Essai sur les élites traditionnelles au Maroc( Télécharger le fichier original )par El Mostafa AAOURDOU Université Moulay IsmaàŻl Meknes - Maroc - Master en science politique 2012 |
Introduction:L'intérêt accordé au sujet des élites traditionnelles émane de l'immobilisme politique auquel le régime politique marocain a été condamné par sa base rurale. En effet, la monarchie renverse ses alliances et s'allie aux notables ruraux. Ces derniers s'acharnaient contre la politique rurale amorcée par la bourgeoisie urbaine susceptible de briser leur pouvoir politique et économique, alors que ces mêmes réformes créeraient un bouleversement au niveau des structures politiques et sociales. Ce qui risque de rompre l'équilibre au profit de la bourgeoisie, et installer un régime où le monarque risque de voir son rôle réduit jusqu'à devenir symbolique. Pour maintenir un système marqué par la prépondérance des élites locales, la monarchie a été amenée à renoncer au projet de changements profonds annoncés par le mouvement national, notamment le parti de l'Istiqlal qui ne dissimulait guère ses intentions hégémoniques. Au début de l'indépendance les élites rurales, occupaient une position distinguée dans le champ politique. Elles disposeraient désormais de capitaux matériels et économiques accumulés pendant la période coloniale. Il était naturel, que la monarchie contracte une alliance avec ses élites pour garantir sa suprématie et son hégémonie politique et faire face aux pressions et ambitions du mouvement national. Cette union devenait l'ossature du système politique du pays1(*). Afin de pérenniser l'hégémonie des élites rurales, le pouvoir a déployé d'énormes efforts pour maintenir le statuquo et le conservatisme. En effet le statuquo signifie : « tenir le temps social d'une société donnée, dans un sens circulaire, fondé sur la répétition des mêmes actes sociaux, sans adopter aucun projet sociétal de changement2(*). De surcroit, une société rurale statique, est inévitablement constante, réitérative et productive de génération après génération sans aucun changement manifeste dans ses structures. C'est une société où les structures traditionnelles constituent une force d'obstruction de toute nouvelle transformation3(*). En effet le statuquo est instauré dans l'espace rurale. Aucune tentative sérieuse de moderniser le pays n'a été initié au cours de trois décennies écoulées depuis l'année 1960. La priorité était accordée aux considérations sécuritaires et politiques, les intermédiaires locaux assuraient le contrôle de cet espace ainsi que sa population. Ils étaient dotés par le pouvoir de tous les moyens matériels et financier pour moderniser leurs propriétés agricoles et assurer leur prestige social aux yeux des ruraux, au même moment, il a marginalisé la majorité absolue des ruraux. La monarchie conservait dès lors la même relation standard ayant caractérisé les relations du makhzen avec les groupes tribaux au cours du XIX ème siècle. Ces mêmes rapports ont été conservés par le protectorat. Pour consolider son hégémonie sur la scène politique, la monarchie adoptait le modèle administratif installé par les autorités du protectorat, celui-ci présente une efficacité de contrôle des populations et des territoires. Désormais les enjeux des acteurs politiques et leurs stratégies, opéraient dans un champ tempéré par le conservatisme et l'invariance. Dans ce contexte, le pouvoir administratif et économique passe aux mains de la bourgeoisie urbaine, jouissant d'un passé nationaliste ou proche du palais. Les membres de l'élite nationale espéraient que le pouvoir lance sous leur responsabilité un vaste projet de restructuration de l'économie et de la société. Mais le maintien de leur situation repose sur un système d'élites locales dont la composition, le système de valeurs et d'autorité sont profondément différents du leur, la monarchie constitue le lien entre les deux systèmes4(*). Ainsi, le Maroc se trouvait divisé en deux mondes, l'un représentait la force de la tradition et l'autre incarnait la volonté du mouvement et du progrès. Soutenu par le poids de l'histoire le premier univers a pu s'imposer pendant la période offensive du pouvoir (années 1960). Un système clientélaire à tête unique qu'est le roi, s'instaurait dès lors, aucune force n'est autorisée à s'ériger en pouvoir indépendant. La monarchie n'a rien fait pour encourager l'apparition d'une bourgeoisie capitaliste ou agraire. Paradoxalement une concurrence aux avantages fut lancée par le pouvoir, elle provoquait la désagrégation des formations politiques et syndicales, qui dépendaient désormais du palais. La gestion administrative a été confiée à des technocrates dépolitisés, qui commençaient à s'infiltrer dans les postes de responsabilités, jusqu'à ce qu'ils devenaient ministres à la fin des années 1960. Une fois au pouvoir, ils trufferaient leurs cabinets et les directions de leur ministère de jeunes technocrates. La mise en place d'un vaste appareil administratif posait le problème de contrôle de l'exécution de ses programmes. De même le pouvoir veillait à ce que personne ne restait assez longtemps dans son poste, pour ne pas acquérir une compétence suffisante dans son domaine et se servir ensuite de cette situation à des fins politiques5(*). L'administration a assuré la bonne marche des rouages de l'Etat, grâce à la haute formation de ses cadres. Mais sans réussir à se transformer en une nouvelle classe. Il s'agit d'une détermination de la monarchie par ce que les fonctionnaires sont issus, dans leur majorité, de la bourgeoisie citadine, base sociale du parti de l'Istiqlal. Cette situation était au coût de l'incapacité du pouvoir à utiliser l'administration comme un moyen de développement économique. L'invariance imprègne la vie politique, économique et sociale. Le pouvoir se porte fidèle de la vieille formule populaire qui recommande de ne pas sacrifier le vieux au profit du neuf ! Toutes les institutions traditionnelles étaient maintenues, la tribu constitue encore une réalité vivante qui provient du fond des âges, elle n'a pas encore fusionnée dans la société nationale. A cause de la fermeture du système, des ilots humains persistent encore hors du circuit du développement et des populations continuent d'exister repliées sur elles-mêmes. Le système politique sacrifie ainsi la modernité, en vue de maintenir le statuquo. Les élites politiques, économiques et administratives, les partis politiques et les syndicats étaient tous affectés par ce système. Leurs membres se lançaient dans une course de privilèges et de la richesse, et deviennent avides du pouvoir, ils refusent de le quitter, ils espèrent en faire une affaire familiale. On commence dès lors à parler de l'hérédité dans les domaines de gestion des affaires publiques, le pouvoir exerce un attrait sur l'élite. Avant d'analyser les effets pervers de l'hérédité politique dans les élites ministérielles et parlementaires, il s'avère utile de définir théoriquement les notions d'élites, pouvoir, influence et hérédité. Le pouvoir est un concept normatif, il définit la situation de celui qui dans une relation sociale, a le droit d'exiger que les autres se plient à ses directives, parce que le système des normes et des valeurs de la collectivité, établit ce droit, et l'attribue à celui qui s'en prévaut. Pour Robert Dahl le pouvoir est « un cas spécial d'influence qui implique des pertes sévères pour qui refuse de s'y conformer »6(*). Le pouvoir constitue un cas spécial d'exercice d'influence : il s'agit d'un processus affectant les politiques des autres par le recours à la menace à l'encontre des récalcitrants. L'influence, telle qu'elle est utilisée par les sociologues et les politologues américains, constitue un synonyme de l'inégalité, ainsi Robert Dahl appelle influence « un rapport entre des acteurs par lequel l'un d'entre eux amène les autres à agir autrement qu'ils ne l'auraient fait sans cela »7(*) . L'influence revêt des formes variées. Parmi eux on distingue un type particulier d'influence qui est le pouvoir, qui se définit en général par la coercition, entendue dans le sens d'infliger des sanctions à l'encontre de ceux qui refusent de se plier à la volonté des détenteurs du pouvoir. La puissance ou l'influence présente plusieurs variétés : puissance fondée sur le prestige et puissance fondée sur la violence. La contrainte est absente, quand la puissance tient au prestige, à l'ascendant, c'est-à-dire à une sorte de supériorité morale quand le leader est obéi à cause de son prestige. Ainsi l'existence d'un pouvoir, établit des relations inégalitaires officielles, donnant à certaines personnes le droit de commander et aux autres l'obligation d'obéir aux premiers. Au sein de la notion du pouvoir, il faut distinguer entre pouvoir politique et pouvoirs non politiques. Le pouvoir politique est le pouvoir souverain, c'est lui qui décide en dernière analyse, sans être soumis à un autre, donc sans être limité par un pouvoir supérieur8(*). De surcroit deux types du pouvoir peuvent être distingués, l'un tend à l'organisation et à la régulation d'ensemble de la vie collective, alors que l'autre s'occupe de la gestion d'un secteur particulier. L'essentiel c'est que les membres de la société reconnaissent pour les titulaires du pouvoir, le droit de donner des ordres et des directives aux autres membres tenus de se conformer et obéir. La désignation des détenteurs du pouvoir est un acte qui est revêtu d'une importance, puisqu'elle met en place, les individus investis du pouvoir et possèdent par conséquent, une influence sur la société toute entière. Cette opération est effectuée selon des mécanismes essayés depuis belle lurette. Pour gouverner et assumer la responsabilité des affaires publiques, des qualités sont exigées. Elles ne se trouvent que chez un petit nombre d'individus, c'est l'élite. Elle est le groupe de personnes qui dispose de l'influence et du pouvoir au sein d'une société donnée, c'est un groupe de personnes jouissant de capacités exceptionnelles, dans un domaine ou plusieurs, et qui ont pu accéder à la gestion des affaires publiques. Et par conséquent, ils détiennent le pouvoir politique. Le rôle de l'élite est double, certains de ses membres se trouvent au centre du pouvoir, et défendent les attitudes du régime en place, alors que d'autres s'alignent dans les rangs de l'opposition. L'élite, occupe une place prépondérante au sein de la hiérarchie politique, elle a toujours légitimé le pouvoir, son rôle porte soit sur le soutien et la préservation du statuquo, ou elle s'active dans l'opposition et proclame le changement. Suite à ces deux fonctions contradictoires remplit à la fois par l'élite, ses membres sont soit rapprochés du pouvoir, assiégés ou subjugués. L'élite qu'elle soit gouvernementale ou non gouvernementale, elle constitue, dans les deux cas, l'ensemble de personnes détenteurs de l'autorité et capables d'influencer la société9(*). De la masse montent perpétuellement de nouvelles élites, celles en place ont le choix de les combattre ou les intégrer jusqu'à ce qu'elles soient finalement défaites et remplacées. L'étude de la circulation des élites est souvent réduite à la fameuse phrase ''L'histoire est un cimetière d'aristocraties''. Gaetano Mosca a contribué à la science politique, en observant que les sociétés primitives sont gouvernées dans les faits, si ce n'est sous le règne de la loi, par une minorité numérique. Qu'il a nommé « classe politique ». Bien que cette théorie soit élitiste, on peut constater que sa base est différente du pouvoir que détient l'élite tel que décrit par C. Wright Mills. Contrairement à ce dernier, et d'autres sociologues plus tard, Gaetano Mosca visait à développer une théorie universelle de la société politique, sa théorie de la classe politique reflète le plus ce dessein. Néanmoins, la théorie de Gaetano Mosca était plus démocratique que celle de Pareto puisque dans sa conception, les élites ne sont pas héréditaires. Des individus originaires de toutes les classes peuvent accéder à l'élite. Il a aussi adhéré au concept de « la circulation des élites » qui est une théorie dialectique de compétition constante entre les élites, avec un groupe d'élite remplaçant progressivement un autre à maintes reprises. La formation des contre-élites lors de l'apparition de "symptômes de dégénérescence" de la classe dirigeante lui paraissait être l'élément dynamique de l'histoire. Il faut mentionner qu'au cours du XIX siècle, la littérature de l'hérédité est devenue une toute puissante notion, elle répond à deux aspirations bien diverses : à un ancien besoin d'admiration mystique, et à un besoin nouveau d'explication scientifique.10(*) Cette idée de l'hérédité a été abandonnée par la classe politique occidentale. Alors que les élites marocaines refusent de le faire. En effet la classe politique constituée au lendemain de l'indépendance à partir des cadres de l'Istiqlal et des personnalités cautionnées par Mohamed V reste depuis lors fermée sur elle-même en dépit de bouleversements superficiels11(*). Mais la rupture avec l'ancienne classe dirigeante du protectorat n'était pas définitive. Les élites marocaines originaires d'un petit cercle des grandes familles bourgeoises et des familles qui ont assurées leur ascension au service du makhzen, poursuivent l'exercice de leur influence sur tous les champs du pouvoir, leur comportement traditionnel est resté intact. Les pratiques de l'élite, demeurent identiques, elles visent un ultime objectif : l'exercice du pouvoir sans le jamais quitter. Pour ce faire les dirigeants s'agencent dans des corporatismes familiaux, contractent des coalitions à vocation d'intérêts et de clientélisme politique. Si les uns s'organisent en clans familiaux pour résister au changement, les autres forment les castes au sein de l'Etat, de l'autorité et de l'économie pour assurer la reproduction de leurs pouvoirs. Les uns se méfient de l'industrialisation du pays, refusent la libéralisation du marché et la redistribution des fruits de la croissance. Les autres freinent la démocratisation des pouvoirs économiques et politiques, parce qu'elle menace à court, moyen et long terme leur autorité sur les hommes et les organisations. Les uns et les autres, s'ils s'opposent à cause de leurs intérêts contradictoires s'entendent sur le même principe : la domination12(*). Leur éducation paternaliste, leur origine sociale et culturelle homogène, consacrent l'hégémonie de la coalition des familles au pouvoir. La famille est une notion subjective, qui se réfère aux traditions ancestrales du gouvernement, basée sur des rapports de consanguinité, et de mariage issus de l'appartenance à une grande famille, à une tribu ou des intérêts communs. Un modèle qui ne préside qu'à l'épanouissement des affaires restreintes de la famille ou du clan. Alors que l'autre forme basée sur les relations politiques et professionnelles, favorise l'intégration sociale, l'ascension des individus originaires des classes inférieures, aboutit en dernier ressort à la démocratisation du système. En réalité, cette idée incarne un véritable besoin national, du fait qu'il déclenche, l'intégration politique et sociale débouchant sur le développement économique. L'amélioration de la situation économique, réduit les inégalités entre les couches sociales, ce qui permet la diminution des tensions entre différentes composantes de la société. La démocratie n'est pas seulement un ensemble de règles, de procédures et d'institutions. Elle est aussi une éducation et une culture, c'est-à-dire un ensemble de relations d'échange d'idées et de valeurs13(*). Les élites au pouvoir réfutent cette culture, car elle diminue leur pouvoir. En contre partie, elles luttent pour légitimer l'hérédité des postes et positions. Leurs membres méprisent la compétence et les classes inférieures. La demande démocratique au Maroc est une constante de la vie politique, cela signifie qu'il existe dans l'identité collective une énergie démocratique potentielle. Mais cette revendication n'a jamais été réellement entendue. En effet, la courte durée du protectorat avait instillé des ferments encore mal digérés de modernisation économique et politique. La société demeurait largement tribale, rurale et rebelle à une autorité centrale que le protectorat n'avait pu faire respecter que par la force. La bourgeoisie économique était avide de récupérer les positions des colons, sans envisager d'en partager les fruits avec le reste de la population. Si le nationalisme de l'Istiqlal a su un moment fédérer les énergies contre la puissance protectrice, une fois celle-ci défaite, les mouvements centrifuges reprirent de plus belle14(*). Les conflits de l'indépendance, trouvaient leur fondement dans l'héritage d'avant le protectorat. Il s'est avéré que le protectorat a instauré une stabilité forcée au profit du sultan et de l'appareil makhzen de l'Etat. Le problème de la modernisation du pays a été posé à la classe politique. Au premier abord, la bourgeoisie a tenté d'utiliser la bureaucratie pour dominer les autres secteurs de la société, et les enrôler pour contribuer à l'effort de modernisation, en récupérant certaines allures libérales de la politique du protectorat. La monarchie ne pouvait pas s'opposer à ces initiatives, elle risquait d'être marginalisée. Ce n'est que lorsque la paysannerie rurale s'opposait aux projets de la bureaucratie que le roi s'imposait comme intermédiaire auprès des notables, et reprend sa place dominante dans le système politique. Le roi réhabilitait les notables de leur présomption de complicité et de conspiration contre la monarchie. En retour ceux-ci garantiraient au monarque, le soutien politique des ruraux. S'instaure dès lors, un équilibre instable, les grands projets d'industrialisation fussent abandonnés par la monarchie. De même cette institution soutenait les grands propriétaires terriens qui ont refusé de faire frais de ces réformes projetées par la bureaucratie bourgeoise, elle supposait que l'industrialisation aurait rompu l'équilibre du régime en faveur de la bourgeoisie. Pourtant ce dernier groupe maintenait encore ses rapports avec la monarchie, car il craignait un prolétariat urbain menaçant son hégémonie, comme il souhaitait volontiers à l'image du protectorat, maintenir très haut le prestige du roi pour faire accepter son autorité15(*). L'intervention des notables a aboutit à un immobilisme politique, où la monarchie se présente comme la clef de voute du système. Un groupe favorise le statuquo, il rassemble toute la bannière traditionaliste, aussi bien les notables ruraux que la petite bourgeoisie et le vieux makhzen renforcé par diverses catégories de bigots de l'islam16(*). Pour perdurer la prépondérance des ces alliés, dont les élites locales constituent le centre de gravité, la monarchie renonçait aux changements profonds, et tenta tout les remèdes pour se maintenir au pouvoir. Ainsi l'industrialisation, la réforme agraire, la compétence, l'intégration, le libéralisme politique et économique fussent confinés. Le népotisme, le clientélisme, l'allégeance, l'hérédité, l'économie de rente deviennent les termes les plus usités. L'élite se renferme sur elle et plonge dans l'autarcie, aucun changement en dehors du groupe au pouvoir n'est toléré. La classe dirigeante au Maroc, retourne à son ancien style de dévolution des postes et positions à leur progéniture. Il est naturel qu'au sein d'un système adoptant un style d'Etat ancestral, qu'il serait inéluctable de faire recours à l'hérédité politique, comme un procédé permettant d'assurer la continuité du makhzen et ses alliés, dans la direction des affaires politiques et économiques de l'Etat. Les élites parviennent à maitriser la situation politique à la base, les assises de leur pouvoir sont fondées autant, sur les liens de parenté que sur les relations clientélaires. C'est pour cette raison qu'on assiste, depuis l'indépendance, à un retard de l'évolution du pays vers une modernisation politique et économique. Le régime est condamné à l'inertie politique. Le régime politique comme n'importe quel organisme change continuellement, pour s'adapter à l'évolution et aux mutations de leur environnement17(*). Au Maroc, l'hérédité constitue un moyen de reproduction politique et social. Le renouvellement des élites, mesure la capacité d'un régime à s'accommoder au changement social et à la conjoncture, il est essentiel pour son équilibre. La stabilité politique n'était qu'une stabilité forcée, basée sur la maintenance des niveaux assez élevés des tensions entre les différents groupes, pour éviter leur coalition contre le roi. En revanche, il n'est pas toléré qu'il atteigne un niveau qui menace la survie du système. L'hérédité de ce fait constitue une situation du fait sinon du droit, dans le système politique marocain. Quel est l'impact de cette situation sur la démocratie ? Est ce qu'elle n'entrave pas la démocratisation du système, ainsi que l'émergence des compétences en provenance des différentes couches de la société ? Le temps n'est il pas opportun de substituer à la question classique comment l'Etat construit ses élites à celle de comment les élites forment l'Etat ? Pour analyser le système politique marocain, il est fondamental de le concevoir à partir des postures des acteurs contribuant à sa dynamique, en l'occurrence la monarchie, les partis politiques, les institutions et de la société civile. Il faut mettre l'accent sur tous les acteurs, sans outrepasser l'action d'aucun parmi eux, car ils sont liés par des relations d'interdépendance, agissant sur leur comportement politique. La monarchie, les partis, les institutions gouvernementales, les technocrates, les islamistes, les marxistes, les amazighs, tous ces acteurs ont contribué à l'action politique et tous revendiquent actuellement un système démocratique dont chacun en a sa propre conception. Certes, la société est en permanence mouvement, on assiste ailleurs à un changement de taille de l'élite du fait de la poussée démographique , la diversification et la multiplication des positions de pouvoir, ainsi que la déruralisation, le rajeunissement et l'élévation du niveau d'instruction18(*). La démocratisation du système s'impose dans tous les discours. En effet la démocratie avant tout, est une lutte pour l'ouverture du système, cette rivalité est susceptible de promouvoir l'égalité et la justice sociale. Elle préside enfin au développement économique. Mais les héritiers, encouragent la passivité, entretiennent le manque d'initiative, d'innovation et de compétition, incitent le repli sur soi, le respect du traditionalisme, inculquent la crainte de la coopération, de la solidarité, du renouveau et de la modernisation. En contre partie ils s'accordent sur un seul lobby, amasser des fortunes énormes sans fournir aucun effort. Le maintien de la pauvreté, pérennise leur prospérité, pour cela, ils abandonnent l'élaboration des plans de développement à long terme. Les héritiers rejettent la démocratie, elle menace leur statut. De ce fait, l'étude des relations entretenues entre l'hérédité et la démocratie revêt une importance d'envergure dans la mesure où elle permet de s'interroger sur le poids de l'hérédité au sein l'élite politique du Maroc (Partie I) et comment elles s'organisent pour conquérir le pouvoir, quel est le rôle de la famille, et quelle est l'importance de la socialisation politique de l'ascendance. Le pouvoir est libéral en ce qui concerne la nomination dans des postes contingents de députés, alors que le choix des personnalités aux postes de ministres éveille la méfiance des cercles du pouvoir. Les élites se montrent très réservées, ce qui permet de se demander sur les impacts de l'hérédité, en tant que moyens de renouvellement des élites, sur la démocratie et la vie institutionnelle du pays (Partie II), les institutions démocratiques demeurent incapables de remplir pleinement leur mission, des défaillances sont relevées au niveau des compétences et du personnel. Impératifs qui augmentent les pouvoirs des héritiers, et portent préjudices à tout ébauche démocratique.
* 1 - John Waterbury, « La légitimité du pouvoir au Maghreb : protestation et pression », AAN, 1977, p.49. * 2 - Lazarev Grigori, « Changement social et développement dans les campagnes », BESM, n° 109, p. 21, sans date. * 3 - Pierre Balandier, Anthropos, Paris, PUF, sociologie d'aujourd'hui, chapitre V, p. 216. La société rurale a été tenue loin des transformations au cours des décennies 60, 70 et 80, mais au cours des vingt dernières années, cette société a connu des changements qui ont atteint ses structures, ainsi que les mentalités des individus, grâce à la généralisation de l'enseignement et la propagation de l'audio-visuel. * 4 - Rémy Levau, Le fellah marocain défenseur du trône, éditions Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1976, p. 240. * 5 - John Waterbury, le commandeur des croyants, op. cit, p. 372. * 6 - Maurice Duverger, Sociologie de la politique, Puf, 1988, p. 166. * 7 - Maurice Duverger, op.cit, p.165. * 8 - Ibid, p. 166 * 9 -Jean Paul Chagnalland, Le système politique marocain, L'Harmattan, 1997, p. 93. * 10 - Célestin Bouglé, la démocratie devant la science, Collection : Bibliothèque des Sciences Sociales n° 21, Paris, 1904, p. 35. * 11 - Octave Marais, « La classe dirigeante au Maroc », in Revue française de science politique, 14° année, n°4, 1964, p. 718. * 12 - Ali Benhaddou, Les élites du Royaume, essai sur l'organisation du pouvoir au Maroc, éditions L'Harmattan, 1997, p .216. * 13 - Ali Benhaddou, Les élites du royaume, op. cit, p. 221. * 14 -Pierre Vermeren, Histoire du Maroc depuis l'indépendance, éditions la découverte, 2006, p. 3. * 15 - Octave Marais, « les classes dirigeante du Maroc », in revue scientifique politique, n° 4, année 1964, p. 719. * 16 - Remy levau, op. cit, p. 237. * 17 -Alain Rouquié, « Changement politique et transformation des régimes », in traité de science politique, les régimes politiques, tome 2, éditions PUF, 1985, p. 602. * 18- Aziz Elmoula iraki , Des notables, du makhzen à l'épreuve de la « gouvernance », préfacé par Mohamed Tozy, éditions L'Harmattan, 2002, p. 8. |
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