STRATEGIES PETROLIERES ET ECHEC DE L'AFFIRMATION DU
NIGERIA SUR LE PLAN REGIONAL.
CHAPITRE III :
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Le pétrole a une importance particulière au
Nigéria. C'est la source d'énergie à la base à la
fois du dynamisme industriel, de la santé économique et
financière du pays et de sa stabilité sociale et politique. Les
importantes réserves pétrolières ainsi que le
caractère stratégique de sa position dans le golfe de
Guinée349 font de lui une étape incontournable dans la
géostratégie africaine des grandes puissances. Depuis les
années 1960, l'industrie pétrolière a rapporté des
moyens financiers considérables au
Nigéria.350Cependant, la gestion du pétrole par les
régimes politiques successifs a été préjudiciable
à un développement économique et stratégique du
pays. En effet, l'économie de rente encouragée par les
autorités politiques nigérianes a favorisé la
dépendance du Nigéria aux grands consommateurs mondiaux, et
limité les bienfaits du pétrole au sein de la population
nigériane. Pis, elle est venue fragiliser l'équilibre ethnique et
sociologique du pays.351La lutte pour le contrôle du circuit
pétrolier a privilégié la prise en compte
d'intérêts personnels au détriment de ceux des populations.
Le pétrole a alors été incapable de permettre le
développement du premier producteur du continent et est même
devenu un facteur aggravant de la crise sociale déjà ancienne
dans le pays. La gestion de la filière pétrolière au
Nigéria souffre de nombreuses insuffisances stratégiques (Section
I). Cette situation, favorisée par le leadership insuffisant des
autorités politiques nigérianes sur l'industrie
pétrolière, rend le pays prisonnier de ses énormes
potentialités démographiques (Section II) que ses politiques
énergétiques risqueraient, à terme, de ne plus pouvoir
manager. Les choix des responsables politiques en matière de gestion
pétrolière empêchent alors une intégration
véritable du pays dans le processus de mondialisation (Section III).
SECTION I : GESTION DU PETROLE ET INSUFFISANCES
STRATEGIQUES DU
NIGERIA.
Depuis le début de l'exploitation du pétrole au
Nigéria, l'« énergie de la puissance » est au coeur de
multiples convoitises économiques, de projets
géostratégiques et d'ambitions politiques de la part d'un nombre
toujours plus important d'acteurs.352Le dynamisme de la production
pétrolière nigériane a un impact considérable sur
la stabilité sociale du pays, mais aussi sur ses projections
économiques et son pouvoir politique. Cependant, comme la plupart des
pays du Golfe de Guinée, le Nigéria ne réussit toujours
pas à tirer son épingle de jeu pétrolier, qui se
déroule dans la région. En effet, Les autorités politiques
ont brillé par leur incapacité à faire jouer au
pétrole son rôle de moteur de la puissance. Elles ne se sont pas
inscrites
349 - La position géographique du Nigéria est
stratégique car il est situé au coeur du golfe de Guinée,
situation qu'il partage avec le Cameroun. Ses nombreux ports sont ainsi
positionnés en face des côtes américaines. Il constitue une
des portes d'entrée vers l'intérieur de la sous région. En
plus, c'est le pays qui abrite un des plus grands écosystèmes de
mangrove du monde.
350 -Op.cit.
351 - le partage de la rente pétrolière est un des
points d'achoppements majeurs entre les différents niveaux de
gouvernement d'une part et les groupes ethniques d'autre part. La
dépendance du pays aux revenus du pétrole a exacerbé les
tensions ethniques et encouragé la conquête des positions de
pouvoir pour des fins personnelles.
352 - Cf. supra
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
dans la dialectique des intelligences à la base de
toute relation pétrolière internationale. Le redéploiement
stratégique des grandes puissances, dans les pays pétroliers du
Golfe de Guinée, a par conséquent constitué un obstacle
à l'émancipation stratégique du Nigéria. Cependant,
contrairement à ce que pourrait supposer la situation économique
et sociale du pays, le pétrole n'est pas une malédiction
(Paragraphe 1). Une des plus importantes limites des politiques
pétrolières au Nigéria est alors leur faible encrage dans
les réalités sociologiques du pays (Paragraphe 2) et leur
incapacité à développer la coopération
sous-régionale (Paragraphe 3).
Paragraphe 1 : Pétrole et développement :
déni d'une malédiction.
A- Esquisse de présentation du concept de «
malédiction des ressources nat u-relles » :
Il existe en Afrique, et dans de nombreuses autres
régions du monde, une idée assez répandue sur une «
malédiction des ressources naturelles ». Selon Terry Lynn Karl,
celle-ci renvoie à la relation inversement proportionnelle entre
dépendance élevée vis-à-vis des ressources
naturelles et taux de croissance économique.353 Pour de
nombreux observateurs, le plus grand malheur du continent africain viendrait,
à la fois, des convoitises que suscitent, auprès d'acteurs
véreux, l'immensité de ses matières premières et de
l'incapacité de nombreux pays à mettre sur pied des politiques
à même de faire de leurs ressources naturelles des facteurs de
développement, et non simplement de dynamisme économique. Or,
uranium, bois, diamant, gaz et pétrole seraient alors les responsables
« involontaires » de la ruine du continent. La pauvreté et
l'instabilité de pays africains, pourtant riches, apparait comme une
confirmation de ce point de vue.354Il serait alors impossible
à l'Afrique de se développer grâce aux importantes
richesses tirées de son sous-sol.355
Le pétrole, matière première
stratégique par excellence, est considéré comme incapable
d'assurer le développement des pays qui le possèdent. Les grands
enjeux autour de l'exploitation de cette source d'énergie en
limiteraient l'impact positif sur les conditions de vie des populations. La
situation économique et sociale précaire d'anciens ou actuels
pays pétroliers du Golfe de Guinée tels que le Congo, le
Nigé-ria, l'Angola, le Cameroun, ou le Gabon ; 356ou
même l'histoire de quelques pays membres de l'OPEP (Iran, Arabie
Saoudite, Irak, Venezuela, etc.) apparaissent comme autant de
témoignages du caractère illusoire du développement par le
pé-
353 Terry Lynn Karl, « comprendre la «
malédiction » des ressources », in Le pétrole.
Guide de l'énergie et du développement à l'intention des
journalistes. Lever la malédiction des ressources naturelles.2,
Open society New York, 2005, p23.
354 -Il est tout de même saisissant que des pays africains,
véritables « scandales géologiques », comme la RDC, le
Nigéria ou l'Angola occupent les dernières places dans le
classement des nations les plus riches du monde. Dans ces pays, une
minorité d'individus, généralement proches du pouvoir,
profitent des richesses tandis que la majorité des habitants vit dans
une précarité et une pauvreté abjectes.
355 - Cette éventualité tient du fait que si l'on
se base sur la définition du terme « malédiction »
(état de malheur inéluctable qui semble imposée,
dictionnaire Encarta(c) 2009) il est impossible que l'homme vienne à
bout des difficultés que posent la gestion des ressources naturelles.
356 - Voir Ian Gary et Terry Lynn Karl, Le fond du
baril, catholic relief services, juin 2003, pp. 25-43.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
trole. Dans de nombreux cas, à défaut
d'assurer une certaine prospérité aux populations des
pays producteurs, le pétrole s'est révélé
être un facteur de déstabilisation et
d'insécurité économique et
environnementale.357 Selon Philippe COPINSCHI, « le
pétrole est certainement une « richesse » au sens
économique. Mais en favorisant le développement d'une
économie de rente, le pétrole est, en même temps, un
facteur de déstabilisation ou d'entretien des conflits.
».358Quelques facteurs sont généralement
évoqués pour expliquer la malédiction du pétrole :
volatilité des prix, « syndrome hollandais », retard
dans l'accumulation des compétences et progression des
inégalités, problème de l'enclavement et
des impôts.359 Les témoignages de nombreux
nigérians, ayant assisté impuissants à la destruction de
leurs moyens de subsistance par l'industrie pétrolière
et vivant dans une pauvreté indescriptible,360
confirment la relation qui existe entre pétrole et sous-
développement. Cependant, s'il est admis que le
pétrole ne peut à lui seul assurer le
développement361 d'un pays, il est tout
aussi impossible de voir en lui le responsable du marasme économique de
quelques pays pétroliers d'Afrique.
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