ARNAUDET Mathieu
Master 1 de Science Politique Faculté de droit et de
science politique de l'université de Rennes 1
Militer pour la décroissance
Enquête sur la genèse d'un
« mouvement politique » de la décroissance en
France
|
Mémoire réalisé sous la direction de
Christine Guionnet
Remerciements
Je tiens à remercier tous les militants qui m'ont
accordé un entretien, à savoir Anne, Mathilde, Thierry et
particulièrement Stéphane avec qui j'ai pu, à la suite,
échangé via Internet et grâce auquel j'ai eu accès
à de nombreux documents.
Je remercie aussi les adhérents du PPLD qui ont bien
voulu que j'assiste à leur AG et que j'enregistre leurs propos.
Je remercie aussi ma directrice de mémoire Christine
Guionnet pour ses remarques concernant la méthodologie et son soutien
durant ce travail.
Table des matières
Introduction p 6
Partie 1 : La politique comme levier supplémentaire
à une nécessaire révolution idéologique
p14
Section 1 : Une utopie agissante : un projet de
société revendiqué dans le champ politique
p14
I) Du capital idéologique à la
construction d'une communauté idéologique p15
A) Des supports intellectuels de lutte : les
penseurs de la décroissance. p15
B) Un vocabulaire alternatif partagé.
p17
II) Une volonté de différenciation
visible dans l'espace public. p20
A) Un vecteur de différenciation : Le
journal La Décroissance. p21
B) La politique comme lieu de visibilité du nous
identitaire. p23
Section 2 : La politique : une modalité du
répertoire d'action militant. p27
I) La filiation de la décroissance à la
mouvance de l'anti-consommation et de l'alter-consommation.
p28
A) L'intégration de la décroissance dans un
mouvement social plus vaste. p28
B) Le registre d'action de l'anti-consommation : l'action
collective individualisée.
p31
II) La politique comme « moyen
supplémentaire » pour amener la nécessaire
révolution culturelle.
p32
A) Une ambition : atteindre une majorité
culturelle et non seulement prendre le pouvoir.
p32
B) La politique : un levier en plus de l'action
contestataire p34
Partie 2 : Exister en politique autrement : quelle
organisation pour l'instauration d'un « mouvement
politique » ? p37
Section 1 : Envisager une autre manière de faire de
la politique : seul moyen de créer un « mouvement
politique ».
p37
I) Etre dans le champ politique sans faire de
politique. p38
A) Contre l'organisation politique traditionnelle : de
parti, n'en avoir que le nom p38
B) Contre la politique politicienne : une suspicion
à l'égard de la volonté de pouvoir
p42
II) Réhabiliter la politique pour créer un
« mouvement politique » de la décroissance.
p46
A) Un projet de société se doublant d'un projet
citoyen p46
B) Un enjeu : créer un « mouvement
politique »
p48
Section 2 : Ambitions d'une organisation
« décroissante » et premières limites
à l'instauration d'un « mouvement politique »
p50
I) La création d'une organisation reflet :
l'association aux multiples niveaux d'action.
p51
A) L'esprit de l'AdOC : devenir la « maison
commune » p51
B) L'association comme instrument du « mouvement
politique » p55
II) La politique comme moyen supplémentaire :
les difficultés à amener un « mouvement
politique ».
p57
A) Les difficultés à maintenir un lien
politique p58
B) Les effets du champ politique : le risque
d'autonomisation des participants p60
Conclusion
p62
Bibliographie
p65
Annexes
p70
Introduction
Le 29 mai 2009, un escargot traversa très lentement les
écrans TV des français, faisant cesser brusquement des
sonorités qui se voulaient agressives. Pendant que l'animal
avançait, quelques phrases courtes apparaissaient et apostrophaient les
téléspectateurs avec quelques interrogations comme :
« Une croissance infinie dans un monde fini ? »,
question qui se retrouve souvent comme slogan ou du moins revient comme
leitmotiv sur les sites Internet, les documents diffusés ou dans la
bouche même des militants de la décroissance ou
« objecteurs de croissance ». On pouvait y voir
aussi : « développement durable, croissance verte...
Solution ou alibi ?», marquant ainsi leur différence avec les
« écologistes tartufes »1(*) pour qui « polluer
moins équivaut à pouvoir polluer plus
longtemps »2(*)
Cette petite vidéo constituait le spot de campagne3(*) d'Europe Décroissance.
C'est la première fois que le thème de la décroissance
était amené sur le devant de la scène politique nationale.
Jusqu'ici, et depuis la création du premier instrument politique des
militants de la décroissance - le Parti pour la Décroissance en
2005 -, n'avaient été envisagées et tentées, que
des participations à des élections locales4(*).
M'intéressant distraitement aux idées de la
décroissance, notamment via Le journal La Décroissance, la
percée politique grâce à cette fenêtre
d'opportunité que sont les élections européennes a
attiré mon attention et m'a surtout donné l'envie
d'étudier la décroissance non pas à travers le champ des
idées politiques, mais à travers sa traduction politique. Je me
suis vite aperçu que ces versants étaient indissociablement
liés : en effet, peut être que des penseurs de la
décroissance existent et nous verrons que la théorie est force
pour le combat politique, mais que le passage au politique nécessite,
outre de s'approprier les idées, de se créer sa propre
identité pour intervenir dans un « champ politique »
qui fonctionne avec ses propres règles. Ainsi, si « nous
vivons immergés dans la politique »5(*) , il est nécessaire, si
l'on veut l'étudier avec distanciation et prétendre à
l'objectivité, en délimiter son objet. C'est ce que Pierre
Bourdieu a essayé de faire dans la fin de sa carrière en
appliquant au politique (le politique) son concept de
« champ ». Il n'est bien sûr pas le seul à
avoir voulu analyser le processus d'autonomisation de cette
sphère6(*), mais
c'est lui qui, peut être, a essayé de circonscrire le plus
possible cet objet pour lui permettre d'être analysé
sociologiquement. Ainsi, il définit le champ politique comme un
« microcosme » dans le « macrocosme
social » qui est « le lieu où s'engendrent, dans la
concurrence entre les agents qui s'y trouvent, engagés, des produits
politiques, problèmes, programmes, analyses, commentaires, concepts,
événements, entre lesquels les citoyens ordinaires réduits
au statut de « consommateurs », doivent choisir, avec des
chances de malentendu d'autant plus grandes qu'ils sont plus
éloignés du lieu de production »7(*). Cette analogie dans le
vocabulaire entre la sphère économique et la sphère
politique (« consommateur », mais aussi
« entrepreneur politique » qui n'est pas cité
ici8(*)) a connu un grand
succès tant au niveau de la recherche scientifique qu'au niveau du
commentaire journalistique. Ce vocabulaire participe à la production
d'une coupure ou du moins d'un « éloignement » du
lieu de la décision d'avec le lieu de la vie citoyenne. La
représentation déposséderait la majorité de la
population des moyens de production politique mais pire, obéirait
à des règles - celui du champ donc - qui lui seraient propres et
qui contraindraient fortement la liberté d'entreprendre dans ce champ
comme empêcheraient l'innovation : « les
intérêts n'ont de chance d'être problématisés
comme politiques que s'ils épousent les intérêts
spécifiques des professionnels de la politique et se coulent dans les
formes qu'autorise le jeu propre des mandataires »9(*) En d'autres termes, la politique
comme système représentatif étant la possession des
mandataires, elle déposséderait les profanes de la
compétence légitime et forcerait les nouveaux entrants
à se contraindre aux règles légitimes en vigueur. C'est,
au départ, dans cette optique que je voulais me placer : postulant
le champ politique comme un champ de contraintes, j'avais l'intention
d'analyser le passage au politique du « mouvement » de la
décroissance comme un rapport de force entre des règles qui font
injonctions et un nouvel acteur neuf ayant ses références de
comportements dans la société civile. Ces dernières
années, des travaux ont ainsi montré la difficulté
à tenir un discours prônant une façon d'agir dans le champ
politique qui serait différente de celle que les partis politiques
tiendraient ordinairement. Ainsi, hormis les travaux historiques de Michel
Offerlé sur la tentative de subversion des règles du jeu de la
représentation par les partis ouvriers10(*), d'autres ont montré plus récemment les
limites d'une entreprise qui voulait « faire de la politique
autrement »11(*). Ces analyses pointent du doigt les deux
conséquences d'une telle position : soit elle débouche sur
une progressive institutionnalisation, soit sur une marginalisation qui est
souvent fatale aux mouvements en question. L'institutionnalisation peut
être symbolisée par le parti des Verts qui, pendant longtemps a
voulu rester aux marges de la politique en adoptant des procédures et
une organisation qui tranchaient avec celles appliquées dans les autres
partis. Se voulant non électoralistes, revendiquant une philosophie
autogestionnaire dans leur pratique de la politique, transcendant le clivage
gauche / droite, les Verts se sont peu à peu intégrés au
jeu politique traditionnel12(*) comme dans la « démocratie du
public »13(*).
Le mouvement poujadiste, quant à lui, a également voulu subvertir
les règles mais il n'a fait que « reproduire les règles
de sélection en son sein »14(*). Pour les poujadistes, comme pour le Parti
Communiste, l'enjeu était de faire entrer dans le champ politique des
acteurs qui, socialement, n'étaient pas destinés, au regard des
normes sociales (capitaux culturels élevés notamment) en vigueur
dans le champ de la représentation politique, à y prendre place.
Les poujadistes ont reproduit les mêmes structures de distinction en leur
sein et n'ont pas réussi à s'adapter aux règles en vigueur
à l'Assemblée Nationale, ce qui a conduit à leur
« échec en politique »15(*). La marginalisation peut,
elle, être symbolisée par le mouvement des Motivés.
Ceux-ci, refusant la « politique politicienne »,
conséquence de la représentation, voulaient que les citoyens
reprennent, par eux même, les moyens de se gouverner. Cette
revendication, essentiellement oppositionnelle, s'est manifestée dans
différentes élections locales (à Toulouse notamment mais
aussi à Rennes). Elle s'est heurtée à la force de
l'injonction à se positionner sur l'échiquier politique
(l'identité était trop faible pour faire totalement sens aux
militants) et aux principes représentatifs (dont la « remise
de soi » de certains à d'autres apparaissant comme plus
compétents)16(*).
Ce paradoxe, pour un mouvement qui entendait lutter justement contre la
corruption du lien représentatif, a finit par avoir raison de son
existence puisqu'en quelques mois, on a assisté à la
« démotivation des Motivés »17(*) Pour paraphraser
l'hypothèse de Simon Luck pour l'étude du mouvement contestataire
« Arrg ! », ce sont bien souvent les aspects
mêmes qui font la singularité d'un mouvement qui expliquent le
plus souvent sa marginalisation ou sa disparition18(*).
Ce dernier travail comme ceux sur les Motivés ou les
travaux plus anciens sur le Parti Communiste ou les poujadistes se sont
effectués a posteriori, c'est-à-dire dont les objets
d'études étaient morts ou agonisants lors de l'enquête. Il
m'est apparu dès le premier entretien et dès les premières
lectures des écrits des partisans de la décroissance qu'il
était, en effet, trop tôt pour pouvoir analyser le processus de
conformation aux règles prescrites par le champ politique. Certes, elles
existent et les militants entrant en politique doivent en tenir rigueur, mais
il manque de recule pour pouvoir mesurer la force avec laquelle elles vont
s'exercer sur les acteurs du mouvement. Le Parti pour la Décroissance
(PPLD) est né en avril 2006 et le mot
« décroissance » n'avait été
porté auparavant que par deux candidats (Yves Scaviner et Bruno
Clementin) aux élections cantonales de 200419(*). Même si la naissance
date donc de cinq ans, il n'a pas eu d'activités en continu pendant
toute cette période. En effet, des tensions qui existaient
déjà avant la création du parti, notamment lors des
« Etats Généraux de la décroissance
équitable » (sur la personne la mieux à même de
représenter les idées de la décroissance aux
élections présidentielles de 2007), sont réapparues par la
suite, ce qui a poussé les créateurs du parti à le quitter
(on pense notamment à Vincent Cheynet). Le parti sera relancé en
hiver 2008 par une poignée de personnes n'ayant pas connues les
débuts du parti : « Donc, il (JG) relance quand
même, il propose qu'on se réunisse. Donc, en octobre on se
réunit dans un squat, complètement fou, dans un squat parisien,
il caillait... On avait froid, on se demandait ce qu'on foutait là, on
était 10 ! Des fous furieux ! »20(*). C'est donc avec l'ambition de
repartir sur de nouvelles bases que ces « 10 » reprennent
le parti. A cette époque, le PPLD est toujours la seule organisation
politique militant pour la décroissance. Depuis, on le verra, de
nouvelles entités sont apparues mais le PPLD existe toujours. Sa
nouvelle existence n'a donc qu'un an et demi. Cette deuxième vie
n'efface pas la première - et d'ailleurs, lors de l'Assemblée
Générale à laquelle j'ai assisté, l'historique du
parti a essayé d'être esquissé de la façon la plus
objective possible... -, mais néanmoins, ce sont de nouveaux militants
qui ont pris les rênes de l'organisation. Avec l'un d'entre eux j'ai fait
un entretien, et ce sont certains de ces « 10 » que j'ai
observé pendant l'AG du 31 janvier 2010. De par le fait de cette
brève existence, de son processus de création tout juste
entamée, il aurait été difficile de déconstruire
cet objet en train de se faire. Il m'a paru plus judicieux, à
ce stade de développement du mouvement, d'analyser plutôt la
construction du mouvement de la décroissance, et donc de prendre en
considération que mon objet était en mouvement. Il n'y a pas de
développement d'une organisation humaine - qui plus est à
visée politique - sans interaction avec son environnement et sans que
celui-ci ne garde son emprise. Néanmoins, il m'est apparu que dans cette
première phase de construction les acteurs étaient assez libres.
L'élection européenne favorisa d'ailleurs la libre entreprise
puisque les coûts à l'entrée sont beaucoup plus faibles, et
permet à des groupes n'ayant pas de légitimité
particulière dans le champ politique de s'engager dans
l'élection. Je me suis plus focalisé sur la construction de
l'identité et de l'organisation politique que sur
précisément les contraintes que fait peser le domaine du
politique à cette dernière, même si, et c'est in
fine ce que l'on remarquera, l'analyse de l'une ne va pas sans l'analyse
de l'autre dans la mesure où il n'y a pas d'élément
émergé.
L'entrée de la thématique de la
décroissance dans le champ politique étant relativement
récente, peu d'études se sont intéressées à
son existence propre. Ainsi, dans La France Rebelle21(*), deux pages sont
consacrées aux thèmes et aux acteurs de la décroissance.
Mais ces pages sont insérées dans une partie ayant trait au
militantisme de l'anti-consommation. Le PPLD était, à
l'époque, tout juste né et donc la décroissance comme
entité politique ne pouvait encore être observée et
analysée. Ces lignes consacrées à la décroissance
sont d'autant plus limitées qu'elles ont été
écrites par un chercheur partisan de la décroissance et convaincu
du nécessaire passage au politique22(*). Même si la « neutralité
axiologique » de Max Weber reste un idéal-type jamais
réalisable dans la réalité (surtout dans le domaine des
idées politiques), on peut quand même douter de
l'objectivité de ses propos. Je me permets ainsi de souligner que - en
ne doutant pas, encore une fois, de sa volonté de neutralité -
son propos tendait - au regard de ses autres écrits -, à faire
passer le « je » sous un « ils »
déguisé. Quoi qu'il en soit, ces lignes se contentaient de
décrire le début du militantisme de la décroissance sans
les incorporer dans une problématique particulière.
Néanmoins, cette idée que le thème de la
décroissance rentrait dans la catégorie des luttes
« consuméristes » ou contre la consommation, se
retrouve dans un article traitant justement du militantisme des acteurs de
l' « anti consommation »23(*). Le mouvement de la
décroissance y est indiqué comme acteur participant - de
façon la plus poussée - à la critique de la
consommation24(*). Les
auteurs se sont appliqués à émettre une définition
de la théorie de la décroissance : « La
théorie de la décroissance est un concept d'économie
politique, repris par des associations militantes, qui défend
l'idée que la croissance économique n'est pas compatible avec la
durabilité de l'écosystème terrestre ; elle prône au
contraire la réduction tangible des modes de production et de
consommation »25(*) Ensuite, ils indiquent quelques mouvements qui s'en
réclament et citent notamment le PPLD pour la France, le mouvement de la
Simplicité Volontaire au Québec, le Downshifting Movement aux
Etats-Unis et le Slow Movement en Grande Bretagne. Les deux auteurs interrogent
le type de militantisme que contribue à créer la protestation
anti-publicitaire. Ainsi, ils estiment que ce type de protestation
concrète, se réalisant dans l'action et par l'action, participe
au développement d'un militantisme qu'ils qualifient - à la suite
de Michelle Micheletti26(*)- de militantisme collectif
individualisé: cela exprime à la fois l'idée que
« le mouvement anti-publicitaire, au sein de la contestation sociale,
joue alors ce rôle très particulier de caisse de résonance
permettant à certains militants (environnementalistes,
féministes, altermondialistes) de trouver dans l'action
anti-publicitaire un cadre concret pour exprimer une critique contre le
marché »27(*). Mais aussi qu' « elle fournit un cadre
collectif pour des engagements individuels »28(*). Le PPLD est né de
l'initiative des créateurs de Casseurs de Pub, appartenant donc
pleinement à cette mouvance de la protestation anti-publicitaire. Il est
donc en quelque sorte logique qu'un des seuls travaux, à notre
connaissance29(*), portant
exclusivement sur la
« nébuleuse décroissante »30(*) se soit inscrit dans la
perspective d'appliquer cette notion d'action collective
individualisée : la décroissance se vivant de façon
individuelle, la participation au champ politique ne serait donc qu'un
répertoire d'action en plus disponible pour les militants, qui
l'exerceraient encore une fois de façon individuelle et autonome.
L'auteur conclut ainsi : « on peut aussi interpréter leur
investissement du champ politique comme une autre forme d'action collective
individualisée : un engagement ponctuel, au même titre que
d'autres, fait en tant qu'individu militant mais non au nom d'une organisation,
réalisé soit seul en cas d'élection uninominale
majoritaire soit au sein d'un groupe informel et éphémère
en cas de scrutin de liste »31(*). Mais l'auteur n'avait effectué que deux
entretiens avec des militants de Lyon et s'était contenté
d'analyser le profile des militants des débuts du PPLD.
A la croisée des chemins entre les travaux
étudiant « les récurrences et les réinventions
de la politique autrement »32(*) et les limites d'une telle entreprise, et l'analyse
des formes de militantisme, nous nous sommes demandé dans quelle mesure
il est possible de construire un mouvement politique qui puisse intégrer
et transcender cette protestation individuelle. L'hypothèse retenue ici
est que, même disposant d'un capital idéologique incitant à
l'action, cette construction se heurte à une défiance des
militants vis-à-vis du champ politique. Pour tester celle-ci nous nous
sommes appuyés sur des entretiens semi-directifs33(*), une observation
« participante » (dans la mesure où j'ai vécu
avec les militants pendant un week end, non pas parce que j'ai pris part aux
votes) de l'Assemblée Générale du PPLD, et l'envoi d'un
questionnaire à réponses plus ou moins ouvertes. Malheureusement,
ce dernier outil se révélera peu utile dans la mesure où
très peu d'exemplaires me sont revenus (un peu plus d'une dizaine sur
une cinquantaine d'envois) à cause notamment de tensions au sein du
« mouvement »34(*).
Deux parties essayeront d'expliquer l'idée que
même disposant d'un capital idéologique original, les militants de
la décroissance entendent avant tout faire de la politique autrement,
c'est-à-dire créer une organisation qui
« colle » à leur façon d'être - une
protestation hétérogène - mais que celle-ci se heurte aux
limites imposées par le champ politique qui tend à autonomiser
ses participants. Pour expliciter ceci nous verrons dans une première
partie que l'entrée en politique apparaît comme la transformation
d'un capital idéologique en identité visible et
revendiquée ; cette idéologie allant de pair avec un rapport
au politique particulier où cette dernière n'est qu'une
modalité en plus dans le répertoire d'action des militants. Dans
la seconde partie, nous analyserons la construction d'une organisation
politique qui réponde à cette identité et nous
esquisserons les limites de cette entreprise qui, si elle entend amener les
militants à s'engager dans le champ politique, risque plutôt de
créer une répartition des tâches en laissant à une
petite partie le soin de s'occuper du politique.
Partie 1 : La politique comme levier
supplémentaire à une nécessaire révolution
idéologique.
Une philosophie, si elle veut exister réellement doit
pouvoir être incarnée par des individus. Un des moyens pour faire
vivre une pensée est la politique, en ce que celle-ci peut être le
lieu d'épanouissement et d'accomplissement de visions du monde. La
pensée de la décroissance existe dans le domaine des idées
et certains veulent l'appliquer dans le domaine matériel. C'est ce
passage au politique que je voudrais examiner ici. Ce passage ne va pas sans
une vision de ce qu'est cette politique. Ainsi, ce premier chapitre voudra
montrer le processus de création de l'identité
décroissante notamment via la politique, celle-ci apparaissant pourtant
pour les militants seulement comme un moyen supplémentaire de faire
avancer ses idées.
Section 1 : Une utopie agissante : un projet
de société revendiqué dans le champ politique.
Dans cette première section nous verrons que la
décroissance comme pensée structurée est une
création récente. Les sources restant multiples, quelques
intellectuels ont néanmoins voulu uniformiser une pensée se
voulant alternative à ce qui est présenté aujourd'hui dans
l'offre politique. C'est la visibilité, due au passage dans le champ
politique qui ouvre la possibilité de créer une identité
décroissante, existant jusque là sous des formes latentes de
contestations individuelles ou collectives n'ayant pas de lien entre elles. La
décroissance apparaît comme une revendication positive au sens
où elle prône un changement de société, mais c'est
également une revendication qui va à l'encontre d'autres
courants, ceci afin d'entreprendre une stratégie de distinction propre
à clarifier une identité naissante.
I)
Du capital idéologique à la construction d'une communauté
idéologique.
La pensée de la décroissance telle qu'elle est
reprise par les militants politiques aujourd'hui s'enracine dans bon nombres
d'ouvrages d'intellectuels dits alternatifs, qui se sont élevés
contre l'emprise de la technique sur nos consciences, tel Jacques Ellul ou
contre la société de consommation. La
« décroissance » comme pensée
revendiquée s'est vue théorisée depuis la fin du
20ème siècle par des auteurs qui s'inspirent de ces
penseurs. Pensée théorisée, la décroissance se
matérialise par des notions, concepts ou plus simplement un vocabulaire
spécifique que l'on retrouve chez beaucoup de militants qui s'en
réclament et la revendiquent politiquement.
II) Des supports intellectuels de
lutte : les penseurs de la décroissance.
Un courant de pensée est tributaire de pères
fondateurs ou en tout cas de précurseurs. En ce qui concerne la
pensée de la décroissance, la généalogie
s'avère être une entreprise difficile en ce qu'elle incorpore des
textes et des idéaux disparates, empruntant par exemple à la
critique de la société de consommation, à celle de la
technicisation de nos sociétés35(*). Néanmoins, le terme
« décroissance » provient de la traduction du titre
du livre de Nicholas Georgescu-Roegen intitulé en anglais : The
Entropy Law and the Economic Process36(*). Ce livre a, en effet, été
intitulé en français tout simplement La
Décroissance37(*).
L'auteur y construisait une nouvelle économie qu'il appelait
« bioéconomie »38(*). Celle-ci a pour but de rappeler que
l'économie ne doit pas être déconnectée du
réel, c'est-à-dire des ressources planétaires. Pour lui,
l'économie doit de nouveau prendre comme étalons les ressources
planétaires disponibles. Ces dernières étant de moins en
moins nombreuses, il prône « la décroissance comme une
conséquence inévitable des limites imposées par les lois
de la nature »39(*). De nouveau enracinée dans la
réalité, l'économie peut envisager l'avenir non pas comme
une « récession subie mais comme une décroissance
choisie »40(*).
Cette critique économique de
l' « économicisme » (l'économie comme
scientisme) est le socle savant d'une pensée qui se nourrie de nombreux
autres penseurs (Jacques Ellul, Ivan Illich qui a mis au premier plan de sa
pensée le thème de la convivialité contre « le
mode de production industrielle »41(*)) Ces derniers, populaires notamment dans les
années soixante-dix, ont été intégrés dans
la tentative contemporaine de théorisation d'une pensée
décroissante. Cette entreprise est le fruit notamment de la revue
Entropia qui, depuis l'automne 2006 a publié huit
numéros. Elle se définit comme une « revue
théorique et politique de la décroissance » qui
« s'inscrit dans la longue tradition de la revue d'idées et
d'engagement, lieu d'expression privilégié d'une pensée
collective naissante et qui s'élabore au fil du temps. Une pensée
sur la crête des interrogations fondamentales de notre époque,
pour l'amplification de la prise de conscience d'une situation de la condition
humaine sans précédent, pour l'enrichissement de l'imaginaire
théorique, poétique et politique de
l'après-développement »42(*). Dans cette revue, on retrouve les auteurs qui ont le
plus publiés sur le thème de la décroissance : outre
Paul Ariès que l'on a déjà cité, on peut
évoquer les noms de Serge Latouche, Yves Cochet, Fabrice Flipo43(*). S'ajoutent à ces
derniers de nombreuses autres signatures, scientifiques, politiques,
militantes. Les sujets abordés par les contributeurs à la revue
sont nombreux, néanmoins, on peut noter que le premier numéro fut
consacré à Décroissance et Politique44(*) et accueillait en son
sein un article en forme de manifeste, écrit par Latouche qui
s'intitulait : « La décroissance : un projet
politique ». Les fondateurs de la revue ont été
dès l'origine convaincue par la nécessité de porter le
thème de la décroissance sur le terrain politique. Ainsi, dans le
préambule du premier numéro on peut lire que la
décroissance, « fondée sur une autre
représentation du monde, son objectif relève néanmoins du
politique, en tant que projet global d'inscription des hommes dans la
vie »45(*). Il
n'est pas étonnant alors de voir apparaître dans les noms figurant
au sommaire de plusieurs numéros les deux principaux initiateurs du
passage au politique : Vincent Cheynet et Bruno Clementin46(*). Ces deux articles montrent
bien la volonté des premiers acteurs de la politisation du thème
de la décroissance d'inscrire pleinement celui-ci dans le jeu du champ
politique acceptant et les institutions et les références qui
font sens dans ce dernier. Ils feront prendre à cette politisation la
figure d'un parti, celui du PPLD. Ce dernier fut loin de faire
l'unanimité à ses débuts malgré ce socle de valeurs
communes. En effet, quelqu'un comme Serge Latouche dira publiquement son
mécontentement de voir la décroissance prendre la forme d'un
parti politique croyant que « l'institutionnaliser
prématurément nous expose au risque de la politique politicienne,
alors que les conditions ne sont pas mûres pour espérer une mise
en oeuvre de notre programme »47(*). Malgré ces premières
difficultés dans la façon d'entrevoir la perspective politique de
la décroissance48(*), le PPLD naîtra et, on l'a vu, continue
d'exister, reprenant les idées fondamentales de la
décroissance.
III) Un vocabulaire
alternatif partagé par les militants.
Le PPLD fut créé dans la ville de Lyon et les
premiers membres vinrent essentiellement de cette ville ou de ses alentours.
Mais le parti n'est pas seulement un groupe affinitaire qui serait le
prolongement politique d'une revendication locale. Cette création
s'inscrit dans le prolongement d'une réflexion philosophique et
politique sur la décroissance, dont on peut marquer le commencement avec
« Les Etats Généraux de la Décroissance
Equitable » qui a eu lieu le 15 octobre 2005 à Lyon.
Même si ce rassemblement eut lieu une nouvelle fois à Lyon, de
nombreuses associations et collectifs y étaient présents comme
les Ecolos Libertaires (représentés par Christian Sunt), les
Alternatifs (représentés par Roland Mérieux), la revue
Prosper (représentée par Jean Paul Lambert), ou le groupe Ecolo
avec à sa tête Vincent Cheynet. Ces différents collectifs,
créés et disséminés dans toute la France, montrent
bien que la décroissance n'est pas la propriété d'un
groupe mais avant tout une pensée qui se colporte via différents
medium, notamment, comme on l'a vu, grâce aux livres et aux
différentes revues. Ainsi, les personnes que j'ai interviewées
sont venues « à la décroissance » notamment
par la lecture :
« Comment tu es arrivé à la
décroissance ? (...) « J'étais
abonné à Télérama et j'ai trouvé un article
de Pierre Rabhi, un petit billet comme ça, une brève, qui parlait
d'agriculture, du retour à la terre. Je donne ça à mon
beau frère qui est agriculteur productiviste et qui commence à
dire « putain », ça lui plaît pas... Y a
longtemps, c'était en 2002-2003. Il ne m'en parle pas... Un an
après, je vois dans ses toilettes un bouquin : Objectif
décroissance. C'était un recueil d'un article des mecs qui
avaient un peu bossé sur la décroissance, genre Ariès
déjà, Latouche encore, Clementin, Cheynet, toute la bande quoi,
en gros tous ceux qui ont commencé après à travailler avec
le journal. C'est un bouquin jaune, issu d'un colloque de 2003, que tu peux
trouver maintenant sur Internet. Et là... Je sais pas mais, je sais pas
ce qu'ont raconté les autres mais on est beaucoup à avoir
été comme ça : la claque »49(*)
« L'idée de
décroissance est venue comment ? (...) « C'est
quelqu'un qui s'appelle P G, il habitait dans l'Ariège à
l'époque, c'étaient des militants de longue date. Bon lui, il
était résistant... Sa femme a participé à la
création des Verts. Enfin bon, c'est les premiers écologistes.
Ils m'ont filé des bouquins et parmi eux il y avait la
décroissance de Georgescu Roegen, que j'ai gardé mais que j'ai lu
il y a seulement 4-5 ans, ça faisait une dizaine d'années que je
l'avais en stock... L'emprunte écologique était posée
carrément, à l'époque c'était pas utilisé
comme concept mais bon... »50(*)
Bien que beaucoup d'entre eux soient militants dans des
collectifs alternatifs depuis longue date, c'est par la lecture de textes le
plus souvent qu'ils ont pris contact avec le thème de la
décroissance. Bien souvent, Internet permet de diffuser facilement et
rapidement des références bibliographiques. Ainsi, SM sur le site
qu'il a créé51(*) poste des articles sur des livres ici
considérés comme « indispensables ». On y
retrouve par exemple des livres de Serge Latouche, Vincent Cheynet, Paul
Ariès ou encore Nicolas Ridoux. Il existe donc un partage du savoir
théorique entre les militants, ceci étant favorisé par le
profile de ces derniers, pour la plupart disposant d'un capital scolaire et
culturel relativement important. Ainsi, et malgré l'échantillon
limité sur lequel je m'appuie, il est remarquable que tous, à
l'exception d'une seule personne52(*), possèdent un diplôme au moins
égal à un Bac + 2. Les personnes interrogées
possédaient toutes au moins un bac + 353(*). Grâce à cette circulation
d'informations et les dispositions culturelles des militants, un vocabulaire
« décroissant » s'est construit et se partage,
révélant des concepts et des idées mais aussi des slogans
provenant des textes faisant « références »
en la matière (ne retrouve-t-on pas souvent dans la bouche des militants
l'idée qu'il faudrait travailler moins pour s'instruire et lire
davantage ?). Cette appropriation par les militants des outils
intellectuels fait signe, en quelque sorte, vers une communauté
décroissante forte d'un imaginaire et de concepts mobilisables.
Pour montrer un exemple de ce « discours de la
décroissance », on peut évoquer quelques discours ou
conférences d'Yves Cochet54(*), député Vert à
l'Assemblée Nationale et partisan d'un rapprochement des idées de
son parti avec celles de la décroissance. Figure médiatique et
charismatique du mouvement écologiste, Yves Cochet reprend le
vocabulaire découlant de cette récente théorisation.
Ainsi, le député parle
d' « économicisme » renvoyant - à la
suite de Georgescu-Roegen - la science économique à une
idéologie voilant la réalité. Il faudrait, pour se
libérer de cette emprise de l'économie, pouvoir
« découpler le bonheur de la consommation ». Il
s'agirait non plus de choisir entre économie libérale ou
dirigiste mais de dépasser ce faux clivage dont les deux entités
renvoient toutes les deux à une économie
« productiviste ». Le bien être ne serait pas
quantifiable par la consommation mais passe « par la relation avec
les autres ». Ce qui le fait finir sa conférence en
« citant ses amis décroissants pour qui moins de biens
équivaut à plus de liens ». Ces quelques idées
se retrouvent dans le vocabulaire des militants, ainsi que des citations
d'auteurs comme Latouche ou Ariès, considérées comme
représentant la pensée de la décroissance. On retrouve par
exemple la « décolonisation de l'imaginaire » de
Latouche, qui peut se traduire par un effort fait sur soi de se
« dépolluer » de cette idéologie
économiciste. On peut citer le mot
« décroissance » qui, pour Paul Ariès, est un
« mot-obus » destiné à briser
l'idéologie dominante. Mais aussi les concepts
d' « usage, le mésusage, le revenu inconditionnel, le
revenu maximum etc. qui sont les traits forts vraiment de ce qu'on
défend, notion de gratuité et compagnie, qu'on ne retrouve pas
partout... »55(*). Ces différentes notions, on les retrouve
facilement dans les discours de Paul Ariès qui, dans les médias,
reprend mot pour mot des passages de ses livres espérant ainsi faire
réagir le téléspectateur ou l'auditeur56(*). Mais cette pensée de
la décroissance ne se cantonne pas à la construction d'un capital
théorique propre mais s'inspire également de toute
référence alternative qui entend déconstruire cette
« idéologie économiciste » et montrer la
« réalité » des choses. Ainsi, à
côté des ouvrages théoriques, sur les sites Internet, on
peut voir des commentaires sur des livres, des films militant contre la
« mondialisation néolibérale ». Il en est
ainsi par exemple sur le site du PPLD où - et notamment grâce au
travail de SM responsable de la maintenance du site - des commentaires
d'ouvrages récemment publiés sont postés à
fréquence aléatoire.
Puisant dans un stock idéologique disparate mais en
train de se théoriser, les militants de la décroissance se sont
emparés de ses concepts pour en faire des références
intellectuelles produisant une communauté de pensée. Celle-ci
participe de façon positive à la création d'une
identité particulière, tout comme le positionnement
contre les autres courants de pensée, manifestant ainsi un
désir de différenciation fort.
II) Une volonté de
différenciation visible dans l'espace public.
Malgré les problèmes d'interprétation que
pose ce mot d' « identité » en sciences
sociales57(*), nous
voudrions maintenir cette notion, mais en ne la considérant pas comme
quelque chose de produit une fois pour toute, plutôt en la pensant comme
« un travail permanent de maintenance et d'adaptation du moi à
un environnement mobile »58(*). Ainsi, il ne s'agit pas d'en donner une
définition une fois pour toute mais de constater ce travail de
construction de ce « moi ». Celui-ci, concernant la
décroissance, est le prolongement d'une oeuvre théorique
originale mais se construit également par la différenciation.
Cette création du « nous » se fait donc aussi par
rapport à « eux ». Cette différenciation se
réalise via Le Journal La Décroissance, vecteur originel de
démarcation mais également via le passage en politique où
l'unité se renforce dans la confrontation des idées.
A) Un vecteur de différenciation : Le journal La
Décroissance.
Le journal La Décroissance est un « journal
de combat »59(*)
et le « journal de la joie de vivre »60(*). Il est né de
l'initiative des créateurs de l'association Casseurs de Pub qui,
« ayant ressenti le besoin d'élargir leur discours
au-delà de cette seule critique »61(*) de la publicité
décidèrent en 2004 de faire publier un journal portant en
emblème le thème de la décroissance (premier numéro
en mars 2004). Ainsi, ses créateurs ont pour noms Vincent Cheynet ou
Bruno Clementin appartenant donc à cette critique anti-publicitaire.
Mais les articles de ce journal ne s'en tiennent pas aux écrits de ces
figures du combat contre la publicité et depuis son apparition, beaucoup
d'intellectuels et de militants se reconnaissant dans le thème de la
décroissance ont pu venir témoigner ou s'indigner dans ce
journal.
Le journal se conçoit, en effet, comme le journal de la
joie de vivre prônant la décroissance sous une forme ludique et
humoristique. Chaque mois, reviennent les mêmes rubriques comme
« La saloperie que nous n'achèterons pas ce
mois-ci » dédiée à la déconstruction d'un
désir en un objet qui leur apparait comme inutile. On peut citer en vrac
quelques produits s'y étant retrouvés : le livre de gare, le
chien, le micro, la bicyclette, la bombe nucléaire ou la brosse à
dents électrique. On trouve aussi à chaque numéro la bande
dessinée « Steph et le merveilleux monde des
décroissants » avec le scénario de Domi et le dessin de
Pierre Druilhe. Ces quelques planches, présentes sur deux pages en fin
de journal, s'en prennent à la société de consommation et
ses paradoxes mais également aux contradictions de ceux qui revendiquent
la décroissance comme mode de vie. Ainsi, Steph est un jeune homme
idéaliste espérant vivre un jour dans un
« alter-monde »62(*) mais dédaignant aussi quitter son petit
confort. Les auteurs font référence au travail sur soi que la
décroissance exige de ses militants. Cela fait signe ainsi vers une
recherche d'authenticité vers laquelle le journal essaye
lui-même de s'acheminer. Le journal est tiré à environ
45000 exemplaires par mois dont 25000 sont vendus63(*). Il est distribué en
France mais existent aussi des distributeurs en Belgique, en Suisse, au Canada
et en Allemagne64(*). Pour
éviter que La Poste n'emballe leurs journaux, les adhérents de
Casseurs de Pub s'occupent eux-mêmes de l'étiquetage des journaux
et ceci est réalisé grâce au
bénévolat65(*). Cette volonté de lier « le discours
à la pratique » est un thème fort prôné
par le journal qui se retrouve dans leur stratégie de dévoilement
de l'hypocrisie écologique qui se cacherait derrière le discours
du développement durable.
En effet, le journal est aussi et surtout un vecteur de
différenciation vis-à-vis bien sûr des courants
qualifiés de « productiviste » comme les partis
d'extrême gauche (Parti Communiste, Lutte Ouvrière notamment) mais
également vis-à-vis des courants à sensibilité
écologique. Ainsi, on peut percevoir le journal comme entreprise de
dévoilement d'une société acquise depuis peu
à la notion de « développement durable ». A
l'instar de Paul Ariès, pour qui, on l'a déjà vu, il
s'agit d'une nouvelle idéologie servant à promouvoir un
modèle restant dans le paradigme « croissanciste »
où il faut « polluer moins pour pouvoir polluer plus
longtemps », beaucoup d'articles du journal sont là pour
pointer du doigt l'hypocrisie d'une nouvelle façon de pensée
« bien pensante ». Cette nouvelle idéologie est
véhiculée - à en croire les pages du journal - par les
« écotartufes » dont nous avons déjà
rapporté la définition. Parmi ces derniers, militant pour une
« croissance verte » - toujours selon le journal - on
retrouve des personnages médiatiques66(*) tels Nicolas Hulot, Yann Arthus Bertrand, Corinne
Lepage ou encore Daniel Cohn Bendit67(*). Chaque fois, ainsi, une personnalité se fait
« épingler » dans la rubrique «
l'écotartufe » du mois. Au-delà des personnes, ce sont
aussi les partis politiques qui sont soit tournés en ridicule soit
critiqués de façon plus élaborée. Cela a
été le cas par exemple pour Europe Ecologie au mois de mars 2010,
qui a vu son évolution dénoncée par Vincent Cheynet comme
un processus d'intégration à la politique institutionnelle et
à la politique-spectacle68(*). Cette hypocrisie est dénoncée à
toutes les échelles, également au niveau local. Ainsi, TB, que
j'ai interviewé, est élu au conseil municipal de Saint Nazaire et
commente chaque mois l'actualité de sa municipalité dans un
billet intitulé « La chronique du conseil
municipal ». Dans ses articles, il est ainsi le rapporteur de la vie
politique au quotidien telle qu'elle se pratique. Cette politique -
pratiquée par les partis de gauche et écologiste dans sa commune
-, il essaye d'en soulever les contradictions, montrant ainsi l'hypocrisie des
élus de gauche et écologiste et la place résiduelle
laissée aux minorités dans un conseil municipal comme le sien. A
l'opposé de cette « malhonnêteté », le
journal entend défendre une conception sereine et sincère d'une
écologie qui passe aussi et surtout par la frugalité. Ainsi, tous
les mois, sont mis en avant des anonymes, servant d'exemples pour leur
« simplicité volontaire ». Ce sont des gens
témoignant de leur bien être dans la frugalité, revenant
sur leurs parcours, leur prise de conscience - le plus souvent grâce
à la pensée de la décroissance - de
l' « absurdité » de leur mode de vie et leur
adaptation à une vie quotidienne peut être moins confortable mais
plus enrichissante humainement (dans la veine du slogan « moins de
biens, plus de liens »).
Le journal La Décroissance a permis de faire
apparaître le thème de la décroissance dans l'espace
public. Il entend montrer que la pensée de la décroissance se
différencie des autres courants. En visant principalement des acteurs
politiques, le journal se place volontairement dans la position d'un potentiel
adversaire politique69(*).
Ce fut réellement le cas aux élections européennes de Juin
2009 où la décroissance pût montrer son originalité
et donc sa différence avec les autres partis en présence.
IV) La politique comme lieu de
visibilité du nous identitaire.
Bien que le PPLD fût, dès son origine,
contesté, il n'en restait pas moins le seul instrument politique de la
« décroissance ». Le parti se montra alors comme un
porte-drapeau, pouvant seul toucher un maximum de personnes via les
élections politiques. On l'a vu, de sa création à la fin
2008, il a en quelque sorte végété, existant
officiellement mais ne fonctionnant pas en raison des différends
existant quant aux stratégies à adopter. Sa participation aux
législatives de 2007 se fera a minima, distribuant seulement
des affiches à ceux qui s'engageaient au nom de la décroissance
dans l'élection. SM dut par exemple autofinancer une bonne partie de sa
campagne et déplora à l'époque qu'il n'y avait pas de
programme commun entre les différents participants à
l'élection70(*). Ce
sera la même chose en 2008 pour les élections municipales et
cantonales alors qu'au même moment le PPLD était en train
d' « exploser »71(*). C'est à l'Assemblée
Générale de 2008 qu'arriveront la poignée de nouveaux
adhérents emmenés notamment par Vincent Lieyget et Rémi
Cardinale. Entre temps, en août 2007, fut créé, à la
suite de l' « Appel des objectrices et objecteurs de croissance pour
d'autres mondes possibles » qui appelait à
« la fondation d'un mouvement politique qui permette à
chacun-e de se reconnaître dans la même démarche
collective »72(*), le « Mouvement des Objecteurs de
croissance » (MOC). Ce mouvement « inexistant
activement »73(*), et n'ayant pas d'existence juridique officielle,
regroupait quelques amis proches mais disposait de l'expérience
militante de ses fondateurs, d'un carnet d'adresses conséquent. Les
militants de ces deux structures (PPLD et MOC) vont se regrouper pour former
Europe Décroissance. L'idée de participer aux élections
européennes vint des nouveaux arrivants au PPLD qui trouvèrent
que l'élection était une bonne occasion à saisir afin de
faire connaitre le thème de la décroissance : « On
se demande : qu'est ce qu'il y a comme élection l'année
prochaine ? Ba les européennes... « C'est chère,
c'est compliqué ? » Donc y en qui se renseignent et on se
rencontre qu'on peut faire un clip. Et, en faisant le clip, il faut faire 5
listes, et avec le clip, on aurait... Pfff Euh, si on arrive à faire 5
listes, on a le clip et si on a le clip on espérait faire un buzz
médiatique ; Voilà, c'était ça
l'idée ! »74(*). L'appel a été réalisé
à Lyon après que Vincent Lieyget et Rémi Cardinale ont
fait un « tour de France »75(*) pour remobiliser tous ceux qui avaient
été déçu de la tournure qu'avait pris l'engagement
politique. Ainsi, le treize février les militants
décidèrent de créer une seule structure pour
représenter la décroissance aux européennes. Ces
éléments factuels méritaient d'être soulignés
en guise de contexte. Pour continuer notre propos sur le processus de
création de l'identité, l'élection politique, qui plus est
à visibilité nationale, est le lieu qui offre la
possibilité de faire une démonstration de soi.
Au-delà de la solidarité affichée par les militants,
l'élection a permis de continuer la construction de l'identité du
mouvement en la dotant véritablement d'une dimension politique. Ce
fût l'occasion pour les militants de la décroissance de se
confronter directement aux autres partis et ainsi de montrer leur
originalité. Certes, avec un nombre élevé de candidats et
des circonscriptions électorales très grandes, les
possibilités de rencontre étaient moindres. Néanmoins, les
militants ont pris contact avec les radios et les TV locales ; les
différentes interviews étaient le moyen de faire entendre sa voix
mais aussi de se différencier des autres partis. Encore une fois,
l'identité « décroissante » se manifestait
à la fois contre mais aussi pour, c'est-à-dire
revendiquant une façon d'être qui pouvait déjà se
retrouver dans la pratique de la politique76(*). Ainsi, avec très peu de moyens,
l'élection fut également l'occasion de lier une nouvelle fois la
pratique aux idées77(*). Il était demandé par exemple aux
électeurs d'imprimer par leurs propres moyens les bulletins de vote.
Cette idée, qui peut être la conséquence du manque de
moyens financiers, sera ensuite reprise comme gage
d'authenticité78(*). Les militants agirent également chacun dans
leur circonscription, veillant à ne pas « faire de
déplacements je ne sais où... »79(*), essayant ainsi d'appliquer
deux principes : l'autogestion et la relocalisation :
« Et puis c'est là qu'on a commencé
à construire notre projet, notre façon de voir. Est-ce que
ça va venir du haut les directives ou pas... Et on s'est rendu compte
que... autogestion ! On a beaucoup parlé d'autogestion, on a
découvert ça ! »80(*).
« Oui c'était la question de la
relocalisation de la politique, pas de déplacement je sais pas
où... « Donc là déjà y avait
l'idée de mettre les actes en lien avec les
idées... » Ah ba oui oui de toute
façon on n'avait pas les moyens... (rires) Chacun était
grand... »81(*).
Ainsi, hormis les affiches et les tracts nationaux, chaque
liste, dans les six circonscriptions, était libre de
« régionaliser » ses tracts ou affiches comme elle
le désirait. La plupart des dépenses étaient mises sur le
compte du parti, néanmoins, toutes ne furent pas comptabilisées
comme telles82(*).
Les militants d'Europe Décroissance, plus que faire
seulement de nécessité vertu, contribuent - malgré le peu
d'interaction entre eux83(*) à construire cette identité et
à se reconnaitre comme militants de la
décroissance : « je crois que ça
(l'élection) a fait prendre conscience qu'on existait, qu'il y avait un
réseau qui se connectait et c'était
ça... »84(*).
Ce processus continu aujourd'hui et les militants
défendent clairement cette identité dans l'espace public. Il en a
été ainsi, en guise d'exemple, quand un signataire d'Europe
Décroissance et d'Europe Ecologie envoya une lettre au Président
de la République pour protester contre l'utilisation
« erronée » du mot
« décroissance » dans un discours de ce dernier
devant les membres de la majorité présidentielle85(*).
L'entrée en politique ne fut pas seulement l'occasion
de faire entendre le thème de la décroissance dans le
débat public mais permit aussi de construire une identité
idéologique et politique propre aux militants de la décroissance.
Existant dans le domaine théorique et porté par quelques
intellectuels, le thème de la décroissance n'a pas
été revendiqué lors de mouvements sociaux. C'est donc le
politique qui a, en quelque sorte, permis l'existence de cette pensée
comme revendication. Néanmoins, en voie de formalisation
théorique, la décroissance n'en est pas moins également
une pratique vécue au quotidien par des militants appartenant,
eux, à l' « espace des mouvements sociaux »86(*). Pour cet auteur, cette notion
permettrait de « constituer un instrument à même de
rendre compte à la fois de la consistance et de la dynamique des
relations qui unissent entre elles des mobilisations aux enjeux
hétérogènes, et de leurs rapports avec le reste du monde
social -- et spécialement (mais non exclusivement) avec l'univers
politique partisan »87(*). Ainsi, pour ces militants - bien que disposant d'un
capital idéologique propre qui pourrait les prédestiner à
s'investir dans le champ politique - le rapport au politique s'avère
distancié et apparaît seulement comme un levier
supplémentaire pour la création d'une éventuelle
société de « décroissance
soutenable ».
Section 2 : La politique : une
modalité du répertoire d'action militant.
On a donc vu que les militants politiques de la
décroissance possédaient une identité propre construite
par la théorie et rendue visible et réelle par la politique. Mais
cet investissement dans le champ politique n'apparaît pourtant pas comme
la panacée - c'est-à-dire qu'elle n'est pas pour les militants le
remède miracle aux maux de la société. Elle constitue
plutôt un moyen supplémentaire pour essayer de convaincre
la population d'entrer dans la nouvelle ère, celle de la
« décroissance sereine »88(*). Ce rapport à la
politique peut être compris en replaçant la décroissance
dans la mouvance de la contestation anti-consommation et plus
généralement dans celle de la consommation
engagée89(*), pour
laquelle la cause globale doit se matérialiser dans des actes
individuels concrets. Ainsi, comme les Verts à leurs
débuts90(*),
changer la société pour les militants de la décroissance
n'est pas du seul fait de la politique.
I) La filiation de la décroissance à la mouvance
de l'anti-consommation et de l'alter-consommation.
On a vu que la pensée de la décroissance avait
été théorisée et invoquée dans le champ
politique. Néanmoins, cette pensée s'ancre aussi et peut
être surtout dans la pratique quotidienne des individus. Les militants
s'intègrent alors dans les mouvances de l'anti et de
l'alter-consommation. Celles-ci possèdent un répertoire d'action
élargi mais se basent essentiellement - pour le moment - sur le registre
de la recherche alternative individuelle. La cause globale s'inscrit
alors dans la pratique locale et individuelle, ce qui a donné la
notion de « militantisme collectif
individualisé »91(*).
A) L'intégration de la décroissance dans un
mouvement social plus vaste.
Les grands rassemblements altermondialistes (Seattle,
Gênes par exemple) ont poussé les chercheurs à
s'intéresser à cette mouvance disparate contestant la
mondialisation néolibérale de ces vingt dernières
années92(*). Ces
recherches ont mis au jour l'existence de grandes « entreprises de
contestation » comme ATTAC qui, avec de nombreux militants93(*), constituaient une force de
frappe importante lors des grandes réunions internationales, en plus de
disposer d'une expertise produisant un contre-discours et, ce faisant,
permettant de légitimer leurs actions. Dans cette
« nébuleuse aux contours flous »94(*), des recherches
récentes ont isolé un objet spécifique : celui de la
consommation engagée. La consommation apparait comme un
« nouvel espace de contestation »95(*) où l'acte individuel
peut faire office de protestation. Alors que l'expertise des grandes ONG permet
de lutter au niveau global contre la globalisation, les formes que prend la
consommation engagée se réalisent essentiellement au niveau
local. Ainsi, que ce soit les luttes anti-publicitaires de l'anti-consommation
ou les recherches d'alternatives au marché, toutes ces initiatives se
réalisent à des échelles relativement restreintes, selon
un principe de relocalisation de l'économie. Concernant les militants de
la décroissance, ceux-ci sont investis essentiellement dans ces deux
sous-catégories d'engagement que sont l'anti-consommation et
l'alter-consommation. Ainsi, pour Sophie Bossy, les objecteurs de croissance
« se situent dans un pôle de cet univers que nous avons
appelé le consumérisme politique »96(*). Son travail s'est
effectué auprès de militants de la décroissance qui se
trouvaient tous proches de l'association Casseurs de Pub. Les actions de ces
collectifs comme celui de Casseurs de Pub sont difficiles à saisir dans
la mesure où « elles ne requièrent pas toujours la
mobilisation de ressources collectives et se fondent plus volontiers sur les
engagements individualisés que sont les comportements de consommateurs
ou de militants multi-affiliés »97(*). En effet, les militants de
l'anti consommation comme ceux pratiquant un système de consommation
alternatif sont le plus souvent multipositionnés, appliquant ainsi la
résistance sous de multiples formes. Ainsi, mes entretiens comme les
quelques questionnaires qui me sont revenus viennent corroborer cette
idée que les militants sont investis dans plusieurs associations et
entendent agir « concrètement » sur le terrain.
Anne, la première personne que j'ai interviewée, hormis son
attachement à une vie en autogestion (produisant sa propre
électricité, élevant ses animaux et n'allant dans des
supermarchés que pour des occasions exceptionnelles), a milité
dans nombre d'associations - dans nombre d'endroits en France du fait de sa
forte mobilité. Elle a fait partie par exemple de l'association France
Palestine, d'une association environnementale de Plouray (le NICOB) ou encore
jusqu'en 1995, d'un collectif anti-chasse (le ROC). Le cas le plus exemplaire
est peut être celui de Thierry, résident à Saint Nazaire.
Il est à la fois conseiller municipal de sa commune depuis les
dernières élections (2008), membre d'ATTAC depuis 1999,
adhérent également au Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) et,
après avoir posé la question de la consommation au sein de
l'antenne locale d'ATTAC, a participé à la création d'une
coopérative au sein de sa commune :
« On a commencé à creuser la
question ; en fait, moi je suis allé plusieurs fois à
l'université d'été à Arles, deux ans de suite
(2002-2003) et y a eu un exposé sur les conseils de
développement, les coopératives... C'était plus concret,
la première AMAP posée par les gens d'ATTAC. (...) En 2003, un
libertaire avait lancé l'idée d'une coopérative d'achat
sur Saint Nazaire. On y est allé, cette coopérative existe
toujours et fait vivre. (...)Faut travailler sur la consommation qu'on s'est
dit, alors on a constitué un groupe d'ATTAC, on était 8-10 sur
la question de la consommation, distribution ; on a lu les travaux de
Christian Jacquiau et on a constitué un livret : Comment sortir de
l'emprise de la grande distribution ? Court-circuit, circuit-court avec
une partie analyse de ce que c'est la grande distribution : pas
chère mais à quel prix ? »98(*)
De même, Mathilde travaille à mi-temps sur
Nantes, ce qui lui permet de s'investir dans plusieurs structures :
« Donc tu travailles à mi-temps ?
Oui, ca permet une diversité... Mon métier me plaît,
pour l'instant tel qu'il est mais il ne correspond pas non plus à mes
engagements. Il ne défend pas ce qui est le plus important pour moi au
niveau de... voilà, de mes valeurs on va dire. A côté,
ça me permet d'abord d'avoir du temps pour moi et mes amis, de se voir,
de bouquiner, de pouvoir essayer de traîner (rires) et puis d'avoir du
temps pour les différentes asso, les différents collectifs
où j'ai envie de m'engager donc euh... Donc ici, le groupe nantais pour
la décroissance, c'est plutôt pour moi un lieu de rencontre, j'y
passe pas tellement de temps mais après c'est tout ce qui tourne autour
du bio, de l'alimentation, que ce soit le SEL nantais... Un de mes envies aussi
c'est d'avoir au moins un jour par semaine ou tous les quinze jours pour aller
jardiner dans les jardins collectifs... Donc, voilà, ça fait
partie des petits plaisirs... Et puis d'autres asso ou je suis plus ou moins
investi... Et puis après des projets ou des envies autour du comte, de
la littérature orale... Beaucoup de choses sur la lutte contre le projet
d'aéroport... »99(*)
Ces différents exemples montrent bien que les personnes
ne se suffisent pas d'un seul investissement et préfèrent
multiplier les engagements dans différentes structures, qu'elles soient
des associations très organisées comme ATTAC (disposant
d'antennes locales) ou des collectifs exclusivement locaux, répondant
à la spécificité du territoire et de la population (celui
combattant la construction d'un nouvel aéroport à Nantes par
exemple). Les préoccupations de ces militants s'inscrivent bien dans la
veine d'une consommation engagée où le « consommer
autrement » est un point central dans leur recherche d'alternative
à la société de consommation. Le militantisme à
l'oeuvre dans ce type de structure a été appelé - on l'a
évoqué - « action collective
individualisée », pour montrer que la cause revendiquée
(le changement de système économique par exemple) s'inscrit avant
tout dans des alternatives concrètes.
V) Protester concrètement : l'action collective
individualisée.
Selon Sophie Dubuisson-Quellier, cette notion
d' « action collective individualisée » est
« un des rares concepts permettant de rattacher la consommation
engagée à l'analyse des mouvements sociaux »100(*). En effet, il permet
d'analyser des actes qui a priori apparaissent comme esseulés
et individuels comme faisant partie d'une protestation plus globale et ainsi
réévaluer le répertoire d'actions pour que celui-ci puisse
incorporer des formes de militantisme hétérogènes. Ainsi,
par exemple la cause anticonsumériste peut être revendiquée
de différentes manières, de façon individuelle comme le
boycott et buycott (consommer « engagé », comme
acheter des labels environnementaux ou biologiques101(*) ) ou collective comme
l'investissement dans des réseaux tels les Associations pour le Maintien
de l'Agriculture Paysanne (AMAP) ou les Systèmes d'Echanges Locaux
(SEL). Elle intègre la décroissance dans les
« pratiques sociales élargies » de la forme
individuelle de l'action contestataire. La décroissance, même
amenée dans le champ politique et revendiquée par certains comme
véritable projet politique, s'incarnerait néanmoins dans des
pratiques individuelles. La décroissance se vivrait d'abord, se
penserait ensuite. Le concept d' « action collective
individualisée » nous aide à penser l'acte individuel
comme une action incorporant une cause supérieure mais nous montre,
à l'inverse, qu'une cause - aussi puissante soit-elle chez ses militants
- se doit avant tout de s'incarner dans des actes concrets, comme ceux que l'on
a cité plus haut : investissement dans des économies aux
circuits courts (comme les AMAP) ou divers actions anti publicitaires. La
décroissance s'incarne ainsi dans un large répertoire d'actions
mais peine néanmoins à se faire reconnaitre comme telle. En
effet, cette décroissance au quotidien n'est pas
revendiquée comme telle et un mouvement social n'existe pas encore.
Quelques expériences sont le fait des militants de la
décroissance, on peut penser aux « marches pour la
décroissance »102(*), d'autres, si elles ne sont pas signées
directement par ces derniers, font venir bon nombre d'entre eux qui font
connaitre leur existence et tentent de rendre de plus en plus visible le
thème de la décroissance. Rendre actif par le politique ce
militantisme latent - celui qui s'engage au concret - est une des principales
préoccupations des théoriciens de la décroissance et de
son passage en politique. Néanmoins, on peut faire l'hypothèse -
concernant la suite de ce travail - que la politique n'apparait
également que comme un engagement en plus pour les militants
dans cette quête d'une vie alternative.
II) La politique comme « moyen
supplémentaire » pour amener la nécessaire
révolution culturelle.
La décroissance est un projet de société
revendiqué dans le champ politique, on l'a vu. Mais pour ses militants,
ce projet de société est à faire cheminer non seulement
via le domaine politique. Il s'agit avant tout de se donner tous les moyens
nécessaires afin d'atteindre une majorité culturelle. Prendre le
pouvoir dans cette optique serait même pour certains
prématurés. Ainsi, la politique comprise comme structure
d'opportunité apparait comme un levier supplémentaire à
l'action militante.
A) Une ambition : atteindre une majorité
culturelle et non seulement prendre le pouvoir.
Ce multipositionnement des militants de la décroissance
tout comme cette volonté d'agir dans le concret et le local se double en
parallèle d'un discours présentant la décroissance non
seulement comme un projet politique mais comme un véritable projet
de société. Entendu par là qu'il s'agit de faire
diffuser dans la société toute entière une pensée
alternative afin de mener à une majorité culturelle. Yves Cochet,
un des grands noms de ce qu'on peut appeler la « décroissance
scientifique » au sens où il fournit des arguments
scientifiques pour un changement de « paradigme »103(*) sociétal - en
d'autres termes un nouveau mode de vie - , essaye de convaincre de la
nécessité du changement en raison de
l' « insoutenabilité » prochaine de notre
façon de vivre. En effet, selon lui cette ère
« thermo-industrielle » - qui a eu cours tout au long du
vingtième siècle - ne peut plus être viable aujourd'hui
comme système économique, en raison notamment de la finitude des
ressources naturelles et plus exactement du pétrole qui est la base de
notre « économie croissanciste ». Selon lui, c'est
moins le pétrole qui est en voie d'extinction que le pétrole bon
marché. En allant prioritairement chercher le pétrole le plus
riche (« the best first »), il ne reste plus aujourd'hui
que le pétrole peu enrichi, ce qui a pour conséquence des hausses
de coût d'extraction et d'enrichissement qui sont contrebalancés
par une hausse des prix « à la pompe ». C'est
pourquoi, Yves Cochet conclu que l' « ère du
pétrole bon marché est révolue». En
conséquence, tout notre mode de vie - basé sur l'existence d'un
pétrole peu chère - est à revoir. Les coûts
financiers s'avèreront trop importants si l'on espère continuer
comme nous fonctionnons depuis le début du vingtième
siècle. Dans cette optique, il s'agit dès à présent
de se préparer en inventant un nouveau mode de vie qui soit viable pour
l'ensemble de l'humanité104(*). En somme, il s'agit de choisir la
décroissance et non pas subir la récession. Choisir la
décroissance équivaut pour lui à un changement de
civilisation qui ne peut se faire - paradoxalement ? - sur la durée
dans la mesure où elle nécessite, pour se réaliser
pleinement, la contribution de chacun. La décroissance envisage donc de
créer une majorité culturelle avant de penser à une
quelconque prise de pouvoir. Un parallèle intéressant concernant
cette idée de « majorité culturelle » avec
les militants des Verts peut être réalisé. En effet, dans
son livre-bilan de ses recherches sur le militantisme et le profil des Verts
dans deux collectifs - anglais et français -, Florence Faucher observait
également que « les écologistes ne voient de salut que
dans un changement complet de civilisation. (...) Seuls une révolution
culturelle et l'avènement d'une « société
soutenable », frugale et en harmonie avec la nature, permettraient
d'envisager l'inversion de ces inquiétantes
évolutions »105(*). Au-delà d'une sémantique proche,
c'est avant tout le projet de société qui apparaissait relever de
la même ambition : diffuser dans la population une façon de
penser mais également une façon d'être qui soit plus viable
écologiquement et socialement. Cette utopie ne peut se
réaliser, selon les militants que par un travail quotidien, qui passe -
comme on l'a vu - par la multiplication des investissements locaux et concrets.
En l'absence de cette prise de conscience collective, la prise du pouvoir
s'avèrerait prématurée. Le champ politique apparaît
moins comme le lieu d'accomplissement que comme un lieu de visibilité de
la pensée de la décroissance. Ce thème de la
décroissance apparaît donc comme un porte-drapeau en politique
d'une façon d'être et de vivre. La politique ne sera alors pas
envisagée comme le lieu principal d'investissement des militants mais
comme un vecteur supplémentaire pour la diffusion dans le corps social
de valeurs prônées par ces derniers.
A) La politique : un levier en plus de l'action
militante.
Dans cette perspective de créer un changement dans les
consciences des individus, les militants ne perçoivent la politique -
entendue comme la participation aux élections - seulement en tant que
modalité complémentaire de leur répertoire
d'action106(*). Ainsi,
on l'a vu, les engagements sont multiples et tous participent de cette
volonté de diffuser des modèles de vie alternatifs. Encore une
fois, le discours des militants d'Europe Décroissance rappelle celui
tenu quelques années plus tôt par ceux des Verts pour qui
« la création d'organisations partisanes constitue, (...) la
poursuite par d'autres moyens, de l'action entreprise dans les mouvements
associatifs »107(*). En effet, Mathilde et Thierry tiennent par exemple
un discours semblable :
« En acceptant, tu as pensé que la
politique était un meilleur moyen pour faire passer ses
idées ? Pour moi, c'était complémentaire et puis
de toute façon, ça, je pense que c'est partagé, personne
ne dit que la politique électorale dans le cadre des institutions est
primordiale par rapport au reste, au contraire ; là, à mon
avis le truc vraiment partagé c'est d'abord les actions individuelles
mais surtout collectives, locales, le montage d'expériences alternatives
etc. »108(*).
« «La politique, c'est un moyen comme un
autre ou... Ba disons, c'est un moyen... Faut pas faire
que ça mais il faut le faire (rires). Parce que si on fait que
ça, ça donne le parti de gauche, Alternatives peut être un
peu moins, mais toute la gauche classique »109(*).
Quelques questionnaires récupérés vont
aussi dans ce sens : ainsi Christophe estime que la politique est un moyen
« complémentaire » et à la question
« La participation du mouvement à la compétition
politique est-elle nécessaire à la promotion et à la
défense de l'idée de décroissance ? »
il répond « à mon sens ce n'est pas le but
premier ». Idem pour Charlotte qui, à la même question,
répond que « le champ de la scène politique est un
moyen comme un autre de diffuser des idées »110(*).
Mathilde rajoutera tout de suite après :
« ... enfin tout ce qu'on peut mener sur le terrain mais en
même temps ça ne suffira jamais s'il faut envisager un changement
complet du système. On ne pourra jamais le faire entièrement, on
peut monter des tas de choses superbes au niveau local, comme y a des tas de
freins au-dessus... Voilà, ca ne peut être que
complémentaire et alimenté parce que qu'il se fait localement
à la base... Je pense que ça c'est quelque chose de très
partagée »111(*).
Les deux investissements - dans le local et dans le champ
politique - doivent se renforcer mutuellement et apporter chacun sa
contribution à la diffusion du message alternatif. Ainsi, - et pour
exprimer le pendant de ce qu'on a écrit dans la première section
- la création d'Europe Décroissance a été
envisagée essentiellement pour toucher le plus de monde possible et ce
grâce à la visibilité que procure pour le message
délivré, l'élection nationale. Il s'agissait avant tout
pour les militants d' « amener la décroissance dans le
débat public »112(*). Grâce aux entretiens réalisés,
nous pouvons confirmer l'hypothèse de Sophie Bossy qui, dans son
analyse, énonçait que les militants de la décroissance
utilisaient le champ politique pour sa fonction tribunitienne: « On
peut en effet parler dans leur cas d'une utilisation de l'élection pour
sa « fonction tribunitienne » pour reprendre les termes de Georges
Lavau. Il ne s'agit pas comme dans l'analyse du Parti communiste
français de parler de représentation de la « plèbe
» ouvrière mais d'envisager l'élection comme une instance de
débat public dans lequel, en théorie au moins, tout citoyen peut
participer, comme une tribune »113(*). Il est clair que la politique, pensée comme
lieu de débat public, est une croyance profonde chez les militants. Ce
débat public doit pouvoir faire apparaitre la force des arguments des
militants de la décroissance. Ainsi, ils ont conscience de la
nouveauté des idées défendues, ces dernières ayant
vocation à gagner en visibilité dans l'espace public et
auprès des autres forces de par leur originalité. Ainsi, Rocca
lors de l'AG du PPLD fin janvier assurait que « Si aujourd'hui on
entend parler réellement de la décroissance dans les
médias, c'est parce qu'on a une position radicale, radicale socialement,
radicale politiquement et écologiquement, alors que Europe Ecologie
c'est du libérale, je veux dire, ça saute aux yeux !
L'économie verte... Les gens sont pas dûpes ! (...) c'est pas
nous qui allons faire des alliances avec le NPA, c'est eux qui viendront faire
des alliances avec nous et là ça deviendra intéressant,
là il y aura une réelle évolution »114(*).
Néanmoins, pour les précurseurs du mouvement
politique de la décroissance (Vincent Cheynet par exemple), la politique
devait être l'espace particulier où pouvait s'exprimer la
pensée de la décroissance. Quelques militants interrogés
se placent également dans cette perspective : c'est le cas de
Claudio pour qui la politique doit être le lieu
« privilégié »115(*) de la diffusion des
idées de la décroissance. Dans les militants que Sophie Bossy
interrogent « peu sont membres actifs d'association, la plupart
rapprochant plutôt leur engagement à un style de vie particulier,
la simplicité volontaire, auquel s'ajoute la participation à des
actions et campagnes ponctuelles ». Elle concluait son étude
en disant que l'engagement politique serait « un engagement ponctuel,
au même titre que d'autres, fait en tant qu'individu militant mais non au
nom d'une organisation » 116(*). Ainsi le militantisme politique répondait
parfaitement à la définition de l'action collective
individualisée où l'agrégation des actes individuels forme
ou en tout cas institue un collectif. Or, un parti politique fonctionne (PPLD)
et une association à vocation politique (Association des Objecteurs de
Croissance, AdOC) s'est créée. On s'interrogera dans la
deuxième partie sur la mise en pratique politique et sur la
difficulté d'impulser un « mouvement » via le
politique qui apparaît comme un espace tendant à autonomiser ses
participants.
Partie 2 : Exister en politique autrement :
quelle organisation pour l'instauration d'un « mouvement
politique » ?
Dans cette seconde partie nous verrons la mise en pratique
dans la création d'une organisation du rapport particulier
qu'entretiennent les militants avec le champ politique. Comment les militants
entendent-ils se constituer dans le champ politique ? Dans quelle mesure
est-il possible d'exister en politique tout en ne faisant pas explicitement de
politique ? Nous verrons ainsi que les militants envisagent d'être
en politique différemment et ce faisant, voulant réhabiliter la
politique, afin d'instituer un « mouvement » politique et
social de la décroissance. Néanmoins, on esquissera
également les limites à ce projet qui se heurte à un champ
politique qui tend - et ceci renforcé par la défiance des
militants à son égard - à autonomiser ses participants,
ceux-ci risquant de se couper du « mouvement » - même
qu'ils voudraient instituer.
Section 1 : Envisager une autre manière de
faire de la politique : seul moyen de créer un
« mouvement politique ».
Dans cette section, nous montrerons la politique telle que les
militants de la décroissance veulent la pratiquer à
l'intérieur du champ politique. Celui-ci dispose de ses règles
propres et de ses enjeux propres117(*) : ce sont ces règles et ces enjeux que
les militants de la décroissance rejettent, voulant être en
politique sans faire de politique (entendu ici au sens de
« politique électoraliste ») Il s'agit en cela de
réhabiliter la politique qui tend - selon eux - à être
décriée, et ceci pour instituer un véritable
« mouvement » politique, équivalant et
représentant politique en quelque sorte d'un mouvement social se
construisant en parallèle.
I) Etre dans le champ politique sans faire de
politique.
En se présentant aux élections, notamment
Européennes, les militants de la décroissance sont entrés
du même coup dans un espace social qui - on vient de le voir - s'est
construit avec ses propres règles et les imposent - ne serait-ce que par
le droit public - aux nouveaux entrants. Dans l'introduction nous rappelions
à quel point il était difficile d'imposer de nouvelles
règles du jeu. Néanmoins, aujourd'hui, il n'est pas de nouveau
participant qui n'entende pas changer ces règles, en raison notamment du
discours ambiant de ses vingt dernières années pointant du doigt
une forme aigüe de la crise de la représentation et
légitimant ainsi des pratiques originales. Nous verrons ainsi que les
militants de la décroissance entendent également revoir la
politique telle qu'elle se pratique, manifestant une défiance
particulière contre la volonté de pouvoir et voulant opposer
à la hiérarchie « traditionnelle » des
« entreprises politiques »118(*), une pratique plus souple au
sein de l'organisation.
A) Contre l'organisation politique traditionnelle : de
parti, n'en avoir que le nom.
De nombreux travaux ont montré les grandes
transformations du militantisme à l'oeuvre au cours des dernières
décennies. Tendanciellement se diffuserait dans la population un esprit
porté à remettre en cause les médiations. Cela affecterait
la politique, mais pas seulement, en témoigne la remise en cause du
travail journalistique119(*). Néanmoins - et cette « crise de la
représentation » est là pour nous en convaincre - le
système politique de délégation tel que nous le
connaissons serait particulièrement visé. Ainsi, sous un double
processus - ceux de « l'élargissement important de la palette
des modalités d'engagement politique des citoyens » et de
l' « individuation et de la
personnalisation »120(*) - se manifesterait de plus en plus une
défiance vis-à-vis d'une politique dite
« traditionnelle » représentée pas les partis
politiques et plus précisément les partis politiques de masse
(tel que l'incarnait le Parti Communiste). S'il faut raison garder et rappeler
que c'est un processus tendanciel - la « remise de
soi » aux institutions dont parlait Bourdieu est toujours et reste un
principe essentiel tant que des disparités de capitaux sociaux et
culturels persisteront121(*) - il est néanmoins remarquable de noter que
le militantisme politique est travaillé aujourd'hui essentiellement par
cette volonté de faire de la politique autrement.
C'est-à-dire, entres autres, de créer une organisation politique
qui puisse garantir une démocratie interne, ceci afin de respecter la
volonté de chaque individu. Cette idée s'inscrit bien dans les
deux processus cités plus haut : l'organisation entend respecter la
multi appartenance des individus et donc entend respecter le choix propre de
chaque individu. Au déclin d'un militantisme dit traditionnel se serait
substitué un militantisme « post-it »122(*) ou « par
projet »123(*). On peut considérer alors, avec Florence
Faucher-King, qu'existe un « principe mimétique fort qui
incite les organisations à adopter les « mythes
institutionnels » des sociétés au sein desquelles elles
se développent »124(*). Les militants de la décroissance
s'inscrivent ainsi dans un paradigme organisationnel, fruit du processus que
l'on a constaté plus haut. Cette organisation se doit d'être le
plus possible démocratique et respecter les volontés de chacun.
Dans le champ politique, ce sont les Verts qui ont mis, en premier et de
façon la plus poussée, le souci de la démocratisation de
l'organisation comme un grand principe politique, aussi important que le
résultat aux élections.125(*) Malgré la vision respectueuse des
institutions des précurseurs qu'étaient Vincent Cheynet et Bruno
Clementin - due selon Sophie Bossy à leur faible multi positionnement et
donc à leurs faibles réseaux (malgré la tribune du journal
La Décroissance)126(*), les militants qui ont repris le PPLD à la
fin de l'année 2008 et ceux que j'ai pu interroger ayant fait partie de
l'aventure d'Europe Décroissance, ont une vision plus négative de
la pratique organisationnelle des partis politiques et entendent - sur cette
voie là - n'avoir de parti que le nom. En effet, conformément aux
idéaux qui les animent, les militants entendent créer une
organisation conviviale qui respecte l'avis de chacun, sans la moindre
volonté de domination. Ceci, j'ai pu le constater lors de l'AG du PPLD
à Lyon. La plongée ethnographique (si j'ose dire) permet ainsi
d'apprécier la délibération en train de se faire et d'en
percevoir ainsi la construction. Même si le nombre de participants
était restreint (moins d'une vingtaine), la volonté
affichée était l'écoute et le respect mutuel. Même
si quelques voix se sont élevées par moment (du fait que quelques
participants se connaissaient bien, et donc pensaient connaitre les travers de
l'autre...), tout était fait pour que chacun soit mis en confiance (moi
y compris !). Les « anciens » (ceux qui ont repris le
parti fin 2008) ont eu le souci pédagogique de remettre en contexte la
création du parti et ses aléas depuis le début pour les
nouveaux arrivants (dont certains n'avaient jamais mis les pieds au sein d'un
parti politique). La parole fut donnée à tour de rôle et
chacun était prié d'écouter ses camarades, y compris celle
des nouveaux arrivants pouvant apporter un regard neuf. Cette pratique - je le
redis, facilitée du fait du petit nombre des participants, -
était celle qu'il fallait à tout prix garder au sein de
l'organisation du parti. Cette question du type de relations entre les membres
est épineuse concernant la vie de l'Association des Objecteurs de
croissance (AdOC). Créée en septembre 2009 à Beaugency,
cette association - comme nous le verrons plus tard - entend rassembler ceux
qui se reconnaissent dans le projet politique de la décroissance.
Conformément aux précurseurs de l'entrée en politique, les
militants ont l'intention d'agir en politique. Mais très vite des
tensions sont apparues entre les militants du PPLD (ceux qui s'y investissent
le plus) et quelques personnes du MOC, cette structure informelle regroupant
elle-aussi des militants de la décroissance (s'appelant néanmoins
« objecteurs de croissance » et non décroissants).
Ces tensions révèlent essentiellement des problèmes
concernant la méthode de travail, celle notamment de la prise de
décision : « On n'a pas imposé des trucs, mais on
nous a suggéré des trucs, on était tellement surpris que
bon, allé on y va... Des réunions juste entre nous pour parler de
fond, se sont transformées en réunion de constitution,
d'assemblée et ça on l'a pas vu passer. » (Stephane
pendant l'AG) Chez les militants du PPLD, cette prise de décision
devrait relever d'une délibération collégiale, dans un
esprit respectueux de l'avis de l'autre ; ceci se concevant comme une
autre façon de faire de la politique, qui ne soit pas
hiérarchique et « verticale », comme l'était
la politique dite traditionnelle : « Est-ce qu'on retombe dans
les vieux conflits ? Ca explose, ça fait fuir les gens. On
était beaucoup après Beaugency à avoir des
déceptions. Quand on parle de politique autrement, c'est pas une couche
de peinture, ou un slogan, c'est qu'on a vraiment envie de faire les choses
autrement. Et pas envie d'être confronté à des vieilles
méthodes politiciennes. On ne sait pas quoi faire par rapport à
ça » (Vincent pendant l'AG). En conséquence, l'amalgame
était rapidement fait entre « politique
traditionnelle » et « vieux militants ». Les plus
motivés des nouveaux arrivants à l'hiver 2008 sont en effet tous
relativement jeunes (entre 30 et 40) et vierges de tout combat politique.
Ainsi, entre eux, ils s'appellent pour rigoler, mais aussi pour montrer leur
différence (pureté) les
« bisounours »127(*), ceux qui ne connaissent pas les rivalités
politiques et la façon ordinaire de faire de la politique.
Stéphane me dit ainsi : « Là, on est trop des
purs, si y a une virgule qui va pas « non ! » C'est un
peu ça, mais en même temps je comprends que ce soit un peu comme
ça »128(*). Il s'est révélé ainsi que les
mots jouaient un rôle de stigmatisation importante et étaient
employés dans le but de décrédibiliser une attitude ou une
action. La décision était alors jugée comme
« pyramidale », ne laissant aucunement place à la
délibération129(*). Cette « pratique politicienne »
de quelques uns peut aussi se voir comme un effet pervers de la volonté
de travailler de manière « horizontale ». Du fait de
la distance géographique qui sépare les adhérents de
l'AdOC, depuis septembre très peu de réunions ont eu lieu et les
liens étaient difficiles à tenir malgré Internet :
« Et très vite on s'est rendu compte qu'on n'arrivait pas
à... Donc c'est bien de ne pas être pyramidale mais on n'arrivait
pas à prendre des décisions. Quand on se voit tout le temps,
physiquement, on arrive à prendre des décisions parce que y a un
regard et le retour direct, par mail, le travail à
distance... »130(*). Durant les premiers mois, beaucoup de travail fut
réalisé concernant la plate-forme mais peu sur la
stratégie politique à adopter concernant les élections
à venir. Ainsi, les échéances du champ politique sont
venues enrayées un processus de construction dont quelques acteurs
l'imaginaient dégagés de tout investissement
« politicien ». Rejetant les principes organisationnels
traditionnels des partis politiques, les militants du PPLD entendent
également rejeter - que ce soit individuellement ou collectivement - ce
qui caractérise d'ordinaire un parti, la volonté de pouvoir.
B) Contre la politique politicienne : une suspicion
à l'égard de la volonté de pouvoir.
« Faire de la politique autrement » pour
les militants ne veut pas seulement dire essayer de s'organiser autrement,
c'est aussi rejeter le principe même du champ politique, à savoir
la conquête du pouvoir. Cette dernière, par les partis politiques
n'a jamais été perçue d'un très bon oeil par les
citoyens français - éduqués dans le culte de
l'intérêt général -, qui ne voient depuis longtemps
en eux que des sortes de factions131(*). Ainsi, ici il s'agit plus que de la simple
mal-représentation, mais bien de la remise en cause de leur fonction
même, celle consistant à obtenir le pouvoir donné par les
institutions. Les militants de la décroissance, encore une fois, se
placent parfaitement dans cette optique et marquent une véritable
défiance vis à vis de la volonté de pouvoir, qu'elle soit
personnelle - à l'intérieur de l'organisation, ce qui
équivaudrait à un besoin de domination qui, au regard de ce que
nous avons vu avant, est stigmatisé -, mais aussi et peut être
surtout collective - c'est-à-dire essayer d'être élu et
ainsi, jouer le jeu du champ politique et de ses institutions. Le moteur du
fonctionnement du champ politique est la possibilité de prendre le
pouvoir, or c'est ce principe même que les militants de la
décroissance rejettent. Facilement corrupteur (« c'est pour
ça que moi je démissionne de mon mandat parce que je pense, et je
vois que ça fonctionne bien le système, c'est-à-dire que
quand on met le doigt dedans, si on n'a pas une éthique personnelle et
puis un travail en groupe qui met les garde fou hé bien on met le doigt
dedans... »132(*)), le simple engagement dans le champ est
problématique : « après ce qui est
différent c'est sur la façon d'investir le champ politique,
institutionnelle ou pas, dans le cadre actuel ou pas... »133(*). Mais l'engagement pour
certains a eu lieu, et il s'agit bien d'agir différemment et d'utiliser
les institutions d'une autre manière que celle pour laquelle elle est
d'ordinaire pensée. Pour ces militants, il s'agit en effet, avant tout,
de ne pas s'afficher comme « électoraliste ».
Conformément à cette idée de faire du champ politique un
« moyen supplémentaire », celui-ci doit être
utilisé pour la cause et non pas être le lieu
d'accomplissement et donc de la dégénérescence de
celle-ci. Cet « accomplissement » craint est tout aussi
personnel que collectif. Ainsi, hormis dans le discours des militants, j'ai pu
observer durant l'AG, que le lieu du politique ne devait pas être
l'endroit où chacun devait se réaliser personnellement. C'est
à replacer dans le contexte de tensions qui était le leur pendant
l'AG : en accord également avec cette volonté de
transparence citée plus haut, plusieurs voix se sont
élevées pour faire remarquer la volonté de pouvoir de
quelques uns. Plus largement, pour ces militants le PPLD comme l'AdOC ne
doivent pas se corrompre dans « la course à
l'échalote », 134(*) la course au pouvoir et aux postes, qu'ils soient
locaux ou nationaux. Cette suspicion à l'égard de la
volonté de pouvoir, on a pu la voir à l'oeuvre dans les
préparatifs des élections régionales. Le processus de
création de l'AdOC prenait du temps aux militants et peu de gens se sont
intéressés tôt aux élections qui allaient venir. Une
poignée de militants ont ainsi pris les devants et ont signé un
accord cadre avec le NPA. De là naîtront nombre de tensions
à venir et l'épisode résume bien les doutes des militants
mais également illustre bien le propos tenu dans ces deux
dernières sous parties. Ainsi, pour certains membres du PPLD cette
initiative représente le « mauvais état
d'esprit » dans lequel il ne faut pas tomber. « Mauvais
état d'esprit » qui témoigne des vieilles
méthodes politiciennes, que ce soit dans la façon de faire ou
dans le but à atteindre :
« Un beau matin, je tombe sur ma boite mail :
meaning listes construites dans le cadre de l'adoc, dans lequelles on a mis nos
contacts ; moi j'ai mis mes potes, qui y croient quand je leur dis ce
qu'on fait dans l'adoc, et un beau matin, ils reçoivent un mail :
les objecteurs de croissance partent avec le NPA ! Ca va à
l'encontre de tout ce que je leur dit depuis des mois ! C'est une
trahison ! Humainement on ne peut pas travailler dans ces conditions
là ! C'est la méthode ! Et comment faire la politique
autrement avec ce genre de méthodes... »
« C'est une erreur politique si on ne part pas avec
le NPA » et c'est la politique à papa, quand je suis convaincu
d'avoir raison, toutes les méthodes sont bonnes pour y
arriver ! »135(*)
« ... ce texte là qui est sur le site, je
l'ai quand même mis sur le site de l'AdOC, il s'appelle Sans illusion
Sans attendre, il est bien, y a un super fond, il dit... En gros, il reprend le
projet et puis à la fin, il cadre une éventuelle alliance, donc y
avaient des conditions sur le second tour, appel à... Est-ce qu'on fait
des accords pour le 2nd tour... Et là on comprenait pas
pourquoi il disait ça ! Mais en fait, c'était un texte qui
était signé avec le NPA, et on a pas aimé que le texte
circule dans les boîtes mails sans savoir à quoi il servait. On
est confronté à ça depuis qu'on est avec ces mecs
là... »136(*).
Bien sûr, je n'entends pas prendre parti, et je tiens
à montrer ceci pour donner un exemple des problèmes possibles que
sont amenés des militants qui essayent de créer une politique
autrement.
De l'autre côté - si je peux dire -, celui du
MOC, bien sûr le son de cloche est différent et la démarche
ne se veut pas « politicienne »137(*) : « Ba le
fait que le MOC lance un appel commun avec le NPA, ça n'a pas
été apprécié par les gens du PPLD qui ne sont pas
sur cette stratégie là, qui veulent, eux, des listes 100%
décroissance. Ce qui est bizarre, c'est qu'ils reprennent le
« 100% à gauche de la LCR », c'est le
côté un peu... Alors que le NPA est plutôt en train
d'essayer de travailler collectivement, y en a qui essayent de refaire le
purisme... »138(*).
Ces tensions permettent de percevoir les difficultés
d'être en politique tout en se gardant d'y entrer pleinement. Les
trajectoires des militants et leur défiance vis-à-vis du
politique, comme nous l'avons vu, sont sources de conflit potentiel.
Malgré l'absence de concertations autour des
élections des régionales lors de la création de l'AdOC et
cet épisode brouillant un peu plus les gens entre eux et les
idées, des militants se présenteront quand même aux
élections régionales soit dans des listes uniquement
« décroissantes »139(*) ou intégrées dans des listes se
revendiquant de plusieurs sensibilités.140(*) Pour ceux qui partirent aux
élections, le choix d'intégrer ou pas des listes était
libre : « Oui, ba on a conclu hâtivement (à
Beaugency), pas d'alliance nationale, expérimentation
régionale ! »141(*). La décision appartenait aux militants qui,
ainsi, jugeaient la situation à l'aune de critères
idéologiques et les moyens humains disponibles. Ainsi, une liste
uniquement « décroissante » en Ile-de-France a
été obligée d'abandonner dans les derniers jours faute de
candidats. Dans d'autres régions, quelques militants tentèrent de
s'intégrer dans d'autres listes mais se retirèrent pour cause de
différends idéologiques142(*). Ainsi, les militants purent expérimenter une
relocalisation régionale de la politique, celle-ci apparaissant, au vu
des péripéties relatées, comme subie - alors que bon
nombre de militants, comme nous le verrons, entendent relocaliser la politique
de façon volontaire. Les différentes initiatives
régionales furent relayées principalement par le site Internet de
l'AdOC même si quelques relations entre régions se
nouèrent143(*).
« Faire de la politique autrement »
revient comme un leitmotiv dans la bouche des militants. On a pu voir que sa
définition - si tant est qu'il puisse en avoir une - n'était pas
encore clairement définie. Et pour cause : c'est ce
« flou artistique » qui peut faire office de
caractéristique fondamentale dans la mesure où cette façon
de faire est plutôt définie comme négativement,
c'est-à-dire vis-à-vis d'une « politique traditionnelle
et politicienne ». Néanmoins, essayer de créer une
autre façon de faire de la politique doit pouvoir requalifier
la politique - qui, bien sûr, n'est pas
déqualifiée pour ces militants - afin de redonner le goût
aux gens de s'investir en politique et ainsi instituer un « mouvement
politique » mais aussi social de la décroissance.
II) Réhabiliter la politique pour créer un
« mouvement politique » de la décroissance.
Vouloir changer la pratique du champ politique témoigne
pour ces militants d'une croyance, malgré tout, dans la politique. S'y
investir pour le changer c'est croire en sa capacité de changement et
donc dans une possible meilleure politique. Comme on l'a vu, c'est la politique
telle qu'elle se pratique par les acteurs présents dans le champ qui est
rejetée. Si les militants de la décroissance prônent ce
« faire autrement » c'est par défiance
vis-à-vis de cette volonté de pouvoir mais c'est aussi parce que
cette façon d'agir en politique sans faire de la politique est une
condition nécessaire à l'instauration d'un « mouvement
politique ». La décroissance pour ses militants est un projet
de société qui se double d'un projet citoyen, dont l'enjeu est
bien la constitution d'un mouvement politique et social.
A) Un projet de société se doublant d'un
projet citoyen.
Même si les règles sont à revoir, jouer
à un jeu nécessite tout d'abord de s'intéresser au jeu.
Nous avons vu, dans la première partie, que les théoriciens de la
décroissance avaient envisagé tout de suite le passage au
politique et quelques uns d'entre eux imaginaient la théorie de la
décroissance comme essentiellement politique (on peut penser à
Paul Ariès). La politique dans les discours des intellectuels mais aussi
des militants reste donc dans leur imaginaire un terrain où il est noble
de s'engager. Néanmoins, on l'a vu, il ne s'agit pas de s'engager comme
les autres, mais d'utiliser la visibilité que procure l'élection
en particulier pour faire avancer les idées de la décroissance.
Mais pour ceux ayant choisi de s'investir en politique comme les membres du
PPLD, il est évident que ce projet de société doit
être couplé à un projet citoyen, que cette façon de
« faire autrement » doit impulser. Faire de la
« politique autrement » c'est aussi essayer
d'élargir le champ des possibles afin de créer des passerelles
entre la politique et la « société
civile ».
Les militants que j'ai pu rencontrer tiennent en effet la
politique comme un espace noble de débat qu'il est nécessaire de
réhabiliter. Ceci est favorisé par le fait qu'ils
détiennent tous, comme on l'a dit, des capitaux sociaux et culturels
relativement élevés et qu'ils ont grandi et vieilli en
s'intéressant à la politique et en respectant ses institutions.
Stéphane, même s'il n'a jamais fait partie d'un parti, est
quelqu'un de politisé, ayant toujours voté et se disant
« quand même » de gauche :
« J'ai un souvenir en 81, j'avais 11 ans, à
l'école avec un copain, son père allait voter Mitterrand et le
mien Giscard. On s'était engueulait... J'étais de gauche,
très modéré donc quand j'étais jeune. De temps en
temps je provoquais... Un peu PC » (...) Tu t'es
déjà abstenu ? J'ai toujours voté moi.
J'étais vraiment le petit... bien propre sur
lui ! »144(*)
De même Thierry explique que s'intéresser
à la politique est quelque chose de
« naturel » :
« Vous êtes entré facilement
dedans ? Ba moi, la politique ça m'a toujours
intéressé, d'un point de vue familial, plutôt issu d'un
milieu, on va dire droite, conservateur, toujours des débats politique
assez virulents... C'est toujours un milieu qui m'a
intéressé... »145(*).
Pour ces deux personnes, leur investissement politique
apparaît comme un engagement en réaction vis-à-vis de leur
milieu familial ou de vie : ... « Il y avait ce
côté un peu disciplinaire. Je ne me reconnaissais pas dans les
manifs un peu... Manifs de profs quoi. Elles sont budgétisées par
le gouvernement. On fait notre petite manif et demain rien, on demande presque
l'autorisation si on peut faire la manif. Une manif, une vraie, on ne demande
pas l'autorisation ! »146(*)
Cette socialisation à la politique contribue à
faire persister chez les militants un respect pour la politique, celle-ci
étant entendue comme un engagement citoyen :
« De manière qu'il y ait un maximum de
citoyens qui s'emparent des questions politiques. Parce que plus y aura des
citoyens qui s'empareront de ces questions, moins ça prendra des
dimensions à chaque fois de pouvoir et tout
ça... »147(*)
C'était la première fois que tu
côtoyais un milieu politique ? Ouais, enfin non c'est
compliqué, ca dépend de ce qu'on entend par politique...
Politique au sens action dans la Cité, action citoyenne, enfin
citoyenne, action militante ou quoi, j'avais déjà les pieds
dedans... »148(*).
« Faire de la politique autrement », comme
nous le verrons, équivaut aussi à élargir les domaines de
politisation, c'est-à-dire élargir le champ politique. Et ceci,
comme pour les Verts, dans une logique de responsabilisation des citoyens qui
« constitue une étape indispensable à la transformation
du social »149(*).
Pour les militants politiques de la décroissance, la
politique est à la fois le lieu de visibilité du thème de
la décroissance et un lieu où l'engagement, s'il se
réalise « autrement » - c'est-à-dire en
n'étant pas électoraliste150(*), en rejetant la professionnalisation (corruptrice
donc), et en élargissant l'espace des possibles du champ politique -,
peut et doit aboutir à la création d'un véritable
« mouvement politique » de la décroissance, qui
s'inscrit aussi bien à l'échelle nationale qu'au niveau local, se
manifestant ainsi comme un véritable mouvement social.
C) Un enjeu : créer un « mouvement
politique ».
Bien que les militants ne voient dans le politique qu'un
« moyen supplémentaire » pour faire avancer les
idées de la décroissance, il est important néanmoins de
rappeler que la théorie de la décroissance a été
construite essentiellement pour la politique. Cet investissement citoyen que
les militants entendent retrouver par une autre façon de faire de la
politique a comme objectif de créer par la même occasion ce qu'ils
appellent un « mouvement politique ». Celui-ci aurait comme
caractéristique de ne pas s'en tenir à ce qu'ils peuvent appeler
la « politique spectacle », la « politique
électoraliste » : « L'objectif
c'est ça, c'est de faire un mouvement politique, c'est de rappeler que
la politique c'est pas que des élections... »151(*). Grâce à cette
autre façon de faire de la politique se créerait un
« mouvement » qui ne ferait pas seulement amener plus de
gens à s'investir dans le champ politique mais élargirait
également ce qu'on entend par « politique ». La
politique, sous la forme d'une tentative de prise de pouvoir sanctionnée
par un vote existe - et on a vu que les militants sont respectueux du
débat politique et de l'acte de vote -, mais elle ne suffit pas et il
s'agit de politiser toutes les actions collectives locales. Cette politisation
servirait à créer un mouvement social à travers le
politique. On a vu, grâce notamment à la notion
d' « action collective individualisée », qu'il
existe une action protestataire locale et individuelle qui, même si elle
s'inscrit dans une cause à défendre plus globale (même si
les projets alternatifs locaux s'accommodent aussi d'une
« clientèle » plus ou moins
« passive »152(*)), n'existe politiquement que sous une forme latente.
La théorie de la décroissance, comme ses militants entendent -
paradoxalement si l'on peut dire - représenter cette population qui
désire avant tout s'investir dans le local. On peut écrire que
les militants espèrent, en quelque sorte, instituer un mouvement social
se réclamant du projet politique de la décroissance.
Néanmoins, bien sûr, au vu de ce qu'on a analysé plus haut,
il ne s'agit pas de « représenter pour
représenter » comme le ferait, selon ces militants, un parti
classique, profitant des règles du champ politique pour transformer des
désirs (ou créer ?) en capital électoral. Ici,
rappelons-le, les militants entendent diffuser un changement des consciences
dans le corps social et ceci n'est réalisable qu'en liant tous les
espaces sociaux. Plus précisément donc, la « mise en
forme du social » - pour reprendre la fameuse expression de Claude
Lefort - serait produite par le politique, qui serait lui-même
élargi pour englober le social lui-même. Ce lien nécessaire
entre ce qu'on a appelé « la société
civile » et la politique (cette dichotomie, résultat de
l'histoire du vingtième siècle153(*) renvoi ainsi à un champ politique restreint,
finalement peu différent de la « politique
électoraliste ») doit se réaliser à travers une
association, l'Association des Objecteurs de Croissance (AdOC). Cette
association, créée au mois de septembre 2009, entend, non pas
fédérer (« Mais on est pas là pour
fédérer les décroissants, parce que les
décroissants veulent pas être fédérés, ils
veulent être local, indépendant, pas entendre parler de partis.
Donc il faut les deux à la fois »154(*)) mais créer du lien
entre le social et le politique tout en favorisant la mobilisation
politique.
Le fonctionnement de l'AdOC a été
perturbé en raison des tensions que l'on a analysées plus haut.
Néanmoins, il est intéressant de revenir sur
l' « esprit » de l'AdOC et comprendre ce qu'elle
entend réaliser plus concrètement. Il s'agira alors appuyer
l'idée qu'elle entend être un instrument politique dont le but -
bien loin d'être « électoraliste » - n'en
demeure pas moins d'inciter les gens à s'engager politiquement. Nous
esquisserons les premières limites à cette création d'un
« mouvement politique », dont celle du risque d'une
autonomisation des militants « s'occupant » de
politique.
Section 2 : Ambitions d'une organisation
« décroissante » et premières limites
à l'instauration d'un « mouvement politique ».
Après avoir étudié l'ambition des
militants de la décroissance d'élargir le champ des possibles du
politique et de créer un « mouvement politique »,
nous examinerons les moyens mis en place par ces derniers pour y arriver. Comme
nous l'avons évoqué, l'instrument de la
« révolution des consciences » tend à se
matérialiser dans une association (AdOC), à la frontière,
comme se veulent les militants, de cette « société
civile », lieu de la mise en pratique d'alternatives
concrètes, et du politique, lieu de la « mise en
forme » de ces initiatives. Il s'agira de regarder de plus
près la manière dont les militants entendent faire fonctionner
l'association, quels sont ces buts et les moyens d'y parvenir. Nous
esquisserons dans un second temps les premières limites à la
création d'un « mouvement politique » via cette
association qui entend pourtant - en dépit de sa volonté de
politiser le social - amener à s'investir d'avantage dans le champ
politique. Nous verrons ainsi que la défiance du politique reste forte
et cela risque de « sédentariser » des militants qui
ne s'occuperont, eux, que du versant « politique ».
I) La création d'une organisation reflet :
l'association aux multiples niveaux d'action.
La plateforme de la l'association est le socle commun des
« objecteurs de croissance » et des
« décroissants ». Elle a été
rédigée essentiellement pas un militant155(*), mais n'en pas moins
été pensée depuis quelques années
déjà, en témoigne par exemple la contribution de Paul
Ariès dans La France Rebelle qui estime que les militants de la
décroissance doivent investir trois
« niveaux »156(*) d'action. Dans le texte de la plateforme, les
« pieds » ont remplacé les
« niveaux » mais l'esprit reste le même : la
construction d'un projet social et politique qui entend créer un
réseau de militants se reconnaissant dans le projet politique de la
décroissance. Nous examinerons ainsi ce projet qui entend créer
une « maison commune » rassemblant mais aussi respectant la
diversité des trajectoires et des attitudes, en cohérence avec
l'idée que la décroissance est avant tout « un
chemin ». Nous insisterons plus particulièrement ensuite sur
le fait que l'association - via son troisième
« pied » -, s'imaginerait être aussi l'instrument
politique, témoignant ainsi de la réalité du
« mouvement politique ».
A) L'esprit de l'AdOC : devenir la « maison
commune ».
En 2008, « déjà se posait la question
de la création d'une maison commune des Objecteurs de Croissance, et
beaucoup pensaient déjà et même avaient commencé
à mettre en oeuvre l'idée qu'il fallait ne pas construire un
parti centralisé, mais une Confédération s'appuyant sur
les Régions »157(*). Cette phrase illustre bien ce qu'entend être
l'AdOC : à la fois le lieu où sera rendu visible la
décroissance, et ainsi permettre à des gens de rejoindre
l'association pour y travailler « en
cohérence »158(*), en promouvant toutes les formes d'alternatives. Ce
serait cela la « maison commune ». Mais ce serait aussi le
lieu d'une nouvelle façon de faire de la politique, qui passerait par
une « relocalisation de la politique » afin de
« repolitiser la société et resocialiser la
politique »159(*). Cette dernière dimension sera davantage
étudiée dans le détail dans la prochaine sous-partie.
La plateforme de convergence de l'AdOC présente
l'association comme un moyen de faire « converger » dans un
même lieu toutes les initiatives individuelles et collectives, et ceci
afin de rendre visible le projet de société de la
décroissance. A l'instar, comme nous l'avons vu, de Paul Ariès
qui proposait trois niveaux d'action, cette visibilité doit être
créée via trois dimensions : « Celle de la
présence non-électoraliste dans le champ politique classique :
par les manifestations, les pétitions, les campagnes électorales,
des élus, des soutiens critiques et ponctuels à des
majorités, pour permettre des avancées et la pérennisation
d'expérimentations sociales, écologiques et
politiques » ; « Celle des expériences et des
sorties immédiates du capitalisme : par les alternatives
concrètes et les contre-pouvoirs » ; « Celle du
projet : par les uto-pistes mises en
cohérence »160(*). Ces trois dimensions seraient ainsi mises en
cohérence au sein de l'association. Les adhérents de celle-ci
mettraient en oeuvre des « alternatives concrètes »
et des « uto-pistes collectives » pour sortir
directement du capitalisme, sans attendre une prise de pouvoir
révolutionnaire.
Les « alternatives concrètes » font
référence à un mode de vie différent, qui ne serait
pas conditionné par le consumérisme et le productivisme. Elles
englobent la « simplicité volontaire » qui est mise
en valeur, comme nous l'avons vu, par le journal La Décroissance, et des
« expérimentations concrètes » amenant
à essayer de « produire de la richesse
autrement »161(*). La « simplicité
volontaire », comme l'explique Paul Ariès, « n'est
pas la reprise du discours sur les « petits gestes » qui
sauvent la planète mais bien une tentative de sortie de la sphère
de la consommation ». Cette façon de vivre
« chichement » a son manifeste : Quand la
misère chasse la pauvreté de Majid Rahnema162(*). L'auteur - ancien diplomate
et ministre iranien - remonte le cours de l'histoire pour nous rappeler les
différentes visions de l'humanité sur la
« qualité » de pauvre. Il explique ensuite comment
l'économie moderne
(« économiciste »163(*)) a changé l'adjectif pauvre en substantif et
a uniformisé sa définition de l'extérieur, via
des grandes institutions internationales, et ceci sans jamais demander aux
populations concernées la définition qu'elles donneraient
à leur état. Sortir de
l' « économicisme » pour l'auteur implique
d'abord de ne plus accepter ce qui est son moteur : la création de
désir. Pour cela, il faut arriver à réhabiliter la notion
de pauvreté volontaire qui est alors « le choix libre et
éclairé d'un être humain de sa quête de
bien-être conduit à vivre dans la plus grande simplicité,
quel que soit le contexte extérieur. Ce choix radical traduit un
désir de se libérer de toute forme de dépendance
matérielle qui risquerait de nuire à cette quête. Qu'il
relève de la foi religieuse ou de croyances profanes, il se fonde sur la
conviction que les voies du plus-être ne sont pas celles du
plus-avoir »164(*). Cet ouvrage - comme son auteur, vivant
dorénavant en France et participant à des manifestations
prônant la décroissance telle que les marches pour la
décroissance -, est souvent cité parmi les
références chez les militants. La « simplicité
volontaire » entend donc inverser les valeurs dominantes, et rejeter
« le culte de l'argent, de la technique, du
paraître »165(*), pour réévaluer un mode de vie plus
simple fait davantage de liens sociaux que de biens matériels. Mais
comme le souligne Paul Ariès, cette « simplicité
volontaire » - bien que nécessaire - est insuffisante parce
qu'elle « ne remettrait pas en cause les structures de la
société »166(*). Cette idée est présente au sein de
l'AdOC puisque l'association entend non pas seulement mettre en commun ces
expériences individuelles mais créer des expériences
collectives. Il est besoin de mettre en cohérence et en lien des
« expérimentations collectives » et ceci afin de
trouver des alternatives concrètes et locales au capitalisme. Comme on
l'a déjà vu, ces expérimentations prennent la forme de
coopératives, de SEL ou d'Associations pour le AMAP etc. L'association
des objecteurs de croissance intègrerait alors les causes de
l'alter-consommation défendues localement par ces
« entreprises » collectives d'un nouveau genre, non pas
fondé en priorité sur le profit mais d'abord sur la
réappropriation de sa consommation.
Les « uto-pistes » ou
« uto-pistes concrètes »167(*) se distinguent difficilement
des « expérimentations collectives »,
néanmoins, on peut attester d'une volonté de « monter
en généralité ». Elles seraient des propositions
de politique plus globales, dont la participation politique - comme nous le
verrons -, permettrait de les rendre publiques.
L'AdOC apparait donc comme l'instrument permettant de mettre
en lien et en cohérence des démarches locales qui, bien que
s'inscrivant dans une cause semblable, ne s'inscrivaient dans la protestation
que de manière latente. Cette mise en cohérence se veut donc par
la même occasion construction d'un mouvement social marqué par son
hétérogénéité, mais aussi par sa commune
appartenance à l'anti-consumérisme et à la
décroissance. Les militants de la
« décroissance » font ainsi de celle-ci non pas un
bloc idéologique répondant a priori à toutes les
questions posées mais au contraire comme une pensée en mouvement
intégrant et se construisant via l'expérimentation
d'alternatives. D'ailleurs, l'AdOC se considère comme une
boîte à outil de la décroissance en quelque sorte
puisqu'en son sein, elle envisage la création de dispositifs permettant
d'améliorer cette cohérence mais aussi de créer des
nouveaux moyens de se détourner du capitalisme. Ainsi, dans les statuts
de l'AdOC, il est inscrit que le collège de l'association comprend le
bureau administratif, les porte-parole nationaux mais aussi des groupes de
travail (« locaux et / ou régionaux »). La charte de
fonctionnement interne en discussion à l'AG de Beaugency 2 (18-19 avril
2010), précise cela : « Les référents des
groupes de travail doivent coordonner les réflexions et actions des
personnes qui y participent et rendre compte de l'état d'avancements des
travaux engagés. Ils cèdent ce rôle tous les deux ans par
alternance pour assurer une continuité à un autre membre du
même groupe de travail (GT) ». De nombreuses missions sont
assignées à ces référents : celles de
communiquer à l'intérieur et à l'extérieur de
l'association (notamment via Internet, ce qui veut dire une mise à jour
du site Internet), de préparer les élections et
d' « analyser les expérimentations électorales
autour de la décroissance », d'organiser des
événements autour des thèmes de la décroissance
(« rencontres, débats, projections, séminaires,
conférences »), de travailler sur le fonctionnement interne de
l'organisation (« travail de réflexion sur les statuts et la
charte de fonctionnement interne, réflexions sur le fonctionnement des
groupes locaux »), de réaliser des
« projets » : « rédaction collective
d'articles de fond, travail en commun sur le projet de Manifeste, animation
d'ateliers de réflexion sur la gratuité, pour la mise en pratique
de projets alternatifs localement, démontrant la faisabilité des
idées portées par la Décroissance : villes lentes,
AMAP, etc. »168(*). Si cette charte s'est construite après la
première assemblée générale, son contenu n'est
était pas moins dans les esprits en dépit du « manque
de travail sur les statuts » durant cette réunion :
« (...) en disant : on va faire la politique autrement ; on
est dans une logique transitoire, logique participative et ouverte et on
définissait des objectifs : organiser dans les 6 mois une nouvelle
assemblée générale pour proposer des statuts et en
parallèle construire une structure dans l'adoc avec un certain nombre
d'ateliers, avec des groupes, des référents pour constituer des
groupes locaux, par rapport aux relations extérieures (partis, autres
mouvements), relations internationales et on est sorti avec un collège
de 25 personnes, sur la base du volontariat avec 4 porte parole avec des
référents avec des missions »169(*). L'association se veut ainsi
un réservoir d'idées où chaque initiative devrait
être encouragée et dont l'originalité serait sa force. En
accord avec l'idée que « la Décroissance ne doit pas
seulement être le but d'un tel projet mais aussi son chemin et sa
méthode »170(*), l'association entend respecter la diversité
des approches et même, comme on vient de le constater, inciter à
la création d'initiatives. Il ne s'agit pas de tomber dans
l' « unitude »171(*), mais bien respecter à la fois les
identités personnelles et les différentes trajectoires, comme les
multi appartenances. Ainsi, l'association - se distinguant dans l'esprit et non
en droit d'un parti - se voudrait un lieu de rassemblement dans la
diversité, et par là même accepterait par exemple des gens
issus d'autres partis. La seule condition serait alors de s'inscrire dans la
démarche de l'association : promouvoir la décroissance via
différentes approches dont l'expérience politique. C'est ce
second point, l'association comme instrument à la création du
mouvement politique, que nous analyserons dans la partie suivante.
A) L'association comme instrument politique de la
décroissance.
L'association est pensée comme le lieu où seront
reliées les « expérimentations
concrètes » mais aussi comme un instrument à la
création d'un mouvement social et politique de la décroissance.
On l'a vu, à l'intérieur des trois niveaux d'action que se
propose d'investir l'association, est mentionné le champ politique.
Celui-ci se devant être investi de manière
« non-électoraliste ». La décroissance ayant
été théorisée pour la politique et les militants de
la décroissance étant dans des organisations politiques (en
dépit de leur volonté d'originalité), l'association est
imaginée toute entière comme un instrument de politisation.
Conformément à la volonté des militants de créer un
« mouvement politique », l'association entend politiser ce
qui est d'ordinaire laissé au « social », ce qui
n'appartient pas à la « politique
électoraliste ». Ainsi, si la « politique
électoraliste » reste bien un « moyen
supplémentaire », toutes les actions sont amenées
à être politisées et à se revendiquer d'un projet de
société « décroissant » :
« l'objectif c'est ça, c'est de faire un mouvement politique,
c'est de rappeler que la politique c'est pas que des
élections... »172(*). Néanmoins, l'investissement dans le champ
politique « classique » est ce qui rassemble ceux qui ont
participé à Europe Décroissance et ceux qui ont
créé l'AdOC173(*) : (...)confirme sa volonté de rassembler
autour de sa
plate-forme de
convergence l'ensemble des Objecteurs de Croissance
souhaitant intervenir sur le plan politique »174(*). Ainsi, bien que les
militants soient - je le rappelle - dans l'espérance de
« repolitiser la société », l'acceptation de
la participation au « champ politique classique » sert de
premier discriminant à l'engagement dans l'association. Même si
les militants entendent être dans le champ politique en faisant de la
« politique autrement », ils considèrent ce moyen
comme nécessaire à la création d'une société
« soutenable ». C'est dans cette perspective que les
organes politiques que sont le PPLD ou le MOC (même si celui-ci n'a pas
d'existence légale ; il a néanmoins été
représenté dans les élections régionales :
Christian Sunt s'est présenté sur les listes du
Languedoc-Roussillon et on le présentait comme appartenant au MOC)
étaient voués à se dissoudre à l'intérieur
de l'AdOC. D'ailleurs, après la création de l'AdOC, des membres
du PPLD envisageaient la prochaine AG du parti comme le moment de la
dissolution. Bien que bénéficiant d'une mauvaise image, le champ
politique reste un moyen efficace pour les militants de rendre visible le
thème de la décroissance. La décroissance se voulant un
projet de société pour ses militants, les échéances
électorales se perçoivent comme des bons moyens d'exposer ses
« uto-pistes ». Ainsi, les deux listes autonomes qui se
sont construites pour les élections régionales ont utilisé
le logo de l'AdOC et le site de cette dernière
« hébergeait » la façade interactive des
listes. La création de ces listes fut l'occasion pour les militants de
construire ces « uto-pistes » dans une optique
globale : la « relocalisation ». Conformément
à l'idée de lier les niveaux d'action, ces propositions
envisageaient des réformes locales basées sur des idéaux
de vie plus généraux175(*). Les différentes tentatives de
création de liste dans les régions témoignent bien de
l'investissement qu'entendent fournir les militants de l'AdOC dans le champ
politique dit « classique ». Cela se transcrit donc par la
création de listes, la constitution d'un programme, et d'une
démarche qui, si elle se veut originale par son contenu, n'en demeure
pas moins respectueuse de la forme d'engagement conventionnelle que revêt
l'élection. Ce respect, on l'a dit, transparaissait déjà
dans les débuts de la « décroissance
politique » où « le choix du terme parti (PPLD)
s'est fait pour ancrer le mouvement dans la tradition de la démocratie
représentative même si le PPLD se veut un
contre-pouvoir »176(*). Les militants qui, aujourd'hui, font partie de
l'AdOC sont des gens soient déjà politisés par des
institutions politiques, peut être pas
« traditionnelles », mais en tout cas participant
activement au jeu politique institutionnel - comme Thierry, soit mués
avant tout par la participation politique - comme Stéphane. Ainsi, voici
le paradoxe devant lequel se trouve l'association : le socle commun des
militants de l'AdOC est l'investissement dans le champ politique, et ceci afin
de créer un « mouvement politique », or c'est bien
ce champ politique dit « électoraliste » qui joue,
dans bon nombre de cas, un rôle dés-incitateur à
l'engagement. Elle intègre avant tout des militants prêts à
investir le champ politique classique pour créer un
« mouvement politique » qui se définit - en
opposition - par l'élargissement de ce même champ. Ce paradoxe
sous-tend d'emblée des limites au projet d'amener les militants à
s'investir en politique - puisque c'est bien de ça qu'il s'agit aussi -
pour créer ce « mouvement politique » de la
décroissance. Ainsi, la prochaine partie analysera ces problèmes
liés à ce paradoxe, qui pourraient venir contrarier cette
volonté d'impulser une dynamique politique large.
II) La politique comme moyen supplémentaire :
les difficultés à amener un « mouvement
politique ».
Pour devenir adhérent de l'AdOC, il faut adhérer
à la plateforme de convergence qui envisage de créer le projet
politique de la décroissance via les trois pieds. Ainsi, intégrer
l'AdOC, c'est intégrer l'idée d'une participation - non
électoraliste certes - au champ politique, via notamment les
élections. Or, dans cette partie, nous aimerions soulever le
problème que fait peser cette participation au champ politique dans
l'optique d'une création d'un mouvement qui entend justement
élargir ce champ. En effet, nous verrons que ce « moyen
supplémentaire » qu'est « le côté
spectaculaire » n'incite pas - bien au contraire - à
l'investissement dans un projet social et politique et cela tend à
autonomiser les acteurs proprement politiques, ce qui rend le projet de
« re-politisation de la société »
problématique.
A) Les difficultés à maintenir un lien
politique.
L'AdOC est pour les militants le lieu où doit se
construire le projet de société de la décroissance en
créant un réseau d'actions mais aussi un « mouvement
politique » en cohérence avec l'idée que la
décroissance s'est théorisée essentiellement pour le
politique. Pour certains militants, l'association est toute entière une
« organisation politique » : ainsi Michel Lepesant a
écrit, à l'été 2009, une sorte de manifeste des
objecteurs de croissance177(*) : les niveaux d'action sont appelés
« pieds politiques » (« pied des
expérimentations, pied spectaculaire, pied du projet »).
L'association est donc un véritable projet politique aux deux sens du
terme : un projet de société et un projet de
réhabilitation de la politique au « sens
noble »178(*).
Le premier ne va pas sans l'autre - sans une réappropriation par le
citoyen des moyens de créer son propre avenir. Cette
réappropriation passe nécessairement par un élargissement
du champ politique, entendu non plus seulement comme « la course
à l'échalote ». Cette politisation du social -
qu'entend être ce « mouvement politique » -, passe
par différents canaux : la simplicité volontaire, les
expérimentations collectives et la visibilité dans le champ
politique. Pour pouvoir élargir ce champ politique, les militants
entendent investir - d'une autre manière, certes -, ce champ tel qu'il
est et ceci pour améliorer la visibilité de leur combat. Ainsi,
adhérer à l'association équivaut à accepter tous
les niveaux d'action et d'en politiser les effets, notamment lors des
élections. Or, on peut d'ores et déjà émettre
l'hypothèse que cet investissement dans le champ politique - compris
donc comme condition à la publicisation et donc à
l'émergence du mouvement - est un facteur dés-incitatif pour
beaucoup de personnes, à la fois engagées de multiples
façons et préférant l'action concrète (comme on l'a
vu plus haut) et se méfiant du champ politique électoral. Les
deux facteurs - la préférence pour l'action locale et
concrète et la défiance du politique - se renforçant
mutuellement. Pour commencer à tester cette hypothèse qui veut
que les décroissants « ne veulent pas être
fédérés, ils veulent être local, indépendant,
pas entendre parler de politique et de partis »179(*), on peut s'appuyer sur le
témoignage de Mathilde que l'on a croisé plus haut lorsqu'elle
disait que la « politique spectacle » n'était qu'un
moyen en plus pour se donner de la visibilité. En effet, pour elle, le
thème de la décroissance doit pouvoir se montrer dans le champ
politique. D'ailleurs, dans cette optique, elle a participé à
l'expérience d'Europe Décroissance pour pouvoir « en
parler aux gens »180(*). Néanmoins, on a vu qu'elle envisageait la
politique comme une sphère plus large que le seul champ
« électoraliste » (C'était la
première fois que tu côtoyais un milieu politique ?
Ouais, enfin non c'est compliqué, ca dépend de ce qu'on
entend par politique... Politique au sens action dans la Cité, action
citoyenne, enfin citoyenne, action militante ou quoi, j'avais
déjà les pieds dedans...). Elle envisage donc
déjà son militantisme local comme un engagement
politique à part entière. De ce point de vue, elle n'envisage pas
de continuer l'aventure « politique au sens restreint », et
préfère d'abord se rendre utile dans les associations et
collectifs locaux : « (...) parce que j'ai pas envie de mettre
mon énergie dans ça, c'est vraiment un choix personnel même
si je peux trouver que c'est bien qu'il y ait des listes décroissance,
moi je vais préférer m'investir dans d'autres choses localement.
Et je suis beaucoup dans un questionnement en ce moment sur « comment
je me positionne par rapport à la politique institutionnelle etc. donc
je suis pas prête à entrer dans cette démarche
là »181(*). Ainsi, la politique reste pour elle un champ de
contraintes qui impose des postures et des positionnements qu'elle refuse
d'adopter. Le champ politique est perçu comme un champ de contraintes
donc mais aussi comme un champ de tentations : (...) « De toute
façon dès que les gens sont au pouvoir, quoi qu'ils aient promu
avant, ca tourne pas forcément (rires), voilà il y a quand
même une sorte de... ba d'ambition au niveau des gens qui sont au
pouvoir... ». Bien que ces idées soient aussi présentes
chez les militants politiques de la décroissance (du PPLD par exemple),
elles ne sont pas un obstacle à leur engagement lors d'élections.
Pour eux, la possibilité de visibilité qu'offre une
élection passe avant leur défiance vis-à-vis du
système qu'ils caractérisent
d' « électoraliste ». Il n'en est pas de
même pour Mathilde qui n'a pas renouvelé l'expérience lors
des élections régionales malgré la sollicitation de
militants ayant participé à Europe Décroissance :
« On ta relancé ? Ba Thierry, ba si, en fait
tous ceux qui étaient sur la liste d'Europe décroissance, je
crois qu'il a envoyé des mails en proposant de commencer à
préparer les régionales. Je sais qu'il y a des réunions,
qu'il ya des choses. Mais moi j'ai dis clairement que je ne m'impliquais pas
cette fois-ci, que je suis, voilà, comme ça, de
loin »182(*). Appartenant au Collectif Nantais pour la
Décroissance, elle fait le même constat pour ses amis :
« Ils sont encore plus suspicieux ?
Oui ou ils sont encore moins dans une démarche allant vers
ça ou ils sont plus proches d'Europe Ecologie, du
NPA... »183(*). Cet exemple montre à la fois le faible
niveau de rétribution (la participation politique implique un fort
investissement sans que cela n'apporte d'effets tangibles, contrairement
à l'action locale) et la coupure vis-à-vis d'un champ politique
qui apparaît être un lieu à part, là
où il est tentant de s'enfoncer dans le jeu sans que celui-ci ne soit le
lieu principal de transformation de la société. Un exemple ne
démontre rien, néanmoins, il permet peut être de pointer du
doigt le risque qu'encourt une association comme l'AdOC qui entend créer
un « mouvement politique » en réhabilitant la
politique. La première mission que se donne l'association s'est en effet
de créer des « passerelles » entre les niveaux
d'action et ceci notamment via l'action politique. Or, c'est cette action
politique qui apparaît comme le premier obstacle à la
création d'un mouvement plus vaste. Le risque est plus
précisément de voir les militants de l'AdOC - ceux qui entendent
apparaître dans le champ politique - se déconnecter de
ceux-là mêmes qu'ils entendent relier, et ainsi représenter
plutôt qu'instituer un réel mouvement.
B) Les effets du champ politique : le risque
d'autonomisation des participants.
L'association que veulent construire les militants de la
décroissance se positionnerait entre le politique et le social -
« socialisant la politique et politisant le social -, brouillant
ainsi cette frontière que la notion de « champ
politique » tend à créer. Or, dans les esprits des
militants, cette frontière persiste toujours et franchir le pas pour
participer à la compétition politique - même sans que
celle-ci soit estimée - semble, à première vue, une
espérance difficilement applicable. Cette difficulté à
maintenir un lien des acteurs locaux avec le champ politique est une limite
à la création d'un « mouvement politique ».
Cela aurait pour conséquence un détachement du travail politique
vis-à-vis des autres espaces d'action. Au-delà du fait que cela
pourrait se traduire par un travail local constant et une participation
politique ponctuelle comme l'écrit Sophie Bossy : « un
engagement ponctuel, au même titre que d'autres, fait en tant qu'individu
militant »184(*), ce qui confirme son hypothèse que la
décroissance appartient bien au « consumérisme
politique » dans le sens que ses militants utilisent la politique
comme un moyen en plus, intégrant ainsi la politique dans
l' « action collective individualisée » qui
serait le propre des militants de l'anti ou de l'alter-consommation. Mais elle
ne prenait pas en compte la création de l'AdOC pour laquelle les
militants doivent apparaître en politique en tant qu'association et non
plus seulement en tant qu'individus isolés, et ceci afin d'amener un
« mouvement politique ». L'AdOC, on l'a vu, entend
créer une « maison commune » où chaque
échelle de protestation serait reliée les unes des autres et
où chacun participerait à la « tâche »
politique. Or, c'est la répartition des tâches sans
ciment politique qui guette l'association où l'action politique
pourrait relever d'une spécialisation d'un petit nombre d'individus.
Ainsi, l'exemple de Mathilde plaide en la faveur de cette spécialisation
de la tâche politique. Comme pendant à cet exemple, Sophie Bossy
montre par exemple que les deux personnes qu'elle a interrogées - comme
les initiateurs du passage en politique -, ne sont que très peu
investies dans d'autres champs d'activités : « si
l'engagement décroissant est un engagement total dans le sens qu'il
englobe de nombreuses sphères de la vie de ses adeptes, nous avons
été surpris de constater qu'il ne se traduit que très peu
par des implications de type associatif ou syndical »185(*). C'est ce que nous avons pu
remarquer également durant l'AG du PPLD où les membres les plus
actifs dans l'organisation s'investissaient uniquement ou presque dans l'action
politique et avaient très peu de liens avec le monde associatif ou
alternatif. C'est le cas de Stéphane par exemple qui, s'il est
très actif dans la construction du projet politique (et adoptant un
style de vie en cohérence avec la « simplicité
volontaire ») n'a pas d'expérience dans le milieu militant
associatif. Il en est de même pour Vincent dont nous avons cité
les propos à plusieurs reprises : ingénieur de
métier, il est sans doute la personne au sein du PPLD la plus
motivée par le projet politique mais ne dispose pas, lui non plus,
d'ancrage associatif local. Il apparaît ainsi que les créateurs de
l'AdOC sont les personnes les plus motivées par le projet politique
avant tout et ne représentent qu'une partie relativement mince
de l'ensemble des militants. Beaucoup d'autres, comme Mathilde ou Thierry qui
sont « multi positionnés » entendent
préférer avant tout leur investissement local, qui leur
apparaît tangible et durable. En lieu et place d'une institution d'un
« mouvement politique » de la décroissance, il est
à craindre que les militants de l'AdOC - « uni
positionnés » et ne rechignant pas à la tâche
politique - ne feront que représenter dans un champ politique
distinct les personnes qu'ils entendent amener à la
« politique autrement ».
Conclusion
La décroissance est un projet politique parce qu'il
entend être un projet de société et un projet citoyen
visant à réinvestir le champ politique. Le projet de
société, visant à transformer radicalement notre mode de
vie (allant de la façon de produire - sortir du
« productivisme », à la façon de consommer -
sortir du « consumérisme », et que l'on peut
résumer par une sortie de
l' « économicisme ») ne va pas, pour les
théoriciens et les militants, sans un projet de refondation du
politique. Cette refondation du politique ne peut passer que par une autre
façon de faire de la politique qui ne soit pas cantonnée
à la recherche du pouvoir par les seules urnes mais qui doit
s'étendre à l'ensemble des actes de protestation, qu'ils soient
individuels ou collectifs. C'est pour cela que les militants veulent construire
une organisation transcendant les champs d'action pour « politiser le
social et socialiser la politique ». L'AdOC serait donc le lieu
où s'épanouiraient différents projets alternatifs,
reliés entre eux via l'association et par la volonté de
défendre une même cause. Si la décroissance n'est donc pas
une vision du monde « clef en main », mais une
pensée en mouvement, qui se caractérise par les alternatives
concrètes, elle n'en demeure pas moins - du fait de sa
« nature » politique -, une bannière qui doit
transcender l'action protestataire et déboucher sur un
« mouvement politique ». Pour ce faire, l'AdOC doit amener
à s'investir dans trois niveaux d'action : la
« simplicité volontaire » (un choix de vie
individuel frugal), les « expérimentations
collectives » (les recherches alternatives pour
« relocaliser » l'économie et la politique) et la
présence dans le champ politique « non
électoraliste » pour gagner en visibilité. Bien que les
militants à l'origine de l'AdOC peuvent avoir des divergences sur la
manière d'être dans ce champ, il n'en demeure pas moins qu'ils
sont d'accord sur l'idée qu'il est nécessaire de s'y investir. On
peut émettre l'hypothèse que cette volonté n'est pas
partagée par tous ceux qui, à leur niveau, pratiquent ce que l'on
a appelé une « consommation
engagée »186(*). Les effets du champ politique, que nous
prétendions au début minimiser, sont pourtant tangibles : ce
dernier apparaît comme un terrain circonscrit à la
« politique électoraliste » des institutions
représentatives et de ce fait n'inspire que de la défiance pour
ceux qui estiment que leur investissement local est déjà un
engagement politique en tant que tel. Ainsi, il n'est pas besoin de se
compromettre dans ce jeu qui dispose déjà de ses propres joueurs.
Les élections, étant l'acte de la délégation, il
est possible d'être représenté par des partis
déjà existants, comme le NPA par exemple. Les militants
politiques de la décroissance - en s'affirmant dans et par le champ
politique classique -, risquent de se désunir de ceux-là
même qu'ils entendent relier et politiser (autrement).
Faut-il alors abandonner l'investissement dans le champ de la
« politique spectacle » et se concentrer sur la
création de réseaux qui, selon Yannick Rumpala, est
déjà un projet politique en lui-même187(*) : « Si la
visée se situe dans la recherche d'effets structurels, il peut donc
être utile de s'intéresser aux démarches de constitution ou
d'activation de réseaux. La forme réseau peut en effet permettre
de rassembler des acteurs hétérogènes dans un même
agencement pour poursuivre collectivement un but commun, en agissant de
manière coordonnée grâce à des relations
d'échange et de coopération. L'échelle
générale du changement envisagé supposerait d'aller
au-delà d'une série d'agencements épars et de chercher
davantage des voies pouvant faciliter des phénomènes de
coalescence »188(*). Il pourrait s'agir alors d'un processus de
contournement du champ politique afin « que le développement
de la longueur, de la convergence, de l'interconnexion de ces réseaux
puisse aboutir à un résultat global porteur d'effets
profonds »189(*). L'AdOC pourrait être le lieu de ce travail de
longue haleine. Ainsi, on peut d'ores et déjà noter que la
Décroissance n'est pas seulement présente en France et qu'il
existe des passerelles entre les pays, avec la Belgique par exemple ou encore
l'Italie où les idées de la décroissance se sont
diffusées notamment « grâce aux réseaux
personnels et universitaires de Serge Latouche »190(*) (dont on enseigne les
écrits). Il y a même un réseau international qui s'est
créé : le Réseau des objecteurs de croissance pour
l'après développement (ROCADe)191(*).
Mais, néanmoins, ce serait oublier que la
décroissance est aussi et peut être surtout une utopie politique,
comme nous l'avons montré dans la première partie, qui incite
à l'engagement politique. Avec Sophie Bossy, on peut dire que
« le niveau collectif, et particulièrement politique, est
indispensable à prendre en compte pour qui a cet objectif (de changer la
société) »192(*). Contrairement à la tendance actuelle du
militantisme distancié et « post-it » qui est
« centré sur des objectifs
immédiats »193(*) du mouvement altermondialiste, les militants de la
décroissance sont mués par une idéologie pouvant servir de
socle fondamental à toute revendication. Si le journal La
Décroissance peut être taxé de « journal sans
débat »194(*) c'est bien parce qu'il est un journal de combat et
il ne peut l'être que porté par une pensée suffisamment
forte pour rivaliser195(*). Ainsi, même si la défiance du
politique peut ralentir la construction du mouvement, il n'en demeure pas moins
que, sur le long terme, la théorie politique peut amener des gens
à se re-politiser via un projet de société original. Ce
serait oublier également que si le mot et les idées de la
décroissance se retrouvent dans des débats publics et qu'un bon
nombre de personnalités prennent position vis-à-vis de cette
pensée, c'est notamment grâce à la visibilité que
procure l'élection. Cette difficulté de
« re-politiser », les militants politiques de la
décroissance en sont bien conscients et savent que cette
« maison commune » pourra prendre du temps. Mais, en
cohérence avec leur idéal, ils le prennent avec intelligence et
humour : « ça a pris 10 ans les Verts... Cochet il nous
dit que ça prendra 10 ans à construire cette maison commune... Et
là en deux ans on a bien avancé hein !
(rires) »196(*)
Avec un peu plus de recule, on pourra sans doute analyser la
construction du mouvement via l'étude des trajectoires des militants et
se poser la question de la force de l'idéologie dans la mobilisation
d'une population acquise à la recherche concrète d'un autre
présent.
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Sources primaires :
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autres :
· Charte de fonctionnement de l'AdOC.
· Plateforme de convergence de l'AdOC (voir en
annexes)
· Statuts présentés à l'AG des 17 et
18 avril 2010.
Principales sources
électroniques :
· http://www.apres-developpement.org (site de ROCADe)
· http://www.partipourladecroissance.net (site du
PPLD)
· http://actu.adoc-france.org/ (site de l'Association des
Objecteurs de Croissance)
· http://decroissance.lehavre.free.fr/ (site du Collectif
havrais pour la décroissance)
· http://www.les-oc.info/ (site du MOC)
Annexes
Informations recueillies (entretiens, observation participante,
questionnaire ; transcription d'un entretien)
p71
« Vous vous trompez de décroissance M. Le
Président », lettre au président de la
République p86
Programme de la liste Ecologie Solidaire en Franche-Comté
pour les élections régionales de mars 2010
p88
La plateforme de convergence de l'AdOC
p90
Entretiens :
1) AJ : le 17 octobre 2009, à son domicile (2h
d'entretien)
2) MG : le 21 décembre 2009, au local du collectif
nantais pour la Décroissance (voir la retranscription ci-après)
(1h d'entretien)
3) TB : le 13 janvier 2010, à son domicile (2h
d'entretien)
4) SM : le 16 janvier 2010, à son domicile (2h
d'entretien, plus conversations non enregistrées)
Observation participante :
AG du PPLD, le 31 janvier à Lyon (à la maison de
l'Environnement ; environ 4h d'enregistrement, coupé par une pause
déjeuner)
Questionnaire :
Une dizaine de questionnaire récupérés
seulement. Voici les questions :
Nom et Prénom :
Sexe : M F
Année de naissance :
Situation familiale (en couple, divorcé...) :
Type de formation, d'études suivies :
Diplôme le plus élevé obtenu :
Professions exercées successivement (avec les
dates si possibles) :
Avez-vous milité et militez-vous dans des
associations ? Oui Non
Si oui, depuis combien de
temps ?
Pouvez-vous décliner les noms des
associations ?
Avez-vous déjà milité dans un parti
politique ? Oui Non
Si oui, lequel ou lesquels ? Combien de temps ?
Continuez-vous toujours à le faire ? Oui Non
Si non, quel souvenir en avez-vous
gardé ? Bon-Moyen-Mauvais ? Pourquoi (en quelques
lignes) ?
Acceptez-vous de vous positionner sur une échelle
Gauche-Droite ? Oui Non
Si oui, où ?
Extrême droite - Droite
modérée - Gauche
modérée - Centre - Extrême Gauche -
Mouvement libertaire - Autre (veuillez
préciser)
Depuis quand vous intéressez-vous à
l'idée de décroissance ?
Comment avez-vous eu connaissance de l'existence d'un
mouvement ?
Quel est, aujourd'hui, votre opinion à propos de
l'organisation des partis ? Bonne - A revoir
- A supprimer
?
La participation du mouvement à la compétition
politique est-elle nécessaire à la promotion et à la
défense de l'idée de décroissance ? Oui Non
Pour faire passer ses
idées, la politique est un moyen : Privilégié - Complémentaire
- Secondaire ?
Pensez vous que l'avancée de la réflexion sur la
décroissance doit être la condition du passage au politique ?
Oui Non
Pensez-vous que c'est le moment
d'entrer en politique ? Pourquoi ? Histoire du mouvement - Contexte
(social, économique, environnemental, culturel ?) - Autres
(précisez en quelques lignes)
Si oui, pensez-vous que le mouvement doit revêtir la
forme partisane ? Et en quoi cela consiste-t-il ? (précisez en
quelques lignes)
Est-il possible, selon vous, de revêtir une forme
partisane qui soit en accord avec l'idée de décroissance ?
Et en quoi cela consisterait-il ? (précisez en quelques lignes)
Est-il possible, selon vous, de se passer de la forme
partisane ? Si oui, par quoi la remplacer ? (précisez en
quelques lignes)
Pensez-vous que cela peut être viable ? Oui Non
Le mouvement, selon vous, peut-il
être classé sur une échelle Gauche-Droite ? Oui Non
Si oui, où ?
Pensez-vous que l'autonomie de l'organisation est une
chose importante ? Oui Non
A quel point ? La
trouvez-vous : Nécessaire
Négociable
Pensez-vous qu'une
stratégie d'alliance peut être bénéfique à
l'idée de décroissance ? Oui
Non
Si oui, avec quels types de partis ?
Retranscription d'un entretien (avec MG, tête de
liste Europe Décroissance dans la région Ouest pour les Elections
Européennes de juin 2009) :
Comment ça se passe ? Tu me fais relire
après quand tu as retranscris ou y a moyen de voir ce que ça
donnera... Je peux t'envoyer par mail... Ba je préfère,
y a tellement de fois où les propos sont tournés dans d'autres
sens, c'est pas du tout agréable quand on se trouve avec des propos qui
sont pas les siens... Bien sûr, je pourrai te faire parvenir le
mémoire... Oui, ça bien sûr, carrément.
On va commencer par une petite présentation de toi,
rapidement : tu as quel âge, tu fais quoi dans la vie ?
Donc, je m'appelle MG, j'ai 27, enfin je vais avoir 28 ans. Je fais beaucoup de
choses dans la vie en dehors de mon boulot. Question activité
professionnelle rémunérée, je travaille dans le secteur
des musées et du patrimoine. Je travaille pour une commune. Je fais des
expositions, que j'ai eu à concevoir et maintenant j'anime le
musée. J'ai fait le choix de travailler à mi-temps, ça
fait partie de mes engagements pour justement... Mon activité ne se
résumé pas à mon métier mais c'est une partie qui
me plaît et qui est importante.
Depuis quand tu bosses là-bas ? Depuis
février 2008. Avant, je travaillais pour d'autres collectivités
ou pour d'autres structures de musée.
Tu as fait tes études sur Nantes ? Euh,
peu en fait, je viens de la région nantaise. J'ai fait une petite partie
de mes études sur Nantes, le début en fait, après j'ai
bougé à Paris. J'y ai fini mes études, je suis revenue par
ici quand je cherchais du travail. J'ai eu mes premiers postes en
Rhône-Alpes et puis, ensuite, quand je suis revenu ici, c'était
pour mes postes ici.
Après tes études, tu as facilement
trouvé ? Euh, je me suis d'abord laissé un peu de
temps ; j'ai fait une saison dans les vergers pour gagner un peu d'argent
et je suis partie deux mois en voyage, voilà sac au dos... Et ensuite,
quand j'ai vraiment cherché... en 5-6 mois, sachant qu'en même
temps je préparais un concours de la fonction publique territoriale.
Donc c'était très bien tombé, je me suis pas vraiment
ennuyée (rires)
Tu as donc fait des études...
d'histoire ? Ouais, j'ai fait histoire, enfin, j'ai fait une
prépa littéraire, puis histoire juste, entre guillemets, en
licence-maîtrise. Là, j'ai travaillé seule pendant un an
sur un mémoire. Mes études étaient à Paris mais je
vivais à Nantes, donc je faisais vraiment que mon mémoire. Puis
après j'ai fait, à l'époque ça s'appelait un DESS
direction de projet culturel qui se trouve à Grenoble. Donc, non j'ai
pas trop galéré pour un secteur comme ça, j'ai eu
énormément de chances et mes postes se sont tout le temps
enchaînés en fait. J'en ai quitté un pour en avoir un
autre, à chaque fois.
Donc tu travailles à mi-temps ? Ouais Ca
te permet de faire à côté des choses que t'aime
vraiment ? Oui, ca permet une diversité... Mon métier me
plaît, pour l'instant tel qu'il est mais il ne correspond pas non plus
à mes engagements. Il ne défend pas ce qui est le plus important
pour moi au niveau de... voilà, de mes valeurs on va dire. A
côté ça me permet d'abord d'avoir du temps pour moi et mes
amis, de se voir, de bouquiner, de pouvoir essayer de traîner (rires) et
puis d'avoir du temps pour les différentes asso, les différents
collectifs où j'ai envie de m'engager donc euh... Donc ici, le groupe
nantais pour la décroissance, c'est plutôt pour moi un lieu de
rencontre, j'y passe pas tellement de temps mais après c'est tout ce qui
tourne autour du bio, de l'alimentation, que ce soit le SEL nantais... Un de
mes envies aussi c'est d'avoir au moins un jour par semaine ou tous les quinze
jours pour aller jardiner dans les jardins collectifs... Donc, voilà,
ça fait partie des petits plaisirs... Et puis d'autres asso ou je suis
plus ou moins investi... Et puis après des projets ou des envies autour
du comte, de la littérature orale... Beaucoup de choses sur la lutte
contre le projet d'aéroport...
Et la décroissance, tu as connu ça
comment ? Euh, enfin la théorie, euh, le mot
même, le contenu, d'abord de façon théorique par les
lectures, journaux... Mais c'est des toutes petites approches, par exemple par
Politis, mais y a pas grand-chose... Voilà, et ensuite c'est vraiment le
groupe nantais qui m'a permis de mettre les pieds dedans et qui m'ont
donné envie d'approfondir. Et ça c'était un hasard, dans
le cadre d'une autre asso, quelqu'un qui m'a dit là y a un groupe... Et
je suis venue une fois...
Tu sais quand est-ce qu'il est né le groupe
nantais ? Hé ba je ne sais pas, on a dû noter sur la
charte, je peux te donner le prospectus... En tout cas, moi je le connais
depuis deux ans, c'était fin 2007, décembre 2007 la
première réunion om j'étais venue, un peu voir ce que
c'était... Ca m'a donné envie de creuser...
C'était la première fois que tu
côtoyais un milieu politique ? Ouais, enfin non c'est
compliqué, ca dépend de ce qu'on entend par politique...
Politique au sens action dans la Cité, action citoyenne, enfin
citoyenne, action militante ou quoi, j'avais déjà les pieds
dedans...
Et dans un parti ? Le groupe nantais, c'est pas
un parti justement donc, en arrivant au groupe nantais pour la
décroissance, pour moi c'est juste, c'est le même type d'action
politique que je faisais avant : s'informer, défendre des valeurs,
des idées, euh, faire des actions... Enfin, ça correspondait
déjà à ce que je faisais avant, mais que là
c'était accès décroissance et que c'était nouveau.
La décroissance, ca mettait en cohérence les différentes
choses que moi je faisais auparavant. Et après la participation à
Europe Décroissance, qui là, correspondait à une
démarche dans le cadre d'une politique électorale, qui n'est donc
pas la même chose que la politique au sens large on va dire... Ca
c'était la première fois oui.
Et tu as dit oui tout de suite ? Euh
(rires) en fait, c'est par le biais de Thierry Brulavoine en fait. Lui, je
pense que c'était un des moteurs pour constituer la liste sur le grand
ouest donc il me l'a proposé parce qu'on s'était
rencontré... La première fois qu'on s'était vu,
c'était à une rencontre d'objecteurs de croissance... Et donc
voilà, on avait discuté, il savait qu'on était sur
Nantes... Et puis comme il cherchait du monde pour constituer des listes...
J'ai d'abord dit que j'allais réfléchir. Très
partagée parce qu'il y a une question aussi de temps qu'on a envie de
mettre, de s'engager...
Thierry Brulavoine était à temps plein
disons dans la campagne ? Euh, ba lui, je crois qu'il est aussi
à temps partiel mais, enfin, il a un côté professionnel
aussi mais bon il est déjà engagé... Voilà, y a un
choix, surtout le temps... Même en ayant du temps, à quoi on le
consacre... Faut avoir envie de faire ça... J'étais
partagée, parce que quelque part...Et je le suis toujours, c'est pour
ça que je m'implique pas plus dans ce qui se passe au niveau des
régionales. Je suis assez sceptique sur l'action politique, justement
électorale, enfin dans une optique électorale... Je trouve
ça super qu'il y ait des gens qui promeuvent les idées de la
décroissance à travers un groupe parce que je pense que ça
fait bouger les autres partis et les autres personnes dans leur tête et
voilà, dans les réflexions qui sont apportées. Justement
apporter tous les moyens du disensus pour faire avancer les choses donc je
pense que ça peut être très fécond, après,
ça demande beaucoup d'énergie, de temps, de réunions...
Faut avoir envie d'investir son temps et son énergie et sa joie de vivre
dans ce genre de chose.
Donc, c'est pour ça qu'au début, tu...
Ba au début, je me demandais est ce que je me sens de faire ça et
je me sentais pas représentative... Enfin, je connaissais pas la
décroissance depuis très longtemps, je suis pas
représentative de quoi que ce soit... Donc j'ai pas mal
hésité... Et puis finalement, je me suis dit que, si j'acceptais,
c' était pas pour espérer être élue ou avoir
des élus parce que... En fait, j'étais binôme tête de
liste avec Thierry donc... L'idée c'était pas du tout ça,
et puis on se faisait pas du tout d'illusion... L'idée
c' était d'abord d'avoir accès aux médias. Enfin, moi
je le voyais comme ça. En constituant des listes, on avait accès
à la campagne d'affichage, radios, télés, et que
c'était l'occasion d'en parler aux gens... Comme c'est un sujet qui est
très restreint, on est dans une bulle, enfin maintenant on en parle,
depuis quelques années, de plus en plus... On peut pas forcément
faire passer facilement des idées, je me suis dit, bon allé,
ça peut être une façon de contribuer à diffuser
ça à un public plus large.
Pourquoi, au début, la « politique
électorale » te branchait pas plus que ça ?
Euh, je pense que j'ai du mal à... Enfin, ça a bougé entre
temps, depuis les élections d'Europe Décroissance, mais j'ai de
plus en plus du mal à y mettre de l'espoir... De toute façon
dès que les gens sont au pouvoir, quoi qu'ils aient promu avant, ca
tourne pas forcément (rires), voilà il y a quand même une
sorte de, ba d'ambition au niveau des gens qui sont au pouvoir... Et puis parce
que le système institutionnel, mais ça ce que disent les listes
décroissantes aussi, tel qu'il fonctionne, on en veut pas... On veut pas
être élu et que ça fonctionne dans le cadre qui existe
aujourd'hui. Il s'agit pas d'avoir une majorité et de prendre le pouvoir
dans un cadre tel qu'il est aujourd'hui... Se présenter aux
élections, c'est, à la fois ça permet de diffuser des
idées, pour certains, d'avoir des voix pour peser, après on
essaye pas de garder les institutions telles qu'elles sont aujourd'hui et juste
d'obtenir le pouvoir...
Donc toi, ta participation, tu la vécu comme un
moyen de faire passer des idées... Ouais... Est-ce que tu as senti
que c'était la même chose pour les autres ? Euh, non, je
pense que c'est assez différent d'autres oui, d'autres non. Je pense que
les gens ont des approches, on le voit bien quand on suit les débats
pour les régionales ou quoi... Je pense que les gens ont des approches
différentes sur le rôle, sur le comment on peut s'impliquer ou pas
dans les institutions actuelles pour faire évoluer les choses, est ce
qu'il... Y a des gens qui vont être sur la position de : de toute
façon le système tel qu'il fonctionne est complètement
dévoyé donc c'est pas la peine de s'y impliquer et de se
fourvoyer dedans, de rentrer dans ce compromis et d'autres qui vont dire que
c'est une façon de faire avancer les choses... Les tendances sont
très longues. Moi, oui, je le voyais comme un moyen de communication en
plus.
Dans le groupe décroissance, y en a qui mettaient
des freins pour passer à l'Europe décroissance ? Ba
j'ai pas trop suivi, c'est pour ça que je suis pas forcément un
interlocuteur très... Voilà, moi je suis un peu arrivée,
sur la proposition de Thierry, comme ça parce qu'il fallait des noms sur
la liste, parce qu'il fallait constituer des listes et que ça
m'intéressait à ce moment là de pouvoir participer autant
que possible à diffuser ces idées là donc
éventuellement des entretiens, essayer d'écrire des choses ou
lire des articles... Voilà, coller des affiches et compagnie,
c' était plus comme à une petite pièce mais j'ai pas
participé à tout le montage, les discussions... C'est vraiment
Thierry qui pourra vous raconter des choses sur ça. J'ai pas trop suivi
puis je pense que j'ai pas trop envie de mettre de l'énergie dans
ça. Là je m'en rend compte pour les régionales, je trouve
ça bien que des gens lancent des idées comme ça, mais j'ai
plus envie de travailler dans la construction d'alternatives concrètes
et d'investir mon temps dans la lutte contre le projet d'aéroport ou
d'autres choses qui se font localement. Je me sens pas forcément
de...
En acceptant tu as pensé que la politique
était un meilleur moyen pour faire passer ses idées ?
Pour moi, c' était complémentaire et puis de toute
façon, ça, je pense que c'est partagé, personne ne dit que
la politique électorale dans le cadre des institutions est primordiale
par rapport au reste, au contraire ; là, à mon avis le truc
vraiment partagé c'est d'abord les actions individuelles mais surtout
collectives, locales, le montage d'expériences alternatives etc, enfin
tout ce qu'on peut mener sur le terrain mais en même temps ça ne
suffira jamais s'il faut envisager un changement complet du système. On
ne pourra jamais le faire entièrement, on peut monter des tas de choses
superbes au niveau local, comme y a des tas de freins au-dessus...
Voilà, ca ne peut être que complémentaire et
alimenté parce que qu'il se fait localement à la base... Je pense
que ça c'est quelque chose de très partagée. Après
ce qui est différent c'est sur la façon d'investir le champ
politique, institutionnelle ou pas, dans le cadre actuel ou pas...
Donc, c'est complémentaire mais ce sera plus facile
de diffuser les idées... Pas plus facile mais un autre moyen et
à d'autres groupes et à d'autres populations quelque part parce
que quand nous on agit localement on touche par bouche à oreille et par
petits biais des cercles concentriques qui sont jamais très larges,
alors que dans le cadre des élections, le fait d'avoir eu accès
à la campagne d'affichage, aux spots télé ou radio,
c'était l'occasion de toucher des gens qui ne s'intéressaient pas
a-priori et qui ne seraient pas venu spontanément vers nous ; tu
peux faire une conférence, participer à un forum, avoir un stand
etc... Il faut de toute façon que les gens viennent, c'est pas du porte
à porte.
Et donc vous avez réussi à atteindre les
médias ? Comment ça s'est passé ? Je pense
que c'est resté quand même mineur, je ne me rends pas bien compte
parce que de toute façon j'ai pas la télé (rires) et je
lis pas beaucoup la presse classique mais donc je ne me rends pas bien compte
de l'impact... Je pense qu'il y a eu quand même un impact sur euh, alors
avec la campagne d'affichage un petit peu, voilà, radio, on a eu
quelques radios mais on sait pas si c'est très écoutées ou
pas... J'ai eu quelques retours sur les spots télé et radio en
fait qui avaient quand même frappés les gens sur le truc :
s'arrêter, réfléchir et je pense que, voilà...
Sur quoi par exemple ? Sur l'escargot, j'ai eu
quelques retours de gens qui étaient complètement
extérieurs à ces thématiques là et qui m'ont dit
que ça les avaient donné envie de chercher plus, de se poser des
questions... Donc il y a eu quelque chose, on peut se le dire, même
si...
Toi, tu as participé aux émissions de
radio ? Moi, j'ai participé à, j'ai fait une
émission de radio, ici, sur Nantes où j'étais
interviewé et une autre où Thierry est venu et où on
devait la faire tous les deux mais finalement il fallait qu'une seule personne
qui parle donc j'étais juste là mais j'ai pas participé
donc, tu vois, c'est pas énorme... C'est intéressant aussi pour
soi, à titre perso, parce que ça oblige à repenser ses
idées pour pouvoir les formuler et les défendre
éventuellement, les avancer...
Comment vous avez financé la campagne ? Les
affiches... Hé ba je sais pas où ça en est trop
(rires) ! L'idée c' était de faire des frais minimum
donc, à part les photocopies d'affiches, enfin moi j'ai fait des
photocopies d'affiche, j'ai acheté une carte de photocopie, voilà
et après on a annoté officiellement nos dépenses et on les
a envoyé à la personne qui se chargeait des comptes. Je sais pas
dut out où ça en est parce qu'on a fait un appel à dons...
Moi j'ai pas eu de nouvelles, enfin c'est pas pour mes quatre photocopies
que... (rires) Ca ne me mettra pas à la rue !
C'était pas un frein ? Vous vouliez toucher
plus de monde mais le budget était très réduit...
Non mais en même temps, c'était cohérent. Si y a que des
gens qui ont de l'argent qui peuvent défendre leurs idées, c'est
très restreint et puis y avait aussi cette idée de pas gaspiller
c'est pour ça qu'on a pas fait imprimer de bulletins de vote et
ça c'était cohérent et que, même si du coup,
évidemment, les gens comme y en avait pas, ils pouvaient pas... Enfin,
ça incite beaucoup moins... Faut vraiment une démarche pour
choisir ça...
Vous avez été voir es gens pour leur dire
justement qu'il fallait pas s'attendre à ce que le bulletin soit...
Ba tu vas pas faire de porte à porte sur des milliers de personnes qui
sont susceptibles de voter mais par exemple c'était écrit sur les
affiches, sur le site Internet. Symboliquement, moi j'en ai imprimé
quelques centaines pour que ce soit disperser... enfin qu'il y en ait un ou
deux dans les bureaux de vote mais, voilà, c'était pas...
Après l'idée, oui, c'était une démarche, les gens
choisissent pas de voter pour Europe Décroissance par hasard, il fallait
forcément qu'avant ils aient eu la démarche de s'informer,
d'aller sur le site, de lire les tracts...
Sur le terrain t'as ressenti qu'il y avait des
malentendus, tu disais tout à l'heure qu'on a tendance à
déformer... Oui, mais pas plus là, à cette occasion
là à la campagne parce que nos interlocuteurs, les journalistes
ou quoi, s'étaient un minimum renseigné avant donc ils faisaient
pas... Mais oui, c'est toujours les mêmes incompréhensions ou
confusions ou volontaires dévoiements...
Comment était perçu le mot ? On
voit justement que maintenant ça dérange et que ca commence
vraiment à... Mais justement il fait peur, après le but pour
nous c'est pas de vivre dans une société de décroissance,
le but c'est pas de décroître (rires), c'est de pouvoir vivre de
façon heureuse et que chacun puisse vivre de façon juste et
équilibrée sur une planète qui serait pas
complètement détruite comme on est en train de le faire
actuellement. Enfin, le mot lui-même, c'est pas un dogme, je veux dire,
c'est pas un tabou, les gens, pour moi, peuvent exprimer autrement la
même chose en fait. L'intérêt du mot c'est qu'il est fort,
qu'il choque, que, justement derrière, il y a des choses à
expliquer et qu'il n'est pas récupérable comme le
développement durable et compagnie, voilà.
Tu as débattu avec d'autres candidats ?
Quand tu étais invitée sur les radios... Non, moi j'ai pas eu de
confrontation. C'est vrai que moi, j'ai pas été très
active pendant la campagne... Moi j'ai plus fait de la relecture, du collage
d'affiches, discuter avec les gens... voilà...
Tu es resté sur Nantes pendant la
campagne ? Ouais, ça faisait aussi parti de notre objectif,
essayer d'être de différents coins de la grande région.
L'idée c'était pas de prendre sa voiture... Moi, j'ai fait mon
collage d'affiches à pied ou à vélo (rires) Moi j'ai tout
fait les choses localement. On s'est retrouvé une fois à Saint
Nazaire, avec l'ensemble de la liste, j'ai pris le train... Après,
c'était à notre échelle, ça dépend de ce
qu'on défend aussi.
Mettre la façon de faire en accord avec ce qu'on
veut défendre, c'était pas difficile ? Ba c'est une
histoire de cohérence, je pense que... Enfin, c'est important, parce
que, justement, on défend aussi le fait que, ba le plus important c'est
d'abord ce qu'on fait, ce qu'on pense et diffuser les choses localement, les
expériences qu'on monte ici, enfin c'est notre vie quoi... Et
après la façon de faire avancer au niveau de la politique, c'est
... n'émane que de ça... C'est autre chose, parce que tu penses
à une échelle plus large, tu cherches dans des systèmes de
prospective comment pourraient fonctionner les transports, le territoire...
Mais voilà, c'est forcément en cohérence avec la
façon dont tu penses les choses dans ta vie.
L'élection est basée aussi sur un
modèle économique où il faut dépenser plus pour
toucher plus... Ouais, c'est fort au niveau environnemental puisque c'est
toujours plein de gaspillage, au niveau social aussi puisque, en effet, faut de
l'argent, faut arriver à rentrer dans ce système institutionnel,
faut être capable de manier ces outils aussi, les discussions aussi, la
parole, la communication... C'est comme ça seulement qu'on peut se faire
entendre et de toute façon ce qui marque c'est que
l'événement... Les médias, ce qui les intéressent
c'est s'il se passe quelque chose, si c'est juste de... ca passe pas et
pourtant c'est la réalité.
Pour les médias, vous aviez un temps de
parole... Généralement, enfin dans les radios qui nous ont
interviewé, ils accordent un entretien à chacun des partis...
Nous on a envoyé un communiqué de presse à tous les
médias et après ils réagissent ou pas... Et après
tout ce qui est spots télé, radio, c'est super
réglementé, par le temps, par la façon dont ils passent,
enfin la fréquence où ils passent, les horaires où ils
passent... Tout ça c'est super encadré.
Tu as été sur quelles radios ?
Quand on était avec Thierry, c'était Euradio Nantes et puis moi,
c'était, alors je sais plus, c'était Prun, c'était pas
alter Nantes...
Est-ce que vous avez mis en avant cette cohérence,
cette politique autrement ? Oui, ca faisait vraiment partie, enfin,
en lisant ne serait-ce que le tract ca faisait partie du contenu, enfin ca
faisait partie de ce qu'on avançait, c'est-à-dire l'idée
pas juste... Enfin, c'est pas juste apporter, de faire moins, comme si ou comme
ça, c'était de faire différemment, de vivre
complètement différemment mais d'organiser aussi les choses
différemment et donc aussi la démocratie, notamment au niveau
européen et au Parlement, ca fonctionne de façon pas du tout
démocratique et aussi de façon forte cette idée de
promouvoir un autre fonctionnement, en fait l'idée, c'est vraiment pas
d'avoir un député au Parlement européen ! (rires) Tel
qu'il est aujourd'hui, tout est tellement dévoyé que... Donc oui
ca faisait partie des choses qui étaient défendues et
annoncées comme tel.
Ce rejet du système économique, il est
inhérent à votre démarche... Oui, et pas que le
système économique, système de société dans
son ensemble, c'est justement de plus avoir l'économie au centre de ce
système là, d'avoir l'humain donc... C'est vraiment un trait
distinctif par rapport à Europe Ecologie qui pouvait avoir des
propositions, bon on avait pas forcément les mêmes propositions et
les mêmes points de vue sur tout parce que, ba voilà, c'est pas
les mêmes idées. Mais le souhait aussi c'est de ne pas fonctionner
dans le système tel qu'il est aujourd'hui, c'est une façon de
repenser les choses, de repenser ensemble le système pour qu'il soit
plus démocratique. Démocratique au sens fort et après les
idées ne sont pas nécessairement les mêmes parce que la
décroissance va mettre au centre l'usage, le mésusage, le revenu
inconditionnel, le revenu maximum etc qui sont les traits forts vraiment de ce
qu'on défend, notion de gratuité et compagnie, qu'on retrouve pas
partout... Et après, oui, l'idée, c'est pas juste... Enfin, on
l'a dit plein de fois de changer le pansement mais penser le changement, de
mettre en place quelque chose de différent.
Pendant la campagne, il y avait des enjeux, est-ce que
t'as senti que vous étiez en rapport avec ces enjeux, par rapport avec
ce que disaient les autres partis... Moi, pas beaucoup, j'ai pas... J'ai
suivi un peu ce que disait Europe Ecologie parce qu'on nous interrogeait
beaucoup sur les liens avec ce qu'ils proposaient, eux, qui pour moi devenait
quelque chose de plus en plus entriste, axé sur les
personnalités... Ca s'apparentait à, voilà, ceux qui
jouaient le jeu on va dire et, à part eux j'ai peu suivi... Ce que je
j'ai découvert par contre c'est qu'il y avait plein de tout petit partis
aussi donc je n'avais jamais jamais entendu parlé... En entendant les
spots à la radio, c'était absolument effarant, voilà, et
c'est là qu'on se dit que, voilà, y a plein de gens qui ont envie
de promouvoir... Après je suis pas forcément d'accord avec leurs
idées. Mais on se dit : d'habitude, on est réduit à
quelques grands partis qui se proposent parce qu'il y a un
écrémage terrible, dès qu'il y a la possibilité de
présenter des listes plus ouvertes, y a énormément de gens
qui veulent voir d'autres choses et donc c'était assez
intéressant de se rendre compte de ce fourmillement qui pouvait
être derrière.
Je vais revenir un peu sur les médias, tu avais
l'impression que c'était surtout par curiosité, de quelle
façon ils se sont adressés à vous par exemple... Ceux
qui se sont adressés à nous, oui, je pense qu'il y avait une
grosse part de curiosité parce que c'était quelque chose de
différent, de nouveau et puis ça y est, ça devient pas
tendance mais les gens s'interrogent parce qu'on en entend parler quand
même de plus en plus. La façon dont ils formulaient les questions,
j'ai trouvé ça... En fait, c'est une question de personne, par
exemple quand on a été à l'émission de radio avec
Thierry, moi j'ai trouvé ça atroce, j'entendais du coup de
l'extérieur. C'est-à-dire que le journaliste l'interrogeait sur
un mode cadencé, rythmique, qui est tout à fait le truc...
Journalistiquement communicationnel, il coupait tout le temps, ne laissé
pas finir, poser des questions sans laisser le temps de souffler et du coup...
Moi, j'ai trouvé qu'il n'avait aucun respect pour sa parole et qu'il
n'essayait même pas d'entendre ce que l'autre disait, c'était pas
un dialogue, c'était une espèce de match de boxe... Y a un
temps limite... Oui, mais dans un temps limité tu peux, t'es pas
obligé de tout dire mais tu peux au moins écouter ce que l'autre
raconte. C'était une sorte de match de boxe parce que, voilà,
à la radio il faut du punch, il faut que ça... Voilà,
c'était vraiment, j'ai trouvé très
désagréable sa démarche au journaliste. Par contre les
gens qui étaient autour dans les studios, avec qui on a discuté
avant, après, étaient très intéressés, enfin
bon c'étaient beaucoup des étudiants, pas mal étrangers. A
chaque fois, on rentrait en contact avec des gens en en parlant, d'autres fois
en donnant des tracts... Y avait vraiment cette... Enfin, après c'est de
personne à personne mais... Et moi quand j'ai été
interviewé à Prun c'était vraiment... Au contraire, ils
prenaient vraiment le temps d'écouter mes réponses, ils
étaient curieux mais aussi j'avais l'impression de stimuler des choses,
apporter une réflexion, de participer... J'ai trouvé que
c'était un support intéressant à plusieurs reprises
à partir des tracts ou des discussions dans la rue quand on tractait,
voilà de pouvoir interroger des gens sur des choses...
Avec ce procédé journalistique, tu penses
que le propos passait bien ? Qu'il n'était pas
caricaturé ? Ba on sait pas comment c'est perçu par les gens
de toute façon donc c'est pas évident. Je pense que ce qui est
trompeur c'est de rentrer dans le jeu de faire du condensé, du rapide,
de l'efficace finalement et du coup on se fait manger par la dynamique du
système sans ... Ba oui ça demande du temps pour
réfléchir, c'est comme ça, en même temps on
résoudra pas les choses, c'est pas juste mettre un bulletin de vote dans
l'urne, c'est pas non plus des solutions toutes faites qu'on propose. Quand on
propose de repenser le système y a pas, c'est pas apporter une solution,
c'est quelque chose qu'on doit redéfinir ensemble, ça demande que
les gens s'impliquent, autrement ça n'a aucun intérêt. Du
coup, même au niveau de la communication, c'est pas proposer... C'est des
grandes lignes de choses qui sont définies ou proposées
après c'est des pistes, tout reste à mettre en place
derrière. On peut pas affirmer qu'on va régler les choses en deux
trois minutes.
Et, tu as été surprise par le
résultat ? Euh, non, parce que moi, j'étais pas dans...
C'était l'occasion d'utiliser les médias, de pouvoir toucher au
travers la télé, la radio des gens qu'on touchait absolument pas
d'habitude. Et j'attendais vraiment pas, mais ça c'était mon
idée à moi, je disais même aux gens, quelque part je peux
même comprendre que vous défendiez la campagne d'Europe
Décroissance en venant tracter, coller des affiches et que vous votiez
Europe Ecologie parce que vous avez envie d'un vote utile entre guillemets
même si moi c'est pas ce que je choisis de faire mais ça me
semblait pas... Enfin, pour moi l'idée c'était pas d'avoir des
élus mais d'en parler. Mais après il y avait des gens qui
n'étaient pas du tout dans cette démarche là. C'est, je
pense que sur ça on était assez variables...
Vous avez eu des débats entre vous justement
pendant la campagne pour savoir comment il fallait procéder... Ba,
oui, je pense qu'on en a parlé, après euh, c'est peut être
mon positionnement à moi où peut être je remets beaucoup en
question tout ce qui est institutionnelle, politique électorale, comment
ça fonctionne au niveau des partis et j'ai l'impression que d'y investir
de l'énergie ça me, ça me donne pas envie d'abord, et puis
c'est beaucoup d'énergie pour ce qui en ressort et pour souvent ce qu'on
peut mener, alors j'ai tendance à croire qu'on peut diffuser les
idées d'une autre façon mais en même temps, peut être
que ceux qui le font ça a un réel impact aussi et c'est
chouette... Moi j'en ai discuté, c'était pas des discussions
officielles, enfin on disait pas : bon là on va discuter. On a
débattu sur les moments où on s'est rencontré...
C'était chacun, dans son coin, avec ses tracts
ou... Ba après, c'était avec le site Internet, y avait les
tracts qui étaient faits, qui étaient prêts, donc on
pouvait imprimer etc.... Des propositions d'affiches mais on pouvait aussi
faire nous-mêmes nos propres affiches, après voilà, oui,
c'était à chacun d'organiser localement, on pouvait faire les
choses en fonction de ses possibilités, son envie, des gens qui
étaient autour de nous pour nous aider. Les pensées et les
idées sont communes et là on avait des outils qui étaient
prêts si on voulait les utiliser. On avait des outils communs, c'est vrai
que, aussi, si chacun écrit son tract dans son coin, en terme de temps
et de mutualisation aussi des énergies c'est pas terrible quoi
(rires)
Tu as fait campagne combien de temps ? Je sais
plus... c'était deux trois semaines, sur deux semaines... Comment tu
utilisais ton temps ? Ba, c'est aussi ce que j'avais
dit à Thierry quand j'avais accepté, je lui avais dis : de
toute façon, j'ai pas beaucoup de temps, moi à l'époque,
j'étais aussi à plein temps et puis j'avais plein de boulot,
plein de trucs à faire, et puis je lui avais dit que je ne pouvais pas y
consacrer beaucoup de temps donc... ba y a pas de problème chacun fait
comme il peut le faire, j'ai pas... Tu vois, j'ai fait deux fois les trucs de
radio, sur mes week end j'ai pris du temps pour les collages et j'ai
essayé d'en mettre sur tout le rayon maximal que je pouvais faire, un
peu dans les différents quartiers et puis un peu de tractage... J'en ai
parlé au groupe, enfin, j'ai proposé aux gens du groupe ici de
venir me donner un coup de main, qu'on tract ensemble etc. Faire des collages,
faire des affiches, puisque du coup on avait fait des affiches aussi à
la maison, c'était assez amusant mais, voilà, j'ai pas fait un
investissement énorme dans la campagne... J'ai choisis les week end
où j'ai consacré du temps...
Et donc, les régionales, tu ne retentes pas
l'expérience ? Ba, justement, pour tout ce que je
disais ; ca m'a intéressé comme expérience, comme
pratique personnelle aussi c'était enrichissant et puis c'était
assez agréable, enfin, ca m'a plu, c'est quelque chose qui m'a
convenu... Après, je pense que... Voilà, la façon dont je
vois les choses, peut être que ça changera, là
j'étais pas prête à m'investir en me disant « on
voudrait essayer d'avoir des élus », j'étais pas
prête à passer du temps dans les réunions à
réfléchir sur « comment on met les choses en place,
quelle stratégie, entre guillemet, électorale on
adopte » etc. parce que j'ai pas envie de mettre mon énergie
dans ça, c'est vraiment un choix personnel même si je peux trouver
que c'est bien qu'il y ait des listes décroissance, moi je vais
préférer m'investir dans d'autres choses localement. Et je suis
beaucoup dans un questionnement en ce moment sur « comment je me
positionne par rapport à la politique institutionnelle etc. donc je suis
pas prête à entrer dans cette démarche là. Sur
Europe Décroissance c'était plus, un peu une opportunité
de rencontrer, d'utiliser les médias mais là je me sens pas
prête à franchir le pas, parce que je suis pas sûr que j'ai
envie de franchir ce pas là et que je suis pas sûr que ce soit le
mode le plus efficace, enfin voilà, dans lequel j'ai envie d'agir. Donc,
si je suis relativement critique par rapport au système et très
en doute, j'ai pas envie de m'impliquer dedans parce que je pourrai pas
défendre mes positionnements clairement... C'est pas par rapport au
contenu, c'est pas rapport à la démarche donc, c'est à la
fois une question d'envie et puis que j'ai envie de me laisser le temps de
réfléchir, je suis pas...
On ta relancé ? Ba Thierry, ba si, e,
fait tous ceux qui étaient sur la liste d'Europe décroissance, je
crois qu'il a envoyé des mails en proposant de commencer à
préparer les régionales. Je sais qu'il y a des réunions,
qu'il ya des choses. Mais moi j'ai dis clairement que je ne m'impliquais pas
cette fois-ci, que je suis, voilà, comme ça, de loin.
Des nouvelles de ceux qui étaient sur la liste avec
toi ? Ils sont pareils que toi ? Oui, non, ils étaient
plutôt moins, y avait personne d'autre du groupe nantais de la
décroissance qui était sur la liste. Y en quelques uns qui ont
participé par des collages etc. Ils sont encore plus
suspicieux ? Oui ou ils sont encore moins dans une
démarche allant vers ça ou ils sont plus proches d'Europe
Ecologie, du NPA, ils mettent plus d'espoir dans des plus grands partis et
disent qu'on va apporter des idées par là, c'est très
varié, en fait le groupe il est fait de pleins de bidules
différents. Ou ils ont pas du tout d'intérêt...
voilà dans ce sens là. Donc, y a personne d'autre qui,
localement, est investi, que je connaisse, enfin au sein du groupe nantais,
personne n'est investi pour les régionales... Donc, même pour
Europe Décroissance, y avait pas une dynamique énorme autour de
ça, parce que c'est compliqué justement, mais c'est pareil au
niveau national, y a plein de gens qui sont dans les mouvements autour de la
décroissance et qui n'ont pas envie de s'impliquer dans ça.
C'était intéressant point de vue discussion, parler de ça
dans le groupe, voire les différents point de vue...
"Vous vous trompez de décroissance Monsieur le
Président !"
Lettre
ouverte au Président de la République
Française, en réponse aux déclarations de M.
Nicolas Sarkozy,
Président de l'
UMP du 28.11.2009.
Sujet : Réponse à vos déclarations du
28.11.2009.
Lundi 30 novembre 2009.
Monsieur le Président de la
République
Française !
Samedi 28 novembre 2009, devant les sympathisants de votre groupe
politique, vous vous êtes exprimé et avez évoqué des
sujets comme « La famine dans le monde, l'
écologie, la
décroissance, etc. » en dénigrant ouvertement avec
une virulence certaine d'autres partis politiques de votre pays.
Aussi, par souci de vous aider à rétablir certaines
vérités, je me permets de vous rappeler des faits, afin de
rectifier certaines inexactitudes dans vos propos :
Vous avez déclaré : «Quand j'entends nos
écologistes parfois dire qu'ils vont faire campagne sur le thème
de la décroissance, est-ce qu'ils savent qu'il y a du chômage?
Est-ce qu'ils savent qu'il y a de la misère dans le monde ? Est-ce
qu'ils savent qu'il y a près d'un milliard de gens qui ne mangent pas
à leur faim et que la décroissance ça veut dire plus de
misère pour tous ces gens-là ? »
Je ne ferai pas ici le rappel de tous les faits relatifs à
ces sujets depuis le début de votre présidence et m'en tiendrai
donc seulement à ces derniers mois.
Le Développement et l'aide au tiers-monde vu par
la France :
1 - Les 16, 17 et 18 novembre 2009, se tenait à Rome le
Sommet de la FAO sur la sécurité alimentaire pour
éradiquer la faim dans le monde. Tous les chefs d'Etats étaient
invités. Parmi les pays riches, seule l'Italie (pays hôte)
était présente ! La France comme les autres nations riches, a
snobé ces journées consacrées à la
sécurité alimentaire mondiale.
La décroissance de l'aide au développement
de la France et des nations riches :
2 - L'aide française pour le développement
dégringole et se retrouve à 9 milliards d'euros. Soit 0,44 % du
PIB alors que ce pays s'était engagé à hauteur de 0,7 %
dès 1970 ! Et a décidé de reculer le respect de la
signature de ses engagements à après 2015 ! Autant dire aux
calendes grecques pour être poli !
3 - L'aide internationale est en retard et en diminution
pour "Les Objectifs du Millénaire pour le Développement" et ses
objectifs pour 2015 ne seront pas respectés.
4 - En 2009, le sommet Mondial de l'Alimentation (FAO)
réclame 44 milliards de dollars annuels pour éradiquer les
famines mondiales en voulant remettre, dans les pays du Sud, les petits paysans
dans les champs pour assurer l'auto-suffisance alimentaire mondiale, mais les
pays donateurs ne versent que moins de 9 milliards de dollars sur les 22
milliards de dollars promis en juillet 2009, pour sauver un milliard
d'individus !
Les ONG et associations vous avaient pourtant
suggéré des solutions depuis longtemps :
A plusieurs reprises depuis de nombreuses décennies, les
ONG et associations mondiales qui luttent contre la faim dans le monde
appellent les nations développées à prendre des
dispositions efficaces pour enrayer cette catastrophe annoncée.
Mais, malgré cela, la France, ne respecte même pas
ses engagements internationaux dans ce domaine et préfère
diminuer ses aides au développement. Pire encore, elle snobe les
réunions internationales des instances de l'ONU sur les sujets du
développement et des famines en humiliant ces pays dont certains
très pauvres étaient présents à la réunion
de la FAO à Rome.
C'est pourquoi, à entendre vos propos, je me pose
la question : Mais de qui vous moquez-vous Monsieur le Président de la
République Française, si ce n'est de
vous-même ?
Les écologistes, dont le regroupement Europe Ecologie que
vous vous plaisez à critiquer, a en son sein le parti politique
écologiste "Les Verts" qui fut créé en 1984 sur le
rassemblement de personnes qui reprirent les idées de
Monsieur René Dumont, éminent tiers-mondiste, agronome
Français du développement de réputation internationale qui
fut le premier candidat écologiste à l'élection
présidentielle française en 1974.
Ce candidat dénonça le laxisme des autorités
françaises en matière d'aide au développement et
s'insurgea contre cette hypocrisie française, en ayant le courage de
dénoncer l'affairisme de cette nation vis-à-vis de ses anciennes
colonies et proposa des solutions aux problèmes des famines dans le
monde, etc.
Sachez Monsieur le Président de la République, que
depuis 1974, de très nombreuses personnes citoyennes peuvent remercier
ce candidat écologiste d'avoir ouvert la réflexion dans cette
société française sur les vrais sujets du
développement, de l'écologie, des scandales de l'affairisme de la
Françafrique et de l'impérieuse nécessité du
partage des richesses Nord-Sud en suggérant une décroissance du
gaspillage de nos sociétés égoïstes et
prédatrices.
Europe écologie est donc bien informé sur ces
sujets de la famine mondiale et, contrairement à ce que vous semblez
penser, apporte des solutions crédibles dans son programme politique que
je vous invite à lire de façon approfondie.
A écouter vos propos du samedi 28 novembre
2009, il est dommage, Monsieur le Président de la République
Française, qu'à l'évidence, vous ne vous soyez pas encore
préoccupé de tous ces sujets en profondeur. Sujets qui font
aujourd'hui l'actualité des peuples de ce monde.
Cela est bien dommageable, car c'est être dans le sens de
l'histoire que d'oeuvrer pour
résoudre véritablement ces situations dramatiques,
plutôt que de gesticuler et de fanfaronner en proférant des
inepties et contre-vérités dans les médias nationaux et
internationaux.
Cette attitude ne grandit pas votre Présidence et
scandalise les citoyens de votre pays. Mais plus grave encore, la France est
l'objet d'un discrédit certain de la part des autres peuples. Sachez que
cela est bien regrettable Monsieur le représentant officiel de la
France.
Même vos amis, les puissants des pays pétroliers
disent sous leur tente que vous êtes un jeune cheval fougueux. Ce qui
n'est à l'évidence pas vraiment un compliment, ni un constat de
sagesse à votre endroit pour un homme d'Etat.
Monsieur le Président, vous parlez de
décroissance en critiquant les écologistes qui ne sont pas encore
au pouvoir alors que vous-même, qui y êtes, oeuvrez efficacement
pour la décroissance de l'aide au développement de la France dans
le Monde.
Si vous aviez seulement respecté la signature de
la France à l'ONU, vous auriez remonté l'aide au
développement au niveau de l'objectif de 0,7 %, ce qui aurait au passage
été une source d'emploi pour de nombreuses personnes dans le
domaine de l'aide au développement et vous auriez aussi permis à
des populations de ne pas mourir de faim et de se sortir de la misère
depuis que vous êtes Président de ce pays de la
Fraternité.
Monsieur le Président, soyez loyal et honnête dans
vos critiques si vous voulez être crédible auprès du peuple
que vous représentez et respecté par les autres peuples de la
terre qui suivent vos gesticulations tapageuses bien souvent creuses dans la
réalité des engagements pris.
Recevez, Monsieur le Président de la République mes
salutations citoyennes militantes, loyales et courtoises.
Pierre Sarramagnan-Souchier
Signataire des Appels d'Europe Ecologie et Europe
Décroissance.
Programme de la liste Ecologie Solidaire en
Franche-Comté pour les élections régionales de mars
2010 :
Plus de gaz à effet de serre, de réfugiés du
climat, plus de smicards à temps partiel, de pesticides dans nos
assiettes, de Round Up dans l'eau « potable », plus de
déchets de plus en plus polluants, de transports sur des distances de
plus en plus longues, plus de famines, de mal logés ou pas logés
du tout, plus de solitude... Moins de service public, moins de lien social,
moins de fraternité, d'égalité, d'autonomie.
Pour sortir de cette crise ... de croissance, la
société doit réaliser une métamorphose, l'homme est
condamné à l'intelligence, à la modération et au
partage.
En vert et pour tous !
Des écologistes au conseil régional. Pour faire
quoi ?
· Inverser la tendance en agriculture : des fermes de
plus en plus grosses L'aide à l'installation ne doit pas être
uniquement une aide à l'agrandissement ;
· Favoriser des projets peu gourmands en surface :
maraîchage, paysans boulangers ;
· Promouvoir l'agrobiologie bonne pour la santé du
sol, de l'homme, des abeilles, non dépendante du pétrole,
l'enseigner dans nos lycées agricoles ;
· Manger bio au lycée ;
· Accompagner les agriculteurs en difficulté. La
pauvreté rurale ça existe !
· Encourager les projets agri-ruraux innovants ;
· Substituer céréales et protéagineux
produit ici, au soja brésilien pour nourrir notre bétail ;
· Promouvoir la méthanisation notamment les lisiers
de porc ;
· Interdire le Round Up, herbicide cancérigène
très utilisé, non recherché dans les analyses d'eau, mais
probablement présent dans l'eau potable ;
· Soutenir les AMAP, les Jardins de Cocagne et les
structures d'insertion ;
· Protéger la filière Comté des
appétits des grands groupes ;
· Arrêter le drainage des zones humides, rendre aux
zones asséchées leurs fonctions d'éponge et de filtration
;
· S'opposer au projet Dalkia- Veolia chez Solvay qui
consommerait 400 000 tonnes de biomasse issues de 7 départements, projet
dangereux pour la filière bois locale ;
· Promouvoir et développer encore les réseau
de chaleur et chaufferies collectives décentralisées ;
· Revitaliser le commerce de proximité en milieu
rural et dans les quartiers ;
· Promouvoir le train pendulaire de Lyon à Strasbourg
(produit par Alstom) en alternative de la branche Sud LGV ;
· La branche Est réalisée avec l'accord des
Verts a coûté 2.3 milliards d'euros publics dont 316 millions de
crédits régionaux ;
· Booster PME et artisanat locaux par un vrai programme de
maîtrise de l'énergie prioritairement dans le logement social et
d'énergies renouvelables, accompagner d'un programme de formation dans
les lycées et les GRETA ;
· Evaluer le potentiel en géothermie profonde de la
région ;
· Aides les communautés de communes à
installer et gérer les sites éoliens pour leur propre compte ;
· Soutenir la volonté des collectivités qui
souhaitent s'affranchir de la main mise des grands groupes sur la gestion de
l'eau ;
· Aider des projets d'électricité
photovoltaïque dans le tiers monde, avec des ONG comme Electriciens sans
Frontières.
A la Région dans un groupe majoritaire, nous serons des
partenaires exigeants et porteurs de projets. Nos élus s'appuieront sur
la dynamique d'Ecologie Solidaire en Franche-Comté, creuset
d'idées et de propositions.
Il ne sert à rien de critiquer les choses, il faut
simplement les changer. »
* 1
« Eco-tartufe» : Est une expression souvent utilisée
dans Le Journal de la Décroissance, Sophie Divry, journaliste au
même journal les définit de la sorte : « C'est
quelqu'un qui fait le contraire de ce qu'il dit ; c'est un hyper riche
(...) qui s'emploi à faire la morale au bon peuple et à donner
des leçons d'écologie. Ils polluent plus en une année
qu'en dix ans pour un Rmiste »
* 2 Cette phrase
provocatrice, on l'a retrouve souvent dans les écrits de Paul
Ariès, par exemple dans La Décroissance Un nouveau projet
politique, Villeurbanne, Golias, 2009, p 170
* 3 Pour voir ce spot :
www.lepartipourladecroissance.net
* 4 Je pense notamment
à quelques circonscriptions pour les élections
législatives. SM que j'ai interviewé s'est par exemple
porté candidat dans sa circonscription au Havre.
* 5 Bourdieu P,
« Penser la politique », Actes de la recherche en sciences
sociales, n° 71 / 72, mars 1988, p 2, in Propos sur le champ
politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000, p8
* 6 On pense notamment aux
travaux de socio- histoire qui ont montré le processus de
« désencastrement » (pour reprendre le mot de Karl
Polanyi dans La Grande transformation : aux origines politiques et
économiques de notre temps du politique Bibliothèque des
sciences humaines, Gallimard, Paris, 1983, où il montre que
l'économie moderne n'est plus sous le contrôle sociale de la
population) du politique vis-à-vis du social. Pour une approche de cette
« professionnalisation » voir le livre dirigé
par M. Offerlé : La profession politique. XIXe- XXe siècles,
Paris, Belin, 1999.
* 7 Bourdieu P,
« La représentation politique. Eléments pour une
théorie du champ politique » Actes de la recherche en sciences
sociales, n°36/37, fév-mars 1981, p 3-4
* 8 Pour un aperçu des
problèmes que ce vocabulaire pose au chercheur voir :
« Un « Que sais-je ? » en questions. Un
débat avec Michel Offerlé et Jean Leca » Politix,
volume 1, n° 2, pp 46-59.
* 9 P. Fritsch Introduction
de Propos sur le champ politique Ibid p 2
* 10 Offerlé M,
« Illégitimité et légitimation du personnel
politique ouvrier avant 1914 », Annales ESC, 1984
* 11 Une sous-partie du
livre de Crettiez X et Sommier I (sous la dir) La France rebelle,
Paris, Editions Michalon, 2006, est intitulé de la sorte. Elle regroupe
les partis des Motivés et des Alternatifs.
* 12 En 1987
déjà, G. Sainteny montrait que ce dépassement du clivage
gauche / droite tenu dans les discours avait ses limites puisqu'une bonne
partie des militants se positionnaient facilement à gauche. Ceci est
encore plus marquant aujourd'hui où les alliances avec le parti
socialiste vont de soi (aux élections régionales de
2010, c'est seulement en Bretagne que Régions Ecologie est allée
en son nom au 2nd tour)
* 13 Manin B,
Principes du gouvernement représentatif, Paris,
Calmann-Lévy, 1995. Ainsi, les Verts se sont appropriés ces
outils que sont les sondages (d'opinion ou pré-électoraux), comme
en témoigne le changement de candidat « à la
dernière minute » avant l'élection
présidentielle de 2002 (N. Mamère remplaçant A. Lipietz)
Cet exemple peut contribuer à argumenter en faveur du passage d'un
mouvement Vert vers une « entreprise politique Verte »
* 14 Guionnet C,
« Marginalité en politique et processus
d'institutionnalisation » p264, in Guionnet C, Arnaud L, Les
frontières du politique. Enquête sur les processus de politisation
et de dépolitisation, Rennes, Presses Universitaires de Rennes,
2005.
* 15 Collovald A,
« Le poujadisme ou l'échec en politique », Revue
d'histoire moderne et contemporaine, 1989.
* 16 Sur ce mouvement
précisément voir Guionnet C, op cit.
* 17 Leymarie N, Faire
de la politique « autrement » ? Enquête sur la
« démotivation » des Motivées de Rennes,
Mémoire IEP Rennes, 2003
* 18 Luck S, Le
militantisme à Arrg ! Paris. Les limites d'un engagement
pragmatique et distancié, DEA Science Politique, Paris 1, 2004
(phrase tirée p 7)
* 19 Information recueillie sur
le site www.partipourladecroissance.net
* 20 Entretien avec SM, le
samedi 16 janvier 2010.
* 21 Crettiez X et Sommier I
(sous la dir) La France rebelle op cit.
* 22 Il s'agit de Paul
Ariès. Il est en effet chercheur en science politique (détenant
un doctorat) mais aussi et surtout écrivain militant : il a
écrit une vingtaine d'ouvrages sur les effets néfastes de la
société de consommation (publicité,
« malbouffe »), les sectes mais aussi sur la
décroissance (quelques livres manifestes : Décroissance
ou barbarie, éditions Golias, 2005, La
Décroissance : un nouveau projet politique éditions
Golias, 2008, La simplicité volontaire contre le mythe de
l'abondance, Les empêcheurs de penser en rond / La
Découverte, 2010)
* 23 Dubuisson-Quellier S.
et Barrier J., « Protester contre le marché : du geste
individuel à l'action collective. Le cas du mouvement
anti-publicitaire », Revue française de science politique
2007/2, Volume 57, p. 209-237.
* 24« Cette
protestation, encore peu analysée par les sciences sociales, prend des
traits fort divers, depuis le développement de modes de consommation
dits engagés ou responsables (commerce éthique et
équitable, défense de l'environnement, boycott, commerce local)
jusqu'à la construction d'un mouvement promouvant la décroissance
en passant par la dénonciation du pouvoir de certains acteurs
désignés comme les principaux responsables d'une emprise de la
marchandisation, qu'il s'agisse de la grande distribution des grands groupes
économiques, de la publicité ou des médias » Op
cit, p209
* 25 Op cit, note de bas de
page n° 4 p209.
* 26 Micheletti M, Political
virtue and Shopping. Individuals, consumerism and collective action,
Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2003.
* 27 Dubuisson-Quellier et
Barrier J. Op cit p 234
* 28 Op cit p 211
* 29 Nous avons, en effet,
tenté de nous procurer le travail de Master 2 de Sience Po de Agathe
Eyriolles (Les Sens de la décroissance. Filiations et transmissions
entre la France et l'Italie) sans succès.
* 30 Flipo F,
« Voyage dans la galaxie décroissante », Revue
Mouvements, 16 avril 2007.
* 31 Bossy S,
« Le consumérisme politique : Entre actions collectives
individualisées et participation politique,
quelle place pour la recherche d'alternatives à la
société de consommation ? » Contribution à la
section thématique 37 du Congrès FNSP 7-9 septembre 2009. P15
* 32 Guionnet C,
« « La politique autrement » à Rennes
entre récurrences et réinventions » in
Mobilisations électorales. Le cas des élections municipales
de 2001, Presses Universitaires de France, 2005.
* 33 Quatre entretiens
semi-directifs : avec AJ le 17 octobre 2009, MG le 21 décembre, TB
le 13 janvier et SM le 16 janvier.
* 34 Un mail de réponse
m'a prévenu qu'il fallait « prendre avec des
pincettes » (mots de Michel Lepesant) certains militants
(février 2010)
* 35 François Jarrige
revient sur l' « histoire des résistances à la
technique » (sous-titre) dans son ouvrage Face au monstre
mécanique, Paris, Radicaux Libres, 2009. A la fin de son livre,
l'auteur fait référence à la « galaxie des
décroissants » (p160) et cite la revue Entropia - qui a fait
un numéro spécial sur « Technique et
décroissance » (N° 3, 2007) - pour montrer que cette
résistance est reprise aujourd'hui par cette pensée.
* 36 Georgescu-Roegen N, The
Entropy Law and the Economic Process, Harvard University Press, 1971.
* 37 Avec en
sous-titre : Entropie-Ecologie-Economie. La première traduction en
français date de 1979 ; celle de 2006 est la troisième et
dernière en date.
* 38 Ces commentaires sont
tirés d'un documentaire réalisé par le collectif parisien
pour la décroissance sur l'auteur, en interviewant le philosophe et
historien des sciences, ami également de Georgescu-Roegen, Jacques
Grinevald. Pour voir ce documentaire : http://ocparis.canalblog.com/ ou
sur www.youtube.fr (en sept épisodes) ; quelques extraits
écrits sont disponibles sur le site www.decroissance.org.
* 39 Citation tirée
d'un texte de Mauro Bonaïuti, professeur d'économie à
l'université de Bologne, disponible sur www.decroissance.org.
* 40 Cette expression se
retrouve souvent dans la bouche des militants qui, en cela, font
référence à la « crise
économique », (récession comme baisse du PIB) que
traversent les pays occidentaux depuis la dernière crise
financière fin 2008.
* 41 Citation provenant d'un
article de Denis Clerc dans la revue Alternative Economique N° 210,
janvier 2003.
* 42 Sous-titre et
autodéfinition de la revue tirés du site Internet :
http://www.entropia-la-revue.org/.
* 43 Ces auteurs, les plus
récurrents dans la revue ont par ailleurs écrits seuls des
ouvrages : entres autres pour Serge Latouche : Petit
traité de la décroissance sereine, Mille. Et. Une. Nuits,
2007 ; Le pari de la décroissance, Fayard, 2006 ;
Survivre au développement : de la décolonisation de
l'imaginaire économique à la construction d'une
société alternative, Mille. Et. Une. Nuits, 2004. Pour Yves
Cochet : Pétrole Apocalypse, Fayard, 2005 ; Anti
manuel d'écologie, Editions Bréal, 2009. Pour Fabrice
Flipo : Le développement durable, Editions Bréal, 2007.
* 44 Premier numéro
paru le 21 novembre 2008.
* 45 Extrait tiré du
site Internet d'Entropia, op cit.
* 46 Bruno Clementin
écrivit un article dans le premier numéro : « La
décroissance se situe-t-elle sur l'axe gauche-droite ? »
et Vincent Cheynet en signera un dans le septième numéro sous le
titre : « Contre l'effondrement des institutions,
défendre la représentativité politique ».
* 47 Latouche S,
« La décroissance : un enjeu
électoral », Politis, n° 905, 8 juin 2006.
* 48 Et d'ailleurs, peu de
militants prônant la décroissance l'ont fait sous
l'étiquette de ce PPLD naissant. Cf Bossy S, op cit.
* 49 Entretien avec SM samedi
16 janvier.
* 50 Entretien avec TB
mercredi 13 janvier.
* 51 Site du collectif
havrais pour la décroissance :
http://decroissance.lehavre.free.fr/.
* 52 Il s'agit de CL, avec
qui je n'ai pas eu d'entretien mais qui m'a renvoyé le questionnaire,
qui est Technicien des Bâtiments de France depuis 1991 et possède
un Brevet de technicien.
* 53 Ainsi, Anne (AJ)
détient une licence en Lettres et est retraitée de l'Education
Nationale (professeure de lettres) ; Mathilde (MG), après des
études d'histoire, obtiendra un DESS en direction de projets
culturels ; Thierry (TB) est titulaire d'un DEA de Génie Biologique
et Médical et est professeur des écoles ; Stéphane
(SM) est professeur agrégé de Sciences Industrielles après
avoir fait ses études à l'Ecole Normale Supérieur de
Cachan.
* 54 Il s'agira ici
d'extraits de deux interventions, l'une à l'Assemblée Nationale
(que l'on peut voir sur :
http://www.entropia-la-revue.org/spip.php?article35) et l'autre au Forum
Libération organisé à Rennes en mars 2010 et qui avait
pour thème « Le bonheur, une idée
neuve ? » Y Cochet y faisait une intervention dans le
débat intitulé : « Le bonheur est-il dans la
croissance ? » (Débat que l'on peut entendre à
l'adresse : http://www.forumlibe2010.rennes.fr/)
* 55 Entretien avec MG, le 21
décembre 2009.
* 56 On peut facilement trouver
ses interventions sur Internet, notamment dans les émissions :
Agora à la télévision ou Service Public à la radio
(sur France Inter le 3 juin 2009)
* 57 Selon Brubaker cette
notion serait tellement utilisée dans le langage commun - devenant un
mot-valise - que le domaine savant en est contaminé ; il faudrait,
pour cet auteur, abandonner cette notion et l'échanger contre par
exemple « identification ». Brubaker R,
« Au-delà de
l' « identité » », Actes de la
recherche en sciences sociales, volume 139, numéro 1, 2001.
* 58 Neveu E, Sociologie
des mouvements sociaux, Editions La Découverte, Paris, 2005, p
77.
* 59 Comme l'indique un
commentaire mis en première page du site web du Journal, de la revue
lyonnaise Millénaire 3 (www.ladecroissance.net)
* 60 Comme l'indique son
sous-titre.
* 61 Bossy S, op cit, p7
* 62 Dans le numéro
de mars 2010, Steph imagine à quoi ressemblerait un monde
décroissant (« Bienvenue dans le monde de
demain »
* 63 Bossy S, op cit, p7.
* 64 Informations
recueillies sur le site Internet du journal. Op cit.
* 65 Bossy S, op cit, p7
(note n°4 de bas de page)
* 66 Né dans la
sphère de la contestation anti-publicité, le journal La
Décroissance reste attaché à une critique de la
télévision et des médias dominants en
général, et accompagne des campagnes touchant l'
« opinion publique » comme La semaine sans écrans
(qui a eu lieu en 2010 du 22 au 28 mars). Ce n'est pas par hasard que le
journal entretient également de bonnes relations avec une association
comme Acrimed (Action Critique des Médias). Voir notamment sur le site
d'Acrimed : « Aller chez Giordano ? La décroissance
ouvre le débat sur ses rapports aux médias » Poche O,
10 août 2009.
* 67 Ce dernier ayant le
privilège d'être le sujet principal de l'édition de mars
2010 où on peut le voir manger à toutes les sauces : il
serait Dany le Jaune, le Bleu, le Noir, le Kaki, le Rose et le dernier en date
donc le Vert. Le journal soulignant ainsi son opportunisme et son
intéressement à la cause.
* 68 Cheynet V,
« Europe Ecologie, ou le triomphe de la société du
spectacle », La Décroissance, Mars 2010 (N°67), p5.
* 69 Sur son site, le journal a
listé les noms de ceux qui ont répondu au journal.
* 70 «... Et je me
rends compte que ça marche pas et ce qui m'a troublé aussi dans
les législatives, c'est qu'on n'a pas fait de programme commun. Enfin,
on n'a pas fait des propositions communes... » Entretien SM 16
janvier 2010.
* 71 SM 16 janvier 2010.
* 72 Sur le site :
http://les-oc.info/appel/
* 73 Selon les mots de
Michel Lepesant, professeur de philosophie et à l'origine de cet appel,
notamment avec Christian Sunt, paysan dans les Cévennes, militant
écologiste, animateur du Réseau Fruits Oubliés et
créateur de la revue Fruits Oubliés. Il est prévu, selon
ces mêmes personnes, que le mouvement passe désormais à la
« présence active » (article posté 12 avril
2010)
* 74 SM le 16 janvier.
* 75 SM le 16 janvier.
* 76« Ce
rejet du système économique, il est inhérent à
votre démarche... « Oui, et pas que le système
économique, système de société dans son ensemble,
c'est justement de plus avoir l'économie au centre de ce système
là, d'avoir l'humain donc... C'est vraiment un trait distinctif par
rapport à Europe Ecologie qui pouvait avoir des propositions, bon on
avait pas forcément les mêmes propositions et les mêmes
points de vue sur tout parce que, ba voilà, c'est pas les mêmes
idées » » Entretien MG 21 décembre 2009
* 77 « Est-ce
que vous avez mis en avant cette cohérence ? « Oui,
ca faisait vraiment partie, enfin, en lisant ne serait-ce que le tract ca
faisait partie du contenu, enfin ca faisait partie de ce qu'on avançait,
c'est-à-dire l'idée pas juste... Enfin, c'est pas juste apporter,
de faire moins, comme si ou comme ça, c'était de faire
différemment, de vivre complètement différemment mais
d'organiser aussi les choses différemment et donc aussi la
démocratie, notamment au niveau européen et au Parlement, ca
fonctionne de façon pas du tout démocratique et aussi de
façon forte cette idée de promouvoir un autre
fonctionnement » » Entretien MG 21 décembre 2009.
* 78 C'est ce que j'ai pu
observer pendant l'AG du 31 janvier où plusieurs personnes
élevèrent la voix quand quelqu'un fît allusion aux
bulletins imprimés seulement comme un choix par défaut.
* 79 Entretien TB 13 janvier
2010.
* 80 Entretien SM 16 janvier
2010.
* 81 Entretien TB 13 janvier
2010.
* 82 « La campagne
nous a coûté en tout et pour tout dans les 500 euros... Et on a
pas tout déclaré, y a des trucs qu'on a fait perso, style tirer
sur nos imprimantes, on les a pas déclaré... Je te fais les gros
trucs, les gros tirages ; y a eu les copains de Vendée qui ont fait
150 euros de tirage, moi 150 aussi, une copine a dû faire 100
euros... » Entretien TB 13 janvier 2010.
* 83 En raison de cette
idée d'autogestion mais aussi en raison de la rapidité avec
laquelle il fallait procéder (la campagne commençait peu
après l'Appel et peu de monde se connaissait)
* 84 Entretien TB 13 janvier
2010.
* 85 « Vous vous
trompez de décroissance Monsieur le Président ! »
Lettre à destination de Nicolas Sarkozy, par Pierre
Sarramagnan-Souchier, le 30 novembre 2009. Voir le courrier en Annexes.
* 86 Lilian Mathieu
définit ainsi cet espace : « univers relativement
autonome, traversé par des logiques propres, et dont les
différentes composantes sont unies par des relations de
dépendance mutuelle. Cet espace autoréférentiel se
distingue des autres univers constitutifs du monde social en ce qu'il propose
aux acteurs individuels ou collectifs qui le composent des enjeux
spécifiques tout en étant organisé par des
temporalités, des règles et des principes d'évaluation
propres, qui contraignent leurs pratiques, prises de positions, anticipations
et stratégies » (Mathieu L, « Note sur
l'espace des mouvements sociaux », p2, note préalable à
l'article « L'espace des mouvements sociaux », Politix,
n° 77, 2007)
* 87 Mathieu L, Note, op cit, p
1.
* 88 Latouche S, Petit
traité de la décroissance sereine, Mille. Et. Une. Nuits,
2007.
* 89 Dubuisson-Quellier S,
La consommation engagée, Paris, Presses de Science Po
(collection Contester), 2009.
* 90 Faucher Florence, Les
habits verts de la politique, Presses de Science Po, 1999
* 91 Selon l'expression de
Michele Licheletti dans Political Virtue and Shopping. Individuals,
Consumerism, and collective action, Basingstoke, Palgrave, Macmillan, 2003.
* 92 Luck S, op cit.
* 93 Pour un aperçu de
parcours militants au sein d'ATTAC : Cruzel Elise, « Passer
à l' ATTAC ». Eléments pour l'analyse d'un engagement
altermondialiste, Politix (68), 2004.
* 94 Luck S, op cit, p1.
* 95 Dubuisson-Quellier S, op
cit, p12.
* 96 Bossy S, op cit, p6
* 97 Dubuisson-Quellier S,
Barrier J, op cit, p211.
* 98 Entretien TB 13 janvier
2010.
* 99 Entretien avec MG 21
décembre 2009.
* 100 Dubuisson-Quellier S, La
consommation engagée, op cit, p13.
* 101 Je me
réfère ici au tableau récapitulatif de l'ouvrage de
Dubuisson-Quellier, ibid, p136.
* 102 On peut penser à
celle de 2005 qui s'était déroulée en marge du grand prix
de formule 1 de Magny-cours. Source : www.decroissance.org.
* 103 Ces quelques lignes
concernant la vision d'Yves Cochet s'inspirent de la conférence qu'il
donna à l'IEP de Rennes, le mardi 6 avril.
* 104 Cette dernière
idée est grosso modo la réponse qu'il donna à un
spectateur (économiste) dans la salle du Théâtre National
de Bretagne le 26 mars 2010 qui lui faisait la remarque suivante :
pourquoi apporter la bonne parole si, de toute façon, la
réalité va nous rattraper (c'est la contradiction qu'on a pu
soulever dans l'oeuvre de Marx également : pourquoi s'employer
à appeler les prolétaires à s'organiser si la
Révolution est une étape historique
nécessaire ?)
* 105 Faucher F, op cit,
p37.
* 106 Cette notion de
« répertoire d'action collective », forgée
par Charles Tilly provient de la sociologie du militantisme et plus
précisément de l'école de la « mobilisation des
ressources ». C'est dans une perspective historique que Tilly
l'utilise pour montrer que les groupes à travers l'histoire se
mobilisent en disposant (et héritant) de formes protestataires
plurielles. Tilly C, La France conteste. De 1600 à nos jours,
Fayard, 1986. Nous nous l'approprions ici pour montrer les différentes
possibilités d'investissement militant (en ayant conscience de la
détourner de son sens originel)
* 107 Faucher F, op cit,
p71.
* 108 Entretien MG, 21
décembre 2009.
* 109 Entretien TB, 13 janvier
2010.
* 110 Christophe est
technicien de bâtiments et se dit d' « extrême
gauche » (il précise qu'il faut mettre des guillemets) ;
Charlotte est professeure de piano en école de musique et tente le CAPES
de musique et se dit
« communiste-anarchiste-hippie-décroissante ».
* 111 Entretien MG, 21
décembre 2009.
* 112 Entretien TB, 13 janvier
2010.
* 113 Bossy S, op cit, p13.
Elle reprend l'expression de G. Lavau qui l'appliquait au Parti Communiste
dans : A quoi sert le parti communiste ? Fayard, 1981 (en
effet, Lavau l'appliquait selon le sens de « tribun » et
non de « tribune » ; le PCF étant en quelque
sorte le porte-parole de la Plèbe moderne (prolétariat), ce qui
avait pour conséquence, paradoxalement, de pacifier le débat en
institutionnalisant (même à la marge) les aspirations
révolutionnaires)
* 114 Idée
défendue pour créer une structure autonome. AG du PPLD, 31
janvier 2010.
* 115 Réponse au
questionnaire. Claudio est enseignant-chercheur en économie et gestion
à Grenoble.
* 116 Bossy S, op cit, p15.
* 117 Rappelons que pour
Bourdieu un « champ » est un espace disposant de ses
propres règles et enjeux. Chaque champ est une sorte de jeu où
chacun des participants doit se plier aux règles et intérioriser
les enjeux (habitus de champ), ceci afin de s'intégrer pleinement et
d'en tirer les bénéfices socialement reconnus par l'institution.
Bourdieu P, Propos sur le champ politique, op cit.
* 118 Expression initialement
portée au crédit de Max Weber.
* 119 Voir Neveu E,
« Crises et renouvellement du journalisme » Chapitre du
livre Sociologie du journalisme, Collection Repères, 2004
(p93)
* 120 Expressions
empruntées à P. Perrineau dans Perrineau P (sous la direction)
L'engagement politique. Déclin ou mutation? PFNSP, 1994
(Introduction : « L'évolution des formes de l'engagement
public », p18-19)
* 121 La
délégation comme « loi d'airain de
l'oligarchie » a été analysée dès le
début du 20ème siècle par Roberto Michels, en
prenant appuie notamment sur l'analyse du SPD allemand, dans Michels R, Les
partis politiques, Editions de l'université de Bruxelles, 2009
(1914). Et récemment on a pu aussi analyser les effets pervers d'une
trop forte volonté d'individuation dans différentes institutions
(les SEL par exemple :Lenzi C, « L'injonction à
l'autonomie comme mode de sélection sociale des militants des
SEL » in Nicourd S (sous la dir), Le travail militant,
Presses Universitaires de Rennes, 2009), comme la volontaire « remise
de soi » dans des organisations politiques comme les
Motivées : voir Guionnet C, « La politique
autrement », op cit (p8)
* 122 Ion J,
« L'évolution des formes de l'engagement public »
dans Perrineau P (sous la direction), op cit (chapitre 1, p34)
* 123 Boltanski L, Laurent
Thévenot, De la justification. Les économies de la
grandeur, Paris, Gallimard, 1991
* 124 Faucher-King F,
« Les Verts et la démocratie interne » in Haegel F,
Partis politiques et système partisan en France, Paris, Presses
de Science Po, 2007, p106.
* 125 S'inspirant des
mouvements sociaux « les Verts considèrent la
délibération comme la « plus haute forme de
démocratie » Faucher-King F, op cit, p108.
* 126 « L'isolement
relatif des objecteurs de croissance gravitant autour des Casseurs de Pub est
sans doute en
partie renforcé par la faible multi positionnalité
de ces militants. » Bossy S, op cit, p8.
* 127 Mot qui est revenu
à plusieurs reprises dans la bouche des militants du PPLD et notamment
dans celle de Stéphane
* 128 Entretien SM, 16 janvier
2010.
* 129 « Le
problème on nous a clairement dit qu'on était pas
légitime, le collège de l'AdOC n'est pas
légitime, à Beaugency on a dit qu'il avait une
légitimité pour 6 mois. Quand on met quelque chose au vote, ceux
qui sont pas d'accord vont dire « ah ba oui mais c'est pas
légitime ! » (Christophe) ; « Et
derrière, elle passe des coups de fil, pour dire le
« secret-lieyget-ariat », nouvelle structure pyramidale,
avec les parisiens qui veulent décider de ce qui doit se faire dans les
régions. » (Vincent Lieyget)
* 130 Entretien SM, 16 janvier
2010.
* 131 « Cette
spécificité française (le peu d'adhérents dans les
partis politiques) tient sans doute à la défiance que les
français ont, depuis toujours, manifestée envers l'organisation
partisane. Conséquence, à gauche, de l'anarcho-syndicalisme qui
contestait aux partis socialistes tout pouvoir réel de transformation
sociale, et, à droite, d'un discours qui tient les partis pour des
éléments de division de la communauté
nationale » (des grands leaders de la Troisième
République à Raymond Barre, en passant par le
Général de Gaulle) Ysmal C, « Transformations du
militantisme et déclin des partis » in Perrineau P (sous la
dir), op cit, p43-44. C'est moi qui note entre parenthèse.
* 132 Entretien TB, 13 janvier
2010. Thierry est, rappelons-le, conseiller municipal à Saint
Nazaire.
* 133 Entretien MG, 21
décembre 2009.
* 134 Expression
utilisée par Rocca durant l'AG. C'est aussi une expression qu'on
retrouve chez les Verts, même chez les dirigeants (Cécile Duflot
par exemple l'emploie quelques fois sur les plateaux de
télévision).
* 135 Les deux citations
viennent d'un même militant lors de l'AG du PPLD.
* 136 Entretien SM le 16
janvier 2010.
* 137 Et certains militants du
PPLD veulent, bien sûr, essayer de le comprendre : « Il a
sa stratégie, il pense qu'il faut passer par les accords nationaux, il
pense que c'est le moment maintenant de passer par des accords nationaux pour
éventuellement avoir quelques élus pour faire passer quelques
idées dans les partis et que la décroissance
avance... » (Entretien SM le 16 janvier 2010)
* 138 Entretien TB le 13
janvier (qui a connu la décroissance politique par les militants du MOC
et qui est lui-même membre du NPA)
* 139 Les listes
« Ecologie solidaire en Franche-Comté » et
« Pour une écologie sociale, solidaire et
décroissante » en Alsace.
* 140 C'est le cas par exemple
en Bretagne où six « objecteurs de croissance »
étaient inscrits sur « La liste unitaire anticapitaliste et
pour une écologie radicale » (Vraiment à gauche !)
(NPA- membres du Parti de Gauche et donc MOC
* 141 Entretien SM 16 janvier
2010.
* 142 Il en fut ainsi en
Pays-de-la-Loire où les divergences entre le PC, le PG et les quelques
« objecteurs de croissance » furent trop importantes.
Thierry en fit partie et à l'époque de l'entretien il me disait
déjà : « Est-ce que tu penses que jouer le jeu
politique avec le NPA va avec tout ce que vous prônez ? Ba
justement, je dors mal en ce moment... En même temps, je me dis, je sais
pas si vous avez lu les trois pieds de l'objection de croissance, je trouve
vraiment intéressant... Enfin, moi, ca correspond vraiment à ma
vision, c'est-à-dire que je le considère comme une
expérimentation... (...)Faut être conscient que y des gens du NPA,
ceux qui ne sont pas sensibilisés, qui ne lisent pas le Journal de La
Décroissance, qui ne connaissent même pas Latouche... »
Entretien TB 13 janvier 2010.
* 143 Il y eut en effet
quelques réunions d' « objecteurs de
croissance » : Vous avez beaucoup de liens avec les autres
régions ? Ba oui, on essaye... La
réunion qu'on a faite ce week end, c'est la première et une
deuxième dans 15 jours mais du côté de Lyon. Va y avoir
Rhône Alpes, probablement PACA, Languedoc-Roussillon... »
(Entretien TB 13 janvier 2010)
* 144 Entretien SM, 16 janvier
2010.
* 145 Entretien TB, 13 janvier
2010.
* 146 Entretien SM, 16 janvier
2010.
* 147 Entretien TB, 13 janvier
2010.
* 148 Entretien MG, 21
décembre 2009.
* 149 Faucher F, op cit,
p192.
* 150 Même si pour
certains comme Thierry, être élu n'est pas le problème
majeur et il dit bien que : « Si vous avez des élus
par exemple ? Ba tant mieux, parce que ce sera des tribunes, c'est le
principe de réalité. L'objection de croissance est ultra
minoritaire, mais l'objectif c'est si il peut avoir des municipalités
avec une majorité d'objecteurs de croissance, tant mieux... »
(Entretien TB, 13 janvier 2010).
* 151 Vincent pendant l'AG du
PPLD.
* 152 On peut prendre une
nouvelle fois les exemples des AMAP ou des SEL. Ces collectifs envisagent, dans
leur charte, d'être le lieu de contestation d'un modèle de
consommation artificiel et / ou un système marchand
désocialisant, mais cela n'empêche pas la venue de gens, plus
démunis socialement et économiquement, qui s'y inscrivent
essentiellement pour leur bien être ou leur santé, comme pour en
tirer des avantages financiers concernant les SEL. Ces personnes sont la
plupart du temps les moins investis dans l'organisation. Néanmoins, pour
que cette dernière fonctionne, des gens motivés, en plus des
précurseurs qui sont souvent des militants, doivent se mobiliser
davantage, et ce la plupart du temps au nom d'une cause supérieure
(comme celles qui sont inscrites dans les chartes). Pour des analyses de ces
« sociétés alternatives » voir Lenzi C,
« L'injonction à l'autonomie comme mode de sélection
sociale des militants des SEL » in Nicourd S (sous la dir), Le
travail militant, Presses Universitaires de Rennes, 2009 et Lamine C et
Perrot N, Les AMAP : un nouveau pacte entre producteurs et
consommateurs ?, Editions Yves Michel, 2008.
* 153 L'histoire politique de
la 2ème moitié du vingtième siècle a
forgé cette dualité pour insister sur ce qu'il y avait de
différents entre les démocraties à Etat de droit et les
régimes totalitaires ne laissant aucune place à l'expression du
citoyen.
* 154 Rocca à l'AG du
PPLD.
* 155 Michel Lepesant qui,
dans sa vie professionnelle, est professeur de philosophie.
* 156 Ariès P,
« L'anticonsommation » in Crettiez X, Sommier I (sous la
dir) op cit. Ces trois niveaux d'action (ou de
« résistance ») sont : « la
simplicité volontaire » ; « les
expérimentations collectives » et la « construction
d'un projet politique » (p 603 -604)
* 157
« Préhistorique de l'AdOC ». Document de travail
pour la deuxième assemblée générale de l'AdOC qui
se déroula les 18 et 19 avril 2010 à Beaugency.
* 158 « Face
à la radicalité de ces « crises », nous opposons une
autre cohérence : celle des sorties immédiates du capitalisme et
de tout productivisme par toutes les alternatives concrètes de vie
déjà existantes et à créer » Plateforme
de convergence de l'AdOC (p1)
* 159 Plateforme de
convergence (p2)
* 160 Ibid p2.
* 161 Collectif, Produire
de la richesse autrement. Usines récupérées,
coopératives, micro-finance,... les révolutions
silencieuses, Publicetim N°31, 2008.
* 162 Rahnema M, Quand la
misère chasse la pauvreté, Paris, Fayard / Actes Sud,
2003.
* 163 Il reprend le terme de
K. Polanyi qui explique comme l'économie s'est
« désenchassée » du social pour
acquérir un statut autonome. Polanyi K, The livelihood of man, New York,
Academic Press, 1977.
* 164 Rahnema M, op cit.
p201.
* 165 Ariès P, op cit.
p 603.
* 166 Ibid.
* 167 Site du Mouvement des
Objecteurs de Croissance (MOC)
* 168 « Charte de
fonctionnement interne de l'Association des Objecteurs de Croissance
(AdOC) ». Acceptée à l'AG de Beaugency 2.
* 169 Vincent, AG du PPLD 31
janvier.
* 170 Plateforme de
convergence de l'AdOC, p1.
* 171 Expression provenant du
vocabulaire d'extrême gauche, et visant à montrer qu'il ne s'agit
pas de « fédérer pour
fédérer ».
* 172 Vincent, AG du PPLD, 31
janvier 2010.
* 173 A la suite de la
« réussite » de l'appel d'Europe
Décroissance, les militants ont voulu poursuivre avec la création
de l'AdOC, mais il y avait aussi des nouveaux venus : « Les
gens de la plateforme, celle qui est sortie de Beaugency, ce sont les gens
d'Europe Décroissance pour la plupart ? Ah ba oui oui oui et
puis des gens nouveaux aussi. Comme on a une liste à peu près de
3000 noms. » Entretien TB, 13 janvier 2010.
* 174 « Rassembler
les objecteurs de croissance » Article du 23 avril 2010 posté
sur le site Internet du MOC (c'est moi qui souligne)
* 175 En annexe, le programme
d'Ecologie Solidaire en Franche-Comté.
* 176 Ariès P, op cit.
p 605.
* 177 Lepesant M,
« Les trois pieds politique de l'objection de croissance.
Contribution à l'élaboration d'une stratégie de
transformation pour sortir définitivement du capitalisme »
Texte en libre accès sur Internet.
* 178 Vincent, AG du PPLD, 31
janvier 2010.
* 179 Gilles, AG du PPLD, 31
janvier 2010.
* 180 Entretien MG, 21
décembre 2009.
* 181 Ibid.
* 182 Ibid.
* 183 Ibid.
* 184 Bossy S, op cit. p15.
* 185 Ibid. P 8.
* 186 Dubuisson-Quellier S, op
cit.
* 187 Rumpala Y, « La
connaissance et la praxis des réseaux comme projet politique »,
Raison publique, N° 7, octobre 2007.
* 188 Rumpala Y,
« La décroissance soutenable face à la question du
« comment ». Une remise en perspective par les processus de
transition et leurs conditions de réalisation »,
Mouvements, n° 59, juillet-septembre 2009, p164.
* 189 Ibid, p164.
* 190 Dubuisson-Quellier S, op
cit., p102.
* 191 Avec un site en anglais,
français, espagnol et italien :
http://www.apres-developpement.org/accueil/index.php.
* 192 Bossy S, op cit. p11.
* 193 Luck S, op cit. p141.
* 194 Soubrouillard
Régis, « La Décroissance, un journal, pas un
débat ! » Marianne, 6 août 2009.
* 195 « Nous n'en
dirons jamais assez de mal dans ces colonnes. Quitte à irriter. Car tout
ce que nous pouvons souhaiter, c'est de nous retrouver dans dix ans au moins
aussi énervés et insupportables ». Editorial pour les
dix ans de l'association Casseurs de Pub. Journal La Décroissance,
N° 64, novembre 2009.
* 196 Vincent, AG du PPLD, 31
janvier 2010.
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