Explication des résulats et critiques
Les résultats épidémiologiques
corroborent avec la littérature épidémiologique. En effet,
pour ce qui est comparable, on note que les spécialistes dont ils
déclarent avoir besoin dans notre enquête sont les mêmes que
ceux qu'ils ont déclaré avoir consultés dans la
littérature. Dans notre échantillon, ils vivent aussi
principalement seuls ou chez leurs parents. Par contre moins d'étudiants
ont des difficultés financières (14,2% contre 25%), mais autant
ont un travail salarié.
L'ASV recherche des facteurs de vulnérabilité
dans la population étudiante. C'est pourquoi il nous semble
intéressant de présenter les résultats permettant de
discriminer des sous populations.
Concernant les filles, elles
ont une moins bonne qualité de vie psychique que les hommes. Pour elles,
le comportement pour préserver la santé de ne pas boire plus de 2
ou 3 verres par jour est jugé plus important que pour les
garçons. Elles jugent plus grave leurs problèmes de santé
ou maladie que les garçons. Lorsqu'elles rencontrent un problème
de santé, elles demandent plus tôt que les garçons conseil
à leur famille ou vont à la pharmacie, à l'infirmerie de
l'université ou chez le médecin. Elles sont aussi plus nombreuses
à avoir une mutuelle que les autres.
La qualité de vie physique des
étudiants étrangers est moins bonne. Ils
déclarent moins avoir eu des problèmes de santé au cours
des 12 derniers mois. Ils justifient moins le recours au médecin par la
dimension gravité ou non contrôle de la maladie. De plus, ils sont
plus nombreux à ne pas avoir de mutuelles et pour eux, avoir une
pensée positive est jugé plus important pour préserver la
santé que pour les non étrangers. Les étrangers
déclarent moins de problèmes de santé que les non
étrangers. Ils demandent plus tard que les autres conseils à leur
famille. Enfin, ils choisissent plus leur lieu de soin proche de leur lieu
d'étude et ils connaissent tous leur centre de sécurité
sociale. Notons par contre que le score de connaissance sur les systèmes
de santé est moins bon que les autres.
Concernant les boursiers, ils se
distinguent dans le parcours de soin. En effet ils vont plus tôt chercher
des informations sur le net et à la pharmacie.
Pour les liens entre santé perçue et
contexte socio-économique et culturel et état de
santé décrits ci-dessus, ces résultats
corroborent avec la littérature. En effet, selon, Le Quéau et Olm
(1999), la santé perçue est dépendante de l'environnement.
Selon Devaux, M., Jusot, F., Sermet, C & Tubeuf, S. (2006), il existe
quatre ensembles de facteurs affectant le jugement que les gens ont de leur
état de santé et donc la déclaration de leur état
de santé perçue : la nature de la pathologie dont souffre
l'individu, l'âge, le sexe et la culture. Nous avons vu ci-dessus
que la santé perçue était influencée par le sexe,
le statut boursier, le statut étranger, le mode de vie et le niveau de
diplôme des parents. Par contre, contrairement à
l'article, nous n'observons pas de différences de santé
perçue ni entre les différents niveaux d'étude des
étudiants, ni entre la catégorie socioprofessionnelle des
parents.
On note en effet que les étrangers ont une moins bonne
qualité de vie physique que les autres, mais paradoxalement, ils
déclarent moins de problèmes de santé. On peut se poser la
question de l'influence de la culture sur leur santé
perçue. Nous l'avons vu aussi dans les concepts, selon les
cultures, la santé est vue différemment selon le milieu culturel.
On peut aussi supposer qu'il
n'attribue pas la même définition à «
problème de santé » que les autres. Ainsi la
définition des maladies ne serait pas statique. En effet, selon C.
Herzlich et M. Mauge (cité par Le Quéau et Olm, 1999), «
La maladie constitue bien une forme élémentaire de
l'événement, en ce sens que ses manifestations biologiques
s'inscrivent sur le corps de l'individu, mais font l'objet, pour la plupart
d'entre elles, d'une interprétation sociale ». Nous l'avons vu dans
la partie concepts, la maladie et la santé forment un continuum. Ainsi
la santé serait elle aussi une construction sociocuturelle. On peut se
questionner sur le niveau idéologique que propose (Doise, cité
par Abric, 1994) pour expliquer les phénomènes sociaux. En effet
chaque société développe des idéologies, des
systèmes de représentations et de croyances, d'évaluations
et de normes qui doivent justifier et entretenir un ordre établit de
rapports sociaux. Par exemple, les femmes sont
stéréotypées fragiles, faibles, s'occupant des autres
comparés aux hommes combatifs, protecteurs, infaillibles. Ainsi le
stéréotype, intégré pourra pousser
les hommes à déclarer moins de problèmes de santé.
D'autre part les femmes se déclarent en moins bonne santé
psychique, ce qui peut être aussi le reflet d'un
stéréotype. Un autre exemple est l'importance de « pratiquer
une activité physique régulièrement » dans le
classement des comportements de santé. En effet il est plus important
pour les garçons que pour les filles. On peut là aussi y supposer
le reflet de la norme : le côté physique, viril est important pour
les garçons. La perception de la santé serait le reflet
des normes de la société.
Pour ce qui est des représentations
sociales plus spécifiquement, les résultats obtenus
vont dans le sens de ceux obtenus par d'Houtaud (1994). Il avait obtenu comme
plus saillantes chez les jeunes : « la non maladie », «
la pleine forme », et « l'essentiel ». Et nous
obtenons « hygiène de vie », « forme physique
», « maladie ». Ainsi certaines catégories
correspondent assez bien. De plus on note que des catégories
apparaissent, telles que « santé publique » et «
médicaments ». On peut supposer qu'elles naissent d'une
médiatisation importante de la santé des messages de
préventions : « les antibiotiques c'est pas automatique ». On
peut aussi supposer que puisqu'ils ont des attentes en termes d'informations,
le système de santé est un domaine qui les intéresse. On
peut supposer aussi que ce sont des catégories empreintes du contexte
actuel du déficit de la sécurité sociale et de la
diminution du panel de médicaments remboursés.
Pour les liens entre santé perçue et
recours aux soins, la santé perçue a un lien avec le
parcours de soin, les attentes et les besoins. Plus particulièrement,
pour les représentations sociales, selon Abric, 1994. Nous aurions,
d'une part, les pratiques que les sujets acceptent de réaliser dans leur
existence quotidienne qui détermineraient leurs représentations.
D'autre part, les représentations auraient une influence sur les
pratiques. Il souligne la relation dialectique entre pratiques et
représentations. En effet, « On ne peut pas dissocier la
représentation, le discours et la pratique. Ils forment un tout. Il
serait tout à fait vain de chercher si c'est la pratique qui produit la
représentation ou l'inverse. C'est un système. La
représentation accompagne la stratégie, tantôt elle la
précède et elle l'informe, elle la met en forme ; tantôt
elle la justifie et la rationalise : elle la rend légitime. »
(Autes, 1985 cité par Abric, 1994). Ce lien serait
déterminé par la nature de la situation : la part d'autonomie de
l'acteur dans la situation et la présence dans la situation
d'éléments fortement reliés à des affects.
Pour notre méthodologie,
dans la construction du questionnaire il aurait été
intéressant d'ajouter d'autres questions telles que : « la
santé est-elle importante pour vous ? » et « consacrez-vous du
temps pour votre santé ? ». Ainsi, nous aurions eu accès
à la place et l'importance de la santé dans les différents
domaines de vie des étudiants. Ou simplement le lieu
d'habitation qui nous a un peu manqué pour interpréter
certaines données sur le recours aux soins. Pour la formulation des
questions, la question sur le lieu de soin (Q8.1), il faudrait la reformuler en
demandant directement « Dans quelle ville vous soignez-vous ». Car
certains ont répondu « ville » ou « village »
à la place d'en donner le nom. Ensuite, 45,7% des étudiants
ayant laissé un commentaire sur le questionnaire, ont
jugé qu'il était trop long. Enfin, le
questionnaire à été jugé trop
compliqué par les étudiants étrangers, la plupart
n'ont d'ailleurs pas voulu répondre.
Pour réaliser cette recherche, nous nous sommes
efforcées de respecter les exigences de la psychologie sociale
appliquée de Delhomme et Meyer, 2002 :
- exigence méthodologique : nous avons
réalisé une enquête exploratoire quantitative. Nous avons
réalisé des entretiens afin de construire un questionnaire au
plus près des étudiants.
- exigence pragmatique : Afin de
répondre à la demande de l'ASV, nous avons pu faire faire un
état des lieux sur la santé des étudiants et faire
ressortir différents sous groupes ayant des facteurs de
vulnérabilité différents. De plus nous avons pu mettre en
lien la santé perçue, les attentes et besoins, les connaissances
et le recours aux soins. Ce qui a permis d'accéder à une analyse
différente de ce qui a été fait au préalable.
- exigence déontologique : Nous avons
respecté le principe du consentement éclairé, l'anonymat
et nos avons utilisé des outils validés scientifiquement
(SF12)
- exigences théoriques : Nous nous
sommes principalement basées sur la qualité de vie et les
représentations sociales. Cependant, le versant représentation
sociale aurait pu être davantage exploité.
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