir des données sur les
violences. Ces registres ont été dépouillés puis
transcrits dans un seul fichier pour faciliter leur utilisation.
Les informations recueillis au questionnaire ont aussi
été traitéespar informatique avec le logiciel SPHINX. Nous
avions préalablement codifié toutes les informations
reçues, des chiffres ont été attribués aux
différentes formes de violence, aux lieux d'habitation des victimes et
aux liens avec les auteurs de violences. Le logiciel SPHINX permet de faire des
corrélations entre les différents caractères
enregistrés notamment par des graphiques et des courbes. Ceci nous a
permis d'élaborer une typologie des violences, une évolution du
phénomène et d'analyser les différentes
réponses.
II.8.DEROULEMENT DE L'ENQUETE
II.8.1 LA PRE-ENQUETE
Afin de tester les outils de collectes des données et
en même temps avoir une approche de nos principales cibles,l'étape
préliminaire ou étude de faisabilité a été
effectuéeavant l'enquête proprement dite. Cetteétape
consistait dans un premier temps à tenir des entretiens avec la
responsable du Point d'écoute de l'APROFES. Ces interviews non moins
importantes nous ont guidés sur les axes à privilégier et
la technique à adopter pour mieux appréhender la recherche.
Dans cette étape préliminaire nous avons aussi
assisté à des séances d'écoute de femmes victimes
de violences. De ce faitdes entretiens avec certaines d'entre elles ont eu
lieu afin de tester les outils de collecte.
La derrière phase de ce pré-test était
d'avoir une première approche avec les autres organisations
impliquées dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
Cette phase de pré enquête a permis de corriger
les guides d'entretien et les questionnaires permettant ainsi
d'élaborer une approche plus appropriée à la cible de
l'étude.
II.8.2.L'ENQUETE DE TERRAIN
Le déroulement de l'enquête de terrain a
été entamé par une collecte des données du point
d'écoute de l'APROFES. Nous avons d'abord recueilli les données
disponibles dans le registre et dans la base de données du Point
d'écoute. Cette collecte a été élaborée avec
l'appui de la responsable et de son adjoint chargé de la gestion de la
base de données.
Après cette étape, les questionnaires et les
guides d'entretiens ont été administrés aux
différentes cibles.Les entretiens ont débuté avec la
responsable du point d'écoute et son assistant, puis avec la
présidente de l'APROFES et d'autres membres de la structure.Ensuite les
femmes victimes de violences ont été interviewées, ensuite
les proches de victimes et les auteurs de violences qui fréquentent tous
le Point d'écoute de l'APROFES. Cette deuxième étape du
terrain s'est terminée avec un focus group que nous avons eu la
possibilité d'effectuer avec l'appui du Point d'écoute. Dans le
cadre de leur programme de suivi des femmes victimes de violences, se tient une
activité de sensibilisation appelé ``GROUPES DE PAROLE''. Cette
activité du Point d'écoute a beaucoup facilité la tenue
du focus groupe.Après cela les structures impliquées dans la
lutte contre les violences faites aux femmes comme le RADI et le
développement communautaire, la police, l'hôpital, et d'autres qui
reçoivent des femmes victimes de violences tels que les agents de la
police, des hôpitaux et du tribunalont été
interrogés par la voie de leurs responsables.Cette phase de recueil de
données s'est terminée par l'élaboration des récits
de vie qui nécessitaient une approche
particulière.L'enquête de terrain a ainsi duré
deux mois, du 15 Février au 13 Avril 2010, mais après cette
périodele Point d'Ecoute a été sollicité pour des
éléments de compléments de l'étude.
II.9.DIFFICULTES RENCONTREES
Le processus d'une recherche ne peut s'élaborer sans
contraintes. La première difficulté à laquelle nous
étions confrontés était le nombre limité de
documents sur le sujet. Il nous a fallu recourir à la documentation en
ligne et aux documents apparentés à notre thème.
Le terrain aussi ne s'est pas effectué sans
contraintes. La principale difficulté lors de cette étape
recherche était d'aborder le sujet avec les femmes victimes de
violences. Ce fut difficile de leurfaire revivre ces moments surtout pour
celles dont les cas sont récents. Nous avons aussi noté lors des
entretiens la sensibilité des victimes sur certains aspects
abordés. Ceci les amenait à pleurer ce qui affectait des fois
notre concentration.
Lors des interviews avec ces femmes victimes de violences qui
ne pas sont scolarisées pour la plupart d'entre elles, c'était
très difficile d'aborder la question genre dans une autre langue que le
français. Néanmoins une approche appropriée à
cette cible a été utilisée pour la collecte des
données.
D'autres difficultés sont liées à nos
moyens limités pour l'accès aux documents, de quelques logiciels
et à la prise en charge des frais de terrain.
DEUXIEME PARTIE : CADRES D'ETUDE ET D'ANALYSE
CHAPITRE III: CADRE D'ETUDE
III.1. CADRE GENERALE
Notre étude s'effectue dans la région de Kaolack
plus précisément dans la commune et ville de la dite
région. Kaolack se situe dans entre la zone sahélien Sud et la
zone soudanienne Nord. Elle se situe aussi entre le 14° 30 et 16° 30
de latitude Nord.
Nous présenterons la région de Kaolack.
III.1.1.PRESENTATION DE LA REGION DE KAOLACK
Kaolack est une création coloniale qui a trouvé
le village de Ndagane nom d'un de ses quartiers actuellement. Limitée au
Nord par la région de Fatick et Louga, à l'Est par Tambacounda,
au Sud par la république du Gambie et à l'Ouest par Fatick la
région de Kaolack est située au centre-ouest
duSénégal. Elle se trouve dansce qui fut le bassin arachidier
à 192 km de Dakar.Sa superficie de 16 010 km2 soit 8,14 % de l'ensemble
national la place parmi les régions moyennement vastes
duSénégal. Kaolack fait partie des régions chaudes du
Sénégal avec des températures maximales moyennes
mensuelles oscillant entre 34 et 41 degré.Son histoire est
essentiellement liée à celle de l'arachide. Ancien royaume du
Saloum, ce centre de transit d'arachide a connu à l'époque une
grande expansion. Economique, démographique et urbain.Kaolack avec 2500
villages et 7 communesa un faible taux d'urbanisation avec 23,4%. Sa plus
grande ville dans la commune de Kaolack est un carrefour située au
centre de l'Ouest du Sénégal, elle est reliée aux routes
nationales, départementales, régionales et à
l'Océan atlantique par le fleuve Sine Saloum.
La commune de Kaolack se présente comme uncarrefour des
axes de communication et d'échangesentre populations d'horizons divers.
Elle joue un rôled'intermédiaire sur le plan commercial, d'une
partentre les régions du sud et de l'est et le reste du pays etd'autre
part entre le Sénégal et les pays voisins (Gambie, Mali,
Guinée). Cette position stratégique explique engrande partie le
développement fulgurant de la ville, etavec lui, l'émergence de
tous les problèmes liés à uneurbanisation trop rapide
(notamment dans les domainesde l'environnement, de l'habitat, de l'emploi,
etc.)
II.1.2.ASPECTS DEMOGRAPHIQUES
La population est estimée à 1 066 375
habitants avec une densité de 67 habitants/Km2
d'après les résultats provisoires du RGPH 2002, soit 11% de la
population nationale.A l'image de la population du Sénégal cette
région est composée en majorité de jeunes
âgés de moins de 18 ans 44% et de femmes 51,4% contre 48, 6 %
d'hommes.Cette population est composée de 62,4% de wolofs, 19,3% de
Pulaar, de 11,8% de Sérères Bambara 2,4% etc. (RGPH 1988). La
population urbaine prédomine avec un taux de 76%. Le département
de Kaolack a la densité la plus élevée 193
habitants/Km². Frappée par le phénomène de l'exode
rural la ville de Kaolack a une forte mobilité sociale.
III.1.3.ASPECTS ECONOMIQUES DE LA REGION
La culture de l'arachide est le facteur déterminant de
la situation économique de la région 75% d'agriculteurs. Le grand
comptoir commercial implanté dans cette ville avait favorisé son
expansion économique, démographique et urbaine. Sa situation
géographique de ville carrefour a aussi favorisé son peuplement.
Ce centre de transit d'arachide était marqué sur le plan
économique par la culture de rente au Sénégal et la
production de sel.
Le secteur secondaire emploie au total 30,7 % de la population
active de Kaolack malgré une activité industrielle pas
très développée.Les pôles industrielles dans cette
région sont composées d'usines comme : SONACOS Lydiane qui
produit de l'huile, ISENCY (Industrie Sénégalais du Cycle), la
nouvelle société des salins du Sine Saloum, SASMA
(Société Africaine de Savonnerie Mahawa).
Son artisanat est scindé en deux types :
l'artisanat de production et l'artisanat d'art et l'artisanat de
service.L'économie de cette région est aussi très
fortement marquée par l'activité commerciale. Avec l'un des plus
grands marchés de l'Afrique de l'Ouest le commerce intérieur est
très prospère dans cette commune comme l'atteste le nombre de
commerçants détaillants et grossistes, son commerce
extérieur aussi avec des milliards d'importations et d'exportations. Le
secteur du transport fait aussi partie des activités qui
génèrent des revenus à Kaolack avec un réseau
routier de 1,677 km. Le réseau du transport ferroviaire qui
s'étendait sur 150 km a disparu. Le transport maritime est basé
sur les axes du port de Kaolack Diorane et Lydiane.Cependant le système
du transport de cette ville est marqué ces dernières
années par L'avènement des vélos taxis. Cette
activité qui a marqué le système du transport et
facilité les flux dans la ville est devenu un gagne pain pour un grand
nombre de jeunes.
III.1.4.ASPECTS SOCIO-CULTURELS
Etudier l'aspect socioculturel d'une population revient
à s'intéresser à sa socialisation, à
l'identité des individus qui la composent, mais aussi aux diverses
champs tels que la religion, la politique l'éducation etc. Nous ne
saurions épuiser tous ces aspects de la population de Kaolack mais nous
présenterons quelques éléments.
Kaolack a une grande dimension culturelle. Ceci est
marqué par une diversité ethnique dominé par les Wolofs,
suivi des Pulars, Sérères Bambaras. Cette diversité
ethnique étant un facteur déterminant dans la socialisation
étant donné que chaque ethnie inculque à sa manière
ses propres valeurs. L'aspect religieux de cette ville reste marqué par
une supériorité des musulmans sur les chrétiens. Ceci
montre en fait sa grande dimension religieuse avec Médina Baye Niass
école et lieu de convergence de beaucoup de fidèles. Medina Baye
qui accueille chaque année des milliers de fidèles donne
à cette région une grande dimension religieuse.
III.1.5.LES ACTEURS NON GOUVERNEMENTAUX
La gouvernance urbaine de Kaolack est gérée par
les acteurs étatiques (services déconcentrés de
l'état, maire, préfecture), les acteurs communautaires
(comités de développement de quartier, associations etc.), les
acteurs privés (structures bancaires, para bancaires, assurances,
structures d'encadrement des entreprises et GIE), les acteurs
périphériques (notables, délégués de
quartiers, chefs coutumiers et religieux) et les acteurs non gouvernementaux
(ONG).
Les acteurs non gouvernementaux participent au
développement de la région de Kaolack en particulier. Il s'agit,
entre autres, ducomité pour le développement de Kaolack
(CODEKA),de la CARITAS, de l'Association pour la promotion dela femme
sénégalaise (APROFES), de l'Association pour un
Développement Equitable et Solidaire ASDES, du PRODEL, et
duCIJ/RADI.L'ONG APROFES est citée parmi ces acteurs qui participent au
développement de la région. Elle est implantée dans la
commune de Kaolack et intervient dans les zones urbaines et rurales. APROFES en
oeuvrant à la promotion de la femme sénégalaise a
crée un point d'écoute pour les femmes victimes de violence dans
la région de Kaolack.
III.2.LE CADRE INSTUTUTIONNEL
III.2.1.APROFES
APROFES est une organisation non gouvernementale (ONG)
implantée dans la région de Kaolack plus exactement à
Kasnack, un quartier dans ladite commune. Elle est reconnue comme ONG sous le
numéro005712, du 23 août 2002 par le Ministère du
Développement Social et de la Solidarité Nationale du
Sénégal.
III.2.1.1.PRESENTATION DE L'ONG
L'Association pour la Promotion de la Femme
Sénégalaise (APROFES) est née en 1987 de la volonté
consciente d'un groupe de jeunes femmes de l'association culturelle et
sportive, le MaggDaan, convaincues par leur expérience que
l'échec des programmes de développement provient dans une large
mesure de la non prise en charge des préoccupations des femmes. Elle est
dirigée par des femmes et fait partie des rares ONG nées de la
dynamique des organisations populaires à la base qu'elle s'efforce de
servir. Elle regroupe des femmes de professions, d'origines sociales, de races,
de religions et d'appartenance politique différentes. APROFES est une
organisation nationale fédérative qui appuie les initiatives des
populations, surtout les femmes et les jeunes, à travers des programmes
de formation, de communication, de plaidoyer, de soutien aux activités
productives et d'amélioration du cadre de vie des
communautés.L'association a une ambition nationale mais, par manque de
moyens, elle intervient pour le moment dans trois régions à
savoir celle de Kaolack, de Diourbel et de Fatick.L'APROFES a pour mission de
contribuer à la promotion socio-économique et culturelle de la
femme Sénégalaise.
Dans le cadre de la poursuite de cette mission elle oeuvre
pour :
-La promotion et la défense des droits de la
femme/fille
-Le renforcement du leadership socio- culturel, politique et
économique des femmes/filles
-L'accès aux ressources et au bien-être
-Le renforcement du pouvoir économique des
femmes/filles
-La réduction effective des violences faites aux
femmes/filles
III.2.1.2.DOMAINES D'ACTIVITES
Les domaines d'intervention des activités de l'APROFES
sont assez larges, en effet elle s'active dans :
-La communication sur des thèmes afférents au
droit, à la démocratie à la citoyenneté, à
la paix, la justice économique (dette, APE, commerce équitable),
de santé de la reproduction, du VIH/SIDA
-Le renforcement des capacitésdes groupes à la
base, sur les techniques de production (agriculture - élevage -
artisanat), sur l'entreprenariat, mais aussi sur des thèmes aussi
stratégiques que : le genre, le leadership, le plaidoyer, le
lobbying, la communication, la médiation, la gouvernance
démocratique, le contrôle citoyenne et l'alphabétisation
fonctionnelle
-La culture au service du
développement avec :une troupe de théâtre action
« BAMTAARE-APROFES »,uncentre socio-éducatif pour
enfants « ALINE SITOE JAATA » au profit des enfants de 5
à 15 ans, descamps d'apprentissage pour enfants et
jeunes durant les vacances pour leur inculquer une sensibilité genre
et citoyenne, la culture de la paix.
-La micro finance et la micro assurance santé avec
le couplage des mutuelles de crédit
« APROFES-TERANGA » et « OYOFAL
PAJ-APROFES » pour une prise en charge correcte de la dimension
économique et sociale de la promotion féminine. Ces mutuelles
sont décentralisées en milieu rural, dans les quartiers
périphériques et les marchés en zone urbaine
-La Santéen mettant l'accent sur la santé
communautaire, les droits à la santé de la reproduction et la
lutte contre la féminisation du VIH/SIDA
-L'entreprenariat communautaire qui concerne surtout
l'artisanat, l'élevage, l'agriculture biologique, le maraîchage,
la transformation et la valorisation des produits locaux, les boutiques
villageoises, les banques de céréales pour la
sécurité alimentaire.
-L'allègement des travaux avec
des installations de moulins à mil, de
décortiqueuses, de réseaux d'adduction d'eau, de puits.
-L'environnement avec la mobilisation des femmes autour de
projets d'hygiène, d'assainissement, d'agriculture biologique, de
reboisement et de promotion des énergies renouvelables ou alternative
(foyers améliorés, cuiseurs solaires, biogaz etc.)
-Les violences faites aux femmes/filles
avec la création depuis 1993 d'un point d'écoute,
d'assistance, de référence et de réhabilitation des femmes
et filles victimes de violences. Ce volet inclus la prévention des
violences par des campagnes d'informations et de sensibilisation menées
avec l'appui des para juristes , les campagnes de plaidoyer et de
lobbying en cas de violences ou de violations flagrantes des droits de la
femme, le développement du partenariat : local, sud - sud et nord
- sud avec des visites d'échanges pardes stages , des
festivals culturels, le tourisme alternatif et les camps de vacances.
III.2.2.LE POINT D'ECOUTE DE L'APROFES KAOLACK
III.2.2.1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
Le point d'écoute a été crée en
1993 par l'APROFES pour assister les femmes victimes de violences et en
même temps prévenir et lutter contre le phénomène
des violences faites aux femmes. Le besoin de créer un tel lieu
n'est pas fortuit, c'est en fait un besoin qui a été
exprimé par les femmes de Kaolack suite à quelques
événements :
-la grande marche des femmes de Kaolack en 1992, après
le décès de Doki NIASS, une jeune femme qui avait trouvé
la mort sur le chemin de l'hôpital après avoir été
battue par son époux ;
- la forte mobilisation du 24 juin 1996 de10 000 femmes
venant de Kaolack et des autres régions du Sénégal ,
regroupées au tribunal de Kaolack pour manifester leur
mécontentement dans l'affaire de la petite A.B., un cas de violence
sexuelle qui a eu pour cadre Thioffack, un quartier périphérique
de la ville où un notable de 66 ans Sacko Diagne, a violé une
fillette de 9 ans . La petite dénommée A.B. était
envoyée par sa mère pour acheter du savon dans la demeure du
vieil homme qui la interpellée et entraînée dans une
chambre où il a assouvi ses instincts ;
-le viol en 1997 d'une autre fillette A.C. habitant un
quartier de la ville Dialègne. Un tailleur du nom de Arona NDIAYE
âgé de 70 ans a violé sauvagement cette fillette de 9 ans
qui revenait de l'école GuédelMbodj en classe de C.P ;
-une troisième affaire c'est un cas de violence qui
s'est déroulé à Gapakh en 1998, dans le département
de Nioro où une jeune femme M.D. âgée de 16 ans a
été égorgée par son mari Sory Diallo sous le
prétexte qu'il la soupçonnait d'être l'amante d'un ami du
couple ;
-Un autre cas cette fois ci dans la ville de Diourbel en 1996,
une femme a subi la violence conjugale pendant 22 ans. La femme qui n'a
vécu que des humiliations et des sévices pendant toute sa vie de
femme mariée était l'épouse d'un colonel de l'armée
à la retraite.
C'est pour le cas principalement de DokiNiass et de multiples
sollicitations postérieures à cet événement que
l'APROFES en 1993 a mis en place le premier Point d'Ecoute et d'Orientation
pour les Femmes et les filles victimes de violence dans la région de
Kaolack.Au début le centre fonctionnait avec les moyens de l'APROFES et
par la suite des bailleurs sont venus appuyer la structure. Aujourd'hui le
Point d'écoute est appuyé par une organisation qui se nomme
DIAKONIA ; et d'autres structures canadiennes comme CCI (Carrefour
Canadien International) et l'ACDI. L e point d'écoute collabore avec le
CLVF (Comite de Lutte Contre les Violences Faites aux Femmes) et en est le
point focal au niveau de la région de Kaolack.
III.2.2.2 LES SERVICES RENDUS AU POINT D'ECOUTE
Le premier service que le Point d'écoute rend aux
usagers c'est l'écoute. L'usager qui peut être la victime de
violence, un proche ou même un auteur de violence est d'abord reçu
et écouté. Cette écoute est importante car elle
déterminera l'orientation et le suivi à donner au cas.Selon le
cas traité le Point d'écoute apporte une assistance
médicale si nécessaire. S'il s'agit de violence physique par
exemple après avoir écouté la femme, elle est
assistée et orientée vers des structures sanitaires pour faire
les premiers soins et notamment établir un certificat médical.
Le Point d'écoute joue un grand rôle de
médiateur surtout avec les de cas de conflits (disputes, bagarres,
divorces etc.). Cette médiation comme le reconnaît la responsable
du point d'écoute, fait que beaucoup de cas ne sont pas amenés en
justice. Cette option consiste à convoquer l'auteur de la violence au
Point d'écoute et à essayer de trouver un consensus entre les
deux parties. L'accompagnement des victimes de violence fait aussi partie des
services qui font que beaucoup de femmes fréquentent le centre. En effet
si la tentative de médiation échoue, la femme violentée
bénéficie d'une orientation vers la police ou la gendarmerie pour
porter plainte contre son agresseur. Cet accompagnement se poursuit au tribunal
s'il ya un procès et tout au long de l'affaire.Le suivi des victimes se
faitaprès le tribunal et elles suivent un processus de
réhabilitation. Elles ont parfois accès à des financements
grâce au point d'écoute pour les aider à se
réinsérer dans le tissu économique et social.
III.2.2.3. LES REALISATIONS DU POINT D'ECOUTE
Le Point d'écoute a élaboré des
activités de prévention des violences faites aux femmes
grâce à l'appui de partenaires techniques et financiers.
Beaucoup de campagnes d'informations et de sensibilisation ont
été organisées avec l'appui des para-juristes.Des
campagnes de plaidoyer et de lobbying en cas de violences ou de violations
flagrantes des droits de la femme ont aussi été menées.
Le pointa réussi à développer un
réseau de partenariat : local, sud - sud et nord -
sud avec des visites d'échanges, stages, festivals culturels,
tourisme alternatif, camp de vacances.
Entre autres, il faut citer les réalisations avec le
RADI qui inspirent l'excellence dans la fourniture de services juridiques et
l'accompagnement des victimes. Avec les efforts conjugués du Point
d'écoute de l'APROFES et du Centre d'information juridique du RADI des
constats de taille méritent d'être cités, il s'agit durecul
de l'impunité, de l'accroissement du niveau d'information des Femmes sur
leurs Droits et Devoirs et de l'acquisition de réflexe d'alerte et de
défense en cas de violence.
CHAPITRE VI : CADRE D'ANALYSE
IV.1.SITUATION AU POINT D'ECOUTE DE L'APROFES
KAOLACK : GENERALITE SUR LES CAS RECUS DEPUIS 2008
Graphique 1 : Répartition des usagers du
point d'écoute reçus de 2008 à 2010 en fonction de leur
sexe
Ce graphique présente la répartition selon le
sexe de toutes les personnes ayant fréquenté le point
d'écoute de l'APROFES entre 2008 et 2010.
Source : Base de données du Point
d'écoute
Nous constatons à la lecture de ce graphique une
prédominance de femmes sur les hommes qui fréquentent le point
d'écoute de l'APROFES. Parmi les usagers 93.75% sont des femmes et
seulement 6.25 %. Ceci parait normal d'autant plus que ce Point d'écoute
a était créé pour assister les femmes victimes de
violence. Il est important de signaler que les besoins ne sont pas les
mêmes. Si les femmes victimes de violences viennent chercher de
l'assistance, les hommes eux sont pour la plupart, soit des proches de victimes
ou des auteurs de violences.
Les hommes appelés proches de victimes viennent au
point d'écoute pour dénoncer des cas de violences subies par
leurs soeurs, voisines dans la plupart des cas. L'autre partie est
composée d'auteurs de violence. En effet lors des médiations la
responsable du point d'écoute fait appel aux auteurs de violence pour
tenter dans un premier temps de régler le conflit à
l'amiable.Nous notons avec ces chiffres que parmi les auteurs de violences du
Point d'écoute les hommes sont majoritaires et ils reconnaissent aussi
en avoir fait l'acte. Les 93.75 % des usagers sont des femmes victimes de
violence de toute sorte. Ces chiffres révèlent ainsi une violence
basée sur le genre féminin dans la mesure où cette
catégorie est la seule au point d'écoute à subir de tels
actes. D'autres structures affirment aussi la présence du
phénomène qui persiste dans la région malgré les
efforts conjugués des acteurs de développement, c'est le cas du
RADI dont la coordonatrice N.N.Fqui fait un accompagnement juridique à
ces femmes constate que « La violence est un
phénomène qui persiste dans la région de Kaolack
même si la une tendance est à la dénonciation et à
la sensibilisation ».
Nous allons cependantnous intéresser aux types de
violences enregistrées au centre.
Graphique 2:Typologie des cas de violences
reçus
La totalité des cas de violence reçus au Point
d'écoute entre 2008 et 2010 est représentée par ce
graphique, nous l'illustrons ici par une typologie.
Source Base de données du Point
d'écoute
Nous observons à la lecture de ce graphique une
diversité de types de violences enregistrés dans la base de
données depuis 2007. Les violences physiques, verbales, morales et
économiques figurent dans cette typologie. Cependant les coups et
blessures volontaires (21%), les cas de viols (10%), les mauvais traitements
(7%), la pédophilie (2%) et les cas d'inceste (1%) et les meurtres
placent les violences physiques au dessus. Les violences dites
économiques suivent avec les défauts d'entretiens (19%), abandon
de domicile (15%) refus de paternité (6%). Cependant les violences que
l'on pourrait considérer comme des préjudices moraux restent
difficiles à cerner. Si l'on se réfère aux entretiens que
l'on a eu avec les victimes de violences, tous les types de violence causent de
grandes souffrances morales. Seulement, les types de violence visible
(physiques) et ceux qui portent des préjudices aux femmes
(économiques) sont le plus souvent dénoncés.
Néanmoins nous avons noté quelques types de violences
considérées comme morales dontla répudiation (8%), les
injures (10%) et les mariages forcés et/ou précoces 2%.En
s'intéressant à ce graphique de plus prés nous ne manquons
pas d'observer qu'une bonne partie des violences listées dans ce
graphique sont liées au statut matrimonial de la femme. La plupart des
cas cités surviennent dans les liens du mariage. L'exemple de la
répudiation, abandon de domicile conjugal, les mauvais traitements et la
plupart des coups et blessures volontaires cités dans le graphique
concernent des femmes mariées, c'est le cas de cette victime N.D. 36 ans
que nous avons interrogée« C'est mon mari l'auteur de la
violence, il me frappait fréquemment et avait fini par nous abandonner
mes enfants et moi, il est resté un an sans me donner de quoi nourrir
les enfants, c'est par la suite que je suis allée au point
d'écoute de l'APROFES ». Il y'a donc une nette
prédominance de violences conjugales au Point d'écoute de
l'APROFES Kaolack.
Est-ce parce que les femmes dans les liens du mariage sont
plus susceptibles de violence ? Le mariage en tant union et
réalité sociale devrait êtreétudié d'une
manière plus approfondie afin de déceler les causes de violences.
Le partenaire de la femme dans cette union étant son époux est
de fait concerné par les violences que subit son épouse, pas
parce qu'il en est forcément l'auteur, mais du fait qu'ils entretiennent
des rapports pouvant être très explicatifs à la cause des
violences. L'une des explications c'est que le mariage d'une part oblige le
couple à vivre ensemble (toute relation humaine est potentiellement
conflictuelle et le conflit comporte un risque de violence) et d'autre part le
mariage crée un rapport de domination (l'homme est le chef de famille)
qui peut favoriser l'abus d'autorité et la violence. Par ailleurs,
beaucoup de traditions pour la plupart caractérisées par le
patriarcat qui est un système cohérent qui façonne tous
les domaines de la vie collective et individuelle,invitent la femme à se
soumettre à son mari. Toute l'organisation sociale du mariage
régit par la religion, la culture, les traditions justifient cette
position de vulnérabilité de l'épouse.Nous nous
intéressons à présent à l'évolution des cas
de violence reçus au Point d'écoute ces dernières
années.
Graphique 3 :Evolutiondes cas de violence
enregistrés au Point d'écoute
Le graphique ci-dessous présente l'évolution des
cas de violences reçus au Point d'écoute de 2006 à
2009.
Source Base de données du Point
d'écoute
Pour montrer l'évolution des violences au Point
d'écoute, nous ne nous sommes pas arrêté aux trois
dernières années, en utilisant la base de données nous
avons commencé par celles de 2006. Ceci nous a permis de mettre en
évidence l'accroissement des violences. En effet, de 131 en 2006, les
cas de violences sont passés à 152 en 2007, 184 en 2008 et 203 en
2009.
Il y'a donc une augmentation des cas de violences
reçues au Point d'écoute d'années en années
d'ailleurs la présidente de l'APROFES, B.S. en fait le
constat« Le phénomène violence prend de plus en
plus de l'ampleur mais il y'a une volonté conjuguée des efforts
des organisations de femmes cependant il reste beaucoup à faire dans ce
combat aussi bien par les organisations de la société
civile que par l'état » .D'ailleurs dans un
communiqué que le Point d'écoute a eu à faire en 2007 avec
d'autres organisations établies à Kaolack les femmesn'ont pas
manqué d'attirer l'attention du public sur une recrudescence des
violences non seulement au niveau du Point d'écoute mais sur toute la
commune de Kaolack. Ce communiqué a été fait d'ailleurs
dans un contexte où toute la population du Sénégal
notamment la presse au Sénégal s'indignait d'un cas de violence
très atroce survenu la nuit du 17 Octobre 2007, il s'agit de du
meurtre de la jeune Caty Gaye.Le Point d'Ecoute affirmant ainsi
que« Le constat amer est qu'aujourd'hui les femmes sont de plus
en plus l'objet de violences de toutes sortes. »49(*), atteste de la recrudescence
de ce phénomène.
L'hypothèse selon laquelle les violences augmentent
d'année en année se justifie ainsi au Point d'écoute.
IV.2.LES DETERMINANTS DE LA VIOLENCE AU POINT D'ECOUTE
DE L'APROFES KAOLACK
Après cet aperçu général des
violences au Point d'écoute de l'APROFES par le dépouillement des
informations enregistrées dans la base de données, les
interrogations se situent à présent au niveau des
déterminants de ces violences.
Ces explications se situent à deux niveaux :
- D'abord auprès des personnes qui reçoivent au
quotidien des femmes victimes de violence
- Ensuite auprès des victimes elles mêmes pour
avoir vécu un tel acte
IV.2.1.IDENTIFICTION ET PERCEPTION DES STRUCTURES
D'ACCUEILDES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE A KAOLACK
Tableau 4: Identification des structures recevant des
femmes violentées à Kaolack
Ce tableau présente tous les acteurs interrogés
qui travaillent au niveau de la commune de Kaolack avec des victimes de
violences. Nous avons aussi identifié la personne interrogée et
sa connaissance du concept genre.
SERVICES APPORTES
|
APROFES
|
POINT D'ECOUTE
|
RADI
|
POLICE
|
HOPITAL
|
TRIBUNAL
|
Développement communautaire
|
Actions menées
|
-Lutte contre les VFF
-Création d'un Point d'écoute pour femmes
victimes de violences
|
-Réception écoute, accompagnement, suivi et
orientation des victimes
|
-Conseil juridique aux victimes
|
-Réception des plaintes des victimes
-Répression des auteurs de violences
|
-Soins médicaux aux victimes de violence physique
-Conception de certificat médical
|
-Jugement des auteurs de viole-Déclaration des divorces
|
-Exécution des activités du
Ministère
|
Connaissance du concept GENRE
|
Très bien
|
Très bien
|
Très bien
|
Peu
|
Bien
|
Peu
|
Bien
|
Personne interrogée
|
Présidente
|
Responsable
|
Responsable
|
Commissaire
|
Sage femme
|
Procureur
|
Représentant
|
Source enquêtes 2010
Nous avons tenu à nous entretenir avec les structures
qui reçoivent des femmes victimes de violence dans la commune de
Kaolack. Nous avons d'abord cherché à déterminer les
services qu'elles rendent à ces femmes avant prendre leur opinion sur la
question.APROFES comme nous l'avons précédemment montré
est l'ONG qui a mis en place le Point d'écoute. Cette organisation
oeuvre pour la promotion de la femme en luttant notamment contre les violences
et en dégageant des programmes de vulgarisation de l'approche genre.Le
Point d'écoute comme son l'indique reçoit, écoute,
conseille et accompagne les femmes victimes de violence.Le RADI reçoit
aussi des victimes de violences mais est spécialisé dans le
conseil et accompagnement juridique.La police reçoit non seulement les
victimes mais aussi après dépôt d'une plainte les auteurs
poursuivis en justice. Elle est chargée de la répression des
auteurs et doit assurer la sécurité de la population comme en
témoigne le commissaire Divisionnaire de la région de Kaolack
T.D.D « Nous recevons au niveau du commissariat des femmes
victimes de violences physiques et verbales qui se manifestent par les
insultes, les brimades etc, elles viennent déposer des plaintes ou
demander des conseils ».
L'hôpital reçoit généralement les
femmes victimes de violences physiques. Il s'occupe des premiers soins
apportés à la femme et lui font un certificat médical en
cas de besoin si la femme décide d'ester en justice.
Enfin, le tribunal stratifie sur le sort de l'auteur de
violence. Ils reçoivent de nombreuses fois les femmes violentées
compte tenu de la lenteur des processus. Ils sont donc une vision non moins
importante sur la question.
Le Point d'écoute dans sa mission d'accompagnement
travaille avec toutes ces structures afin de mieux réussir son travail.
Tableau 5: La perception de la
vulnérabilité et du genre par les structures
d'accueil
Le tableau ci-dessous présente la perception que les
structures enquêtées ont du genre et de la
vulnérabilité des femmes.
|
OUI
|
NON
|
TOTAL
|
PERCEPTION D'UNE VULNERABILITE
|
13
|
02
|
15
|
LIAISON AVEC LE
GENRE
|
11
|
04
|
15
|
Source enquêtes 2010
Les structures qui accueillent les femmes victimes de violence
dans la commune de Kaolack de par leurs dirigeants se sont exprimées sur
divers aspects du phénomène. Les personnes interrogées
sont souvent en contact avec des femmes victimes de violences et ont ainsi
décelé certaines explications à ce
phénomène.
D'abord leur perception sur une possible
vulnérabilité des victimes de violence a été
étudiée. Sur 15 personnes, les 13 affirment percevoir une
vulnérabilité des femmes qu'elles reçoivent. Le chef de
service départemental du Développement communautaire M.
N.chargé des questions des femmes et des ONG voit d'ailleurs que les
femmes sont classées parmi les groupes vulnérables au
Sénégal« Parmi les groupes vulnérables on
note les femmes, les jeunes, les personnes âgées et les
handicapés mais en plus de cela il s'y ajoute la
vulnérabilité physique économique et politique de la
femme. Sur tous les plans ce sont hommes qui détiennent les rênes
des décisions même si la loi sur la parité est
votée». Les enquêtés perçoivent ainsi
à travers ces entretiens la personnalité, le vécu et
l'expérience douloureuse des ces femmes. Cet aspect de la
vulnérabilité qui reste déterminant dans cette
présence étude est ainsi affirmé par ces structures qui
reçoivent des victimes et mêmes des auteurs de violence.
L'autre aspect non moins important à étudier
à travers ces structures est la notion genre. Il est vrai que parmi ces
structures, la plupart connaissent cette notion,cependant il s'agissait surtout
de les interroger sur le lien entre le genre et les violences subies par ces
femmes.
Les réponses montrent que ces représentants de
structures s'entendent mieux sur l'existence d'une certaine
vulnérabilité que sur la notion de genre. Néanmoins sur
les 15 répondants 11 reconnaissent que la violence est liée au
genre c'est d'ailleurs l'opinion de B.S. présidente de l'ONG
APROFES,« Du moment où ces VFF sont liés aux
rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes, elles sont
intrinsèquement liées au genre ».Ces affirmations
de justifient ainsi notre hypothèse selon laquelle, la cause de la
violence serait à rechercher dans les rapports sociaux de genre. Ces
explications sont déterminantes dans cette recherche car les
répondants sont pour la plupart des acteurs qui d'une part connaissent
ou ont une perception de la notion de genre et d'autre part travaillent aussi
sur les violences faites aux femmes.
L'affirmation que la violence est liée au genre
relève ainsi de leurs expériences et leurs constantes
observations des victimes de violences.
La perception que ces structures d'accueil avaient des deux
notions à savoir la vulnérabilité et le genre a aussi
été étudiée.
Tableau 6: Les causes de la
vulnérabilité des femmes selon les structures
d'accueil
Ce tableau illustre les différentes causes de la
vulnérabilité des femmes victimes énumérées
par les structures d'accueil.
PERCEPTION DE LA VULNERABILITE PAR LES STRUCTURES D'ACEUIL
|
Déterminants
|
Fréquence
|
Education
|
15
|
Culture
|
23
|
Faible pouvoir économique
|
21
|
La religion
|
7
|
Le patriarcat
|
5
|
La soumission de la femme
|
8
|
Manque de volonté politique
|
7
|
La tradition
|
10
|
Confusion entre religion et tradition
|
1
|
La physionomie de la femme
|
3
|
Source enquêtes 2010
Beaucoup de raisons sont évoquées, parmi
lesquelles nous distinguons une nette dominance des facteurs de
socialisation.Ainsi les raisons cités se logent pour la plupart parmi
les acquis de l'individu en général et peuvent être
considérés comme déterminants dans la construction des
rapports sociaux de sexe. Ce sont surtout les vecteurs par lesquels passent
les valeurs et normes qui régissent la société, qui sont
cités comme explicatifs à la vulnérabilité des
femmes victimes de violence. La culture même si elle est vague comme
raison a été le plus cité avec (23%) et d'autres raisons
qui le plus sont souvent ingurgitées à l'individu lors de sa
socialisation l'éducation (15%), religion (7%), patriarcat (5%),
soumission de la femme (7%), N.N.F. Coordonnatrice du RADI de Kaolack assimile
d'ailleurs ces éléments à l'explication de cette
vulnérabilité « D'abord les femmes sont
vulnérables culturellement, elles sont éduquées de telle
sorte qu'elles se soumettent, ensuite à cause de leur faible pouvoir
économique. La structuration des rapports de genre sociaux souvent
inégalitaires favorise la violence et la tolère en même
temps ».Ceci confirme la thèse de Simone de
Beauvoir50(*)(1949),qui
retrace les tenants de cette intériorisation participant à placer
la femme dans une posture inférieure.Sa célèbre phrase
« On ne nait pas femme, on le devient » confirme
que cette posture de la femme relève de la phase de socialisation qui
est en fait l'interaction des tous ces éléments
évoqués par les structures d'accueil comme cause de la
vulnérabilité des femmes.Mais les explications comme le faible
pouvoir économique des femmes avec 23% et le manque de volonté
politique (7%), même s'ils peuvent être considérés
comme des acquis se distinguent un peu des autres raisons. Ils peuvent
être des facteurs de vulnérabilité certes, mais nous ne
pouvons les associer aux autres facteurs qui semblent plus affecter le
comportement et l'action de l'individu en général. Notons
cependant que le faible pouvoir économique demeure en bonne place parmi
les facteurs de vulnérabilité, B.S. l'explique ainsi
« Les femmes sont vulnérables économiquement car
elles sont les plus pauvres parmi les pauvres, c'est pour cela qu'on parle de
la féminisation de la pauvreté, et aussi physiquement et
physiologiquement elles sont vulnérables, elles ont moins de
capacité pour se défendre mais aussi socialement elles sont
vulnérables elles ont un statut inférieur à l'homme et
sont confrontées à beaucoup de contraintes sociaux culturelles au
niveau de la société».La physionomie de femme (3%) se
différencieaussi des autres raisons cités.
Selon cette analyse les causes de la
vulnérabilité serait surtout du aux facteurs de socialisation
tels que la religion, la culture, etc. et des valeurs ancrées comme la
soumission de la femme.
Tableau 7: La perception de l'inégalité
de genre par les structures d'accueil
Ce tableau présente les perceptions que les structures
d'accueil interrogées ont de l'inégalité genre ;
PERCEPTION DE L'INEGALITE DE GENRE PAR LES STRUCTURES
D'ACCEUIL
|
Déterminants
|
Fréquence
|
Existence de rapports inégalitaires entre hommes et les
femmes
|
52
|
Statut inférieur de la femme
|
22
|
Domination de l'homme
|
15
|
Légitimation des croyances socioculturelles
défavorables aux femmes
|
11
|
Source enquêtes 2010
Les principales difficultés auxquelles les femmes sont
confrontées, relèvent d'une inégalité de genre
perçue dans les rapports homme/femme.En identifiant ces
inégalités selon la perception des structures d'accueil, les
violences faites aux femmes de Kaolack sont mieux appréhendées.
Les personnes interrogées dans ces structures comprennent
l'inégalité de genre d'abord par l'existence de rapports
inégalitaires entre les hommes et les femmes, une réponse qui
reste la plus citée avec (52%). Même si ces concepts paraissent
ambigus, cette inégalité qu'elle soit économique, sociale,
culturelle est source de vulnérabilité pour la femme. Le statut
inférieur de la femme suit avec (22%) des réponses et la
domination de l'homme (15%). Ces concepts manquent de précision
également mais nous pouvons considérer que la femme occupe une
position pas avantageuse dans la société par rapport à
l'homme. La dernière explication aux inégalités de genre
indexe les croyances socioculturelles défavorables à la femme
avec (11%) des réponses.
Les violences exercées sur la femme, notamment celles
de Kaolack proviennent des inégalités notées dans les
rapports sociaux de genre, comme l'explique
B.S.« lapauvreté n'est pas la principale cause, il y'a
partout des violences faites aux femmes dans le monde, elles sont
essentiellement liées au statut inférieur de la femme dans la
société que ca soit au Sénégal et partout dans le
monde, l'homme pense que la femme est sa propriété, mais d'autres
causes viennent renforcer cela comme l'alcool, la délinquance, la
pauvreté etc » .Ces inégalités font que la
femme occupe sur bien des domaines (économique, politique, sociale,
religieuse, culturel etc) une position de faiblesse et potentiellement source
de violence.
Nous avons voulu étudier de façon précise
ce qui pouvait pousser les auteurs de violence à commettre de tels
actes. Les responsables des structures d'accueil nous ont donné quelques
précisions.
Tableau 8 :Lesdéterminants du comportement
des auteurs de violence
Ce tableau illustre les différentes réponses
données par les structures d'accueil sur les facteurs
déterminants le comportement de l'auteur de violence.
Facteurs explicatifs
|
Nombre
|
Fréquence
|
Drogue et alcool
|
7
|
13
|
Socioculturelle
|
14
|
26
|
Analphabétisme
|
10
|
19
|
Manque de communication
|
5
|
10
|
Délinquance
|
5
|
10
|
Pauvreté
|
12
|
22
|
Total
|
53
|
100
|
Source enquêtes 2010
Les services qui pour la plupart reçoivent aussi des
auteurs de violence se sont exprimés sur le comportement de ces
derniers. Les répondantsavaient la possibilité de citer plusieurs
explications. Le constat à la lecture de ce graphique est que les
raisons sont multiples. Les facteurs socioculturels (14 fois)
prédominent ainsi par tous les répondants, pour B.S
« Les croyances sociaux culturelles ont une forte
responsabilité dans l'exercice des VFF c'est à causes de cela
qu'elles sont banalisées dans la
société ».
Maintenant faut il entendre par là que ces facteurs
socioculturels peuvent forger un comportement incitant à la violence
envers les femmes ?
Autant ces répondants évoquent la culture comme
déterminant de la vulnérabilité des femmes, autant ces
mêmes répondants se réfèrent aux facteurs
socioculturels comme déterminants du comportement des auteurs de
violences. L'explication est que le rôle de l'homme socialement construit
et déterminé par les facteurs sociaux culturels le pousse
à violenter la femme.
La similitude des résultats concerne aussi de la
même manière pour la pauvreté (12 fois) comme facteurs
incitant à la violence et le faible pouvoir économique comme
facteur de vulnérabilité. L'analphabétisme (10 fois) et
est le troisième facteur évoqué. Tous les
répondants ont un niveau d'études avancées nous comprenons
qu'ils accordent une importance à la scolarisation. Cet
analphabétisme en renforçant la méconnaissance de la loi
et des risques encourus par l'acte de violence peut être accepté
comme facteur de violence.L'usage de la drogue et de l'alcool est aussi
cité comme déterminant de la violence. Enfin le manque de
communication et la délinquance figurent en dernier et les deux sont
cités (5) fois.
Nous avons jusque là analysé les données
du Point d'écoute de l'APROFES et les entretiens que nous avions faits
avec les responsables des structures qui reçoivent des femmes victimes
de violences et même des auteurs de violence.Nous allons maintenant nous
intéresser à la perception que les victimes ont de la violence
qu'elles ont eu à subir.
IV.2.2.IDENTIFICATION ET PERCEPTION DES FEMMES VICTIMES DE
VIOLENCES DU POINT D'ECOUTE DE L'APROFES KAOLACK
IV.2.2.1.PROFIL DES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE
ENQUETEES
Les entretiens que nous avons faits concernent 40 femmes
victimes de violence du Point d'écoute de l'APROFES. Il s'agissait de
recueillir leurs opinions sur la question notamment étudier la
probabilité d'une certaine vulnérabilité comme source de
la violence dont elles sont victimes. Nous les avons d'abord identifiés
avant de recueillir leurs perceptions.
Tableau 9: La répartition de l'âge des
enquêtées en fonction de leur niveau d'instruction
Le tableau ci-dessous présente la répartition
des victimes de violence enquêtées selon leur âge et leur
niveau d'instruction.
Age des victimes
|
Niveau d'instruction
|
Total
|
|
Non instruites
|
Primaire
|
Secondaire
|
Supérieure
|
|
15-20
|
1
|
3
|
2
|
0
|
6
|
20-30
|
2
|
6
|
4
|
1
|
13
|
30- 40
|
6
|
7
|
2
|
0
|
15
|
40- 60
|
4
|
2
|
0
|
0
|
6
|
+ 60
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Total
|
13
|
18
|
8
|
1
|
40
|
Source enquêtes 2010
Le profil des femmes victimes de violence
enquêtées est important pour notre recherche. Il est vrai que nous
avons déjà un aperçu des femmes qui fréquentent le
point d'écoute par l'analyse de la base de données. Mais il est
aussi important de connaître le profil des répondants.L'indicateur
âge est très important pour l'analyse de la notion de
vulnérabilité. Nous constatons que les tanches d'âge 20-30
(13) et 30-40 (15) sont plus touchées. Ces tendances sont d'ailleurs
similaires à celles de la base de données qui regroupe l'ensemble
des femmes qui fréquentent le Point d'écoute. Comme nous l'avons
observé précédemment, c'est durant cette période ou
ces femmes sont dans le lien matrimonial qu'elles sont
généralement victimes de violences. Nous avons le même
nombre de femme pour les tranches d'âge 15-20 (6) et 40-60 (6) et pas de
victimes pour la tranche d'âge 60 et plus.
La scolarité est aussi un indicateur très
déterminant pour la vulnérabilité. Les responsables des
structures enquêtées ont d'ailleurs énuméré
l'analphabétisme parmi les facteurs de vulnérabilité. Nous
observons un niveau d'instruction assez faible avec une prédominance des
femmes de niveau primaire (18) suivi des non instruites (13). Sur l'ensemble
des 40 femmes interrogées seulement 8 ont un niveau secondaire et une
seule de niveau supérieur.
La scolarisation est en effet un élément
très déterminant dans l'épanouissement et la de protection
des femmes. Mais nous constatons que c'est un droit dont beaucoup de femmes
africaines sont privées. Nogaye Gueye (2008) en cernant la question de
la scolarisation des filles montre que « La problématique
de l'éducation, notamment celle des filles, s'est longtempsposée
surtout dans les pays dits du Tiers Monde à cause d'une conception
quasiuniverselle du statut et du rôle de la femme qui réduit
celle-ci au cadre domestique.C'est le cas en Afrique où cette conception
est fortement présente avec des traditionsqui confinent la femme au
foyer »51(*), ce qui dans plus d'un sens peut être
préjudiciable à la femme. Etant donné que l'absence
d'instruction constitue un problème et renforce sa
vulnérabilité.
Tableau 10 : La Répartition des victimes selon
leur religion et leurstatut matrimonial
Ce tableau présente la répartition des victimes
selon leur situation matrimoniale et leur religion
Religion
|
Situation
matrimonial
|
|
Célibataire
|
Marié
|
Divorcé
|
Veuf
|
Total
|
Monogame
|
Polygame
|
Musulmane
|
5
|
16
|
11
|
7
|
0
|
39
|
Chrétienne
|
0
|
1
|
0
|
0
|
0
|
1
|
Total
|
5
|
28
|
7
|
0
|
40
|
Source enquêtes 2010
La religion et la situation matrimoniale sont des aspects
très révélateurs pour cette recherche. Ces deux
indicateurs sont caractérisés par une majorité de femmes
musulmanes mariées. Sur les 40 femmes enquêtées les (39)
sont musulmanes et seulement une est chrétienne. Pour la situation
matrimoniale, comme pour la base de données nous avons une
prédominance des femmes mariées (27) dont (16) monogames et (11)
polygames.
Ceci fait ressortir des aspects très importants, la
place de la femme dans la religion musulmaneet les dispositions du code de la
famille pour la femme mariée.La notion de famille en Afrique et au
Sénégal et le rôle que la femme joue dans cette famille est
aussi révélateur. En analysant ces aspects nous observons que
dans la religion musulmane, dans lesdispositions du Code de la famille
52(*)et dans la
société Africaine en général, la femme est sous la
responsabilitéde l'homme.
Il est important de signaler que l'époux musulman a
même le droit de corriger son épouse selon les normes
prédéfinis par le Coran, ce qui a suscité cependant
différentes interprétations. 53(*)
L'autre aspect est en rapport avec les dispositions du code de
la famille sénégalais, dispositions qui font de l'époux le
chef de la famille.L'article 100 du code de la famille pose la condition de la
création de la famille par l'existence d'un lien matrimonial, par
l'union solennel entre un homme et une femme pendant le mariage. Cette notion
de chef de famille confère à l'homme une certaine autorité
et un pouvoir, ce qui engendre en fait une inégalité dans les
rapports entre conjoints.
S'agissant du régime matrimoniale des femmes
mariées enquêtées, sur les 27 femmes, 16 sont monogames et
11 polygames. La polygamie est un indicateur non négligeable dans
l'étude des violences. En effet la rivalité entre
coépouses, la jalousie, la cohabitation sont des aspects conflictuels
comme l'a vécu S.N. 28 ans « j'étais la
troisième, déjà j'avais trouvé une situation
très délicate dans ce foyer, mes deux coépouses, la
première et la deuxième sont parentes mais ne s'entendaient pas
elles se bagarraient souvent et mon époux avait l'habitude de les battre
aussi. Lorsque je suis arrivée, j'ai subi le même sort qu'elles,
mais en plus de cela les enfants de la première qui avaient le
même âge que moi me battaient aussi ».La violence
dans ces ménages polygames s'analyse donc à des degrés
divers, l'époux n'en est pas forcément l'auteur. La violence
faites aux femmes par les femmes, celle exercée par les enfants des
coépouses ou même par la belle famille s'invite de plus en plus
dans les couples polygames.
Le dernier aspect est la structuration de la
société Africaine et sénégalaise régie par
le patriarcat. Maryse JASPARD étudiant ce modèle y conclut
unrapport avec la violence sur ces termes « On retiendra pour
l'essentiel quele modèle de société patriarcale, en
assignant aux femmes et aux hommes des fonctions et des positions sociales
inégalitaires a engendré une violence spécifique à
l'encontre des femmes ».54(*)La société Sénégalaise est
patrilinéaire ce qui place l'homme dans une position de pouvoir sur la
femme. Ce pouvoir sous tendu par des valeurs, des normes des croyances propres
à cette société se traduit sous plusieurs formes pouvant
placer la femme dans une position de vulnérabilité conduisant
à la violence.
Ces observations confirment les rapports inégalitaires
comme aspect déterminant des violences faites aux femmes, mais aussi le
pouvoir de l'homme sur la femme.
Tableau 11: Répartition des victimes en
fonction de leur catégorie socioprofessionnelle
Ce tableau présente la répartition des victimes
de violences enquêtées selon leur catégorie
socioprofessionnelle.
Catégorie socioprofessionnelle
|
Effectifs
|
Fréquence
|
Inactifs
|
17
|
42,5%
|
Prof. Services directs aux particuliers
|
23
|
57,5%
|
Employé de type administratif
|
0
|
0
|
Total
|
40
|
100
|
Source enquêtes 2010
Ce tableau montre les différents emplois occupés
par ces femmes victimes de violences. Nous constatons une absence de ces femmes
dans les emplois de types administratifs. Ceci s'expliquerait par leur faible
niveau d'instruction qui réduit leur chance de s'insérer dans
l'administration.
Plus de la moitié des femmes (57,5%) sont dans les
professions de services directs aux particuliers, la plupart disent qu'elles
sont dans le commerce et la petite vente. D'autres (42,5%) par contre n'ont
aucune activité professionnelle, elles sont inactives, composées
en majorité de femmes mariée elles s'occupent de leur foyer.
Il y a ainsi l'emploi qui détermine souvent le pouvoir
économique de la personne qui s'affiche ici sous les deux aspects que
nous venons de citer. Or cet aperçu indique dans l'ensemble, de faibles
revenus pour ces femmes. Ceci traduit aussi une possibilité de
dépendance de ces femmes, surtout celles qui sont mariées et
probablement avec des enfants en charge. Or Maryse JASPART par rapport à
cet aspect reconnait que « Le manque d'argent lié aux
situations de précarité, la dépendance des femmes sans
aucun revenu ou qui ne possèdent pas de compte bancaire sont autant de
facteurs aggravant les situations de violence »
Le faible pouvoir économique pour ne pas dire la
pauvreté et la dépendance sont de véritables sources de
vulnérabilité donc de la violence.
Tableau 12: Répartition des victimes en
fonction de leurs zones de provenance
Le tableau ci-dessous présente la répartition
des victimes de violences enquêtées selon leur zone de
provenance
Zones de provenance
|
Effectif
|
Fréquence
|
Commune de Kaolack
|
33
|
82,5%
|
Autres localités
|
7
|
17,5%
|
Total
|
40
|
100
|
Source enquêtes 2010
Le Point d'écoute de l'APROFES est implanté dans
la commune de Kaolack. Cependant les femmes qui le fréquentent
proviennent de localités différentes. Parmi celles que nous
avons enquêté (82,5 %) sont de la commune de Kaolack et les
(17,5%) restant habitent les autres zones. Dans la commune de Kaolack les
victimes viennent de quartiers différents. En ce qui concerne les autres
localités nous notons des femmes provenant non seulement des autres
collectivités locales de la région, mais aussi celles qui
viennent des zones appartenant aux régions environnantes. Ainsi le
Point d'écoute reçoit des victimes de la violence de Fatick,
Diourbel, Kaffrine et même de Tambacouda.
Nous n'avons pas observé de grande différence
entre les violences exerguées sur les femmes de la commune de Kaolack et
celles des autres localités. Seulement, les femmes des autres
localités provenant pour la plupart des zones rurales attendent souvent
que la violence se répète pour venir au Point d'écoute. Ce
qui fait que beaucoup de brutalités et même des meurtres sont
observés dans ces zones.
Ces zones pour la plupart rurales sont des lieux oùla
solidarité et la convivialité sont de mise et les
problèmes se règlent généralement à
l'amiable. Ce qui à la fin met ces femmes dans une position de
vulnérabilité.
Dans la commune de Kaolack il est important de signaler des
aspects qui mettent en cause la sécurité de la ville et de sa
population. Il s'agit de l'électrification des rues et de la
délinquance qui sont des éléments très propices
à la violence. Pour rappel,c'est dans cette situation
d'insécurité que la jeune C.GAYE55(*) a été sauvagement tuée la nuit
du 17 Octobre 2007.La ville est donc dans son ensemble structurée de
façons à développer des dispositions à la violence
et pas des femmes seulement mais toute la population.
IV.2.2.2.LES DETERMINANTS DE LA VULNERABILITE SELON LES
FEMMES VIOLENTEES DU POINT D'ECOUTE DE L'APROFES KAOLACK
Tableau 13 : Identification des auteurs de
violence
Ce tableau présente les différents auteurs de
violence perpétrée sur les victimes enquêtées.
Auteurs de violences
|
Nombre
|
Fréquence
|
Membre de la belle famille
|
3
|
7
|
Parent ou proche de la victime
|
2
|
5
|
Mari
|
30
|
75
|
Petit ami
|
1
|
2
|
Coépouse
|
5
|
11
|
Total
|
40
|
100
|
Source enquêtes 2010
Les auteurs de violences subies par les enquêtées
comme le montre le graphique sont d'abord les époux des victimes (30).
Ceci confirme le fait que les cas de violences reçus au Point
d'écoute sont en majorité des violences conjugales. Les cas qui
ne le sont pas sont d'ailleurs très rares et il s'agit en
général de viol ou de mariages forcés.
En analysant le graphique toujours, nous observons d'autres
auteurs de violences toujours dans le cadre du mariage, nous avons la belle
famille (3) et les coépouses (5) qui viennent juste après
l'époux.Ceci révèle des aspects jusque là inconnus
dans étude, avec la prédominance des violences conjugales au
Point d'écoute, les seuls auteurs de violences pris en compte
étaient les époux des victimes. En effet, les coépouses et
les membres de la belle famille entretiennent aussi des relations
conflictuelles avec la victime. La raison est que la famille surtout
lorsqu'elle est élargie comme la plupart des familles africaines, est
souvent le lieu où se développe des rapports de forces entre les
différents membres. En analysant le concept de ménage, Fatou SARR
SOW dans cette optique conçoit que « les rapports au
coeur de la famille sont de pouvoir : le pouvoir du patriarche, le pouvoir
de la femme, le pouvoir de l'ainé ou les rapports du couple sont
bâtis sur l'autorité, le conflit, la négociation, le
dialogue, bref sur des rapports de force »56(*).
D'autres auteurs identifiés sont des parents ou proches
(2) de l'entourage de la victime et les petits amis (1).Ce qui renforce
l'idée des rapports conflictuels au sein de la famille. Cependant le
seul cas de violence émis par le petit ami de l'enquêtée
n'est pas à négliger. Les rapports inégalitaires
notés au sein du couple et de la grande famille, peuvent aussi susciter
la cause dans d'autres types de relations.Parmi les auteurs cités par
les femmes victimes de violences il n'y a pas d'inconnu. Elles reconnaissent
tous connaître l'auteur et entretenir des relations avant et pendant
l'acte de violence. Ce qui montre que les auteurs ne commettent pas l'acte de
violence d'une manière fortuite, il y'a toujours des relations
entretenues avec la victime qui précédent et c'est durant cette
période que la femme fait surtout montre d'une
vulnérabilité.
C'est pour cette raison que nous nous sommes
intéressés à ces rapports surtout avant l'acte de la
violence entre l'auteur et la victime de violence.
Tableau 14: Les inégalités
notées dans les rapports entre les victimes et les auteurs de
violence
Ce tableau présente la nature des rapports
inégalitaires notés entre les victimes et les différents
auteurs de violences.
Rapports
|
Nature des inégalités
|
VICTIME / EPOUX
|
-Dépendance économique
-Soumission
-Dévotion
|
VICTIME / BELLE FAMILLE
|
-Soumission
-Dévotion
-Cohabitation difficile
-Jaloux
|
VICTIME / COEPOUSE
|
-Rivalité
-Conflits
-Cohabitation difficile
|
VICTIME / PETIT AMI
|
-Dépendance économique
-Conflits
-Jalousie
|
VICTIME / PARENT PROCHE OU ENTOURAGE
|
-Pas de rapport particulier
|
Source enquêtes 2010
Les relations que les enquêtées ont avec les
auteurs de violences montrent sur plusieurs aspects des rapports
inégalitaires.Les femmes victimes de la violence de la part de leur
époux affirment leur être dévouées, dépendre
d'eux sur le plan financier et leur être soumises. Ceci nous parait
très déterminant d'autant plus que cette recherche
s'intéresse aux rapports sociaux de sexe donc au genre. Ces rapports
auteur/victime qui ont précédé l'acte de violence, sont
caractérisés par des inégalités57(*).
Avec la belle famille aussi nous notons que la victime
entretient des rapports souvent conflictuels. Comme pour l'époux, les
membres de la belle famille doivent bénéficier des largesses de
leur belle fille. Toujours pour les victimes mariées un autre type
d'auteurs de violences est noté, les coépouses. Les rapports
entre coépouses sont caractérisés par une cohabitation
difficile, la jalousie et la rivalité. Or ces facteurs sont
forcément conflictuels et prompts à la violence.D'autres auteurs
se distinguent cette fois de ceux cités précédemment il
s'agit des petits amis.Les rapports notés pour ces derniers pouvant
conduire à la violence sont la jalousie et la dépendance. Une
femme que nous avons enquêtée victime d'une violence physique de
la part de son petit ami, nous a affirmé qu'elle était entretenue
par ce dernier qui très jaloux ne supportait pas le voir avec un autre
homme.
Les derniers types d'auteur identifiés sont les
proches de la famille ou font partie de l'entourage de la victime.
Interrogées ces victimes soutiennent n'entretenir aucun rapport
particulier avec ces personnes.
Graphique 4 :Lesraisons évoquées
par les femmes victimes de violences
Ce graphique illustre les causes de la violence
énumérées par les victimes.
Source enquêtes 2010
L'opinion de celles qui ont subi l'acte de violence est
très importante. La polygamie est en tête des raisons
évoquées (12), cette réponse inclus non seulement la
possibilité des violences entre coépouses, mais aussi et surtout
l'attitude du mari qui est souvent impartial dans sa manière de
gérer ses épouses. Ceci cause des violences surtout morales et
économiques comme l'ont cité les victimes. L'influence de la
belle famille (8) est aussi pour certaines femmes l'explication à leur
violence. Ces dernières soutiennent que les membres de la belle famille
souvent la mère et les soeurs de l'époux qui comme nous l'avons
entretiennent souvent des rapports conflictuels avec la femme, mettent la
pression sur l'époux afin de créer des désaccords entre
lui et son époux. Ils réussissent souvent selon les victimes
enquêtées, qui soutiennent ne devoir leur malheur qu'à la
belle famille. Nous voyons là que les femmes ont une
responsabilité sur ces violences car elles sont non seulement auteurs de
violence mais aussi d'une manière plutôt indirecte incite à
la violence. D'autres affirment que l'auteur a agi par
méchanceté tout simplement (4).Le manque de moyens (7) est aussi
cité comme raison, ainsi que l'usage de la drogue et de l'alcool
(6)comme l'atteste cette victime N. N. « J'ai un problème
avec mon mari ; quand on se mariait j'avais 13 ans, on a huit enfants
aussi je ne savais qu'il était fumeur de chanvre indien et buveur
d'alcool58(*).Cela
étant, quand il se réveillait parfois il assurrait la
dépense, il arrivait aussi des fois où il ne donnait rien.On se
battait chaque jour et nos parents n'avaient fait toutes sortes de reproches et
me taxaient de tout. »alorsque certaines conçoivent que
leur époux a agi par jalousie (3), ainsi Maryse JASPARD le confirme en
ces termes « la jalousie masculine est une constante des
situations « très graves » de violence
conjugale ».
Nous nous sommes après cela interrogé sur
l'opinion des victimes sur leur vulnérabilité et sa
provenance.
Tableau 15 :Les déterminants de la
vulnérabilité selon les femmes victimes de violences
Ce tableau illustre les raisons évoquées parles
victimes comme étant la source de leur vulnérabilité.
Facteurs de vulnérabilité
|
Nombre
|
Fréquence
|
Position de dominée
|
13
|
33
|
Méconnaissance des droits
|
5
|
14
|
Manque de revenu
|
8
|
19
|
Ne sais pas
|
4
|
11
|
Analphabétisme
|
6
|
14
|
Faiblesse physique
|
4
|
9
|
Total
|
40
|
100
|
Source enquêtes 2010
Les enquêtées se sont aussi prononcées sur
la notion de vulnérabilité. Elles ont déterminé ce
qui les mettait dans une telle position pouvant causer la violence. Elles ont
d'abord reconnue l'existence de cette vulnérabilité multiforme
sur les femmes en générale.
La position de dominé (33%) revient encore une fois
surtout pour celles qui sont dans les liens conjugaux et qui constituent (70%)
des femmes enquêtées. L'autorité de leurs époux, le
devoir qu'elles ont se soumettre pour réussir leur ménage les
place souvent dans cette position de vulnérabilité. Nous avons
même pu retenir quelque terme en wolof qui illustre bien
cela. « Jigeendafaymougn 59(*)» « Jeukeur do
moromnawléla60(*) ». Ce qui montre que pour être
considérée comme une épouse modèle notamment avoir
des enfants qui pourront réussir l'épouse doit accepter et se
soumettre à certaines normes.
Le manque de revenu ou de moyens financier (19%) les place
aussi dans une position de vulnérabilité. Comme le signale la
présidente de l'APROFES B.S. « Les femmes sont pauvres
parmi les plus pauvres ». Ceci les place dans une position de
dépendance et de vulnérabilité. Certaines ont aussi
cité la méconnaissance de leurs droits (17%) et
l'analphabétisme (14%) comme cause de leur vulnérabilité.
Mais elles ne manquent pas préciser que c'était avant de
découvrir le point d'écouté qu'elles ignoraient la plupart
de leur droits.
La faiblesse physique (9%) est aussi évoquée
comme cause de vulnérabilité.
Comme pour les autres questions nous avons encore des victimes
qui ne se sont pas prononcées sur la question (11%). Elles se limitent
souvent à décrire comment la violence a été
exercée sur leur personne et affirment ignorer les causes.
En élaborant cette recherche, la plupart des documents
consultés faisaient état de l'impunité et de la non
dénonciation des violences faites aux femmes. L'impunité est
très liée à l'aspect juridique et son analyse
nécessiterait une étude très approfondie. Mais nous avons
essayé de comprendre avec ces victimes de violence
enquêtées pourquoi les femmes qui se trouvaient dans cette
même situation optaient pour la non dénonciation.
Tableau 16:Les déterminants de la non
dénonciation selon les femmes victimes de violences
Ce tableau illustre les différentes raisons de non
dénonciation énumérées par les victimes
Déterminants de la non
dénonciation
|
Nombre
|
Fréquence
|
Enfants
|
15
|
12
|
Craintes des commérages
|
27
|
23
|
Manque de moyens
|
19
|
17
|
Menace de l'auteur
|
9
|
8
|
Méconnaissance des droits
|
12
|
10
|
Peur du divorce
|
35
|
30
|
Total
|
117
|
100
|
Source enquêtes 2010
Comme nous l'avons observé dans les analyses
précédentes, les explications sont très souvent
liées au statut matrimonial des victimes. Ici la principale raison selon
les victimes qui fait que les femmes violentées ne dénoncent pas
l'acte est la peur de briser leur ménage, de divorcer (35fois) et de la
situation des enfants nés du mariage (15fois). Elles
préfèrent ainsi rester et préserver leur statut de femme
mariée. Il y'a aussi que certaines femmes nous ont avoué que le
divorce était très mal vu dans certaines familles à la
limite bannie, l'exemple de cette victime de violence G.D.28 ans
« Aucune des femmes de notre famille n'a osé divorcer j'ai
été la première et il m'a fallu beaucoup de courage pour
le faire ».Beaucoup de familles préfèrent garder
le secret d'un cas de violence survenu dans la maison ou bien d'essayer de le
régler à l'amiable plutôt que de l'étaler dans la
place publique en allant à la police ou dans les structures comme le
point d'écoute. Par crainte des commérages (27 fois) ou
d'être mal vues surtout pour les cas de viol des cas de violence restent
non dénoncés selon les victimes.Par manque de moyens (19 fois)
les femmes peuvent ne pas dénoncer les violences subies. Ceci se trouve
à deux niveaux. D'abord en allant ester en justice les frais
éventuels à prévoir et ensuite pour les femmes
mariées en cas de divorce elles craignent de se retrouver seules et
souvent avec des enfants en charge.Il y'a aussi la méconnaissance des
droits (12 fois) et des lieux qui peuvent renseigner sur cela ou accueillir les
femmes victimes de violences. Dans l'ignorance certaines femmes sont tenues de
ne rien dire.Même si cette raison reste la moins citée, la menace
de l'auteur de la violence (9 fois) réussit à faire garder le
silence à la victime.
Toutes ces raisons évoquées sont toujours
accompagnées par certaines croyances et valeurs qui jouent
considérablement pour que la victime ne dénonce pas et se
résigne après la violence. A l'unanimité, toutes les
femmes enquêtées affirment avoir reçu des conseils de leurs
proches qui les incitent à se résigner, à patienter et
à laisser passer la douleur. Le concept de
« Mougn » l'illustre bien. Ce mot Wolof est selon
ces victimes la principale cause de leur souffrance.
CONCLUSION
Les violences faites aux femmes demeurent une
réalité dans le vécu des sénégalais. Les
préoccupations liées à ce fait desociété, a
suscité des actions menées tant au niveau mondial que national
par différèrent acteurs. Ce sont surtout ces différentes
résolutions associées à d'autres sur les
généralités des problèmes des femmes qui nous ont
permis de dégager les postulats de cette recherche.
Nous nous sommes attelé à appréhender les
déterminants de la violence faite aux femmes par une analyse des cas
reçus au Point d'Ecoute de l'APROFES Kaolack. Cette étude a
voulu montrer que ces violences étaient liées au genre, par
conséquent à la construction des rapports sociaux de sexe.
Pour vérifier cette hypothèse, nous avons
d'abord analysé et sorti des corrélations des informations de la
base de données du Point d'Ecoute et ensuite mené des
enquêtes auprès de ces femmes victimes de violences et des
principaux acteurs concernés par la question au niveau de la
région de Kaolack. La méthode quantitative avec le questionnaire
comme outil de travail et la méthode qualitative associant des
entretiens, des récits de vies et un focus group ont été
les principaux moteurs de cette recherche.
Ainsi nous avons validé notre hypothèse de
recherche : Les violences faites aux femmes sont essentiellement
liées au genre ainsi à la construction des rapports sociaux de
sexe et aux facteurs socioculturels qui interagissent, se fondent et
s'institutionnalisent dans la structuration de ces rapports participant ainsi
à rendre vulnérable les femmes.
Les premiers résultats tirés des analyses de la
base de données du Point d'Ecoute, sur la spécificité des
usagers du Point d'Ecoute (93,75%) de femmes, révèlent que ces
violences sont basées sur le genre.
La particularité du statut matrimonial des victimes de
violences constituées en majorité des femmes mariées
(74,4%) révèlent que ces violences découlent pour la
plupart de rapports conflictuels entre homme/femme. C'est donc la
construction et la nature de ces rapports homme/femme qui expliquent les
principales causes des violences reçus au Point d'Ecoute.
De là les indicateurs de cette hypothèse, qui
concernent dans cette étude les facteurs sociaux culturels, qui fondent
et structurent cette construction, constituent des aspects de la notion de
genre et les principaux déterminants de la violence.
Ces aspects se trouvent autant dans les réponses
citées par les représentants des structures d'accueil que par les
femmes victimes de violences.
Les facteurs socioculturels principaux déterminants des
violences faites aux femmes suivies au Point d'écoute de l'APROFES
Kaolack, tolèrent dans une certaine mesure et incitent à la non
dénonciation de ce phénomène.
Cette étude a aussi permis de situer la
responsabilité des femmes dans l'exercice de la violence.
L'identification des auteurs a montré que des femmes exerçaient
ou incitaient des hommes à exercer la violence sur une autre femme.
Les résultats sortis de cette recherche font
état de la situation des violences faites aux femmes au Point
d'écoute de l'APROFES Kaolack. Certes ces données ne couvrent
pas toute la région, mais elles permettent néanmoins d'analyser
les causes des violences et surtout de comparer les engagements des politiques
à la réalité.
Malgré les efforts de l'Etat du Sénégal
et des femmes dans la lutte contre ces violences, le phénomène
persiste sous différentes formes.Il faudrait dès lors
élaborer des stratégies de lutte en phase avec le vécu
des femmes victimes de violence.
L'ONG APROFES s'est longtemps engagée dans cette
lancée par la création du Point d'écoute et par des
actions de sensibilisation. Cependant les moyens dont elle dispose ne
permettent pas de toucher une plus grande cible.
Ainsi, les politiques préoccupées par le
phénomène des violences faites aux femmes devraient
s'imprégner des actions du Point d'écoute par la création
d'autres centres de ce genre à travers le pays.
La présente étude s'est limitée à
analyser les déterminants socioculturels des violences faites aux femmes
mais en s'intéressant spécifiquement aux usagers du Point
d'Ecoute de l'APROFES KAOLACK. Or cette cible est composée par une
grande majorité de femmes victimes de violences conjugales.
Il faudrait dès lors s'interroger sur la
fréquence de violence sur d'autres cibles féminines (jeunes
filles, femmes célibataires, veuves, divorcées etc.) et en
étudier non seulement les principaux déterminants sociaux
culturels mais aussi la dimension genre.
* 1 La CEDAW estConvention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes en anglais
* 2 La constitution du
Sénégal de 2001garantie l'équité et
l'égalité de genre à l'article 7 de son
préambule
* 3 Il s'agit d'un dispositif
législatif et juridique mis en place par le Sénégal par la
ratification en 1985 de la convention sur l'élimination de toutes les
formes de discriminations à l'égard des femmes ; en 2000 du
protocole additionnel à la CEDAW/CEDEF ; en 2004 du protocole
à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux
droits de la femme
* 4 Mouvement féministe
dont le nom tiré de la langue wolof signifie e français
« se réveiller et l'action de dénouer, de
libérer »
* 5 Il s'agit du rapport du
rapporteur de Nations Unies
* 6Fatou,SARR SOW, 2004,
L'analyse genre des sciences sociales en Afrique de l'Ouest, Sexe, genre et
Société, CODESRIA, Dakar, P 48
* 7 Maryse Jaspart, 2005, Les
Violence contre les femmes, La Découverte, Paris, 122 P.
* 8AyeshaM.Imam,
FatouSowSarr, Amima Mama, 2004, (Sous la dir), Sexe, genre et
société : Engendrer les sociales africaine, Ed Kartala
et CODESRIA, Dakar,
* 9 Jacqueline Cabral DIONE,
2000, Les violences conjugales dans les régions de Dakar et Kaolack,
CECI/PDPF, Dakar
* 10 GREFFELS, 1997, Les
violences à l'encontre des femmes au Sénégal, GREFFELS,
Dakar
* 11Voir UNION AFRICAINE,
2003, Protocole à la charte Africaine des Droits de l'homme et des
peuples relatif aux droits des femmes, UA, Maputo
* 12 Protocole additif à
la charte Africaine des droits de l'homme
* 13 REPUBLIQUE DU SENEGAL,
Journal Officiel de la République N°5847, Dakar Février 1999
* 14 Des réformes sont
apportées au droit pénal et à la procédure
pénale par cette loi dans le souci de renforcer les droits de la
victime de violence et de protéger les groupes vulnérables
* 15 Journal officiel de la
République du Sénégal, 1999, La loi 99-05 du 29 janvier
1999, article 320
* 16Amartya Sen,1990, More than
100 million Women Are Missing, The New York Review, New York.
* 17 Rapport de l'OMS, 2005,
Etude sur le santé des femmes et la violence domestique à
l'égard des femmes, portant sur 24 000 femmes dans dix pays
* 18Ce rapport spécial
des Nations Unies relate les acquis dans le cadre de la législation
dugouvernement sénégalais allant dans le sens de lutter contre
les violences faites aux femmes
* 19 Un cas de violence suivi
par L' APROFES Kaolack et différentes associations de femme au
Sénégal
* 20Forum d'Initiative
Citoyenne des Femmes Leaders de la Région de Kaolack, 2009, Haltes aux
violences faites aux femmes et aux filles, Kaolack.
* 21 Définition de la
violence selon Garver cité par Maryse Jaspart dans son ouvrage
intitulé les Violence contre les femmes
* 22 Définition de la
violence donnée par Maryse Jaspart dans l'enquête ENVEFF
* 23Harona SY ,2006 Ordres
sociaux et stratégies de genre, Sociétés en devenir
mélange offert à Boubacar Ly P 160
* 24 Awa THIAM dans son
ouvrage intitulé « la Parole aux Négresses »
publié en 1978 retrace des témoignages de différentes
femmes africaines qui ont subies ce qu'elle nomme « les maux des
négresses » regroupant tous les types de violences
* 25Fatou SARR SOW, 2004,
L'analyse genre des sciences sociales en Afrique de l'Ouest, Sexe, genr et
Société, Dakar, CODESRIA, P 59
* 26 Guy Rocher, 1963,
L'organisation sociale, Quebec, Editions HMH, P13
* 27DIOUF Raaby, 2004-2005,
Etude des différentes approches utilisées dans la lutte contre le
mutilations génitales féminines au Sénégal :
le cas du Village de Malicounda Bambara, Mémoire de maitrise,UCAD
* 28Selon Bourdieu chaque
champ est alors à la fois un champ de forces qui est marqué par
une distribution inégale des ressources et donc un rapport de forces
entre dominants et dominéset un champ de luttes les agents sociaux s'y
affrontent pour conserver ou transformer ce rapport de forces.
* 29 ANSD Situation :
Economique et Sociale du Sénagal, Ed. 2009.
* 30 La Stratégie
Nationale d'Equité et d'Egalité Genre
* 31 OMD désigne les
Objectifs du Millénaire pour le Développement
* 32 Document
Stratégique de Réduction de la Pauvreté Nous faisons
référence ici au DSRP II
* 33 La sociologue Fatou SARR
SOW dans Sexe, Genre et Société conçoit le genre comme
méthode d'analyse qu'on doit introduire dans les sciences sociales pour
s'interroger à la fois sur les statuts et rôles des femmes et des
hommes dans la stratification sociale ... et sur les manières dont ces
statuts et rôles sont déterminés par l'appartenance
à un sexe donné.
* 34 Dans cette approche
E.DURKHEIM s'est servi de données statistiques pour étudier le
phénomène suicide, c'est par la suite qu'il a fait des
corrélations afin de tirer des conclusions pour en dégager les
causes
* 35 DURKHEIM (Emile), 1896,
le suicide, Alcan, Nouvelles édition PUF
* 36Voir BOURDIEU (Pierre),
1987, Choses dites, Paris, Minuit
* 37 Pierre BOURDIEU le
définit à la jonction du subjectif et de l'objectif donnant ainsi
une double dimension construite et objective à la réalité
sociale
* 38 L'habitus selon la
conception de l'auteur fait référence à la structuration
sociale de notre subjectivité, la façon dont cette structuration
s'imprime dans nos têtes et dans nos corps. Cet habitus se constitue
d'abord aux travers les premières expériences (habitus primaire)
, puis dans la vie adulte ( habitus secondaire).
* 39Pierre, Bourdieu, 1990,
La Domination Masculine, Paris, Seuil, P.27
* 40 Les anglais ont d'abord eu
une première conception de ce mot « Gender » qui
sera utilisé en français par le terme genre
* 41 Cette dimension symbolique
de l'ordre social analysée par P. BOURDIEU, a des conséquences
sur la manière de penser les dominations entre individus et groupes
c'est d'ailleurs là qu'intervient la violence symbolique.
* 42 Voir l'article de
Harona SY dans Le Mélanges offerts à LY, Boubacar, 2006,
Sociétés en devenir, PUD, Dakar
* 43Le DSRP II en donne une
définition à sa page 18, la vulnérabilité
estexpliquée en terme de risques particuliers et d'exposition des
populations à ces risques. La définition va plus loin et
l'assigne à « la nature des forces agissant sur le bien
être d'une personne que sur son aptitude sous-jacente à se
protéger des risques et des chocs auxquels elle est
exposée.»
* 44Voir l'ouvrage de
BOURDIEU (Pierre) et PASSERON, (Jean Claude), 1970, La Reproduction :
éléments d'une théorie du système
d'enseignement, Editions Minuit, Collection Sens Commun.
* 45Pierre Bourdieu
définit le "constructivisme structuraliste" à la
jonction de l'objectif et du subjectif : "Par structuralisme ou
structuraliste, je veux dire qu'il existe, dans le monde social lui-même,
[...] des structures objectifs indépendantes de la conscience et de la
volonté des agents, qui sont capables d'orienter ou de contraindre leurs
pratiques ou leurs représentations. Par constructivisme, je veux dire
qu'il y a une genèse sociale d'une part des schèmes de
perception, de pensée et d'action qui sont constitutifs de ce que
j'appelle habitus, et d'autre part des structures sociales, et en particulier
de ce que j'appelle des champs ."
* 46Pierre Bourdieu a
spécifié ici, en cherchant à le rendre opératoire
pour des travaux empiriques, le double mouvement constructiviste
d'intériorisation de l'extérieur et d'extériorisation de
l'intérieur.
* 47Madelaine,Grawitz, 2001,
Méthodes et techniques en sciences Sociales, Paris, Dalloz P. 352
* 48Madelaine,Grawitz, 2001,
Méthodes et techniques en sciences Sociales, Paris, Dalloz P 644
* 49 Ceci est un extrait d'un
communiqué du Point d'Ecoute en 2008 à Kaolack
* 50 Nous nous
référons ici à son ouvrage intitulé Le
deuxième sexe (1949)
* 51 GUEYE Nogaye,
2007-2008,
La
scolarisation des filles dans la vile de Thiés: les difficultés
de poursuites scolaire, Dakar, UCAD, FLSH, Département
de sociologie.
* 52 L'article 152 du Code de
la Famille Sénégalais stipule que « Le
mari est le chef de la famille, il exerce ce pouvoir dans
l'intérêt commun du ménage et des enfants ». P
22
* 53 Denise, Masson , 1967,
Le Coran, trad., Paris, Gallimard « Folio »
* 54 A la page 21 de l'ouvrage
de JASPARD Maryse sur les Violences contre les femmes, elle y montre comment ce
model patriarcal renforce les relations inégalitaires entre hommes
femmes et conduit à la violence
* 55 Ce meurtre très
commentée par la presse sénégalais et suivi de très
prés par le Point d'écoute de l'APROFES a eu lieu dans des
conditions d'insécurité marquées par l'isolement du lieu
et les délestages.
* 56Fatou SARR SOW, L'analyse
genre dans les sciences sociales en afrique, Sexe genre et
société, Dakar, CODESRIA, p 59
* 57 Ces victimes affirment
pour la plupart être violentées par des proches, un mari, une
coépouse, un proche, donc dans le cercle familial dans la plupart du
temps. Ces espaces que Jaspart Maryse appelle huis clos familial est selon
elle, le principal cadre des violences les plus graves, la danger étant
moindre dans les espaces publics pourtant très sexistes
* 58 La boisson comme cause de
la violence reste cependant une piste mitigée, des études
notamment celles de Maryse JASPART ont montré que la boisson alcoolique
est un catalysateur de la violence, un révélateur
d'agressivité, mais il n'est pas toujours l'origine de la
brutalité
* 59 Dans ce contexte
précis la femme mariée doit être patiente et pouvoir
supporter les difficultés du mariage
* 60 L'époux est avant
tout une personne à respecter
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