Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de Guinée: contribution à l'étude des menaces liées à la ruée vers le pétrole au Nigéria.( Télécharger le fichier original )par Fabrice NOAH NOAH Université de Yaoundé II- Soa - Diplôme d'études appliquées en géostratégie 2011 |
B- De la difficulté du parlement à exercer sa fonction de contrôle de la gestion dupétrole : L'industrie pétrolière est une sorte de domaine réservé du pouvoir exécutif au Nigéria. C'est ce dernier qui accorde aux compagnies pétrolières les permis d'exploration ou de production, sans que le parlement ne puisse réellement influencer ce processus névralgique. Le rôle d'interlocuteur principal des multinationales du pétrole joué par le gouvernement et ses institutions associées empêche le parlement de réaliser la mission de contrôle qui est pourtant importante avant la conclusion de tout contrat pétrolier. En outre, le fait que des missions comme l'organisation des modalités de l'allocation fédérale statutaire ; le contrôle des activités des acteurs du secteur pétrolier ou la gestion des contrats soient confiées à des agences ne devant rendre compte, pour certaines, qu'au chef de l'Etat vient encore limiter les capacités du parlement à avoir un droit de regard sur la gestion de l'industrie pétrolière. Le parlement subi également la concurrence des services gouvernementaux et de la justice dans sa volonté de tirer au clair des situations de malversation finan- 483 -Amnesty International, CEHRD, La vraie « tragédie ». Retards et incapacité à stopper les fuites de pétrole dans le delta du Niger, Amnesty international, Novembre 2011, p.29 484 -Idem 485 -Cf. supra 486- En poste au 10 décembre 2012. 487 -Cf. article sur l'industrie pétrolière nigériane publié sur french.irib.ir/info/afrique 2/item/2 ... le mercredi 14 novembre 2012 à 16h33. Consulté le 07 décembre 2012. Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de Yaoundé II-Soa. Page 114 Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole au Nigéria. cière. En effet, certaines enquêtes menées par des commissions parlementaires sont ralenties ou tout simplement rendues inutiles par les autorités judiciaires ou les services de police qui s'en saisissent. C'est le cas de l'affaire de corruption dans laquelle est impliqué le président de la commission des subventions à la chambre des représentants, Farouk Lawan.488Ce dernier est en effet soupçonné d'avoir touché des bakchichs d'une société pétrolière dénommée Zenon oil and gas limited, soit 620 000 dollars américains.489Malgré la mise sur pied d'une commission d'enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur cette affaire, le sieur Farouk a été interpelé par le State Security Service et le National Intelligence Agency (les services secrets de la police) quelques jours après qu'elle ait éclaté. Cette situation, loin de traduire un certain laxisme du pouvoir exécutif face à la corruption, constitue plutôt une preuve de sa volonté de gérer de façon exclusive l'industrie pétrolière. La marge de manoeuvre du parlement face aux scandales de détournement de fonds ou de corruption s'en trouve alors considérablement réduite. Le faible impact économique et social du pétrole constitue une autre preuve de l'incapacité du parlement à exercer un droit de regard sur l'industrie pétrolière. En effet, la précarité de la situation économique et sociale du Nigéria490est due, entre autres, à une gestion du pétrole subjective et dénuée de vision géopolitique adéquate. La responsabilité des dirigeants politiques intervenant dans le secteur pétrolier est importante. En plus d'un demi-siècle d'exploitation pétrolière, ils n'ont pas réussi à faire jouer au pétrole son rôle d'énergie stratégique, malgré la place qu'il occupe dans les relations internationales ou l'économie du pays. De nombreux nigérians vivent en dessous du seuil de pauvreté et des familles entières dans le delta du Niger ont vu « [...] une pollution et une dégradation environnementale d'une ampleur humainement inacceptable transformer [leur] vie en cauchemar ».491Le retard de développement du Nigéria démontre que le parlement n'a pas toujours pu empêcher les autorités gouvernementales de faire de la gestion du pétrole une occasion d'enrichissement personnel. Il est d'ailleurs notable que les récriminations contre l'attitude de prédation de certains hommes politiques sont généralement le fait de membres de la société civile ou des groupes militants actifs dans le delta du Niger. Si la gestion opaque et subjective du pétrole par les régimes militaires successifs a pu constituer un obstacle important à l'action du parlement, il est indubitable que les progrès depuis le retour à la démocratie sont insuffisants. Les multinationales du pétrole travaillent dans une incurie et une impunité relatives, tandis que les revenus pétroliers continuent d'alimenter des dépenses somptueuses et inutiles492 quant ils ne servent pas, tout simplement, à l'enrichissement personnel des hommes politiques. Le parlement nigérian apparait alors comme une institution politique incapable de s'impliquer durablement et de manière efficace dans la gestion du pétrole au Ni- 488 - En poste au 10 décembre 2012. 489 -Voir article publié le 15 juin 2012 sur www.slateafrique.com/89301/nigeria . Consulté le 7 décembre 2012. 490 -Cf. supra 491 - Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, 2001, cité dans Amnesty International, CEHRD, La vraie « tragédie ». Retards et incapacité à stopper les fuites de pétrole dans le delta du Niger, Amnesty international, Novembre 2011, p.19 492 - Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de Yaoundé II-Soa. Page 115 Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole au Nigéria. géria. Il se contente d'interpeller le gouvernement, quand il en a l'occasion, mais reste impuissant devant la prééminence de l'exécutif sur l'industrie pétrolière. Or, l'équilibre entre les pouvoirs est une donnée essentielle des régimes politiques démocratiques. Nul doute qu'une plus grande participation du parlement à la gestion pétrolière, permettra de lutter efficacement contre la corruption et les malversations financières, qui ont fait leur lit dans l'univers pétrolier au Nigéria. |
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