Trois problèmes spécifiques ont
été retenus. En principe, chacun d'eux doit être
obligatoirement relié à une cause. La logique voudrait que ces
causes soient identifiées.
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2008-2011
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La coopération décentralisée dans les
communes des départements du Mono et du Couffo : atouts, limites et
perspectives
1°) Cause(s) liée(s) aux
difficultés dans la recherche de partenaires en
coopération décentralisée
Plusieurs causes sont liées au premier problème
spécifique. Mais il ne faudra retenir qu'une seule qui permettra de
formuler l'hypothèse.
Les causes possibles sont les suivantes :
? La lenteur et la lourdeur administratives des structures de
l'État impliquées dans les actions de coopération
décentralisée38 ;
? L'absence de vulgarisation du guide de la
coopération décentralisée ;
? Les structures de l'État chargées d'orienter
et d'accompagner les communes en la matière ne collaborent pas
effectivement avec celles-ci ;
? L'insuffisance de compétences techniques et de
réseaux de relations au niveau des collectivités locales.
Il convient de procéder par élimination pour ne
retenir que la cause la plus plausible39. Cette élimination
ne peut se faire que sur une analyse explicative.
La lenteur et la lourdeur administratives des structures
de l'État impliquées dans les actions de coopération
décentralisée: les structures de l'État
impliquées dans la coopération décentralisée sont
sujettes à la lenteur et à la lourdeur administrative. De plus,
elles sont trop nombreuses40. Le rôle de certaines structures
n'est pas clairement défini41. Ces problèmes ne
favorisent pas la recherche de partenaires aux collectivités locales.
Et pourtant, des collectivités locales arrivent quand
même à trouver de partenaire(s). Si certaines arrivent à en
trouver, c'est que la raison pour laquelle d'autres en éprouvent de
difficultés est à rechercher ailleurs.
L'absence de vulgarisation du guide de la
coopération décentralisée : le guide de la
coopération décentralisée a été
élaboré et validé depuis 2010. Il contient des
éléments indispensables à la mise en oeuvre des relations
de coopération décentralisée. Mais, ce guide n'a jamais
fait l'objet d'une vulgarisation. Son contenu demeure inconnu de ses
destinataires qui témoignent en ignorer l'existence. Cette raison
justifie apparemment le problème puisque le guide est un outil
facilitateur en ce sens qu'il donne à l'acteur béninois les
opportunités et les atouts dont il bénéficie en tant
qu'acteur potentiel de la coopération décentralisée.
Toutefois, il faut remarquer qu'avant 2010, des collectivités
béninoises intéressaient des partenaires sans consulter un guide.
En attendant les enquêtes, cette cause peut être
écartée.
Les structures de l'État chargées d'orienter
et d'accompagner les communes en la matière ne collaborent pas
effectivement avec celles-ci : pour concrétiser sa volonté
d'aider les communes à établir des relations
38 Il importe de faire une nette démarcation entre
la première cause et la troisième. La première fait appel
à un problème de procédure tandis que la troisième
fait appel à une négation de rôle.
39 Cette méthodologie a
été adoptée à ce niveau parce qu'une
hypothèse ne se décrète pas. Elle se construit.
Énoncer une seule cause et la rattacher directement au problème
sans justification serait décréter l'hypothèse. Par
contre, identifier les causes possibles et retenir la plus plausible, c'est
construire l'hypothèse.
40 Voir plus loin, page 50.
41 Allusion au MFE, au MEIAE et au MDGLAAT. En effet, le
document-cadre de la Politique Nationale de Coopération
décentralisée fait remarquer qu'il y a une absence de
clarification des rôles des ministères sectoriels en l'occurrence
le MDGLAAT, le MAEIA et le MFE (page 16 du document).
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La coopération décentralisée dans les
communes des départements du Mono et du Couffo : atouts, limites et
perspectives
avec leurs homologues du Sud ou du Nord, l'État a mis
en place des structures chargées d'accompagner et d'orienter les
communes en la matière. Si ces structures jouaient effectivement leur
rôle et collaboraient effectivement avec elles, chacun à son
niveau, les communes auraient de facilités à trouver de
partenaires. Mais, il convient de reconnaître que ces structures ne sont
pas en amont et en aval de la coopération décentralisée.
Leurs interventions sont secondaires. Les premiers acteurs, ce sont les
communes elles-mêmes. Par conséquent, cette raison aussi ne semble
pas tout à fait plausible.
L'insuffisance de compétences techniques et de
réseaux de relations au niveau des collectivités locales :
les bénéficiaires de la coopération
décentralisée, ce sont les populations locales. L'initiative est
de leur ressort. Avec l'autonomie administrative qui leur est
conférée, elles sont censées disposer de
compétences techniques et de réseaux de relations pour initier et
gérer la coopération décentralisée. Les techniciens
sont chargés de l'élaboration des aspects techniques (fiches de
projets, programmes de mise en valeur des potentialités de la commune
pour la rendre attractive etc.), de la recherche permanente et de la conduite
des opérations. Si ces communes n'arrivent pas à prendre
l'initiative ou échouent après, c'est parce que ces moyens leur
font défaut. Bien vrai, toutes les communes parcourues disposent d'un
service ou d'une division ayant en charge la coopération
décentralisée. Mais, les chargés du secteur n'ont pas un
cahier de charge précis. Tantôt c'est le SG qui cumule sa fonction
de SG et le poste du chargé de la coopération
décentralisée42, tantôt c'est le directeur de
cabinet du maire qui cumule les deux postes43, tantôt le
secteur est confondu avec la planification et le développement
local44 etc. Cela explique la carence en ressources humaines
techniquement qualifiées et spécialisées à affecter
à ce secteur qui, semble-t-il, existe uniquement de nom. Avec cette
manière de faire, la performance au travail est
hypothéquée.
Aux dires des acteurs locaux, ni eux, ni les filles et fils
de leur localité ne disposent d'assez de relations à
l'extérieur. De plus, soulignent-ils, la prise d'initiative et le
maintien des relations constituent un problème non moins important.
Cette cause a donc plus d'importance et explique mieux le
problème que les autres. Par conséquent, elle peut être
retenue.
La cause plausible retenue est donc
l'insuffisance de compétences techniques et de
réseaux de relations au niveau des collectivités
locales.
2°) Cause(s) liée(s) à la
faible prise en compte de l'intercommunalité dans
la
coopération décentralisée
Trois causes indépendantes semblent expliquer le
deuxième problème spécifique :
42 Allusion à la Mairie
d'Athiémé
43 Allusion à la Mairie de Dogbo
44 Allusion à la Mairie de Lokossa
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communes des départements du Mono et du Couffo : atouts, limites et
perspectives
? Les contraintes économiques ;
? L'état embryonnaire des collectivités locales
;
? La concurrence et l'individualisme des collectivités
locales dans leurs efforts de développement.
Toutes ces causes sont importantes. Cependant, une seule
mérite d'être retenue. À cet effet, une analyse explicative
s'impose.
Les contraintes économiques : vivre avec les
autres, créer un EPCI, tout cela a un coût. Les communes, qui
arrivent difficilement à pourvoir à leurs charges de
fonctionnement, ne pourront pas convenablement s'acquitter de leurs cotisations
du fait des pesanteurs, des contraintes économiques. La preuve est que
les cotisations45 ne sont pas payées à temps. Et
pourtant, elles ont prévu dans leurs PDC et continuent de
prévoir46 dans leurs budgets des cotisations en faveur de
l'intercommunalité47. Ce qui montre qu'elles peuvent le
faire, même s'il est possible de remarquer une mauvaise volonté
à ce niveau48. Le retardement de la solvabilité, c'est
peut-être une cause qui ne dépend pas d'elles mais plutôt de
la disponibilité des ressources. Tout compte fait, elles parviennent
à payer quand même. Cet argument ne paraît pas plausible,
car, en effet, l'intercommunalité doit plutôt constituer un outil
aidant à faire face aux problèmes soulevés par les
contraintes économiques.
L'état embryonnaire des collectivités
locales : les collectivités locales sont encore jeunes pour avoir
l'idée de se mettre ensemble, de créer des EPCI et de les
impliquer dans les actions de coopération décentralisée
pour propulser leur économie. Cela demande du temps. De plus, la loi sur
l'intercommunalité vient d'être votée il y a juste deux
ans. Le domaine est encore jeune et il y a du travail à faire.
Cependant, les communes des Collines, aussi jeunes que celles du Mono et du
Couffo, ont formé un groupement intercommunal qui est en partenariat
avec le Conseil régional de Picardie (en France). Les communes en
étude ne peuvent donc pas se prévaloir de cet argument pour
justifier l'existence de ce problème chez elles.49
La concurrence et l'individualisme des
collectivités locales dans leurs efforts de développement :
chaque commune vit en vase clos. Elle s'occupe de ses affaires sans se
soucier de l'autre. Toutes les communes sont dans une course de concurrence au
développement entre elles. À cela, s'ajoute le fait que tous les
dirigeants politiques n'ont pas la même volonté politique de se
mettre ensemble, de réfléchir en commun, de mutualiser les
moyens,
45 Ce retard a été souligné par les
élus locaux eux-mêmes qui le rattachent à la mauvaise
volonté politique qui règnent en leur sein.
46 Les prévisions
budgétaires en faveur de l'intercommunalité n'ont pas de rapport
direct avec la coopération décentralisée mais plutôt
avec le fonctionnement de l'intercommunalité à prendre en compte
dans la coopération décentralisée.
47 Tous les PDC de la deuxième
génération des différentes communes prévoient de
cotisations en faveur de l'intercommunalité et cette prévision
est retenue dans leur budget annuel.
48 Cf. Note n°42.
49 Les contraintes économiques et
l'état embryonnaire des collectivités locales doivent
plutôt constituer des facteurs de regroupement des communes pour la
promotion, l'accélération et la concertation d'un
développement local renforcé.
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de rassembler leurs efforts pour faire face aux défis
du sous-développement. Les pesanteurs égocentriques l'emportent
sur les intérêts communs. Pour preuve, la commune de Lalo avait eu
à signer une convention de coopération
décentralisée avec CASO. Mais, de séjour à Lalo,
les acteurs de CASO ont voulu à ce que le projet s'étende
à tout le département. Pour cela, l'intercommunalité CCC a
été créée. Selon les informations recueillies
auprès des élus locaux lors des différents entretiens, la
ville de Lalo s'est désolidarisée du fait que les autres vont
bénéficier de l'accord qu'elle a négocié seule.
D'autres communes se sont désolidarisées, à en croire les
acteurs locaux interrogés sur la question, du fait qu'elles ne sont pas
en bons termes avec le chef de fil de l'intercommunalité. Ces raisons
font partie des arguments pour lesquels l'intercommunalité ne fonctionne
pas bien (malgré les textes par eux élaborés, le bureau de
l'intercommunalité ne se réunit pas souvent pour discuter des
questions relatives au développement, à en croire les acteurs). A
ces problèmes, s'ajoute la crainte de se débarrasser de certaines
de ses compétences au profit de l'EPCI. Alors, est-ce encore une
intercommunalité ?
Cette dernière cause semble être plausible et
peut être retenue pour le problème spécifique n°2.
3°) Cause(s) liée(s) à
l'absence de soumission de certaines conventions de
coopération décentralisée
à l'approbation de l'autorité de tutelle
Les causes possibles auxquelles peut être
rattaché le dernier problème spécifique sont :
? L'ignorance des textes ;
? L'atteinte à l'autonomie des communes ;
? L'imprécision du cadre juridique existant (vide
juridique ou silence des textes sur les sanctions en cas d'absence de
transmission).
Il convient de procéder par élimination. Ainsi
:
L'ignorance des textes 50 : les communes qui ne
soumettent pas leurs accords à l'approbation de l'autorité de
tutelle sont supposées ignorer que les textes l'exigent. Mais, cet
argument devient invalide pour les raisons suivantes :
- Nul n'est censé ignorer la loi ;
- Ces communes avaient eu à signer beaucoup d'accords.
Les premiers ont été transmis à l'autorité de
tutelle. Ce sont les derniers qui n'ont pas été transmis.
L'atteinte à l'autonomie des communes : les
textes sont trop exigeants. Ils demandent assez de contrôle sur les actes
communaux. L'autorité de
50 D'aucuns peuvent parler de
méconnaissance des textes à ce niveau. Ce n'est pas faux. Mais,
nous estimons que c'est parce que les textes ne sont pas assortis de sanctions
coercitives qu'ils sont méconnus. S'ils étaient contraignants,
aucune marge de méconnaissance ne serait laissée à la
discrétion des concernés. La crainte d'être
réprimé oblige à ne pas négliger. C'est la raison
pour laquelle nous soutenons que c'est plutôt parce que les textes sont
muets et donc insuffisants que cette marge de manoeuvre est permise
implicitement.
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La coopération décentralisée dans les
communes des départements du Mono et du Couffo : atouts, limites et
perspectives
tutelle cherche trop à s'impliquer dans les affaires
des communes, malgré leur autonomie. Elle n'est même pas un acteur
clé de la coopération décentralisée. Les
autorités locales peuvent se passer d'elle dans leurs rapports avec
leurs homologues du Sud ou du Nord51.
Mais, le Bénin est un pays de droit. Les communes,
dans leurs relations de coopération décentralisée, doivent
rester dans les limites de la légalité. Le respect de cette
légalité est assuré par l'autorité de tutelle. Ce
sont les lois et règlements qui l'exigent. L'autonomie administrative
n'est ni une indépendance, ni une souveraineté pour que
contrôler les relations extérieures des collectivités
locales soit une atteinte portée à leur autonomie.
L'imprécision du cadre juridique existant :
l'accord de coopération décentralisée doit être
soumis à l'approbation de l'autorité de tutelle (cf. art 22 du
décret 2009-764 du 09 décembre 2009 portant définition et
modalités de la Coopération Décentralisée en
République du Bénin). Or, aucune disposition,
réglementaire ou légale, ne prévoit la sanction
subséquente en cas de violation de ce principe consacré par
l'article 179 de la loi n°97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation
des communes en République du Bénin et complété par
l'article 22 du décret 2009-764 cité ci-dessus52. Un
vide juridique s'observe à ce niveau. Le cadre juridique est donc
insuffisant, imprécis en ce qui concerne les sanctions en cas d'absence
de transmission à l'autorité de tutelle. Les autorités
locales profitent de cette insuffisance de l'arsenal juridique pour violer le
principe. S'il existait des textes sanctionnant un tel comportement, elles
n'allaient pas négliger de soumettre les accords à
l'approbation.
Cette cause est pertinente et peut être retenue
à ce niveau.
? Récapitulatif :
? Première cause spécifique
retenue : l'insuffisance de compétences
techniques et de réseaux de relations au niveau des
collectivités locales ; ? Deuxième cause
spécifique retenue : la concurrence et
l'individualisme des
collectivités locales dans leurs efforts de
développement ;
? Troisième cause spécifique
retenue : L'imprécision du cadre juridique
existant.
Les causes spécifiques étant retenues, il y a
lieu de formuler des hypothèses.