DISCUSSION
La deuxième partie de l'étude nous a permis de
calculer l'image des agriculteurs ainsi que celle des fruits et légumes.
De cette façon nous avons pu vérifier que la crise des
agriculteurs n'était pas simplement dûe à une mauvaise
image globale de l'un ou de l'autre ou des deux. Nous avons trouvé que
ce n'était pas le cas. L'image des agriculteurs est supérieure
à la moyenne et tendrait plutôt vers une
« très bonne image » que vers une
« très mauvaise image » avec une moyenne de
6,47 de même pour les fruits et légumes qui eux jouissent d'une
moyenne de 7,67. Nous avons alors, fait l'hypothèse d'une part,
d'une concordance entre les représentations des fruits et légumes
et celles des agriculteurs et d'autre part que l'un des critères de la
représentation d'un bon fruit ou légume, probablement un des
critères centraux, est remis en cause par les agriculteurs.
Les associations verbales réalisées pour les
agriculteurs et pour les fruits et légumes nous ont permis de
déceler des similitudes entre les critères de ces deux
représentations. En effet, certaines des associations peuvent se
retrouver pour les agriculteurs et pour les fruits et légumes. Ces
dernières sont ; le critère « de
qualité », le « bio », le fait que les
produits soient « locaux ou régionaux »
et finalement qu'il ne serait « pas de produits chimiques ».
De plus, cette dernière association, « pas de
produits chimiques » a, dans les deux cas, un rang moyen qui tend
vers 1. Ce qui nous permet de faire l'hypothèse qu'elle fait partie du
noyau central des deux représentations. Ceci nous a permis de faire
l'hypothèse que ce critère, essentiel dans le choix de l'achat
des fruits et légumes est perçu comme non respecté, de la
part des agriculteurs. Cette hypothèse a été
vérifiée dans la deuxième partie de l'étude
où les sujets indiquent si pour eux, les agriculteurs possèdent
les caractéristiques, qu'on leur propose, pour l'association
« pas de pesticides » la moyenne est de 3,47
c'est-à-dire qu'elle tend vers « Pas d'accord ».
Alors que lorsque les sujets doivent indiquer quels
critères sont importants dans leur choix d'achat de fruit et
légumes, pour l'association « pas de produits
chimiques » nous avons obtenu une moyenne de 8,09,
c'est-à-dire tendant largement vers « très
important ».
Après avoir mis en lumière le non-respect de la
part des agriculteurs du critère « pas de pesticides ou
produits chimiques », nous avons émis des
hypothèses de centralité pour les éléments de la
représentation des agriculteurs et celle des fruits et légumes.
Pour les agriculteurs nous avions les éléments
« pas de pesticide »; « aime la
terre » ; « aime et respect la nature »
; « écologiste » et «
travailleur ». Pour les fruits et légumes nous
avions, « pas produits chimiques » ; «
frais » ; « bons » ;
« naturels » et « de saison ».
Nous notons que la plupart des éléments sur lesquels porte
l'hypothèse de centralité, que ce soit pour les agriculteurs ou
pour les fruits et légumes, font référence à une
agriculture biologique.
Au-delà de l'analyse des critères individuels
nous avons dégagé des facteurs relatifs à la
représentation des fruits et légumes ainsi que celle des
agriculteurs. Rappelons que les facteurs dégagés, concernant les
agriculteurs sont d'une part la « valorisation professionnelle du
secteur », sur lequel saturent les critères suivants ;
travailleurs, persévérants, courageux matinaux, aiment leur
travail, passionnés, compétents et aiment la terre.
Et d'autres part, « Lien agriculture/ nature » sur lequel
saturent les critères, aiment la terre, écologistes,
agriculture biologique, aiment la nature, agriculture de qualité
et sans pesticides. Les facteurs concernant les fruits et
légumes sont quant à eux, les « Produits
naturels », regroupant les critères ; sans produits
chimiques, biologiques, naturels, de qualité et bons. Le
deuxième est « Freins à la consommation » sur
lequel on trouve le prix et l'aspect et pour finir le
facteur « Attentes » avec les critères,
parfumés, mûrs, frais, régionaux et de
saison.
Les analyses de régulations sociales sur les facteurs
des agriculteurs font ressortir que, l'âge et la situation familiale
influent sur la dimension « Lien agriculture/ nature ».
Les personnes célibataires et les jeunes pensent que les agriculteurs
correspondent à ce profil. Pour ce qui est des facteurs sur les fruits
et légumes on peut observer que le genre, l'âge, le milieu de vie
et le fait d'avoir des enfants ou non, influent sur la dimension
« attentes ». Dans le sens ou les femmes, les personnes de
plus de 45ans, les personnes vivant en milieu rural et les personnes avec
enfants y accordent plus d'importance. L'âge influe également sur
l'image des fruits et légumes, les jeunes en ont une meilleure image.
Par contre on note l'absence d'influence sur l'ensemble des dimensions, de la
fréquence d'achat.
Nous avons analysé les liens qu'il y avait entre les
facteurs mis en avant, les images des fruits et légumes et des
agriculteurs. Nous avons observé que les deux dimensions relatifs aux
agriculteurs ont tous deux une influence positive sur l'image des agriculteurs,
bien que le facteur « Lien agriculture/ nature » ait une
influence bien plus importante (â std=.683) que le facteur
« valorisation professionnelle du secteur » (â
std=.351). Pour ce qui est des facteurs relatifs aux fruits et
légumes, seul le facteur « freins à la consommation
» a une influence sur leur image. Dans le sens où, plus les gens
accordent d'importance aux freins plus ils ont une bonne image des fruits et
légumes, ce résultat peut s'expliquer par le fait que les freins
ne sont, en fait, que des freins à la consommation du bio, les personnes
y accordant de l'importance pensent donc probablement que les fruits et
légumes présentent certaines caractéristiques du bio.
Nous avons également étudié le croisement
entre les dimensions relatives aux fruits et légumes et l'image des
agriculteurs ainsi que celui entre les dimensions relatives aux agriculteurs et
l'image des fruits et légumes Nous avons trouvé que les deux
facteurs des agriculteurs « valorisation professionnelle du
secteur » et « Lien agriculture/ nature » ont
une influence sur l'image des fruits et légumes. Mais comme pour l'image
des agriculteurs l'influence du facteur « Lien agriculture/
nature » a une influence plus importante (â std=.526) que celui
du facteur « valorisation professionnelle du secteur »
(â std=.226). Nous confortant dans notre hypothèse que le
« Lien agriculture/ nature » est essentiel aux yeux des
consommateurs. En ce qui concerne l'image des agriculteurs, comme pour
l'image de fruits et légumes seul le facteur
« freins » à un effet.
Nous avons également étudié les liens
qu'ils y avaient, ou s'il y en avait, entre les facteurs relatifs aux fruits et
légumes et ceux relatifs aux agriculteurs. On observe alors, les
résultats suivants : les sujets qui considèrent que les
agriculteurs correspondent aux caractéristiques de la dimension
« valorisation professionnelle du secteur » accordent plus
d'importance dans l'achat de leur fruits et légumes aux critères
de la dimension « produits naturels » et « attentes ». Face
à ce résultat nous pouvons supposer que, les personnes pensant
que les agriculteurs correspondent plus à un aspect travailleur
plutôt qu'à un aspect porté vers le respect de la nature,
font plus attention lorsqu'ils achètent leurs fruits et légumes
aux critères composant les « attentes » et les « produits
naturels » car ils estiment que leurs fruits et légumes sont
susceptibles de ne pas présenter ces caractéristiques. Par
contre, nous observons également que les sujets qui pensent que les
agriculteurs correspondent aux critères de la dimension « lien
agriculture-nature » accordent plus d'importance aux critères
composants la dimension « freins à la consommation » des
fruits et légumes. Dans ce cas-là, nous supposons que c'est
justement parce que les agriculteurs sont perçus comme respectueux de la
nature que les sujets pensent que les fruits et légumes qu'ils
achètent sont susceptibles de leurs convenir mais risque de
présenter des freins tel que le prix ou l'aspect. Nous notons que ces
freins sont ceux que l'on trouve dans l'achat du bio.
LIMITES
1. Dans notre étude nous avons étudié
les régulations sociales au niveau des facteurs seulement et pas sur les
critères. Il serait intéressant de prendre en compte plus de
variables indépendantes dans les associations verbales pour pouvoir
faire une analyse factorielle des correspondances (AFC) et dégager les
axes factoriels les plus significatifs, c'est-à-dire mettre en
lumière les correspondances entre les différentes variables et
les associations recueillies. En effet l'AFC permet de traiter les
fréquences d'apparition des mots et de les croiser avec l'appartenance
des répondants à des groupes définis par leur statut
social. Ce qui nous renseigne sur les liens entre l'appartenance des individus
aux groupes et leurs réponses. Dans cette étude les
associations verbales différencient seulement les hommes des femmes et
les plus de 40ans des moins de 40ans. Avec plus de variables peut être
que les ancrages sociologiques de certains critères auraient
été mis en lumière. Par la suite cela nous aurait
peut-être permis de focaliser notre attention dans l'étude
expérimentale sur les variables socio démographiques les plus
pertinentes.
2. Comme nous l'avons dit, les régulations sociales
ont été étudiées. Cependant dans notre étude
nous prenions surtout en compte des variables sociales, tel que le genre,
l'âge, la profession et catégorie socioprofessionnel et le milieu
de vie. En plus de ces variables nous regardions le mode de consommation et la
fréquence d'achat mais nous aurions pu prendre en compte des variables
qui renvoient aux positions idéologiques. En effet nous avons
noté que la représentation des agriculteurs ainsi que celle des
fruits et légumes comprenaient plusieurs critères qui faisaient
référence au bio, il serait donc intéressant de voir les
modulations qu'apporte l'intérêt pour le bio de façon
général à ces représentations.
3. Dans notre étude la variable milieu de vie, n'a que
peu d'effet, mais peut être est ce dû à un manque de
précision dans la question. Il aurait fallu être plus
précis ou proposer plus de modalités pour la variable milieu de
vie. La pertinence pour cette question d'une réponse à deux
modalités peut clairement être remise en cause. En effet dans
notre questionnaire les sujets devaient obligatoirement se positionner sur
campagne ou ville, alors qu'un certain nombre vivaient en
périphérie et ne savaient donc pas très bien où ils
se placer. Cette difficulté nous a peut être amené à
avoir des résultats moins nets et des divergences d'opinion amoindries.
4. Dans notre étude nous avons émis des
hypothèses de centralité sur les éléments
dégagés grâce à l'association verbale. Cependant, il
serait intéressant de refaire de nouveaux questionnaires de mise en
cause avec les éléments dégagés pour les
agriculteurs et ceux pour les fruits et légumes, et ainsi
vérifier la centralité des items. En effet, la méthode
d'évocation hiérarchisée nous a permis d'émettre
des hypothèses sur la centralité des items mais non de la
vérifier. Ceci nous permettrait de vérifier si les
éléments centraux sont les plus importants pour les sujets et
créent le plus de liens.
5. Nos questions sur le mode de consommation ont abouties
à très peu d'effet, mais cela est peut-être dû
à un manque de divergence dans la population étudiée. Il
serait, par conséquent, intéressant de refaire passer les
questionnaires en équilibrant la variable, lieux d'achat des fruits et
légumes. En prenant
· 32 personnes qui achètent leurs fruits et
légumes en grande surface
· 32 personnes qui achètent leurs fruits et
légumes au marché
· 32 personnes qui achètent leurs fruits et
légumes chez le producteur
· 32 personnes qui achètent leurs fruits et
légumes en AMAP
Cette répartition nous permettrait peut-être
d'avoir plus de chance de mettre en lumière des différences
dûes au mode de consommation. Dans notre étude trop peu de
personnes consomment directement chez le producteur et quasiment aucune
personnes n'achètent ses fruits et légumes en AMAP.
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