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MASTER 2 ETUDES INTERNATIONALES ET
EUROPEENNES Spécialité Recherche SECURITE INTERNATIONALE ET
DEFENSE
La contribution de la société civile
congolaise au processus de la réforme du secteur de la
sécurité dans le cadre de la consolidation et de la stabilisation
du pays par Gaston ASITAKI LISIKI dirigé par : Mme Liliane PERRIN
BENSAHEL
Année 2011-2012
Introduction
Dans un contexte de conflit ou de post-conflit, il arrive que
l'Etat concerné, les Etats impliqués et la communauté
internationale, conviennent des actions de stabilisation au travers de
solutions consensuelles capables d'offrir un haut degré de
sécurité a tous.
Pour rendre effective une reprise de la vie normale
après des années de conflit, de nombreuses actions sont mises en
oeuvre : reconstruction des infrastructures ou création d'autres
nouvelles là où elles étaient inexistantes, restauration
de l'autorité de l'Etat, réforme du secteur de la
sécurité (RSS)... L'organisation des élections
démocratiques couronne les efforts en permettant de confier la totale
gestion des affaires publiques aux autorités choisies et investies par
les populations.
Un tel processus mobilise non seulement les efforts des
acteurs étatiques mais aussi ceux non étatiques : individus,
groupes d'individus ou diverses formes d'associations. En effet, comme le
soutient le rapport de l'OCDE : « accroître la participation des
citoyens et faire en sorte qu'ils s'approprient la formulation et la mise en
oeuvre des politiques publiques est une composante importante d'un
système de gouvernance rénové et du contrat social qui le
sous-tend... Faire en sorte que les citoyens participent a tous les stades de
la conception et de la mise en oeuvre des interventions en appui de la
construction de la paix, du renforcement de l'État et des objectifs plus
larges du développement, est considéré être un enjeu
essentiel pour la stabilité à long terme ».1
Dans le monde, « de nombreuses organisations de la
société civile ont su montrer leur capacité et leur force
de mobilisation. L'appui de la société civile peut faciliter la
participation des peuples les plus pauvres et les plus vulnérables dans
l'implémentation des politiques publiques de développement. Qui
plus est, elle participe à l'amélioration des services sociaux de
base tels que l'éducation et la santé. Les organisations de la
société civile jouent ainsi un rôle croissant dans la bonne
organisation de la vie publique »2.
Les efforts pour renforcer la démocratie et la
sécurité humaine reposent fortement sur l'implication et le
dialogue avec des citoyens engagés et décidés qui
s'organisent eux-mêmes en vue de plus de justice et de paix, que ce soit
dans des organisations non gouvernementales importantes et bien établies
ou dans des alliances communautaires.
Dans le secteur particulier de la réforme du secteur de
la sécurité (RSS), la société civile a la
compétence et l'autorité nécessaires pour compléter
les mandats officiels de contrôle dévolus a l'exécutif, au
parlement, au judiciaire et aux institutions nationales de droits humains. La
paix, la sécurité et la démocratie ne peuvent se
développer qu'au moyen d'un dialogue et d'échanges constructifs
entre les institutions politiques et les électeurs de qu'ils ont
reçu mandat de représentation.
Au Congo comme partout ailleurs, la société
civile constitue un espace de consolidation de la gouvernance
démocratique et un secteur non gouvernemental crucial dans la promotion
et l'édification de la démocratie mais on se doit de reconnaitre
qu'elle est trop vaste, souvent politisée et bien souvent
déficiente, au niveau de ses capacités humaines,
opérationnelles, financières et organisationnelles.
A la différence des institutions politiques qui sont
naturellement identifiées et disposent des modes d'organisation et de
fonctionnement bien connus, les organisations de la société
civile sont généralement des acteurs « sans carte
d'identité ~ du simple fait qu'elles sont multiformes,
1 Le dialogue international sur la construction de la paix et le
renforcement de l'Etat, rapport de synthèse, Dili-Timor-Leste, 9-10
avril 2010, OCDE, p.28
2
2 Le PNUD et les Organisations de la
société civile, in
www.beta.undp.org/content/sociétécivile
multisectorielles, encrées voire confondues dans le
moule social. Même ainsi considérée, devonsnous
méconnaître tout rôle à la société
civile dans le processus qui nous concerne, le reconnaître en le
relativisant ? Nous pensons que non. Il y a certes a relativiser sur l'impact
de cette contribution mais on ne peut la nier. Le cas particulier de son
implication dans la réforme du secteur de la sécurité
constitue une illustration de sa vitalité.
Une étude assez récente sur l'évaluation
de l'appui des bailleurs a la participation citoyenne et à
l'imputabilité établit que les OSC restent en RDC les principaux
canaux d'expression citoyenne et de présentation des revendications.
« Les autorités politiques congolaises et la communauté
internationale ont d'ailleurs tendance a recourir a ces organisations pour
récolter leurs avis ou même pour les instrumentaliser lorsqu'il
s'agit d'exécuter des tâches d'information et de sensibilisation.
La pratique de l'interpellation et du contrôle par les OSC, commence a
devenir une pratique plus régulière et plus structurée,
notamment à l'adresse du Parlement. La possibilité pour ces OSC
d'exprimer leur position et d'interpeller est donc de plus en plus
admise...»3
Beaucoup d'auteurs ont écrit a ce jour sur la
société civile congolaise et son apport dans la vie de la nation.
Pour l'essentiel, ils se sont contentés de faire une étude sur
son évolution historique. Lorsqu'ils se sont penchés sur sa
contribution dans la gestion de la chose publique, ils ont abordé
essentiellement les aspects liés à sa contribution au processus
de démocratisation du pays. Des structures d'appui international comme
la MONUSCO et la Délégation de l'Union Européenne en RDC
ont soutenu des études plus dans le but d'avoir des
éléments susceptibles de guider leurs interventions.
Plus proche de la thématique qui nous occupe et en
illustration, nous citerons le Rapport sommaire de l'évaluation des
capacités de la société dans le domaine de la
réforme du secteur de la sécurité réalisé
par la Société civile du Congo avec l'appui de l'Institut
Sud-Africain pour la Démocratie en Afrique, IDASA en sigle, et du
Development Found for International Development, DFID en sigle. Quant à
la RSS précisément, elle fait l'objet, depuis le milieu de la
décennie 1990 au moins, d'un intérêt croissant en
sociologie, en sciences juridiques et politiques. Plusieurs approches ont
été développées pour saisir le concept et
concrétiser sa mise en oeuvre4.
Notre étude offrira l'avantage de se pencher sur la
problématique spécifique de la contribution de la
société civile dans le processus de la réforme du secteur
de la sécurité dans le contexte de reconstruction de l'Etat
après les années de conflits armés. Le cas congolais nous
servira de modèle illustratif.
A la suite des deux guerres civiles qu'a connues le pays (1996
a 1997 puis 1998 a 2002), la RDC, avec l'appui de ses partenaires
internationaux, s'est engagée dans la restauration de l'autorité
de l'Etat et la stabilisation du pays. Dans la présente étude,
tout en présentant le panorama des efforts multiples initiés pour
consolider la paix et stabiliser le pays, nous nous appesantirons sur le grand
chantier de la réforme du secteur de la sécurité. Et
là, nous relèverons particulièrement l'apport
spécifique de la société civile congolaise. Nous ferons
premièrement une présentation du processus de la RSS au Congo
(Chapitre 1er), nous le contemplerons ensuite dans l'environnement
plus grand de la consolidation de la paix et de la stabilisation du pays
(Chapitre 2ème). La réforme du secteur de la
sécurité et la stabilisation appréhendées, nous
présenterons en dernier lieu la part ou
3 Arnaud Gorgemans et Tatien
Musabyimana, « Quel rôle pour la société civile
», in
http://www.cetri.be/spip.php?article1776
3
4 Axel Augé, Les réformes du secteur de la
sécurité et de la défense en Afrique sub-saharienne : vers
une institutionnalisation de la gouvernance du secteur sécuritaire,
Afrique contemporaine, 2006/2 no 218, p. 49-67. DOI : 10.3917/afco.218.67,
in
http://www.cairn.info/revue-afriquecontemporaine-2006-2-page-49.htm,
p. 49
mieux la contribution spécifique de la
société civile congolaise dans la réforme du secteur de la
sécurité, considérée comme préalable pour la
stabilisation (Chapitre 3ème).
Pour réaliser ce mémoire, nous recourons
essentiellement à deux méthodes : la lecture de la
littérature et la réalisation des interviews. Par la
première, nous avons recouru à la documentation disponible sur
les concepts essentiels de notre travail que sont : la société
civile, la consolidation de la paix, la stabilisation et la RSS.
Pour ce dernier concept, relevons que les praticiens parlent
à la fois de réforme du secteur de la sécurité, de
développement du secteur de la sécurité et même de
réforme du système de sécurité. Quant à
cette dernière formulation, notons que d'après les Lignes
directrices du CAD sur la réforme des systèmes de
sécurité et la gouvernance convenues en 2004, un système
de sécurité comprend les acteurs essentiels de la
sécurité (forces armées, services de police, forces de
gendarmerie, services de garde-frontières, services des douanes,
services de l'immigration, services de renseignement et de
sécurité, etc.), les organismes de gestion et de contrôle
de la sécurité (ministères de la Défense nationale
et de l'Intérieur, organismes de gestion financière, commissions
des plaintes du public, etc.), les institutions judiciaires et pénales
(système judiciaire, système carcéral, services de
poursuite, système de justice traditionnelle, etc.) et les forces de
sécurité non officielles (sociétés de services
sécuritaires, guérillas et milices privées,
etc.)5. Nous utiliserons, dans le cadre de cette étude, la
formulation réforme du secteur de la sécurité, RSS en
sigle, et nous limiterons nos propos sur la réforme de l'armée et
de la police au Congo.
Les recherches manuelles et électroniques
effectuées nous ont procuré suffisamment de matériel pour
cette étude. Nous nous sommes penchés à la fois sur les
ressources portant sur les concepts généraux que sur ceux
traitant en particulier du cas congolais.
Nous avons recueilli les opinions et les commentaires d'un
certain nombre d'acteurs de la société civile et des techniciens
intervenant, par leur travail, dans les structures comme l'Unité de
stabilisation de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation du Congo
(MONUSCO), le Plan de Stabilisation et de Reconstruction des zones
affectées par la guerre (Programme STAREC) et le Réseau pour la
Réforme de la Sécurité et de la Justice (RRSJ). Nous nous
sommes intéressés à la fois à ceux de Kinshasa, la
capitale qu'à ceux basés en province, particulièrement
dans les villes de l'est du pays (Goma, dans la Province du Nord Kivu, Bukavu
dans la province du Sud Kivu et Bunia dans le district de l'Ituri, en province
orientale), parties de la république les plus impliquées dans les
questions qui nous occupent.
Chapitre 1. La réforme du secteur de la
sécurité congolais
A la fin d'un conflit intervenant a la suite de la chute d'un
régime autoritaire, les Etats se retrouvent fragilisés par
notamment un système de sécurité mal
contrôlé, déstructuré, incapable de fournir la
sécurité indispensable a la stabilité. Les réformes
du secteur de la sécurité qui s'initient alors, pour la grande
majorité avec l'appui des partenaires extérieurs visent
généralement a renforcer les capacités institutionnelles
des forces de défense et de sécurité. « Cette
réponse d'un caractère quasi systématique
»6, comme le qualifie Serge Rumin, est guidée par une
conception pragmatique du défi ; ces institutions étant
considérées comme des organes exécutant des fonctions de
l'Etat, de pouvoir sans lien avec leur fondement social.
5 Manuel OECD CAD sur la réforme des systèmes de
sécurité - 978-92-64-037397 - (c) OCDE 2007, p. 5.
4
6 Serge Rumin, « La Gouvernance démocratique : un
nouveau paradigme pour le développement ? », sous la direction de
Séverine Bellina, Hervé Magro et Violaine de Villemeur, Editions
Karthala, Paris, 2008, p 1.
L'intérêt d'impliquer la société
civile dans un processus comme la RSS réside dans l'affirmation de la
constante que « les institutions procèdent du social. D'une part
elles incarnent et servent des valeurs qui régulent les échanges
et garantissent la cohésion au sein de la société
(l'ordre, la justice, la sécurité, etc.) et d'autre part, elles
fonctionnent grâce aux ressources provenant de cette même
société (argent, individu, information, etc.). A la fin du
conflit, la société hérite d'un système de valeurs
qui n'ayant pu maintenir la cohésion et la régulation sociale, se
trouve altéré. Une réforme cohérente des
institutions du système de la sécurité se doit
d'intégrer ces conséquences sociales »7.
Au Congo, la RSS a suivi des chemins bien particuliers. A son
lancement par les acteurs politiques, anciens belligérants des guerres
qu'a connues le pays, la direction du processus fut confiée à la
communauté internationale (Section 1). A la suite des élections
de 2006 qui ont mis fin à la période de transition, le nouveau
pouvoir politique mis en place, se prévalant d'une
légitimité populaire issue des urnes, opta pour la reprise en
main de la réforme (Section 2). Cependant, aussi bien dans la
période allant de 2002 à 2006 que celle postérieure
à 2006, la société civile congolaise s'est établie
comme une véritable force de propositions et un partenaire majeur dans
la RSS, préalable crucial de la prévention des conflits, de la
consolidation et du maintien de la paix.
Section 1. La conduite de la réforme du secteur
de la sécurité par la communauté internationale
(période avant les élections de 2006)
La RSS en RDC repose sur quatre documents majeurs : les
accords de Lusaka du 10 juillet 1999 sont le premier. Vient ensuite l'Accord
global et inclusif, signé le 17 décembre 2002, à Pretoria
par les ex-belligérants congolais. Ce document prévoit
expressément un chapitre sur l'armée8 et le Conseil
supérieur de la défense9. Le troisième document
est la constitution de la transition promulguée le 2 avril
200310 tandis que le quatrième est l'Acte d'engagement de
Dar-es-Salaam signé par les autres chefs des groupes armés non
signataires de l'Accord de Pretoria. Pour matérialiser cette
volonté, il fut créé le Programme National de
Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (PNDDR). Cette
structure visait à appuyer de manière systématique le
processus de pacification et la réforme de
l'armée11.
La RSS congolaise fut initiée dans un contexte
politique ambigu où aucune des parties belligérantes n'avait
véritablement gagné militairement la guerre. Bâtissant sur
un fragile consensus une politique caractérisée par la mise en
place d'un gouvernement dit 1+4 (le gouvernement+les anciens mouvements de
rébellion), il s'imposait la nécessité de composer avec
tout le monde. Ce modèle de partage de pouvoir et de positions fut
répliqué dès lors à tous les niveaux de structures
de l'Etat, incluant les forces armées et la police12.
7 Serge Rumin, ibidem, p.1.
8 Lire le document in
http://www.grandslacs.net/doc/2826.pdf
5
9 Le Conseil supérieur de la défense
était composé du Président de la République, des
quatre vice-présidents, du Ministre de la défense et nationale
des anciens combattants, du Ministre de l'intérieur, de la
décentralisation et de la sécurité, des Chefs d'Etat Major
de l'armée de terre et de l'air ainsi que de celui de la force
navale.
10 Journal Officiel de la RDC du 4 avril 2003 in
http://grandslacs.net/doc/2811.pdf
11 L'historique du PNDDR se situe au niveau des
repérés suivants :
1° Décret n° 03/041 du 18 décembre 2003
portant création du Comité interministériel chargé
de la conception et l'orientation en matière de DDR ; 2°
Décret n° 03/042 du 18 décembre 2003 portant
création, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale de
Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (CONADER)
abrogé par l'ordonnance n° 07/056 du 14 juillet 2007 ;
3° Décret n0 04/92 du 16 octobre 2004 instituant le
Programme National de Désarmement, Démobilisation et
Réinsertion (PNDDR) ;
4° Ordonnance n° 07/056 du 14 juillet 2007 portant
abrogation du décret n° 03/042 du 18 décembre 2003 portant
organisation et fonctionnement de la CONADER ;
5° Ordonnance n° 07/057 du 14 juillet 2007 portant
création, organisation et fonctionnement de l'Unité
d'exécution du PNDDR (UEPN-DDR) ;
12 Les faiblesses du processus de brassage, mixage ou
intégration des diverses forces en présence constituent une des
explications des la présence des groupes armés toujours actifs
dans la partie est du pays et sur lesquels le gouvernement central n'a aucune
réelle influence. Celles-ci continuent d'opérer en étroite
collaboration avec des groupes rebelles étrangers comme les FDLR,
ADF/NALUou LRA et servent des intérêts sécuritaires et
mercantiles des pays voisins, des multinationales étrangers et des
particuliers nationaux et étrangers, civils et militaires.
C'est dans ce contexte que fut adopté en mai 2005, un
plan stratégique de la réforme de l'armée. Basé sur
les actions réalisées depuis 2003, le plan présente les
objectifs poursuivis, décrit les actions à mener, évalue
les moyens à mobiliser et identifie le rôle des différents
acteurs. Le processus dit d'intégration alors initié a
visé a constituer l'embryon des forces armées congolaises sur la
base des éléments13 éligibles issus des
composantes et des entités des membres du gouvernement de transition. Le
plan prévoyait trois étapes dans le processus de brassage,
à savoir la formation de brigades d'infanterie, la formation d'une
unité de réaction rapide et l'établissement d'une force de
défense forte a l'horizon 2010.
Pour faire face à la gigantesque crise humanitaire qui
sévissait à l'est du pays14, relever le défi de
la réduction de la violence armée et de la sécurisation
des personnes et de leurs biens, consolider la paix, poser les bases de la
reconstruction de l'Etat congolais, le Conseil de sécurité des
Nations Unies mit en place une de plus importantes opérations de
maintien de la paix de son histoire comportant plus de 17 000 soldats et
près de 5 000 policiers et personnel civil, 100 avions et un budget de 1
milliard de Dollars américains par an.
Dans les faits, les négociations politiques
réalisées en Afrique du Sud (2002-2003) jetèrent les bases
de la réforme du secteur de la sécurité et de la justice.
Le processus d'intégration15 conçu et supervisé
par le Conseil supérieur de la défense est mis en oeuvre par la
Structure Militaire d'Intégration (SMI) créée par le
Décret n° 04/014 du 26 janvier 2004. Dans son travail, la SMI
collabore avec le Ministère de la défense nationale et la
Commission Nationale de Désarmement, de la Démobilisation et de
la Réintégration (CONADER). Elle bénéficie d'un
important appui de la communauté internationale au travers de la Mission
des Nations Unies au Congo (MONUC) et du Comité International
d'Accompagnement de la Transition (CIAT)16.
Le processus d'intégration fut, sur terrain,
complété par les opérations de désarmement,
démobilisation et réinsertion des combattants non
éligibles (exemple des enfants soldats) ou des anciens combattants qui
faisaient le choix du retour à la vie civile. Relevons ici que certaines
factions, particulièrement celles issues de l'ex-rébellion du
Rassemblement Congolais pour la DémocratieGoma (RCD/Goma),
posèrent de difficultés au processus en refusant non seulement
d'être brassées avec les autres forces mais aussi d'être
déployées loin de leurs zones d'influence de l'est du pays. Ce
fut la cause de premiers blocages du processus qui se traduisirent
malheureusement par des affrontements armés pendant près de
quatre ans (2003-2007) avant que ne soit entamée une nouvelle phase de
négociations en vue de leur intégration, connue sous le nom de
mixage dont les résultats sont restés mitigés.
6
13 Henri Boshoff, « Update on the status of army integration
in the DRC », Situation report, ISS, 2/09/2005, p.1. cité in
Pamphile Sabahara, La réforme du secteur de la sécurité en
RD Congo, note d'analyse du GRIP, 13 mars 2006,
http://www.grip.org/bdg/g4600.html
14 D'après les ongs International Rescue
Comitee (IRC, Janvier 2006) et Human Rights Watch
(HRW, rapport annuel 2005), les différents conflits en RDC ont fait
près de 4 millions de morts .
Selon Amnesty International, "Le conflit en RDC
a été particulièrement marqué par l'usage
systématique du viol comme arme de guerre. Dans l'est du pays, des
membres de groupes armés ont violé des dizaines de milliers de
femmes, dont des fillettes ou des femmes âgées, ainsi qu'un
certain nombre d'hommes et de jeunes garçons, afin de terroriser,
d'humilier et de soumettre les populations civiles... Le viol en masse a
contribué a répandre délibérément le virus
VIH... » Le Programme National de Lutte contre le SIDA en
RDC estime que le taux d'infection a atteint 20 % dans les provinces
de l'est, et que le virus pourrait menacer plus de la moitié de la
population dans la décennie a venir.
En juillet 2011, Le Fonds des Nations Unies pour les
Refugiés (HCR) estimaient à 1,7 millions le nombre de
personnes déplacées internes en République
démocratique du Congo (RDC). La grande majorité d'entre elles se
trouve dans les provinces orientales du Nord et du Sud Kivu. Diverses
estimations font passer ce chiffre à plus de 2 millions à la
suite des derniers affrontements entre les FARDC et le mouvement rebelle M23 au
courant des mois de juin et juillet 2012.
15 Attention à la police des notes Le processus
d'intégration a consisté a l'identification, la sélection,
le brassage et le recyclage des éléments éligibles dans le
cadre de la constitution de la nouvelle armée à qui revenait la
responsabilité de faciliter la création des conditions de
sécurité indispensables à l'organisation des
élections et a la reprise économique.
16 Le CIAT est composé des représentants des cinq
pays membres permanents du Conseil de sécurité, de l'Afrique du
sud, de l'Angola et de la Belgique. Il est présidé par le
Représentant Spécial du Secrétaire Général
des Nations Unies en RDC.
Le contexte présenté ci-haut portait en lui les
germes des difficultés du processus. Le brassage et même le
dénommé mixage des troupes constitutives des forces en
présence n'a jamais été une réussite totale. Des
éléments disparates furent mis ensemble, des formations de base
et des équipements limités furent mis à la disposition des
brigades intégrées alors constituées sans que les
différents acteurs ne se soient véritablement mis d'accord sur le
modèle de la nouvelle armée à mettre en place.
La Police Nationale Congolaise, en ce qui la concerne, fut
constituée de la fusion de quatre forces de police dans une structure
unique, à savoir la Force Publique, les polices urbaines, la Gendarmerie
et la Garde Civile ainsi que de l'intégration d'éléments
des factions belligérantes. Le Mémorandum sur l'armée et
les forces de sécurité signé le 29 juin 2003 par les
protagonistes de l'Accord global et inclusif sur la transition prévoyait
la constitution de deux unités de police. La première consistait
en un Corps de protection rapproché (CPR) responsable de la
sécurité des leaders politiques et des sites des institutions de
la transition tandis que la seconde était l'Unité de Police
Intégrée chargée d'assurer la sécurité des
personnes et de leurs biens, dans le pays.
Comme pour l'armée, l'institution policière fut
constituée sans qu'aucune doctrine claire ne soit convenue pour elle.
Cette police s'avéra une grande mosaïque composite qui rassemblait
des retraités, des gendarmes, des gardes civils, des militaires, des
combattants des factions belligérantes, des miliciens, des veuves et des
orphelins de policiers, ou encore des intellectuels. Disparate, peu
professionnelle, cette police hérita de surcroît d'un passé
dictatorial, de personnels formés dans l'esprit d'une police au service
du régime, d'un style paramilitaire et d'une tradition qui la rendait
insensible aux besoins et attentes de la population.
Au regard des développements précédents,
bien d'observateurs se sont demandés si il fallait vraiment parler dans
le cas congolais caractérisé par le manque de cohérence et
de structure de coordination, d'une reforme. Cette préoccupation
s'adoucit en prenant en compte la situation particulière de la
transition congolaise: d'un côté, il fallait en urgence
régler la problématique sécuritaire du pays et de la
région et d'autre part, on ne pouvait compter que sur des ressources
humaines hétérogènes et très peu formées,
les seules à être disponibles.
Dès son origine, la réforme du secteur de la
sécurité congolais a failli par son caractère sectoriel.
L'absence d'une vision commune n'a jamais permis d'arrêter une approche
holistique. En effet, les Orientations du CAD sur la réforme des
systèmes de sécurité (2005) qui montrent le chemin
à suivre pour tout processus de réforme du secteur de la
sécurité relèvent trois défis
interdépendants auxquels tous les États sont confrontés :
(1) la définition d'un cadre institutionnel clair sur la mise en place
d'un système de sécurité qui intègre les politiques
de sécurité et de développement et inclut tous les acteurs
concernés, (2) le renforcement de la gestion des institutions
sécuritaires et (3) la constitution de forces de sécurité
compétentes et professionnalisées qui soient responsables devant
les instances civiles17. La RDC semble avoir levé l'option de
commencer par la fin. Bien de partenaires internationaux ont tenté de
faire pression sur le gouvernement congolais pour l'encourager a mettre en
place un cadre stratégique et un mécanisme de coordination de la
réforme de l'armée mais sans véritable succès : le
Plan Directeur de la Réforme des FARDC reste toujours en
élaboration.
La difficulté qui a miné la réforme du
secteur de la sécurité en général et la
réforme de l'armée en particulier depuis son lancement demeure
d'un côté l'absence de vision partagée entre les
différents acteurs internes et d'autre part l'inexistence d'un consensus
sur la marche a suivre entre les gouvernants congolais et ses partenaires
extérieurs.
7
17 Manuel OECD CAD sur la réforme des systèmes de
sécurité - 978-92-64-037397 - (c) OCDE 2007, p. 13.
La période avant les élections de 2006 est
marquée par le quasi monopole de coordination de la RSS accordée
à la communauté internationale au travers du Comité
International d'Accompagnement de la Transition. Il revenait alors a cette
structure qui comprenait quelques Etats clés, les cinq membres. On doit
relever que le CIAT joua un rôle majeur dans la bonne conduite de la
transition. Des structures spécialisées de collaboration et de
discussion au sein desquelles la communauté internationale et le
gouvernement discutaient des priorités de la transition furent
établies. Parmi elles, citons les commissions mixtes dont la plus
importante fut la Commission sur la RSS. Cette dernière était
chargée d'assurer la coordination de toutes les activités sur
l'intégration de l'armée nationale et des services de
sécurité. Il lui revenait dès lors de superviser le
processus de désarmement, démobilisation et
réintégration (DDR), la formation de la Police etc...
Notons ici aussi la constitution du SSR Contact Group qui fut
créé pour soutenir et assurer la cohérence dans les
interventions des divers partenaires. Plus opérationnelle encore fut la
Coordinated Joint Operations Centre (CCOC), structure créée a
l'initiative de la Banque Mondiale. Elle intervenait dans la coordination des
opérations de DDR et la supervision du processus
d'intégration.
Pour garantir la sécurité des opérations
électorales, un Comité de Pilotage pour la sécurisation du
processus Electoral (CPSPE) fut mis en place. Ainsi que le renseignent Dylan
Hendrickson et Missak Kasongo : « a la veille d'organisation des
élections présidentielle et parlementaires (juillet 2006),
près de 18 brigades intégrées passèrent par des
centres de brassage et plusieurs unités de la Police suivirent des
formations sur le maintien et le rétablissement de l'ordre public pour
la sécurisation des élections »18.
L'établissement de ces divers mécanismes de
coordination fut à coup sûr un indicateur de la reconnaissance de
la communauté internationale que la réforme du secteur de la
sécurité était un préalable pour le retour du Congo
à la stabilité, à la paix et au développement. Mais
le revers de la médaille fut malheureusement l'absence d'unité
d'action et de direction de la part du Gouvernement de transition qui se
manifesta d'avantage au fur et a mesure que l'on s'approchait des
élections de 2006. Le mécanisme de prise de décision
était jour après jour fragilisé. Il persistait des chaines
de commandement parallèles. La volonté politique s'affaiblissait.
Cet état des choses ne facilita point le travail des structures
multilatérales mises en place. Emergèrent d'avantage des
initiatives bilatérales plus appréciées des dirigeants
politiques congolais. Le bon accueil réservé à certains
partenaires bilatéraux comme l'Afrique du sud, l'Angola ou le
Zimbabwé permirent tout de même de faire accélérer
la RSS dans bien de points. Mais en même temps le rôle que
continuaient d'exercer certains acteurs internationaux comme les Nations Unies
donnèrent lieu a ce que d'aucuns ont qualifié de
schizophrénie internationale. La réforme était bien
partagée entre l'approche multilatérale conduite avec des
partenaires comme les Nations Unies, EUPOL, EUSEC... et des initiatives
bilatérales nombreuses.
Section 2. La reprise en main de la réforme du
secteur de la sécurité par le gouvernement congolais
(période après les élections de 2006)
Pour assurer le retour a la paix dans ce pays meurtri par une
dizaine d'années de guerres, l'organisation des élections
paisibles fut un premier défi. Le deuxième auquel devait faire
face le gouvernement de la république demeurait la réforme du
secteur de la sécurité.
Après les élections de 2006, le nouveau
gouvernement, se prévalant de sa légitimité populaire,
s'est engagé dans la redéfinition de ses rapports avec ses
partenaires internationaux. En
8
18 Dylan Hendrickson et Missak Kasongo, La réforme du
secteur de la sécurité en République Démocratique
du Congo : enjeux stratégiques, Issue Paper No. 4: Security Sector
Reform, Center on International Cooperation, p. 5.
effet, bien d'acteurs politiques congolais estimaient que le
leadership cédé au CIAT dans la conduite de la réforme du
secteur de la sécurité hypothéquait a bien d'égards
la souveraineté nationale. Cette attitude justifia la
préférence accordée à la coopération
bilatérale en lieu et place de celle multilatérale qui
prédominait jusqu'alors. A l'argument maintes fois avancé par les
partenaires extérieurs que la RSS ne progresserait pas en raison
notamment de l'absence d'un mécanisme de coordination, les
autorités congolaises rétorquaient en présentant le
travail du CIAT qui pour, elles, n'étaient point un exemple de
succès. D'autre part, la communauté internationale n'a
cessé de réclamer alors au gouvernement de produire une approche
spécifiquement congolaise de la réforme.
L'absence d'un mécanisme de coordination au niveau
national favorisa l'émergence de l'approche bilatérale qui, pour
certains, permettait a l'Etat congolais de s'afficher directement et de faire
valoir plus facilement ses préférences. Une subdivision de fait
du travail s'imposa alors : le gouvernement congolais travaille avec la Chine
dans la réforme de l'armée, le Japon intervient dans la
réforme de la police tandis que la Suède prend le lead dans la
réforme de la justice... Bien d'autres partenaires jouent de rôles
mineurs dans l'un ou l'autre secteur. On soulignera ici l'engagement de
quelques pays africains en appui à la réforme du secteur de la
sécurité au Congo : l'Angola et l'Afrique du sud par exemple.
Mais la prolifération d'arrangements bilatéraux s'installait sans
une réelle cohérence dans les activités :
différents standards de formation, absence de doctrine de défense
unique et incompatibilités notoires dans les matériels militaires
fournis...
Cette politique gouvernementale eut notamment pour effet
l'amenuisement de l'influence des Nations Unies dans le secteur de la
réforme du secteur de la sécurité. Il devenait dès
lors difficile, malgré les moyens importants engagés par la MONUC
(transformée en MONUSCO le 1er juillet 2010), de faire émerger
une cohérence internationale au milieu de ces différentes
approches nationales difficiles à concilier. Une autre illustration du
coup porté à la coopération multilatérale dans le
domaine qui nous occupe est la manifestation des divergences entre la Banque
Mondiale et le Ministère de la défense nationale dans la conduite
des opérations de DDR en Ituri engagées en application des
accords de paix signés avec les groupes armés locaux. Alors qu'un
travail était déjà engagé avec ce premier
partenaire, un autre fut initié avec les nationaux pour mener un
programme parallèle, sous la direction du Programme National de
Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (PNDDR). Cette
opportunité fut utilisée pour réorienter les
activités de réintégration vers un nouveau programme de
sécurité communautaire.
Une autre divergence est illustrée sur l'application
des mesures d'embargo prises par le Conseil de sécurité des
Nations Unies sur la RDC. Ces mesures furent initialement prises pour casser
l'économie de la guerre qu'entretenaient divers groupes armés.
Alors même que la résolution du Conseil de sécurité
comportait une exception en ce qui concerne les acquisitions par le
gouvernement national qui devait armer les brigades intégrées ;
dans les faits, le gouvernement fut soumis a de limitations qu'il ne lui
était pas pratiquement facile d'organiser l'armement de ses troupes.
Une troisième illustration fut l'émergence des
deux plans sur la réforme de l'armée différents et presque
en compétition : le plan conçu par les FARDC avec l'appui des
experts internationaux parmi lesquels un nombre important venant de EUSEC et
qui prônait une approche classique de la RSS et celui du Ministère
de la défense nationale prônant la constitution d'une armée
forte engagée dans la consolidation de la paix et la stabilisation de
l'est du pays.
A tout ceci s'ajoute l'opinion largement partagée par
bon nombre d'officiers supérieurs et généraux des FARDC
qui considèrent la RSS comme le cheval de Troie pour certains
partenaires internationaux qui pourraient s'en servir pour imposer au pays leur
modèle personnel de réforme.
9
Il convient de souligner que ces divergences se sont
apaisées mais leur survenance a eu l'effet principal d'alourdir la
marche en avant du processus, de le compliquer d'avantage et surtout de
faire
perdre du temps. Une position de consensus fut
présentée, par la partie congolaise, a l'occasion de la Table
ronde sur la RSS durant laquelle le Ministère de la défense
nationale présenta le Plan national défense. Mais encore une
fois, il fut noté le peu d'empressement du gouvernement congolais dans
la création d'une structure de supervision et de coordination de la
réforme de l'armée ouverte aux partenaires extérieurs.
Chapitre 2. Le processus de consolidation de la paix et
de stabilisation du pays
Malgré la persistance de quelques foyers de tension a
l'est du pays, les observateurs de la situation politique du Congo notent que
depuis 2006, le pays a réalisé un progrès
considérable vers la paix, la réconciliation nationale et le
rétablissement économique et social. Ces efforts tentent de
tourner la page a une décennie d'instabilité et de conflit qui a
fait près de 5 millions de morts d'après les ong Human Rights
Watch et International Rescue Committee19 ainsi que de
sérieux dégâts dans la région de l'Afrique centrale,
avec sept des neuf pays voisins de la RDC expérimentant de violents
conflits.
Dans ce deuxième chapitre de notre étude, nous
décrirons les traits caractéristiques de l'instabilité
dans laquelle s'est installé le pays (section 1) et présenterons
les actions initiées tant au niveau national qu'international pour y
faire face (section 2).
Section 1. Les traits caractéristiques de
l'instabilité
En dépit de ses immenses ressources naturelles, la RDC
compte parmi les pays les plus pauvres de la planète. Il est à ce
jour le 2ème Etat dans le classement des Etats
faillis20 et détient le niveau de développement humain
le plus bas, au monde d'après le Rapport sur le Développement
Humain du PNUD, édition de 201121. Cette situation est la
résultante directe de l'effondrement de l'État et des conflits
armés des années 90, conflits qui impliquèrent neuf pays
africains et une trentaine de groupes armés et détruisirent
presque totalement l'économie nationale. A la lumières des
conclusions de l'étude réalisée par James D. Faron :
« les résultats montrent qu'un pays qui, une année, est
jugé avoir une gouvernance plus mauvaise que celle attendue étant
donné son niveau de revenu, court un risque plus important de
déclenchement d'une guerre civile dans les cinq a dix années
à venir »22. De ce point de vue, la situation de la RDC
est très critique.
Une stabilisation s'amorce a partir de 2001 avec l'Accord de
Lusaka, qui met théoriquement fin à toute intervention militaire
étrangère en RDC. Sur le plan politique, l'Accord global et
inclusif de décembre 2002 prévoit un gouvernement de transition
qui fut mis en place le 30 juin 2003. Dirigé par un Président de
la république et quatre vice-présidents23, ce
gouvernement avait pour mission de réconcilier la nation et de
réunifier son territoire, de réinstaurer l'autorité de
l'État, de créer une armée intégrée et
restructurée et d'organiser des élections démocratiques.
Celles-ci furent effectivement organisées en 2006. En 2007, la
première législature, les premières Assemblées
provinciales et le premier gouvernement issus des urnes furent
installés. Un second cycle électoral vient de s'achever. Des
élections présidentielle et législative ont
été organisées en novembre 2011. Les élections
locales sont annoncées pour le premier semestre de 2013.
19 HRW, Rapport annuel 2005 et IRC, Rapport, Janvier 2006
20 Failed States Index 2012, in
www.foreignpolicy.com/failedstatesindex2012interactive
21 Rapport sur le développement humain 2011, in
www.afriquechos.ch/spip.php?/article547
10
22 Fearon James D., « Fragilité des États,
indicateurs de gouvernance et risque de guerre civile » State Fragility,
Governance Indicators, and the Risk of Civil Conflict, Revue d'économie
du développement, 2011/4 Vol. 25, p. 153-186. DOI :
10.3917/edd.254.0153,
http://www.cairn.info/revue-deconomie-du-developpement-2011-4-page-153.htm
23 D'oü son surnom de ~gouvernement 1+4. Les dirigeants
étaient Joseph Kabila, Président de la république (PPRD);
Abdoulaye Yerodia Ndombasi, vice-Président (PPRD); Azarias Ruberwa,
vice-Président (RCD); Jean-Pierre Bemba, vice- Président (MLC) ;
Arthur Z'ahidi Ngoma, représentant la société civile.
Des progrès certains ont été
réalisés concernant la situation macro-économique.
L'année 2010 a été marquée par une reprise de la
croissance (6,1 % contre 2,8 % en 2009) et un allégement des pressions
inflationnistes (9,62 % en fin d'année contre 54,3 % a fin
2009)24. La RDC a atteint en juillet 2010 le point
d'achèvement de l'Initiative en faveur des pays pauvres très
endettés (I-PPTE), impliquant un effacement de près de 90 % de sa
dette extérieure estimée à environ $13,8 milliards.
Plusieurs facteurs ont contribué a l'atteinte du point
d'achèvement, notamment la conclusion d'un nouveau programme triennal
avec le Fonds Monétaire International, FMI en sigle, en décembre
2009, la mise en oeuvre de certaines réformes structurelles et le
maintien de la stabilité macroéconomique au premier semestre de
2010.
Les développements positifs concernant les indicateurs
macro-économiques n'ont cependant pas encore résulté en un
mieux-être pour la très vaste majorité de la population. Le
revenu par habitant est passé de $323 par an en 1960 à moins de
$100 en 2008, du fait notamment de l'effondrement des secteurs minier et
agricole avec la zaïrianisation25 et les pillages de 1991 et
1993. La situation actuelle est caractérisée par un appareil
productif en panne, où le secteur agricole, composé
essentiellement de petites exploitations paysannes, et les différentes
branches du secteur informel urbain, regroupent plus de 80 % de l'emploi total.
Dans ce contexte, les transferts effectués par la diaspora congolaise
contribuent sensiblement a l'atténuation de la pauvreté et la
dépendance des ménages congolais vis-à-vis de ces
transferts s'accroît. Il est difficile d'estimer le total annuel de ces
transferts mais il est rapporté que plus de 80 % de ménages dans
les grandes villes comme Kinshasa et Lubumbashi vivent en grande partie
grâce à de tels transferts de fonds.26
Les principaux indicateurs de développement humain
(santé, alimentation, éducation, logement, eau potable,
électricité, justice, etc.) demeurent à des niveaux
nettement en dessous du minimum nécessaire. Soixante-et-onze pourcent
des Congolais vivent en dessous du seuil de pauvreté27 et
près de 73% de la population n'atteignent pas le niveau minimal d'apport
calorique requis, alors que la moyenne africaine subsaharienne s'établit
a 33% (FAO, 2003). Un tiers des enfants de moins de 5 ans souffraient de
malnutrition chronique en 2007. Un enfant de moins de cinq ans sur dix souffre
de malnutrition aiguë et un sur cinq meurt avant d'atteindre l'âge
de cinq ans. Le taux de mortalité pour l'ensemble de la population est
de 2,2 pour 1.000 personnes par mois. Ce taux est 57% plus élevé
que la moyenne des pays sub-sahariens. 28
L'effondrement du système de santé et du
système scolaire donne à cette pauvreté de masse un
caractère tragique. D'après les statistiques de l'UNESCO en 2010,
le taux de scolarisation est de 48,2%. La faiblesse monétaire des
ménages les pousse à dépenser de moins en moins pour la
santé alors que près de 85% des revenus vont a l'alimentation.
C'est ainsi que 61% des ménages préfèrent recourir aux
guérisseurs traditionnels et a l'automédication, plutôt que
de fréquenter les établissements de soins modernes. La faiblesse
de la couverture sanitaire est une conséquence directe du
désengagement du Gouvernement vis-à-vis du secteur de la
santé dans les années 1990, de la vétusté des
infrastructures et de la destruction d'une bonne partie de celles-ci lors des
conflits armés. Les résultats de l'évaluation des
districts sanitaires ont montré une couverture sanitaire de
24 "République Démocratique du Congo: Situation
socioéconomique en 2010 et perspectives pour 2011", PNUD, Kinshasa, mars
2011
25 Réalisée dans le courant de l'année
1974, la « zaïrianisation » a constitué l'un des
évènements des plus destructeurs du tissu économique
congolais, à savoir la confiscation et la distribution gratuite aux
membres du Parti-Etat MPR des biens commerciaux et des propriétés
foncières qui appartenaient à des ressortissants ou groupes
financiers étrangers. Si cette mesure s'inscrivait officiellement dans
un effort visant à la réappropriation nationale de
l'économie ainsi qu'a la redistribution des richesses acquises pendant
la colonisation, elle n'a été, en réalité, qu'un
pillage au profit de la classe politique.
26 Carrol Faubert, Olivier Cossée, Jups Kluyskens,
Didier Mumengi, Evaluation de la contribution du PNUD aux résultats des
activités de développement en République
Démocratique du Congo (2003-2011), PNUD, 30 novembre 2011, p.24
27 Selon le deuxième Document de stratégie de
croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP, projet
daté de mai 2011 en cours d'approbation finale), près de huit
foyers ruraux sur dix vivent sous le seuil de pauvreté national alors
que moins de sept foyers urbains sur dix seraient dans la même situation.
Il convient toutefois de noter que ces données sont des extrapolations
basées sur une enquête de 2004-05 qui devrait être
réactualisée en 2012.
11
28 « Plan d'Action Humanitaire 2011 » du Bureau des
Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA), p.41,
Kinshasa.
seulement 26% de la population habitant a moins de cinq km ou a
moins d'une heure de marche d'un Centre de santé
fonctionnel.29
Les évaluateurs du rapport ERAD en arrivent à la
conclusion que la RDC a de très faibles chances pour atteindre les
principaux Objectifs du Millénaire pour le Développement, OMD en
sigle, pour la date cible de 2015.
Selon l'indice de perception de la corruption 2010 de l'ONG
"Transparency International", la RDC se classe 164ème sur 178
pays évalués en fonction de la perception du niveau de
corruption. Dans un contexte oü la corruption rend l'administration
publique structurellement défaillante, paralyse le potentiel
d'intervention social de l'Etat, nuit a l'investissement privé et
accélère l'épuisement des ressources indispensables au
développement, il est presque impossible de réduire la
pauvreté. Face à cette situation, beaucoup d'acteurs de l'aide
internationale favorisent la mise en place de leurs propres outils de gestion
et de suivi de l'aide et privilégient des agents d'exécution
privés, notamment les ONG nationales ou internationales.
La situation des droits humains en RDC demeure
préoccupante. Tant les rapports successifs du Secrétaire
général au Conseil de sécurité que ceux de la Haut
Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme font état des
violations répétées commises tant par des groupes rebelles
que par les forces de sécurité nationales. La Haut Commissaire
aux droits de l'homme note que "les principaux défis a relever en
matière des droits de l'homme sont les suivants: les arrestations et
détentions arbitraires et illégales ; les conditions
carcérales, la torture et les mauvais traitements en détention;
les violences sexuelles; les violations des droits économiques et
sociaux et l'exploitation illégale des ressources naturelles; la
situation des journalistes, des défenseurs des droits de l'homme, des
victimes et des témoins; l'administration de la justice; et la lutte
contre l'impunité des forces de sécurité
congolaises."30
Dans ce contexte d'insécurité humaine
généralisée, comment s'étonner qu'une violence
inacceptable persiste dans le pays? Des progrès importants ont
été tout de même réalisés depuis 2003 et les
zones sécurisées, telle l'Ituri, sont de plus en plus nombreuses.
Mais les besoins dans l'est du pays et dans les zones émergeant de
conflits demeurent importants. La situation sécuritaire reste fragile.
L'année 2010 s'est particulièrement singularisée par des
violents conflits intercommunautaires, notamment dans la province de
l'Equateur. Stabilisé depuis, ce conflit, qui s'est
déclenché en octobre 2009, suite a une dispute entre les
communautés Monzaya et Enyele, concernant l'accès a des
étangs piscicoles, a jeté hors du pays près de 200 000
personnes. Au nord du pays, de mars à septembre 2010, 123 attaques de la
Lord Resistance Army, LRA en sigle,31 ont été
enregistrées. A cause des activités de ce seul groupe armé
d'origine ougandaise, 284 000 Congolais sont toujours déplacés a
l'intérieur du pays, et plus de 23 500 autres ont trouvé refuge
au SudSoudan et en République Centrafricaine. Sur l'ensemble du pays, a
la fin de septembre 2010, le nombre de déplacés internes
était estimé a plus d'1,7 million de personnes. Le rapport final
du Groupe des experts des Nations Unies sur la RDC illustre comment les groupes
armés et autres milices forcent les populations à quitter
certaines régions du territoire de Masisi, au Nord Kivu, pour prendre
leurs terres32.
29 Note thématique sur la santé établie en
mars 2011 dans le cadre des travaux préparatoires pour la formulation du
deuxième DSCRP
30 "Rapport de la Haut Commissaire des Nations Unies sur la
situation des droits de l'homme et les activités du Haut-Commissariat en
République Démocratique du Congo", Assemblée
générale, Conseil des droits de l'homme, document A/HCR/16/27, 10
janvier 2011
31 LRA: "Lord's Resistance Army" ou Armée de
résistance du Seigneur est une milice rebelle ougandaise qui est devenue
un problème régional alors que l'Ouganda, la RDC, la RCA et le
Sud Soudan sont désormais menacés par ce groupe.
12
32 CSNU, 29 novembre 2010.
A l'est du pays, de la Province Orientale au Nord Katanga,
dans un contexte de dilution de l'autorité de l'Etat, les rebellions
deviennent de moins en moins politiques et se constituent désormais en
véritables armées privées, qui pillent, massacrent,
violent et enflamment les villages pour éloigner les populations des
zones minières qu'elles entendent exploiter33. Selon
l'ONU34, plus de 200 000 femmes ont été victimes de
violences sexuelles en RDC depuis 1998, sans que leurs agresseurs aient
été punis. Des foyers d'insécurité continuent de
subsister a l'est du pays : des hommes mais surtout des femmes et des enfants
sont quotidiennement victimes de violences, le plus souvent sexuelles, parfois
d'une cruauté extrême. « Ce genre de crime s'est
désormais banalisé a un tel point qu'on parle désormais du
Congo comme de la capitale mondiale du viol.... Ce qui était autrefois
un tabou tend, a la suite du climat d'impunité
généralisé, a devenir un fait de droit commun...
»35.
Le New-York Times, dans son tirage du 7 octobre 2007, tirait
un cri d'alarme en parlant « d'épidémie de viols au Congo.
)) Le magazine rapporte que d'après les Nations-Unies 27 000 agressions
sexuelles furent commises en 2006 dans la seule province du sud Kivu et qu'il
ne doit s'agir que d'une fraction du nombre total d'agressions commises dans
tout le pays. Aussi, John Holmes, le sous Secrétaire
général des Nations Unies pour les affaires humanitaires
déclarait-t-il : « La violence sexuelle au Congo est la pire qui
soit commise dans le monde entier ». En juillet 2011, l'ong internationale
Médecins Sans Frontières a signalé une augmentation des
viols généralisés de populations civiles dans le Sud
Kivu36. Les enquêtes de l'ONU sur les deux viols massifs
perpétrés mi 2010 et à la fin 2010 au Nord Kivu par des
groupes armés non étatiques ont révélé que
la plupart des victimes semblaient encore très traumatisées des
mois après les événements et qu'elles n'avaient pas
reçu l'assistance médicale dont elles avaient
besoin37.
Une autre caractéristique du drame humain,
particulièrement a l'est de la RDC, est le recrutement des enfants
soldats. Malgré les protestations et les condamnations de la
communauté internationale, cette pratique s'est poursuivie en 2011. La
plupart des enfants soldats qui avaient été retirés des
groupes rebelles et de l'armée ont été de nouveau
recrutés plus tard38. En 2008, l'UNICEF a signalé que
les enfants déplacés au Nord Kivu, en particulier ceux qui ont
été séparés de leur famille, sont plus
exposés au recrutement, mais également au viol et a
l'exploitation39. En avril 2011 le Secrétaire
général des Nations Unies a signalé la présence
d'enfants dans les rangs de l'armée... 73 pour cent des enfants
séparés des forces et groupes armés avaient
été recrutés plus d'un an a l'avance40.
La poursuite des activités criminelles de bandes
armées et de groupes rebelles, autochtones ou étrangères
comme la Lord Resistance Army (LRA), le Congrès National pour la
Défense du Peuple (CNDP) ou le Mouvement du 23 mars (M23) qui trouvent
en RDC une confortable base arrière amène les populations
à vivre dans la terreur, à fuir vers les pays voisins ou à
venir grossir les bidonvilles des capitales régionales.
33 Le Nord et le Sud-Kivu sont très riches en minerais,
principalement la cassitérite, minerai d'étain utilisé
dans la soudure, et le coltan, abrégé de colombo-tantalite
utilisé dans les téléphones, ordinateurs portables et
consoles de jeux. L'exploitation illégale de nombreuses carrières
se fait sous le contrôle de groupes armés, surtout de la
rébellion hutu des Forces démocratiques de libération du
Rwanda (FDLR) et certains officiers de l'armée congolaise ex-membres du
Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent
Nkunda, un groupe rebelle congolais rallié à Kinshasa
début 2009.
34 Selon le site
http://www.un.org/fr/women/endviolence/index.shtml
35 Arnaud Gorgemans et Tatien Musabyimana, ibidem
36 MSF, 3 juillet 2011
37 OHCHR/MONUSCO, 6 juillet 2011 et 22 juillet 2011.
38 AGNU, 11 mai 2011
39 UNICEF, 14 novembre 2008
13
40 CSNU, 23 avril 2011, paras 37-38
La culture de la violence et de l'impunité constitue un
obstacle à tout effort de développement. Le
Général, ex rebelle du CNDP, Bosco NTAGANDA poursuivi par la Cour
Pénale Internationale, a bénéficié pendant
longtemps de la protection du gouvernement congolais. Il n'est malheureusement
pas difficile, en RDC, de trouver des zones de non-droit. A Kinshasa, la
capitale, même, il existe des poches de dénuement et
d'insécurité aiguës41. Aussitôt la nuit
tombée, les quartiers populaires assistent, effarés et
impuissants, a l'extrême violence du banditisme armé qu'on appelle
"phénomène Kuluna". Les affrontements féroces entre gangs
rivaux, les cambriolages résidentiels, les vols de voitures, la violence
physique et sexuelle contre les femmes, les agressions sur la rue et l'abus des
drogues sont autant de volets de ce "phénomène". Face à
cette criminalité violente, beaucoup de Kinois s'organisent en
autodéfense et on assiste a une prolifération de compagnies de
sécurité et de gardiennage privées.
Quand bien même d'importants efforts pour la
stabilité et la restauration de l'autorité de l'Etat ont
été réalisés, ils ne sont encore que le
début d'un processus et nécessitent d'être
consolidés. Les menaces posées par les groupes armés
étrangers et nationaux ont été réduites de
manière significative mais certaines zones du pays, et
particulièrement a l'est, demeurent sous le contrôle de groupes
armés illégaux. Comme l'explicite le rapport de l'UNODC, «
les foyers restants d'instabilité et de violence qui se concentrent pour
l'essentiel dans l'est du pays semblent de plus en plus résulter
d'agissements criminels perpétrés dans un climat
d'impunité persistante et de carence institutionnelle, plutôt que
des conflits armés... ».42
Les structures établies pendant l'Accord de Ngurdoto,
le Communiqué de Nairobi, le Processus de Juba et la Conférence
de Paix de Goma prévoient les voies pour traiter avec ces groupes
armés illégaux qui doivent être dissous et remplacés
par des autorités étatiques légitimes. Le
déploiement de la PNC, pour substituer les FARDC, et assurer l'ordre
public demeure un préalable important vers la stabilité, comme
l'est le déploiement des représentants légitimes de l'Etat
ainsi que des membres du personnel judiciaire et pénitentiaire. La
stabilisation totale du pays sera finalement atteinte lorsque toutes les
populations déplacées et réfugiées pourront
regagner en toute sécurité leurs maisons, les routes
ré-ouvertes et le respect de la loi restauré.
Pour y parvenir, des efforts importants au niveau tant
international que national sont mobilisés. Nous aborderons dans le cadre
de notre étude, en illustration, la Stratégie Internationale pour
la Sécurité et la Stabilité de l'Est de la RDC (UNISSS) et
le Programme National de Stabilisation et de Reconstruction de l'Est du pays
(STAREC).
Section 2. Une stratégie internationale et un
programme national de stabilisation
Même en considérant que le concept de
stabilisation n'est plus nouveau pour le système des Nations Unies, la
RDC constitue le premier pays oü il est mis en oeuvre a une échelle
aussi grande. Toutes les agences des Nations Unies impliquées sont dans
une phase d'apprentissage a cette échelle.
La Stratégie Internationale sur la
Sécurité et la Stabilité de l'est de la RDC (UNISSS),
initiée en 2008, a pour objectif la sécurisation et la
consolidation des régions instables dans cinq provinces du pays (Nord
Kivu, Sud Kivu, Maniema, Nord Katanga et Ituri) avant que les opérations
de maintien de la paix et le déploiement militaire soient
transférées a d'autres acteurs. Elle réunit la MONUSCO,
diverses Agences des Nations Unies, le Gouvernement de la république,
les FARDC, la PNC, la société civile et la communauté
internationale pour s'assurer que la sécurité et la stabilisation
peuvent être restaurées dans l'Est du pays.
41 En 2010, certains quartiers de la capitale ont
été déclarés éligibles pour une aide
humanitaire sous le Pooled Fund geré par le PNUD/RDC.
14
42 UNODC, Criminalité organisée et
instabilité en Afrique centrale, une évaluation des menaces,
2011, p....
Trois séries d'activités sont
exécutées dans le cadre de cette stratégie. La
première série d'activités a pour but de sécuriser
les régions a hauts risques et comprend les opérations militaires
ainsi que les initiatives politiques et diplomatiques pour neutraliser les
groupes armés actifs. La seconde série vise la consolidation de
la sécurité et se charge du rétablissement immédiat
mais limité ainsi que des activités de prévention de
conflits qui peuvent être rapidement exécutées. La
troisième série d'activités se focalise sur le transfert
des opérations au moment opportun a des partenaires fiables tels que le
Gouvernement, les agences des Nations Unies, les ONG, et d'autres
partenaires.
La stratégie internationale est articulée autour
de 4 composantes et 16 sous composantes ayant pour objectif de donner une
réponse intégrée au complexe problème de
stabilité dans l'est du pays: la sécurité, le soutien
politique, l'autorité de l'Etat43 ainsi que le retour et la
réintégration des populations. Le renforcement des institutions
continuera longtemps encore après la fin du mandat de la Mission des
Nations Unies, soutenu par les autres agences onusiennes et par l'entremise
d'autres structures de rétablissement et de
développement.44
En dépit d'énormes efforts
réalisés, la situation sécuritaire de la RDC demeure
caractérisée par des poches d'instabilité dans les
régions de l'est du pays.
Le Gouvernement de la république a
élaboré en juin 2009, un plan de stabilisation et de
reconstruction des zones affectées par la guerre dit programme STAREC.
Pour l'histoire, relevons que ce programme a été
développé sur la base des interventions de stabilisation
menées par la communauté internationale et d'un premier plan
dénommé « Programme Amani »45.
En effet, la reddition du CNDP en sigle, et
l'intégration de ses éléments armés au sein des
FARDC ; les opérations conjointes entre d'une part les FARDC et
l'armée ougandaise contre la LRA et d'autre part les FARDC et
l'armée rwandaise contre le Front Démocratique pour la
Libération du Rwanda, FDLR en sigle, avaient largement
atténué les tensions a l'est du pays. Les nouvelles conditions
sécuritaires créées permirent alors au gouvernement
d'envisager un traitement coordonné des problèmes humanitaires et
la reconstitution des bases économiques et sociales pacifiées.
Par la mise en oeuvre de ce programme, le gouvernement national entendait
exprimer son intention de mettre fin au cycle de conflits armés dans la
région.
Le Gouvernement congolais et les partenaires internationaux
ont dès lors convenu que l'UNISSS constituera le mécanisme
opérationnel et financier initial pour appuyer les efforts de
43 Dans le cadre de cette sous composante et en exécution
du projet Plan de stabilité a l'est, financé par le Royaume de
Pays Bas, l'UNOPS et l'OIM ont
construit : 14 commissariats de police, 7 bureaux administratifs,
4 tribunaux de paix et 4 prisons. Le PNUD est intervenu comme agent
administratif et financier du projet.
44 Document du projet Soutien à la stratégie du
Gouvernement pour la sécurité et la stabilisation a l'est de la
RDC, PNUD, 2008, p 1.
45 Afin de remédier à la situation de conflits
récurrents dans sa partie Est, le Gouvernement de la RDC, avec l'appui
de la Communauté internationale, a décidé d'organiser la
Conférence sur la Paix, la Sécurité et le
Développement dans les deux provinces du Nord et du Sud Kivu, du 27
décembre 2007 au 23 janvier 2008, à Goma. La conférence
visait à plancher sur la problématique de la permanence des
groupes armés nationaux et étrangers incontrôlés,
des crises identitaires et tentions intercommunautaires, des affrontements
armés et l'afflux des déplacés et des
réfugiés. Cette Conférence a connu la participation
d'environ 3000 personnes de tous horizons (représentants des
communautés de base, du pouvoir coutumier, députés
provinciaux, parlementaires nationaux, exécutif provincial, gouvernement
central , institutions d'appui a la démocratie, représentants du
pouvoir judiciaire, de l'armée et de la police, président des
assemblées provinciales, représentants de la
Société civile, personnalités impliquées dans la
dynamique de la paix ou de la guerre, représentants des pays voisins,
représentants de la communauté internationale,
experts/facilitateurs nationaux et internationaux).
Elle a abouti a la signature de deux actes d'engagement en
faveur d'un cessez le feu, d'un désengagement des troupes et de
l'observation des principes humanitaires et des droits de l'homme. Elle a aussi
recommandé la mise en place des structures de suivi a travers la
création du programme AMANI de sécurisation, pacification,
stabilisation et reconstruction du Kivu, institué le 02 février
2008 par le Chef de l'Etat comme mécanisme national approprié de
suivi et de mise en oeuvre des résolutions et recommandations de la
Conférence. Ainsi, de février à juin 2009, le Programme
Amani a été le cadre national approprié et consensuel
indiqué pour soutenir et mener à son terme le Processus de paix
dans l'est du pays. Avec comme objectifs clés :
1° le désengagement des groupes armés ;
2° la sécurisation et la pacification des provinces
du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ;
3° l'observation des principes humanitaires et des droits de
l'homme ;
4° l'aide au retour aux déplacés internes ;
5° la restauration de l'autorité de l'Etat sur toute
l'étendue du territoire national.
stabilisation dans l'est de la RDC. Afin d'assurer la
continuité entre l'humanitaire, la stabilisation et les activités
de relèvement, les programmes menés dans le cadre de l'UNISSS
sont coordonnées avec les mécanismes et les cadres existant au
niveau national.
En juin 2009, presqu'une année après sa
création et sa mise en oeuvre, le Programme Amani a été
remplacé par le STAREC (Ordonnance présidentielle N° 09/051
du 29 juin 2009). A l'opposé de Amani, le STAREC verra sa sphère
géographique élargie pour embrasser cinq (5) provinces : le Nord
et le Sud Kivu ; le Maniema ; le Katanga et la Province Orientale. Il vise en
ce qui le concerne les objectifs communs à toute la Communauté
internationale qui soutient la RDC dans le processus de retour à la
normalité et à la paix, à savoir :
1° améliorer l'environnement sécuritaire
par l'appui a la dissolution des groupes armés ainsi qu'à la
réforme du secteur sécuritaire ;
2° appuyer les processus politiques pour la mise en oeuvre
des accords pertinents ;
3° appuyer la restauration de l'autorité de l'Etat
dans les zones affectées par le conflit ;
et 4° appuyer le retour et la réintégration
des personnes déplacés internes et réfugiés, ainsi
que le relèvement communautaire.
Ainsi qu'on le voit, le STAREC prévoit l'extension des
efforts de stabilisation et de relèvement à des zones
géographiques plus larges que celles prévues aussi dans l'UNISSS
(les 2 Kivu, le district de l'Ituri, le Haut et le Bas-Uélé, le
Maniema et le Nord Katanga), et incorpore de nouvelles priorités. On
notera par exemple l'extension dès 2011 de ce Programme à la
partie ouest du pays pour prendre en compte notamment les besoins de
sécurité et de stabilisation recensés dans la province de
l'Equateur, au nord-ouest du pays.
La mise en place du Programme STAREC et l'UNISSS, qui
constitue le cadre a travers lequel la communauté internationale compte
appuyer les priorités du Gouvernement dans ce domaine, ont ainsi
été établis pour assurer la cohérence et la bonne
coordination des efforts nationaux et internationaux. Ces deux cadres
fournissent des mécanismes stratégiques, programmatiques, et
financiers pour appuyer la mise en oeuvre des interventions
prioritaires46. Le grand nombre d'acteurs nationaux et
internationaux impliqués dans ces mécanismes nécessite une
forte capacité de coordination pour assurer l'intégration des
efforts dans la planification, la mise en oeuvre et le suiviévaluation,
et ceci à plusieurs niveaux : national (Kinshasa), interprovincial,
provincial et de district.
Afin de mettre en oeuvre le STAREC, un Fonds de Consolidation
de la Paix, FCP en sigle, a été constitué au niveau des
Nations Unies et un Plan prioritaire a été élaboré
et sera la base des premières allocations des fonds. L'objectif global
du plan prioritaire du FCP est de se concentrer spécifiquement sur les
priorités et les lacunes relevées dans les cadres du STAREC et
d'UNISSS, et qui si elles ne sont pas prises en compte à court terme,
mineront les efforts de stabilisation dans la région.
16
46 « Le territoire de Rutshuru est compté parmi les
plus touchés par un nombre très croissant d'actes criminels,
d'assassinats et de viols des
femmes de tous âges pendant les trois derniers mois. En
majorité, les auteurs de ces infractions sont identifiés comme
des porteurs d'armes a feu dont de nombreux militaires et parfois les violences
sexuelles sont couplées d'assassinats très atroces des victimes.
Généralement un nombre très réduit de ces cas de
violences sexuelles est répertorié et porté en justice
dans certains milieux lorsqu'on les compare à la situation
réelle. Selon des déclarations de femmes présentes aux
audiences de Rutshuru, la crainte de représailles par les auteurs contre
les victimes sont aussi à la base des réticences à
dénoncer surtout lorsqu'il s'agit de délinquants en armes. Et
l'absence de peines exemplaires a l'égard des criminels est un facteur
favorisant l'augmentation de la criminalité dans ces milieux. Pour
palier à ce triste constat, actuellement, des cliniques juridiques sont
en train d'être installées dans différents milieux du Nord
et du Sud-Kivu par le programme « Accès à la Justice,
protection juridique et judiciaire des victimes des violences sexuelles et
violences basées sur le genre » du PNUD afin de permettre aux
victimes, en particulier les victimes des violences sexuelles, d'ester en
justice dans des conditions acceptables ~. Illustration d'une activité
d'un projet Accès a la justice, développé dans le cadre du
programme STAREC, STAREC Infos n° 18, www.starec.cd
Chapitre 3. La société civile congolaise
et la réforme du secteur de la sécurité
La sécurité est à ce jour entendue comme
un bien collectif dont la gestion est de la responsabilité de tous. En
tant que telle, sa compréhension élargie et formulée sous
le concept de sécurité humaine, complète celle restrictive
de sécurité des institutions et de leurs animateurs. C'est
seulement ainsi que les organes du secteur de la sécurité
(armée et police pour le cas de notre étude) sont
considérées comme des services au service de la communauté
nationale.
Prise pour un patrimoine commun, la sécurité
sollicite « la contribution spécifique d'un chacun dans une
synergie de laquelle doit se dégager un système de
sécurité qui soit en symbiose avec les exigences du respect des
droits humains, de la gouvernance démocratique, de la transparence et de
la redevabilité ».47Il apparaît dès lors
que la société civile a un rôle capital à jouer.
Bien plus, « la confiance du public dans le secteur de la
sécurité est vitale pour la création et le maintien
d'institutions démocratiques solides et indépendantes,
l'engagement d'organisations de la société civile (OSC)
crédibles dans le domaine de la politique de sécurité
contribue grandement à la responsabilisation et a la bonne gouvernance.
L'intercession par des groupes de la société civile
représentant des communautés locales et des groupements
d'intérêts permet a des acteurs parfois marginalisés de
s'exprimer ainsi qu'à ouvrir le processus de prise de décision a
un plus large spectre d'options. Les OSC ont un rôle vital a jouer non
seulement dans l'établissement des démocraties, mais aussi au
sein des états non démocratiques, sortant d'un conflit ou d'un
régime autoritaire et dans lesquels les activités des OSC peuvent
encore avoir un impact sur la prise de décision des élites qui
monopolisent le processus politique »48
Dans ce chapitre, nous essayerons de saisir le rôle de
la société civile dans la RSS (section 1) et nous en ferons une
illustration par la présentation du Réseau pour la Réforme
de la Sécurité et de la Justice (Section 2).
Section 1. Le rôle de la société
civile dans la réforme du secteur de la sécurité
Comme le rappelle le Professeur MBELA déjà
cité ci-haut, « l'objectif global de la réforme était
de doter la RDC des moyens et des capacités de développer un
système efficace de sécurité qui se conforme aux normes
démocratiques, aux principes de la bonne gouvernance et a la
règle de l'Etat de droit pour le bien être des populations
»49. Et dans notre pays, la société civile a
été l'acteur qui s'est le plus engagé dans la
détermination des objectifs qui devaient être fixés au
processus de la RSS, plus celui qui a davantage travaillé pour la
construction d'une paix durable et d'un Etat légitime.
Les développements de cette section consisteront d'une
part à la définition du concept de société civile
(paragraphe 1) et d'autre part à la présentation de son
rôle dans la RSS (paragraphe 2).
§1. Définition de la société
civile
Des livres entiers ont été écrits sur la
signification de la « société civile »50 et
la définition de ce concept s'est avérée une tâche
complexe et parfois un processus controversé. Le secteur de la «
société civile » a été libellé le
« troisième » secteur, le secteur «
bénévole », le secteur « non lucratif ~, le secteur
« caritatif ~ ou « indépendant ~ et « l'économie
sociale ~. Aucune définition ne peut faire l'unanimité a ce
sujet. Dans le cadre de ce travail, nous considérons celle donnée
par le Centre
17
47 Mbela Hiza Mulanassan, La réforme de la Police
Nationale Congolaise dans le processus de la refondation de l'Etat :
défis et perspectives, Editions MES, Kinshasa, 2012, p.24
48 Contrôle public du secteur de la sécurité,
guide pratique pour les organisations de la société civile, PNUD,
2008, p.3
49 Mbela Hiza Mulanassan, ibidem, p. 64
50 De nombreuses études ont tenté de
définir la société civile et de catégoriser les
organisations de la société civile. Pour des exemples voir le
Projet de Manuel sur les Organisations sans but lucratif de l'ONU, Centre Johns
Hopkins pour les Etudes sur la Société civile ; Ecole d'Economie
de Londres, Centre pour la Société civile ; Indice CIVICUS de la
Société civile.
pour le contrôle des Forces Armées (DCAF): «
La société civile renvoie généralement à
cette sphère d'actions collectives et volontaires, menées par des
citoyens, et qui se développent autour d'intérêts, de buts
et de valeurs partagés. Ce terme recouvre la façon dont les
citoyens s'associent pour mener leur existence, pour exprimer leurs opinions,
poursuivre leurs intérêts, échanger de l'information et
ménager leurs différences, en créant des relations et des
institutions sociales qui sont aussi diverses que les gens qui les ont
établies aux niveaux local, national, régional et international.
Les syndicats, les groupes environnementaux, les congrégations
religieuses, les instituts de recherche et les mouvements de base populaires et
indigènes sont autant d'exemples d'organisations de la
société civile ».51
L'implication des organisations de la société
civile (OSC) sur le terrain est a ce jour indéniable. Elles disposent de
ce fait souvent d'informations de première main, et parfois même
elles sont les seules ou les dernières à avoir accès
à certaines régions ou à certaines populations. Le cas
congolais corrobore bien à cet égard ce qui a été
observé des zones peu accessibles du Liberia, de l'Ouest de la
Côte d'Ivoire ou du nord de l'Ouganda.
Grâce aux relais dont elles disposent dans certaines
situations, elles sont les acteurs les plus aptes a jouer un rôle
précieux d'alerte précoce. Ceci a été le cas, par
exemple récemment à propos de la situation humanitaire au Darfour
où ce furent des organisations comme Médecins sans
Frontières et bien d'autres qui ont lancé les premiers signaux
d'alerte. Il est bien reconnu maintenant que l'engagement sur le terrain des
grandes ONGs contribue pour beaucoup à leur légitimité. A
ce titre, elles jouent un vrai rôle d'éveil des consciences sur
des drames comme les atteintes aux Droits de l'Homme, les situations de vie
difficiles de réfugiés, le recrutement des enfants soldats
etc...
La réussite de la gouvernance démocratique
dépend de l'existence tant d'un Etat solide que d'une
société civile saine et active. « Des taux
élevés de participation citoyenne sont un élément
essentiel de la gouvernance participative qui, de nos jours, porte de plus en
plus sur la création d'institutions démocratiques
intégratrices et a l'écoute et l'augmentation des
possibilités pour la participation citoyenne »52.
Les organisations de la société civile apparaissent
donc comme des
partenaires incontournables des décideurs politiques car
elles sont les mieux placées pour détecter les besoins des
populations en termes d'aide au développement.
En règle générale, la société
civile intervient pour :
- Permettre une meilleure participation des citoyens dans la
gestion des affaires53 ; - Répondre aux besoins sociaux, y
compris la prestation des services ;
- Donner une voix aux groupes les plus
vulnérables54 ;
- Surveiller les résultats des actions des
gouvernants55 ;
- Servir de partenaire a l'Etat et au monde des affaires...
La situation de la société civile congolaise est
bien particulière. Emanation des mouvements et groupements politiques,
les OSC du pays demeurent bien fragiles. Elles sont en fonction des
intérêts
51 Contrôle public du secteur de la sécurité,
guide pratique pour les organisations de la société civile,
ibidem p. 8
52 Le rôle de la réforme juridique en soutien
à la société civile : Document d'orientation, Centre
international de droit des associations à but non lucratif et Programme
des Nations Unies pour le Développement, Août 2009, p. 5
18
53 Formation des enseignants d'éducation civique et des
acteurs de la société civile sur réforme de la
sécurité en RDC, in www.societecivile.cd/node/4545
54 Déclaration du COJESKI-RDC relative à la
persistance de l'insécurité et des conflits armés dans la
province de l'Equateur en RDC, in www.societecivile.cd/node/4298
55 Autopsie de la déliquescence de l'armée
congolaise et pistes d'une véritable réhabilitation du Congo dans
le concert des nations, in www.societecivile.cd/node/4334
soit alliés soit adversaires du politique qui, au
gré des enjeux et des intérêts, les soutiennent ou les
combattent. En raison de leur faiblesse, leur impact dans la vie politique,
économique et sociale du pays est demeuré limité.
§2. Rôle de la société civile
congolaise
La RDC est, au centre de l'Afrique, le pays le plus vaste, le
plus peuplé et probablement le plus stratégiquement important du
point de vue de ses potentialités économiques. La mesure dans
laquelle sa population participe aux décisions des politiques publiques
peut être déterminante pour non seulement la stabilisation de la
région mais aussi la construction d'un projet démocratique dans
pratiquement tous les pays de la région. Un Congo stable peut permettre
de poser les bases d'une Afrique stable, déclarait Mr. Ban Ki Moon,
Secrétaire général des Nations lors de son allocution
à la société civile congolaise, le 30 juin 2010.
« Qui, sinon la société civile congolaise,
a maintenu debout le pays et la nation ? Pendant les années de
déconfiture progressive, ce sont bel et bien les associations
communautaires, les paroisses, les ONG, les mouvements de femmes, de jeunes, de
producteurs, d'agriculteurs... qui ont pris le relais de la faillite
progressive de l'État. Organisant et finançant l'enseignement,
les centres de santé primaires, les hôpitaux de
référence, entretenant parfois les routes, assurant la formation
initiale et continuée de nombreux adultes qui avaient dû quitter
trop tôt l'école, cette société civile a
préservé les fonctions vitales de l'État
»56.
Déjà pendant le temps fort de la guerre civile,
la société s'est mise en avant pour rechercher les voies et
moyens pour débloquer et relancer le processus de négociation
pour une paix durable en RDC. A l'initiative de l'Association Africaine des
Droits de l'Homme, ASADHO en sigle, les OSC congolaises se sont
retrouvées, à Cotonou, au Bénin, du 19 au 21 octobre 2000
en une Conférence de la Société Civile de la RDC. Le
thème général des travaux fut : "Relance du processus de
paix en République Démocratique du Congo ".
Toute communauté des peuples repose sur un certain
nombre de piliers, notamment la paix, la satisfaction des besoins de base tels
que le logement, l'habillement et l'alimentation, l'accès a
l'instruction, a la santé, a la culture, aux loisirs etc. Il est des
Etats oü l'Etat se montre bien apte à rencontrer ces besoins
populaires mais il en est d'autres oü ils ne sont pas satisfaits comme
l'auraient voulu les populations. La société civile intervient
alors comme un contrepoids pour rappeler les désidérata
populaires57.
En effet, les organisations de la société civile
jouent un rôle politique évident58, mais à des
degrés divers, selon leur objet spécifique59. Les plus
actives, sur le plan de la réclamation du droit de participation
politique en vue de la transparence et la bonne gouvernance, sont les
organisations qui s'occupent de défendre des droits de
l'homme60, les organisations ayant pour objet l'éducation
civique et politique des citoyens, les organisations féminines (comme
les femmes magistrates, les femmes avocates, les femmes ministres et
parlementaires), et, dans une bonne mesure, les organisations syndicales.
En plus de reconnaître l'intérêt d'une
approche inclusive dans tout processus de transition sécuritaire, nous
nous devons de rappeler que la méthode participative garantit leur
durabilité. Ainsi
56
Arnaud Gorgemans , Tatien Musabyimana, ibidem
57 Déclaration des défenseurs des droits de
l'homme sur la situation sécuritaire a l'est du pays, in
www.rrsj-rdc.org/meta/wp-content/upload/?p=1882
58
La société civile accuse les FARDC de pillage
à Walikale, in
www.rrsj-rdc.org/?p=1882
59
Lettre de la société civile de la RDC au Conseil de
sécurité des Nations Unies, in
www.rrsj-rdc.org/meta/wp-content/upload
19
60 La mort de Floribert Chebeya est une conséquence
logique de la non-republicisation du secteur de la sécurité
congolais, in www.societecivile.cd/node/4347
que l'attestent Veronique Dudouet, Hans J. Giessman et Katrin
Planta, « des programmes dictés par des besoins, par des
intérêts et par des pratiques locales, ont bien plus de chance de
se maintenir une fois que l'aide extérieure61 et les missions
internationales prennent fin ».
Les organisations de la société civile ont
participé activement au processus démocratique du Congo qui a
conduit au lancement et à la réalisation du processus
électoral, par divers programmes de formation à la
citoyenneté et par la sensibilisation de la population. Cette
implication dans le réveil à la participation démocratique
ne les a pas détournés de leurs autres missions portant sur
l'amélioration des conditions de vie de la population par la formation,
la création de services tels que les mutuelles de santé,
l'organisation de coopératives de production agricole, d'épargne
et de crédits...
Sur la base de la Constitution de 2002, les élections
législatives, présidentielles et provinciales pluralistes ont
été organisées en 2006 et des mécanismes de
participation populaire et de décentralisation du pouvoir ont
été mis en place. La volonté de participation au processus
politique fut largement appuyée et consolidée par la
société civile.
Au Dialogue Inter-Congolais tenu à Sun City et à
Pretoria en Afrique du Sud, la société civile a joué un
rôle de premier plan, notamment à travers les représentants
des confessions religieuses catholique, protestante, orthodoxe, et musulmane. A
l'issue de ces travaux destinés a concevoir et à élaborer
un nouvel ordre politique dans le pays qui a souffert d'une longue dictature et
de nombreuses atrocités de la guerre, la société civile a
été amenée à assumer des fonctions importantes dans
les institutions politiques, spécialement celles dénommées
« institutions d'appui a la démocratie ».
Dans le cas spécifique du Congo, notons que le
dynamisme de la société civile congolaise tire sa source de la
paralysie des services publics de l'Etat et de la rupture de la
coopération internationale structurelle en 1991. Depuis lors, les
activités de la société civile se renforcent, se
diversifient et dépassent largement les aspects de secours pour englober
la gestion sociale et partiellement économique de la
société congolaise: comités des parents qui assument les
coûts des écoles dans leur communauté, coopératives
de production et de transformation de produits du maraîchage, ateliers de
confection, organismes de défense des droits de l'homme, d'encadrement
des personnes vivant avec le VIH/SIDA, etc. C'est dans ce contexte que le
nombre et l'ampleur des ONG congolaises croissent considérablement, et
leurs activités se substituent souvent à l'absence de l'Etat. Au
cours de deux dernières années 2007-2008, a titre d'illustration,
l'aide extérieure débloquée, note la PGAI62 a
été exécutée à plus de 75% par des
structures ONG internationales et locales et des églises.
Lorsque la seconde guerre civile éclata, en 1998, en
RDC, les associations de la société civile mirent en place une
campagne nationale pour la paix durable. Cette campagne exprimait le refus de
la guerre et la promotion du dialogue pour y mettre fin. En novembre 1998, ses
délégués se réunirent au Centre Nganda, a Kinshasa,
pour élaborer, avec l'appui des experts des milieux universitaires, un
agenda pour la paix. Ce document offrit a la société civile la
possibilité d'avoir un même langage face à la guerre et
à ses enjeux. Il permit de dégager une convergence de vues ainsi
que des positions harmonisées sur la situation du pays. Il traduisit des
convictions, en particulier celles du refus de la guerre et de la
nécessité d'un dialogue politique comme solution pour y mettre
fin. Il permit également de se doter d'un document pour sensibiliser et
mener un travail de lobbying sur la restauration d'une paix durable.
61 Veronique Dudouet, Hans J. Giessmann et Katrin Planta, De
combattants à constructeurs de la paix, plaidoyer pour des transitions
sécuritaires inclusives, participatives et holistiques, Berghof
Foundation, Berlin, 2012, p.7.
20
62 PGAI : Plate forme de Gestion de l'Aide et des Investissements
(Ministère du Plan)
Mais on ne peut pas conclure cette section sans rappeler que le
dynamisme de la société civile continue de souffrir d'un certain
nombre de faiblesses. Cyril MUSILA les répartit en trois
catégories63 :
1°) Les difficultés de communication
: les organisations de la société civile n'ont pas fait preuve
d'un développement institutionnel important au cours de ces dix
dernières années.
2°) La divergence des intérêts
: il est constaté un développement
d'intérêts contradictoires. Face a des violations massives des
droits de l'homme, par exemple, certaines organisations hésitent a se
mobiliser ou soutiennent simplement des thèses des groupes armés
alors que d'autres s'alignent sur celles du gouvernement. Pareille division
empêche le développement d'une vision commune et limite la
capacité de mobilisation de la société civile.
3°) La méfiance entre le gouvernement et
la société civile : cette méfiance s'est traduite
par l'hostilité et la répression contre la société
civile. Ainsi les dirigeants politiques n'hésitent pas a harceler les
organisations des droits de l'homme.
Relevons ici aussi son problème permanent de
financement. Malgré la multitude de bailleurs nationaux et
internationaux qui fournissent de l'assistance dans le secteur du
développement, il s'observe en règle générale une
faiblesse de financement des OSC pour leur permettre de faire le travail
qu'elles planifient. Pour celles qui reçoivent quelque chose, c'est
souvent pour des activités ou projets de courte durée et non pour
un appui institutionnel. Ainsi donc la plupart des OSC demeurent faibles,
déséquilibrées et constamment sous pression à cause
du manque de ressources.
Section 2. L'action du Réseau pour la
Réforme de la Sécurité et de la Justice
§1. Présentation
Le Réseau pour la Réforme du Secteur de
Sécurité et de la Justice est un cadre de concertation des
acteurs de la société civile congolaise intéressés
à la thématique de la Réforme du Secteur de
Sécurité (Armée, Services d'intelligence) et de la
Justice. Il est né a l'initiative d'un groupe de
délégués de la société civile engagés
depuis décembre 2006, a l'accompagnement du processus de la
Réforme de la Police et dont les capacités ont été
renforcées grâce a l'appui des partenaires internationaux et
nationaux.
§2. Objectifs du Réseau
Les activités du Réseau pour la Réforme du
Secteur de Sécurité et de la Justice concourent à
l'atteinte des objectifs suivants :
1°) Contribuer a la mise en oeuvre du processus de la
réforme du secteur de sécurité et de Justice en
République Démocratique du Congo ;
2°) Mobiliser les communautés de base en vue de
l'appropriation du processus de la réforme du secteur de
sécurité et de justice, à tous les niveaux ;
3°) Susciter une prise de conscience collective en vue de la
responsabilité citoyenne en matière de sécurité et
de justice 64;
4°) Mener des actions de plaidoyer65, de
monitoring et de sensibilisation en faveur de la réforme du secteur de
sécurité et de justice.
63 Cyril MUSILA, Faiblesses et obstacles de la
société civile congolaise dans l'engagement pour la paix, Paris,
mai 2003...
64 RDC: Insécurité généralisée
au Nord-Kivu, in
www.rrsj-rdc.org/meta/?p=76
Situation sécuritaire inquiétante au Bas-Congo,
in
www.rrsj-rdc.org/meta/?p=471
Province Orientale: la présence d'un colonel
déserteur inquiète les habitants de Mambasa, in
www.rrsj-rdc.org/meta/?p=34
65
21
- Plaidoyer de la Société Civile en faveur de la
promulgation et de la publication des lois et textes réglementaires sur
la réforme du secteur de
sécurité et de justice en République
démocratique du Congo, in
www.rrsj-rdc.org/meta/?p=1874
Les actions du Réseau sont focalisées sur les
quatre axes fondamentaux suivants :
1°) l'adoption d'un cadre juridique de la RSS en RDC ;
2°) le rétablissement de la confiance entre la les
forces de défense et de sécurité et la population pour une
meilleure prestation en vue de la recherche des solutions aux problèmes
sécuritaires qui se posent ;
3°) l'éducation civique des populations ;
4°) le contrôle et le suivi du processus de la
réforme66.
Et chacun de ces actes commande une série
d'activités.
Pour le premier axe, les actions sont orientées vers les
activités de lobbying pour permettre l'adoption des lois indispensables
a la mise en oeuvre effective de la RSS.
Pour le deuxième axe qui concerne le
rétablissement progressif de la confiance entre la population et les
forces de défense et de sécurité, le Réseau oeuvre
a l'établissement d'un dialogue permanent a travers des cadres de
concertations appropriés. Nous noterons, ici, l'exemple des fora
citoyens, véritables espaces de concertation entre la population et les
prestataires des services de sécurité, mis en place dans les
chefs lieux des provinces retenus comme sites d'expérimentation de la
doctrine de police de proximité.
Le troisième axe concerne l'éducation civique.
Le Réseau entretient une campagne médiatique quasi permanente par
des activités diverses: spots, sketchs, émissions
radiotélévisées sur des thématiques
précises.
Le quatrième axe concerne le contrôle et le suivi
de la RSS. Il se fait par le monitoring du processus en vue de permettre les
aménagements et améliorations nécessaires dans ce qui doit
être changé67.
Dans le cadre de la réforme de la Police68,
les autorités congolaises ont fait le choix de la police de
proximité. La société civile reconnue comme «
canalisatrice » des besoins de sécurité de la population
vers les prestataires des services de sécurité se voit
octroyée le rôle d'acteur majeur dans les conseils locaux de
sécurité et les forums de quartier. Le Réseau
déploie, à ce jour, une importante activité pour permettre
à ses membres de se montrer à la hauteur des attentes
placées en eux pour combattre l'illettrisme sécuritaire dans le
pays. Elle intervient notamment :
1°) En organisant des forums de sensibilisation et de
vulgarisation de la doctrine de la Police de Proximité afin de :
- Préparation de la population a l'avènement du
nouveau mode de fonctionnement de la police69,
- Actions pour réduire la distance actuelle entre la
police et la population et favoriser une interaction positive entre la
population et la police70,
- Plaidoyer de la Société Civile pour la prise en
compte de l'aspect sécuritaire des élections, in
www.rrsj-rdc.org/meta/?p=193
- Plaidoyer de la Société Civile en faveur du
processus de collecte des données du Policier, in
www.rrsj-rdc.org/meta/?p=182
- Plaidoyer de la Société Civile pour l'insertion
des options fondamentales de la reforme dans le projet de loi portant
organisation et
fonctionnement de la PNC, in
www.rrsj-rdc.org/p=173
66 Goma: Présentation du Rapport RDC: Prendre position sur
la réforme du secteur sécuritaire, in
www.rrsj-rdc.org/meta/?p=557
Monitoring du Secteur de Sécurité en RDC par le Réseau
pour la Réforme du Secteur de Sécurité et de Justice -
Agenda, in
www.rrsjrdc.org/meta/?p=1077
67 Note a l'attention du Ministre de l'Intérieur,
Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières
sur les enjeux et les écueils de la réforme de la Police
Nationale Congolaise, in
www.rrsj-rdc.org/meta/?p=1641
22
68 Vision de la Société Civile sur la nouvelle
Police Nationale Congolaise, in
www.rrsj-rdc.org/meta/?p=69
69 Kananga : Lancement officiel de la Campagne de
sensibilisation de la population de Ndesha, in
www.rrsj-rdc.org/meta/?p=844
- Actions pour renforcer l'appropriation locale.
2°) En organisant des études, des consultations et
évaluations de terrain dans la mise en oeuvre de la police de
proximité pour récolter les données nécessaires
permettant de faire remonter les besoins sécuritaires des populations,
d'affiner la qualité de la demande de sécurité a exprimer
et d'enrichir la participation de la société civile dans les
organes de concertation ;
3°) En Organisant des activités de monitoring,
lobbying, des campagnes de sensibilisation publique ou des pressions directes
de la part de la population 71;
4°) En faisant fonction de gardien vigilant pour rendre la
police vraiment redevable vis-à- vis de la population ;
5°) En facilitant le dialogue et la négociation
entre la police et la population dans la mise en oeuvre des projets de
sécurités ;
6°) En menant des campagnes de mobilisation en vue
d'informer les populations et la police sur les problèmes de
sécurité majeurs, les violations des droits humains, les
détournements de fonds et autres infractions au niveau local 72;
7°) En Participant activement aux réunions de
concertation : Conseils Locaux de Sécurité, Forums de quartier,
etc. ;
8°) En Initiant des projets pour résoudre les
problèmes de sécurité qui se posent dans les communes, les
quartiers ;
9°) En fournissant l'expertise dans l'élaboration et
la planification des plans locaux de sécurité ; 10°) En
organisant la mobilisation citoyenne autour des plans locaux de
sécurité ;
11°) En Dénonçant toute défaillance
dans le fonctionnement de service d'accueil permanent des commissariats, sous
commissariats et postes de police;
12°) En Organisant les formations nécessaires et
en traduisant en langues locales les textes et documents de base afin
d'informer des groupes spécifiques pour les rendre capables d'agir
entant que citoyen responsable.
Nous ne pouvons clore nos propos sans faire remarquer que ce
Réseau des associations spécialisées dans la RSS est a
l'image de la société civile complexe, diversifiée et
même divisée dans certaines provinces du pays. Il est
constitué d'une variété d'organisations allant de celles
qui ont plusieurs années d'expérience et des structures
opérationnelles et crédibles a d'autres les activités sont
animées par une seule personne.73
Le Réseau regorge de bien d'atouts et se
présente a ce jour comme un partenaire de taille pour les divers
partenaires techniques et financiers. Il regorge d'une expertise de
qualité. Certaines de ses associations membres font preuve de beaucoup
d'expérience dans leurs domaines d'intervention. Mais les faiblesses
sont bien nombreuses aussi. Une de plus grosses difficultés affectant le
Réseau est la difficulté d'accès aux financements qui rend
difficile d'accomplir à ses membres de faire ce qu'ils peuvent bien
réaliser. Pour ceux qui perçoivent quelque chose, relevons que
c'est habituellement pour des projets a court terme et presque jamais d'appui
institutionnel. C'est ce qui fait que la grande majorité d'associations
restent faibles, déséquilibrées et constamment sous
pression à cause du manque de ressources. Le secteur devient alors
extrêmement compétitif et même opportuniste dans la
recherche des fonds et l'accès des bailleurs potentiels, souvent a leur
propre détriment. Notons aussi que le manque d'unité de vision
dans le Réseau réduit sa capacité de faire accepter son
agenda et à se faire prendre au sérieux.
70 Matadi : la Commune de Nzanza au rythme de forum de quartier,
in
www.rrsj-rdc.org/meta/?p=710
71 Les autorités congolaises, la société
civile et les partenaires internationaux échangent sur la « police
de proximité », in
www.rrsj-rdc.org/meta/?p=40
72 Communication du RRSSJ sur le rôle de la
Société Civile dans les Conseils Locaux de Sécurité
et dans les Forums de quartier ou de village, in in
www.rrsj-rdc.org/meta/?p=24
23
73 C'est le cas des associations communément
appelées ONG de mallette ou de poche.
Les associations membres du Réseau devront travailler
encore davantage pour améliorer :
- Leur capacité infrastructurelle : bon nombre
d'associations ont des infrastructures inadéquates pour produire un
travail de qualité. Certaines sont logées dans les habitations de
leurs fondateurs et ne disposent que du strict minimum en termes
d'équipement et de mobilier.
- Leur capacité dans l'organisation et le
fonctionnement : un bon nombre d'associations ne fonctionnent pas en
permanence. Elles restent inactives tout le temps où les financements
font défaut, avec le risque que la capacité et l'expertise se
perdent pendant ces périodes creuses.
- Leur capacité de mobiliser et gérer des fonds
- Leur capacité de s'adapter après apprentissage et
réflexion interne : la culture d'autocritique et d'autoréflexion
est très peu développée.
- Leur capacité de se développer et
d'adhérer a un certain nombre de principes et de valeurs de bonne
gouvernance : les styles de leadership dans les OSC au Congo sont souvent
antidémocratiques et pas suffisamment basée sur une gestion
participative, une prise de décision consultative ou encore un partage
d'informations transparent.
Conclusion
Dans une situation d'après conflit, l'intervention
d'acteurs extérieurs - et moins encore l'application de modèles
extérieurs - ne suffisent pas à construire la paix. Pour trouver
les bons équilibres en matière de justice transitionnelle,
apporter des réponses vraiment adaptées aux problèmes
humanitaires, repérer les bons circuits pour relancer l'activité
économique, mobiliser les acteurs capables de recréer un tissu
social, il faut faire appel à la société civile sous ses
différentes formes. L'appropriation est essentielle. Et il ne sera pas
de trop de reconnaître que l'insécurité consécutive
aux conflits qu'ont connus beaucoup de pays d'Afrique est le fait de la
centralisation du pouvoir, de la non inclusion de la société
civile et de la dégradation des services sociaux de base.
Les interventions successives opérées dans un
pays comme le Haïti démontrent comment l'atteinte des objectifs a
court terme en 1994, visant la stabilisation, n'a pas fait place a une
consolidation durable de la paix, mais a une rechute vers l'instabilité
politique et économique. Les institutions publiques légitimes et
efficaces doivent être bâties par le renforcement de la gouvernance
locale. Une telle action est quasiment impossible a réaliser sans
l'implication et la participation de la société civile. En effet,
pour que les actions de stabilisation initiées soient appropriées
par les populations locales et se pérennisent, il est important de
prioriser la mise en oeuvre des projets locaux de développement, qui
même en comportant un ensemble de contraintes et de risques sont porteurs
de vraies opportunités de redressement. D'oü l'importance de
contempler et d'appuyer les contributions de la société
civile.
En définissant le défi de la RSS par les enjeux
sociétaux, à savoir le besoin de justice dans la
société, et une nécessité de rendre justice comme
condition à une paix durable, la réponse ne peut se contenir dans
la vision étatique des institutions. Il est important de prendre en
compte leur dimension sociétale.
24
Reconnaître que les institutions doivent être
fondées sur des valeurs sociétales et ne subsistent que
grâce aux ressources mises a leur disposition par la nation
organisée en régime d'Etat, implique d'admettre de devoir rendre
des comptes aux citoyens. Les institutions sécuritaires doivent
être transparentes et redevables. Il est important de faire valoir la
dimension sociétale de la RSS. Audelà d'un appareil d'Etat,
l'armée et la police congolaises sont des systèmes de valeur en
crise que la société meurtrie reconstruit.
25
La société civile congolaise a été
un vrai partenaire dans la marche pour la consolidation de la paix. Elle peut
encore faire davantage pour appuyer les efforts de stabilisation. Des efforts
doivent continuer pour renforcer son organisation et son fonctionnement. Et
dans la thématique qui nous occupe, elle valoriserait davantage ses
actions en :
1° systématisant ses activités de lobbying
au niveau interne et externe notamment par l'harmonisation des positions,
cahier de charge et création d'un réseau de pression permanente
;
2° intensifiant la mobilisation sociale de la population
congolaise en faveur de la consolidation de la paix et la restauration de
l'autorité de l'Etat par la vulgarisation des textes de
référence ( Accord de Lusaka, résolutions du Conseil de
Sécurité, les activités du STAREC...), l'éducation
civique incluant la préparation et la surveillance des processus
électoraux, les manifestations publiques, les pétitions etc...
3° se rapprochant des sociétés civiles
africaines en particulier celles des pays impliqués dans les guerres
pour échanger les expériences ;
4° en évitant systématiquement toutes
compromissions avec les criminels de guerre notoires et prenant le courage
d'engager a leur égard des actions en justice spécifiques ;
5° créant un fond congolais de soutien au processus
de paix en RDC.
6° établissant des alliances stratégiques
avec les composantes, parties prenantes aux multiples rencontres nationales et
internationales organisées pour appuyer le processus de pacification du
pays partageant les mêmes points de vue que la société
civile ;
7° synchronisant les activités de la
société civile partout dans le pays et à l'étranger
;
8° développant un réseau de recherche et de
documentation pour mieux préparer les actions ;
9° organisant lorsque nécessaire de boycott
national de certains produits symboles mis sur les marchés par des
individus, groupes d'individus ou entreprises qui manifestement tirent profit
des situations de guerre et d'instabilité en RDC.
10° travaillant a la promotion du projet de
l'établissement d'un tribunal pénal international ad hoc pour
connaître des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, des
actes de génocide et des crimes à caractère
économique commis pendant les deux guerres du Congo ;
11° développer une expertise indépendante sur
les allégations de crimes économiques et autres pillages des
ressources naturelles du pays.
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