La contribution de la société civile congolaise au processus de la réforme du secteur de la sécurité dans le cadre de la consolidation de la paix et de la stabilisation du pays( Télécharger le fichier original )par Gaston ASITAKI LISIKI Université Pierre Mendès France - Master 2 en sécurité internationale et défense 2012 |
1 MASTER 2 ETUDES INTERNATIONALES ET
EUROPEENNES La contribution de la société civile
congolaise au processus de la réforme du secteur Année 2011-2012 IntroductionDans un contexte de conflit ou de post-conflit, il arrive que l'Etat concerné, les Etats impliqués et la communauté internationale, conviennent des actions de stabilisation au travers de solutions consensuelles capables d'offrir un haut degré de sécurité a tous. Pour rendre effective une reprise de la vie normale après des années de conflit, de nombreuses actions sont mises en oeuvre : reconstruction des infrastructures ou création d'autres nouvelles là où elles étaient inexistantes, restauration de l'autorité de l'Etat, réforme du secteur de la sécurité (RSS)... L'organisation des élections démocratiques couronne les efforts en permettant de confier la totale gestion des affaires publiques aux autorités choisies et investies par les populations. Un tel processus mobilise non seulement les efforts des acteurs étatiques mais aussi ceux non étatiques : individus, groupes d'individus ou diverses formes d'associations. En effet, comme le soutient le rapport de l'OCDE : « accroître la participation des citoyens et faire en sorte qu'ils s'approprient la formulation et la mise en oeuvre des politiques publiques est une composante importante d'un système de gouvernance rénové et du contrat social qui le sous-tend... Faire en sorte que les citoyens participent a tous les stades de la conception et de la mise en oeuvre des interventions en appui de la construction de la paix, du renforcement de l'État et des objectifs plus larges du développement, est considéré être un enjeu essentiel pour la stabilité à long terme ».1 Dans le monde, « de nombreuses organisations de la société civile ont su montrer leur capacité et leur force de mobilisation. L'appui de la société civile peut faciliter la participation des peuples les plus pauvres et les plus vulnérables dans l'implémentation des politiques publiques de développement. Qui plus est, elle participe à l'amélioration des services sociaux de base tels que l'éducation et la santé. Les organisations de la société civile jouent ainsi un rôle croissant dans la bonne organisation de la vie publique »2. Les efforts pour renforcer la démocratie et la sécurité humaine reposent fortement sur l'implication et le dialogue avec des citoyens engagés et décidés qui s'organisent eux-mêmes en vue de plus de justice et de paix, que ce soit dans des organisations non gouvernementales importantes et bien établies ou dans des alliances communautaires. Dans le secteur particulier de la réforme du secteur de la sécurité (RSS), la société civile a la compétence et l'autorité nécessaires pour compléter les mandats officiels de contrôle dévolus a l'exécutif, au parlement, au judiciaire et aux institutions nationales de droits humains. La paix, la sécurité et la démocratie ne peuvent se développer qu'au moyen d'un dialogue et d'échanges constructifs entre les institutions politiques et les électeurs de qu'ils ont reçu mandat de représentation. Au Congo comme partout ailleurs, la société civile constitue un espace de consolidation de la gouvernance démocratique et un secteur non gouvernemental crucial dans la promotion et l'édification de la démocratie mais on se doit de reconnaitre qu'elle est trop vaste, souvent politisée et bien souvent déficiente, au niveau de ses capacités humaines, opérationnelles, financières et organisationnelles. A la différence des institutions politiques qui sont naturellement identifiées et disposent des modes d'organisation et de fonctionnement bien connus, les organisations de la société civile sont généralement des acteurs « sans carte d'identité ~ du simple fait qu'elles sont multiformes, 1 Le dialogue international sur la construction de la paix et le renforcement de l'Etat, rapport de synthèse, Dili-Timor-Leste, 9-10 avril 2010, OCDE, p.28 2 2 Le PNUD et les Organisations de la société civile, in www.beta.undp.org/content/sociétécivile multisectorielles, encrées voire confondues dans le moule social. Même ainsi considérée, devonsnous méconnaître tout rôle à la société civile dans le processus qui nous concerne, le reconnaître en le relativisant ? Nous pensons que non. Il y a certes a relativiser sur l'impact de cette contribution mais on ne peut la nier. Le cas particulier de son implication dans la réforme du secteur de la sécurité constitue une illustration de sa vitalité. Une étude assez récente sur l'évaluation de l'appui des bailleurs a la participation citoyenne et à l'imputabilité établit que les OSC restent en RDC les principaux canaux d'expression citoyenne et de présentation des revendications. « Les autorités politiques congolaises et la communauté internationale ont d'ailleurs tendance a recourir a ces organisations pour récolter leurs avis ou même pour les instrumentaliser lorsqu'il s'agit d'exécuter des tâches d'information et de sensibilisation. La pratique de l'interpellation et du contrôle par les OSC, commence a devenir une pratique plus régulière et plus structurée, notamment à l'adresse du Parlement. La possibilité pour ces OSC d'exprimer leur position et d'interpeller est donc de plus en plus admise...»3 Beaucoup d'auteurs ont écrit a ce jour sur la société civile congolaise et son apport dans la vie de la nation. Pour l'essentiel, ils se sont contentés de faire une étude sur son évolution historique. Lorsqu'ils se sont penchés sur sa contribution dans la gestion de la chose publique, ils ont abordé essentiellement les aspects liés à sa contribution au processus de démocratisation du pays. Des structures d'appui international comme la MONUSCO et la Délégation de l'Union Européenne en RDC ont soutenu des études plus dans le but d'avoir des éléments susceptibles de guider leurs interventions. Plus proche de la thématique qui nous occupe et en illustration, nous citerons le Rapport sommaire de l'évaluation des capacités de la société dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité réalisé par la Société civile du Congo avec l'appui de l'Institut Sud-Africain pour la Démocratie en Afrique, IDASA en sigle, et du Development Found for International Development, DFID en sigle. Quant à la RSS précisément, elle fait l'objet, depuis le milieu de la décennie 1990 au moins, d'un intérêt croissant en sociologie, en sciences juridiques et politiques. Plusieurs approches ont été développées pour saisir le concept et concrétiser sa mise en oeuvre4. Notre étude offrira l'avantage de se pencher sur la problématique spécifique de la contribution de la société civile dans le processus de la réforme du secteur de la sécurité dans le contexte de reconstruction de l'Etat après les années de conflits armés. Le cas congolais nous servira de modèle illustratif. A la suite des deux guerres civiles qu'a connues le pays (1996 a 1997 puis 1998 a 2002), la RDC, avec l'appui de ses partenaires internationaux, s'est engagée dans la restauration de l'autorité de l'Etat et la stabilisation du pays. Dans la présente étude, tout en présentant le panorama des efforts multiples initiés pour consolider la paix et stabiliser le pays, nous nous appesantirons sur le grand chantier de la réforme du secteur de la sécurité. Et là, nous relèverons particulièrement l'apport spécifique de la société civile congolaise. Nous ferons premièrement une présentation du processus de la RSS au Congo (Chapitre 1er), nous le contemplerons ensuite dans l'environnement plus grand de la consolidation de la paix et de la stabilisation du pays (Chapitre 2ème). La réforme du secteur de la sécurité et la stabilisation appréhendées, nous présenterons en dernier lieu la part ou 3 Arnaud Gorgemans et Tatien Musabyimana, « Quel rôle pour la société civile », in http://www.cetri.be/spip.php?article1776 3 4 Axel Augé, Les réformes du secteur de la sécurité et de la défense en Afrique sub-saharienne : vers une institutionnalisation de la gouvernance du secteur sécuritaire, Afrique contemporaine, 2006/2 no 218, p. 49-67. DOI : 10.3917/afco.218.67, in http://www.cairn.info/revue-afriquecontemporaine-2006-2-page-49.htm, p. 49 mieux la contribution spécifique de la société civile congolaise dans la réforme du secteur de la sécurité, considérée comme préalable pour la stabilisation (Chapitre 3ème). Pour réaliser ce mémoire, nous recourons essentiellement à deux méthodes : la lecture de la littérature et la réalisation des interviews. Par la première, nous avons recouru à la documentation disponible sur les concepts essentiels de notre travail que sont : la société civile, la consolidation de la paix, la stabilisation et la RSS. Pour ce dernier concept, relevons que les praticiens parlent à la fois de réforme du secteur de la sécurité, de développement du secteur de la sécurité et même de réforme du système de sécurité. Quant à cette dernière formulation, notons que d'après les Lignes directrices du CAD sur la réforme des systèmes de sécurité et la gouvernance convenues en 2004, un système de sécurité comprend les acteurs essentiels de la sécurité (forces armées, services de police, forces de gendarmerie, services de garde-frontières, services des douanes, services de l'immigration, services de renseignement et de sécurité, etc.), les organismes de gestion et de contrôle de la sécurité (ministères de la Défense nationale et de l'Intérieur, organismes de gestion financière, commissions des plaintes du public, etc.), les institutions judiciaires et pénales (système judiciaire, système carcéral, services de poursuite, système de justice traditionnelle, etc.) et les forces de sécurité non officielles (sociétés de services sécuritaires, guérillas et milices privées, etc.)5. Nous utiliserons, dans le cadre de cette étude, la formulation réforme du secteur de la sécurité, RSS en sigle, et nous limiterons nos propos sur la réforme de l'armée et de la police au Congo. Les recherches manuelles et électroniques effectuées nous ont procuré suffisamment de matériel pour cette étude. Nous nous sommes penchés à la fois sur les ressources portant sur les concepts généraux que sur ceux traitant en particulier du cas congolais. Nous avons recueilli les opinions et les commentaires d'un certain nombre d'acteurs de la société civile et des techniciens intervenant, par leur travail, dans les structures comme l'Unité de stabilisation de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation du Congo (MONUSCO), le Plan de Stabilisation et de Reconstruction des zones affectées par la guerre (Programme STAREC) et le Réseau pour la Réforme de la Sécurité et de la Justice (RRSJ). Nous nous sommes intéressés à la fois à ceux de Kinshasa, la capitale qu'à ceux basés en province, particulièrement dans les villes de l'est du pays (Goma, dans la Province du Nord Kivu, Bukavu dans la province du Sud Kivu et Bunia dans le district de l'Ituri, en province orientale), parties de la république les plus impliquées dans les questions qui nous occupent. |
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