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Les doyens ruraux dans le diocèse de liège au moyen àąge. Contribution à  l'histoire politique et religieuse du monde rural.

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par Vincent BASTIN
Université de Liège - Licence en histoire 2000
  

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2. LA VIE DE SAINT WALHERE.

Des nombreux ouvrages parus à propos de saint Walhère, peu sont utiles pour la recherche scientifique. Jusqu'en 1926, les historiens qui se sont intéressés à ce personnage1 ne tiennent compte que des légendes qui l'entourent, en tenant pour vrais les faits, les dates et les noms, parfois saugrenus, véhiculés par ces fables, qui ont entretenu des idées fausses sur l'existence du saint, d'autant plus que l'époque à laquelle il a vécu reste inconnue. Une confusion totale s'empare de ce sujet lorsque, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, saint Walhère (Walherus) est confondu avec un autre doyen de Florennes, Gauthier (Galterus ou Walterus) sur base d'un enchevêtrement d'erreurs et de coïncidences.2 En 1912, Jules Feller jette les bases d'une étude critique sur la vie du saint,3 mais ce n'est que treize ans plus tard que le premier article retraçant l'existence du martyr avec discernement est rédigé, sous la plume du chanoine Roland.4 Plusieurs études, témoignant d'un esprit critique plus pointu, sont alors parues.5 La dernière en date, signée par Alain Dierkens,6 est consacrée à l'essor du culte de ce saint.

1. MIRAEUS, A., Fasti Belgici et Burgundici, Bruxelles, 1622, p. 388. FISEN, B., Historia Ecclesiae Leodiensis, Liège, 1642, pp. 413-414. FISEN, B., Flores Ecclsiae Leodiensis, Liège, 1647, p. 279 - Eloge de saint Vohy ou Walhère, curé d'Onhaye et doyen du concile de Florennes, Namur, 1714. DE MARNE, J., Histoire du comte de Namur, Bruxelles, 1764, p. 226. Notice historique sur la vie de saint Walhère, Dinant, 1871. WEBER, Drapelet et légende de saint Walhère, dans C.S.V.A.H., t. 6, Verviers, 1905, pp. 67-70. COLSON, O., la Légende et le culte de saint Walhère, dans Wallonia, t. 20, Liège, 1912, pp.316-325 et
417-418. Après 1926, Emile Brouette est le seul historien qui persiste à tenir pour vrais des faits totalement légendaires, notamment dans l'article de la Bibliotheca Sanctorum, t. 12, Rome, 1969, col. 1382-1383.

2. C'est le cas de Paquot, dans son édition de l'ouvrage de DEMARNE, J., Ibid., Bruxelles, 1761, p. 210, puis de BAIX, F., les Doyens du concile de Florennes, dans A.H.E.B., t. 36, Louvain, 1910, pp. 105-123.

3. FELLER, J., le Nom de saint Walhère, dans Wallonia, t. 20, Liège, 1912, pp.326-328. Son travail est complété l'année suivante par BAIX, F., le Nom de saint Walhère, dans A.S.A.N., t. 32, Namur, 1913, pp. 263-281.

4. ROLAND, C.-G., Etude critique sur la vie de saint Walhère, dans la Terre wallonne, t. 14, Charleroi, 1926, pp. 233-266.

5. JANUS, R.-E., Onhaye et Saint Walhère, Dinant-Onhaye, 1945 - HOEX, C., Saint Walhère : culte, vie, iconographie, Gembloux, 1974 - DELFORGE, Th.-J., les Saints populaires en Wallonie, Gembloux, 1977, pp. 59-61 - HOEX, C., Médecine populaire et religion : les Saints guérisseurs, dans la Médecine populaire en Wallonie. Actes du colloque organisé par l'U.L.B. le 26 octobre 1974, Bruxelles, 1978, pp. 59-67 et 114.

6. DIERKENS, A., l'Essor du culte de saint Walhère à Onhaye, dans R.H.E., t. 82, Bruxelles, 1987, pp. 28-43.

Afin de ne pas reprendre ce qui a déjà été développé par cet historien, nous nous contenterons de dégager les étapes de l'existence de Walhère mentionnées dans les différentes sources tout en les éclairant par les commentaires critiques des chercheurs précités.

Voici la liste des sources à notre disposition pour l'étude de la vie de Saint Walhère : - Quatre panneaux de la première châsse de saint Walhère, dans la chapelle de Bonair à Onhaye, datés de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle, retraçant le martyre du saint.7

- Le cénotaphe de saint Walhère, en l'église Saint-Martin d'Onhaye, exécuté sur l'ordre de Pierre de Harroy en 1552.8 Les archives paroissiales d'Onhaye ayant été détruites dans un incendie en 1554, le texte qui figure sur la pierre tombale est le plus ancien conservé. Mais, comme le démontre Alain Dierkens, les informations qu'ils contient sont orientées et ne peuvent donc être admises dans leur totalité.9

- Les Natales Sanctorum Belgii, de Molanus,10 où se trouvent compilés la tradition orale et des renseignements reçus directement de l'église d'Onhaye entre 1573 et 1585.11 Il est possible que la personne qui a transmis ces informations à Molanus ait pu étudier les documents concernant saint Walhère disparus au cours du sinistre de 1554.

- La Vita de saint Walhère, composée en 1603 par Gilles du Monin sur base des travaux

de Molanus et d'une compilation des témoignages des curés d'Onhaye et de Hastière.12

Les autres ouvrages de la première moitié du XVIIe siècle ne sont que des compilations des sources citées ci-dessus. Par ailleurs, l'endroit où gît le corps du saint n'a pu être déterminé avec certitude.

7. Une photo de ces peintures a été publiée par DIERKENS, A., Ibid., p. 35.

8. Les inscriptions figurant sur la pierre tombale ont été éditées par BAIX, F., les Doyens du concile de Florennes, p. 113 - Deux photos du cénotaphe ont été reproduites p. 33 et 34 de l'article de Dierkens. (V. p. 166).

9. DIERKENS, A., Ibid., p. 41.

10. MOLANUS, J., Natales Sanctorum Belgii, Louvain, 1595, p. 126.

11. DIERKENS, A., Ibid., p. 42.

12. DU MONIN, G., De S. Walhero martyre, pastore in agro Namurcensis, apud Belgas, dans A.A.S.S., juin, t. 4, Anvers, 1707, pp. 613-618. Ce texte a été composé en 1603.

De l'étude de ces différentes sources, il ressort que Walhère est né à Bouvignes, non loin de Dinant, à une date inconnue. La condition sociale de sa famille ne peut être déterminée par l'analyse des sources précitées car elles sont soit muettes sur ce sujet, soit trop peu fiables en ce qui concerne ce genre de détails. Par contre, l'onomastique nous révèle l'existence du lieu-dit Terre de Saint-Vohy, sur le chemin joignant Onhaye et Dinant, à hauteur de Forbos. Cela suffit-il pour démontrer que Walhère est propriétaire terrien, comme semble le soutenir le chanoine Roland?13 Rien n'est moins certain si l'on sait que la première mention des héritages Saint-Wohier, que l'on ne peut d'ailleurs identifier à coup sûr à l'endroit précité, remonte à 1531,14 époque où, dans cette région, le culte du martyr entre en plein essor.

Comme le souligne Alain Dierkens, la vie de saint Walhère échappe presque totale- ment à l'historien.15 Néanmoins, certains aspects de son existence sont communément admis car ils apparaissent dans l'ensemble des sources. Ainsi, nous pouvons affirmer que Walhère cumule les fonctions de curé de Hastières, d'Onhaye et de Flavion16 et de doyen du concile de Florennes.

Les différents documents s'accordent dans la description du martyre du saint. La paroisse d'Hastière, placée sous l'autorité de Walhère, est en fait desservie par un de ses vicaires. Cette paroisse étant extérieure au concile de Florennes, c'est en tant que curé et non pas en qualité de doyen que Walhère s'y rend afin de la visiter.17 Le travail accompli, Walhère, reprend le bateau en compagnie de son vicaire. Puis, au cours du voyage sur la Meuse, celui-ci l'agresse et le précipite dans les flots. Molanus rapporte que la Saint-Walhère se fête le 23 juin, jour où, traditionnellement, les prêtres qui manquent à leurs fonctions sont révoqués. Si l'on admet que le 23 juin est le jour de l'assassinat, il y

13. ROLAND, C.-G., Ibid., p. 234-236.

14. A.E.N., registre des transports d'Anthée, f° 106.

15. DIERKENS, A., Ibid., pp. 29 et 43.

16. Seul le cénotaphe ignore les fonctions du saint à Flavion. La mégalomanie de son commanditaire, le doyen Désiré-Pierre de Harroy, qui cherche par tous les moyens à s'identifier à son prédécesseur, pourrait expliquer l'absence de cette mention.

17. ROLAND, C.-G., Ibid., p. 248-253.

a tout lieu de penser que l'acte du vicaire a été motivé par la crainte de sa destitution. Toutefois, cette hypothèse, formulée par le chanoine Roland,18 est assez peu plausible car cette date, qui n'apparaît que dans la deuxième édition des Natales, a pu être déterminée uniquement sur base de la légende. Il est possible que, dans l'ignorance de la date réelle de la mort du saint, sa fête soit célébrée le jour où, traditionnellement, les prêtres indignes de célébrer l'office divin sont renvoyés.

L'année de la mort de saint Walhère est, depuis le XVIIIe siècle, sujet de polémiques. Suite à une mauvaise lecture des ouvrages de Fisen, plusieurs historiens, notamment De Marne, ont fixé la date de l'assassinat à l'année 1209.19 En 1781, Paquot veut corriger cette méprise mais, sur base d'une faute figurant dans les Opera diplomatica de Miraeus et Foppens,20 il soutient que saint Walhère a vécu à la fin du XIIe siècle,21 remplaçant ainsi une erreur par une autre. En 1879, dans les Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique, est publié un document de 1190, à propos de l'église d'Onhaye, dans lequel apparaît un certain Walter, lui aussi doyen de Florenne22. Dans des actes datés de 119623 et 119924, ce personnage est présenté comme étant le curé de Flavion. Tablant sur une erreur du copiste et après avoir fait de Walter le curé d'Onhaye, alors que le texte indique clairement que Walter est investitus de Waulsort, divers historiens ont cru habile de compiler la vie du saint, agrémentée de nombreux faits légendaires, avec les données fournies par les documents diplomatiques cités. D'erreurs grossières en coïncidences malencontreuses, ils ont contribué à figer, dans les esprits, une image fausse de l'existence

18. ROLAND, C.-G., Ibid., p. 250.

19. DEMARNE, J., Ibid., p. 226.

20. MIRAEUS, A. et FOPPENS, J.-F., Opera diplomatica et historica, t. 4, Bruxelles, 1748, p. 224 : dans la liste des témoins, apparaît le nom de Walaerus au lieu de Walterus.

21. DEMARNE, J., Ibid., éd. Paquot, p. 210.

22. BARBIER, J., Documents concernant les monastères de Waulsort et d'Hastière, dans A.H.E.B., t. 16, Louvain, 1879, p. 43.

23. BORMANS, S., Cartulaire de la commune de Dinant, t. 1, Namur, 1880, pp. 21- 23.

24. BERLIERE, U., Documents inédits pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgique, t. 1, Maredsous, 1894, pp. 29-30.

de Walhère. Mais, en 1926, le chanoine Roland, par une réflexion critique fondée sur des arguments solides, démontre que Walhère a nécessairement vécu avant 1161. Après avoir détecté la leçon fautive des Opera diplomatica et précisé l'hétérogénéité des deux prénoms, Walterus et Walherus, il rappelle l'interdiction du cumul des cures par le concile de Latran III, en 1179. La paroisse d'Hastière ayant été incorporée au couvent de Waulsort en 1161, Walhère n'a pas pu en être le curé après cette date. C'est en qualité de curé de cette paroisse que Walhère s'est rendu auprès du prêtre rebelle.25 L'hypothèse du chanoine Roland, reprise récemment par Alain Dierkens, semble la plus cohérente et, à ce jour, aucun élément ne semble pouvoir l'infirmer.

Des miracles se seraient manifestés autour du corps de Walhère dès le moment où des villageois le retrouvèrent sur les rives du fleuve, ce qui aurait engendré un engouement populaire pour ce saint.26 Pourtant, comme le souligne Alain Dierkens, il n'existe pas de trace certaine du culte de saint Walhère avant la fin du XVe siècle.26

25. ROLAND, C.-G., Ibid., pp. 260-262.

26. DIERKENS, A., Ibid., pp. 35-42.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault