Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la
Recherche Scientifique
UIVERSITE SAAD DAHLEB DE BLIDA
Faculté des Lettres et des Sciences Sociales
Département de Français
Mémoire de licence
Spécialité : Littérature
Thème :
Etude de la condition de la femme face à la violence
du terrorisme intégriste dans le recueil de
nouvelles
« ORAN, langue morte »
D'Assia DJEBAR
|
Réalisé par
Sous la direction de
AKERMOUN Lamia
Mme KOUIDER RABAH Sarah
Blida, Mai 2010
Remerciements
Je tiens, tout d'abord, à adresser mes profonds et
sincères remerciements à notre directrice de recherche Mme
Kouider Rabah Sarah, qui a accepté de diriger ce travail, pour tous ses
conseils et ses encouragements ainsi que pour sa disponibilité. Je lui
exprime ma gratitude pour m'avoir guidée dans ce travail,
ménageant son temps et son savoir pour que ce travail arrive à
son terme.
Mes remerciements sont aussi adressés à Mr
Melouah et à tous nos professeurs qui nous ont soutenus et
conseillés tout au long de notre cursus.
Je tiens à remercier également le chef de
département de Français Mr Menguellet.
Un grand merci à Mme Bekkat dont les conseils et
les travaux de recherche furent d'une aide très précieuse.
Merci à vous tous.
Dédicace
A mon cher papa qui a tout sacrifié pour
notre éducation et à ma tendre mère qui a su veiller au
bon déroulement de nos études. Je vous souhaite une longue
vie.
A mes chers frères Faouzi et Lyes pour
vous souhaiter beaucoup de réussite.
A la mémoire de mon défunt grand
père.
A toutes les familles : Akermoun et
Djaoud.
A tous mes collègues et amis des
universités : Blida, Alger et Tizi-Ouzou.
A tous les gens de Tigzirt et ceux d'Ait
Youcef.
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS...............................................................................1
DEDICACE..........................................................................................2
TABES DES
MATIERES...........................................................................3
INTRODICTION....................................................................................4I)
ETUDE DES ELEMENTS NARRATOLOGIQUES.......................................8
I-1) Etude
titrologique..............................................................................8
I-2) Etude des repères
spatio-temporels........................................................11
I-2-1) Etude temporelle du
récit.................................................................11
I-2-2) Etude spatiale du
récit.....................................................................14
I-3) Etude des principaux personnages et de leur
évolution dans le récit..................17
I-3-1) A travers le discours du
personnage....................................................18
1-3-2) A travers le regard de
l'auteure.........................................................21
I-3-3) A travers le comportement du
personnage.............................................22
II) ETUDE DE L'IMPACT DU TERRORISME SUR LA FEMME
ALGERIENNE................................................................................................................25
II-1) Etude de la
narration.........................................................................25
II-1-1) La narration ou ce qui est
raconté.......................................................25
II-1-2) Le niveau de la
narration.................................................................27
II-2) Etude de la représentation de la mort dans
les trois nouvelles.........................30
II-2-1) Isma où la mort de
l'amour..............................................................31
II-2-1-1) La peinture de
l'amour.................................................................33
II-2-2) Naima où la mort de l'époux
engagé...................................................34
II-2-3) Atyka où la femme découpée
en morceaux...........................................37
II-3) L'affrontement de la femme avec le
terrorisme.........................................41
II-3-1) L'importance de la voix en tant que moyens de
combattre la terreur en
Algérie..............................................................................................42
II-3-1-1) Voix
ressuscitées.......................................................................42
II-3-1-2) Voix
confondues........................................................................44
CONCLUSION....................................................................................48
REFERENCES
BIBLIOGRAPGIQUES........................................................52
INTRODUCTION GENERALE
La littérature maghrébine d'expression
française s'est toujours intéressée à la condition
de la femme, vu qu'elle a été, et continue d'être, la
première victime de sa société à travers son
parcours. Qu'elle soit mère, fille, soeur ou épouse ; la
femme est celle sur qui sont exercés en priorité toutes les
formes de la violence.
Ainsi, toujours partagée entre le silence et le
hurlement, entre la peur et l'affrontement; la femme décide,
après un long silence, d'exprimer ses souffrances et de quêter son
émancipation.
Etudier donc sa condition par rapport à ce qu'elle subit
et par rapport à ce qu'elle endure, serait le but de notre projet.
Or, dans le cas de l'Algérie, la femme n'a pas
été épargnée, depuis l'indépendance,
à ces injustices, elle était le lieu de confrontation des
idéologies dans la société, mais aussi dans la
littérature. D'autant plus que les années quatre-vingt dix ont
été, pour l'Algérie, celles d'une guerre civile,
particulièrement cruelle.
Charles BONN explique dans la citation ci-dessous la
violence de l'Histoire algérienne tout en évoquant la mort qui
se multiple chaque jour : « Plus elle s'éternise,
apportant chaque semaine son cortège de morts souvent assassinés
d'une manière atroce, moins on en perçoit les enjeux
véritables. » 1(*)
En ce sens, la problématique à laquelle nous
tenterons de répondre, dans le cadre de notre recherche, serait la
posture que va adopter la femme algérienne, pour faire face aux
violences du terrorisme en général, et aux horreurs subies au
quotidien, au sein de la société conservatrice en
particulier . Comment va-t-elle donc recevoir les nouvelles de morts
quotidiennes ? Va-t-elle accepter cette mort qui donne rendez vous chaque
jour à ses proches? En fin que peut la femme face à la vie
arrachée ?
Les auteurs interrogent et essayent de comprendre ce qui
fait devenir terroriste, tueur et mutilateur. Aucun d'eux n'a
échappé à cette question. La mort est devenue objet de
méditation et d'écriture. La mort d'inconnus, des proches et des
aimés. A ce propos, la littérature serait particulière,
car elle témoigne de la terreur qui s'abat sur le quotidien
algérien. Maissa Bey dira que sans les mots « le monde serait
sourd. Le monde serait aveugle. »
Ainsi, la romancière Assia Djebar ne pouvait
manquer d'interroger ce présent d'insoutenable violence, d'abord dans
Le Blanc De l'Algérie, ensuite dans
Oran, langue morte, recueil que nous nous proposons
d'étudier qui, rassemble sept nouvelles et une Post face, paru en
2001, aux éditions Actes Sud. Divisé en deux parties
« Algérie, entre désir et
mort » et « Entre France et
Algérie ».
Dans ce recueil, l'académicienne s'attache à
exprimer le drame qu'a connu l'Algérie contemporaine, évoquant la
guerre civile des années quatre-vingt dix, à travers des femmes
algériennes souvent battues, égorgées,
déchiquetées à cause de leur désir
d'émancipation, et leur refus de soumission. Leurs voix, rebelles,
ressurgissent et se croisent pour se révolter contre les violences
subies au quotidien.
Notons que la romancière, comme dans la plupart de
ses romans, a pour but de réveiller la voix longtemps silencieuse des
femmes. Comme elle le précise dans sa post face :
À propos de l'Algérie, et dans son sillage, le monde muet
serait pour moi non seulement t celui des choses (de la
crevette, de l'orange, des figues...) mais aussi, depuis des
générations, celui des femmes masquées,
empêchées d'être
regardées et de regarder, traitées en
« choses ». 2(*)
Egalement, redonner aux femmes leur place qui a
été pour longtemps marginalisée, clandestine, quand elle
n'est pas simplement inexistante.
Pour réaliser son objectif, Assia Djebar se sert de
son écriture pour libérer le discours de ses femmes qui subissent
des traumatismes, chaque jour. Leur présence dans cet ouvrage y est
essentielle.
Ecriture engagée contre le barbarisme et
l'extrémisme religieux, contre toute sorte de répression et
contre toutes les horreurs subies par les femmes, physiques comme
psychologiques.
Nous sommes donc face à la réaction de
l'écrivain sur ce qui est de l'actualité effroyable de son pays,
interrogeant et essayant de comprendre ces morts qui se multiplient chaque
jour.
Ainsi, dans la tourmente et le malaise actuels :
« Les femmes cherchent une langue : où
déposer, cacher, faire nidifier leur puissance de rébellion et
de vie dans ces alentours qui vacillent »3(*)
Façon de transmettre leur envie
d'émancipation et de revendication, quant a la reconnaissance des
mêmes droits que les hommes, elles ont trouvé donc dans la langue
un moyen de franchir les frontières du silence, de faire renaître
leurs paroles occultées et de dévoiler les souffrances qu'elles
ont subies.
Mais, comment parler de la mort des idéaux, de la
mort dont la cause est l'engagement, de la mort des sentiments, de la mort des
aimés, sinon en dévoilant les effets sur les survivants ?
Sinon en tâchant de dire ce « Monde muet » des femmes
qui, à travers leurs récits, essayent d'entretenir le dialogue
et le lien avec les disparus.
Pour cette raison, dans le cadre de notre recherche, nous
nous intéresserons à ce qui caractérise le texte Djebarien
à savoir ce coté féministe de sa création
vis-à-vis de l'actualité des problèmes soulevés par
l'intégrisme, voire la violence et la mort, et
plus particulièrement le drame de la femme algérienne, qui
subit les différentes façons de cette mort.
Nous entamons notre projet par une étude
titrologique que nous estimons importante pour amorcer notre étude.
Etudier les fonctions du titre, son poids sur le texte ainsi que son rapport
avec le thème de notre recherche c'est-à-dire sa présence
dans le titre de prime à bord. Nous étudions également,
dans cette partie, les repères spatio temporels qui nous permettent de
situer le récit dans le temps et dans L'espace. Ainsi que, l'analyse des
personnages et leurs caractéristiques dans le roman.
Nous procédons, dans la deuxième partie,
à l'étude de la narration, ensuite nous passons à
l'étude de l'impact du terrorisme sur la femme algérienne
à savoir la notion de la mort qui se profile sous différents
portraits ; la mort de l'amour. La mort ressentie comme une agression
corporelle, sa violence et ses effets. Enfin la mort dont la cause est
l'engagement.
Pour réaliser cette tâche, nous nous sommes
engagés dans une lecture analytique de trois nouvelles que nous avons
choisies dans le roman ; « La fièvre dans des
yeux d'enfant »,
« L'attentat », et
« La femme en morceaux ». Et qui
illustrent la représentation de la mort dans le récit.
Nous signalons que le choix de ces nouvelles n'est pas
indifférent. D'une part, elles se trouvent dans la première
partie qui s'intitule « L'Algérie entre
désir et mort » et c'est dans cette partie que
les scènes les plus affreuses sont représentées.
D'une autre part, leur succession dans le roman :
« on sait le génie d'Assia Djebar[...]en ce qui concerne la
composition d'un ouvrage ; combien importe l'aménagement des
passages, des liens et déliaisons et qu'il n y a de livre qui ne soit
bâtiment. »4(*)
Enfin, nous passons à l'étude de
l'affrontement de la femme avec les intégristes et avec leurs
idéologies. Ainsi que les conséquences qui en découlent,
en décidant de braver la peur et de se révolter contre l'ordre
établi.
I) ETUDE DES ELEMENTS NARRATOLOGIQUES
Nous entamons notre projet
par une analyse interne des trois nouvelles que nous avons choisies.
Il est nécessaire de préciser que cette partie dans laquelle nous
étudions les éléments narratologiques nous permet
d'établir le lien entre le texte et notre thème de recherche. A
commencer par l'étude titrologique qui met en oeuvre le thème
traité, ensuite l'étude des repères spatio-temporels qui
nous permettent de situer le récit dans le temps et dans l'espace. Enfin
l'étude des personnages et leur relation avec le réel.
I-1) ETUDE TITROLOGIQUE
Le titre est une forme d'introduction
abrégée, c'est un énoncé ou bien un simple mot qui
sert à désigner d'une façon peu claire le contenu de
l'oeuvre, à éveiller son intérêt et à
émettre des hypothèses : « Il doit être
stimulation et début d'assouvissement de la curiosité du
lecteur »5(*)
En ce sens, le titre suscite la curiosité du
lecteur et l'incite à découvrir le contenu de l'oeuvre et
à éclairer ses ambiguïtés.
En outre, le titre comme le message publicitaire doit remplir
trois fonctions élémentaires :
La fonction
référentielle
Le titre doit informer le lecteur sur ce que peut avoir
l'oeuvre comme contenu. Oran, langue morte nous
informe de prime à bord qu'à Oran, ville située à
l'ouest du pays, choisie par l'auteur, la langue est morte, cela nous renvoie
à plusieurs suppositions négatives puisque le titre même
est une ouverture vers le cimetière.
La fonction conative
Dans ce cas, le titre doit impliquer le lecteur, il ne
doit pas le laisser indifférent, mais au contraire, toucher sa
sensibilité pour lui faire découvrir l'univers mystérieux
de l'oeuvre.
La fonction poétique
En plus des deux fonctions citées, le titre doit
susciter l'attrait et l'admiration du lecteur, toujours pour la même
raison de nous faire entrer dans l'univers du roman. En lisant le titre de
notre ouvrage Oran, langue morte, le lecteur est
vite attiré par la ville et par ce qui peut la toucher.
Claude Duchet l'explique dans son étude sur la
titrologie en 1973 :
L'un (le titre) annonce,
l'autre (le texte)
explique,
développe un énoncé programmé
Jusqu'à reproduire parfois en conclusion
son
titre, comme mot de la fin et clé de son
texte.
cependant, installé sur sa page ou inscrit
dans
un catalogue, le titre vise sa complétude
[...]
s'érige en micro texte autosuffisant,
générateur
de son propre code et relevant beaucoup plus
de l'intertexte des textes et de la commande
sociale que du récit qu'il
intitule. »6(*)
On pourrait donc dire que le titre consiste à
résumer et à annoncer le texte, sans le dévoiler et permet
de singulariser le texte des autres.
Dans notre cas, le rôle du titre dans
Oran, langue morte est très significatif, par
conséquent nous examinerons sa fonction par rapport aux nouvelles du
recueil, ainsi que ce mécanisme du
« refoulé » qu'il y a dans le titre.
I-1-1) La symbolique d'Oran, langue morte
Oran, langue morte est un
titre thématique. Nous sommes donc en présence d'un
énoncé connotatif qui se compose de deux syntagmes nominaux,
juxtaposés ; l'un annonce le lieu « Oran »,
l'autre la situation ; le silence et la mort.
Nous signalons qu'Assia Djebar a assisté à
la guerre civile qui a secoué le pays, et aux traumatismes des
algériens pendant cette période, ainsi qu'à la mort de
plusieurs intellectuels auxquels elle a rendu hommage dans Le blanc
de l'Algérie.
Parmi eux, Abdelkader Alloula, le poète du
théâtre des langues qui était l'un de ses amis,
assassiné en quatre-vingt treize.
En effet, « Oran » est la cité
de ce poète, annonce déjà le lieu de la mort pour avoir
oser parler. « Oran » devient emblème
mortifière ; c'est cette destruction que le titre fait
entendre : « Ville morte, la
langue est désertée. Langue morte, la ville est innommable, Oran
est le non de la mort, la mort a nom Oran. Ville-language sans plus de
civilité, de passage, de communauté, vouée à la
sauvagerie des crimes de sangs. »7(*)
La « langue morte » serait
également l'image des femmes algériennes qui ne s'expriment pas
librement. Toute leur vie, elles étaient
frustrées : « Je pars car
je ne veux plus rien voir, Olivia, ne plus rien dire : seulement
écrire Oran en creux dans une langue muette, rendre enfin au silence,
écrire Oran ma langue morte »8(*)
Cette langue muette est celle du désir qui,
malgré tout persiste à se faire entendre, ce désir
reflète l'espoir de quitter la ville ensanglante pour une autre plus
sereine. Ce désir de changer est un symbole de renouveau.
I-1-2) LE TITRE COMME INCIPIT ROMANESQUE
Le titre peut être considéré comme
les premiers mots qui annoncent le texte :
Le roman traduit son titre, le sature, le
décode et
l'efface où il le réinscrit dans la
pluralité d'un
texte et brouille le code publicitaire en accentuant
la fonction poétique latente du titre,
transformant
l'information et l e signe en valeur,
l'énoncé
dénotatif en foyer
connotatif.9(*)
Ainsi, le titre de notre ouvrage traduit bien le
recueil en général, et les nouvelles traitées en
particulier, à partir desquelles le titre global Oran,
langue morte se développe et oriente la lecture de ces
trois textes : L'Attentat, La
fièvre dans les yeux d'enfant et La femme en
morceaux, qui eux sont des titres partiels.
En ce sens, la fonction poétique du titre, qui
est plus au moins latente, transforme l'information en valeur.
En fin, nous pourrions dire que ces titres sont
utilisés par l'écrivaine pour symboliser la terreur qui
régnait en Algérie durant la décennie noire, ainsi que le
silence et le malaise intérieurs dont souffraient les femmes.
I-2) ETUDE DES REPERES SPATIO-TEMPORELS
Nous tenterons, dans ce chapitre, d'analyser les
repères spatio-temporels qui s'avèrent intéressants en vue
de situer le récit dans le temps et dans l'espace, par rapport aux
événements récents qui ont secoué le pays.
I-2-1) ETUDE TEMPORELLE DU RECIT
La notion du temps nous permet d'enchaîner les
idées du début jusqu'à la fin de l'histoire, ainsi que de
reconnaître certains faits historiques : « Le temps
est le deuxième concept qui nous permet d'ordonner nos perceptions en
une représentation du monde.»10(*)
Cependant, lorsqu'on effectue une étude temporelle
pour un roman :
Il faut
considérer à la fois le temps externe à
l'oeuvre, c'est-à-dire l'époque à
laquelle vit, ou a
vécu, le romancier d'une part, celle du lecteur
de
l'autre [...] et le temps interne à l'oeuvre :
la durée
de la fiction, la façon dont la narration en
rend
compte, le temps de la lecture. 11(*)
En ce sens, le temps externe serait en relation avec les
circonstances de l'apparition du roman, et ce qui a influencé
l'écrivain. Tandis que le temps interne concerne l'oeuvre, sa fiction,
sa narration et sa lecture.
Dans le cas de notre corpus d'étude, l'auteure a
choisi une chronologie très symbolique bien que les faits historiques
sont à peine évoqués.
En effet, cet ouvrage, à voix multiples, nous permet de
rendre compte de l'influence des événements, qui ont
bouleversé le pays, sur la vie des personnages. Chacune des nouvelles
que nous étudions en témoignent dès l'incipit :
« En ce temps là, chaque jour m'apportais sa nouvelle
luisante de suie, sa nouvelle de mort : assassinat d'un ami, d'une femme
aimée ou admirée, d'un vieux professeur perdu de vue [...] En
cette fin 1993, je revis ma fièvre d'il y a deux ans.»12(*)
« La nuit avant la mort de Mourad, j'ai
été réveillée à deux heures du
matin »13(*)
« Alger, 1994, Atyka professeur de
français »14(*)
Nous constatons, dans ces trois passages, la
réalité quotidienne algérienne de la décennie
noire, qui devient de plus en plus oppressante, où les algériens
se sont trouvés confrontés à la violence islamiste.
A travers ses narratrices, Assia Djebar évoque la
tragédie historique de la décennie précédente.
Nous remarquons que ces nouvelles ne comportent que
très peu de dates dans les pages soixante quinze et cent soixante sept
qui sont des dates très significatives dans l'histoire de
l'Algérie : « 1993,
1994 » : deux dates qui marquent le début
de l'idéologie intégriste en Algérie qui, peu à peu
a embrasé la plupart de ses villes.
Sinon, ce sont d'autres indices qui nous ont permit la
traversée de cette décennie tels que l'oppression, la mort
et la fuite : « L'homme barbu me suivait, notait ou je
pénètre, prévenait aussitôt ses
acolytes ? »15(*)
« Nawal [...] Il y a six mois, son corps a
été déchiqueté par une bombe placée dans sa
voiture »16(*)
et « Atyka, tête coupée [...] Une mare de
sang s'étale sur sa nuque. »17(*)
Ces passages témoignent de la violence des
extrémistes à l'égard des femmes qui ont osé sortir
sans voile, ou alors celles qui se sont révoltées contre eux.
Ceux-ci sont représentés dans le texte sous le nom du barbu.
En ce qui consterne les temps internes, nous remarquons
que la romancière ne donne pas de précisions sur les dates. Elle
se contente le plus souvent d'expression de type : « Nous
chantions dans ce soleil de novembre »18(*) ou alors :
« Atyka ce matin de soleil se hâte vers le
lycée »19(*)
Seules les quelques précisions, citées
précédemment, nous permettront d'établir des liaisons de
temps entre le récit et la réalité.
Nous signalons que l'histoire de La fièvre
dans les yeux d'enfant a duré une semaine durant laquelle
Isma rencontre un ethnologue somalien. Cette liaison est longuement
relatée dans ses lettres.
Cependant, nous signalons quelques analeps qui nous
renvoient à la jeunesse de la narratrice plus précisément
son arrivée à la capitale : « A vingt ans,
étudiante à peine débarquée à la capitale,
je paraissais me semble-t-il cinq ou six ans de plus » 20(*)
Et à propos de son mari :
« Il s'était tu. Ensuite une heure
après environ [...] Nous étions encore au lit, moi nue, à
l'ordinaire, entre ses bras-il avait alors décrit le spectacle que le
garçonnet de six ans (lui, cet été 1960) avait fixé
en silence, n'avait pas oublié »21(*)
Quant à l'histoire de
L'Attentat, elle traite deux journées, la nuit
avant la mort de Mourad et la journée qui s'en suit. Ce n'est
qu'à la fin de l'intrigue que la narratrice évoque les quarante
jours de son époux : « Quarante jours après,
oui. Comme si Mourad avait quitté la maison pour de bon. Je ne l'avais
pas cru, jusqu'au là, malgré
l'évidence. »22(*)
En fin, dans La femme en
morceaux, Assia Djebar rapporte la progression de cinq jours dans
lesquels de déroulent les cinq leçons de Atyka sur le conte des
Mille et une nuits : « C'est la
fin du deuxième cours d'Atyka pour sa classe de seconde [...], C'est la
fin de la troisième leçon d'Atyka [...] demain (le
cinquième jour) aurai-je fini le conte ? »23(*)
I-2-2) ETUDE SPATIALE DU RECIT
La notion d'espace que nous abordons à travers
l'analyse de l'ouvrage Oran, langue morte va
répondre aux trois interrogations traitées par
Goldenstein :« Pour prendre conscience de l'importance
fonctionnelle de la spatialité, il sera pas inutile de se poser trois
grandes questions : Où se déroule l'action ? Comment
l'espace est-il représenté ? Pourquoi a-t- il
été choisi ainsi de préférence à tant
d'autres ? »24(*)
En ce sens, nous allons essayer de
répondre, dans ce chapitre, à ces trois questions, ainsi que
l'intérêt d'en étudier les lieux.
En effet, l'espace se présente avant tout comme le
lieux de déroulement de la narration : « L'espace
est la dimension du vécu, c'est l'appréhension des lieux
où se ploie une expérience. »25(*)
Ainsi, l'espace serait le lieu de déploiement de
l'articulation de l'histoire narrée, et toutes les actions des
personnages sont proférées dans un contexte spatial.
Dans le cas des trois nouvelles que nous avons
traitées, les événements se déroulent dans un seul
et unique ancrage référentiel « Alger ».
Cette ville constitue un espace
fondamental dans le roman, car c'est là que bat le coeur du pays, qui
est en proie au silence et à l'inactivité :
« Une capitale sans théâtre ouvert, sans
cinéma fréquentable, sans salles de concert ! Tout est
fermé dehors, les habitants se calfeutrent chez eux, comme des
malfaiteurs. »26(*) Et c'est là que sont dominés et
sont torturés les algériens par les intégristes.
Toujours désignée par « ville
empuantie »27(*),
« ville gelée »28(*) ou alors par
« ville en tumulte et en ébullition
mortelle »29(*),
« ville enlaidie, cité obscure »30(*)
En ce sens, Alger devient lieu de
déchirements, de violences et de morts des personnages.
Pourtant, ceux-ci y sont profondément
attachés, car c'est dans cette ville qu'ils ont vécu et dans
cette vile qu'ils voudraient mourir : « Laisse donc !
N'as-tu pas compris : je vivrai, je mourrai ici, chez moi, dans ce
pays! »31(*)
Rétorque Mourad, le mari de Naima, dans
L'Attentat. De même Isma dans La
fièvre dans les yeux d'enfant voudrait laisser
« une trace d'histoire » dans son pays après sa
mort, puisque elle sait qu'elle va être tuée comme tous. Elle
souhaite cependant que la ville sera apaisée et que la
sérénité sera rétablie après ces tumultes
causés par la guerre fracticide.
Dix ans après je ne serai plus là [...] La
ville se
sera allégée de ses monstres enfin
dissipés, certains
diront : la ville s'est
« régénérée ». Qu'ils le
pensent ; le soleil, le printemps scintilleront,
eux
avec le même éclat immuable [...] je ne
serai plus
là, en fuite, en exil, ou finalement abattue ;
dissipée
tel un rêve ! Ces quelques pages sur une
histoire
d'amour réapparaiteront. 32(*)
Nous soulignons également que
dans cet ouvrage,Assia Djebar utilise un espace ouvert, ce qui permet de
laisser les femmes libres d'aller et de venir, d'errer et de voyager. Elle
leurs offre non seulement la parole mais aussi la liberté de se
déplacer. Comme le souligne Charles Bonn dans la citation
ci-dessous : « Cette narration
« féminine » relève également d'une
revendication de l'espace public musulman d'où les femmes sont
exclues. »33(*)
Ces espaces ouverts permettent la rencontre des
personnages : « Sur l'immense place, au bas de la Casbah
[...] nous nous sommes mêlés à un cercle de
badauds. »34(*)
De même, pour Atyka dans La femme en
morceaux, savoure ce « matin de soleil »
avant de se rendre à son lycée : « Atyka
descend à pieds, légère, des hauteurs de sa banlieue
proche : sous ses pieds, à l'horizon, la mer immuable. Elle
rêve... »35(*)
Ici la mer présente un espace ouvert et
illimité d'où sont émergés les rêves du
personnage.
Enfin, nous soulignons que le choix de cette ville n'est pas
gratuit, selon Goldenstein : « Le lieux précis,
choisi parmi tant d'autres possibles, serviras à la dramatisation de la
fiction. » 36(*)
D'où la description de la capitale comme un lieu de
contrastes de déchirements et de morts, où des conditions
vécues se côtoient à chaque coin de la ville.
I-3) ETUDE DES CARACTERISTIQUES DES PRINCIPAUX
PERSONNAGES ET DE LEUR EVOLUTION DANS LE RECIT
Après avoir nous être
intéressées aux repères spatio-temporels et leur poids
dans le récit, nous allons clôturer cette première partie
par l'étude des principaux personnages, leurs caractéristiques
ainsi que leur évolution dans le roman.
En effet, l'étude des personnages se présente
comme une donnée fondamentale dans la fiction, étant
donnée qu'il n'existe presque pas un récit sans personnage. C'est
autour d'eux que s'organise l'histoire ainsi que l'enchaînement des
actions : « les personnages ont un rôle
essentiel dans l'organisation des histoires. Ils déterminent les
actions, les subissent, les relient et leur donnent un sens. D'une certaine
façon, toute histoire est histoire des personnages, c'est pourquoi leur
analyse est fondamentale. »37(*)
Par ailleurs, R. Bourneuf et R.Ouellet
notaient que le personnage n'existe pas en soi mais puisant dans une
« dynamique de groupe » agissant les uns sur les
autres :
Les personnages de roman, comme celui du cinéma ou
celui du théâtre, est indissociable de l'univers fictif auquel il
appartient : hommes et choses. Il ne peut exister dans notre esprit comme
une planète isolée : il est lié à une
constellation
et par elle seule il vit en nous avec toutes ses
dimensions. 38(*)
Dans notre corpus d'étude, il est question de trois
personnages qui relatent leurs vies à travers leurs regards de femmes,
ayant subies toutes les atrocités de la guerre fracticite.
Ce sont des personnages qui ont suivis des chemins
identiques. Ainsi, ils ont été confrontés à
plusieurs conflits souvent d'ordre social et politique.
En effet, les renseignements qui concernent ces personnages
sont donnés sous différentes formes :
I-3-1) A TRAVERS LE DISCOURS DU PERSONNAGE
Dans ce cas, le personnage révèle son
identité et celle des autres personnages, son métier, ses
origines etc.
Dans La fièvre dans des yeux
d'enfant, le personnage principal se présente
lui-même dans la sixième page : « Donc moi,
l'amie de Nawal-Nawal explosée, disloquée, effacée- je me
présente : Isma. « Isma ». Le nom, mais quel
nom, plutôt le cherchant, mon nom, ou celui de l'autre. Isma donc, cela
suffit, avec l'indication de mon âge, et dès la première
rencontre. -Trente-six ans ! »39(*)
A côté des renseignements d'Isma, s'ajoutent
ceux de son amie. Isma nous donne une idée sur son amie et sur
elle-même :
Or, à vingt ans, je me souviens avec mon air bougon-en
fait, cuirasse de timidité, car venue de ma ville forteresse de l'est,
je n'avais pas l'habitude « de parler aux garçons »,
comme on disait alors. Je leur parlais, je conversai donc, mais je cachais, par
une austérité de maintien, mon inhabilité, parfois mon
affolement devant le moindre tutoiement. A vingt ans, étudiante à
peine débarquée à la capitale, je paraissais, me
semble-il, cinq ou six ans de plus.40(*)
En ce sens, Isma nous rend compte, d'une manière
implicite, de sa personnalité, ainsi que de sa façon maladroite
d'agir en arrivant à la capitale.
Selon A.Bekkat ; l'antériorité permet de
fournir une épaisseur aux personnages : « donner un
passé à un personnage lui donne de l'épaisseur ainsi le
héros sera enraciné ou nom dans une famille, une tradition, une
région, etc. »41(*)
A travers son discours, Isma nous révèle son
statut social et familial : « J'allais au studio, à
chaque fin d'après midi, en sortant de mon lycée [...] Je me
retrouvais seule chez moi, enfin, au domicile conjugal ! Car Ali
était parti trois jours après l'arrivée du Somalien.
Appelé dans son village des Béni-Ourtilane. »42(*)
Nous saurons à travers les propos d'Isma qu'elle est
professeur et qu'elle est mariée. L'incise « enfin »
nous révèle le soulagement d'Isma à l'égard de
l'absence de son époux. Également, elle nous donne une
idée sur le musicien qui arrive.
Ce sont là des signes auxquels il faudrait
prêter attention, car ils peuvent échapper au lecteur.
Dans L'Attentat, Naima, le
personnage principal se révèle également à travers
son discours. Elle nous donne l'idée sur son statut familial, en premier
lieu : « Je dormais si bien ces quinze jours où mon
mari vit à nouveau à la maison, où mon garçon se
remet peu à peu à marcher avec ses
béquilles. »43(*)
La situation alarmante du personnage Naima et de sa famille
apparaît dès les premières pages :
Mourad, depuis au moins trois mois, à raison d'un
article (long, véhément, polémique) par semaine, tient
désormais à signer ce qu'il analyse, ce qu'il dénonce, ce
qu'il clame au pays tout entier [...] Auparavant, il écrivait ses
articles hebdomadaires dans deux journaux indépendants. Il prenait
toutefois des prête-noms. 44(*)
Mourad est, en effet, journaliste et inspecteur de
français .A cause de son engagement contre les intégrismes, il
sera condamné par ceux-ci. C'est cette condamnation que va explorer
Naima tout au long du récit.
Naima se révèle également par ce qu'elle
fait : « Je suis enseignante d'arabe au lycée
voisin »45(*) et par ce qu'elle ressent face à la mort
de son époux :
Je te regarde Mourad, ton front, la ligne de ton nez ;
j'observe le grain de ta peau près des tempes. Tes yeux fermés,
plus jamais hélas ton regard, et ourlant tes paupières, tes
signes de jeunes homme d'autrefois, ta ride aussi, creusée sous ta
bouche. Je te contemple, oui, au dessus de ton visage d'aveugle-toi, ô
gisant de pierre- se creuse un vertige de silence, s'installe un sommeil ennui.
46(*)
Nous remarquons que la romancière s'attache
à décrire les traits physiques du cadavre de Mourad, l'expression
des sentiments de Naima qui observe ce dernier enveloppé dans un
linceul, ainsi que ses manifestations : « je retourne vers
mon mari, à terre, je tourne sur moi-même,
désorientée : je vais me réveiller !
« Un jeu » ai-je pensé face au garçon
à l'arme. »47(*)
La vie des deux couples
Ces personnages n'ont pas une différence de culture
ni de savoir. Or, la communication entre eux semble très difficile.
Ainsi, Naima n'arrive pas à convaincre son mari de ne pas publier
l'article qui met ce dernier en danger : « Tu ne peux pas te
tenir tranquille ! Rester avec nous deux, avec le petit et
moi ?...tout bonnement !...oublier un moment tout
ça ! » 48(*)
De même, Isma décide de quitter son mari pour
ce musicien : « J'attendrai le quarantième jour de
cette mort, décidai je. J'irai avec lui au village, jusqu'à la
tombe de Lalla Salma et les deux autres, le couple fusillé. Mais au
retour, je lui expliquerai ; je le convaincrai : je désire, oh
oui, comme je désire vivre seule. »49(*)
Ainsi, elle préfère livrer ses confidences
à son amie bien qu'elle soit « disparue ».
Finalement, seules les femmes paraissent libres de partager
entre elles ce qui produit et tisse la trame de leur quotidien :
« Nawal, ma meilleure amie, écoute, laisse moi te
parler ! Te raconter [...] te relater les moindres
détails. »50(*)
En ce sens, Isma, en se retrouvant avec son amie, ou alors
l'image de son amie, fait preuve de connivence immédiate, puisqu'elle
n'hésite pas à s'éplucher sur la
réalité : « Nawal (je prends le discours avec
toi : ma si proche, aide moi par ton amitié, par ton souffle,
près de moi, aide moi à rendre compte de ces jours
bousculés. »51(*)
Ces personnages s'évoluent donc à partir de ce
qu'ils ont enduré. Ils ont envisagé leurs histoires comme une
sorte de journal intime dans lequel leurs expériences ont
été révélées.
Il s'agit d'un choix d'écriture. Pour l'auteure, ce
serait une sorte de délivrance dans laquelle ces personnages
s'expulsent des espaces voilés, racontant leurs deuils, leurs luttes
ainsi que leurs espoirs.
I-3-2) À TRAVERS LE REGARD DE L'AUTEURE
Dans le cas de La femme en morceaux,
la caractéristique du personnage principal se fait à
partir du regard de l'auteure, c'est elle qui prend en charge la
narration : « Alger, 1994. Atyka, professeur de
français : une langue qu'elle a choisie, qu'elle a plaisir
d'enseigner. Pas comme autrefois son père et sa mère qui,
à l'école coloniale, n'ont pu faire des études qu'en
français. » 52(*)
Ce fut le statut professionnel qui est
désigné en premier lieu. Cependant, les autres
caractéristiques sont à peine évoquées, sinon
décrites d'une manière très implicite. Signalons à
titre d'exemple la situation sociale dans laquelle vit le personnage Atyka
ainsi que les relations qu'elle entretienne avec ses
élèves :
La conversation s'éparpille de tous
côtés ; il fait beau sur la route et Atyka est
étonnée de ce naturel retrouvé si aisément avec ces
jeunes : devant elle, à un carrefour, un convoi militaire qui passe
leur rappelle le présent et ses alarmes. Je vous quitte là !
Décide Atyka. Elle ne veut pas leur dire, à ses
élèves qui semblent l'aimer, qu'une sourde inquiétude la
cerne dans ce quartier périphérique où, avec son jeune
époux, elle a trouvé à se loger 53(*)
Ce passage complète indirectement notre
connaissance du personnage et celle de la société où il
vit. Le convoi militaire nous renvoie aux diverses déterminations
terroristes qui engouffrent le pays. Cela inquiète Atyka qui,
entretenant de bonnes relations avec ses élèves,
préfère ne pas les mêler à cette fièvre qui
l'envahit dans cette ville. Une ville de la capitale où elle vit avec
son mari.
De la même manière, à la fin de cette
nouvelle, se présentent l'inquiétude et ses alarmes :
« Il y eut alors un tumulte dans le couloir, mais lointain et
confus. Atyka versant soudain dans une alarme qu'elle juge irraisonnée
et qu'elle maîtrise, Atyka se répète une dernière
fois, en quelques secondes : demain, aurais-je finis le
conte ? » 54(*)
C'est comme si Atyka a pressenti sa mort autour d'elle, et
dans cette Algérie en proie au terrorisme.
A la fin de la nouvelle, Assia Djebar nous rapporte la
scène de la mort d'Atyka. Elle nous décrit minutieusement le
corps de cette dernière qui subit la violence par les
terroristes :
Atyka reçoit debout une balle au coeur [...] Le
buste d'Atyka est tombé en avant sur la table du bureau. Les hommes
armés ont reculé. Le fou qui, brandissait son poignard, s'est
avancé vers elle [...] d'une main lui relever la tête en la
soulevant par ses longs cheveux-ses longs cheveux roux, flamboyants, vivants.
Son autre main, d'un geste long et sûr, dans un même mouvement,
tranche le cou d'Atyka.55(*)
La description des cheveux
« flamboyants » et « vivants » nous
permet d'imaginer la beauté du personnage de Atyka, bien soignée,
et aimée de ses élèves. Défiant les terroristes en
sortant sans voile et en enseignant la langue française.
I-3-3) A TRAVERS LE COMPORTEMENT DU PERSONNAGE
A côté de la caractérisation du
personnage à travers son discours, s'ajoutent celles du comportement et
des habits. Autrement dit, le personnage peut se révéler à
partir de ce qu'il porte et de ce qu'il fait.
Dans La fièvre dans des yeux
d'enfant, le personnage principal, Isma, se déguise dans
la rue pour se méfier des terroristes : « Eh oui,
soupirè-je, comme c'est facile, à quarante ans de paraître
cinquante, ou sans âge, femme invisible à force d'être
ordinaire, mal coiffée, mal chaussée, habillées de
couleurs ternes, avec une jupe sans forme, un couffin de provisions au
bras. »56(*)
Une façon, pour le personnage de se protéger des
attentats qui se produisent, chaque jour, dans la ville. Cependant, la
romancière laisse son personnage s'évoluer à sa
guise ; La psychologie d'Isma nous montre son goût pour la
modernité et pour l'émancipation : « A peine
la porte fermé, j'enlève ces hardes ; je me retrouve vite en
petite tenue. »57(*)
Le caractère d'Isma la situe en
individu particulier, puisqu'elle parcourt un itinéraire
différent de celui qui a été destiné à
toutes les autres femmes. Signalons sa façon libre de s'habiller, ainsi
que sa relation extraconjugale avec un musicien : «
heureuse de connaître ce commencement, heureuse d'être vivante et
libre, ce jour là. Heureuse d'empoter en moi au long de cette marche,
son visage, ses traits, ses rides légères, ses lèvres. Ses
doigts. »58(*)
En outre, ce changement rend Isma libre, allégée
du poids des croyances et des tabous religieux et moraux :
« Mon rire, ma chevelure mouillée dans le cou, ma
façon « peu musulmane » de m'accroupir, de
garder un pantalon de garçon ou quelquefois un séroual, mais de
la ville, trop court. » 59(*)
Dans L'Attentat,
ce fut le comportement de Mourad qui a entraîné sa mort.
En effet, ce dernier a plongé dans la clandestinité et a
changé de domicile, afin de continuer son combat contre la barbarie
intégriste. Finalement, il a fini par se dévoiler, en signant
ses articles par son propre nom : « Il a mené une vie
quasiment clandestine une année entière après le flot des
menaces [...] Mourad qui, les premiers jours, sortait le plus rarement possible
et ne faisait que discuter avec son fils, a repris un rythme presque
normal. »60(*)
Là, également, nous remarquons le changement du
personnage qui décide de faire face à ce qui se passait autour de
lui.
A ce propos Y.Reuter notait que : « les
personnages se diversifient socialement et se développent par la mise en
texte des traits physiques variés et d'une épaisseur
psychologique à laquelle vient s'ajouter la possibilité de se
transformer entre le début et la fin du roman.»61(*)
Ceci dit, que le personnage n'est pas donné comme une
entité définitive, dans un roman, mais il évolue et se
transforme au cours de l'histoire.
Dans La femme en morceaux, le
personnage principal, Atyka se caractérise par son amour pour la culture
et la langues françaises : « Je serai professeur de
français, mais vous verrez, avec des élèves vraiment
bilingues, le français me servira pour aller et venir, dans tout les
espaces, autant que dans plusieurs langue ! » 62(*)
Ainsi, son comportement avec ses élèves,
révèle sa tolérance et sa responsabilité
professionnelle à l'égard de ses élèves, et gardant
ses limites avec les questions politiques et religieuses : « Nous
sommes ni en sciences politiques, ni en cours de religion ! Je vous
rappelle que nous commentons des extraits traduits des Mille et une
nuits. » 63(*)
Toutes ces caractéristiques que nous avons vues ont
permit de connaître les personnages, de leur attribuer des
caractères différents, mais surtout de croire à leur
existence. Ainsi, le souligne Goldenstein dans son étude :
Les différents procédés de
caractérisation concourent à donner aux personnages une
« épaisseur » qui leurs permettra d'accéder
à la vie fictive des héros des romans [...] Doué de
« vie », soumis à une intrigue ou bien servi par
elle, le personnage s'impose à la conscience du lecteur qui
« croit » en son existence. 64(*)
Toutefois, il conviendrait encore de situer le personnage
par rapport à la narration. Ce que nous verrons dans le chapitre
suivant.
II) ETUDE DE L'IMPACT DU TERRORISME SUR LA FEMME
ALGERIENNE
Nous procédons, dans cette partie, à
l'étude de la narration afin de définir le statut des personnages
par rapport à ce qu'ils endurent. Ensuite nous passons à
l'étude de l'impact du terrorisme sur la femme algérienne, qui
subit la mort et sa violence sous différentes façons. Enfin nous
verrons l'affrontement de la femme avec le terrorisme.
II-1) ETUDE DE LA NARRATION
La narration se présente comme étant la
manière dont l'histoire est racontée. On pourrait reprendre la
définition de Yves Reuter qui dira que : « la
narration concerne l'organisation de la fiction dans le
récit qui l'expose. »65(*). En ce sens, la narration serait le maître
d'oeuvre du récit ; elle le structure et l'organise.
Ainsi, elle se fait à partir d'un organisateur
appelé « narrateur » qui joue un rôle
essentiel dans la narration et qui apparaît sous différentes
formes dans le récit :
Le narrateur lui, est celui qui raconte la
fiction ; il en est « la médiation narrative »
[...] Il choisit la progression narrative, les modes de discours, la
progression temporelle, le rythme du récit avec l'internance de temps
forts (actions) et de temps faibles (descriptions).66(*)
II-1-1) LA NARRATION OU CE QUI EST RACONTE
Dans le cas de notre recueil de nouvelles,
Oran, langue morte, on assiste à plusieurs
voix narratives ; souvent des femmes que l'on veut réduire au
silence. Or, elles ont décidé de franchir l'obstacle du silence
en retraçant les chemins de leur vie. Sinon, c'est la romancière
même qui se charge de transcrire leurs souvenirs, pour dévoiler
la violence qui les déchire suite la guerre civile des années
quatre vingt dix, en Algérie.
Ces histoires personnelles se ressemblent et se
tissent ; elles sont intimement liées à l'histoire de
l'Algérie durant cette décennie. Les déclarations des
personnages en témoignent, tout au long du texte :
Chaque leader intégriste s'appelle
« cheikh » chez nous, en ces temps présents !
Il se veut ainsi, par ce vocable (que les véritables maîtres
autrefois n'osaient se donner), le père des jeunes chefs de bande qui se
sont quant à eux, autoproclamés
« émirs », autant dire
« princes », ces mêmes chouyoukh (pluriel de
« cheikh ») étaient encore au cours de
l'effervescence d'il y a deux ans, des imams de mosquée aux
prêches enflammés, déployant une éloquence à
la Savonarole...pour fustiger un pouvoir centrale de plus en plus impopulaire.
Sur quoi le président est démis [...] six mois après,
« un fou » abat le nouveau président quasiment en
direct, devant la télévision, depuis la machine folle s'est
emballée : jour après jour, la violence, les meurtres, les
répressions, cycle fatal !67(*)
Assia Djebar compare cette idéologie à celle
du Savonarole ; prédicateur et réformateur Italien, connu
pour ses réformes religieuses et ses prêches anti-humanistes.
L'histoire couvre donc la période du terrorisme
intégriste qui se veut maître de cette Algérie sanglante,
durant plusieurs années. Cette période correspond à une
tranche de vie d'Assia Djebar.
Notons que pour relater ces histoires, elle a usé de
son talent de romancière ainsi que de son statut d'historienne. Elle
s'est également inspirée des événements
sociopolitiques afin de reproduire cette histoire dans laquelle on retrouve
deux cultures, représentées selon l'état d'esprit de ses
narratrices.
Ainsi, dans les trois nouvelles traitées
La fièvre dans les yeux d'enfant,
L'Attentat et La femme en morceaux,
l'histoire se caractérise par le retour d'un même
thème qui est celui de « la mort », ce retour de
thème d'une nouvelle à une autre les rapproches et crée
entre elles une seule unité.
Ces rapprochements qui reviennent ne laissent pas le lecteur
indifférent, mais l'incitent à établir des liens entre ce
qui est raconté et ce qui se passe dans la réalité. Cela
lui permettra de se rendre compte de la violence de l'Histoire récente
de l'Algérie, et de l'omniprésence de la mort dans le quotidien
algérien, en ce temps là.
Cette narration relève également de
l'importance que donne l'auteure à la voix, dans une
société qui veut confisquer la parole féminine.
II-1-2) LE NIVEAU DE LA NARRATION
Le mode dominant dans notre corpus
d'analyse est le mode
intradiégétique c'est-à-dire que le
narrateur est mêlé à l'action et ne dissimule pas les
signes de sa présence : « il raconte l'histoire selon
son point de vue. C'est le narrateur agent ou narrateur protagoniste. Il parle
de lui à la première personne. Nous connaissons donc
immédiatement, et sans erreur possible, son identité. »
68(*)
A travers les deux premières nouvelles
La fièvre dans les yeux d'enfant et
L'Attentat ce sont les narratrices Isma et Naima qui
tissent le fil conducteur de l'histoire. Elles sont au même temps sujets
et objets de leur récit. C'est avec elles que l'on vit les
événements racontés, que l'on découvre les
personnages au fur et à mesure : « Il se
présenta, me salua : à ses premières phrases, sous
mon visage impassible, une fascination m'avait saisie. Comment te le dire Nawal
(je te l'écris c'est vrai et tu ne peux pas t'esclaffer !), une
attention aigue me vrilla. »69(*)
Isma et Naima prennent plus d'importance puisqu'elles se
chargent de la narration sur la quasi-totalité de l'oeuvre : nous
assistons donc à deux personnages qui se révèlent,
racontent leurs vies, leurs déchirement et nous font part de leurs
sentiments et de leurs réflexions. La focalisation est donc
interne : « A mon tour, vais-je avoir peur, [...] je me
sens rapetissée [...] je me mue en passante anonyme [...] qui me
reconnaîtra ? [...] j'avance, je suis vivante, ma joie
muselée en dedans de moi et tranquille je défie qui au - dehors,
quel meurtrier ? » 70(*)
Ce sont là les propos d'Isma qui tente de surmonter
la désespoir qui l'envahit, en se déguisant pour se
protéger de la mort.
De même pour Naima, saisie par la peur et
l'insécurité, révèle : « J'ai
éclaté en pleurs, j'ai eu honte [...] j'ai expliqué devant
tous, tous ces jeunes autour de moi, leur silence puis l'émotion [...]
je suis rentrée, ce jour là, à la maison effondrée,
émiettée [...] les jours suivants, il me fut impossible d'aller
à l'école. »71(*)
En outre, Isma et Naima assument, en plus la fonction
d'organisation du récit, celle de narratrices omniscientes et
omniprésentes de façon dominante, parfois commentatrices des
événements : « j'allais à la seconde
manifestation des femmes : une véritable kermesse sous le soleil,
nous chantions dans ce soleil de novembre. Cette fois pas seulement les femmes,
mais des intellectuels, des étudiants, des familles avec
enfants. »72(*)
A chaque fois, elles nous font découvrir la
personnalité, le rôle et le métier d'un personnage :
« cet homme qui me troublait tant [...] oui cet étranger,
plus jamais étranger, se prénommait
« Omar »73(*) ou alors « Mourad était le
meilleur professeur de français dans le pays, beaucoup l'ont
affirmé à sa mort ! »74(*)
On remarque qu'à travers le récit
alterné de ces deux narratrices, le « Je » est
souvent présent car c'est là une façon de se couler dans
l'intimité de l'être et par là même aller au plus
profond de son âme :
Je revivrai ma fièvre dans cette ville gelée.
J'ai mis un disque d'Archie Shepp en sourdine, et bientôt le saxo
ténor prend de l'ampleur, de la gravité en moi.
J'écris : pourquoi, quelle importance- un jour, ils me
reconnaîtront [...] ils m'abbateront le lendemain quand je
sortirai. 75(*)
Les confidences de ces narratrices ne cessent de se
croiser sous les embrayeur « il » et
« elle » afin de construire la texture de ce récit
en racontant la mort de leur proches.
Isma dira à propos de son amie : «
elle serait patiente, elle souriait, elle attendrait devant mes soudains
silences, elle...je parle d'elle au conditionnel déjà : il y
a six mois, son corps a été déchiqueté par une
bombe placée dans sa voiture.»76(*)
De même pour Naima, en ce qui concerne la mort de son
mari, elle dira : « ils m'ont raté, ils l'ont
tué [...] il est couché sur le coté, le journal
tombé sur sa tête, masquant un peu de son profile ! Un petit
filet noirâtre coule de son front »77(*)
Cependant et exceptionnellement dans la dernière
nouvelle de notre corpus d'analyse, La femme en morceaux
qui se singularise par son style
d'écriture, c'est la romancière qui prend en charge le
récit, et le met en abîme avec un conte des Mille et
une nuits. Elle le domine par son omniprésence et son
omniscience. Dans ce cas le mode narratif dominant est le mode
extradiégitique : c'est-à-dire que
le narrateur est externe à la fiction : « Il domine
histoire et personnages. Sa connaissance de l'une et des autres est
illimitée et omnisciente. Tel un dieu. Il « sonde les reins et
les coeurs » de créatures qui n'ont pas de secrets pour
lui. »78(*)
En ce sens, le narrateur révèle aux lecteurs
tous les secrets des personnages, et que les autres ignorent.
C'est le cas d'Assia Djebar dans La femme en
morceaux. Dès l'incipit, elle nous renvoie à
Bagdad pour nous faire revivre le passé, à travers le conte de
Schéhérazade : « Une nuit à bagdad. Au
fond, tout au fond du cours large, légèrement en pente de fleuve,
un endroit entre la ville et le palais. Là, au fond de ce fleuve, le
Tigre, dort un corps de jeune femme. Un corps coupé en
morceaux. »79(*)
Cette écriture permet, selon la romancière,
d'éviter l'enfermement et l'exclusion et d'enraciner la langue de
l'autre dans l'oralité des femmes. Ainsi, Atyka choisira la langue
française pour s'émanciper :
Alger 1994, Atyka, professeur de français : une
langue qu'elle a choisie, qu'elle a le plaisir d'enseigner. Pas comme autrefois
son père et sa mère qui, à l'école coloniale, n'ont
pu faire des études qu'en français, alors que le premier parlait
berbère et la seconde arabe...Atyka née l'année même
de l'indépendance, choisit, à vingt ans de faire sa licence en
français. 80(*)
Atyka retourne aux sources de l'oralité en
étudiant le conte des Mille et une nuits avec
ses élèves. Sa voix qui raconte le récit de la jeune
femme coupée en morceaux se confondra avec celle de
Schéhérazade.
Cette manière de retourner à ces contes
représente une tentative de retrouver ce qui a été perdu,
de faire entendre les voix qui ont été pour longtemps
condamnées au silence. Cette tendance de Atyka pour la langue
française incarne celle de l'auteure qui se sert de cette langue pour
libérer les voix de ces femmes. Selon elle, le langue française
constitue une évasion dans tous les espaces, comme elle le souligne
à travers les propos de son personnage : « je serai
professeur de français ; mais vous verrez, avec des
élèves vraiment bilingues, le français me servira pour
aller et venir, dans tous les espaces, autant que dans plusieurs
langues. »81(*)
II-2) ETUDE DE LA REPRESENTATION DE LA MORT DANS LES
TROIS NOUVELLES
Depuis la conquête française, la guerre de
libération jusqu'à la décennie noire, la mort ne cesse de
donner rendez vous aux algériens. Omniprésente dans l'histoire,
par elle le passé et le présent se hèlent :
Les événements qui s'inscrivent à la une de nos
journaux ne sont-ils pas le principal moteur des
vocations littéraires qui ont vu le jour
ces
dernières années ? Au plus fort de
la crise qu'ait
connu leurs pays depuis la fin de la colonisation
française, des algériens [...] se sont
mis à écrire
[...] comme si une impérieuse
nécessité avait
porté leur plume.82(*)
Ainsi, dans Oran, langue morte,
le thème de la mort se profile sous différents portraits, dans
toutes les nouvelles, précisément dans celles que nous nous
proposions d'étudier.
II-2-1) ISMA OU LA MORT DE L'AMOUR
Dans la première nouvelle, La
fièvre dans des yeux d'enfant, Isma, avant que la mort
l'emporte, évoque la mort dès l'incipit de la nouvelle :
En ce temps-là, chaque jour m'apportait sa
nouvelle luisante de suie (par la radio,
le
journal, ou plus souvent par une
voix
familière, au téléphone, qui
me secouait à
l'aube ou quelquefois tard, juste avant la nuit
sa nouvelle de mort, assassinat d'un ami, d'une
femme estimée ou admirée, d'un
vieux
professeur perdu de vue [...] également
annonce
d'une mort anonyme, celle d'une étudiante,
d'un
syndicaliste [...] mort survenue dans un lieu
traversé la veille [...] une mort en somme
si
proche qu i giselait [...] Sa
violence
invraisemblable.83(*)
Dès lors, nous remarque la récurrence du
thème de la mort, dans l'incipit de cette nouvelle ; on comprend
vite pourquoi la narratrice est habitée par la violence qui
déferle depuis si longtemps en Algérie.
Inspirée par le rythme du malheur, du deuil mais
aussi de la révolte, Isma se réfère à
l'écriture pour garder en mémoire les instants
privilégiés de sa vie pour aller plus loin que soit et pour
entretenir avec Nawal « son amie disparue » :
« Si j'écrivais cela, ce que j'ai ressenti, l'automne
d'avant, l'année dernière [...] l'écrire pour le revivre.
Pour y penser à loisir toute seule. Nawal, ma meilleure amie serait
là. »84(*)
Isma se croyant échappée à la mort en
changeant son allure, se décidant de ne plus avoir peur et devenant
indifférente de ce qui se passe autour d'elle :
« J'aurais changé de quartier, d'apparence,
je variais ma façon de m'habiller, de me nommer, de porter des lunettes
de casser ma voix et même de modifier l'accent, le rythme de mon
dialecte, quelquefois je décide de me faire vieille »
85(*)
Elle poursuit :
Il a suffit de six mois d'attentats dans la ville : si
je
veux encore sortir, je me mus en passante anonyme,
les cheveux tirés, en tresse derrière, le
pas saccadé,
le regard obstinément fixé devant
moi : qui me
reconnaîtra ? Qui retrouver a mon
ancienne
insolence au dehors ? »86(*)
Ainsi avec cette façon de défier le monde
extérieur, Isma retrouve sa tranquillité et le sourire de son
adolescence. Tout lui indiffère même les regards
soupçonneux d'un « barbu » dans le square :
Je me dis (je tricote au même temps) que tout en
moi vacillait, se durcissait, bouillonnait ; je
souris
dans ce square. Malgré cet observateur barbu
qui
me fait face [...] je plonge dans le trouble qui
m'envahissait exactement trois ans auparavant,
comme aujourd'hui un jour d'octobre. 87(*)
Notons que le substituant « barbu »
est utilisé par l'auteur pour désigner quelques
intégristes qui ont certaines tendances religieuses injustes, et se
servent de l'Islam pour imposer leur idéologie.
En outre, à cause de la terreur qui règne
en Algérie, surtout à l'égard des femmes, Isma sait que
tôt ou tard elle va être tuée en laissant à peine
« une trace d'histoire ». N'ayant plus le temps de se
mentir à elle-même, elle décide de rompre toutes les
entraves avec son ancienne existence et de se séparer de son mari pour
le musicien qu'elle venait de rencontrer.
Nous sommes donc face à la mort de l'amour
étant donné qu'Isma ne réalisera pas son histoire d'amour
tant rêvée et relatée dans ses lettres destinées
à son amie Nawel et à son amant. La mort l'emporte avant qu'elle
réalise ses envies et après avoir subi le poids de la disparition
de ses aimés.
II-2-1-1) LA PEINTURE DE L'AMOUR
En effet, nous remarquons qu'au fil de
la lecture de cette nouvelle, l'amour est représenté comme une
force détruite subitement par une violence extérieure à
lui, semant la mort et la souffrance dans le coeur du personnage ; les
lettres écrites par Isma témoignent de cette
tragédie :
Comment ne rien perdre de cette histoire qui
commence ? [...] la plus belle des histoires [...] mais
l'histoire sans nul doute ne restera qu'en amorce,
entre nous, suspendue [...] je ne sais comment
terminer cet écrit sans rien avouer alors que j'ai
déjà
trop dis ! Je ne déchirerai rien, je ne
livrerai rien,
j'attendrai. 88(*)
Refusant également le départ de son amant,
Isma cherche inlassablement à retrouver l'image mais surtout la voix de
ce musicien, afin de se délivrer de ses angoisses et lui retracer le dur
chemin de sa vie depuis les événements qui ont bouleversé
le pays : « Comment retrouver, le plus concrètement
possible, ton image [...] Au coeur froid de la nuit, immobilisée entre
les draps [...] réveillée donc, je quête, je te cherche, je
désire inlassablement te recréer. »
L'écriture lui est insuffisante, seule la
présence de cet homme, qu'elle a tant aimé, pourrait apaiser sa
douleur d'être face à la domination intégriste.
De même pour Ali, qui n'est autre que
l'époux d'Isma, tente de retrouver, au milieu de la nuit, l'image et la
voix de cette dernière qui le hantait après sa mort :
Il retrouvait la voix d'Isma, ses élans, son goût
des
confiances [...] il semblait avoir déjà
tout oublier
seulement le son et le phrasé de cette voix ; il
voulait
l'entendre, comme on surprend un bavardage
derrière la porte ; dorénavant
n'était-elle pas là-bas
prés de Nawal ? 89(*)
En effet, Isma et Nawal sont toutes deux mortes. Or, Ali
en reliant les lettres d'Isma eut l'impression de se mêler à des
confidences de deux amies si attachées : « Isma ne
parlait que pour Nawal, ne semble quêter même pour cette passion
(le mot était bien d'elle) que l'avis ou le jugement de
Nawal »90(*)
Ali eut besoin de la sentir à ses cotés et
s'étonne de l'excès de ces confidences attendries pour une
personne déjà morte : « Nawal vraiment
morte ou vivante ? »91(*)
Il eut envie de prendre la place de Nawal pour
être plus proche de sa femme pour lui faire oublier ses souffrances, mais
comment serait- il possible d'entretenir avec Isma puisqu' elle est aussi
emportée par la mort laissant son époux obsédé par
sa voix et son image.
La nouvelle s'achève par les propos d'Ali qui refuse,
lui aussi, la mort de son amour, et désire encore sa femme bien qu'elle
soit déjà morte : « Trois balles au coeur,
heureusement pas à la face ! Elle s'en va dans sa beauté
inentamée, je verrai le premier son visage dans le cercueil encore
ouvert ! [...] comme hier, son visage, je l'espère. Je la verrai,
je la garderai »92(*)
C'est la dimension tragique que nous soulignons
ici ; d'abord, la mort de la meilleure amie, ensuite la mort de ses
sentiments, de son corps, pour aboutir à la souffrance de l'époux
qui reste seul hanté par tous ces témoignages.
II-2-2) NAIMA OU LA MORT DE L'EPOUX ENGAGEE
En effet, dans L'Attentat ;
la nouvelle qui suit La fièvre dans les yeux
d'enfant, le thème de la mort y est présent ;
Naima, la narratrice relate la mort de son mari en premier lieu :
« La nuit avant la mort de Mourad, j'ai été
réveillée à deux heures du matin ; la nuit
juste avant...Mourad entre dans la chambre, allume, me secoue par les
épaules »93(*)
Ce passage nous présente la situation de Naima et
nous révèle la souffrance dont elle est objet ; celle de la
mort de l'aimé.
En outre, Naima, réveillée par son mari
cette nuit avant sa mort, et avait comprit que ce dernier va être
tué et qu'elle n'arrivera pas, l'espace d'une dernière nuit,
à convaincre son époux de ne pas publier l'article plaidant pour
une école de la modernité, contre la barbarie des
intégristes. Sachant que ceux-ci n'hésiteront pas à
éliminer toute personne n'ayant pas respecté leur
idéologie.
Elle s'adresse à lui avec inquiétude :
«Cette fois, j'espère, tu ne le signes pas de ton nom, n'est ce
pas ! (...) tu prends un pseudonyme ! »94(*)
Or, Mourad tient à signer cet article de son propre nom
afin de dénoncer toutes ces injustices qui accablent le pays depuis
plusieurs années :
Contre tout le monde, sait bien que je suis
contre : contre le pouvoir, contre les
fanatiques,
contre le silence et l'immobilisme ! Moi
j'aurais
bien voulu n'écrire que sur l'école, sur
ce que doit
être notre école.95(*)
Ainsi, pour témoigner de l'amour pour son pays qui
est condamné par « l'idéologie
intégriste » Mourad insiste sur le fait de se sacrifier pour
lui et de refuser la barbarie qui s'abat sur lui :
Laisse donc, n'as-tu pas compris : je vivais,
je
mourrais ici, chez moi, dans ce pays [...] Mais il
faut bien que quelqu'un dise les choses bien haut,
clairement, très fort ! [...] cette fois
c'est moi,
Naima, ne m'en veux pas, se serait ensuite un autre
et un autre 96(*)
Malgré les avertissements qui lui ont
été adressés, et sachant qu'il va anticiper sa mort en
publiant son article : « Le flot des menaces, lettres ou
avertissements téléphoniques, s'étaient
succédés pour lui signifier qu'il était « un
homme mort »»97(*)
Mourad s'entête à continuer jusqu'au bout son
combat contre l'intégrisme et sa barbarie, tout en sacrifiant sa vie,
pour laisser qu'un silence qui entoure sa femme et son enfant. Naima poursuit
son histoire en insistant sur le déroulement de l'attentat de son mari,
raconte avec précision la manière dont il a été
assassiné ainsi que sa réaction face à cette
fatalité.
Nous remarquons que, contrairement aux autres nouvelles du
roman dans lesquelles la victime était toujours une femme,
précisément dans L'Attentat la victime
est un homme et la femme par hasard est épargnée provisoirement,
car dans le cas de Naima, elle survivra mais toujours hantée par la
manière dont a été assassiné son époux.
Tout comme les autres personnages de ce roman, Naima
rejette, elle aussi, l'idée de ne plus voir celui qu'elle aime à
coté d'elle : « Quarante jours après, oui.
Comme si Mourad avait quitté la maison pour de bon. Je ne l'avais pas
cru jusqu'au là, malgré l'évidence. »98(*)
Elle continu malgré elle sa vie, et reprends ses cours
jusqu'au jour où il y eut un incident avec l'un de ses
élèves. Notons que l'atmosphère du pays, ses conflits, ses
idéologies avaient influencé la plupart des jeunes, tel est le
cas de son élève qui refuse d'être interpellé en
français; langue interdite par les intégristes :
« Soudain, le garçon -quinze ans environ- se
dresse et d'une voix agressive rétorqua, la tête à demi
tourné vers les autres :- Est-ce que nous avons une maîtresse
de français ou d'arabe ? »99(*)
Cette remarque affecte Naima et l'emporte dans une grande
agitation :
Sa remarque acerbe-en arabe, bien sûr-je la reçus
de plein fouet, et comme une offense, ou plutôt comme un coup de feu
[...]un jeune de quinze ans ne supporte pas que je prononce «
dix-huit » en français ! Un adolescent avec comme cible
d'attaque un simple mot en langue étrangère, un
élève, mon « élève », un
môme âgé de quinze ans !100(*)
Nous remarquons dans ce passage, combien
l'idéologie intégriste a influencé les jeunes
algériens quant à l'utilisation de la langue française et
à l'ouverture sur les autres cultures universelles.
En outre, cet élève renvoie Naima au jeune
adolescent qui avait assassiné son époux :
En vérité ce ne fût pas seulement
le jeune homme
et son refus du mot français que je vis face
à moi!
En une seconde, le tueur à l'arme enrayée
surgit
d'un coup à la place [...] il n'avait lui non
plus
guerre plus de quinze ans [...] une voix en
moi : c'était un adolescent comme celui-ci ! Il avait
dû être mon élève , lui aussi.101(*)
Troublée par ce chahut, Naima poursuit sa
révolte contre son élève, comme s'il s'agissait
réellement du vrai coupable, exprimant la douleur d'être seule
à affronter ces violences,mais surtout l'absurdité de la vie qui
lui emporte son époux, qui n'a fait que dénoncer les injustices
commises par les intégristes :
Oui j'ai protesté, oui j'ai ironisé, amère
« vous ne
supportez pas un mot étranger, un simple
mot ?
[...] dans quel pays vivez vous ? Je suis
professeur
d'arabe certes, mais lui, Mourad était le
meilleur
professeur du français dans le pays, beaucoup l'ont
affirmé à sa mort.102(*)
Au fil des jours, la souffrance
pèse sur Naima, ne pouvant plus supporter sa situation, n'allant plus
à ses cours et ne sortant plus de chez elle. La peur l'envahit par tout
où elle se trouve. Seul le désir de partir loin qui la
tranquillise :
Je voudrais partir, dis-je
un matin, d'abord pour
moi-même, à haute voix [...] Je veux partir plus
loin,
le plus loin possible [...] J'ai pensé
« Mourad a laissé
un vide dans la maison bien sûr, mais aussi
dans
chaque école, dans tout nos lieux,
ici ! 103(*)
Ainsi, le départ de Naima serait la seule solution
pour surmonter ses difficultés, dépasser les frontières
des cauchemars qui entourent son pays,et pouvoir recommencer sa vie loin de ces
violences.
De même pour la nouvelle
précédente, L'Attentat commence et
s'achève par la mort d'un personnage. Ici c'est Mourad ; comme si
ce dernier repose loin de ces terreurs tandis que celles de Naima
persisteront, tant qu'elle soit toujours dans cette Algérie
sanglante.
II-2-3) ATYKA OU LA FEMME DECOUPEE EN MORCEAUX
Nous avons constaté dans les deux nouvelles
précédentes l'omniprésence d'une mort absurde et
scandaleuse, représentée sous différentes formes. Le
thème de la mort ne cesse de revenir dans chaque nouvelle.
Nous passerons maintenant à l'étude de la
nouvelle centrale de ce roman ; il n'est donc pas indifférent que
La femme en morceaux se trouve placée au
centre du roman et à la fin de la première partie
intitulée L'Algérie entre désir et
mort.
Nous verrons une autre forme de la mort qui est celle du corps
qui subi la mort d'une façon violente.
Dans cette nouvelle, Assia Djebar fait appel à un
conte des Mille et une nuits qui se confond avec
l'histoire d'Atyka.
En effet, Atyka, enseignante de français,
exécutée où moment où « nouvelle
Schéhérazade », elle tente d'inventer, avec ses
élèves, la réécriture de l'un des contes des
Mille et une nuits. Un conte qui se distingue des
autres nouvelles par son style, il représente la plus grande partie de
l'ouvrage :
Il constitue dans le livre d'Assia Djebar
un
espace exemplaire de relecture et de
réécriture
littéraires où croiser les langues,
et où, par la
reprise du dispositif narratif du conte,
refaire
les contes avec le passif colonial des
Algériens
ainsi qu'avec la guerre fratricide
qui
aujourd'hui s'en nourrit.104(*)
Assia Djebar reprend ici une
forme d'interprétation que lui avait offerte la langue adverse et qui
lui avait permise de rendre compte du fond culturel arabe. Elle juxtapose donc
le récit de La femme en morceaux :
« Une nuit à Bagdad [...] Au fond de ce fleuve. Le Tigre,
dort un corps de jeune femme. Un corps coupé en
morceaux. »105(*)
Avec celui de Atyka, professeur de français à
Alger : « Alger, 1994. Atyka, professeur de
français : une langue qu'elle a choisit, qu'elle a plaisir
d'enseigner »106(*)
Ces deux récits, l'un à caractères
romains « récit des nuits », l'autre à
caractères italiques « récit des jours »
sont écrits au présent et reproduisent l'alternance de la nuit et
du jour. Cette écriture au présent est représentée
dans le roman comme :
Une manière pour l'auteure d'actualiser le
passé
comme peut l'expliquer le choix du
prénom
« Atyka » féminin de
« Atyk » et qui signifie en
arabe « ancien » La phrase
suivante « C'est
Atyka, aujourd'hui dans une autre ville
arabe »
peut se lire comme ceci « C'est
L'ancien
aujourd'hui à Alger [...] »107(*)
En ce sens, Charles Bonn nous explique dans cette citation
que pour comprendre ce qui se passe à Alger en quatre vingt quatorze, il
suffit de revenir à ce qui se passait il y a de cela douze
siècles à Bagdad.
Nous n'avons pas l'habitude d'avoir des contes écrits
au présent, mais c'est une manière pour la romancière de
saisir le présent à partir des événements
passés et d'en témoigner les effets.
Nous remarquons que la structure et la chronologie du
« récit des nuits »sont perturbées, le conte
s'ouvre sur l'histoire de « la femme coupée en
morceaux » : « Une nuit
à Bagdad [...] Au fond de ce fleuve. Le Tigre, dort un corps de jeune
femme. Un corps coupé en morceaux. »108(*)
Ensuite nous assistons à la promenade du
calife :
Une nuit d'entre les
nuits, le calife, son ami
Djaffar et Massrour le porte-glaive vont errer [...]
Trouvent la couffe. Coupent le fil de laine rouge. Déplient le tapis
précieux. Entrouvrent le voile de lin blanc à peine taché.
Découvrent le corps de la femme. La jeune femme coupée en
morceaux.109(*)
Ce n'est qu'à plusieurs pages que la
romancière évoque l'histoire de la femme coupée en
morceaux :
Un couple heureux, ils sont jeunes, tous les deux. Le mari
est amoureux. De condition aisée [...] la jeune épousée
est mariée depuis six ans, peut être sept. Elle a accouché
trois fois [...] Emporté par ma fureur jalouse, je plongeais le coteau
dans la gorge de celle que je crus infidèle.110(*)
Quant au « récit des jours »,
lui, se soumit à une chronologie car l'auteure a indiqué la
progression des cinq cours : c'est la fin du deuxième
cours »111(*)
« c'est la fin de la troisième
leçon ».112(*)
Atyka, juste avant de finir son quatrième cours-
l'avant dernier- est assassinée par quatre hommes puis
décapitée par un cinquième : « Ils sont
rentrés, cinq hommes : quatre imposants, en uniformes de gendarmes
ou de soldats, et le cinquième, maigrelet, seul à être sans
barbe, et sans armes, seulement un couteau ou plutôt un poignard court
dans la main. »113(*)
Nous remarquons le retour du « barbu »,
qui tue, et qui violente :
Vous êtes bien Atyka. F, soi-disant un professeur mais
qui raconte, parait-il, à ces jeunes gens, des histoires
obscènes ? [...] Allons, allons les poussins, les mauviettes,
fermez les yeux ou couchez vous sous les tables [...] Vous n'avez pas besoin
de regarder : c'est elle, elle « la professeur » (il
dit ce seul mot en français déformé) elle, la
condamnée.114(*)
Atyka est donc assassinée, sous les yeux de la classe,
à cause des histoires qu'elle raconte à ses
élèves : « Atyka reçoit debout une
balle au coeur »115(*)
Or, Assia Djebar assigne une voix à Atyka en faisant
d'elle une morte revenante : « Pour continuer à
présent le travail de la pensée. »116(*)
« Atyka, tête coupée, nouvelle
conteuse, Atyka parle de sa voix ferme. Une mare de sang s'étale sur le
bois de la table, autour de sa nuque. Atyka continue le conte. Atyka femme en
morceaux. »117(*)
En ce sens, selon Assia Djebar le cinquième cours a
eu lieu et Atyka a poursuit avec sa seule voix « le récit
des nuits »:
Et la voix de la tête coupée
récite lentement le texte su par coeur [...] pendant tout ce temps
où elle avait raconté, Schéhérazade avait
donné au roi trois garçons[... ]La voix de Atyka commence
à perdre souffle, comme si les mots, étouffés par le sang
qui s'était mis à s'égoutter, à ruisseler sur le
bois de la table, se noyaient eux-mêmes118(*)
L'auteure a restitué la voix à Atyka, tout
comme Atyka a restitué la voix à « la femme
coupée en morceaux ».
Cependant, Assia Djebar introduit le personnage
d'Omar « le dernier des élèves, le plus
jeunes »119(*) parmi les autres à s'être investi en
faisant preuve de son courage, car les autres élèves étant
terrifiés par l'horreur au quelle ils viennent d'assister, se sont
enfuis : « Omar regarde [...] Omar entend. Figé, il
regarde, il écoute. »120(*)
Et c'est Omar qui rapporte la dernière phrase de
Atyka ce qui dit la répétition de l`histoire :
« La nuit c'est chacune de nos jours, mille et un jours, ici chez
nous, à... »121(*)
Cette répétition de l'histoire, souvent
présente chez l'auteure, est une façon de dénoncer la
violence et la terreur, qui se nourrissent du quotidien algérien, des
années quatre vingt dix.
Dénoncer aussi l'injustice, dans l'espoir de changer
l'état des esprits qui ont été influencé par
l'idéologie terroriste, mais surtout dans l'espoir de laisser une trace
de ces héros, qui se sont sacrifiés pour l'avenir de leur pays en
dénonçant ses tares. Enfin inscrire la mort dans la
mémoire collective et rendre compte de ce qui se passe en cette
époque.
II-3) L'AFFRONTEMENT DE LA FEMME AVEC LE TERRORISME
Depuis la décennie noire, de plus en plus
d'écrivains algériens produisent des oeuvres remarquables. Ils
témoignent surtout de la pression de l'Histoire et de la violence
à laquelle se trouve confronté le pays. Egalement, le drame de la
femme algérienne.
De son côté, Assia Djebar en pale abondamment.
Elle brise le silence longtemps imposé aux femmes à
l'égard des interdits culturels et religieux.
II-3-1) L'IMPORTANCE DE LA VOIX EN TANT QUE MOYEN DE
COMBATTRE LA TERREUR EN ALGERIE
Nous allons étudier, dans ce chapitre,
l'importance de la voix comme moteur d'affrontement et d'opposition à
l'ennemi.
II-3-1-1) Voix ressuscitées
Grâce à l'ensemble de voix
ressuscitées, la romancière transcrit les souvenirs des femmes
ayant vécu les atrocités, qui ont accompagné la guerre
civile, et les multiples contraintes qui rendent leur vie si difficile.
En effet, Isma, Naima et Atyka font partie de cette
catégorie de femmes qui ont refusé de céder au malheur
infligé par l'intégrisme. Révoltées, combattantes,
elles ont franchi l'obstacle du silence, en défiant les
intégristes. Malgré les menaces, elles continuent à se
battre contre l'ordre établi et à rêver d'une vie meilleure
que celle à laquelle elles étaient soumises.
Dans La fièvre dans les yeux
d'enfant, Isma s'insurge contres les interdits imposés par
les intégristes. Elle a pris des risques majeurs sachant qu'elle expose
sa vie au danger. Etant donné que la punition, pour ceux qui
transgressent comme pour ceux qui s'opposent à leurs opinions, est la
mort.
Or, son désir de s'émanciper l'emporte sur
d'autres considérations, donc elle ne peut qu'y faire face :
« Je souris en tricotant sur mon banc, les dames en tchador se
sont éloignées, l'observateur barbu, barbu et gras, me scrute
toujours, peu m'importe »122(*)
Assia Djebar souligne, dans ce passage, l'attitude de
quelques « barbus » qui imposent le tchador aux femmes.
Elle insiste sur le mot « barbu » qui incarne le
comportement qu'adoptent « les terroristes » sous
prétexte religieux.
En outre, Isma s'indiffère à l'égard de
ce « barbu » dans le square. Sa façon de s'habiller
représente son désir de la modernité et de la
liberté. Elle rejette donc toute politique intégriste, mais cette
attitude la mènera à la mort.
Ensuite, elle va faire manifester la voix des femmes qui
ont été maintenues au silence dans son recueil des
« dits de femmes berbères ibadites ». Elle les
proposera pour un musicien qu'elle a aimé par la suite et décide
de le joindre dans son pays. « Ces voies
oubliées » renvoient donc à une intertextualité
ancrée certes dans la tradition culturelle orale de ces femmes ibadites,
mais également transmises grâce au travail du pouvoir colonisateur
et par le biais de sa culture écrite »123(*)
En ce sens, selon la narratrice, ces dits « de
femmes ibadites » ont été recueillis et traduits au
début du siècle par un ethnologue français, ce qui
signifie que ces dits ont été transmis grâce à la
langue adverse. Assia Djebar indique ici l'importance d'apprendre la langue de
l'autre pour mieux en connaître sa culture.
Isma explique l'autorité qui régnait dans
cette société féminine des ibadites depuis des
générations : « Elles sont cinq
prêtresses, disons « prêtresse » mais en fait,
se sont des laveuses de morts, des ghassalines. Parmi celles-ci, la plus
importante, la plus savante aussi en exégèse coranique, a une
autorité religieuse redoutable sur toutes les femmes : le droit de
tebria.»124(*)
Isma s'oppose au silence auquel les femmes sont soumises sous
la sujétion de la religion, dans l'Algérie d'aujourd'hui.
Enfin, Isma offre sa voix à ces femmes réduites
au silence, en leur rendant un hommage lorsqu'elle interprète un de ces
chants ibadites pour cet ethnologue somalien.
Or, elle finit par être condamnée à mort
à cause de cet amour né des chants berbères. Cette
tragédie symbolise le statut de la femme algérienne qui demeure
sous les poids des interdits. Ainsi que le destin de toutes celles qui osent
braver l'obstacle du silence.
II-3-1-2) Voix confondues
Dans L'attentat, Naima retrace
les événements de la mort de son époux. Ce dernier
étant journaliste condamné à mort par les
intégristes d'avoir dénoncé leur barbarie.
C'est donc son article qu'il a mis en danger et qu'il lui a
coûté sa vie. De ce fait, Mourad symbolise tous les
écrivains et journalises qui ont franchi le silence, afin de condamner
la terreur qui régnait en Algérie : « Autour
de Mourad, parmi ses amis et ses camarades de lutte, tant d'hommes sont
tombés depuis : deux balles dans la tête pour les uns,
lacérés par le couteau dans l'ombre pour les autres, pour de plus
malchanceux encore... »125(*)
En outre, les deux vois de Mourad et de Naima se
confondent dans la nouvelle :
Pourquoi te remets-tu à écrire
ainsi à visage découvert ?- Je m'inquiétais au milieu
de la nuit. -Laisse-moi donc ! Rétorque-t-il - Et bien
quoi, tu mets ainsi en branle ta condamnation à mort, n'est ce
pas ?...tu les nargues, bien sûr, tu vas le signer, ton
article ?... Comme les autres ! Il fait oui en silence et il pose
sur moi un regard soudain triste. 126(*)
En ce sens, Naima relate l'histoire de Mourad, et rapporte
les événements de l'Attentat, qui donne le titre à la
nouvelle, ainsi Naima serait la voix porte parole de l'Histoire de son pays.
Lorsque Mourad meurt, après qu'un jeune terroriste lui
ait tiré dessus : « Un jeune homme quinze
à seize ans [...] Je vois sa main, elle pointe un révolver [...]
il tire une fois, deux fois. »127(*) Naima est vite entourée par de
nombreuses femmes ayant vécues le même sort qu'elle :
« Elles sont arrivées mes trois soeurs, ma mère, ma
belle soeur [...] Les autres pas seulement les amies [...] une quinzaine de
femme de tout âge- des jeunes, de moins jeunes, des directrices de
collèges et de lycée. »128(*)
Isma ne se retrouve pas seule après la mort de son
époux, mais avec ces autres femmes solidaires qui sont venues pour la
soutenir. Les quarante jours de deuil musulman deviennent une
expérience partagée par toutes ces femmes, de
générations et de milieux différents
La solidarité de ces femmes se réconforte par
leur seule présence et le son de leur voix, ainsi le souligne Mina Ait
Mbarek dans la citation ci-dessous :
« La présence de ces femmes rend compte de
l'importance d'un échange verbal entre elles entretenant et nourrissant
leur voix. »129(*)
Dans La femme en morceaux, Assia
Djebar traite un thème semblable aux précédents :
celui de la voix de la résistance et la lutte contre le silence.
En effet Atyka, née d'une manière symbolique
l'année de l'indépendance, refuse la soumission.
Révoltée contre celles qui sont conformes aux valeurs anciennes
dictées par leur société, décide de faire face au
malaise et à la terreur qui l'entourent, en enseignant la langue
française « interdite par les
intégristes » :« Un e langue qu'elle a
choisi et qu'elle a plaisir d'enseigner. »130(*)
Atyka est donc condamnée à mort, comme
toutes celles qui ont osé transgresser les lois imposées par les
intégristes, parce qu'elle racontait à ses élèves
des histoires de Schéhérazade considérées, par les
intégristes, comme étant subversives : « des
histoires obscènes »131(*).
Atyka voulait conter la dernière des Mille
et une nuits, celle ou le sultan accorde « la vie
sauve » à Schéhérazade, or elle a
été décapitée avant de finir son conte. Cette
torture nous renvoie à celles qui ne cessent de sévir en
Algérie.
Atyka devient elle-même femme coupée en
morceaux : « Atyka, tête
coupée, nouvelle conteuse, Atyka parle de sa voix ferme [...] Atyka
femme en morceaux. »132(*)
En ce sens, Atyka se confond avec la femme coupée
en morceaux dans le conte des Mille et une
nuits : les deux passages ci-dessous soulignent
la grande similarité entre les deux narrations, celle de
Schéhérazade et celle d'Assia Djebar :
« Djaffar et Massrour brisent la serrure, Trouvent la couffe. Coupent
le fil de laine rouge. Déplient le tapis précieux. Entrouvrent le
voile de lin blanc à peine taché. Découvrent le corps de
la femme. La jeune femme coupée en morceaux. »133(*)
De la même manière que cette ci, Atyka est
enveloppée soigneusement dans un voile de lin à
l'intérieur d'une couffe :
Le corps et la tête d'Atyka dans deux voiles de lin
à peine entaché. A peine ensanglanté. Voiles blancs. Les
deux voiles, avec leur contenu, mis à l'abri dans deux couffes. Les deux
couffes sont emportées. Seront cousues de fil de laine. De laine rouge
de bonne qualité. Cousues vigoureusement. Les deux couffes seront
placées à l'intérieur d'une caisse de bois d'olivier. Une
caisse scellée. Une caisse lourde à la serrure ouvragée.
Achetée chez le meilleur artisan de la Casbah [...] Dans la caisse le
corps et la tête d'Atyka dormiront. Le corps de la femme coupée en
morceaux.134(*)
Nous remarquons qu'Assia Djebar s'attarde sur la description
du linceul dans lequel est enveloppée Atyka, afin de rendre compte de la
violence de la mort en Algérie.
Cependant, même avec sa tête coupée, les
intégristes ne parviennent pas à réduire Atyka au silence.
Elle continue à raconter l'histoire jusqu'à sa fin :
Atyka, tête coupée, nouvelle conteuse,
Atyka parle de sa voix ferme. Une mare de sang s'étale sur le bois de la
table, au tour de sa nuque. Atyka continue le conte [...] Cinq jour durant nous
avons vécu avec Schéhérazade, la sultane, avec le mari qui
a avoué son crime, [...] Atyka continue : C'est la fin de la mille
et unième nuit que j'aurais voulu relater. Mille et unième qui
apporte à la sultane enfin sa délivrance [...] La voix de Atyka
commence à perdre souffle. 135(*)
Ainsi les dernières pages de cette nouvelle
insistent sur la question de la voix et son rôle en tant que moyen de
résistance : « Le corps, la tête. Mais la
voix ? Où s'est réfugiée la voix
d'Atyka ? »136(*)
Enfin, ces trois nouvelles témoignent de la
résistance de ces femmes algériennes dans de différentes
situations, où le fait de parler, de rêver ou de vouloir
s'émanciper entraîne la mort.
Cependant, malgré ce prix à payer, ces femmes,
courageuses, refusent de déposer leurs armes, et insistent sur la
nécessité de faire face à ces ennemis qui les veulent
soumises.
CONCLUSION
L'oeuvre d'Assia Djebar a été l'objet de
multiples travaux de recherches, dont certains se sont intéressés
à l'aspect autobiographique de ses romans, alors que d'autres ont
étudié l'image de la femme.
A travers notre mémoire, nous avons modestement
tenté d'analyser cette image de la femme, dans son oeuvre
Oran, langue morte.
En somme, l'étude que nous avons menée, nous
a révélé l'importance qu'à donnée la
romancière pour la condition de la femme. Son besoin d'écrire,
comme répondant à une nécessité de lutte contre le
silence imposé aux femmes. Mais surtout contre la mort. Ainsi, elle le
souligne dans une conférence qu'elle a animé, à Alger, en
octobre quatre vingt cinq : « J'écris contre la
mort, j'écris contre l'oubli, j'écris dans l'espoir
(dérisoire) de laisser une trace, une ombre, une griffure sur un sable
mouvant [...] j'écris parce que l'enfermement des femmes dans sa
nouvelle manière 1980(ou 90 ou 2000) est une mort
lente. »
Elle manifeste, dans cette écriture, un
espoir ; celui de sortir de cet enfermement, celui de condamner la terreur
qui règne, en Algérie. Mais aussi, celui de surmonter la
situation difficile des femmes. Durant la décennie noire.
En écrivant Oran, langue
morte, la romancière continue sa quête, à
travers le regard de ses personnages, en soulevant les divers problèmes
que doivent affronter les femmes, pour faire face à la violence du
terrorisme intégriste.
En effet, la romancière met en évidence
l'Histoire et la mémoire collectives, pour tenter de comprendre cette
violence que subie les femmes, que l'on veut opprimer.
Ce recueil de nouvelles est conçu comme un
témoignage historique, à la manière d'un journal intime,
où les femmes franchent le seuil du silence, relatant leurs rêves
brisés, ainsi que leur soif d'amour rarement comblée.
De ce fait, l'oeuvre d'Assia Djebar révèle
son intérêt pour la question de l'émancipation de la femme.
Témoignage direct sur la société algérienne, durant
la décennie du terrorisme, qui représente un moment douloureux
dans l'Histoire de l'Algérie.
Notre interprétation des trois textes que nous
avons traités ; La fièvre dans des
yeux d'enfant,
L'Attentat et La femme en
morceaux, s'est proposée de souligner la violence des
intégristes à l'égard des femmes. Notons que, dans chaque
texte, une femme sert de symbole de l'Algérie. Ainsi, nous avons vu que,
dans les trois cas, les femmes évoquées sont confrontées
aux mêmes obstacles : égorgement, attentas à la bombe
etc.
Notre but fut, avant tout, de relever un certain nombre de
caractéristiques internes des textes choisis, qui pourraient être
la base d'une étude de la violence que subie les femmes.
En ce sens, l'analyse de ces nouvelles a
révélé que la mort, qui engouffre ces femmes, se manifeste
à chaque fois qu'une d'entre elles essaye de s'émanciper, de
prendre la parole, ou même de sortir sans voile. Le sort serait alors le
même.
Or, le résultat de cette analyse semble donner une
grande importance à la voix, ainsi qu'à la
nécessité de prendre la relève contre le terrorisme, et de
continuer la lutte malgré les risques.
En outre, une des différences que nous avons pu
relever dans les trois nouvelles traitées, semble être celle de la
structure de la troisième nouvelle La femme en morceaux,
dans laquelle Assia Djebar a mis en abîme son texte avec
celui de Schéhérazade, la conteuse des Mille et une
nuits. Ce retour aux sources de l'oralité, serait un autre
exemple de la lutte contre l'oubli et la mort. Ceci dit, que les deux autres
textes sont soumis à un même mode d'écriture ; celui
d'une seule voix qui se propose à dévoiler les multiples
injustices qui enveloppent l'histoire de la femme algérienne, depuis
des générations. Par conséquent, celle de
l'Algérie.
De ce fait, nous avons tenté, dans la
première partie de notre mémoire, de mettre en évidence
l'étude titrologique et son importance pour l'analyse du récit.
Ensuite, nous avons vu quelques approches spatio temporelles en vue de situer
le récit, afin de pouvoir expliquer comment la fiction reflète la
réalité. Pour cela, nous nous sommes concentré sur des
thèmes liés à la société algérienne,
qui sont abordés dans l'oeuvre, car pour mieux comprendre le message
qu'Assia Djebar veut communiquer par son écriture, il faudrait prendre
en considération le contexte socioculturel, politique et religieux de
l'Algérie, pendant cette période, qui a influencé la place
de la femme dans la société. En ce sens, l'étude du
statut des personnages s'est également avérée
intéressante, ainsi que la violence qui résulte des
différents conflits vécus, en franchissant les obstacles. En
particulier, nous avons essayé d'analyser, avec l'évolution des
personnages, la manière dont la situation de la femme, pendant la crise
algérienne des années quatre vingt dix, est
représentée.
Dans la deuxième partie de notre mémoire,
il a été question de l'étude de l'impact du terrorisme sur
la femme algérienne. Nous avons vu sa posture face la violence qui
s'abat sur elle, ainsi que la représentation de la mort, qui se profile
sous différentes façons, dans les trois nouvelles. Nous avons
clôturé cette deuxième partie avec l'affrontement de la
femme avec le terrorisme. En ce sens, nous avons essayé d'étudier
l'importance de la voix en tant que moyen de résistance et de lutte
contre la barbarie intégriste.
En guise de conclusion, nous pourrions dire que le langage
littéraire d'Assia Djebar a su rendre la voix aux femmes, une voix qui
pourrait se faire entendre, une voix de la résistance qui a
été au coeur des combats féminins, de tous les temps et
de toutes les sociétés.
Or, malgré les recherches que nous avons
effectuées et les réflexions que nous avons portées sur
son oeuvre Oran, langue morte, il reste qu'elles sont
encore loin de répondre à toutes les questions relatives à
la lecture du texte Djebarien. Pour cela, il serait intéressant de
prendre le recueil dans sa totalité. Ainsi, nous pourrions
accéder à d'autres pistes de recherches, afin de pouvoir
répondre à d'autres problématiques qui ne cessent
d'être posées, dans l'ensemble de l'oeuvre de cette grande figure
de la littérature algérienne.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
I) CORPUS D'ETUDE
DJEBAR. Assia, ORAN, LANGUE MORTE, Paris, Actes Sud, 2001
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RECITS, Blida, Tell, 2002.
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ALGERIENS DES ANNEES 90 : TEMOIGNER D'UNE TRAGEDIE ? , Paris,
L'Harmattan, 1999.
3-BONN.Charles. REDOUANE. Najib, BENAYOUN SZMIDT. Yvette,
ALGERIE, NOUVELLES ECRITURES, Paris, L'Harmattan, 2002.
4- BOURNEUF. Roland, OUELLET. Réal, L'UNIVERS DU
ROMAN, Paris, Presses Universitaires de France, 1972.
5-GRUBER. Mireille Calle, ASSIA DJEBAR OU LA RESISTANCE DE
L'ECRITURE, Maisonneuve et La rose, Paris, 2001.
6-GRUBER. Mireille Calle, ASSIA DJEBAR, NOMADE ENTRE LES MURS,
Paris, Maisonneuve et La rose, 2005.
7-MOKHTARI. Rachid, LA GRAPHIE DE L'HORREUR. SL, Chihab,
2002.
8-REUTER. Daniel, INTRODICTION A L'ANALYSE DU ROMAN ?
Paris, Dunod, 1996.
III) BIBLIO WEB
www.assiadjebar.net
www.limag.com
www.persee.fr
* 1 Charles Bonn, Farida
Bouali, Paysages littéraires algériens des
années 90: Témoignage d'une tragédie ?
Paris, Éd L'Harmattan, 1999, p 7
* 2 Assia Djebar,
Oran, langue morte, Paris, éd Actes Sud, 2001,
p 377
* 3 Idem, p 377
* 4Mireille Calle Gruber,
Assia Djebar ou la résistance de
l'écriture, Paris, éd Maison neuve, LAROSE, 2001,
p 136
* 5 C.Achour,
A.Bekkat, Clefs pour la lecture des récits.
Blida, Ed, Tell, 2002, p 71
* 6 In C.Achour, A.Bekkat in,
Clefs pour la lecture des récits, Op.cit, p 72
* 7 Mireille Calle Gruber,
Assia Djebar ou la résistance de
l'écriture, Op.cit, p 135
* 8 Assia Djebar,
Oran, Langue morte, Op.cit, p 48
* 9 In C.Achour,
A.Bekkat, Clefs pour la lecture des récits.
Blida, Ed. Tell, 2002, p 74
* 10 J.P.Goldenstein,
Pour lire le roman, Bruxelles, Deboeck-Du Culot,
1988, p 103
* 11 Idem, p 103
* 12 Assia Djebar,
Oran, Langue morte, Op.cit, pp 71-75
* 13 Idem, p 139
* 14 Idem, p167
* 15 Idem, p76
* 16 Ibidem, p 76
* 17 Idem, p 211
* 18 Idem, 1 104
* 19 Idem, p 186
* 20 Idem, p 79
* 21 Idem, p 99
* 22 Idem, p180
* 23 Idem, pp180, 189, 207
* 24 J.P.Goldenstein,
Pour lire le roman, Op.cit, p 89
* 25 C.Achour, A.Bekkat,
Clefs pour la lecture des récits, Op.cit, p
50
* 26 Assia Djebar,
Oran, Langue morte, Op.cit, p105
* 27 Idem, p 72
* 28 Idem, p 77
* 29Idem, p 78
* 30 Idem, p 85
* 31 Idem, p 143
* 32 Idem, p 78
* 33 Ch.Bonn, Nadjib Redouane,
Yvette Bénayoun-Szimidt, Algérie, nouvelles
écritures, SL, L'Harmattan, 2001, p 209
* 34 Assia Djebar,
Oran, Langue morte, Op.cit, p 121
* 35 Idem, p 186
* 36 J.P.Goldenstein,
Pour lire le roman, Op.cit, p 96
* 37 Y. Reuter,
Introduction à l'analyse du roman, Paris,
éd. Dunod, 1996, p 51
* 38 R.Bourneuf, R.Ouellet,
L'univers du roman, Paris, éd. Presses
Universitaires de France, 1972, p 142
* 39 Assia Djebar,
Oran, langue morte, Op.cit, p 78
* 40 Idem, p 79
* 41 C.Achour, A.Bekkat,
Clefs pour la lecture des récits, Op.cit, p
46
* 42 Assia Djebar,
Oran, langue morte, Op.cit, pp 95-96
* 43 Idem, p 139
* 44 Idem, p 141
* 45 Idem, p 146
* 46 Idem, p 152
* 47 Idem, p 143
* 48 Assia Djebar,
Oran, langue morte, Op.cit, p 145
* 49 Idem, p 113
* 50 Idem, p 75
* 51 Idem, p 106
* 52 Idem, p 167
* 53 Idem, p 190
* 54 Idem, p 207
* 55 Idem, p 211
* 56 Idem, p 72
* 57 Idem, p 77
* 58 Idem, p 88
* 59 Idem, p 98
* 60 Idem, pp 141.142
* 61 Y.Reuter,
Introduction à l'analyse du roman, Paris, éd Dunod,
1996, p 24
* 62 Assia Djebar,
Oran, langue morte, Op.cit, p 168
* 63 Idem, p 198
* 64 J.P.Goldenstein,
Pour lire le roman, Op.cit, p 53
* 65 Y.Reuter,
Introduction à l'analyse du roman. Op.cit, p 61
* 66 C.Achour, A.Bekkat,
Clefs pour la lecture des récits. Op.cit, p
61
* 67 Assia Djebar,
Oran, langue morte, Op.cit, p 143
* 68 J.P.Goldenstein,
Pour lire le roman, Op.cit, p 35
* 69 Assia Djebar,
Oran, langue morte, Op.cit, p 80
* 70 Idem, p 73
* 71 Idem, pp 159-160
* 72 Idem, p 104
* 73 Idem, p 111
* 74 Idem, p 159
* 75 Idem, p 77
* 76 Idem, p 75
* 77 Idem, pp 148-149
* 78 J.P.Goldenstein,
Pour lire le roman. Op.cit, p33
* 79 Assia Djebar,
Oran, langue morte, Op.cit, p 163
* 80 Idem, 167
* 81 Idem, p 168
* 82 Rachid, Mokhtari,
La graphie de l'horreur, SL, éd, Ed, Chihab,
2002, p 17
* 83 Assia Djebar,
Oran, langue morte, Op.cit, p 71
* 84 Idem, p 75
* 85 Idem, p 72
* 86 Idem, p 73
* 87 Idem, p 74
* 88 Idem, p 130
* 89 Idem, p 134
* 90 Idem, p 134
* 91 Idem, p 134
* 92 Idem, p 138
* 93 Idem, p 139
* 94 Idem, p 140
* 95 Idem, p 144
* 96 Idem, p 144
* 97 Idem, p 141
* 98 Idem, p 160
* 99 Idem, p 158
* 100 Idem, p 158
* 101 Idem, pp 158-159
* 102 Idem, p 159
* 103 Idem, p 161
* 104 M.C.Gruber,
Assia Djebar ou la résistance de
l'écriture, Paris, éd, Maisonneuve, 2001, p 139
* 105 Assia, Djebar,
Oran, langue morte. Op.cit, p 163
* 106 Idem, p 167
* 107 Ch. Bonn, F. Boualit,
Paysages littéraires algériens des années
90 : Témoigner d'une tragédie ? Op.cit, p
65
* 108 Assia, Djebar,
Oran, langue morte. Op.cit, p 163
* 109 Idem, pp 165-166
* 110 Idem, p 190
* 111 Idem, p 180
* 112 Idem, p 189
* 113 Idem, p 207
* 114 Idem, p 209
* 115 Idem, p 210
* 116 M.C.Gruber,
Assia Djebar ou la résistance de l'écriture.
Op.cit, p 144
* 117 Assia, Djebar,
Oran, langue morte. Op.cit, p 211
* 118 Idem, pp 212-213
* 119 Idem, p 210
* 120 Idem, p 211
* 121 Idem, p 213
* 122 Idem, p 74
* 123 C.Bonn, N.Redouane,
Y.Bénayoun, Algérie, nouvelles
écritures, Paris, éd, L'Harmattan, 2002, p 212
* 124 Assia, Djebar,
Oran, langue morte. Op.cit, p 93
* 125 Idem, p 144
* 126 Idem, pp 143-145
* 127 Idem, pp 147-148
* 128 Idem, pp 151-154
* 129 C.Bonn, N.Redouane,
Y.Bénayoun, SL, Algérie, nouvelles
écritures. Op.cit, p 214
* 130 Assia, Djebar,
Oran, langue morte. Op.cit, p 167
* 131 Idem, p 209
* 132 Idem, p 212
* 133 Idem, p 166
* 134 Idem, pp 213- 214
* 135 Idem, pp 212-213
* 136 Idem, p 214