Militer pour la décroissance. Enquête sur la genèse d'un "mouvement politique" de la décroissance en France( Télécharger le fichier original )par Mathieu ARNAUDET Université Rennes 1 - Master 1 Science Politique 2009 |
B) Les effets du champ politique : le risque d'autonomisation des participants.L'association que veulent construire les militants de la décroissance se positionnerait entre le politique et le social - « socialisant la politique et politisant le social -, brouillant ainsi cette frontière que la notion de « champ politique » tend à créer. Or, dans les esprits des militants, cette frontière persiste toujours et franchir le pas pour participer à la compétition politique - même sans que celle-ci soit estimée - semble, à première vue, une espérance difficilement applicable. Cette difficulté à maintenir un lien des acteurs locaux avec le champ politique est une limite à la création d'un « mouvement politique ». Cela aurait pour conséquence un détachement du travail politique vis-à-vis des autres espaces d'action. Au-delà du fait que cela pourrait se traduire par un travail local constant et une participation politique ponctuelle comme l'écrit Sophie Bossy : « un engagement ponctuel, au même titre que d'autres, fait en tant qu'individu militant »184(*), ce qui confirme son hypothèse que la décroissance appartient bien au « consumérisme politique » dans le sens que ses militants utilisent la politique comme un moyen en plus, intégrant ainsi la politique dans l' « action collective individualisée » qui serait le propre des militants de l'anti ou de l'alter-consommation. Mais elle ne prenait pas en compte la création de l'AdOC pour laquelle les militants doivent apparaître en politique en tant qu'association et non plus seulement en tant qu'individus isolés, et ceci afin d'amener un « mouvement politique ». L'AdOC, on l'a vu, entend créer une « maison commune » où chaque échelle de protestation serait reliée les unes des autres et où chacun participerait à la « tâche » politique. Or, c'est la répartition des tâches sans ciment politique qui guette l'association où l'action politique pourrait relever d'une spécialisation d'un petit nombre d'individus. Ainsi, l'exemple de Mathilde plaide en la faveur de cette spécialisation de la tâche politique. Comme pendant à cet exemple, Sophie Bossy montre par exemple que les deux personnes qu'elle a interrogées - comme les initiateurs du passage en politique -, ne sont que très peu investies dans d'autres champs d'activités : « si l'engagement décroissant est un engagement total dans le sens qu'il englobe de nombreuses sphères de la vie de ses adeptes, nous avons été surpris de constater qu'il ne se traduit que très peu par des implications de type associatif ou syndical »185(*). C'est ce que nous avons pu remarquer également durant l'AG du PPLD où les membres les plus actifs dans l'organisation s'investissaient uniquement ou presque dans l'action politique et avaient très peu de liens avec le monde associatif ou alternatif. C'est le cas de Stéphane par exemple qui, s'il est très actif dans la construction du projet politique (et adoptant un style de vie en cohérence avec la « simplicité volontaire ») n'a pas d'expérience dans le milieu militant associatif. Il en est de même pour Vincent dont nous avons cité les propos à plusieurs reprises : ingénieur de métier, il est sans doute la personne au sein du PPLD la plus motivée par le projet politique mais ne dispose pas, lui non plus, d'ancrage associatif local. Il apparaît ainsi que les créateurs de l'AdOC sont les personnes les plus motivées par le projet politique avant tout et ne représentent qu'une partie relativement mince de l'ensemble des militants. Beaucoup d'autres, comme Mathilde ou Thierry qui sont « multi positionnés » entendent préférer avant tout leur investissement local, qui leur apparaît tangible et durable. En lieu et place d'une institution d'un « mouvement politique » de la décroissance, il est à craindre que les militants de l'AdOC - « uni positionnés » et ne rechignant pas à la tâche politique - ne feront que représenter dans un champ politique distinct les personnes qu'ils entendent amener à la « politique autrement ». * 184 Bossy S, op cit. p15. * 185 Ibid. P 8. |
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