Université de Nice Sophia-Antipolis
IAE de Nice
Département des Sciences de la Communication
MASTER 2 Communication Organisationnelle Mention :
MARKETING-STRATÉGIE
La notion de beauté féminine et
son impact à travers la publicité
|
Mémoire de recherche présenté et
soutenu publiquement par
Elsa Sahuc
Mme V. Hauch
Maître de Conférences en Management
Interculturel
ANNÉE 2009/2010
1
![](La-notion-de-beaute-feminine-et-son-impact--travers-la-publicite1.png)
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Université de Nice Sophia-Antipolis
IAE de Nice
Département des Sciences de la Communication
MASTER 2 Communication Organisationnelle Mention :
MARKETING-STRATÉGIE
La notion de beauté féminine et
son impact à travers la
publicité
|
Mémoire de recherche présenté et
soutenu publiquement par
Elsa Sahuc
Mme V. Hauch
Maître de Conférences en Management
Interculturel
ANNÉE 2009/2010
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Remerciements
En premier lieu je tiens à remercier Mme Loufrani, qui a
été ma responsable de Master tout au long de cette année
scolaire, pour ses conseils et ses enseignements, en ce qui concerne ce
mémoire mais aussi la communication en général.
Je tiens bien sûr à remercier mon tuteur de stage,
Mme Hauch, qui m'a guidée tout au long de ce travail, dont je ne
connaissais que très mal les rouages.
Merci à M. Baldet, pour m'avoir accueillie en stage au
sein de son entreprise, et ainsi m'avoir fait profiter d'une nouvelle
expérience professionnelle dans la publicité, un secteur de la
communication qui me tient particulièrement à coeur.
Je me dois de remercier également Florence Duroyon, qui
m'a beaucoup aidée et guidée durant ce stage, et sans qui
j'aurais souvent été un peu perdue...
Merci à Laetitia Fisher et à Mélanie
Marinheiro Da Cruz pour leurs réponses, et pour avoir été
de très agréables collègues de travail.
Merci à Céline Courtin pour m'avoir fait partager
l'univers du graphisme, et mieux comprendre des aspects indispensables du
traitement de l'image.
Sommaire
Introduction p6
Chapitre I : L'évolution de la conception de
« beauté physique » à travers les siècles et
les
cultures p8
I.1. La Préhistoire .
p9
I.2. L'Antiquité p10
I.3. Le Moyen Âge ..
p13
I.4. La Renaissance p14
I.5. Période classique (XVIIe siècle)
p16
I.6. Période moderne (XVIIIe et XIXe
siècle) p17
I.7. Période contemporaine (XXe et XXIe
siècle) p20
I.8. La beauté non occidentale p22
Chapitre II : La notion de beauté féminine
aujourd'hui dans la publicité, une omniprésence
et un dictat auquel on ne peut pas échapper
p25
II.1. La représentation du corps à
travers l'imaginaire social p26
II.2. La marchandisation du corps : pression sociale
et santé p28
II.3. L'aspect économique ..
p30
II.4. Les médias, vecteurs de ce dictat
p31
II.5. Aspect juridique : quels moyens mis en oeuvre
p35
5
Conclusion p38
6
Introduction générale
Définitions
« Le beau ou la beauté est une notion
abstraite liée à de nombreux aspects de l'existence humaine. Ce
concept est étudié principalement par la discipline philosophique
de l'esthétique, mais il est également abordé en partie
par d'autres domaines comme l'histoire, la sociologie ou psychologie.
Le beau est communément défini comme la
caractéristique d'une chose qui au travers d'une expérience
sensorielle (perception) procure une sensation de plaisir ou un sentiment de
satisfaction ; en ce sens, la beauté provient par exemple de
manifestations telles que la forme, l'aspect visuel, le mouvement, le son
». Dictionnaire Larousse
Depuis que la représentation du corps est apparue, il
existe des critères physiques de beauté chez les hommes et les
femmes. Cependant ceux de la femme ont toujours été plus
importants, nombreux et stricts, ceci dû principalement à son
statut social, notamment vis-à-vis de l'homme. En effet, la femme a
jusque récemment eu pour seul atout sa beauté, étant
donné qu'il ne lui était pas permis de voter, de travailler, ni
de s'exprimer de manière générale.
Pendant mon stage, j'ai eu l'occasion d'être au coeur du
sujet, et c'est cette expérience professionnelle qui m'a
décidée à choisir cet axe de recherche. En effet,
travaillant au sein de l'agence de publicité « Zen Communication
», j'ai eu pour principales missions la sélection de modèles
féminins pour illustrer les catalogues des annonceurs. Le principal
client de l'agence pour lequel j'ai dû fournir des visuels étaient
Home Store (équipement pour la maison et le jardin). L'aspect de ce
travail que j'ai choisi de mettre en valeur est le fait que toute
sélection de modèle féminin devait répondre
à des critères physiques précis et non
négociables, et que l'on utilise le corps de la femme pour
vendre des produits qui n'ont rien à voir avec l'esthétique
féminine .
Les critères de l'esthétique féminine ont
évolué au cours des siècles, souvent pour des raisons
socioculturelles, Umberto Eco observe en concluant son ouvrage Histoire de
la Beauté, que la conception de la beauté n'a jamais
été aussi éclectique et libre qu'aujourd'hui. Du point de
vue de l'Histoire c'est compréhensible, car il est vrai qu'aujourd'hui,
contrairement au siècles passés, la
7
beauté féminine existe sous diverses formes, par
exemple toutes les ethnies peuvent être représentées, ou
encore tout style de vêtement, la femme n'a plus de "tenue obligatoire"
comme la robe fut un temps. Les mannequins des catalogues ont des couleurs de
peau et de cheveux différents, certains stylistes affectionnent
même les visages "atypiques". On comprend alors ce que l'auteur a voulu
dire par là. Mais d'un point de vue ancré dans l'époque
actuelle, les critères de beauté féminine sont loin
d'être libres et d'offrir un choix aussi vaste que l'on pourrait le
croire. Depuis quelques dizaines d'années, avec notamment
l'évolution du traitement de l'image, la beauté féminine
est devenue un véritable dictat auquel il est quasiment impossible
d'échapper. Le phénomène s'est amplifié ces
dernières années, principalement à travers la
publicité et ses médias visuels (affichage, cinéma, presse
magazine, télé et Internet).
La publicité montre que la beauté
féminine "fait vendre", et le plus surprenant est que ceci est valable
même pour des produits ou des services qui n'ont rien à voir avec
l'esthétique féminine.
La communication sur les produits ou services dans le secteur
de l'esthétique (pour le corps, le visage, les cheveux...), du
paramédical, du bien-être, du paraître en
général jusqu'au médical (chirurgie esthétique ou
réparatrice) est extrêmement présente dans nos
sociétés (Europe Occidentale, Etats-Unis, Japon, la plupart des
pays riches et industrialisés). Elle est présente dans notre
quotidien, notre culture, notre inconscient. Ce dictat du physique
matraqué par les médias touche les hommes et les femmes, mais
encore une fois les femmes et les filles en sont la cible première, et
de loin.
Problématique : Comment ses règles qui
régissent l'apparence physique sont-elles définies ? Comment et
pourquoi évoluent-elles ? De quelle façon sont-elles
utilisées par la publicité et les médias ?
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Chapitre I : L'évolution de la conception de
« beauté féminine » à travers les siècles
et les cultures.
Introduction
L'évolution des canons de beauté : un
état des lieux
En peinture par exemple, un «canon
esthétique» désigne une règle de
représentation permettant d'obtenir une grâce harmonieuse des
formes représentées.
On désigne alors par canon de beauté les normes
ayant cours à une certaine époque concernant ce qui est
considéré comme beau, et ce qui ne l'est pas. Ces normes
évoluent, et ce qui était considéré comme beau il y
a un siècle, ne le sera plus forcément aujourd'hui. Les canons de
beauté suivent l'évolution de la mode et des techniques
(techniques de maquillage, coiffure, habillement, mais aussi techniques de
représentation de l'image, en peinture par exemple, et plus tard du
traitement numérisé de l'image).
Comme les anthropologues l'observent : « La
silhouette féminine évolue à un rythme régulier
où se succèdent d'une manière cyclique trois formes de
base : la tournure, le fourreau et la cloche. »1
Changement des codes, déplacement du regard, mutation
du discours sur la beauté - à travers notre culture et nos moeurs
: l'allure, la contenance, la forme, le profil, reflètent au fil des
siècles un éventail immense de l'image de la femme que l'on veut
communiquer.
1 Nathalie Bailleux et Bruno Remaury, Modes et
vêtements, 1995, Éditions Gallimard.
9
I.1. La Préhistoire
À cette époque lointaine, les critères de
beauté sont basiques : la fécondité, la beauté
comme synonyme de survie.
Deux Vénus datant du Paléolithique (environ 24
000 avant J.C.) ont été découvertes en Europe.
Sculptées dans l'ivoire, l'os ou la pierre, ces statuettes constituent
les premières représentations de la femme.
Elles ont de nombreux points communs : des silhouettes
courtes, le visage souvent sans traits, les seins, le ventre, les fesses et les
cuisses surdimensionnés. À l'inverse, les mains, pieds, membres
supérieurs et les jambes sont plus négligés. La fonction
exacte de ces Vénus n'est pas vraiment connue, on peut supposer qu'elle
étaient utilisées comme décoration ou objets de parure car
certaines présentent un trou de suspension. D'autres ont
été trouvées dans un contexte rituel. « L'aspect
des Vénus pourrait laisser penser qu'il s'agirait d'idoles de la
fécondité et de symboles de la fertilité : beauté
et survie sont étroitement associées dans les premières
représentations de l'idéal féminin ».
2
![](La-notion-de-beaute-feminine-et-son-impact--travers-la-publicite2.png)
Venus de Willendorf, découverte en Autriche, datant de
24 000-22 000 av JC
2 Henri Delporte, 1993, L'image de la femme dans
l'art préhistorique, Éd. Picard
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Statue de Ahmes-Nefertari
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10
I.2. L'Antiquité
I.2.1 La beauté égyptienne
Corps athlétiques et culte de la jeunesse : des
critères proches de ceux que nous connaissons aujourd'hui.
Depuis les débuts de la civilisation égyptienne,
la femme est représentée selon des critères relativement
stables. Parmi les femmes célèbres pour leur beauté, on
peut citer la reine Ahmes-Nefertari. Elle faisait l'objet d'un culte de la
personnalité ainsi que d'un culte divin : les statues la
représentent comme une beauté élancée, mince et
musclée. Ses jambes sont longues, ses fesses rebondies, ses seins petits
et à sa taille est large (seul élément qu'on ne retrouve
pas dans les critères de beauté contemporains). Elle est
généralement vêtue d'une robe de lin laissant
paraître ses formes en transparence. Pour les femmes, la peau est peinte
en ocre jaune et non en rouge, comme c'est le cas pour les hommes : elles
veillent sur la maison, à l'abri des rayons du soleil. Cela leur
confère un aspect plus délicat, ce qui sera presque toujours
considéré comme une qualité féminine dans les
siècles à venir. L'oeil, déjà très ouvert,
est souligné d'un trait de khôl qui intensifie le regard. Cette
pratique cosmétique est surprenante encore une fois car elle se retrouve
de nos jours. La femme idéalisée est aussi éternellement
jeune.
Les Égyptiens avaient sans aucun doute une idée
de la beauté proche de celle que nous avons aujourd'hui.
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I.2.2 La beauté grecque
Dans la Grèce antique, la question du beau est une
question centrale. Durant le Ve et le IVe siècle avant J.C., on accorde
une grande importance à l'esthétique dans les cités
grecques. Homère (vers la fin du VIIIe siècle) parle notamment de
« beauté » et d'« harmonie », toutefois sans les
fixer théoriquement.
Les avis des philosophes
Héraclite d'Éphèse explique le Beau comme
qualité matérielle du vrai. Il met donc en avant l'idée de
vérité pour accéder à une forme de
beauté.
Démocrite voit la nature du Beau dans l'ordre sensible
de la symétrie et de l'harmonie des parties, envers un tout. Un certain
équilibre est donc important à ses yeux.
Pour Socrate, le beau et le bien sont mêlés.
L'art représentatif consiste principalement à représenter
une personne belle de corps et d'esprit.
Platon ne conçoit pas le beau comme quelque chose de
seulement sensible mais comme une idée: « la beauté a un
caractère surnaturel, elle est quelque chose d'intelligible, qui
s'adresse à la pensée »3. Il serait donc le
premier philosophe grec à voir la beauté dans une dimension
inaccessible, que l'on retrouve aujourd'hui dans les modèles de notre
société.
Un corps assez masculin
Pendant la période archaïque (VIIe-VIe
siècles avant J.C.), les statues ne représentent jamais de
personnes réelles : elles s'attachent à un idéal de
beauté, d'honneur ou de sacrifice. Cet idéal est alors
représenté par un homme jeune, entre l'adolescence et l'âge
adulte. Les femmes, quant à elles, sont enveloppées dans des
tuniques laissant voir la forme de leur corps, qui était aussi
athlétique que celui des hommes. En effet, à cette époque,
la beauté réside dans l'harmonie du corps et non dans un
quelconque artifice : seul l'exercice physique peut permettre d'obtenir
le corps musclé idéal.
Ce n'est qu'à partir du Ve siècle que l'on
représente également de vraies personnes, et aussi que l'on
accepte le nu féminin, ainsi qu'une image plus érotique et
féminine de la femme.
3 L'histoire de l'esthétique et
ses grandes orientations, M. De Wulf, Revue néo-scolastique,
1909.
|
Venus de Milo, 130-100 av. J.-C.
|
12
Le concept qui met en avant le fait d'atteindre la
beauté par le sport et l'exercice physique en général est
une idée que nous retrouverons par la suite, bien des siècles
plus tard. Il est intéressant de voir comme des idées très
anciennes qui pourraient nous paraître archaïques sont en fait
reprises à une époque moderne. C'est un phénomène
qui se répète assez souvent.
13
I.3. Le Moyen Âge
L'esthétique du Moyen Âge est très
rattachée au christianisme. On considère alors qu'il y a une la
création divine dans chaque représentation de la beauté.
Un travail important se développe sur les notions de proportion et sur
la lumière dan l'art.
Le corps de la femme est caché sous des vêtements
amples, et doit obéir à des canons particuliers. La jeunesse,
encore une fois, est exaltée, ainsi que la blondeur. La femme se doit
d'être large d'épaule et d'avoir des seins petits, fermes et
écartés, une taille de guêpe, des hanches étroites
et un ventre rebondi.
Le maquillage, sous prétexte qu'il travestit les
créatures de Dieu, est interdit par l'Eglise toute puissante. Seul le
rouge est toléré, "le rouge de la pudeur". La Vierge Marie est
alors généralement représentée comme une statue peu
féminine : elle est souvent présentée comme un simple
support ayant le Christ dans les bras. Elle a le teint très pâle,
ce qui symbolisait la pureté et la richesse. À cette
époque la blancheur de la peau est très recherchée, elle
met en valeur un statut social élevé.
14
I.4. La Renaissance
La Renaissance révèle la beauté et marque
le retour de la féminité, où certaines parties du corps
sont considérées plus dignes que d'autres « Quel besoin
de soucier des jambes puisque ce n'est pas chose qu'il faille montrer
(É). Les parties basses sont pilotis, les parties moyennes
offices et cuisines et les parties hautes faites pour le regard et
l'apparat. (É) Jamais femme effrontée ne peut être
belle et seule la contention, celle des chairs et de l'esprit,
différencie la paysanne grosse garce fessue aux formes lourdes
de la femme grêle et raffinée. »4
La femme est considérée comme belle à
travers des notions telles que l'humilité, la modestie ou la
chasteté. Les valeurs morales sont alors essentielles pour le
paraître, ce que l'on peut trouver contradictoire, mais que l'on retrouve
néanmoins dans d'autres cultures et à d'autres époques,
comme nous le verrons.
Le physique a aussi son importance, on établit des
règles sur la proportion parfaite des différentes parties du
corps, et l'on évite rigoureusement les ardeurs du soleil pour garder le
teint pâle.
Sous le règne de Catherine de Médicis, la France
découvre les fards, importés d'Orient.
C'est alors qu'à la Cour de France on se maquille les
yeux, les cils et les sourcils en noir et que l'on on porte sur les
lèvres, les ongles et les joues du vermillon. Cette nouvelle idée
de la femme idéale - pulpeuse aux cheveux d'or - est
véhiculée notamment par les courtisanes de Venise, d'où le
fameux « blond vénitien ».
C'est pendant la Renaissance que le corps féminin
réapparaît dans l'art non religieux, mais il est encore une fois
idéalisé. Les femmes représentées se tiennent
souvent dans des postures assez peu naturelles, et certaines proportions
déjouent de façon évidente la réalité.
Les artistes de l'époque transforment la
réalité pour mieux se rapprocher de leur conception de
l'idéal féminin.
On peut illustrer cette époque à travers le
peintre Sandro Botticelli, qui avait défini pour sa peinture murale
«La Naissance de Vénus» que l'unité de longueur entre
le sein et le nombril, entre les deux seins, et entre le nombril et
l'entrejambe, devait être maintenue pour que le corps ainsi
4 Manuel d'instruction des filles, 1597
représenté soit « idéalement
proportionné » et ainsi mettre en avant la beauté de cette
femme.
|
La Venus de Botticelli a tout de la femme
idéalisée de l'époque : blancheur d'ivoire, pas de poil ni
de bourrelet, c'est une divinité plus qu'une vraie femme. Certaines
parties du corps ne tiennent pas compte des règles de l'anatomie,
notamment le cou qui est trop long, et les épaules qui sont trop
tombantes.
La Naissance de Vénus de Botticelli, 1485.
|
Mais un glissement réaliste s'opère dans l'art
de la Renaissance. Les aristocrates et mécènes qui admirent les
beautés froides de Raphaël aiment également les rondeurs des
femmes chez Le Titien ou Rubens. Cuisses dodues, poitrines lourdes et
embonpoint : Rubens incarne ce glissement vers un art sensuel, un appel aux
sens et au désir du spectateur.
15
5 Portrait de Catherine de Medicis, auteur inconnu,
source Google Images.
16
I.5. Période classique (XVIIe siècle)
Le beau était conçu en termes d'harmonie,
de symétrie, d'ordre et de mesure.
Dès lors, le XVIIe siècle fait de la beauté
un étendard de la nuance, on s'attarde sur la taille, les proportions,
l'allure et le port de tête. La taille de la reine d'Espagne est
dégagée, extrêmement fine et menue par le bas.
|
Marie-Louise d'Espagne (1627-1693), par Auguste de
Creuse.
|
De nouveaux principes d'esthétisation de l'apparence
émergent. Le classicisme des jardins de Le Nôtre renvoie à
la symétrie des visages. Les femmes bourgeoises portent le corset, afin
de maintenir une silhouette droite et affûtée, qu'on oppose aux
formes alourdies du peuple.
Durant ce siècle, la beauté correspond à
des canons précis. On veut domestiquer le naturel et l'on recherche la
sophistication. Le teint très clair est toujours de mise, la taille doit
être très fine, la poitrine imposante (compressée par les
vêtements), et les bras plutôt potelés. Côté
maquillage, les femmes se fardent de rouge, car c'est le symbole de la
sensualité et de l'amour, et essayent tant bien que mal d'accentuer
leurs veines afin de souligner leur « haut lignage » et leur
délicatesse.
17
I.6. Période moderne (XVIIIe et XIXe
siècle)
Du point de vue des penseurs, l'esthétique est alors
« la science du sensible » par opposition à la « logique
».
Kant juge une chose comme belle : « j'attribue aux autres
la même satisfaction (É) je ne juge pas seulement pour moi, mais
pour tout le monde, et je parle de la beauté comme si c'était une
qualité des choses (É) On ne peut donc pas dire ici que chacun a
son goût particulier. »6 D'après lui, le jugement
du beau ne s'effectue pas d'après un goût personnel.
I.6.1. Le XVIIIe siècle
Le XVIIIe siècle annonce le retour de la
volupté.
C'est le siècle des Lumières et des idées
révolutionnaires dans de nombreux domaines dont celui de la
beauté. Après les excès du XVIIe siècle, on
préfère un retour au naturel. On délaisse les structures
en bois des robes et les perruques immenses, et l'on se maquille moins. Le
teint doit toujours être clair mais paraître plus naturel. On
n'abandonne pas les poudres pour autant, mais on s'applique à trouver le
dosage parfait. Les coiffures sont faites de cheveux bouclés et adoptent
un style savamment "décoiffé". L'image de la femme n'est plus
cette beauté sans mouvement, engoncée dans des vêtements
trop étroits, mais plutôt une beauté joyeuse dans un cadre
naturel. Cet état d'esprit est parfaitement illustré par la reine
Marie-Antoinette, qui, au « Petit Trianon », délaissait les
corsets et les coiffures sophistiquées.
![](La-notion-de-beaute-feminine-et-son-impact--travers-la-publicite9.png)
Cette valorisation de la nature, un peu paradoxale avec le
fait d'apporter tant d'importance à l'apparence physique et à la
sophistication, nous renvoie à notre société actuelle. Ce
même état d'esprit est mis en avant aujourd'hui : on vante les
mérites des produits naturels et de l'air frais, mais cette
démarche est hypocrite : l'on nous présente dans le même
temps des moyens pour bien peu naturels pour arriver à s'approcher d'un
idéal de beauté, comme nous le verrons ensuite.
Marie-Antoinette à la rose, E. Vigée Lebrun,
1783
6 Critique de la faculté de juger,
Kant, 1790.
18
I.6.2 Le XIXe siècle
Le discours sur la beauté continue de se
préciser. On parle de beauté du buste de la chevelure : elle doit
être abondante, lourde, ondoyante, relevée... Sans la chevelure ni
sans les hanches, la beauté n'est pas concevable.
Puis arrive le nu, le déshabillé, on se montre
davantage et la conséquence logique est que les parties du corps se
galbent. On assiste à une nouvelle valorisation du sport, et dès
1900 l'engouement pour un modèle de beauté américain.
Le regard de la femme sur elle même change : elle se
contemple en pied. Dans les maisons bourgeoises, les grands miroirs deviennent
l'objet indispensable, l'armoire devient armoire à glace et il semble
inconcevable de vivre dans un corps qu'on ne voit pas.
Après la Révolution française, plus de
perruque poudrée ou d'accessoires aristocratiques. Pendant ce
siècle, deux types de femmes représentent le modèle de
beauté : la belle malade et la femme bourgeoise. « La Castiglione
» est l'une de ces deux représentations. Elle a un physique massif,
sa corpulence est vue comme le signe d'une maternité satisfaite. Sa
silhouette est renforcée par des corsets portant la poitrine en avant
ainsi que des « faux-culs ». Elle est un des premiers modèles
à voir la naissance de la photographie. C'est une période
clé dans la représentation de la femme car la photographie «
ne ment pas », à une époque où la retouche photo
n'existe pas encore.
![](La-notion-de-beaute-feminine-et-son-impact--travers-la-publicite10.png)
Cette femme correspond à un canon de beauté
concret, auquel s'oppose l'autre modèle, celui de la « belle malade
aux yeux cernés ». C'est celui de la féminité
maladive, aussi bien malade physiquement que mentalement. Cette beauté a
le teint livide, les yeux cernés et les joues creuses, ce qui renvoie
à la mélancolie et au désespoir. Cela peut paraître
peu attrayant, mais on y voit également ici une femme mystérieuse
et lointaine. D'ailleurs, cette beauté décadente est encore
aujourd'hui un modèle, mais plus chez les hommes : cela correspond au
dandysme.
La Castiglione, Gordigiani, 1862.
« La Grande Odalisque », un tableau du peintre
Jean-Auguste Ingres datant de 1814, montre une représentation de la
femme idéalisée. Ici, l'artiste s'éloigne volontairement
de la réalité pour représenter la beauté de la
femme. En effet, pour réaliser une courbe élégante ainsi
qu'une silhouette parfaite du dos, il a choisi d'ajouter à son
modèle plusieurs vertèbres. Cette démarche n'est pas
nouvelle chez les artistes, chaque peintre ou sculpteur « améliore
» son modèle non seulement pour embellir son oeuvre, mais aussi
pour répondre aux exigences de leur modèle.
![](La-notion-de-beaute-feminine-et-son-impact--travers-la-publicite11.png)
19
La Grande Odalisque, Ingres
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I.7. Période contemporaine (XXe et XXIe
siècle)
Avec la révolution industrielle, le passage au XXe
siècle laisse en héritage les grands magasins,
dédiés en grande partie au culte de la beauté. Un des
modèles les plus populaires du moment est celui de « la
garçonne », incarné par Louise Brooks.
Outre-Altlantique on s'enthousiasme pour l'élection de Miss America
dès 1921, et à Paris de Miss France en 1928. Au cinéma, on
est fasciné par les vedettes, le plus souvent avec une chevelure blonde
platine. Le concept de beauté est alors capté par le langage
cinématographique, il crée la beauté autant qu'il la
révèle. Le glamour, le sex-appeal et la star deviennent les
symboles de cette beauté.
I.7.1 La garçonne, beauté androgyne
Dans l'ambiance des cabarets, des femmes dévoilent
leurs formes sous leurs jupons ou se montrent alors qu'elles font leur
toilette. La minceur devient bientôt synonyme de bonne santé. La
bourgeoise engoncée dans son corset laisse place à une femme
saine et libérée.
Dès 1920 apparaît la fameuse mode de la
garçonne : cheveux coupés court, vêtue de robes
légères et courtes : la nouvelle beauté est androgyne. Les
fesses et le ventre sont aplatis, les seins sont de petite taille.
Côté vestimentaire, la mode est aux robes sans manches
arrêtées au genou, qui laissent voir des jambes fines et des bras
musclés.
I.7.2 De la femme sensuelle à la femme
libérée
Après la Seconde Guerre mondiale, changement des codes
: la minceur est synonyme de mauvaise santé. Le traumatisme de la guerre
pousse Hollywood à créer un nouvel idéal féminin :
poitrine généreuse, lèvres pulpeuses, blonde et sensuelle,
parfaitement incarnée par Marilyn Monroe. Cette dernière s'est
d'ailleurs transformée pour mieux correspondre au nouveau modèle
: elle s'est éclairci les cheveux en blonde platine, et est devenue
l'image de la beauté idéale, pure et sensuelle. Cependant, dans
la « vraie vie », les conventions sociales restent rigides et les
adolescentes n'osent que très peu se maquiller ou se montrer.
Le cinéma continue de modeler l'image de la femme : les
grands écrans révèlent d'autres stars jeunes et pulpeuses
comme Sophia Loren ou Liz Taylor. On retrouve aussi de plus en plus de pinup
dans la publicité. Il y a ici encore une fois le symptôme
après guerre : ces femmes sensuelles et maternelles rassurent le public,
leur corps représente la bonne santé et l'abondance.
Grande nouveauté esthétique : le teint
pâle n'est plus de rigueur. Toujours dans cette idée de bonne
santé, on préfère le teint hâlé qui
témoigne d'une vie sportive et aérée.
En ce qui concerne les vêtements, on assiste à
une petite révolution. C'est l'invention du bikini et de la minijupe qui
marque la volonté du peuple de sortir du carcan bourgeois,
l'idéal féminin est maintenant à la portée de
tous.
![](La-notion-de-beaute-feminine-et-son-impact--travers-la-publicite13.png)
21
Sophia Loren Marilyn Monroe7
7 Source des photographies : Google Images
22
I.8. La beauté non occidentale
I.8.1 Beauté chinoise
Du VIIe au IXe siècle après JC, une femme belle
est une femme robuste, avec de larges hanches et les joues rondes. Cette image
de la femme correspond à une période très dure de la
Chine, où il fallait être fort et résistant. Cependant la
femme est représentée dans des vêtements assez
décolletés, montrant ses formes.
Vers l'an 1000, la beauté féminine devient plus
androgyne, les femmes ont peu de hanches et de poitrine. Cette vision de la
beauté ne change pas du XIVe au XVIIe siècle après JC. Les
vêtements des femmes deviennent par contre plus pudiques et montent
jusqu'au cou.
À partir du XVIIe siècle, le critère de
beauté féminine change : la femme doit être très
maigre et à la peau très blanche, et ainsi paraître plus
féminine et délicate.
Certains critères de beauté traditionnels
chinois furent plus tard problématiques par leur aspect dangereux :
pendant des siècles les mères chinoises ont enveloppé les
pieds de leurs filles dans des bandages très serrés, car à
cette époque la taille du pied était un élément
essentiel de la beauté. Les pieds devaient être très petits
(environ 15 cm de long). Cette tradition a infligé aux petites filles de
véritables tortures et elle gardaient des pieds mutilés toute
leur vie. Cette pratique fut finalement interdite en 1911.
Aujourd'hui en Chine, on considère qu'une femme est
belle si elle est grande, avec de grands yeux et un nez long et fin. Il est
évident que ces critères de beauté importés
d'Occident ont une influence énorme et fascine les femmes orientales,
provoquant malheureusement une grande frustration car c'est un physique
à l'opposé du leur.
1.8.2 Beauté islamique
Généralement, la représentation d'animaux
ou de l'homme est complètement interdite dans les cultures islamiques.
Quelques portraits humains furent réalisés durant les
débuts, avec divers degrés d'acceptation par les autorités
religieuses, mais il n'y a pas de représentation de la femme. Cependant,
l'Islam met en avant l'idée d'une beauté intérieure, ainsi
que l'hygiène comme critères fondamentaux de « beauté
». La femme est vêtue de vêtements larges et opaques afin de
ne pas laisser deviner les formes de son corps. La représentation est
alors difficile, mais l'aspect physique n'est pas mis en avant comme dans la
société occidentale.
Cependant, encore une fois, l'influence occidentale est si
forte qu'elle surpasse celle de la religion, et les pays musulmans ou de
culture musulmane ne sont pas épargnés. Malgré une culture
forte dont ces pays sont imprégnés depuis des siècles, des
machines industrielles comme L'Oréal ont réussi en quelques
années à s'imposer à ces populations, et la pression
sociale véhiculée par la publicité paraît alors
surpuissante. C'est ainsi qu'en 2010 le Liban est un des pays où l'on
pratique le plus la chirurgie esthétique.8
23
8 étude menée par l'ISAPS (International
Society of Aesthetic Surgery) en 2009.
24
Conclusion
On peut donc observer que la représentation de la femme
a toujours existé, au fil des siècles et des cultures. On peut
également remarquer qu'elle a rarement été parfaitement
réaliste, ce qui soulève la question du pourquoi. En ces
époques plus ou moins lointaines, seuls les riches et les personnages
importants étaient représentés, mais la communication se
faisait aussi vers le peuple. Il s'agissait de mettre en valeur
l'exceptionnelle beauté de ces modèles, de montrer ainsi leur
supériorité, et pour cela il fallait souvent s'éloigner de
la réalité. En faisant de tels portraits, on mettait en valeur un
côté divin, une justification de leur statut social, une
impression de domination et de supériorité en vue
d'impressionner.
La beauté était donc une prise de pouvoir de la
classe dominante, à une époque où elle était la
seule à pouvoir être donnée à voir,
représentée, pour des raisons de coût puisque seuls les
portraitistes pouvaient le faire.
Les inventions des XIX et XXème siècles (la
photographie) puis les progrès technologiques galopants ont mis à
la portée de tout un chacun la possibilité de se mettre en
scène, de se représenter et se donner à voir ; le moyen de
manipuler par l'image s'est donc déplacé et de nouveaux outils se
sont créés, puisant dans les nouvelles connaissances
médicales et scientifiques : les bienfaits du sport, les
compléments alimentaires, la chirurgie esthétique, etc... Puisque
le désir de beauté devenait une aspiration de masse, les moyens
de communication se sont diversifiés, intensifiés,
démocratisés, traquant les consommateurs potentiels dans leur
quotidien (radio, télé, affiches, Internet, etc...) sans
répit .
Aujourd'hui, si la représentation de la femme n'est pas
plus réaliste, elle a en tout cas un autre but.
25
Chapitre II : La notion de beauté
féminine aujourd'hui dans la publicité, une omniprésence
et un dictat auquel on ne peut pas échapper.
Introduction
Dans la société actuelle, la
représentation de la femme est partout et sous diverses formes, ceci
largement aidé par la révolution industrielle et
l'évolution immense de la technologie. Si à des époques
plus anciennes, l'image de la femme qui était communiquée
n'était pas toujours fidèle à la réalité, on
va pouvoir constater qu'aujourd'hui ce n'est pas non plus le cas. Ceci prouve
que ce ne sont pas les techniques de représentation qui sont mises en
cause, mais bien les intentions de ceux qui les utilisent.
La publicité et la société entretiennent
entre elles des liens complexes : la publicité sert souvent de filtre
pour identifier les tendances qui se manifestent au sein de la
société. Elle constitue un miroir des évolutions sociales
dont nous allons nous servir pour déchiffrer les codes actuels.
En terme de consommation de biens symboliques, les
médias audiovisuels accaparent actuellement une partie importante du
budget temps que les individus consacrent à ce que les sociologues
définissent comme appartenant aux « pratiques culturelles ».
Son omniprésence explique en partie la force de la pression sociale
véhiculée par la publicité.
« La télévision touche à l'essence
de la démocratie. (...) Dès que l'on tire sur un fil, c'est toute
la société qui vient, avec ses histoires, ses drames et ses
rêves. » 9
9 La folle du logis : La
télévision dans les sociétés
démocratiques, Jean-Louis Missika et Dominique Wolton, Gallimard,
1983.
26
II.1. La représentation du corps à
travers l'imaginaire social
Un affaiblissement général des valeurs
politiques, religieuses et morales dans la société occidentale se
trouve à l'origine du pouvoir de la publicité et de son impact
sur la population aujourd'hui. Cela a alors engendré le
développement d'autres valeurs, celles véhiculées par une
société de consommation, et dont se nourrit le discours
publicitaire.
Le consommateur est devenu un spectateur passif, il s'investit
énormément dans l'image véhiculée par la
publicité et se trouve en quête désespérée de
son identité.
Envisager le corps sous l'aspect de son image est
forcément chargé de multiples représentations culturelles.
Le XXe siècle est une époque où l'heure est à
l'hédonisme et où l'effort n'est pas mis en valeur, « la
discipline est dévalorisée au bénéfice du culte du
désir et du plaisir et de leur accomplissement immédiat.
(É) L'introduction du plaisir dans la diététique et la
médecine représente une véritable révolution, car
elle transgresse la tradition chrétienne ». 10
La communication publicitaire s'est approprié cette
idéologie hédoniste en créant des déclinaisons : le
plaisir, le confort, le bien-être, et autres jouissances
personnelles...
On se doit donc « de respecter son corps » et de
combattre par tous les moyens (sportifs, diététiques,
médicaux...) son vieillissement et sa dégradation.
Cet imaginaire promeut l'idée que l'individu est devenu
susceptible d'être fabriqué et/ou réparé. Les
médias contemporains convergent tous vers ce même point et nous
envahissent de « conseils de beauté » qui sont censés
apporter la beauté à chaque femme, en luttant entre autres contre
le vieillissement, l'embonpoint, etc. S'auto transformer résume la
perception contemporaine du corps. La publicité a vite fait de s'en
emparer et présente des produits qui aident à
l'auto-manipulation.
Le corps montré à travers les médias est
toujours gracieux, musclé, bronzé, souple et
élancé, et fait office d'étalon de mesure de la perfection
corporelle. Les corps exhibés sur les images publicitaires
placardées autour de nous provoquent chez la population le désir
de changer l'image de leur corps dans l'espoir d'approcher une certaine «
qualité esthétique ».
La publicité offre des modèles de femmes
toujours plus jeunes, plus parfaites, et suggère ainsi à chacun
un contrat tacite : si nous suivons ce que nous dit la publicité, nous
nous approcherons de
10 A quoi rêvent les années 90. Les nouveaux
imaginaires; consommation et communication, Pascale Weil,1993, Seuil,
Paris.
27
ces êtres sublimes qui peuplent nos écrans.
D'une façon générale, il semble
désormais entendu qu'on ne doit pas se contenter du corps que l'on a et
qu'il incombe à chacun de le perfectionner, de le prendre en
main.
Notre société à tendance à
réduire le corps à une vision matérialiste de la personne,
et conduit à l'envisager comme un enjeu narcissique majeur
d'amélioration esthétique. Malgré la libération
sexuelle, le corps n'est pas pour autant mieux accepté, on le voit plus
comme quelque chose à corriger.
Le nouvel imaginaire social du corps se retrouve dans la
publicité et donne à la société des modèles
à suivre. Celui-ci devient force d'argument dont le but est de stimuler
un comportement d'achat auprès du récepteur, c'est ce que j'ai pu
largement observer pendant mon stage.
Le directeur de l'agence donne les directives et les
critères : femme jeune (la trentaine), grande, mince, beau teint
(physique mannequin), assez bronzée pour avoir l'air en forme mais pas
trop pour ne pas paraître « typée ». Les catalogues Home
Store étaient les supports qui demandaient le plus de modèles
féminins, et avec des critères très rigoureux. Si parfois
le directeur de l'agence laissait passer mes choix qui « sortaient un peu
de l'ordinaire », c'est l'annonceur qui ne manquait pas de me rappeler
à l'ordre, sans pour autant me donner d'explication. En effet, le sujet
est délicat : comment expliquer que l'on préfère ne pas
utiliser d'autres physiques de femmes, en restant politiquement correct ? Nous
avons ici la preuve, au coeur de la création publicitaire, qu'il y a un
malaise lorsqu'il faut justifier de ses choix. Cette situation met le doigt sur
le fait que l'on sait que l'on choisit d'imposer un modèle, mais les
raisons sont assez embarrassantes car peu morales : frustrer pour faire
acheter.
28
II.2. La marchandisation du corps : pression sociale et
santé
La pression publicitaire visant à étendre des
pratiques esthétiques chez les femmes est considérable : des
gélules à l'autobronzant, des crèmes raffermissantes aux
régénérateurs cellulaires, des huiles amincissantes aux
actifs végétaux, des crèmes anti-rides aux soutiens-gorge
capables de modeler notre corps.
Un des exemples qui pourrait illustrer cette situation est
l'épilation. Une femme non épilée ne se montre pas, ni
à la télévision, dans une publicité quelconque, ni
au cinéma. Cette pression se ressent également dans le domaine
professionnel pour le recrutement, et dans la société en
général, jusque dans son entourage intime. Les magazines
féminins martèlent sans cesse des arguments poussant à
s'épiler toujours plus pour des raisons hygiéniques et
esthétiques. Or les raisons hygiéniques mises en avant sont
fausses, le rôle des poils étant justement de contrôler la
sudation. Par ailleurs, outre l'épilation, l'usage de déodorants
déséquilibre le fonctionnement naturel du corps, empêche la
bonne évacuation des toxines, et utilise pour cela des agents comme les
sels d'aluminium, qui sont cancérigènes.
Cette propagande n'a bien entendu d'autre but que de vendre
des produits dépilatoires auxquels il faudra ajouter des produits
anti-odeurs et anti-sueurs outre des produits apaisants après-rasage ou
post-épilatoire.
On peut remarquer la façon insidieuse dont la
publicité agit bien au-delà du support publicitaire
identifié comme tel. Elle élimine du champ visuel ce que l'on
veut éradiquer et le remplace par des modèles, et elle sait
qu'elle est d'autant plus efficace qu'elle est relayée par une pression
sociale et psychologique (cercle d'amis, famille, conjoint, relations
professionnelles, etc).
Un des symptômes majeurs de notre société
est l'artificialisation et l'aseptisation du corps, et le rejet de la nature,
qui est contradictoire avec la vague actuelle du « bio » et de
l'importance accordée à la santé. L'épilation en
est un bon exemple.
Le bronzage fait partie des critères
à respecter. Les médecins dermatologues sont
particulièrement bien placés pour se rendre compte à quel
point la frénésie du bronzage - ce signe extérieur de
bonheur- peut conduire à des imprudences. Les rayons ultraviolets sont
cancérigènes chez l'humain, et médicalement parlant, le
bronzage n'est pas un signe de santé,
mais une réaction de la peau révélant
qu'elle a subi des dommages cellulaires profonds. Les cas de cancers de la peau
ont plus que doublé depuis 1980. Plus de 68 000 nouveaux cas sont
diagnostiqués chaque année rien qu'au Canada. 11
Les régimes ne cessent de répéter aux
femmes que leur corps est un objet imparfait qui a besoin d'un travail constant
et d'un grand investissement de leur part. « 35 % des jeunes filles de 6
à 12 ans avaient déjà suivi au moins un régime et
que 50 à 70 % d'entre elles croyaient souffrir d'embonpoint alors que
leur poids était tout à fait normal »12. En
tentant d'atteindre un idéal de beauté inaccessible, les femmes
mettent plus que leur budget en danger : leur santé physique et
psychologique. Les femmes et les filles constamment exposées à
des images de corps féminins d'une impossible minceur risquent de
développer de mauvaises habitudes alimentaires, une mauvaise estime de
soi, ou même des dépressions.
« Maigrir est perçu par plusieurs filles comme le
moyen d'améliorer leur estime de soi. Les jeunes filles tentent en
moyenne de contrôler leur poids dès l'âge de neuf ans.
Sauter le déjeuner, suivre un régime, fumer la cigarette et
pratiquer un sport de manière intensive font partie des méthodes
employées par ces jeunes pour maigrir. L'activité physique, plus
saine que la cigarette et les régimes pour contrôler son poids,
sert malheureusement parfois à maigrir au point d'atteindre un poids
inférieur à la normale au lieu d'aider à garder un poids
normal et sain. »13
Le corps est utilisé dans un but marchand pour vendre
des produits ou services comme des soins en salon ou des interventions
chirurgicales. Il serait faux de croire que le corps est valorisé,
même s'il est montré sous toutes ses coutures et qu'il ne quitte
pas notre champs de vision, car il n'est pas considéré comme
acceptable tel qu'il est.
29
11 Etude menée par le Gouvernement du
Québec, le Ministère de la Santé et des Services sociaux
en 2004.
12 Étude menée par le magazine
américain Teen en 2003.
13 Étude de l'Institut canadien de la recherche
sur la condition physique et le mode de vie, 2004.
30
II.3. L'aspect économique
Les médias bombardent les consommateurs d'images du
corps féminin pour vendre tout et n'importe quoi : des yaourts, des
meubles de jardin, des outils technologiques... Mais on remarque cependant peu
de diversité : les visages et les corps sont jeunes, très minces,
la peau est blanche et bronzée14, sans défaut. Les
images publicitaires nous présentent des femmes « parfaites »
et irréelles, un idéal de beauté unique s'impose, à
une époque où l'on prétend prôner les
différences et l'épanouissement personnel.
L'obsession des médias pour la minceur et la jeunesse a
bien entendu des raisons économiques. En montrant un idéal si
difficile à atteindre on assure la croissance et la rentabilité
de l'industrie des produits amincissants, rajeunissants, de la chirurgie
esthétique et de l'industrie des cosmétiques. Les femmes
inquiètes de leur apparence sont plus susceptibles d'acheter des
produits de beauté, de nouveaux vêtements et des produits de
régime. Ces derniers à eux seuls rapporteraient 160
milliards de dollars par an15. La jeunesse s'impose de plus
en plus comme critère de beauté, suivie de près par la
minceur : c'est payant car si toutes les femmes n'ont pas forcément de
poids à perdre, par contre une chose est sûre, elles vieillissent
toutes.
Dans cette même logique, on remarque que le corps de la
femme sert à vendre des produits (ou services) qui n'ont a priori aucun
lien direct avec la beauté féminine. J'ai pu expérimenter
une telle situation en tant qu'assistante chef de publicité. Les
catalogues Home Store utilisent des modèles féminins en grande
quantité, alors qu'ils vendent des meubles pour le jardin et la maison.
Cela prouve que l'image du corps féminin fait vendre, au-delà de
ce qui s'y rattache directement. L'image de la femme est souvent
utilisée car elle a pour grand avantage d'attirer les deux cibles : la
femme et l'homme. La femme s'identifie tant bien que mal, alors que l'homme se
voit attiré par une telle représentation (femmes toujours
rayonnante, physique parfait, etc). C'est donc l'occasion pour les annonceurs
de jouer sur le double tableau. De plus, la vente de produits - qui plus est
des meubles d'intérieur et de jardin - renvoie en général
une image assez statique, qui capte mal le regard du consommateur. Le corps de
la femme apparaît alors comme l'élément idéal pour
pallier ce problème. Il apporte la touche « sexy » quasiment
indispensable aujourd'hui pour rendre un produit attrayant.
14 J'entends par « blanche et bronzée
» l'ethnie et le bronzage. Ce n'est donc pas contradictoire.
15 Beauté Et Image Corporelle Dans Les
Médias, Robin Gerber
31
II.4. Les médias, vecteurs de ce dictat
Les magazines féminins sont
probablement parmi les meilleurs promoteurs d'une beauté qui repose sur
la jeunesse et une minceur excessive. Leurs pages sont souvent remplies de
photos retouchées et d'articles vantant un nouveau régime en
vogue ou une crème anti-rides miracle. Des recherches montrent que ces
magazines comportent 10 fois plus d'articles et de publicités faisant la
promotion de la minceur que leurs équivalents masculins. Plus des trois
quarts de leurs pages couvertures ont au moins un titre sur la meilleure
manière de changer son apparence, que ce soit par le biais d'un
régime, d'un programme d'exercices ou de la chirurgie esthétique.
Enfin, l'âge apparent des femmes représentées dans les
magazines est systématiquement inférieur à celui du groupe
cible de la revue.
Ceci s'explique facilement par l'influence qu'ont les
annonceurs, principalement des compagnies de cosmétiques, sur le contenu
de ces magazines. Quand un magazine australien a mis en première de
couverture la photo d'un mannequin aux rondeurs évidentes, il a
reçu une réaction très négative de ses annonceurs
qui l'a vite découragé de poursuivre dans cette voie.
En publicité, le règne de la minceur va
d'ailleurs en s'accentuant : « il y a 20 ans, la plupart des mannequins
pesaient 8 % de moins que la femme moyenne. Aujourd'hui, on parle de 23 % de
moins »16. Bien sûr, les magazines et la publicité
ne sont pas seuls à promouvoir un idéal de beauté
inaccessible.
Le cinéma et la télévision
contribuent grandement à le diffuser. Les actrices de
séries télévisées et de cinéma sont,
généralement, de plus en plus minces et de plus en plus jeunes,
elles suivent quasiment toutes des régimes, plus absurdes et rigides les
uns que les autres.
Certains médias font quelques efforts pour proposer une
image plus réaliste des femmes. Le magazine Châtelaine s'est
récemment engagé à ne plus retoucher les photos qu'il
publie et à ne plus présenter de mannequins ayant moins de 25
ans. La marque de savon et de produits cosmétiques Dove a fait parler
d'elle en 2004 grâce à une campagne pour une crème
raffermissante, où elle met en scène des femmes « rondes
» (le rejet de l'embonpoint se manifeste jusque dans le vocabulaire,
l'adjectif « grosse » a été banni) avec l'accroche
« testé sur de vraies rondeurs ».
16 Changements sociaux en faveur de la
diversité des images corporelles, rapport publié par le
Réseau québécois d'action pour la santé des femmes,
2003
![](La-notion-de-beaute-feminine-et-son-impact--travers-la-publicite14.png)
32
Cette publicité représente une véritable
avancée dans le domaine de la communication de l'image du corps de la
femme, certes, cependant il faut garder un regard critique, et ne pas
s'émerveiller naïvement comme beaucoup l'ont fait à propos
de cette campagne. Les femmes sélectionnées sont plus grosses que
les mannequins habituels, c'est un fait. Mais elles ne représentent que
la femme moyenne, de constitution normale, et pas réellement une femme
dont le poids nécessite un changement grâce à un produit
cosmétique. Admettons que ce produit ne se destine qu'à
l'affinement infime de la silhouette et qu'il convienne donc à ce genre
de femme, ces modèles n'ont tout de même pas été
choisis sans critères de beauté. Elles ont toutes des rondeurs
« acceptables » dans le sens où ce n'est pas trop
exagéré, et situé aux bons endroits (elles ont toutes une
constitution corporelle qui suit les règles actuelles : les fesses, les
hanches et les seins sont les endroits où la graisse peut
apparaître, mais la taille est fine et marquée, le ventre est
plat, pas de bourrelet...). La qualité de la peau est aussi parfaite, et
malgré le fait que l'on veuille montrer des femmes comme les autres, il
est toujours inenvisageable de montrer une femme ayant de la cellulite ou des
vergetures, alors que neuf femmes sur dix en ont. Elles sont également
toutes de la même taille, et plutôt bronzées, même
s'il faut reconnaître ici qu'un effort a également
été fait sur la diversité de la couleur de peau. Ce
casting de femmes a donc été savamment étudié, pour
donner une certaine image de la marque, sans toutefois effrayer ou prendre trop
de risque.
33
Les annonces pour les produits de beauté
présentent le corps comme désignant notre identité
profonde; on se doit donc de lutter contre sa dégradation. Les
publicitaires utilisent pour cela diverses méthodes qui
véhiculeraient les qualités d'une technologie sans faille.
Quant aux images qui illustrent ces publicités, elles
nous présentent surtout des corps féminins : les femmes sont
réduites à soigner leur apparence et à se préparer
pour être disponibles en toutes circonstances.
Certaines publicités montrent à quel point
l'image du corps de la femme est conditionné de façon
profondément ancrée dans notre culture. Par exemple, une
publicité télévisée pour le célèbre
fast-food Mac Donald's met en scène une famille qui vient manger dans un
de leur restaurant, afin de mettre en avant le fait qu'ils proposent des
produits assez diversifiés pour en profiter en famille. La
publicité montre alors un menu « Happy Meal » pour les
enfants, un classique « hamburger frites » pour le père, et
une salade pour la mère. De cette façon, on montre de
manière implicite qu'il est évident pour chacun que la femme ne
mange pas de hamburger, car cela ne correspond pas à un régime
pour garder un corps mince.
L'affichage n'est pas en reste, un
média qui montre souvent grossièrement des modèles qui de
toute évidence n'existent pas. Sans parler de maquillage, coiffage ou
autres artifices, les retouches graphiques (Photoshop et autres) sont assez
flagrantes. La plupart des mannequins interrogés ne se reconnaissent pas
elles-mêmes sur les photos placardées dans les rues.
![](La-notion-de-beaute-feminine-et-son-impact--travers-la-publicite15.png)
34
Cet exemple de campagne pour un parfum de Lancôme met en
scène la célèbre actrice Julia Roberts, qui a maintenant
quarante ans passés, ce qui n'est pas du tout assumé par
l'annonceur. Lancôme a choisi cette actrice pour sa renommée
internationale, et sûrement son élégance et sa
supposée beauté, mais refuse de dévoiler un
élément clé : c'est une femme « mûre ». Il
est flagrant sur ce visuel que l'image a été maintes fois
retouchée, il n'y a plus aucun trait d'expression ni aucun détail
de la peau.
|
Monica Belluci pour Dior17
Le même phénomène se rencontre dans une
campagne de la marque Dior, pour un mascara, qui a choisi pour effigie la
célèbre actrice Monica Belluci. Les retouches sont si lourdes que
cela en devient presque grotesque, et même le consommateur moyen ne
reconnaît quasiment pas l'actrice.
|
17 Source photographie : Google Images
35
II.5. Aspect juridique : quels moyens mis en oeuvre
II.5.1 La délégation aux droits des
femmes
Les médias, et la publicité en particulier,
véhiculent des images et des valeurs qui peuvent influencer les rapports
entre individus. C'est pourquoi des lois existent, et des institutions veillent
au respect de la personne humaine sans pour autant remettre en question la
liberté artistique. Certaines publicités peuvent être
considérées comme choquantes, en ce qui concerne l'image qu'elle
diffuse de la femme. La délégation aux droits des femmes et
à l'égalité des chances du Sénat s'est
intéressée à l'image de la femme dans les médias et
la publicité.
Malgré un système de contrôle de la
publicité, les atteintes à la dignité de la femme et les
stéréotypes apparaissent encore aujourd'hui. Des vagues comme le
« porno-chic » (souvent utilisé par les marques de luxe, cela
consiste à suggérer la pornographie) ou le « glam trash
» (également utilisé pour les produits haut de gamme, cela
consiste à mettre une femme sexy dans une situation dégradante,
par exemple la photographier dans la boue...) n'arrangent en rien cette
situation.
« Les associations de lutte contre la publicité
sexiste dénoncent des atteintes persistantes et pernicieuses à la
dignité humaine concernant l'image de la femme, mais aussi parfois celle
de l'homme. Par ailleurs, les représentations des femmes dans la
publicité restent souvent stéréotypées, sans que
ces dérives soient réellement sanctionnées »,
déclare la délégation aux droits des femmes.
Autre dérive, la persistance de
stéréotypes. « La femme est tantôt une
séductrice impénitente, tantôt une ignorante des questions
mécaniques et techniques, uniquement préoccupée de
l'esthétique ou du confort du véhicule. Elle est aussi trop
souvent associée aux tâches ménagères ». Ces
représentations sont de nature à bloquer l'émancipation de
la femme, estime la délégation aux droits des femmes.
Il y a encore et toujours le problème de la minceur
excessive des mannequins. « Il n'existe, à l'heure actuelle, aucune
réglementation concernant la publicité susceptible d'inciter
à l'anorexie, alors qu'un dispositif spécifique concernant les
publicités pour les produits alimentaires a été
adopté pour lutter contre le développement de
l'obésité », souligne la délégation.
36
II.5.2 La Loi
Pour renforcer les moyens de contrôle des médias
et de la publicité, un ensemble de recommandations devraient être
examinées par le gouvernement. Parmi elles, l'obligation pour toutes les
campagnes publicitaires d'affichage de consulter le BVP, comme c'est
déjà le cas pour les publicités
télévisées. Il serait également question de donner
plus de moyens d'action aux associations, grâce à une
représentation au sein du BVP, puis à la possibilité
d'entamer une procédure de mise en demeure à l'encontre des
éditeurs et distributeurs de services de radio, télévision
en cas de non-respect des obligations. Ceci par le biais du CSA (Conseil
Supérieur de l'Audiovisuel).
II.5.3 Le BVP
Le BVP18 (Bureau de Vérification de la
Publicité) a constaté une baisse des atteintes aux règles
déontologiques de la publicité en matière de respect de la
personne humaine. Mais nombre de publicités arrive à passer
à travers les mailles du filet du BVP. Sur près de 82.000
visualisés en 2005, le BVP n'a constaté que 16 manquements, au
lieu de 61 lors de la première étude en 2001. Le nombre de
plaintes de consommateurs pour non-respect de la personne humaine a
également diminué, le BVP en a reçu 472 en 2003 et
seulement 89 en 2006.
Toutefois, le BVP, composé d'associations de
consommateurs et de professionnels de la publicité, n'exerce un
contrôle systématique que sur les publicités
télévisées. L'affichage, l'Internet échappent
encore largement à ce contrôle, malgré des études
annuelles réalisées. «L'efficacité du contrôle
du BVP apparaît donc variable selon le type de média
concerné », souligne le rapport. « La délégation
recommande, pour renforcer l'efficacité du contrôle du BVP, que
soit envisagé d'étendre l'obligation de consultation
préalable du BVP, déjà prévue pour les
publicités télévisées, aux campagnes publicitaires
nationales d'affichage ».19
II.5.3.a Diversité corporelle
« Si le culte du corps parfait dépasse la
responsabilité de la publicité, peut-être la
publicité doit-elle tout de même se donner des règles pour
garantir une meilleure représentation de la diversité
18 Le BVP est devenu l'ARPP (Autorité de
Régulation Professionnelle de la Publicité) depuis 2008.
19 source
http://www.arpp-pub.org
corporelle ? » propose Jean-Pierre Teyssier,
Président du BVP.
Qu'en est-il de la représentation de la «
non-perfection » corporelle : le vieillissement, l'embonpoint, les
physiques disgracieux, les corporalités ordinaires, non
idéalisées ? La publicité peut être utilisée
aussi de façon militante ou afficher un début de
diversité, comme pour la couleur de peau pour une marque internationale
(L'Oréal). Mais l'âge reste un véritable obstacle. Seule
exception, l'âge associé à une très grande
notoriété : Jane Fonda, Sharon Stone, George Clooney, É
II.5.3.b À qui la faute ?
Les magazines n'auraient pas le choix : les agences n'ont que
des photos de modèles très jeunes et très minces à
leur proposer. Les publicitaires n'auraient pas le choix non plus: les
annonceurs, leurs clients, ont des idées très précises sur
ce qui marche et ce qui ne marche pas...
II.5.3.c Les responsabilités de la
publicité
Si la principale mission de la publicité est de faire
vendre, elle a aussi un rôle social de formation des repères.
« En groupe de travail initié par le gouvernement, les
professionnels de la publicité ont défini une charte d'engagement
volontaire sur l'image du corps. Le législateur a voulu aller plus loin
dans sa proposition de loi visant à sanctionner l'incitation à la
maigreur excessive; cette loi concerne les médias au sens large et vise
particulièrement les sites internet de propagande pour la maigreur
»20. La législation espagnole avait pris les devants en
interdisant les mannequins trop maigres.
37
20 L'image du corps dans la publicité,
Eliane Brissot, 2008
38
Conclusion
La notion de beauté féminine et son impact
à travers la publicité sont des concepts difficiles à
cerner et à expliquer. Les règles qui régissent
l'apparence physique sont souvent définies en fonction des courants
culturels liés à une époque précise. Ce sont des
normes qui évoluent donc sans cesse avec la société et ses
moeurs. La publicité et les médias utilisent ces normes, et se
permettent même aujourd'hui de les façonner. La publicité
détient un pouvoir immense qu'il faut prendre en compte dans son
intégralité pour tenter de comprendre comment fonctionnent ses
rouages. Nous avons vu que la notion de beauté féminine a
existé bien avant la publicité comme nous la connaissons
aujourd'hui, mais la représentation de la femme n'a pas toujours eu la
même finalité.
Si auparavant elle signalait un certain statut social, elle
cherche à présent à faire acheter, à faire
adhérer une population déjà envahie par la propagande qui
vente le corps parfait.
Le réalisme dans la représentation de la femme
n'est jamais apparu comme indispensable, on pourrait même affirmer
qu'elle n'a jamais été recherchée. Depuis des
siècles les artistes (peintres, sculpteurs...) s'éloignent
volontairement de la réalité pour trouver autre chose, une image
idéalisée du corps de la femme. Cette pratique permettait de
mieux satisfaire les modèles, de montrer leur supériorité,
et peut-être aussi de laisser libre cours à la
créativité des artistes. De nos jours les raisons ont
changé, il s'agit de montrer un corps qui n'existe pas, tout en le
considérant comme réel, afin d'influencer les consommateurs
à se lancer dans une amélioration de leur propre corps. Cette
démarche a clairement un but économique : les industries du
paramédical, des cosmétiques et de la chirurgie esthétique
représentent des empires colossaux économiquement parlant.
Annonceurs et médias ont des intérêts communs et une
interaction vitale : les premiers ne sauraient toucher les consommateurs sans
les seconds (ils sont le vecteur), qu'ils font vivre par leur financement,
gardant la maîtrise du discours publicitaire.
Dans quelle mesure cette manipulation, cet impact
psychologique participent-ils de l'évolution sociétale ? Les
activités marchandes doivent-elles jouir d'un tel pouvoir ? Ce pouvoir
sur l'image, les rêves, les projets, les objectifs de vie du
consommateur, son bien-être et son épanouissement, n'est-il pas
effrayant ? Quelles sont ses limites ? Doit-on s'en inquiéter et comment
peut-on agir ? Faut-il considérer que cela représente une
limitation à notre liberté ?
39
Bibliographie
Livres
Histoire de la Beauté, Umberto Eco, 2004
Psychologie des Médias, Sébastien Bohler,
2008
99 Francs, Frédéric Beigbeder, 2000
Modes et vêtements, Nathalie Bailleux et Bruno
Remaury,1995
L'image de la femme dans l'art préhistorique, H.
Delporte, 1993
L'histoire de l'esthétique et ses grandes
orientations, M. De Wulf, Revue néo-scolastique, 1909.
La folle du logis : La télévision dans les
sociétés démocratiques, Jean-Louis Missika et
Dominique Wolton, Gallimard, 1983.
Articles
L'image du corps dans la publicité, Eliane
Brissot, 2008
Publicité et marchandisation du corps,
Association Résistance à l'Agression Publicitaire, 2004
Le Corps et son image, Jean-François Mattei,
2002
L'image de la femme dans la publicité, Edith
Poulbassia, 2007
Beauté et image corporelle dans les
médias, Robin Gerber
De la légitimité socioculturelle des
médias audiovisuels, Frédéric Gimello-Mesplom
Web
Wikipédia
Dictionnaire Larousse Encyclopédie Universalis Google
Images
www.arpp-pub.org
40
Annexes
Couvertures Catalogue Home Store 2009/2010
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43
Table des matières
Page de Garde p1
Remerciements p4
Sommaire p5
Introduction générale p6
Chapitre I : L'évolution de la conception de
« beauté physique » à travers les siècles et
les
cultures p8
I.1. La Préhistoire .
p9
I.2. L'Antiquité ...
p10
I.2.1 La beauté égyptienne
.... p10
I.2 .2 La beauté grecque p11
I.3. Le Moyen Âge p13
I.4. La Renaissance p14
I.5. Période classique (XVIIe siècle)
p16
I.6. Période moderne (XVIIIe et XIXe
siècle) . p17
I.6.1. Le XVIIIe siècle .
p17
I.6.2 Le XIXe siècle p18
I.7. Période contemporaine (XXe et XXIe
siècle) p20
I.7.1 La garçonne, beauté androgyne
p20
I.7.2 De la femme sensuelle à la femme
libérée p21
I.8. La beauté non occidentale
p22
I.8.1 Beauté chinoise .
p22
44
1.8.2 Beauté islamique p23
Conclusion p24
Chapitre II : La notion de beauté
féminine aujourd'hui dans la publicité, une
omniprésence
et un dictat auquel on ne peut pas échapper
p25
Introduction .. p25
II.1. La représentation du corps à travers
l'imaginaire social p26
II.2. La marchandisation du corps : pression sociale et
santé p28
II.3. L'aspect économique p30
II.4. Les médias, vecteurs de ce dictat
p31
II.5. Aspect juridique : quels moyens mis en oeuvre
p35
II.5.1 La délégation aux droits des femmes
.É p35
II.5.2 La Loi p36
II.5.3 Le BVP p36
II.5.3.a Diversité corporelle p37
II.5.3.b La poule et l'oeuf p37
II.5.3.c Les responsabilités pour la
publicité . p37
Conclusion générale p38
Bibliographie p39
Annexes p40
Table des matières p43
Résumé p45
45
Résumé
La représentation de la femme à travers les
siècles et les cultures montre une évolution des critères
de beauté. Ces canons esthétiques répondent à
plusieurs besoins : la valorisation de la personne, la mise en avant d'un
statut social parfois même d'un statut divin. Avec l'évolution de
la société et des moeurs, le corps féminin est d'autant
plus représenté, mais à des fins différentes. En
effet, dans la société contemporaine la publicité utilise
l'image de la femme envers les consommateurs pour faire acheter. Par la
même occasion, elle impose aux femmes un idéal corporel impossible
à atteindre afin de les faire infiniment consommer divers produits
visant à améliorer leur apparence physique. Les
conséquences de cette démarche sont lourdes, surtout pour la
population féminine qui se voit frustrée et utilisée pour
des buts commerciaux.
Abstract
The representation of women through the centuries and cultures
demonstrates an evolution of standards of beauty. These aesthetic values serve
several purposes: the valuation of the person putting forward a social status
or even a divine status. With the evolution of society and manners, the female
body is even more represented, but for different purposes. Indeed, in
contemporary society, advertising uses the image of women towards consumers to
make them buy. At the same time, it imposes an ideal body model which is
impossible to achieve in order to make them infinitely consume various products
to improve their physical appearance. The consequences of this step are heavy,
especially for the female population who is frustrated and used for commercial
purposes.
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