INTRODUCTION GENERALE
THEME
Le thème de notre recherche s'intitule
« L'aliénation dans la philosophie de Karl Marx et ses formes
contemporaines ». Un tel sujet nous impose d'exhumer et de brandir la
pensée de Karl Marx sur l'aliénation avant de nous demander si
celle-ci a gardé son sens marxien ou a subi une mutation. Cependant, si
nous nous en tenons à la réflexion de Henri Lefebvre,
exégète de Marx « aucune aliénation n'a disparu,
au contraire d'autres aliénations nouvelles, surprenantes, ont
aggravé les anciennes »1(*).
En clair, penser l'aliénation au XXIe siècle,
c'est d'abord avec Marx, avant de jeter le regard sur nos structures
sociologiques hautement technicisées.
La parution des textes du `'jeune Marx'' dans les
années 30 avec en particulier les fameux brouillons regroupés
sous le titre de « Manuscrits de 1844 »2(*) avait présenté
l'aliénation sous son alcane économique. De fait, la question
sous-jacente à cette aliénation économique fut la
suivante : « que fait-elle de
l'homme ? »3(*). Et sa réponse fut sans équivoque
« les sentiments humains se situent en dehors de l'économie
politique et l'absence de l'humanité se situe en
elle »4(*).
Autrement, l'économie politique n'utilisait l'homme qu'en tant qu'un
moyen mais jamais en tant que fin et c'est là son
« inhumanité »5(*). C'est d'ailleurs ce que semble montrer cette
hypothèse marxienne dans Travail salarié et
capital «supposons qu'un ouvrier fabrique en douze heures douze
pièces d'une marchandise. Chacune d'elles coûte 2 marks de charbon
et d'usure et est vendu 2 marks 50, [...] Le capitaliste va donner à
l'ouvrier 25pfenngs par pièce, cela fait pour douze pièces 3
marks que l'ouvrier met douze heure à gagner. Le capitaliste
reçoit pour les douze pièces 30 marks ; déduction
faite de 24 marks pour la matière première et l'usure, restent
six marks dont il paie trois marks de salaire et empoche
trois »6(*). En
d'autres mots la plus-value qui ressort du travail de l'ouvrier est
empochée par le capitaliste ; pire, le travailleur, producteur de
la plus-value et donc de richesse est aliéné dans le travail mais
mieux par l'objet de son travail qui tend à s'objectiver. Mais comment
le penseur de Trêve décrit-il cette aliénation ?
Pour Marx, le produit d'un travailleur devient une chose qui
s'objective. Elle devient une réalité extérieure qui
s'impose à lui, bien qu'il ait lui-même produite. A cet effet,
dit-il « le fait exprime simplement ceci : l'objet que le
travail produit son propre produit, se dresse devant lui comme un être
étranger, comme une puissance indépendante du
producteur »7(*).
En ce moment, le produit du travail apparaît comme le travail qui s'est
fixé, matérialisé dans un objet, il est objectivation du
travail. Ainsi « la réalisation du travail est son
objectivation »8(*). Par ailleurs, dans le monde de l'économie
cette réalisation du travail apparaît comme
« déréalisation du travailleur, l'objectivation
comme perte de l'objet et comme asservissement à
celui-ci »9(*).
Au clair, la réalisation du travail se
révèle être une déréalisation de l'ouvrier
qui est déréalisé au point de « crever de
faim »10(*).
Aussi, le concept d'aliénation renvoie-t-il dans le philosopher marxien
à la perte d'autonomie du travailleur dans l'activité productive
elle-même ; car « le travail est extérieur, il
n'appartient pas à son être dans son travail l'ouvrier ne
s'affirme pas mais se nie ; il ne s'y sent pas à l'aise mais
malheureux »11(*). Dans cette perspective, dans le travail, les hommes
ne vivent pas leur propre vie, mais remplissent les fonctions
préétablies. Pendant qu'ils travaillent, ce ne sont pas leurs
propres besoins et leurs propres facultés qu'ils actualisent mais ils
travaillent dans l'aliénation.
En un mot, le jeune Marx a étudié
l'aliénation par le travail, résultat de la soumission du
travailleur aux relations sociales. Relations sociales
caractérisées dans le système capitaliste par la division
du travail et par la production des marchandises. Dès lors, il s'agit
pour l'individu travaillant de l'impossibilité de mettre en oeuvre ses
propres capacités et qualités bloquées par ses entraves
sociales et économiques « son travail n'est pas
volontaire, mais contraint » 12
Sur cette base, le discours sur l'aliénation a
constitué l'un des carrefours de la sociologie critique dans les Temps
modernes et plus précisément au milieu du XIXe siècle,
sous ses formes savantes comme sous ses formes populaires il a
été un des pôles majeurs du discours public et politique de
l'après-guerre et s'est diffusée avec une facilité
déconcertante par les biais de l'enseignement, du journalisme, du
cinéma, de la lecture .C est dans ce sens qu'abonde François
châtelet , dans sa présentation de la Critique de la philosophie
du droit de Hegel en écrivant ceci « la
référence à l' aliénation n' a pour terrain que les
discussions de lutte entre intellectuel » 13
En bref, en occident et ailleurs, pendant l'intervalle
d'un peu plus d'une décennie, l'aliénation a constitué le
terme clé d'un discours critique qui voulait prendre acte obsolescence
de la problématique du paupérisme. Le discours
philosophico-sociologique sur l'aliénation a donc servi de carrefour
à un ensemble disparate d'approches méthodologiquement et
thématiquement très diverses à savoir le capitalisme, les
institutions caractéristiques de la rationalisation, la
société de consommation, la culture industrialisée, les
médias de masse qui voulaient toute trouver une inspiration authentique
dans l'image subjective de grandes machines anonymes et froides dans la
société contemporaine et capable d'enclencher les dynamiques
irrépressibles. De proche en proche, tous les phénomènes
sociaux menaçaient même de se voir ré décrits selon
le modèle de l'aliénation ; tous semblaient illustrer ce
mouvement d'une extériorisation qui tourne mal. D'où la
complexité de l'aliénation ou encore `' le désigné
indésignable'' car « la notion même d'aliénation
est problématique »12(*). Cependant, au fond, dans toutes les approches,
l'aliénation restait bien le fait que l'homme se perdait, se
déshumanisait dans ses nécessaires qui rendait alors la
société intransparente à elle-même. Ainsi, concevoir
la société contemporaine comme « une
société de consommation » fille des nouvelles
technologies et partant la critiquer n'est-ce pas mettre en scène la
dialectique de l'émancipation anthropologique ? Pour faire simple,
peut on dire que l aliénation contemporaine est tributaire du
boom technologique de la postmodernité ?
JUSTIFICATION DU THEME
En ce XXIe siècle où la propriété
privée est plus que jamais légalisée ; où la
démocratie semble garantir les droits de l'homme et du citoyen et
où les Etats sont devenus les partenaires économiques, quel
intérêt y-a-t-il à relire Karl Marx, penseur
qualifié d'ennemi de « la société
ouverte »13(*)
par Karl Popper épistémologue contemporain ? Sinon en quoi
ce penseur allemand qui est mort il y a 126 ans peut-il nous être
utile ? Voilà autant de question qui s'imposent à notre
cheminement intellectuel.
A ces questions, nous répondons que la doxa ne peut
imputer à Marx les mésusages idéologiques qui ont
été faits de ces théories dans tel ou tel contexte
politique après sa mort en 1883 ; mais aussi que l'idée
même d'émancipation , notion chère à Marx, conserve
à nos yeux toute sa pertinence, toute son actualité. En effet,
depuis sa critique de la philosophie du droit de Hegel, Marx est
arrivé à la conclusion selon laquelle c'est la
société qui est la clef de l Etat .Cependant, dans la
perspective marxienne, la société civile repose elle-même
sur un ensemble de rapports sociaux qui sont le résultat de
l'activité économique de l'homme .Autrement, ce sont les
activités économiques qui régissent la vie communautaire
des hommes. Cela dit, on peut en déduire que l'Etat étant par
définition une communauté humaine vivant sur un même
territoire et soumise aux mêmes lois, aux mêmes autorités, a
pour fondement l économie politique .mais avec Marx cette
science humaine par définition : « ne s'occupe pas
de l'homme »15. C'est d'ailleurs ce paradoxe que ce
philosophe allemand va tenter de clarifier et déceler par-dessus toutes
les contradictions qu'elle campe, qu'elle porte en elle et partant
démontrer son inhumanité.
C'est cet effort unique de penséité, de voir
l'arrière face de la littérature économique capitaliste
qui nous a conduit dans l'époque moderne avec en ligne de mire Karl
Marx. Cette époque qui était celle du zénith de la
critique celle du « crépuscule des idoles » bien que
ces mots s'attribuent à Nietzsche (1844-1900), un autre moderne, c'est
bien Marx qui en a donné le « coeur »14(*),sa vitalité. En effet,
il écrit « la critique n'est pas la passion du cerveau mais le
cerveau de la passion ... Sa passion fondamentale est l'indignation, son
oeuvre essentielle la dénonciation »16.
Le choix de ce penseur s'est imposé par son souci de
sauver l'homme de ces situations aliénantes. Par ses oeuvres, Karl Marx
n'a-t-il pas fourni au vocabulaire philosophique des notions telles que le
prolétariat, le travail aliéné, la révolution
matérielle, le socialisme, le capitalisme et aux travailleurs cet appel
atemporel : « Prolétaires de tous les pays
unissez-vous ! »15(*), qui fait de lui l'ami des pauvres et des
travailleurs. On qualifie généralement sa philosophie de
matérialiste. Dès lors, pour saisir sa portée, il faut
tenir compte de certaines précisions. Dans le langage courant, les mots
« idéalisme » et
« matérialisme » servent, le plus souvent, à
désigner des attitudes devant la vie et des jugements moraux que l'on
porte sur ces attitudes. Est dit « idéaliste » celui
qui a un idéal, de nobles sentiments, des ambitions
élevées. Peut-être lui reproche-t-on à l'occasion de
n'avoir pas tout à fait les pieds sur terre. En tout cas la hauteur de
ses vues, la grandeur de ses acceptions forcent à l'admiration.
Au contraire, on nomme matérialiste, celui qui
s'attache à son `'confort'', aux avantages personnels qu'il peut obtenir
aux plaisirs les plus bas. Au sens philosophique, l'idéalisme, c'est la
philosophie pour laquelle les idées, la pensée, sont
premières, existent avant tout autre chose, la matière est la
seconde. La philosophie matérialiste a la position contraire, elle
considère que la matière est la réalité
fondamentale, première.
En définitive, l'idéalisme qui donne la place
aux idées, pensera que pour améliorer la société,
il faut d'abord changer les mentalités ; la libération de la
femme par exemple, sera principalement une question de changement de
l'état d'esprit actuel. Le matérialisme, au contraire
considère qu'il faut d'abord prendre de mesures concrètes pour
changer l'état de fait et que c'est la condition pour que les
idées évoluent. Par exemple, c'est en offrant aux jeunes filles
une formation professionnelle aux métiers les plus diverses que l'on
fera le mieux reculer l'idée selon laquelle elles ne sont pas capables
d'exercer que les métiers féminins traditionnels. C'est d'
ailleurs ce que tente d expliquer Simone de Beauvoir dans Le deuxième
sexe « il n'y a pas d'essences
prédéfinies féminines » Ainsi Karl Marx
invite-t-il ses contemporains à quitter le royaume de l'illusion
métaphysique, le monde des diverses aliénations pour que l'homme
sache que ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais
plutôt la vie qui la détermine.
Par ailleurs, on peut trouver chez Hegel « à
peu près tout ce qu'a dit Marx y compris le rôle du travail, de la
production, des classes »16(*). De sorte que l'on ne peut nier la continuité
entre ces deux pensées. Cependant, l'ordre et l'enchainement,
l'orientation et la perspective, le contenu et la forme diffèrent
radicalement de sorte que l'expression d'une brusque discontinuité ne
s'impose pas moins que celle d'une continuité sans hiatus. Quel est donc
ce hiatus ?
Hegel explique le monde comme étant l'automanifestation
de l'idée ou de l'esprit.cet esprit qui est fondamentalement le
même du monde, existe d'abord comme une sorte `'d'esprit pur'' existant
avant le monde et les esprits humains. Autrement, l'aliénation serait
dans l'esprit, dans la pensée abstraite. Ainsi, pour Hegel, tout se
passe dans la pensée, dans l'abstraction, dans la `'conscience''. De ce
fait, `'la résolution du problème'' de l'aliénation ne
devrait qu'être affectée par la même abstraction. Mieux, de
même que les aliénations ne sont conçues par Hegel que sur
le mode abstrait, de même, selon lui, les éléments dont
l'homme s'enrichit à travers les méditations successives ne
constituent qu'un enrichissement abstrait. C'est d'ailleurs pour cela que Marx
emploie ces formules dans La sainte famille « Hegel
place ici au lieu de l'homme la conscience de soi : ainsi la
réalité humaine aux visages multiples apparaît ici
seulement comme une forme déterminée, comme une
détermination de la conscience de soi [...] Hegel fait de l'homme,
l'homme de la conscience de soi de l'homme, l'homme réel et donc
conditionné. Il met le monde sur la tête sens dessus
dessous »17(*).
Ainsi donc, Hegel pose l'idée comme « le
réellement réel ».
Pour Marx, le stade de l'aliénation où il y a
opposition du sujet à l'objet n'est qu'une transition. Maintenant, il
faut penser l'aliénation dans l'extériorité de l'homme,
car ce n'est pas la conscience qui détermine la vie mais plutôt la
vie qui détermine la conscience. Entendons par le
terme «extériorité », la
société, la vie réelle de l'homme. C'est ce que Marx
explique dans cette lumineuse phrase : « nos besoins et nos
plaisirs ont leurs sources dans la société ».18(*) En suivant pas à pas
l'itinéraire philosophique de Karl Marx par rapport à la notion
d'aliénation, il sera judicieux de mettre en lumière les
propositions de Feuerbach à l'égard de l'idéalisme
hégélien.
En effet, ce philosophe allemand venant après Hegel, a
renversé les positions idéalistes en positions
matérialistes. Selon le `'ruisseau'' de feu qualificatif nominal marxien
en parlant de Feuerbach, ce n'est pas l'idée qui engendre le
réel, c'est-à-dire le monde matériel, c'est au contraire
la réalité matérielle qui est à l'origine des
êtres existants. De plus dans L essence du christianisme oeuvre
majeure de Feuerbach, publiée en 1841, prenant à parti la
religion en général, montre comment celle-ci est une
idéologie qui a pour fonction de rassurer, de permettre, dans l au-
delà, des satisfactions qui sont refusées ici-bas, de construire
le double imaginaire qui confère idéalement ordre et
spiritualité à un monde réel désordonné et
sordide.
Ce renversant de la pensée hégélienne
par Feuerbach va inspirer Marx. Mais pour ce dernier, l`aliénation doit
définitivement sortir de l'aune de la pensée spéculative
abstraite pour « prendre pour point de départ les
pratiques sociales effectives ». D'où cette maxime
« les philosophes n'ont qu'interpréter diversement le monde,
il s'agit maintenant de le transformer ».19(*)
Ainsi, de la religion en passant par la politique et
l'économie, Karl Marx, même s'il est victime de quelques
contestations quelque peu fondées soient-elles demeure une
référence. Nonobstant quelques remises en causes qui sont
d'ailleurs le témoignage de la mutation sociale incessante avec son
corollaire de libéralisme économique dans une
société de consommation. L'oeuvre de Karl Marx a eu une
prospérité considérable. Aussi est-ce dans la critique de
l'histoire de la production capitaliste qu'on se débarrasserait de
l'aliénation. En cela, Karl Marx a constitué une des figures non
moins négligeables de l'investigation philosophique et surtout de
l'amélioration de la vie sociale de l'homme. Ainsi, il va concevoir la
philosophie non pas comme une discipline qui s'enfermerait dans des discours
vains et oiseux mais un outil intellectuel de prise de conscience et surtout
d'émancipation de l'homme. De fait écrit-il
« l'émancipation de l Allemand, c'est l émancipation de
l homme. La tête est la philosophie, son coeur le prolétariat
». Dés lors, sa conviction se résume en ces lignes :
« (...) c'est dans la vie réelle que commence la science
réelle positive, la représentation de l'activité pratique,
du processus du développement pratique ». Marx se propose sans
nul doute de transformer la philosophie dans la pratique et dans la
théorie. Pour lui, donc, la seule arme fondamentale, c'est la
critique ; la critique marxienne ne va pas se poser à un moment
infini de la philosophie mais à élaborer une philosophie
critique. Elle va être un mouvement de `'climanen'', de
déclinaison, de la pensée et le réel, c'est-à-dire
il aura une critique philosophie chez Marx dès lors qu'il montre qu'une
démarche n'est pas en phase avec la réalité.
Les critiques menées dans les différents
domaines tels que la religion et l'économie, de la même
façon sa réflexion sur l'Etat ne finiront de nous convaincre du
rôle unique qu'a eu ce penseur moderne et modèle dans l'histoire
de la pensée occidentale et même en Afrique. C'est d'ailleurs, ce
paradigme philosophique qui nous a tiré d'un `'sommeil
dogmatique `'.Du coup, notre éveil va être
auréolé d un constat : nos sociétés actuelles
sont le reflet de multiples aliénations prédisposant l homme
contemporain dans un malaise existentiel. Et selon nous, la pensée de
Marx peut jouer aujourd'hui le rôle qu'a joué la physique de
Newton par rapport à la physique moderne, celle de la relativité,
de l'énergie nucléaire, des atomes et des molécules ;
c'est-à-dire d'une étape dont il faut partir, une
vérité à une certaine échelle, une date (une
référence). Il n'est donc pour nous pas question, selon le
schéma habituel du « révisionnisme » de
considérer la pensée de Marx en fonction de ce qui y aurait de
nouveau dans le monde depuis deux siècles. Au contraire, la
démarche que nous voudrions adopter consiste en des
déterminations de ce qu'il ya de `'nouveau'' dans le monde à
partir des conceptions de l'aliénation d'avant Marx. Aussi, tenons-nous
compte des changements dans les forces positives, les rapports de production,
les structures sociales, car Héraclite le présocratique
avertit-il en ces mots : « on ne se baigne pas deux fois dans le
même fleuve ». Mieux encore « l'histoire a toujours
remplacé un système de conditionnement par un
autre »20(*),
renchérissait Herbert Marcuse.
ESSAI DE PROBLEMATISATION ET ORIENTATION DE LA THESE
Selon la définition d'André Lalande2(*)2 de l'aliénation,
celle-ci serait engagée dans une histoire de psychologie, de maladie
mentale dans laquelle le sujet aliéné serait dangereux pour
lui-même ou pour les autres sans être légalement responsable
du danger qu'il constituerait. Cette définition, en descendant dans le
fond comporterait une gangue idéaliste puisqu'elle engage l'esprit, Le
psychisme et un noyau matérialiste ; car le danger, qui en
résulte, a un effet sur la matière, sur l'extérieur,
lesquelles soumettrait donc le concept au rouet de la lutte éternelle
entre le matérialisme et l'idéalisme. Mais un regard
rétrospectif sur l'histoire de la pensée montre que c'est
l'aliénation elle-même qu'il faut pluraliser selon les conceptions
diverses. Qu'est-ce-à-dire ?
S'il est vrai, en effet, que l'aliénation comporte un
noyau, c'est celui-ci, lui-même qui est fendu et éclaté en
plusieurs versants devenus autant de version de l'aliénation. Dans ces
conditions, il n'est donc pas superflu de s'interroger sur les diverses formes
de l'aliénation pré-marxienne, marxienne, post-marxienne. Car
cette notion se trouve prise dans un vertige qui la pousse dans toutes les
directions. Les conceptions ont tant multiplié leurs divergences qu'il
est devenu quasiment impossible de les ramener à une même notion.
Autrement dit, l'aliénation serait aliénée et
aliénante, séparée d'elle-même.
Dans cette profusion de sens, il s'est installé
l'impression désagréable que l'aliénation a perdu toute
signification univoque. Notre objectif sera donc de faire une remise en
perspective de la notion de l'aliénation. Il ne saurait être une
volonté d'achèvement, mais simplement une tentative de poser la
question en attirant l'attention sur la diversité des
interprétations, ces métamorphoses et les dangers qui les
provoquent. À cet effet, l'aliénation, comme on le voit, est donc
une notion complexe dont la chasse ne peut s'identifier à une
pêche à la ligne.
Cependant, dans une sorte « d'approximation
grossière »2(*)3, on peut classer les acceptions du concept en deux
catégories opposées selon « le palabre » de
l'idéalisme et du matérialisme. Il y a une acceptation
« positive » qui définit l'aliénation comme
enrichissement de l'être ; comme moment du devenir total de
« l'en-soi-pour-soi ». Plus précisément dans
la dialectique expérimentale ou phénoménologique de la
conscience, l'aliénation est le processus par lequel « le moi
sujet » projette « le moi substance »,
c'est-à-dire la vérité hors de lui-même devient
aussi l'extérieur. Ce qui est bien exprimé par le terme allemand
`'Entäusserang'' qui veut dire extériorisation.
À l'opposé, il y a une acception non pas
négative mais pratique ou encore qui trouve son moment d'exercice dans
la praxis dans laquelle l'aliénation s'annonce comme des situations dans
lesquelles l'Homme s'est perdu, a perdu sa liberté et donc il faut le
sauver. Tel est d'ailleurs le voeu de Marx. Pour ce penseur de Trêve,
l'aliénation est un phénomène total. Elle concerne l'homme
existant comme Homme, d'où l'humanisme beat de ce penseur.
Vérité et existence se trouvent ici unies : elles sont
ensemble mises en question, elles sont ensemble retrouvées.
Pour Hegel, qui se sait en possession de l'achèvement
du savoir, tout est intégré, tout est reçu, tout est
simple moment du devenir total. Chez Marx, au contraire, nous nous trouvons non
pas au terme du savoir mais au coeur d'une tâche dans laquelle, les
hommes sont en état de tension, de lutte. Autrement dit, Marx est plus
attentif à une perte par détermination ou l'objectivation qu'a un
enrichissement par les déterminations successives. Dès lors, Marx
a une conception plus large de l'aliénation débordant en
particulier de l'économie sur l'idéologie et le politique, mais
il est préoccupé surtout par l'aliénation fondamentale qui
est celle du travailleur salarié. A ce titre, le concept
d'aliénation peut être rapproché sans grand risque des
termes d'exploitation, d'oppression, mais l'auteur du Capital
est plus `'riche'', il y ajoute cette notion particulière que
traduisent les mots tels que `'dépouillement, dessaisissement,
dépossession'' ; le travailleur salarié est
dépouillé de ses instruments de production, ceux qu'il utilise
sont la propriété du capitaliste qui a acheté sa force de
travail. Il est dépossédé du produit matériel de
son travail et pire « plus le travail est devenu intelligent, plus
l'ouvrier s'est abruti et est devenu l'esclave de la nature »2(*)4. Ainsi donc, notre
démonstration ici nécessite d'être établi dans les
rapports du trinôme économique et politique et
société. Pouvons- nous aller à l'essentiel en disant que
Hegel a pensé l'aliénation sous son alcane idéaliste
théorique et Feuerbach en apportant sa vision, a renversé les
positions idéalistes sous le couvert de la critique de la religion. Car
pour lui, ce n'est pas l'idée qui engendre le réel,
c'est-à-dire le monde matériel, c'est au contraire, la
réalité matérielle qui est à l'origine des
êtres existants.
Avec Marx, l'aliénation est une forme
spécifiquement capitaliste dans laquelle « l'économie
politique dissimule l'aliénation dans l'essence du travail en refusant
de considérer le rapport direct entre l'ouvrier (le travailleur) et la
production » et surtout anthropologique qui s'origine dans un
dispositif de production où l'échange est étendu à
tout l'univers social. Cependant, avec l'école de Francfort, notamment
avec Marcuse, « le concept d'aliénation devient
problématique », car les individus se retrouvent dans les
objets qui modèlent leur vie. Mieux, ils s'identifient à
l'existence qui leur est imposé et qu'ils y trouvent réalisation
et satisfaction.
Telles sont de façon succincte les mutations qu'a subi
la notion d'aliénation à l'époque des penseurs modernes.
Pour montrer le mécanisme évolutif de la compréhension de
cette notion, nous nous proposons d'articuler notre réflexion
provisoirement autour de deux grands axes. Dans la première partie, nous
parlerons de l'aliénation comme notion problématique.
L'aliénation de son essence allemande, marque ce qui est étranger
(entfredung) et extériorisation (veranssenung). Mais
l'extériorisation est elle richesse ou
déshumanisation ?
Telle est notre préoccupation à ce niveau de
réflexion. Dans la deuxième partie, nous montrerons les nouvelles
formes de l'aliénation. Autrement, nous avons conscience d'une ancienne
avec son corollaire de la critique économique faite par Karl Marx.
Cependant, avec les nouvelles technologies et la mondialisation des
marchés économiques, la logique critique de ce penseur peut elle
être dépassée, dé-passable au sens
hégélien du terme : « le terme
dépassé est en même temps quelque chose de conservé
qui a seulement perdu son existence immédiate »25.
Bref chaque époque a -t - elle son aliénation ?
25_ JACQUELINE (Russ), Dictionnaire de
philosophie (Paris, Bordas, 1996), P67
PLAN PROVISOIRE DE LA THESE
INTRODUCTION
GENERALE
PREMIERE PARTIE : L'ALIENATION : Notion
problématique
· CHAPITRE I : Les controverses sur
l'aliénation
A - Hegel et sa présentation positive de
l'aliénation
B - La révolution du discours
feuerbachéen de l'aliénation
· CHAPITRE II : Les déterminations
anthropologiques marxiennes de l'aliénation
A - Le travail aliéné
B - L'argent, symbole de dépossession de
l'homme
C - Du dépassement possible de
l'aliénation chez Marx
DEUXIEME PARTIE : Les formes nouvelles de
l'aliénation
· CHAPITRE I : Les nouvelles formes de
contrôle
A - La rationalité scientifique et
technologique
B - De la société de production
à la société de consommation
· CHAPITRE II : L'aliénation
économique contemporaine
La mondialisation : Une
idéologie économique aliénante
CONCLUSION GENERALE
PREMIERE PARTIE: L'ALIENATION, notion
problématique
CHAPITRE I : LES CONTROVERSES SUR L'ALIENATION
A - HEGEL ET SA PRESENTATION POSITIVE DE
L'ALIENATION
Hegel est le philosophe allemand qui, au niveau
philosophique, a le premier élaboré ce concept complexe et
spécifique de l'aliénation. Même Marx en a conscience en
écrivant ceci : « A l' origine, le terme
d'aliénation est un terme économique et juridique. C'est Hegel
qui l'a élevé à la dignité
philosophique »2(*)6. Par ailleurs, si nous partons du fait qu'être
aliéné signifierait de façon littérale, devenir
autre. Or si devenir `'autre'' ne veut pas dire que le `'je'' serait devenu un
quelconque `'tu''. Alors, avec le philosopher hégélien,
l'idée du même est sans équivoque puisque c'est le
même qui a subit son négatif, car
dit-il : « toutes les choses sont contradictoires en
soi »2(*)7.
La contradiction est la marque de l'infini dans le fini pour
l'obliger à sortir de soi. Elle est la négation de soi-même
et l'affirmation de soi comme autre. Il y a ainsi, opposition dans l'être
qui est travaillé par le négatif. Cette conscience de la
contradiction dans les choses et surtout son dépassement, Hegel les
trouve dans la dialectique qui traduit le mouvement intrinsèque de la
réalité. La contradiction est l'âme de la dialectique et
elle s'incarne dans les figures de l'aliénation et la scission qui
traduit le mouvement dialectique même.
La dialectique n'est pensable qu'en présupposant la
division, la scission et les deux figures dialectiques, que sont
l'aliénation et la scission s'articulent ontologiquement. Ainsi, elle
implique la différence qui suppose toujours la division de l'un. Toute
position appelle négation et négation de la négation. A ce
sujet, Merleau Ponty (1908-1961) soulignait que la notion
hégélienne de négation n'est pas une solution du
désespoir, un artifice verbal pour sortir de l'embarras. Elle est la
formule de toute contradiction opérante. Autrement, la négation
de la négation, c'est le mouvement simple qui consiste à se
poser, à se nier et à se reprendre ; c'est ce que Hegel
entend par dialectique et cet `'entendement'' dialectique est la marque
généreuse d'une positivité, d'une positive
réconciliation de l'être. En effet, pour accéder à
l'unité, il faut toujours dépasser l'opposition et la vraie
unité est celle qui provient de la division.
Pour Hegel, effectivement, il n'est pas d'unité que
dans la division. L'esprit, s'étend trouvé aliéné
et donc divisé, doit se reconquérir comme unité. De fait,
pour Hegel, l'aliénation signifie perte, reconquête et donc
acquisition d'une positivité. D'où cette affirmation calvezienne
« chez Hegel, (...), l'aliénation est (...)
considérée avec sérénité : le terme n'a
pas en général un sens péjoratif »2(*)8.
Cette sérénité hégélienne
laisse transparaître que l'aliénation est comme le destin
universel. Tout être qui aspire à sa propre plénitude se
voit soumettre à la nécessité de se nier, de se poser en
s'opposant à soi, à se réaliser en se séparant de
son essence pour résorber ensuite cette opposition et surmonter cette
séparation. Autrement, il faut « passer la nuit de
l'au-delà et l'aliénation totale pour pouvoir poser
réellement la question de la réconciliation totale de l'homme
avec lui-même dans le jour spirituel du
présent »2(*)9. Autrement, Hegel fait de l'aliénation
positive, une abstraction, un fait seulement spirituel.
B - LA REVOLUTION DU DISCOURS SUR L'ALIENATION PAR
FEUERBACH
Feuerbach, philosophe allemand venant après
Hegel va opérer une sorte de révolution quant au concept de
l'aliénation. En effet, `'le ruisseau de feu'' va renverser les
positions idéalistes en position matérialiste. Selon lui, ce
n'est pas l'idée qui engendre le réel, c'est-à-dire le
monde matérielle. C'est au contraire, la réalité
matérielle qui est à l'origine des existants. Autrement, les
rapports réels de la pensée et de l'être sont les
suivant : l'être est sujet et la pensée attribut...la
pensée vient de l'être et non l'être de la pensée. De
ce fait, Feuerbach reprend à compte la notion hégélienne
de l'aliénation mais pour sa part de façon renversée. Pour
lui, il n'est d'aliénation que l'homme réel. Aussi,
démontre-t-il dans le religion que l'homme projette hors de lui sa
véritable essence et se perd dans un monde illusoire qu'il a
lui-même crée, mais qui le domine comme une puissance
étrangère. C'est pour cela d'ailleurs que Karl Marx reconnait en
un certain temps en lui la voix vers la vérité et la
liberté.
Par ailleurs, si avec Hegel, dans un souci dialectique l'homme
projette son essence hors de lui, avant de la retrouver ; avec Feuerbach,
la religion révèle à l'homme son essence mais en la
contractant en Dieu. Tel est le hic car elle l'en dépouille voire
l'aliène. Autrement, l'homme crée un être
générique de l'homme qui devient étranger à
lui-même et le fixe dans une objectivité supra-humaine.3(*)0 Ainsi donc le philosopher
feuerbachéen par le canal de la critique de la religion et du
christianisme, plus spécifiquement, présente l'homme
aliéné par le fait d'une création, sa création qui
est Dieu. Cependant, en faisant appel à l intuition sensible, il
considère passivement la sensibilité, sans la relier à l
activité pratique. Il oublie donc que l homme se modifie en modifiant
les circonstances. En ce sens, son philosopher va seulement dissoudre le monde
religieux dans le monde profane en oubliant que la séparation de ces
deux mondes a son fondement dans le monde profane lui-même,
divisé par des antagonismes.
CHAPITRE II : LES DETERMINATIONS ANTHROPOLOGIQUES
MARXIENNES DE L'ALIENATION
A- LE TRAVAIL ALIENE
Le travail peut se définir comme une activité
de transformation de la nature propre aux hommes et qui les met en relation.
Interrogeant son étymologie, le mot `'travail'' nous renvoie au concept
latin `'Tripalum'' qui désigne un instrument de
torture. Par le travail, c'est-à-dire par l'utilisation des instruments
où des outils, l'individu donne une nouvelle forme à la nature.
Le monde devient un monde nouveau. Par lui, l'individu parvient à
dominer, à maitriser la nature, à sortir de son être
immédiat. Car «l'objet du travail est fourni par la
nature »21(*)31.
C'est dans ce sens que Marcuse affirme : « le travail appartient
au domaine de la nécessité ».3(*)2
C'est par le travail que l'individu améliore ses
conditions d'existence et développe ses facultés intellectuelles.
En d'autres termes, on peut donc dire que le travail se pose comme le moyen
d'affirmation de soi. C'est ce que dit d'ailleurs Voltaire dans Candide
en ces mots : « le travail éloigne de nous trois
grands maux : l'ennui, le vice et le besoin ». Il permet
à l'individu de s'épanouir afin d'accéder au bonheur et au
bien-être social. C'est ainsi qu'il crée et élargi la base
matérielle de la civilisation. Si l'objet du travail est une chose
où un ensemble de chose que l'individu interpose entre lui et l'objet de
son travail comme conducteur de son action, il se sert alors des
propriétés mécaniques, physiques, chimiques pour agir dans
l'intension de parvenir à une fin précise. L'emploi et la
création de moyens de travail, quoiqu'ils se trouvent en germe chez
quelques espèces animales, caractérisent éminemment le
travail humain : « seul l'homme est un animal fabricateur d'outils (a
Tool making animal) ».3(*)3
Cependant, chez Marx, l'ouvrier est aliéné dans
le travail. En effet, chez lui, plus l'ouvrier s'approprie, par son travail, le
monde extérieur, la nature sensible, plus il se prive de moyens de
subsistance, et cela doublement : « premièrement, le
monde extérieur sensible cesse de plus en plus d'être un objet
appartenant à son travail, un moyen de subsistance de son travail ;
deuxièmement il cesse de plus en plus d'être un moyen de
subsistance au sens immédiat, c'est-à-dire il cesse d'être
un moyen de subsistance de l'ouvrier ».3(*)4 De ce double point de vue
marxien, l'ouvrier devient donc l'esclave de son objet. En effet, il
reçoit un objet de travail c'est-à-dire du travail ; mieux
il reçoit un objet des moyen de subsistance. Il lui doit donc la
possibilité d'exister en tant qu'ouvrier et en tant que sujet physique
et « le comble de cette servitude est que seule sa qualité
d'ouvrier ou de travailleur lui permet de se conserver en tant que sujet
physique et que ce n'est plus en tant que sujet physique qu'il est
ouvrier. »35
L'aliénation de l'ouvrier dans son objet
s'exprime selon les lois de l'économie résumées par Marx
en ces mots : « plus l'ouvrier produit, moins il a à
consommer, plus il crée des valeurs, plus il perd sa valeur et sa
dignité, plus il forme son produit, plus l'ouvrier est difforme, plus
son objet est civilisé, plus l'ouvrier est barbare, plus le travail est
puissant, plus l'ouvrier est impuissant »36. En clair,
dans le travail productif, l'homme est déshumanisé. Aussi,
l'économie politique dissimule t elle l'aliénation dans le sens
du travail en refusant de considérer le rapport direct entre l'ouvrier
(le travail) et la production, et c'est ce que Marx tente de démasquer.
Certes, « le travail produit des merveilles pour les riches mais
pour l'ouvrier, il produit le dénuement. »37.
Dans cette perspective, chez Marx, si l'homme ne peut
s'épanouir dans le travail, il est contraint par le pouvoir
économique ; or, « le royaume de la liberté
commence seulement là où l'on cesse de travailler par
nécessité et opportunité imposée de
l'extérieur. Autrement le travail ne doit plus être ce Tripalum
originel c'est ainsi qu'à la fin des « Manuscrits de
1844 » il établit une nouvelle société où
chaque individu doit se trouver intégré dans le travail productif
avec les autres hommes et dans une lutte commune avec la nature. S'il ya
aliénation, c'est parce qu'il ya exploitation de l'individu dans la
société par le détenteur des moyens de production. Et ce
système est propre au capitalisme. Selon Weber, « le
capitalisme est identique à la recherche du profit, d'un profit toujours
renouvelé dans une entreprise continue, rationnelle et capitaliste. Il
est la recherche de la rentabilité. Il se définit par l'existence
d'entreprises dont le but est de faire le maximum de profit et dont le moyen
est organisation rationnelle du travail et de la
pensée ».3(*)8 En un mot, le travail aliéné est le
fait de l'égoïsme du capitaliste.
En définitive, si le travail est le
père et la mère de la richesse comme le dit William Petty, il est
aussi source d'aliénation dans le philosopher marxien. Mieux, Marx
rejette ce slogan pompeux à teinture
capitaliste : « le travail est la source de toute richesse
et de toute culture ».En effet , pour lui, cette phraséologie
s' inscrit plus que jamais dans l'optique de l' économie politique
bourgeoise ; car l' activité est une activité
matérielle , qu' il s accomplit dans certaines conditions et qu' il
implique les moyens spécifiques c' est- à-dire sociaux et
nécessitant la présence d'une classe démunie de capital .
Marcuse ne semble pas dire le contraire dans Eros et
Civilisation : « le travail aliéné, c'est
l'absence de satisfaction, la négation du principe de
plaisir ».3(*)9
Et encore, si le travail n'apparait dans le discours des
économistes capitalistes, que sous la forme d'activité en vue
d'un gain, c'est que l'ouvrier, au stade de
« l'économie », ne met plus sa vie en action que
pour acquérir les moyens de subsister .Si l'ouvrier ne se sent pas
auprès de lui-même qu'en dehors du travail ,c'est qu'il n'y voit
qu'un moyen transitif en vue de la jouissance .Pour le dire en termes kantiens,
la synthèse a priori du travail et du plaisir devient sous le
capitalisme `'necessitas problematica `' ,impératif
hypothétique :si tu veux manger ,travaille ;c'est que le
travail y a atteint le « degré suprême de
l'aliénation »40.Pire ,ce qui va compter pour le
travailleur ,ce sera la rémunération en argent que consentira le
capitaliste après l'opération de production.
B - L'ARGENT, SYMBOLE DE LA DEPOSSESSION DE
L'HOMME
En tant que moyen d'échange, remplaçant le
« troc », l'argent a depuis lors été saisi
par les économistes capitalistes comme une marchandise qui
dépendait du rapport entre les frais de production, de l'offre et de la
demande. Dès lors, Marx en se demandant si le salaire est
déterminé par le prix en argent, écrit « Au XVIe
siècle, lors et l'argent en circulation en Europe augmentèrent
par suite de la découverte en Amérique de mines plus riches et
plus faciles à exploiter ».
De ce fait, la valeur de l'or et de l'argent baisse par
rapport aux autres marchandises. Ces ouvriers continuèrent à
recevoir la même masse d'argent monnayée que le prix en argent du
travail, le salaire réel nominal, ne coïncide pas avec le salaire
réel, c'est-à-dire avec la quantité de marchandise qui est
réellement donnée en échange au salaire. Autrement, si le
salaire nominal, c'est-à-dire la somme d'argent pour laquelle l'ouvrier
se vend au capitaliste, si le salaire réel, c'est-à-dire la
quantité de marchandises qu'il peut acheter est réel. Cependant
cet argent n'épuise pas les rapports contenus dans le
salaire. 4(*)1
Le salaire est déterminé avant tout par son
rapport avec le gain, avec le profit du capitaliste. Ainsi, le rapport de
l'homme à l'homme est régulé par le gain, le salaire
puisque sans celui-ci les objets de la substance ne peuvent venir à
l'homme. La marchandise de l'argent pose l'homme et l'objet à
égale distance. Autrement exprimé, là où il y a
frais de production où de demande, il y a l'objet et en même temps
l'homme ; puisque c'est l'homme qui est au début et à la fin
de ce trépied économique. Par ailleurs, l'économie
politique, dans sa visée de la création et de la circulation va
poser l'argent au centre de l'existence humaine, mais en dehors de l'homme,
c'est là son inhumanité. D'où cet adage populaire, `'celui
qui n'a rien, n'est rien'' ; or, avec Erich Fromm, fin lecteur de
Marx « «plus on a, plus on aliène sa
vie »4(*)2. C est donc dire que plus l'homme
s'abandonne à l'avoir, à l'argent, moins il se possède
lui-même. L homme met sa vie dans l objet et dés lors celle-ci ne
lui appartient plus, elle appartient à l objet : « Tout
ce que l'économiste vous prend en matière de vie et
d'humanité, il vous le rend sous forme d'argent et de biens
matériels »4(*)3 .Comment peut il en être autrement quand, en
à croire Marx, la vie elle-même est considérée
comme la guerre des intérêts et l argent le nerf de cette
guerre ? Quelle guerre peut-on alors gagner sans armes ? Pour dire
avec Marx que dans la société bourgeoise aucune existence ne
semble possible sans argent.
Ecoutons ce que ce penseur allemand dit à ce
propos : « l'argent est l'entremetteur entre le besoin et
l'objet, entre la vie et le moyen de subsistance de l'homme ». Il
ressort de ce qui suit que l argent se pose comme le médiateur, servant
de lien entre toutes chose ; il place donc l homme et l objet à
égale distance. Ainsi, Marx écrit « ce qui grâce
à l argent est pour moi, ce que l argent peut acheter je le suis
moi-même moi le possesseur de l'argent ».En somme, retenons nous
chez Marx, que la perversion et la confusion de toutes les qualités
humaines et naturelles, `'la fraternisation `' des impossibilités
de l' argent sont impliquées dans son essence en tant qu' essence
générique aliénée des
hommes : « il est la puissance aliénée de
l'humanité »44
C - DU DEPASSEMENT POSSIBLE DE L'ALIENATION
CHEZ MARX
Penser avec Marx la fin de l'aliénation, c'est penser
aux moyens de parvenir à la réalisation de l'homme total. Tel est
l'enjeu de son action intellectuelle et son messianisme. En effet, la question
qui l'a préoccupé, occupé et amené à porter
son regard critique sur toute la sphère de la vie sociale, est celle de
l'émancipation humaine. Le but de l'histoire est, alors, la
réalisation complète de l'humain, l'avènement de l'homme
total. Mais il semble bien que Marx ait vu en la fin de l'aliénation
économique la fin de toutes formes d'aliénations. C'est que chez
lui, l'aliénation économique est celle de la « vie
réelle » ; sa suppression embrasse donc toutes les
autres. L'aliénation économique est donc décrite et
dévoilée dans ses formes et fonctions dans Les manuscrits
de 1844 et aussi plus tard dans son célèbre ouvrage
Le Capital mais avec un nouveau vocable : le
fétichisme de la marchandise et apparaît comme le fondement
même des aliénations. Viser son dépassement ou du moins sa
suppression de toutes ces autres, c'est dire que notre `'être-au-monde''
est aliéné. Dès lors, comment le penseur de Trêve se
convint-il de la suppression de l'aliénation ?
44_ Marx (Karl), Manuscrits de 1844 (Paris,
Editions sociales,1969), p122
Marx a eu très tôt conscience que c'est dans la
priorité que s'origine l'aliénation économique et le
dépassement de celle-ci signifie l'abstraction de la
propriété privée. Aussi, de ce rapport du travail
aliéné à la propriété privée, il
résulte, en outre, que si la société se libère de
la propriété privée, de la servitude, etc., cette
libération prendra la forme politique de l'émancipation des
ouvriers. Mais il ne s'agit pas seulement des ouvriers, car après la
dictature du prolétariat, moment transitoire de l'histoire,
l'émancipation prolétarienne deviendra l'émancipation
universelle de l'homme, parce que toute la servitude humaine est
impliquée dans le rapport de l'ouvrier à la production, et que
tous les rapports de servitude ne sont que des variantes et des
conséquences.4(*)5
Le fait important à souligner est qu'il fait porter toute la dynamique
de la désaliénation à la classe ouvrière, à
la classe prolétaire d'où cet appel
« prolétaires de tout pays,
unissez-vous ! »46. Et ajoute Marcuse Herbert
« la solidarité reste le facteur décisif, ici aussi
Marx a raison ».4(*)7 En d'autres mots, dans la logique marxienne de la
libération de l'espèce humaine, l'union, l'unité est le
socle, le fondement, le ciment. Ainsi, le mouvement de
désaliénation va être exercé par la classe
prolétarienne et c'est même elle qui va donner son
impulsion ; car les prolétaires n'ont rien à y perdre que
leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner.48
L'économie est la base de l'aliénation. En
effet, affirme-t-il « Les sentiments humains se situent en
dehors de l'économie politique et l'absence de l'humanité se
situe en elle ».4(*)9 Telle est la prémisse majeur de Marx, et la
mineure sera développée en ces termes « On
comprend aisément pourquoi tout le mouvement révolutionnaire
trouve nécessaire son fondement tout théorique qu'empirique dans
le mouvement de l'économie ».5(*)0 Le mouvement révolutionnaire est ainsi
porté par la classe ouvrière et l'aliénation, née
avec la propriété privée, ne peut disparaître
qu'avec elle. La pensée de Marx se précise : c'est au
communisme qu'il confère cette tâche de
désaliénation, d'humanisation de restauration de
l'humanité de l'homme. De fait le philosopher marxien présente
l'enseignement que l'homme est l être suprême de l'homme,
c'est-à-dire à l'impératif catégorique de renverser
tous les rapports sociaux qui font de l'homme un être humilié,
asservi, abandonné .Cependant, maintes questions se laissent poser en ce
deuxième millénaire. Suffit-il de penser la
désaliénation pour qu'elle soit effectivité ? Ou
encore, le concept d'aliénation n'a-t-il pas survécu à
cette profession de foi de Marx quant à sa disparition ? La
société de consommation de notre ère n'a-t-elle pas
crée une nouvelle forme d'aliénation ? Tel sera le centre
d'intérêt de la deuxième partie de notre travail.
DEUXIEME PARTIE : LES NOUVELLES FORMES DE
L'ALIENATION
Qu'attendons-nous par formes nouvelles de
l'aliénation ? De façon concrète, dans le groupe de
mots « formes nouvelles », nous avons `'formes'' et
`'nouvelles'' qui supposent qu'il y a eu des anciennes ou modernes formes de
l'aliénation. Aussi faut-il distinguer l'aliénation du
XIXe siècle à celle du XXIe siècle.
Au X1Xe siècle, l'aliéné avec Marx était
en première instance le prolétaire, car dit-il
« l'existence d'une classe ne possédant rien que sa
capacité de travail est une condition première [...] du
capital ». Mais qui est le prolétaire ? Le
prolétaire est avant tout un travailleur manuel qui dépense et
qui épuise son énergie physique au cours du travail, même
s'il travaillait sur des machines. Pour s'approprié la plus-value, le
capitaliste achetait et utilisait cette énergie humaine dans des
conditions animalisantes, c'est ce qui donnait à l'exploitation ses
aspects révoltants et inhumains. Marx avait donc dénoncé
la peine physique, la misère physique du travail. Tel est d'ailleurs,
l'élément matériel, tangible que l'on trouve dans
l'esclavage salarié et l'aliénation.
Mais aujourd'hui, le mécanisme du travail est de plus
en plus perfectionné dans le « capitalisme
avancé », tout en soutenant l'exploitation, modifie l'attitude
et le statut de l'exploité. De fait, en comparant les conditions du
travailleur aliéné du X1Xe siècle
critiquées par Karl Marx à celle du XX1e
siècle, on pourrait très vite dire que dans les stades
antérieurs du capitalisme, le capitalisme perdait « sa valeur
et sa dignité ». A contrario, le travailleur contemporain
exerçant dans les secteurs de la société vit
l'aliénation de façon voilée voire `'raffinée'',
car sa vie est sous le contrôle de la technologie où encore de la
rationalité technicienne.
CHAPITRE I : LES NOUVELLES FORMES DE CONTROLE
A- LA RATIONALITE SCIENTIFIQUE ET
TECHNOLOGIQUE
La technique est un procédé
particulier, une « tactique » que l'on utilise pour mener
une bonne opération concrète, pour fabriquer un objet
matériel ou l'adapter à sa fonction. Elle est aussi l'ensemble
des applications des connaissances scientifiques à la production (la
production industrielle) de biens et de produits utilitaires. Car, comme le dit
Marcuse, « les techniques fournissent la base même du
progrès, la rationalité technique fournit le modèle
d'esprit et le comportement pour les réalisations
productives ».
Avec les penseurs scientifiques comme Descartes,
on constate que le développement de la technique aura comme corollaire
la désacralisation de la nature. La nature ayant perdue son
caractère sacré, devient un objet que l'on doit manipuler en vue
de sa survie. Bref, avec Descartes s'institue un nouvel ordre, celui de
l'individu. L'individu devenu ingénieur, technicien, doit être
« comme maître et possesseur de la nature. ».
Malgré ces projets audacieux visant le bonheur de l'individu, celui-ci
ne cesse d'être la proie de mille souffrances.
Cette souffrance de l'individu est accentuée par
l'évolution de la science et de la technologie. Tel est d'ailleurs le
regret de Hans Jonas en ces termes : « la promesse de la
technique s'est inversée en menace ». C'est dire que la
technique loin de tirer l'individu de sa souffrance, pèse au contraire
sur lui comme l'épée de Damoclès.
En effet, avec la révolution industrielle, l'outil
commence à être mû par un mécanisme et non par la
main de l'ouvrier. C'est elle qui inaugure au XVIIIe siècle la
révolution industrielle : « machine-outil, écrit
Marx est donc un mécanisme qui ayant reçu le mouvement convenable
exécute avec ses instruments les mêmes opérations que le
travail leur exécutait auparavant avec des instruments pareils.
Dès que l'instrument, sorti de la main de l'homme est manié par
un mécanisme, la machine outil a pris la place du simple outil. Une
révolution s'est accomplie alors même que l'homme reste le moteur.
Le nombre d'outil avec lesquels l'homme peut opérer est limité
par le nombre de ses propres organes. L'organe d'opération manuel, que
la révolution industrielle saisi tout d'abord laissant à l'homme,
à côté de la nouvelle besogne de surveiller la machine et
d'en corriger les erreurs de sa main, le rôle purement de
moteur ».
De cette nouvelle ère de la production, l'ouvrier va
jouer un nouveau rôle ; En ce sens que le travail parcellaire du
prolétaire de la fabrique tend à être réduit
à la surveillance, à la correction au service de machines-outils
de plus en plus exigeantes et aussi à boucler les trous de la
mécanisation en agissant lui-même comme une pièce du
mécanisme, à être un accessoire conscient de la machine. La
prolétarisation se développe alors avec la diminution de la
qualification des ouvriers manuels. Autrement dit, la main de l'individu tend
désormais à être remplacée dans toutes les
opérations de maniement d'outil et on assiste à des grandes
productions qui permettent le développement de la coopération et
de la division technique du travail.
Vu ce rôle important que joue la technique dans la
société, Marx insiste sur la tendance au développement ,du
rôle de la science ,de la production avec les ensembles mécaniques
matériels de plus en plus considérables faisant mouvoir les
outils au lieu de l'habilité personnelle de l'ouvrier. C'est le
traitement des conditions objectives de la production par l'application
systématique de la science à la technologie qui tend à se
développer.
Il ressort de ce qui précède que la civilisation
industrielle transforme l'organisme humain en un instrument toujours plus
sensible, plus différencié, plus malléable et elle
crée une richesse sociale assez large pour transformer cet instrument en
une fin en soi.
Mieux, dans la société de contemporaine, en
dépit de tout changement, la fameuse épée
caractérisée par la technique est plus que jamais pesante sur
l'homme. Aussi, la technique, elle-même, est tributaire d'une
rationalité dénommée la rationalité scientifique et
technologique. Dès lors, qu'est-ce-que la rationalité
scientifique et technologique ?
La rationalité scientifique et technologique
est « L'expression même de la raison, mise au service de
tous les grands groupes, de tous les intérêts
sociaux »51. Autrement, la rationalité scientifique
et technologique surpasse, transcende a priori les considérations
marxiennes de la société de classe.
Selon Marcuse, la rationalité scientifique et
technologique enrôlée dans le système de production
capitaliste, loin de libérer l'homme des contraintes réelles, tue
en lui le sens de son humanité, la conscience de son aliénation.
En effet, écrit-il « Le nouveau conformisme, c'est le
comportement social influencé par la rationalité technologique.
Il est nouveau parce qu'il est rationnel à un degré sans
précédant »52. Autrement, les merveilles de
la rationalité scientifique envoie l'homme `'au pays des merveilles'' et
s'oublie ; oublie les arrières plans des merveilles technologiques
c'est-à-dire son cote déshumanisant car « le sujet
aliéné est absorbé par son existence
aliénée »53. Mais que le sujet soit
absorbé par l'aliénation ne signifie pas qu'il n'y a plus
d'aliénation. Aussi « si l'ouvrier et son patron regarde le
même programme de télévision, si la secrétaire
s'habille aussi bien que la fille de son employeur [...], s'ils lisent tous le
même journal »54, cette assimilation n'indique pas
la
51_Marcuse (Herbert), L'Homme
unidimensionnel (Paris, minuit, 1968), P.34
52_Idem. P36
53_Idem. P34
54_Idem. P38
disparition des classes. Ainsi, la rationalité
scientifique et technologique voile avec ses fleurons, les rapports
réels des hommes, leurs aliénations d'où « son
caractère rationnel de son
irrationalité »55.
Par ailleurs, devenue la rationalité politique
suprême de la domination de l'homme par l'homme, la rationalité
scientifique et technologique administrant l'homme dans toutes les dimensions
de son existence l'introduit dans une société totalitaire
où il n'est plus qu'un outil technologique au service de l'appareil de
production. A cet effet, Jean-François Lyotard souligne dans
« La condition postmoderne » écrit en 1979 que
l'homme postmoderne doit désormais vivre sans
« métarécits ». Les métarécits
(ou grands récits) sont les mythes et plus tard, les doctrines
historiques du progrès dont les sociétés se sont
alimentées jusqu'à l'ère moderne. Mais, après les
horreurs de la guerre et des régimes totalitaires, aucun
« lendemain chantant » ne pouvait plus être attendu
ni de la science ni des idéologies politiques. L'homme ne peut plus
compter sur la vérité, le progrès ou la révolution
pour atteindre le bonheur et la liberté ; il doit s'accommoder de
la domination des techniques et des sciences sur son existence, sans toutefois
pouvoir leur faire confiance pour ce qui est de son bien-être.
En définitive, voulons-nous montrer dans cette partie,
le règne de la technologie dans « le nouveau monde »
qui comme le capitalisme critiqué par Marx, masque l'aliénation
du XXIe siècle dans la mesure où « les gens se
reconnaissent dans leurs marchandises, ils trouvent leur âmes dans leur
automobile, leur chaîne de haute fidélité, leur maison
à deux niveau »56. En ce sens, l'aliénation
est certes problématique mais existe bel et bien. Dès lors, la
mutation effective de l'aliénation n'est-elle pas à
considérer hic et nunc ?
56_Idem
B - DE LA SOCIETE DE PRODUCTION A LA SOCIETE DE
CONSOMMATION
La révolution industrielle a eu pour corollaire
l'émergence d'une société de production de masse. La
perception de nouveau monde comme des marchés, c'est-à-dire de
débouché pour les manufactures des pays colonisateur dans le
dynamisme de cette révolution, Marx a annoncé le triomphe de la
classe ouvrière dans la lutte supposée des classes, et le
progrès de la société occidentale vers un monde sans
classe : « puissent les classes dirigeantes trembler à
l'idée d'une révolution communiste ! Les prolétaires
n'ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à
gagner ». Et cette révolution, cette émancipation de
l'ouvrier vient du constat marxien selon lequel «
l'aliénation n'apparaît pas seulement dans le résultat,
mais aussi dans l'acte même de la production à l'intérieur
de l'activité productive elle-même ». Autrement,
l'ouvrier est aliéné, déshumanisé dans son rapport
de domination de la nature. Cependant, de Marx à nos jours, il y a eu
loin sans faut une mutation même si l'homme s'inscrit dans un continuum
de production de masse ; il est plus que jamais un `'grand consommateur''.
Par conséquent, la question qui s'impose à nous au XXIe
siècle est la suivante : l'homme est-il aliéné dans
la consommation ?
Esquisser une réponse à cette question,
reviendrait d'abord à se demander ce qu'est la société
consommation.
Le terme « société de
consommation » est la simplification du terme
« société industrielle de consommation »
définie par Henri Lefebvre comme étant l'état du
capitalisme après la seconde guerre mondiale. La société
de consommation, comme le complément du nom l'indique, est une
société dans laquelle l'achat des biens de consommation est
à la fois principe et finalité de cette société.
Autrement exprimé, les biens ne sont plus un moyen mais une fin pour
l'homme avec cette devise « ce qui neuf est
beau ».Ainsi , la nouveauté constitue le cercle vicieux
de « l'achat de consommation ».Aussi, le marketing devient
il source de supercherie.
De fait, considérons cet exemple extrait d'une affiche
vantant les mérites d'un yaourt. Elle exhibait le slogan suivant :
le meilleur dans l'abricot, c'est le yaourt ! Dans un premier temps,
l'énoncé de cette formule publicitaire banale suscite peu de
réaction. Peu à peu, le côté étrange de la
formulation, l'inversion de substances constituantes du produit :
l'abricot et le yaourt, laisse percer la perversité de la tournure. D'un
point de vue linguistique, celle-ci se présente comme une proposition
logique et affirme : « de XX c'est XX » ; or, en
bonne logique, une proposition est soit vraie, soit fausse, soit
indécidable. En l'occurrence, elle est rigoureusement `'a-logique''. En
effet, quel esprit sensé peut admettre que le meilleur d'un fruit soit
un produit fabriqué à partir du lait ? Dès l'instant
où nous trouvons cette formule acceptable, le marketing a
gagné.
En annihilant notre esprit critique, il a
oblitéré nos capacités à résister à
ses injonctions. C'est là que réside sa puissance d'injonction et
nous devenons des consommateurs aliénés. Ainsi donc,
l'aliénation dans la société de consommation est le fait
d'une supercherie organisée, planifiée, pensée par le
capitaliste pour écouler avec profit ses produits. En somme, dans la
société de consommation, l'homme est doublement
aliéné. Aliéné par l'objectivation de vendre sa
force de travail pour obtenir les marchandises nécessaires à la
production de ses conditions de survie. Aliéné par la fascination
qu'exercent ces mêmes marchandises sur son imaginaire. Aussi, les
techniques raffinées de marketing sont-elles les vecteurs efficaces de
cette forme d'aliénation douce, de cet
« éloignement » dans « la
représentation » du citoyen, du consommateur.
CHAPITRE II : L'ALIENATION ECONOMIQUE
CONTEMPORAINE
La question qui sous-tend notre réflexion en ce moment
de notre pèlerinage intellectuel est : qu'est-ce-que
l'économie politique ? Et que fait-elle de l'homme du XXIe
siècle ?
L'économie politique, ce sont deux concepts qui
renvoient à la pratique unique, en l'occurrence une science. Cette
science est aujourd'hui appelée sciences économiques. Cette
dernière étudie les phénomènes de production, de
circulation, de répartition et de consommation des richesses d'une
société donnée. Pour l'Histoire, il convient de savoir que
l'expression apparaît en 1615, date que correspond théoriquement
à la renaissance. A cette même époque, l'économie
politique devient une discipline de pensée autonome,
détachée de la philosophie et préoccupée
exclusivement de la création, de la circulation des biens
matériels à l'échelle nationale d'où l'association
des deux mots économie et politique. Cependant, en 1844 avec le fameux
ouvrage Les manuscrits de 1844, Karl Marx va aborder cette science sous un
double point de vue. En effet, dans un premier temps, Marx, est conscient que
l'économie politique est une science qui procure la richesse, mais cette
richesse à qui profit-elle ?
Sa réponse à cette question sera
caractérisée par son côté humaniste, car il se
demande si la répartition de la richesse ne crée pas en soi des
frustrations d'une classe par rapport à une autre. Ainsi, de 1844, Marx
n'aura pratiquement qu'une obsession : investir la saisie idéaliste
du réel en une saisie réaliste des possibles. Cette inversion ne
pourrait se faire, à ses yeux, que par la transformation des conditions
matérielles de la vie économique et surtout de la sphère
de la production. Pour mener à bien son projet, il a visé ce que
bien peu de ses émules ont été capables de poursuivre. Une
critique philosophique des représentations théoriques que les
économistes donnaient de la vie économique. La pensée
philosophique est pour Marx un outil d'analyse destiné à se
dissoudre lui-même dans la réalisation concrète des
conditions matérielles d'une économie pleinement
émancipatoire ; pour cela il faut pouvoir déceler en
permanence les absolutisations et les réifications qu'opère
l'économie politique quand elle se pose en représentation
« positive » du monde social, c'est-à-dire quand
elle théorise les relations économiques d'une époque
historique comme si elles étaient ancrées dans les principes
ontologiques intemporels. Or, dans la perspective marxienne,
l'historicité de l'économie politique n'est nullement une affaire
de débats scolastiques entre théoriciens. Elle est liée
à l'historicité même de l'économie politique, en
l'occurrence l'ensemble des relations économiques qui ordonnent une
société et qui, plus profondément, génèrent
et systématisent les structures de sens que la société est
à même de proposer pour le meilleur et pour le pire à ses
membres à tel ou tel moment historique. Nous sommes en 2008, au XXIe
siècle que Marx a dénoncé et critiqué son
inhumanisme se trouve sans nul doute au XXIe siècle avec sa propre
caractéristique notifiée par la marchandisation du monde et des
hommes, facilitée par la mondialisation.
LA MONDIALISATION : UNE IDEOLOGIE ECONOMIQUE
ALIENANTE
La mondialisation est définie par le Fond
Monétaire International comme « l'interdépendance
économique croissante de l'ensemble des pays du monde, provoquée
par l'augmentation du volume et de la variété des transactions
transfrontières des biens et des services, ainsi que des flux
internationaux des capitaux, en même temps que par la diffusion
accélérée et généralisée de la
technologie »57. De ces mots, la mondialisation est
présentée comme un mouvement économique inéluctable
et universel. Elle est donnée aussi « comme une chance pour
les pays sous-développés ; car elle leur offrirait de
nouvelles opportunités pour mieux exploiter leurs avantages
comparatifs »58.
En clair, la mondialisation serait une aubaine de
développement pour les pays en voie de développement. Toutefois,
la condition, c'est le renoncement du protectionnisme et à
l'omniprésence de l'Etat. Autrement, avec la mondialisation tous les
« coups » sont permis sans un arbitre quelconque. En ce
moment, cette « économie-monde » peut friser ce
qu'on pourrait appeler `'l'anarchisme économique'' ou si l'on veut
« le laisser-faire ». Aussi, la mondialisation est
l'expression du triomphe planétaire de l'économie capitaliste de
marché qui s'impose aujourd'hui à tous. C'est bien ce que
signifie le mot anglais de « globalisation ». Celui-ci
désigne la fin de la fragmentation des espaces économiques et
leur réunification dans et par un processus d'interdépendances
intensifiées et renforcées par l'intrication des réseaux
de productions, d'échanges et d'information.
Ainsi répondant à la question
« qu'est ce qu'un nouveau monde ? », Georges
Balandier, écrivain, anthropologue français affirme ceci
57_NIAMKEY (Koffi), Cours de DEA, 2007-2008
58_Idem
« En économie, c'est par exemple celui des
espaces structurés pour les nouveaux centres de puissances, les capitaux
mobiles, les formes mondiales ou organisées en
réseaux ». A cet effet, la mondialisation change
complètement le décor de la politique économique en
mettant en cause les principes et modes d'organisation économique
fondés sur l'unicité et la cohérence du système dit
national à savoir : l'Etat national, l'économie nationale,
la monnaie nationale, l'éducation nationale, l'administration nationale,
la culture nationale, l'écosystème national. Or si nous partons
du fait que l'aliénation est le fait d'une perte d'identité,
alors la mondialisation dans sa tension et sa prétention à
l'universalisation, l'homme serait pris dans le piège de la
mondialisation qui est « la nouvelle internationale du
capital ». Autrement, le capitalisme se généralise sans
entrave. Le dire aussi, c'est réitérer notre confiance en Marx
dans sa critique du capitalisme partant de l'économie politique :
« les sentiments humains se situent en dehors de l'économie
politique »59.
En ce XXIe siècle, la mondialisation, triomphe
planétaire de l'économie capitaliste de marché induit deux
formes de concurrence mondiale. Dans la première, les entreprises
multinationales envisageant la concurrence pays par pays. Autrement, les pays
se livrent une bataille économique pour asseoir leur leadership et gare
au perdant, car celui-ci sera sous le diktat économique du leader. A
l'inverse, dans la concurrence mondiale, la situation concurrentielle d'une
entreprise est fortement influencée par la situation dans les autres
pays. L'entreprise mondiale, en mettant en oeuvre une stratégie mondiale
pour maximiser ses avantages concurrentiels par le biais d'une approche
mondiale intégrée, échappe aux normes nationales et
réduit ainsi les Etats à un rôle de `'suiveur''. Ainsi, les
entreprises, les firmes sont devenues les maîtres du
59_ MARX (Karl), op.cit.
monde. Or là où il y a maître il y a
forcement esclave. Et ici, les pays sont rendus esclaves par le flux financier
et dépendant des marchés internationaux. Les prix du café
et du cacao, en prenant l'exemple de la Côte d'Ivoire sont fixés
par l'extérieur et imposés par les pays vivant de ce
binôme. En un mot, comme l'indique Robert Reich, la mondialisation nous
commande de rompre avec ne vision périmée de l'économie
fondée sur une référence à la rationalité.
Exprimé autrement, toute l'économie nationale doit
s'aliéner dans la mondialisation. Cependant, le devenir autre, la perte
d'identité, de carte d'identité des économies des pays
sous-développés pour être une source de croissance
« si et seulement si les pays développés, trop jaloux
de leur hégémonie, ne poussait le jeu du libre-échange par
les barrières non tarifaires et subséquemment par la
détérioration des termes de l'échanges ». A dire
vrai, la recherche de projet perpétuel des pays capitalistes traduisent
toujours cet avertissement marxien « Nous ne devons même pas
les croire lorsqu'ils disent que plus le capitaliste est gras, plus son esclave
s'engraisse. La bourgeoisie est trop avisée, elle calcule trop bien pour
partager les préjugés du grand seigneur que tire vanité de
l'éclat de sa domesticité »60.
En définitive, si la mondialisation est perçue
comme un phénomène d'internationalisation, pouvant être un
processus positif puisque supposant une aventure
généralisée des nations et des peuples les uns aux autres.
Néanmoins Elle véhicule dans ce processus une idéologie
antihumaniste régulée par une perspective hautement
économique partant la marchandisation du monde et surtout des hommes.
C'est en mot, la domination de l'économie sur la
société.
60_MARX (Karl), Travail salarié et
capital, (Pekin, Editions langues étrangères, 1970), p42
CONCLUSION GENERALE
Réfléchir sur l aliénation ,c est
fondamentalement s immiscer dans un débat intellectuel
,métaphysique dans lequel tout le monde aurait raison de par son
versant ,sa vision .C est donc faire comme OEdipe sur la route de
Thèbes ,c est à dire déchiffrer à son niveau des
énigmes pour s assurer le pouvoir comprehensionnel du concept
.Cependant, il importe de déplacer la question cruciale c est à
dire changer de scène : « comprendre qu' il n y a
pas à changer la vérité de la société par le
biais de la fausseté de son idéologie mais à prendre pour
point de départ les pratiques sociales effectives et à essayer de
fixer le mécanisme (...) » ; c est donc dire que une
réflexion sur l aliénation est tributaire de l époque
sociale du sujet pensant mais aussi en interrogeant le passé car d
après les mots de Marx « les philosophes ne sortent pas de
terre comme des champignons mais ils sont le fruit de leurs
époques ( ...) ils sont pas extérieurs au monde
» .
Ainsi, pour nous, en suivant le temps, Marx a pensé l
aliénation et surtout montré son impact sur l homme empirique du
XIX siècle mais qu'est elle devenue au XXI siècle ?
L'aliénation s'est elle accentuée ?
En répondant à une telle interrogation, c
était d abord suivre l itinéraire du concept depuis Hegel en
passant par Feuerbach avant de mieux saisir le philosopher marxien. De ce
dernier, avions nous retenu que c'est, avec Hegel, que le concept a acquis sa
lettre de noblesse philosophique. Cependant, ce philosophe s'est
évertué à expliquer le monde comme étant
l'automanifestation de l'idée ou l'esprit. Cet esprit est
fondamentalement le même du monde, existe d'abord comme une sorte de pur
esprit existant avant le monde et les esprits humains, c'est-à-dire le
stade de l'en-soi de l'esprit où il est substance reposant en
elle-même.
Mais ici, ce qui est présent ne signifie pas
l'effectivité « objective »61, qui a sa
conscience au-delà ; chaque moment singulier, entendu comme essence
reçoit celle-ci, et par là l'effectivité d'un autre, et,
dans la mesure où il est effectif, son essence est quelque chose d'autre
que son effectivité : «Rien n'a un esprit fondé et
immanent dans lui-même »62. Autrement, tout en
dehors de soi dans un esprit étranger. Ainsi donc, l'équilibre du
tout, selon Hegel, n'est pas l'unité demeurant auprès de soi et
son apaisement, c'est-à-dire l'apaisement de l'unité
retrouvée dans soi mais repose sur l'aliénation de ce qui est
« opposé »63. Le tout, par
conséquent, comme chaque moment singulier, est une réalité
aliénée de soi.
Ainsi, pour Hegel, le concept d'aliénation est
présenté comme positif, lieu de réalisation de l'homme.
Pour Ludwig Feuerbach, il faut placer l'homme réel au centre du concept
de l'aliénation. Pour cet hégélien de gauche étant
« le lien le plus net entre Hegel et Marx »64.
Il n'est d'aliénation que de l'homme et au niveau religieux. C'est la
théologie y compris la logique de Hegel, c'est-à-dire à
théologie fait logique, une théologie laïcisée qui
aliène l'homme, le sépare de lui-même. Elle
extériorise dans la divinité ses qualités et ses forces
(beauté, bonté, puissance...) pour ne plus considérer
l'homme comme l'absolument négatif, la somme de toutes les
nullités : être fini, imparfait, temporel, impuissant,
pécheur. Pour se réaliser authentiquement c'est-à-dire se
réapproprier toutes ces qualités essentielles, les hommes doivent
donc dissiper cette illusion théologique et reprendre ainsi sur leur
aliénation religieuse. Une philosophie matérialiste faite de
l'homme joint à la nature comme base de l'homme, l'objet unique de la
philosophie. Ainsi, les individus pourront à
61_HEGEL, phénoménologie de l'esprit,
(Paris, Gallimard), p441
62_Idem
63_Idem
64_D'HONDT (Jacques), Hegel, Philosophie de
l'histoire vivante, (Paris, PUF), p64
nouveau participer pleinement et adéquatement à
leur essence : `'le genre'' ou `'l'homme''. Les êtres humains sont
ici considérer non comme des êtres spirituels relevant de quelques
manières d'un esprit transcendant au monde matériel, mais comme
des êtres sensibles, matériels, naturels, se rapportant aux seules
déterminations du monde matériel. Cette théorie va
impressionner `'le jeune Marx'' et le pousser à écrire ceci
« Feuerbach a surmonté une fois pour toute la vieille
opposition entre le spiritualisme et le matérialisme ». Plus
loin, il écrit « il est le premier qui soit parvenu à
la saisie de l'homme réel »65.
Avec Karl Marx, il est question de l'émancipation de
l'homme. A cet effet, il va s'inspirer fortement de la notion
hégélienne d'aliénation, de la dialectique et surtout du
renversement feuerbachéen du concept d'aliénation. Ainsi, y
reprend-t-il encore à son compte l'idée de l'aliénation
religieuse, la critique de la philosophie hégélienne et de la
philosophie en générale comme religion transposée dans la
pensée. Dans sa `'Critique de la dialectique hégélienne et
de la philosophie allemande'', il s'affirme d'obédience
feuerbachéenne et déclare « seul Feuerbach dans ce
domaine, a fait les véritables découvertes ; c'est lui, en
somme, qui a vraiment triomphé de l'ancienne
philosophie »66.malgré qu'il adapte ses
idées, elles lui paraîtront toutefois insuffisantes. Marx reproche
à Feuerbach sa conception abstraite de l'essence humaine et son analyse
sur l'aliénation de l'homme dans la projection religieuse. Il rejettera
également le caractère idéaliste du concept
d'aliénation chez Hegel et partant la philosophie
hégélienne. En effet, pour lui, Hegel est un philosophe bourgeois
dont la pensée fait le jeu de la classe dominante, car sa philosophie ne
permet que la libération des intellectuels, des artistes, des
philosophes. C'est une pensée sans action, donc rien ne changera.
65_ MARX (Karl), Critique de l'économie
politique, op.cit. p.13
66_ MARX (Karl), Critique de la dialectique
hégélienne et de la philosophie allemande, in philosophie
(Paris, Gallimard, 1968), p156
Or Marx part d'un postulat révolutionnaire :
« les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de
diverses manières ; ce qui importe, c'est de le
transformer ». Aussi, Marx s'octroie-il une méthode et des
principes découlant de ce qu'Henri Lefebvre nomme avec raison le
matérialisme dialectique67.
En effet, la logique formelle ne peut refléter la
réalité (A ne reste jamais A). Les réalités
sociales évoluent, mais aussi morales, les philosophes, les religions.
La réalité est contradictoire. En se combinant, ces forces
contradictoires forment les synthèses provisoires qui servent de point
de départ à de nouvelles oppositions. La réalité
concrète est donc dynamique et toute analyse devrait épouser ce
caractère. Ainsi, aucun phénomène ne peut être
isolé, aucun niveau de la réalité ne peut être
isolé. Un phénomène comme la pollution ne peut être
compris si l'on l'isole des mécanismes économiques, du
développement scientifique, des médias...
Il est donc évident que la conception marxienne de
l'aliénation et son moment de l'émancipation de l'homme, quoique
dépassés ont beaucoup de mérites et eu égard au
vécu quotidien. En effet, même si Héraclite nous enseigne
qu'on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve, nous savons que
malgré le mouvement, le fleuve garde toujours son appellation. Par
analogie, le concept d'aliénation a subi une mutation et est devenu
problématique dans sa compréhension contemporaine.
Par ailleurs, pour Herbert Marcuse, l'aliénation est
problématique quand les individus s'identifient avec l'existence qui
leur est imposée et qu'ils y trouvent réalisation et
satisfaction. Cette identification n'est pas « une illusion mais une
réalité »68. Or cette réalité
n'est, elle-même, qu'un stade plus avancé et
67_LEFEBVRE (Henri), Le Matérialisme
dialectique, (Paris, PUF, 1990)
68_MARCUSE (Herbert), op.cit. p36
partant de là l'aliénation est devenue tout
à fait objective ; le sujet aliéné est absorbé
par son existence aliénée. Autrement, dans la
société industrielle avancée, les réalisations du
progrès défient leur mise en cause idéologique aussi bien
leur que leur justification devant son tribunal, la fausse conscience de leur
rationalité est devenue la vraie conscience.
En un mot, l'aliénation contemporaine est
assumée par les fleurons de la modernité. Le producteur
contemporain est donc doublement aliéné. Aliéné par
l'obligation de vendre sa force de travail, son intellectualité pour
obtenir les marchandises nécessaires à la production de ses
conditions de survie. Aliéné par la fascination qu'exercent les
mêmes marchandises, fleurons de la techno-science, sur son imaginaire.
Pire, le niveau de vie des producteurs s'accroissant, l'aliénation s'est
raffinée.
En définitive, pour nous, l aliénation du XXI
siècle est la `'dictature'' de certaines créations de l'homme
moderne. C'est dire que par la technique et la science, l'homme est devenu
plus que jamais esclave de son travail, des objets de son travail, de sa
création et dire en plus qu'il faut travailler plus pour avoir plus,
c'est faire fi quelque part, en amont, des conditions de travail de l' homme
postmoderne et légitimer définitivement, en aval, le pouvoir du
capital, de l'argent sur la dignité humaine.
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Plan possible de la thèse
INTRODUCTION GENERALE
-------------------------------------------------------1
PREMIERE PARTIE : L'Aliénation, notion
problématique-----------------------16
Chapitre I : Les controverses sur
l'aliénation----------------------------------------16
A- Hegel et sa présentation positive de
l'aliénation-----------------------------16
B- La révolution du discours feuerbacheen de
l'aliénation--------------------18
Chapitre II : Les déterminations
anthropologiques marxiennes
de l'aliénation
--------------------------------------------------------------------------20
A- De l aliénation religieuse à l aliénation
du travail
----------------------------------------------------------------20
B- L'argent, symbole de la dépossession de
l'homme-----------------------23
De l'aliénation à la désaliénation
chez Marx---------------------25
DEUXIEME PARTIE : Les formes nouvelles de
l'aliénation-----------------28
Chapitre I : Les nouvelles formes de
contrôle------------------------------------29
A- La rationalité scientifique et
technologique-------------------------------29
B- La société de production à la
société de consommation----------------33
Chapitre II : La mondialisation : une
économie politique du capitalisme
contemporain-------------------------35
A -L'argent, le dieu absolu du monde contemporain
B-Le néocapitalisme : une domination nouvelle
de l économie sur la société
CONCLUSION
GENERALE-----------------------------------------------------40
BIBLIOGRAPHIE-----------------------------------------------------------------45
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* 2 - KARL (Marx).- Les
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* 3 - Idem
* 4 -Idem
* 5 -Idem
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* 8 - Idem
* 9 - Idem
* 10 - Idem
* 11- Idem
12_Idem
13_Idem
* 12 - MARCUSE (Herbert).-
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* 13 - POPPER (Karl).- La
société ouverte et ses ennemis, Marx et Engels, traduction
Jacqueline et Philippe Monod (Paris, Editions du Seuil, Tome II)
* 14 - Cité par Kostas
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* 15 - KARL (Marx).- Le
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* 16 - Cité par Jean
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* 17- Idem
* 18 - KARL (Marx).- Travail
salarié et capital, (Pékin, Edition Langues
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* 19 - KARL (Marx).-
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20_ KARL (Marx).- Critique de la philosophie du droit
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* 20 - MARCUSE (Herbert).-
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Gallimard), p44
* 22- LALANDE (André),
Vocabulaire technique et critique de la philosophie , (Paris ,PUF,
1991)
* 23 - NIAMKEY (Koffi).- Les
images éclatées de la dialectique p.11
* 24 - KARL (Marx).-
Critique de l'économie politique,, (Paris, UGE, 1972), p.154
* 26 - KARL (Marx).- Les
Manuscrits de 1844, économie politique et philosophique, (Paris,
Edition Sociale, 1969), p.12
* 27 -HEGEL.- Science de la
logique, traduction Jankélevitch, (Paris, Aubier, 1975, Tome III)
p.58
* 28 critique de
l'économie politique, op.cit .pp6-7
* 29 .idem, p9
* 30 .idem
* 31 -KARL (Marx )
.-Manuscrits de 1844 ,(Paris, Editions sociales ,1844 ),p.138
* 32 -MARCUSE (H.).-Eros et
civilisations, , (traduction NENY et FRAENKEL, (paris, minuit 1976)
,p.93
* 33 -KARL (Marx).-le
capital, traduction Roy (Paris Editions sociales ,1867), p.138
* 34 -KARL (Marx) .-critique de
l'économie politique , op. cit. P.158
35_Idem
36_Idem
37_Idem
* 38 .WEBER (M.).- Etapes de
la pensée sociologique (Paris, Gallimard)
* 39 - Marcuse ( H .)
Eros et civilisation, op. Cit. , p.50
40_ Marx, Manuscrits de 1844 Trad. Jean Pierre
Gougeon (Paris, Flammarion 1996), P24
* 41 -KARL (M.) .- Travail
salarié et capital , op.cit .p.32
* 42 -FROMM (Erich).-Avoir
ou être un choix dont dépend l'avenir de l'homme, (Paris,
Edition Robert Laffont, SA.1978) p.10, P182
* 43 -Idem p.182
* 45 -KARL (Marx).- op.cit
.XVII, P.234
* 46 -MARCUSE (H.) ,op. cit
.Préface de l'Edition française, p.13
47_Marx et Engels, Manifeste du parti communiste,
(Paris, Librairie générale française, 1973) p55
48_Idem
* 49 - KARL (Marx), op .cit.
XXIII
* 50 -KARL (Marx), op .cit,
XVI, p.228
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