B- L'échec des institutions financières
internationales dans le processus de développement du Nigéria
:
Il est difficile de voir les bénéfices, pour les
nigérians, de la présence des IFI dans le secteur
pétrolier de leur pays trente ans après leur arrivée. La
pauvreté est toujours importante dans le pays et de nombreux
nigérians n'ont pas encore accès à des besoins
élémentaires comme l'eau, l'électricité, les soins
de santé ou même à une éducation de
qualité.541 Dans le delta du Niger, les populations vivent
dans une précarité que viennent aggraver les conséquences
écologiques et économiques de la pollution
pétrolière. Le coût humain de l'activité
pétrolière au Nigéria traduit le peu d'importance
accordée au sort des populations. Ici, comme dans de nombreux autres
pays pétroliers du Golfe de Guinée, les bénéfices
financiers de l'industrie passent avant le bonheur des populations. Les
institutions financières internationales, en leur qualité de
premiers partenaires multilatéraux ou bilatéraux du secteur
pétrolier nigérian, ont une grande responsabilité dans la
situation économique et sociale précaire du premier producteur de
pétrole d'Afrique. Elles sont les complices du développement,
dans le pays, d'une industrie pétrolière prédominante et
surtout incapable de régler le problème du
sous-développement.
Les institutions financières internationales,
censées oeuvrer pour le redressement des économies des pays en
difficultés, se sont montrées incapables d'atteindre leurs
objectifs en Afrique comme ailleurs.542 Au Nigéria, elles
n'ont pas pu contraindre les autorités politiques et les autres acteurs
du secteur pétrolier à assurer le bonheur des populations.
Ceux-ci ont fait peu de cas des conditionnalités environnementales ou de
développement humain, de ces partenaires financiers, dans la conduite de
leurs activités. Les compagnies pétrolières par exemple
n'ont pas, ou peu, réalisé leurs promesses d'investissements dans
des technologies plus respectueuses de l'environnement ou dans des projets
capables d'améliorer significativement les conditions de vie des
populations des régions pétrolières. De même, les
stratégies de lutte contre la pauvreté mises sur pied par les
dirigeants du pays se sont révélées inefficaces depuis
plusieurs années. La création de la Commission de
Développement du Delta du Niger, censée conduire des projets
de développement dans la principale région
pétrolière du pays, n'y a pas encore permis une réelle
amélioration des conditions de vie des habitants. Malgré cela,
les institutions financières internationales continuent d'investir dans
l'amont pétrolier, se rendant ainsi complices de l'action des
multinationales et des hommes politiques nigérians. Au Nigéria,
elles ont privilégié, comme leurs consoeurs les agences de
crédit à l'exportation, leurs profits au détriment de
l'aspect social et humanitaire de leur activité.
541 -Cf. supra
542 - L'incapacité dont elles font preuve dans la
résolution de la crise de la dette en Grèce, en Espagne, au
Portugal ou en Italie témoigne de leur inadaptation aux
évolutions actuelles du monde et du caractère irréaliste
et improductif de leurs missions.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 125
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
La solution à l'échec de l'action des
institutions financières internationales au Nigéria réside
dans un changement radical de leurs priorités. Elles devraient se monter
plus fermes face aux autorités politiques et aux compagnies
pétrolières internationales et n'entretenir des relations
économiques et financières qu'avec les « bons
élèves ». Elles pourraient par exemple les obliger à
faire des efforts supplémentaires en matière de transparence dans
les transactions financières. Le suivi des recommandations de la
NEITI543 doit constituer, à cet effet, la base de leur
engagement avec un quelconque partenaire pétrolier. L'intensification de
la lutte contre la pauvreté et les détournements de fonds doit
être une des conditionnalités de leurs prêts. Les IFI ont
l'obligation, pour la réussite de leur mission, de demander aux
autorités politiques des gages de leur engagement plus ferme à
lutter contre les crimes économiques. Le renforcement des
capacités des organismes de lutte contre la corruption et de la
société civile doit être recommandé et
encouragé à cet effet. En outre, les institutions
financières internationales ne peuvent réaliser leur objectif de
lutte contre la pauvreté qu'en exigeant de leurs partenaires un plus
grand investissent dans des projets de développement. Les missions de
contrôle de l'application des promesses des acteurs du secteur
pétrolier nigérian, en matière de développement,
doivent se faire plus régulières et surtout appliquer des
sanctions fermes à l'endroit des contrevenants. Les institutions
financières internationales pourront alors prouver, par leur engagement
à l'amélioration des conditions de vie des nigérians,
l'utilité de leur présence dans le pays et leur capacité
à y promouvoir bonne gouvernance et transparence. L'oeuvre de
dénonciation qu'effectuent les organisations non gouvernementales
mérite également d'être améliorée.
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