B- Politisation du pétrole et faible
participation des populations du delta du Niger à la gestion de
l'industrie :
Les populations du delta du Niger ne sont pas suffisamment
associées à la gestion du pétrole. En effet, les
autorités politiques fédérales s'appuient sur le cadre
légal donné à la « prééminence
pétrolière » de l'Etat, pour éviter de prendre en
considération les avis des populations autochtones sur une industrie
qui, pourtant, les concerne au premier chef. Le manque de volonté de
l'Etat d'accélérer la démocratisation de la gestion du
pétrole est en partie responsable de l'instabilité sociale qui
règne dans le delta du Niger ; et du pillage du pétrole auquel
s'adonne un nombre considérable de ses habitants. L'Etat, qui
privilégie pourtant la transparence et l'ouverture du secteur
pétrolier depuis 1999, n'a pas encore consenti à donner plus de
place aux populations des régions pétrolières dans la
gestion de la richesse y est tirée. Il garde toujours le monopole de la
décision pétrolière et fait peu de cas des
doléances des groupes militants, quant à une gestion plus
participative de l'industrie et à une meilleure redistribution des
revenus.
La gestion des revenus pétroliers constitue l'autre
point d'achoppement entre l'Etat fédéral et les populations du
delta du Niger. L'allocation fédérale statutaire, qui
472 - Cf. supra
473 - Voir Cf. Sylvie Fanchette, Le Delta du Niger
(Nigéria) : rivalités de pouvoir, revendications
territoriales et
exploitation pétrolière ou les ferments de la
violence, Hérodote n°121, la découverte,
deuxième trimestre 2006, p.208
474 -Idem
475 -Ibid.
476- Ibid.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 111
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
est à la base du processus de redistribution des
revenus pétrolier, repose sur des critères et des pourcentages
bien définis.477 Si elle procède de la volonté
des autorités politiques de faire profiter des bienfaits du
pétrole à l'ensemble du pays, elle relève également
de considérations éminemment politiques. En effet, le partage des
revenus pétroliers à l'ensemble des régions du pays permet
de satisfaire les groupes ethniques qui ne se retrouvent pas dans les
régions pétrolières (Yoruba, Haoussa-Peul, etc.). Les
dirigeants politiques nigérians se servent de la rente pour «
acheter » une paix sociale mis à mal à plusieurs reprises,
au cours de l'histoire du pays, par des tensions interethniques.478
Ils s'assurent par le même fait le soutien de la majorité des
nigérians qui ne vivent pas dans le delta pétrolier et
l'allégeance des gouvernements locaux qui dépendent de l'argent
du pétrole.479 L'Etat fédéral se sert
également de l'allocation fédérale statutaire pour lutter
contre le militantisme dans le delta du Niger. En effet, en distribuant des
sommes importantes aux gouvernements locaux, il évite de résoudre
les problèmes posés par les militants, tout en les isolants. Les
autorités fédérales pensent ainsi mettre « hors
course » de potentiels adversaires en faisant croire aux populations
locales que les seuls revenus pétroliers à elles reversés
suffisent à leur bonheur. L'Etat se crée ainsi une importante
clientèle politique et agrandi chaque jour son cercle
d'obligés.480
La politisation de la gestion de la rente
pétrolière apparait comme une des raisons de la faible
consultation populaire en matière de décision
pétrolière. Le fait que l'argent du pétrole est à
la fois une arme politique et le principal moyen de financement de l'Etat ne
favorise pas une plus grande flexibilité des autorités politiques
nigérianes sur les modalités de son utilisation. De même,
les revendications des militants dans le delta du Niger sur un «
fédéralisme fiscal » ne peuvent pas, du moins dans l'Etat
actuel des choses, rencontrer l'assentiment des autorités
fédérales à cause du caractère stratégique
que revêt l'industrie pétrolière pour ces dernières.
Si le retour à la démocratie a multiplié par quatre le
taux des revenus pétroliers à « dériver » aux
populations des régions pétrolières (de 3% en 1998
à 13% depuis 1999), force est tout de même de constater que
celles-ci restent encore étrangères au processus de
redistribution des revenus pétroliers. En effet, il n'existe pas, ou
très peu, de mécanisme permettant d'associer les populations aux
décisions concernant la gestion de l'argent du pétrole. Pas de
référendum, pas de conseil local en mesure de
légiférer de manière autonome sur l'organisation de
l'industrie pétrolière dans les régions de production.
L'implication des populations des régions pétrolières dans
la gestion du pétrole demeure alors relativement faible. Tout comme le
rôle du parlement nigérian.
477 -Op.cit
478 -Cf. supra
479 - 90% en moyenne des budgets des Etats
fédérés dépendent de l'argent reversés par
l'Etat fédéral.
480 -Cf. supra
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
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