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Les doyens ruraux dans le diocèse de liège au moyen àąge. Contribution à  l'histoire politique et religieuse du monde rural.

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par Vincent BASTIN
Université de Liège - Licence en histoire 2000
  

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CONCLUSIONS.

Tout au long de notre étude, nous avons approché quelques aspects de la vie politique, religieuse et quotidienne des campagnes du diocèse de Liège par le biais du décanat rural, une institution qui ne nous était connue que par diverses monographies isolées. Nous avons tenté d'en démontrer l'originalité et l'importance pour le Moyen Âge et le début de l'époque moderne. Voici donc, rapidement brossés, les traits saillants de notre exposé.

Le décanat rural apparaît à l'époque carolingienne, probablement sous l'épiscopat de Francon ou d'Etienne. Cette institution, inspirée de la règle d'Aix de 816, a pour but de réunir tous les curés d'un même district sous l'égide d'un seul homme : le doyen rural, qui occupe une place centrale dans la hiérarchie ecclésiastique séculière, entre l'évêque et les curés. Il est aussi, à l'origine un agent fiscal de l'évêque. Telles sont les conclusions que nous pouvons tirer des Virtutes Sancti Eugenii, texte daté du début du Xe siècle, dans lequel apparaît le premier doyen connu. Durant les Xe et XIe siècles, les archidiacres acquièrent plus d'importance. De simples vicaires de l'évêque, ils se placent à la tête de circonscriptions géographiques regroupant plusieurs doyennés. Les doyens ruraux, ainsi médiatisés, conservent tout de même des rapports directs avec le prélat, notamment en matière fiscale.

Traditionnellement, la nomination du doyen rural dépend quasi uniquement des prêtres du concile. L'archidiacre en est tenu éloigné ; l'évêque ou le pape n'y interviennent que pour la confirmer. A partir du milieu du XIIe siècle, les conditions d'éligibilité se précisent : toute personne âgée de vingt-cinq ans au moins et étant sur le point de devenir prêtre dans l'année peut briguer cet office. Toutefois, nous constatons la présence d'un certain nombre de lois tacites, respectées par l'ensemble des conciles : tout candidat au décanat doit desservir une paroisse du district qu'il souhaite administrer et doit faire preuve de certaines aptitudes intellectuelles. Le coût de l'élection peut, lui aussi, être défini comme un critère important de sélection. Dans certains districts, les électeurs privilégient les prêtres d'une paroisse ou d'un chapitre déterminés par la coutume. Si le scrutin ne permet pas de départager deux candidats, le président de l'assemblée a recours au compromis, en choisissant deux arbitres parmi les électeurs. Pour éviter la procédure traditionnelle, le postulant peut avoir recours à la nomination par provision apostolique. La charge décanale est inamovible.

Le chapitre relatif à la condition sociale des doyens ruraux nous a permis de découvrir un groupe d'hommes aux modes de vie très différents, selon qu'il s'agit de nobles, de clercs passés maîtres dans l'art de cumuler les bénéfices ou de simples prêtres de campagne. Hormis ces quelques considérations, leurs émoluments varient dans des proportions considérables selon deux paramètres : le revenu minimum, apparemment différent pour chaque district et un certain nombre d'événements de nature exceptionnelle, comme le décès des nobles, des prêtres et des gens de basse condition, l'institution de nouveaux curés dans les quarteschapelles, les amendes perçues lors des synodes paroissiaux et les activités en matière de juridiction gracieuse et contentieuse. En général, les doyens proviennent de la région linguistique à laquelle appartient le concile car leur mission nécessite la connaissance des idiomes locaux.

La première obligation du doyen rural consiste à assister aux synodes généraux afin de pouvoir expliquer à tous les prêtres de son district les tenants et les aboutissants de chaque mesure prise par l'évêque. Il doit aussi rendre la justice, pour les causes mineures, lors des synodes paroissiaux et dénoncer publiquement les usuriers et les faussaires. Si les doyens ruraux ont le droit d'infliger des amendes à ceux qui enfreignent les lois et d'obliger ceux-ci à effectuer un pèlerinage proportionnel à la gravité de leur méfait, ils ne peuvent prononcer eux-mêmes des sentences d'excommunication, d'interdit ou de suspense. Pour cela, ils doivent s'en remettre à l'officialité

archidiaconale ou épiscopale. Néanmoins, il leur est demandé de tenter de ramener les excommuniés sur le droit chemin par la cérémonie symbolique des aggraves ou rénovations. Véritables oculi episcopi, les doyens savent, en principe, tout ce qui se passe dans leur doyenné. Les archidiacres leur délèguent habituellement le droit de visiter les églises entières et médianes. Ce droit, les doyens le possèdent ordinairement pour les quartes-chapelles, sur lesquelles ils détiennent des droits archidiaconaux. Ils enregistrent tous les déplacements de leurs subordonnés et ils s'enquièrent, en outre, de tenir à jour un registre consignant leurs absences. Ils doivent aussi célébrer les jubilés et procéder aux funérailles des prêtres, des nobles, des comédiens, des prostituées, des vagabonds et des lépreux qui meurent dans leur district. Ces derniers, qui jouissent d'un statut particulier aux yeux de l'Eglise, sont placés, tout au long de leur existence, sous la protection des doyens. Les cérémonies religieuses relatives au passage d'un homme dans le monde de la lèpre, qui préfigure l'au-delà, par leur symbolisme, nous ont permis de mieux cerner les mentalités de l'époque. Par ailleurs, nous nous réjouirions de découvrir les résultats d'une recherche sur le traitement de la lèpre dans le diocèse de Liège car les travaux que nous avons dû utiliser sont assez anciens ou traitent de sujets connexes, comme l'assistance aux pauvres.

En dehors de la distribution du saint chrême, le lundi de Pâques, le concile de chrétienté se réunit, au maximum quatre fois par an, selon les traditions en vigueur dans chaque district. Il statue sur tous les conflits ayant rapport aux droits et devoirs des décimateurs, des mambours et des paroissiens, essentiellement au sujet de l'entretien des églises et des objets liturgiques. Ses décisions se basent sur les coutumes et sont, le plus souvent, consignées sous forme de lois dans des records.

A côté des tâches qui leur sont imposées, les doyens ruraux sont parfois appelés à faire partie d'un comité d'arbitrage, à dresser des actes que nous qualifierions aujourd'hui de notariés et à y apposer leur sceau afin de les authentifier.

Notons enfin que, pour accomplir tous ces travaux, les doyens ont pris l'habitude de se faire seconder ou remplacer par des vice-doyens, qui sont entièrement à leur charge et qui, de fait, sont assez mal rémunérés.

En somme, nous espérons, par ce travail, avoir contribué à mettre en lumière quelques aspects de la vie d'hommes qui, ayant décidé de consacrer leur vie à leurs convictions religieuses, se sont aussi impliqués, au quotidien, dans la vie politique de leur région.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo