Travail d'Etude et de Recherche
Master 2 - Recherche Systemes
Territoriaux, Développement Durable etAide à la
Décision --- Billy FERNANDEZ
Crise systémique et paradigme de
la
décroissance
Effondrement ou
métamorphose?
Juin 2010
Composition du Jury:
Fabien HOBLEA Ð Maitre de Conférence Ð
Directeur
Jean Jacques DELANNOY Ð Professeur Ð Co-directeur
Véronique PEYRACHE -GADEAU Ð Maitre de
Conférence - Examinatrice
Ç J'ai toujours aimé le désert.
On s'assoit sur une dune de sable.
On ne voit rien.
On n'entend rien.
Et cependant quelque chose rayonne en silence...
È
Antoine de SAINT EXUPERY (1900-1944)
SOMMAIRE
Introduction .4
Première Partie - Approche systémique et
paradigmatique de l'effondrement à venir 6
I. Des crises du présent vers un probable
effondrement systémique
global ?
|
7
|
A. Une crise éco-energético-technologique
|
7
|
1. Le cas du changement climatique d'origine anthropique
|
9
|
a. Donnees essentielles
|
...9
|
i. Caracteristiques elementaires
|
...9
|
ii. Observations et causes
|
.9
|
iii. Un couple - temperature / rythme - inedit
|
.10
|
iv. Consequences à court terme
|
10
|
b. Dynamique systemique
|
11
|
i. Feedback climat-carbone : amplification du rechauffement
et
incertitude
|
É.11
|
ii. Seuils, tipping points et irreversibilite
|
12
|
iii. Adaptation et/ou attenuation ?
|
12
|
iv. Controverses, debat public et lobbies
|
13
|
|
2. Ressources naturelles et energie ..
|
.14
|
a. Relativite, renouvelabilite et epuisement d'une ressource
|
.14
|
b. Depletion des ressources energetiques fossiles
|
15
|
c. Surabondance des ressources energetique fossiles
|
.É15
|
d. Depletion et surexploitation
|
16
|
e. Ressource, recyclage et entropie
|
.16
|
f. Degradation, acces à la ressource et destruction des
services ecologiqueÉ 16
|
g. Les energies renouvelables, substituts des energies fossiles
? 17
|
h. La question nucleaire
|
..17
|
|
3. Biodiversite, espaces naturels et services ecologiques
|
.18
|
4. Technoscience, technologies convergentes et
transhumanisme
|
..19
|
|
B. Crise socio-économico-culturelle
|
20
|
1. « Immondialisation », crise des rapports
Nord/Sud et des institutions
internationales ..20
2. Malaises et crises de l'Occident ..21
a. Une crise sociale qui s'amplifie ..É21
b. Une crise economique et financière de grande ampleur
à l'issue incertaine.22
c. Crise democratique et politique
|
. 22
|
d. Crise de la culture (ARENDT, 1961)
|
. .É23
|
e. Crise de l'agriculture intensive
|
. 23
|
|
II . Les fondements supposés de l'effondrement
....25
A. La démesure systémique et ses
implications .25
1. Démesure et société de croissance .25
2. La société technicienne : logique du
détour, disvaleur et autonomie de la technique .. 26
3. Démesure et crise environnementale : limites physiques
et symboliques de la nature . .27
4. La représentation d'une nature à dominer
. 28
5. L' Ç invisibilité du malÈ moderne 29
B. Le développement 29
|
1. Origines, définition et critiques
|
29
|
a. Le développement est fondé sur la croissance
|
29
|
b. Utilisations et critiques
|
...29
|
c. Développement et imaginaire économique
|
30
|
d. Une insolvable contradiction
|
30
|
2. Le développement durable, entre désillusion et
critique
|
31
|
a. Oxymore et pléonasme à la fois
|
..31
|
b. Ecoefficience et Ç effet rebond
È (SCHNEIDER, 2003)
|
.32
|
c. Le développement durable, outils de domination
marketing?
|
32
|
|
d. L'oubli du social
|
33
|
Conclusion de la première partie
|
34
|
Deuxième Partie - La métamorphose:
dépasser la société de croissance pour se détourner
de l'effondrement 35 I. Une posture philosophique
face à l'effondrement : le
catastrophisme éclairé (Jean
Pierre DUPUY) .36
A. Les effondrements du passé, de similitudes en
enseignements 36
B. Vers un effondrement probable 36
1. Excês de puissance, risque et précaution .36
2. L'incertitude n'est pas le problême : Ç
savoir n'est pas croireÈ (DUPUY, 2002) .37
3. Ë la lumiêre de l'inéluctable catastrophe
. .38
4. L'aide des catastrophes pédagogiques ? 38
II. La voie de décroissance .
.39
A. La décroissance : de la Ç bombe
sémantique È à Ç l'utopie concrète
È ..39
1. Eléments de définition : contours d'un
concept-nébuleuse ..39
a. Statut et sens 39
b. Choisir ou subir la décroissance .40
c. Bonheur et décroissance .É40
d. Les indicateurs, entre outils et dérives 40
2. Cadres et postulats de la décroissance .41
a. Ethiques environnementales et décroissance .41
b. Un postulat de soutenabilité
écologique 42
c. L»utopie concrete»: coopération et
solidarités territoriales et interterritoriales 43
d. Décroissance et Ç repli identitaire È
. 43
3. Les principes systémiques de la voie de la
décroissance ...44
a. Réévaluer . 45
b. Reconceptualiser . 45
c. Restructurer 45
d. Redistribuer 46
e. Relocaliser et reterritorialiser . 46
f. Réduire 47
B. Tentative de formalisation partielle d'un
système territorial de la décroissance, autour du triptyque
Tourisme Ð Agriculture - Territoire, pour le cas d'un espace montagnard
alpin virtuel .48
Schéma n°5 : Tentative d'approche systémique
des quelques relations Tourisme Ð Agriculture -Territoire potentielles
à travers l'approche de la décroissance .50
Conclusion de la deuxième partie .
51
Schéma Synoptique de mémoire . . 52
Conclusion générale .
.53
Bibliographie ...55
Introduction
Alors que la globalisation economique accentue toujours plus l
es interactions et interdependances entre les territoires et les grandes
puissances, la crise systemique 1 de la finance puis de l'economie
mondiale2 offre une belle illustration des phenomènes de
propagation et de retroactions - feedbackqui interviennent dans le
fonctionnement du systeme-monde (WALLERSTEIN, 2006). Pourtant, cette
realite economique omet une autre dimension de l'interdependance systemique :
celle des societes (sociosphere) à leur environnement biophysique
(ecosphere). Des logiques similaires de retroactions, d'amplification et de
rupture sont à l'oeuvre dans l'interaction societes/environnement, bien
que l'economie neoclassique, dont l'esprit et les principes reglent la plupart
des rapports entre les hommes, les societes et leurs resso urces, n'en tienne
aucunement compte.
Or, aujourd'hui, le macrosysteme qui organise les interactions
entre les differents elements, au sein des societes et entre les societes et
leur environnement, est en crise. Ce macro systeme pourrait etre designe sous
le terme d'anthropsystème, dans le sens on il integre à
la fois le sociosysteme et la relation de ce dernier à l'ecosysteme.
Ainsi, le terme de crise vient du grec krisis, qui
signifie notamment « jugement ». On peut la definir comme une
« manifestation pathologique brusque et intense laissant
prévoir un changement généralement décisif, en bien
ou en mal »3. Celle-ci peut etre, ou pas, irreversible.
Michel SERRES, dans Le temps des Crises, releve
egalement son origine medicale et la definie comme « l'état
d'un organisme confronté à la croissance d'une maladie
[É.] jusqu'à un pic local et catastrophique qui le met tout
entier en danger ». Il precise que cette « situation
critique induit une décision » et que
« dans le cas olt il survit, il a pris une autre voie
». En effet, « la crise lance le corps vers la mort ou vers
une nouveauté qui reste à inventer. Il ne peuty avoir de reprise
car, équivalente à une répétition, celle-ci nous
précipiterait, de nouveau, en cycle, vers une situation au moins
analogue ou, pis encore, vers un état instable et chaotique.
»
Cette « situation instable et choatique », qui
selon notre point de vue constitue le prolongement - temporel - probable de la
crise - systemique globale -, nous l'appelons
l'effondrement4.
En effet, d'apres Jean Claude BESSON-GIRARD5,
directeur de la revue Entropia6, « la kyrielle des crises
qui nous affectent sous le joug de ce modele impérial [du
scientisme et de l'economisme] est contenue dans le seul mot
d'effondrement. Celui-ci signifie en effet « disparition,
écroulement, anéantissement, disparition ». C'est
d'ailleurs le terme de « disparition » qui a ete retenu pour la
traduction française de l'ouvrage phare de Jared DIAMOND sur
l'effondrement des civilisations, le terme original fail)
( etant plutôt lie à l'idee
« d'echec ».
1 Vocable d'ailleurs surtout utilise dans les milieux financiers
pour designer le changement d'echelle d'un phenomene.
2 Qui s'est etendue en 2010 à la crise de la
dette souveraine des etats de la zone euro, à travers le cas de la Grece
notamment.
3 Centre National de Ressources Textuelles Lexicales
(CNRTL)
4 Voir le n°7 -automne 2009- de la revue
Entropia, qui a pour titre : « L'effondrement, et apres ?
».
5 Peintre, ecrivain et agriculteur.
6 Revue d'étude théorique
et politique de la décroissance.
Cet effondremen t, comme l'hypothese heuristique qui
constitue son antecedent probable, la crise, nous considerons qu'il
est systbmique, à deux sens du terme. D'abord, les processus
qui risquent de conduire à son avenement sont complexes et
fonctionnent selon des modalites systemiques, ensuite car il serait lie au
systeme de la societe de croissance, c'est-à-dire le modele de
lÕanthroposystème, prTMne et adopte par la civilisation
occidentale. On peut dans cette optique definir un systeme comme une
Ç unité composée de sous-systemes en interactions
partielles qui lui assurent une coherence È (WALLISER) et la
complexite comme « lÕintensification des interacti ons
partielles entre différents types de parametres » (PIGEON).
Ce travail d'etude et de recherche est articule autour des quatre
questionnements suivants :
- Qu'entendons-nous par crise systimique globale?
- En quoi l' effondrement constitue son prolongement
probable ?
- Quels sont les fondements de cet effondrement
à venir et comment affronter l'incertitude qui le caracterise ?
- Comment envisager la possible metamorphose (MORIN,
2007) de la décroissance, potentiellement susceptible de nous
detourner de cet effondrement ?
Il s'agira ainsi dans un premier temps de presenter une
analyse - au sens d'une etude dynamique - de la crise systbmique
globale et de ses fondements, prealable indispensable à l'approche
paradigmatique de la metamorphose que constituerait la decroissance,
qui nous menera à une tentative de formalisation geographique.
Première partie:
Approche systémique et
paradigmatique de
l'effondrement à venir
I . Des crises du présent vers un probable
effondrement systémique global?
Les crises sectorielles très brièvement
présentées dans ce paragraphe n'en sont pas. En effet, elles
admettent toutes, à leur manière, une complexité propre
ainsi qu'un rapport complexe au volet de la crise systémique globale
auquel elles appartiennent. Il sera ainsi question, à travers cet
aperçu rapide et à l'aide du paradigme de la décroissance,
d'interroger l'ampleur et la convergence de crises systémiques largement
globalisées comme les prémices d'un effondrement global.
Nous avons ainsi pris le parti d'assumer une posture qui peut
para»tre Ç catastrophiste È, au sens oü
précisément nous nous intéressons à ce qui est en
crise, avec to utes les acceptions que ce terme peut revêtir. L'objectif
est de permettre une meilleure lisibilité des phénomènes
et parfois des signaux faibles, bien que nous considérons que la
très grande majorité des phénomènes décrits
sont des phénomènes devenus ou en passe de devenir
déterminant pour les sociétés humaines, y compris dans
leur relation à l'environnement et aux ressources.
A. Une crise
éco-énergético-technologique
L'empreinte écologique, développée par
Mathis WACKERNAGEL et William REES au début des années 1990, est
un indice synthétique de soutenabilité des
sociétés. En s'intéressant au capital naturel critique,
elle sert à mesurer la surface bioproductive (BOUTAUD, 2009)
nécessaire à la double satisfaction des besoins de
l'économie d'un groupe humain donné, à savoir :
· la capacité de renouvellement des ressources
renouvelables issues de la biomasse
· la capacité d'assimilation des déchets
générés.
Le schema suivant offre une representation synthetique des
interactions entre l' econosphire et la biosphere en matiere
d'empreinte ecologique.
Figure n°1 : Econosphere et biosphere : l'economie humaine,
un sous-systeme du systeme ecologique, extrait de A.BOUTAUD et N.GONDRAN
(2009)
Notons par ailleurs que selon A.BOUTAUD& N.GONDRAN
(2009), Çles principales lacunes de cet indicateur se traduisent au
final par une sous-estimation probable du probléme ecologique auquel
l'humanité est confrontée. È7
Or, l'empreinte ecologique globale calculee en 2008 etait de
2,7 ha/hab, donc superieure à la biocapacite terrestre (2,1 ha/hab).
Notre empreinte ecologique n'est donc pas soutenable. Ce depassement ecologique
se traduit concretement par une degradation des stocks de certaines ressources
renouvelables et (surtout) par une capacite insuffisante de la biosphere
à, par exemple, sequestrer le carbone issu de la combustion des energies
fossiles, ce dernier etant largement en cause en matiere de rechauffement
climatique.
7 Celle-ci ne prend pas en compte notamment les
matieres minerales, l'eau et les dechets toxiques et nucleaires.
1 . Le cas du changement climatique d'origine anthropique
a. Données essentielles
i. Caractéristiques élémentaires
Le climat de la Terre a toujours varié,
essentiellement du fait des forçages astronomiques, mais
également du fait, entre autre, des crises volcaniques. Les travaux,
notamment des géographes, sur les paléo-environnements, en
témoignent largement, et avec toujours plus de précision.
Par ailleurs, la présence dans l'atmosphère de gaz
effet de serre (GES) est une des conditions autorisant la vie sur Terre.
Le système climatique est en outre remarquablement
stable depuis environ 10 000 ans, ce qui a permis, entre autre, la
Néolithisation et a créé un cadre privilégié
- probablement indispensable - pour la constitution de nos
sociétés, au moins occidentales.
Pourtant, depuis l'époque pré-industrielle,
l'augmentation des émissions de GES dues aux activités
anthropiques a conduit à une augmentation marquée des
concentrations de GES atmosphériques.
Le 4ime rapport du GIEC8 est la principale source
utilisée pour caractériser les éléments de ce
paragraphe, étayés par des écrits de Jean JOUZEl,
Hervé le TREUT, Michel PETIT, Edouard BARD et Jean Marc
JANCOVICI.
ii. Observations et causes
Ces émissions sont constituées de rejets de
dioxyde de carbone (CO2) (77% des émissions anthropiques totales en
2004), de méthane (CH4), de protoxyde d'azote (N2O) et de
différents gaz frigorigènes (HFC, PFC et SF6). Les
émissions globales de GES ont crü de 70% entre 1970 et 2004, dont
une augmentation de 24% entre 1990 et 2004. Les concentrations de gaz
carbonique dans l'atmosphère ont atteint des niveaux sans
précédent depuis 650 000 ans : 379 ppm* en 2005 contre 280 ppm
avant l'ère industrielle.
Par ailleurs, le réchauffement du système
climatique est sans équivoque, car il est maintenant évident dans
les observations de l'accroissement des températures moyennes mondiales
de l'atmosphère et de l'océan, la fonte
généralisée de la neige et de la glace, et
l'élévation du niveau moyen mondial des océans.
Ainsi, onze des douze dernières années figurent
au palmarès des douze années les plus chaudes depuis 1850. Le
niveau de la mer s'est élevé de 17 cm au cours du
vingtième siècle et de 3 mm par an entre 1993 et 2003, soit le
double de la moyenne enregistrée durant tout le vingtième
siècle. Une augmentation du nombre des cyclones tropicaux intenses est
observée dans l'Atlantique Nord et d'autres régions du Globe
depuis 1970.
8 Groupe d'Expert Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat
(IPCC en anglais)
Le 4ème rapport du GIEC affirme que la probabilité
que les changements climatiques soient dus aux activités humaines est
supérieure à 90%.
iii. Un couple - température de départ / rythme de
réchauffement - inédit
Au cours des cent dernières années (1906-2005),
le climat s'est réchauffé de 0,74°C en moyenne globale alors
que le réchauffement post-wurmien (de 4 à 7°C) s'est
effectué sur 5000 ans. Ainsi, le rythme de réchauffement actuel
du climat est dix fois plus rapide que celui de la dernière glaciation.
Par ailleurs, ce rythme s'est fortement accentué sur les 25
dernières années, la température de la Terre ayant
augmenté de 0,18°C par décennie, soit un peu plus que le
double de la moyenne des cent dernières années.
On conçoit aisément que la biosphère ne
pourrait probablement pas Çs'adapterÈ aux variations
envisagées par le GIEC, qui prévoit une augmentation comprise
entre 1,1°C et 6, 4°C. Mais quelles en seraient les
conséquences?
iv. Conséquences à court terme
Le GIEC s'est basé sur quatre scénarios
d'émissions pour modéliser le climat futur et ses
conséquences probables. Nous ne les détaillerons pas ici, mais
nous retiendrons les grandes tendances, à savoir:
- une augmentation de la fréquence d'occurrence de
certains événements météorologiques extrêmes
(canicules, inondations, sécheresses). En parallèle, on s'attend
à une augmentation de 10 à 40% des risques d'inondations dans les
régions humides et une diminution de 10 à 30% de la
disponibilité en eau dans les régions sèches.
- un bouleversement de nombreux écosystèmes,
avec l'extinction possible de 20 à 30% des espèces animales et
végétales si la température augmente de plus de
2.5°C, et de plus de 40% des espèces pour un réchauffement
supérieur à 4°C. Le seuil de 1,5 à 2,5 °C de
réchauffement appara»t critique pour le maintien de la
biodiversité actuelle. Un réchauffement supérieur
entra»nera des changements importants dans la structure et la fonction des
écosystèmes. En outre, à partir de 2°C de
réchauffement, les écosystèmes terrestres risquent de
relâcher plus de gaz à effet de serre dans l'atmosphère
qu'ils n'en stockeront.
- Des crises liées aux ressources alimentaires : dans
de nombreuses parties du globe (Asie, Afrique, zones tropicales et
subtropicales), les productions agricoles chuteront, ce qui risque de provoquer
des crises alimentaires, sources potentielles de conflits et de migrations.
- Des dangers sanitaires : le changement climatique aura
vraisemblablement des impacts directs sur le fonctionnement des
écosystèmes et sur la transmission des maladies animales,
susceptibles de présenter des éléments pathogènes
potentiellement dangereux pour l'homme. L'accroissement des maladies
diarrhéiques, des affections dues aux canicules, inondations,
tempêtes, incendies et sécheresses sera couplé à
l'augmentation de maladies cardiorespiratoires en raison de niveaux plus
élevés d'ozone troposphérique.
- Des déplacements de population : l'augmentation du
niveau de la mer (18 à 59 cm d'ici 2100) devrait provoquer
l'inondation de certaines zones côtières (notamment les deltas en
Afrique et en Asie),
provoquant d'importantes migrations dont la gestion sera
délicate. En décembre 2008, à l'occasion de la
conférence de Poznam, l'ONU estimait Çselon les
prévisions les plus optimistes È, à Çplus
de 250 millions le nombre de réfugiés climatiques d'ici à
2050 È9.
Par ailleurs, il faut noter que selon le rapport
d'étape du GIEC (Climate Change Science Compendium 2009), datant de
septembre 2009, le scénario de travail le plus pessimiste du GIEC (A1FI-
jusqu'à +6,4°C d'ici à 2100) est aujourd'hui
dépassé par la réalité des émissions
comptabilisées par les états.
Plus encore que les effets à court terme, c'est le
comportement du système climatique à moyen et long terme qui
interroge la perspective d'un effondrement écologique.
b. Dynamique systémique
i. Feedback climat-carbone10 : amplification
du réchauffement et incertitude
Si les effets à court terme sont relativement bien
connus, l'existence, mais surtout la quantification des effets de boucles de
rétroactions positives inhérentes à la dynamique de
réchauffement est en proie à davantage d'incertitude. Certaines
de ces rétroactions ont déjà été
observées lors de précédents réchauffements,
à la fin d'une ère glaciaire. Citons quatre exemples de ces
feedback positifs probables :
· la fonte des glaces polaires et continentales diminue
l'albédo, contribuant ainsi à augmenter le
réchauffement
· la fonte du pergélisol de Sibérie est
susceptible de libérer les très grandes quantités
d'hydrates de méthane qu'il contient, le méthane étant un
GES 23 fois plus puissant que le CO2.
· l'augmentation de la température des océans
diminue leur capacité à dissoudre les GES, de même que les
perturbations de circulation thermo-haline.
· l'acidification de ces mêmes océans, outre
de nombreux autres effets perturbateurs, induit un relargage de CO2 dans
l'atmosphère.
D'autres effets, notamment le rTMle des nuages, sont soumis
à de fortes incertitudes. D'autres enfin produisent des
rétroactions négatives.
L'effet de serre additionnel produit ainsi deux grands types
d'effets sur le système climat-carbone :
Un effet climatique direct, qui peut se traduire par une
réduction de la capacité de la biosphère terrestre et des
océans à absorber - à ÇséquestrerÈ le
C02 du fait de l'augmentation de la température.
9 Par voie de communiqué, selon le Haut Commissaire
adjoint pour les réfugié s, L. Craig JONHSTON.
10 Sources: Cox et al., 2000, Nature, Ç
Acceleration of global warming due to carbon-cycle feedback È
;
Friedlingstein et al., 2006, Journal of Climate,
ÇCarbon-climate cycle feedback analysis : Result from the C4MIP model
intercomparisonÈ
Un effet biochimique, qui se traduit par une perturbation du
cycle du carbone du fait de la modification de sa quantité
Il est ainsi crucial de prendre en compte la
rétroaction climat-carbone due à l'augmentation de la
concentration atmosphérique de CO2 dans les projections climatiques.
Pour l'instant, les travaux portent sur la quantification de la dispersion
(incertitude) du feedback climat-carbone. Il demeure ainsi une grande
incertitude quand à l'amplitude de la rétroaction climat-carbone
due à la sensibilité du cycle du carbone de la biosphère
au changement climatique.
L'incertitude des modèles est essentiellement due à
la réponse des sociétés en termes de réduction des
émissions de GES.
Ainsi, la machine climatique est régie par des
mécanismes complexes, certains très bien établis et
d'autres laissant une forte part à l'incertitude. Mais si le sens de ces
mécanismes de feedback fait débat, l'idée de
<<dérèglementÈ de la machine climatique est
très clairement établie, ce qui constitue de notre point de vue
l'élément central.
ii. Seuils, tipping points et
irréversibilité
Le terme de <<bombe à carboneÈ est
souvent retenu pour qualifier les phénomènes rétroactifs
décrits plus haut, mais y ajoute un caractère brusque et
potentiellement irréversible. En effet, on note un fort consensus autour
de l'existence de seuils, de points de basculement dans le système
climatique. Toutefois, une incertitude importante demeure quant à
l'endroit oü se situent ces seuils. Pourtant, un consensus a
été établi au sein du GIEC pour retenir le seuil de
2°C d'augmentation de la température moyenne globale d'ici à
2100 par rapport à l'ère industrielle. Au delà de ce seuil
limite, les risques de <<conséquences catastrophiques et
irréversiblesÈ sont très fortement accrus. La
perturbation du système climatique étant trop profonde et rapide
au regard de ses capacités de résilience, des processus d'auto -
organisation surviendraient, avec des conséquences mal connues mais dont
tout nous laisse à penser qu'elles seront tragiques. Respecter ce seuil
de 2°C correspond, toujours selon le GIEC, à une division par 2 des
émissions globales de GES d'ici à 2050 par rapport au niveau de
1990. Cet objectif signifierait pour la France une division par 4 ou 5 de ces
émissions pour la même échéance...
iii. Adaptation et/ou atténuation?
Partant des postulats précédent s, deux
stratégies complémentaires peuvent être adoptées :
l'adaptation et l'atténuation.
L'adaptation est nécessaire pour répondre aux
impacts résultant du réchauffement déjà
inévitable en raison des émissions passées (+ 0,6°C
d'ici 2100, même si les concentrations atmosphériques en GES
restaient au niveau de l'an 2000, ce qui est bien sür impossible). Une
large gamme d'options d'adaptation est disponible, qu'il s'agisse d'options
technologiques (protections côtières, habitat) ou de modification
des modes de vie (alimentation, loisirs...), et de modes de gestion (pratiques
agricoles...), politiques....
En outre, comme nous l'avons vu au plus haut, la mise en
Ïuvre de mesures d'atténuation réduisant fortement les
émissions de GES est indispensable pour limiter les impacts, les
rétroactions et empêcher des effets de seuils. L'ampleur de cette
réduction, comme nous l'avons vu plus haut, doit être au minimum
une division par deux au niveau mondial des émissions d'ici à
2050 par rapport au niveau 1990, ce qui va nécessiter des modifications
très profondes des sociétés, au Nord
particulièrement.
iv. Controverses, débat public et lobbies
Au sein de la communauté scientifique, des controverses
portent sur les causes du réchauffement climatiques, aucun scientifique
ne niant à ma connaissance son existence. Un courant Çclimato-
septiqueÈ s'est développé, en particulier depuis la
parution en 2007 du 4ème rapport du GIEC, critiquant parfois très
sévèrement les travaux dudit groupe. Outre George W. BUSH et les
compagnies pétrolières, des scientifiques11 et des
personnalités ont pris le parti du scepticisme, dénonçant
l'orthodoxie dogmatique du GIEC et des ÇréchauffistesÈ sur
la question. Ceux-ci invoquent notamment des causes astronomiques pour
expliquer le réchauffement constaté. Mais ces thèses sont
largement contredites par les raisonnements et les recoupements d'observations,
si bien que le courant sceptique demeure ultra-minoritaire dans la
communauté scientifique.
En parallèle, s'il faut rappeler que le 4ème
rapport du GIEC, produit par près de 2500 scientifiques de 130 pays, a
vu ses conclusions validées notamment par toutes les académies
des sciences des grands pays industrialisés, on sait le poids qu'ont les
lobbies en matière d'expertise scientifique. Il est ainsi permis de
s'interroger sur l'ampleur de l'influence des firmes pétrolières
au sein du courant Ç sceptique È, à l'instar de la
requête de James Hansen en 2008.
Par ailleurs, l'échec profond de la conférence
de Copenhague en décembre 2009, pourtant fondée sur des
engagements très modérés et non contraignants
juridiquement, démontre l'inconséquence des états et le
poids des lobbies, l'inertie et l'aveuglement ou la manipulation des opinions
publiques de certains grands états.
Outre des questionnements d'ordre éthique que nous
développerons plus loin, il appara»t que la problématique du
réchauffement climatique d'origine anthropique, par delà les
incertitudes liées aux prévisions et aux mécanismes
(rétroaction, points de basculement), modifie fondamentalement
l'état d'équilibre dynamique endogène du système
climatique. Les rythmes de réchauffement prévus (et
constatés) ont et auront des conséquences majeures sur les
écosystèmes, et c'est ainsi l'ensemble de la biosphère
-dont nous sommes- qui sera probablement très profondément et
violemment modifiée, avant d'envisager un hypothétique retour
à un état stationnaire.
1 1 Marcel LEROUX, Vincent COURTILLOT, Benoit RITTAUD ou
Jean-Louis Le MOUEL - contribuent parfois au débat. En revanche, nous ne
commenteront pas les erreurs affligeantes et l'attitude démagogique et
méprisante de Claude Allègre, pourtant le plus
médiatisé des sceptiques, qui s'est d'ailleurs vu adresser une
lettre ouverte signée par quelques 410 chercheurs liés à
la climatologie, critiquant notamment le sérieux de ses travaux et son
Ç éthique scientifique È.
Le réchauffement climatique constitue ainsi un
défi absolument majeur pour la communauté de destin que constitue
désormais l'humanité. Celui-ci est, on l'a vu, directement
lié à la problématique des ressources.
2. Ressources naturelles et énergie
Une question d'ordre de grandeur...
La population humaine sur terre a été
multipliée par un facteur 100012 depuis le début du
néolithique - environ 10 000 ans-, tandis que la quantité moyenne
d'énergie consommée par Çterrien>> a
été multipliée proche de 10 depuis 1880 13. La
quantité globale d'énergie consommée par l'humanité
depuis la fin du néolithique a ainsi été multipliée
par plus de 10 000. Or, l'énergie en physique est la grandeur qui
caractérise un changement d'état dans un système. Ainsi,
dire que l'Homme a augmenté sa consommation d'énergie, ça
n'est rien d'autre que de dire qu'il a augmenté la pression globale
qu'il exerce sur son environnement.
a. Relativité, renouvelabilité et
épuisement d'une ressource
Nous rejoignons François MANCEBO sur l'idée qu'
Çune ressource n'existe pas dans l'absolu, qu'ilfaut
qu'elle ait été affectée de valeur et soit susceptible
d'usage >>. Pourtant, la dépendance à une ressource
-en termes de rythme de prélèvement et de quantité -
expose une société à un risque majeur dès lors que
cette ressource n'est plus disponible. Distinguons trois cas:
· Soit que le stock de cette ressource se trouve en
quantité finie - non renouvelable - et que son l'épuisement
arrive à échéance,
· Soit que le rythme de prélèvement d'une
ressource renouvelable soit trop élevé, ou que sa qualité
soit affectée au point de mettre en péril son
prélèvement même,
· Soit que l'utilisation de cette ressource induise des
effets non intentionnels et non Ç maitrisables >> de nature
à engendrer des processus dommageables pour ladite
société.
En réalité, dans les trois cas, deux points sont
à noter :
- Pour un système économique fondé sur le
marché et la croissance14, le problème de
disponibilité de la ressource ne se pose pas au moment de
l'épuisement concret de la ressource, mais bien aux alentours de son
Çpic de production >>15. En effet, la croissance de la
demande se heurtant à la stabilisation ou au déclin de la
production, la valeur marchande de cette ressource augmente de manière
exponentielle16, par delà des considérations
liées au contexte politique et spéculatif. Autrement dit, sa
disponibilité économique diminue fortement et brutalement,
induisant
1 2 Source : musée de l'Homme
13 Source : compilation de Jean Marc JANCOVICI
14 Très largement majoritaire dans le monde.
15 En effet, toute courbe de production dont l'intégrale
est constante passe forcément par un maximum, selon le
théorème dit des Ç intégrales bornées
>>.
16 En théorie, car les effets à courts termes
induits par cette inflation peuvent modifier radicalement le système
économique en présence.
potentiellement ce que nous appelons encore « crise »,
si une ressource de substitution n'est pas disponible.
- La question de l'anticipation des effets de la
non-disponibilite de la ressource de dependance est fondamentale, puisqu'une
fois en situation de « crise », la recherche de solutions
substitutives à ladite ressource est rendue nettement plus delicate,
voire impossible17. On voit donc que si l'on ne s'impose pas de
traiter le « probleme » en amont, celui-ci se regle de lui meme, par
une « crise », potentiellement tres profonde et dramatique.
b. Déplétion des ressources
énergétiques fossiles
Les energies fossiles (petrole, gaz, charbon) representent
pres de 80% de l'energie primaire consommee dans le monde (nucleaire
exclu18). Or, comme nous l'avons vu, ces ressources
energetiques19 sont en quantite finies, et connaitront
necessairement un maximum de consommation, ainsi que le geologue Marion King
HUBBERT l'a montre à propos du petrole dans les annees 60. Le petrole
est la première de ces energies fossiles en termes de consommation (plus
de 40% en 2009). D'apres les donnees fournies par l'Agence Internationale de
l'Energie, l'ASPO20 et les compagnies petrolieres elles -mimes, le
pic de production petroliere mondiale se trouve quelque part entre 2006 et
2015, certains21 evoquant jusqu'à 2020. La consommation
mondiale fluctuant aujourd'hui aux alentours de 85 millions de barils/jour
(Mb/j), le pic serait estime entre 90 et 115 Mb/j. L'imprecision de ces
estimations est liee aux tres grands nombres de parametres22 ainsi
qu'à l'opacite relative regnant sur les donnees.
Par ailleurs, en elargissant aux autres energies
fossiles23, on peut considerer avec Jean Marc JANCOVICI que
l'humanite passerait par un pic energetique mondial - toutes energies fossiles
confondues - aux alentours de 2050. 24
c. Surabondance des ressources
énergétiques fossiles
Pourtant, nous l'avons vu, notre combustion massive de carbone
fossile induit un rechauffement climatique tres preoccupant. Ainsi, Jean Pierre
DUPUY25remarque que l'expression « il y a deux maux qui
menacent aujourd'hui l'humanité : le réchauffement climatique et
la raréfaction des ressourcesfossiles » est « une
faute logique, car si l'on croit au réchauffement climatique, il n'y a
pas rareté mais surabondance des ressources fossiles ». Nous
aurions ainsi « trois fois trop de ressources fossiles » si
l'on se refere au seuil de « 3°C d'augmentation à
la
1 7 Selon l'importance relative de la ressource pour
le fonctionnement du systeme social.
18 Plus de 90% si l'on ajoute l'uranium, lui aussi en
quantite finie...
19 Ce qui nous interesse etant plutô t la part
extractible du stock.
20 Association for the Study of Pic Oil&Gas
21 Toujours moins nombreux, voir le rapport World
Energy Outlouk 2009 de l'AIE et les controverses à ce sujet.
Voir egalement le rapport Saving Oil in a Hurry, publie par l'AIE
en 2005, et les travaux de R. HEINBERG ou Y. COCHET.
22 Notamment s'agissant des possibilites
d'exploitation des celebres sables et schistes bitumineux, au rendement
energetique necessairement tres faible et induisant des impacts
environnementaux tres importants par ailleurs.
23 Pour le cas d'un transfert de la consommation de
petrole vers le gaz et le charbon.
24 En outre, on peut confronter ces dates avec les
positions de la plupart des physiciens liees au projet de fusion nucleaire
ITER, qui estiment que la fusion nucleaire ne pourrait étre exploitee
avant la deuxième moitiee du XXIeme siècle, et evoquant
plutôt la fin du siècle.
25 Conference à l'IAP, 6 fevrier 2007 et
« La menace écologique, un défi pour la
démocratie», Revue du MAUS permanente, 14 octobre 2009.
fin du siècle >>. Et d'ajouter :
<<le marché ne peut rien à cela, le marché
fonctionne sur la rareté, or il s'agit d'une surabondance de
ressourcefossile >>.
Nous sommes ainsi confrontés à la
<<double tenaille >>26 que constituent le
réchauffement climatique et la déplètion des ressources
fossiles.
d. Déplètion et
surexploitation
Par ailleurs, d'autres matières premières du
sous-sol - les métaux notamment - déplètent ou
déplèteront, fatalement. En outre, nous assistons
à une surexploitation des ressources potentiellement renouvelables qui,
à l'instar des ressources halieutiques, sont prélevées
à un rythme supérieur à leur taux de renouvellement, ce
qui conduit à diminuer le stock, parfois jusqu'à leur
épuisement.
e. Ressource, recyclage et entropie
Comme l'a montré Nicholas GEORGESCU-ROEGEN,
économiste roumain dont la pensée fut introduite en France par
Jacques GRINEVALD, le deuxième principe de thermodynamique27
appliqué à l'économie révèle la
dégradation irréversible de l'énergie et de la
matière, c'est-à-dire l'entropie. Par exemple, les
matières premières utilisées pour la construction des
ordinateurs sont disséminés à travers toute la
planète et il devient quasiment impossible de reconstituer les minerais
d'origine. Quant à l'énergie utilisée pour leur
fabrication, elle est dissipée à jamais. Il déduit de ce
principe qu'une << croissance économique infinie est
impossible dans un monde fini>> et publie en 1978 un ouvrage traduit
par GRINEVALD sous le titre Demain la décroissance : entropie,
écologie, économie.
Herman DALY utilisera les travaux de ROEGEN sans les
prolonger, à travers le paradigme de la
durabilitéforte28 qui soutient que le stock de
capital naturel ne doit pas baisser, capital naturel et artificiel étant
complémentaires et non substituts.
f. Dégradation, accès à la
ressource et destruction des services écologiques
D'autres ressources, tel que l'air mais surtout l'eau sont
rendues inutilisables par l'altération de leur qualité et
provoquent des effets sanitaires tragiques29. << L'eau
insalubre tue plus d'étres humains que toutes les formes de violence, y
compris la guerre >>30. En maints endroits,
l'accès à certaines de ces ressources, parfois
considérées comme des biens communs, s'est vu restreinte ou a
même disparu pour certains habitants,
2 6 Expression de Claude Mandil, alors directeur de l'AIE.
27 Énoncé pour la première fois par Sadi
Carnot en 1824. Celui-ci établit l'irréversibilité des
phénomènes physiques, en particulier lors des échanges
thermiques. << Toute transformation d'un système
thermodynamique s'effectue avec augmentation de l'entropie globale incluant
l'entropie du système et du milieu extérieur. È
28 En opposition à la durabilité faible des
néoclassiques (notamment Hartwick, 1977). Notons qu'il s'agit dans les
deux cas d'une référence au développement
durable.
29 La mauvaise qualité de l'eau est responsable de la mort
d'1,5 millions d'enfants chaque année, selon les Nation Unis.
30 Déclaration de Ban Ki Moon à l'occasion de
l'ouverture de la 17ème journée mondiale de l'eau, le 22 mars
2010.
comme l'a décrit Vandanna SHIVA dans La guerre de
l'eau ou Garett HARDIN dans son article sur La tragedie des biens
communs.
g. Les énergies renouvelables, substituts des
énergies fossiles?
Les énergies renouvelables représentent moins de
15% de la production énergétique primaire mondiale, dont pres des
deux tiers provient de la biomasse31. Notre civilisation thermo
-industrielle (A. GRAS, 2007) étant fondée sur les
énergies fossiles bon marché, pourrait envisager de substituer
à ces énergies fossiles l'utilisation de l'eau, du vent, du
soleil... En réalité, cette idée est contredite par deux
points:
- Les énergies sont renouvelables, mais les
convertisseurs ne le sont pas32
- L'échéance de la dépletion des
ressources fossiles et en particulier pétrolieres est trop courte au
regard de la recherche, de la production et des investissements structurants
nécessaires à cette substitution énergétique.
Ainsi, par exemple, comment le parc automobile mondial, aujourd'hui
estimé à 1 milliard de voitures à moteur thermique,
pourrait-il etre remplacé en une ou deux décennies par un parc
électrique dont les technologies fiables de stockage33 ne
sont meme pas encore au point ?
h. La question nucléaire
L'énergie électrique obtenue gr%oce à la
fission nucléaire, produit peu de GES. Pourtant, alors qu'elle produit
des déchets radioactifs que l'on ne sait pas retraiter et que l'uranium
soit en quantité tres limitée -malgré des
procédés de réutilisation partielle, l'industrie
nucléaire inquiete bien davantage par ses aspects de
sécurité et d'opacité. Jean Pierre DUPUY34,
citant le président de l'association des exploitants de centrales
nucléaires35, indique que « la sicurité
nucléaire dans le monde est beaucoup moins forte aujourd'hui qu'avant
Tchernoby l », notamment pour des raisons liées à la
privatisation du parc. Il rappelle par ailleurs que l'accident de Tchernobyl
est du à une explosion thermique et non pas atomique, notant que si le
toit de la centrale n'avait pas été soufflé, une explosion
atomique serait tres probablement survenue, d'une puissance correspondant
à environ
1000 fois Hiroshima. Il s'interroge par ailleurs quant
à « la possibilité de garantir la sureté des
centrales nucléaires par des moyens qui sont compatibles avec les
principes de base d'une société ouverte, dbmocratique et
juste », compte tenu de la m aniere dont la «
nucléocratie » mondiale a géré et gere le cas
Tchernobyl, les estimations sur le nombre de morts variant d'un rapport de 1
à 10 000.
Nous ne développerons pas par ailleurs la question du
nucléaire militaire, qui inclut la double question de la dissuasion et
de la prolifération, rappelant seulement que l'arsenal nucléaire
mondial permettrait une destruction totale de la vie humaine sur Terre.
3 1 Incluant les tres controversés
biocarburants (voir notamment les travaux de J. ZIEGLER et de F.NICOLINO)
32 En témoigne notamment la
problématique du silicium s'agissant du solaire, mais de toutes les
autres « terres rares » au sens de Mendele ·ev, intervenant
largement dans la conception des renouvelables.
33 L'électricité ou
l'énergie-hydrogene n'étant pas une énergie primaire.
34 Retour de Tchernobyl : Journal d'un homme en
colere.
35 AMECN, lors du Congres Mondial de 2003.
Ainsi, la stratégie énergétique qu'il nous
semble falloir adopter s'articule autour des trois <<leviers>>
complémentaires et indissociables indiqués par l'association
Négawatt :
· la sobriété énergétique
· l'efficacité énergétique
· le recours aux énergies renouvelables
Ce dernier point fait l'objet de nombreux débats ces
derniers temps, puisque se développent de nombreux projets
d'implantation d'équipements - éoliennes et panneaux solaire s
essentiellement - en espace <<naturel >>, contrariant ainsi les
objectifs de protection des ces espaces de plus en plus rares.
3. Biodiversité, espaces naturels et services
écologiques
D'après Richard LEAKEY et Roger LEVIN, nous assistons
à la 6ème extinction des espèces, celle de
l'Anthropocène. Celles-ci disparaissent en effet à la vitesse de
50 à 200 par jour36, soit un rythme de 1000 à 30 000
fois supérieur aux hécatombes géologiques
passées37.
La biodiversité, terme par ailleurs à la mode,
est définie par Robert B ARBAULT comme <<le tissu vivant de la
planete È, et parle de crise d'extinction de masse. Il
explique que les processus anthropiques à l'origine de cette extinction
sont de quatre types:
· pollution, morcellement et dégradation des
écosystèmes, conversion des forêts tropicales en
pâturages ou plantations << industrielles >>, rejoignant le
problème plus large de destruction des espaces naturels et de leur
fonction sociale.
· invasions biologiques ;
· surexploitation par récolte, chasse ou
pêche ;
· changements climatiques.
Par ailleurs, tout en reconnaissant le << manque de
connaissance >>, il développe le concept de service
écologique et défend sur le terrain économique la
protection de la biodiversité au nom d'un argument utilitariste : le
moindre cout. Effectivement, les services rendus par les
écosystèmes (approvisionnement, régulation, puits de
carbone...), indispensables à l'épanouissement de la vie humaine
sur Terre, le sont gratuitement. En revanche, leur << substitut
technicien >> potentiel a nécessairement un coüt, y compris
écologique d'ailleurs. On nous permettra pourtant d'interroger -tout en
en saluant les intentions- le bien fondé éthique des travaux
menés sur la question de l'évaluation économique de la
biodiversité, qui semblent consacrer la marchandisation de la nature,
doutant que le raisonnement utilitariste et la rationalité quantifiante
soit en mesure de cerner l'essentiel de la problématique de la
biodiversité. En effet, conserver l'homéostasie des
écosystèmes admet également une dimension éthique,
ainsi que l'ont montré notamment Catherine et Rapha`l LARRERE.
3 6 E.O. WILSON, The diversity of life,, cité par
Serge LATOUCHE
37 F.RAMADE, Le Grand Massacre. L'avenir des esplces
vivantes, Hachette Littératures, Paris, 1999
4. Technoscience, technologies convergentes et
transhumanisme
Outre l'incertitude liée aux risques
biogénétiques relatifs aux organismes génétiquement
modifiés (OGM) et autres manipulations du vivant, un courant
scientifique et philosophique -caricature du néopositivisme, s'est
développé ces dernieres années. Ce mouvement, fondé
sur la convergence dite « NBIC » pour
nano-bio-info-cogno-technologies, est caractérisé par des valeurs
propres, lorsque « la science se voulait autrefois amorale
È (BENSAUDE-VINCENT, 2009). Le courant de pensée dit
transhumaniste revendique le recours à ces technologies
convergentes pour développer les capacités physiques et mentales
des etre humains.
Les implications philosophiques et éthiques sont
évidements nombreuses puisque la technoscience a tendance
à « artificialiser la nature È et à
Ç naturaliser la technique » (op.cit. ), ce qui
semble tres préjudiciable, car « la nature reste une valeur en
soi dans notre culture» (op.cit.).
Ainsi, ces courants à la fois très
répandus et établis 38 ont, selon Paul ARIES, le projet
« d'adapter la planete et les humains aux besoins de la croissance et
du capitalisme vert »39. Ces courants revendiquent
notamment la création de « posthumains »40, et de
programmes technologiques prométhéens, de grande ampleur,
à l'exemple de certaines techniques de manipulation du
climat.41
En nous donnant le pouvoir de « connecter l'inerte au
vivant » (DUPUY, 2006), les trois principaux « risques »
concrets ident ifiés relevent d'une part du domaine militaire et
sécuritaire, d'autre part du registre démocratique, et enfin
l'autonomisation et l'auto-organisation des ces technologies, échappant
à tout contrôle humain.
Ce mouvement interroge ainsi fondamentalement le caractere
autonome de la technique et de la science, tant du point de vue
démocratique qu'en termes de processus, caractere déjà
relevé par Jacques ELLUL en 197742.
Ainsi, nous dit JONAS, « il est indiniable que nous
devenons progressivement les prisonniers des processus que nous avons
déclenchis nous-mémes [É] sans fixation dÕun but,
un peu à la maniere dÕun destin È.
Il appara»t, à l'issu de cette approche de ce que
nous avons appelé la crise éco-energitico-technologique,
que la question des changements d'échelles - ou d'ordres de grandeur-
semble déterminant dans les processus anthropiques récents en
matiere de perturbation écologique et de problemes
énergétiques. Nous allons tenter de savoir s'il en est de meme
s'agissant de la crise socio-économico-culturelle.
3 8 Projets, brevets et capitaux sont notamment
largement « prêt » selon Paul Aries.
39 P. ARIES, 2010, La simplicité volontaire
contre le mythe de l'abondance, La Découverte
40 Nick BOSTROM, « A history of transhumanist
thought », in Journal ofEvolution and Technology, vol. 14, no 1,
avril 2005. Par ailleurs, d'apres Jean Pierre DUPUY (entretien de 2006 à
Sagascience, CNRS), le transhumanisme est considéré par ses
tenants comme « nécessaire et inevitable, car resultant de
l'evolution ».
41 Paul ARIES (2010) en donne quelques exemples : mise
en orbite de milliards de lentilles de 60cm de diametre afin de filtrer la
lumiere solaire, radiations électroniques de fortes puissance,
satellites-écrans à l'irradiation solaire....
42 Le systeme technicien, éditions Calman-
Levy.
B . Crise socio-économico-culturelle
La crise dont nous parlons ici est largement celle de la
civilisation occidentale, au sens oü son influence s'étend
désormais à la quasi-totalité de la planète. On
pourra s'amuser du caractère paradoxalement occidentalo-centré de
notre démarche. On pourra regretter, aussi, qu'en matière
d'actions et d'influences socio-économico-culturelle, le sens du flux
principal soit, démesurément, du Nord vers le Sud.
1. Ç Immondialisation È (LATOUCHE, 2006),
crise des rapports Nord/Sud et des institutions internationales
Les inégalités planétaires
déjà démesurées s'accroissent : 20 % de la
population mondiale consomme 86% des ressources naturelles de
planète43. Les rapports de l'ONU relatifs aux objectifs du
millénaire pour le développement sont éloquents quant aux
progrès réalisés et témoignent de l'impuissance
diplomatique autant que de l'inconséquence des institutions
internationales dans ces domaines. Par ailleurs, l'aide publique au
développement (APD), qui avait largement baissé durant la
décennie 90 44, poursuit sa chute dans le contexte de crise
économique.
En parallèle, l'industrie officielle de l'armement
pèse par an près 1200 milliards de dollars, celle de la
publicité 800 milliards de dollars, et celle des stupéfiants est
estimée à 700 milliards, alors qu'il suffirait selon Jacques
DIOUF, le directeur de la FAO, de 30 milliards annuels pour résoudre les
problèmes de faim dans le monde.
Les Plans d'Ajustements Structurels menés par le Fond
Monétaire International et les actions de la Banque Mondiale concernant
l'inique dette des pays du Sud, se traduisent par de violentes politiques
d'austérité. L'Organisation Mondiale du Commerce, elle aussi
fondée sur le dogme néolibéral (STIGLITZ, 2003),
démantèle les services publics via l'AGCS45, tout en
instaurant l'omnimarchandisation (LATOUCHE) du monde.
En outre, les programmes menés au nom du
développement dans les pays du sud ont tendance à chasser la
pauvreté pour y installer la misère (RHANEMA, 2003), participant
au processus d'occidentalisation du monde (LATOUCHE, 1989) et de
colonisation économique des imaginaires (op.cit.).
Les politiques de subventionnements massifs de l'agriculture
au Nord, auxquelles viennent s'ajouter la question des agrocarburants
(NICOLINO, 20 07), détruisent les agricultures paysannes
vivrières du Sud.
En parallèle, certains questionnent le terme de
néocolonialisme pour qualifier notamment
les délocalisations massives et l'exploitation des ressources
naturelles du Sud par les firmes
43 Paul ARIES, 2010, Décroissance et gratuité,
Editions Golias
44 Inférieure à 1% du PIB dans la plupart des
pays.
45 Accord Général sur le Commerce des Services
transnationales, qui apportent massivement leur soutien aux
dictatures en place afin de garantir leurs intérêts.
D'après Edgar MORIN46, Ç
l'unification techno-économique provoquée par l'Occident
entraine, à l'échelle du globe, une balkanisation sur une base
Ç ethno -religio-nationale È. Par ailleurs, sur
l'échiquier international, cet Occident comme entité
socio-économico-culturelle maintient sa suprématie dominatrice,
tout en s'étendant aux pays émergents, en particulier la Chine et
l'Inde, dont la puissance croissante ne s'accompagne pas véritablement
d'un déploiement culturel.
En parallèle, au développement du terrorisme, sur
fond de replis communautaristes, répond le terrorisme d'état,
à travers les guerres préventives et antisubversives.
Les Ç commerces de la honte È se
multiplient, du trafic d'organes du Sud vers le Nord (ROBIN, 1996), aux
médicaments du Nord testés au Sud (SHAH, 2007), en passant par le
tourisme sexuel (MICHEL, 2006) et l'externalisation des déchets toxiques
au Sud (BOHAND et al, 2007). Sur ce dernier point, comme l'a bien
montré Gilbert RIST, la mondialisation occulte la destruction des
ressources et des milieux, en la délocalisant. En effet, Ç
alors que, dans une économie fondée sur des ressources
locales, les hommes sont immédiatement sensibles aux
détériorations de leur environnement - et, dans la règle,
cherchent à le préserver- le marché permet, par exemple,
de prélever les ressources d'une région, de les consommer
ailleurs, et d'évacuer les déchets encore ailleurs...
È47.
2. Malaises et crises de l'Occident
a. Une crise sociale qui s'amplifie
En 2007, en France, selon l'Observatoire des
Inégalités, les 10% les plus pauvres n'ont perçu que 3,7%
de la masse totale des revenus, alors que les 10% les plus riches en recevaient
près de 25%. Ces inégalités de revenu, qui se sont encore
accrues ces trois dernières années, sont largement le fait de la
reproduction sociale (BOURDIEU), et sont ainsi particulièrement
injustes.
Les chiffres officiels du chômage fluctuent autour de 10%
de la population active, mais la plupart des observateurs considèrent ce
chiffre comme largement sous-estimé.
En contrepoint, l'homo oeconomicus se déploie
dans la société de consommation (BAUDRILLARD, 1970),
transformée depuis en société de l'hyperconsommation
(LYPOVETSKY, 2006) produisant un bonheur paradoxal (ibid). En
effet, la société du désir suscitée par la
publicité produit Ç anxiété et insatisfaction
quotidienne È (ibid).
Le travail moderne de l'animal laborans (ARENDT, 1958),
pourtant stressant, précaire et aliénant (MARX), devient
une drogue (work-addiction), une fin en soi ou une
activité-refuge.
L'idéologie de la concurrence, propagée à
la manière d'une prophétie auto-réalisatrice
(MARIS, 2006), s'est généralisée à la plupart
des niveaux du système social. L'hégémonie du
marché -qui fonctionne à
46 Vers l'abyme ?, éditions de l'Herne, 2007
47 Le développement, histoire d'une croyance
occidentale, Presses de Sciences-Po
l'exclusion (ibid), genere une societe du mal-etre. Avec
le manque de convivialite (ILLICH, 1973), la solitude et l'isolement
constituent ainsi des facteurs notoires de souffrance sociale.
C'est ainsi que selon l'INSERM, le suicide est la
première cause de mortalite chez les 15-35 ans et que le risque
suicidaire augmente avec l'%oge, tandis que 8% des français ont connu un
« episode dépressif majeur È au cours des 12
derniers mois48.
b. Une crise économique et financiere de grande
ampleur à l'issue incertaine
Le double mouvement de la globalisation et de la
financiarisation du capitalisme, accompagne par la
désintermédiation financiere et la
dérigulation systematique des marches ont, tres
schematiquement49, abouti à la crise financiere
internationale actuelle. La Ç démesure entre economie rielle
et virtuelle » (VIVERET, 2005) et les phenomenes speculatifs
bancaires de grande ampleur ont contribue à la crise systemique de
l'economie mondiale. Les plans de sauvetages puis les plans de relances inities
par les Etats pour eviter l'effondrement du systeme economique et financier
international ont debouche sur une crise de la dette de certains etats, sous
l'effet d'attaques speculatives.
L'avenir reste tres incertain, la crise systemique se
poursuivant, et d'autres reactions en chaine pourraient tres probablement
survenir, le fonctionnement du systeme n'ayant pas ete modifie50.
Notons que dans cette crise comme dans d'autres, les plus
demunis sont aussi les plus touches.
c. Crise démocratique et politique
Alors que « les grandes utopies ont disparu
» (RODARY&LEFEVRE, 2006), la legitimite naturelle de la democratie
representative51 est remise en cause par le « simulacre de
la démocratie participative » (BLONDIAUX, 2007) et surtout par
la « contre-démocratie » (ROSANVALLON, 2006), celle
qui ne s'exprime pas dans les urnes. Par ailleurs, les collusions entre les
pouvoirs mediatique, politique et economique, analyses par Serge HALIMI
dans Les nouveaux chiens de garde et par SCHOMSKY&HERMAN dans
La fabrication du consentement52, semblent d'autant plus
etablies que les principaux actionnaires des grands medias se trouvent etre des
grands industriels, officiant souvent d'ailleurs dans le domaine de l'armement,
et ouvertement proche du pouvoir.
En outre, les nouveaux enjeux societaux lies à la
science et à la technique interrogent la maniere de faire «
entrer les sciences en démocratie » (LATOUR, 1999). Ainsi, les
citoyens se trouvant largement exclus
48 Enquete Barometre Sante 2005
49 De tres nombreux facteurs conjoncturels egalement
sont intervenus, comme l'inflation des matieres premières et bien sur la
« crise des Subprimes È.
50 Par exemple, outre les activites speculatives massives et le
marche non-regule, la question des paradis fiscaux, « infrastructure
essentielle de lafinance internationale » (CHAVAGNEUX, 2007), n'a pas
ete resolue.
51 Voir les taux d'abstention notamment. Certains,
comme V.GHADI, diront « delegative ».
52 Titre complet : Lafabrication du
consentement. De la propagande médiatique en dbmocratie,,
Agone, 2008
des decisions techno-scientifiques (TESTART, 2006), certains
chercheurs deviennent des « lanceurs d'alerte ».
Plus largement, nous assistons à un phenomene de
depolitisation de la societe, de desinteret pour la chose publique au
profit de la communication et du marketing politique (MAAREK, 2007).
d. Crise de la culture (ARENDT, 1961)
Les industries culturelles (ADORNO&HORKHENEIMER) ont
etendu leur emprise sur la societe de consommation. Le resultat n'est pas
« une culture de masse qui, à proprement parlé n'existe pas,
mais un loisir de masse, qui se nourrit des objets culturels du monde
» (ARENDT). Marchandisation et standardisation culturelle participent
du « désenchantement du monde » (GAUCHET, 1985),
alors que dans la « civilisation des loisirs », ceux-ci
deviennent « compensatoires ou consolatoires »
(BOURDEAU&BERTHELOT, 2008) d'un quotidien par ailleurs insupportable.
e. Crise de l'agriculture intensive
La revolution verte, qui a en outre provoque un accroissement
extraordinaire de la production, a detruit pres de 8 millions d'emplois
agricoles depuis 1945 en France, ramenant le nombre d'actifs agricoles à
pres de 1 million en 200753. Par ailleurs, l'agriculture est devenue
tres gaspilleuse en matiere energetique, puisque l'agriculture americaine
consomme par exemple vingt fois plus de calories qu'elle n'en
produit54. En effet, le productivisme, symbolise en Europe par la
PAC, a impose un modele d'agriculture largement dependant du petrole et de
l'industrie petro-chimique. Celui-ci a en parallele abouti à des crises
sanitaires majeures (ESB, poulet aux hormones...), à la degradation de
nombreux sols (BOURGUIGNON) et de la sante des agriculteurs. L'acces à
la propriete pour les jeunes agriculteurs est rendu de plus en plus delicat en
raison de l'inflation foncière et de l'artificialisation des terrains
agricoles, notamment liee à l'accroissement de l'urbanisation. Enfin,
l'action de certaines multinationales -Monsanto par exemple -
impose55 aux paysans, notamment du Sud, des semences steriles ou
necessitant de grandes quantites de pesticides, ruinant ou spoliant ainsi les
paysans de leur autonomie56.
5 3 Source: INSEE
54 Paul ARIES, (2009), La Simplicité
volontaire contre le mythe de l'abondance. Editions Golias, Lyon
55 Par la publicite et la propagande souvent relaye
par les Etats.
56 Et parfois de leur vie : voir le cas des milliers
de paysans indiens qui se sont suicides en 2008 à la suite d'achat force
de semences OGM qui avait conduit à leur ruine et/ou à la vente
de leur terres.
Ainsi, avec Edgar Morin, nous pouvons considérer que
<<les développements de la science, de la technique, de
l'industrie, de l'économie qui propulsent désormais le vaisseau
spatial Terre, ne sont régulés ni par la politique, ni par
l'éthique, ni par la pensée 57È.
L'amplification et l'accélération de ces processus
non-contrôlés peuvent être considérés comme
des feedback (rétroactions) positifs. Les sous-systèmes
ne semblent plus capables de s'autoréguler et nous
mènerait à l'effondrement systémique, par franchissement
de points de basculements (tipping points). En ce sens, la crise
éco-energético-technologique et la crise
socio-économico-culturelle apparaissent comme
intrinsèquement liées.
Au regard de notre posture de départ, c'est un truisme
que d'affirmer que la mondialisation, la croissance, les développements
scientifiques et technologiques n'ont pas été seulement facteur
de crises, mais également de progrès - au sens de MONTAIGNE d'une
<<transformation graduelle vers le mieux
>>58.
Mais, la croissance du progrès s'accompagnant de la
croissance des <<regrès>> (MORIN, 2007),
phénomène à considérer dans une perspective
dialogique (MORIN) - d'antagonisme complémentaire -, il semble bien que
cet accroissement simultané -qui fonctionnât des siècles
durant, change soudainement de nature une fois passés certains seuils
critiques. Ainsi, suivant l'image d'une balance, l'augmentation de la charge
simultanément sur les deux plateaux maintiendrait l'équilibre
jusqu'un point 59 qui verrait l'effondrement de la structure que constitue la
balance. Ce point se situerait quelque part entre le raisonnable et la
démesure.
5 7 Edgar MORIN, 2007, Vers l'ab»me ?, Edition de
l'Herne, p.9
58 Michel de MONTAIGNE, Essai, II, 12, éd. P. Villey et
V.-L. Saulnier, p.497
59 Le fameux point de << basculement >>.
II . Les fondements supposés de
l'effondrement
Après un très bref tour d'horizon des tendances
lourdes - et de quelques signaux faibles - identifiables s'agissant de la
perspective de l'imminence d'un effondrement global, il nous faut
tenter de pénétrer la logique et les mécanismes à
l'Ïuvre dans le système qui nous fait prendre le chemin de
l'effondrement. Ainsi, recourant plus directement au paradigme de la
décroissance, nous allons tenter d'interroger la
société de croissance, le développement
et leurs attributs, mobilisés comme phénomènes
déterminant du mouvement actuel du monde, en vue d'analyser les
fondements supposés d'un effondrement en préparation.
A. La démesure systémique et ses
implications
1. Démesure et société de
croissance
Chez les Grecs anciens, l'Hybris - la démesure
- constitue la faute fondamentale de la civilisation60. Or, dans nos
sociétés modernes, l'Hybris, Ç propre
à l'occident>> (LATOUCHE, 2006), s'est Ç
constituée en système>> (BOURG).
ÇL'illimitation systémique>> (GODBOUT, 2008),
partiellement liée à l'utilitarisme, est le Ç
moteur de la société de consommation >>
(ibid). La Çsociété de
croissance>> (LATOUCHE, 2006), fondée sur la
chrématistique (ARISTOTE) - l'accumulation comme fin en soi -,
condamne le système technico- économique, dans sa logique propre,
à produire toujours plus. C'est la mégamachine
(LATOUCHE, 1995) Ç infernale>> (CHARBONNEAU, 2008),
permise et encouragée par le système thermo-industriel
(GRAS, 2006). La relation de crédit61, la
théorie des rendements décroissants (RICARDO) ainsi que
la baisse tendancielle du taux de profit (MARX) en constituent des
exemples théoriques.
Ainsi, les sociétés occidentales, en
Çépousant la raison géométrique qui
préside à la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB)
È, se sont enfermées dans une logique de croissance
exponentielle. Avec Çun taux de 3,5 % (progression moyenne en France
entre 1949 et 1959), on aboutit à une multiplication par 31 en un
siècle et par 961 en deux siècles! Avec un taux de croissance de
10% (environ celui de la Chine), on obtient une multiplication [du PIB]
par 736 en un siècle! >> (LATOUCHE, 2006).
Comment envisager de telles perspectives, pourtant largement
promues -au moins à court terme- par la très grande
majorité des politiques, des économistes, et par une bonne part
de la nébuleuse du Ç développement durable>>? Cette
logique techno-économique a déjà des effets très
sensibles dans le présent, et l'hybris se fait de plus en plus
concrète.
Ainsi, comme nous l'avons vu, la démesure se
retrouverait : dans notre rapport de domination à la nature
60 On ne parlait pas encore de Çpéché
>>, mais c'est bien la déesse de la vengeance,
Némésis, qui était alors
dépêchée en guise de châtiment.
61 Rolf STEPPACHER, in Christian COMELIAU, Brouillons pour
l'avenir, p.185-186
· dans les rapports de dominations entre les hommes
· à travers la place qu'occupe l'économie
dans notre société62
Ivan ILLICH, qui pensait d'ailleurs que l'on ne pouvait parler
de ce phénomene de runaway, d'autodérégulation,
qu'en termes religieux, affirmait que Ç l'hybris industrielle a
brisé la cadre mythique qui fixait les limites à la folie des
rives »63
Pourtant, au XIXeme siècle déjà,
Elisée RECLUS critiquait les dérives liées au
développement de la technique : Ç La nature impose des
limites à lÕaction humaine, ilfaut donc savoir jusquÕog
aller dans lÕaminagement du milieu naturel et sÕarréter
avant que ne sÕamorcent ces déséquilibres
irréversibles dÕautant plus probables que le milieu naturel
estfragile È.
Mais l'hybris, « l'esprit de
l'économie » (LATOUCHE, 2006), « l'idéologie
de croissance È (ibid) et le « culte de la toute
puissance » (ARIES, 2009), désormais intrinseques au systeme,
résultent d'une « colonisation » (LATOUCHE, 2006)
de « l'imaginaire social » (CASTORIADIS, 1975), non d'un
mouvement naturel inéluctable. Ainsi le positivisme d'Auguste
COMTE, fondé sur le mythe prométhéen du progres et de la
science, trouve son prolongement dans l'entreprise du développement,
c'est à dire la volonté systémique -et
systématique- de transformer les relations des hommes entre eux et
à la nature en relation économique -marchandisation.
2. La societe technicienne : logique du detour, disvaleur
et autonomie de la technique
La rationalité instrumentale et
quantifiante64 (DUPUY, 2002) de nos societes
techniciennes (ILLICH), outre qu'elle traduit un certain rapport technique
à la nature et à l'espace, fonde la logique du detour
(ILLICH). Celle-ci consiste à effectuer des détours de
productions indispensables à l'obtention du maximum de bien net. Mais
lorsque la place de la logique du détour dépasse certains seuils
critiques, le détour luimeme devient une fin. Ainsi en est-il notamment
de l'économie et de la technique dans nos sociétés qui,
notamment à travers les fantasmes qu'ils véhiculent, sont
largement devenus des fins. Ce phénomene, outre qu'il est hautement
contreproductif65 au regard de l'objectif initial, accroit
l'hétéronomie (ibid) du sujet, de la
société ou du territoire. Il engendre par ailleurs de la
« disvaleur », c'est à dire des pertes qui ne
sauraient s'estimer en termes économiques (qualité de
l'environnement, silence, convivialité...).
Dans un calcul célèbre, Jean Pierre DUPUY avait,
dans les années 70, « mis en équation » la
pensée d'ILLICH, à travers le cas de la vitesse moyenne
généralisée d'une voiture. Ce calcul consistait
à
62 Déjà magistralement analysée par Karl
POLANIY dans La Grande Transformation en 1944, qui décrit le
passage de l'économie de marché aux sociétés de
marché.
63 Nimisis medicale, cité par Jean
Pierre DUPUY
64 L'autre nom de la rationalité
économique.
65 Illich s'était notamment appliqué
à révéler la contreproductivité à l'oeuvre
dans les grands systemes et les institutions. Pour lui, la
contreproductivité est au fondement de la démesure.
diviser le nombre de kms parcourus par le temps total
consacré à sa voiture, et en particulier le temps passé
à travailler afin d'obtenir les ressources nécessaires à
l'ensemble des frais induits. Le résultat était de l'ordre de six
km/h, alors que le citoyen moyen consacrait quatre heures par jour. Des calculs
similaires effectués de nos jours se révèleraient
certainement plus éloquents encore.
Sur un registre complémentaire, ILLICH a montré,
à travers son concept de monopole radical de la technique
(ILLICH, 1975), que l'existence d'un moyen technique jugé
plus efficace empêche, dans le cadre du système technicien, le
recours à d'autres moins efficaces. Ainsi, Ç la consommation
obligatoire d'un bien qui consomme beaucoup d'énergie (transport
motorisé) restreint les conditions de jouissance d'une valeur d'usage
surabondante (la capacité innée de transit) È
(ibid).
Jacques ELLUL a montré par ailleurs, dans le
Système Technicien, que la <<technique s'auto-accroit
>>. Elle devient ainsi un phénomène
<<auto-nome>> -qui suit sa propre loi, tout <<feed back
négatif étant impossible >>. Il va même
jusqu'à parler de <<totalitarisme technicien È,
citant le cas de l'état hitlérien comme
symptôme66. Le système technicien engendrerait
l'insignifiance autant que la puissance, les deux étant liées. En
effet, la démesure de puissance entraine l'élimination des
valeurs 67.
En outre, dans sa dynamique d'auto-accroissement68,
l'obsession de l'efficacité technicienne en viendrait à asservir
l'homme, Ellul affirmant qu'il n'y a pas <<d'autonomie de l'homme en
face de l'autonomie de la technique È69. La technique
serait par ailleurs devenue l'instrument moderne de domination et d'exclusion
des hommes.
3. Démesure et crise environnementale: limites
physiques et symboliques de la nature
Pourtant, cette démesure se heurte à la finitude
de notre environnement biophysique. Des limites physiques sont ainsi en train
d'être franchies, quand bien même un certain paradigme techno-
économique prétend s'en être affranchi70.
En effet, jusque récemment71, nos actions
techniques sur l'environnement (LARRERE, 1997) s'appliquaient à la
nature locale (SERRES, 1990), celle de l'espace vécu
(FREMONT). <<La Nature absorbait l'agir humain È
(JONAS, 1990) et <<nous n'avions pas conscience que nous
faisions la guerre au monde car nous étions moins forts que le
monde>> (SERRES, 2008). Désormais,
<<l'humanité est en train de gagner la guerre contre
le
66 Décrit comme la <<combinaison d'une
rationalité technicienne absolument rigoureuse et de l'utilisation de
irrationnel de l'homme, intégré dans le système>>
67 Ç Quand vous pouvez toutfaire, rien n'a plus de
sens È, Jacques Ellul dans Le Jardin et la Ville
68 On préfèrera en fait le terme
<<d'auto-extériorisation>> utilisé par Von
Hayek, voir Jean Pierre DUPUY, Pour un catastrophisme
éclairé, p.68.
69 Jacques Ellul, La Technique ou l'enjeu du siècle,
1957.
70 Y compris en les transformant en opportunité de profit.
Voir à ce sujet l'analyse que Paul ARIES fait du capitalisme vert dans
son livre La simplicité volontaire contre le mythe de
l'opulence.
71 Un certain nombre d'observateurs s'accordent à dire
qu'un tournant aurait eu lieu dans les années 70.
monde, mais c'est une victoire à la Pyrrhus, autrement
dit gagner cette guerre-là c'est la perdre » (ibid). Il s'agit
ainsi d'une « transformation de l'essence de l'agir humain »
(JONAS, 1990).
D'ailleurs, la crise environnementale (LARRERE, 1994) est
essentiellement globale et invisible72 (BOURG), elle n'appartient
donc plus à l'espace vécu, ni meme à celui des
représentations, celles-ci ne pouvant en etre
qu'abstraites73.
4. La representation d'une nature à dominer
Le naturalisme occidental (DESCOLA, 2005) est une des
rares cosmologies, sinon la seule, qui affirme l'opposition entre
nature et culture. L'homme est donc placé en position
d'extériorité par rapport à la nature, comme les religions
de la transcendance place le créateur en position
d'extériorité par rapport à sa
création.
La science moderne occidentale entend ainsi rendre l'Homme -
la culture - « comme ma»tre et possesseur de la
Nature ». Cette idée de soumission et de ma»trise sur la
Nature est en fait véritablement initiée par Francis BACON, la
décrivant comme « unefemme publique » qu'il nous faut
« mater », dont il faut « pénétrer
ses secrets » et « l'encha»ner selon nos désirs
»74. La science pour pénétrer ses
secrets, la technique pour la mater et l'économie
comme reflet des « désirs » de l'homme. Toute la
pensée techno-économique est ainsi déjà
rassemblée ici.
Pourtant et paradoxalement, une crise de représentation de
la nature -devenue nature globale- est induite,
précisément, par les applications la science moderne.
Ainsi, la distinction classiquement opérée entre
le naturel et l'artificiel est mise en question, d'une part avec le mouvement
émergent de convergence des technologies75, mais surtout du
fait de cette transformation de l'essence de l'agir humain à
l'origine de la crise environnementale, et permise par le
cartésianisme.
En effet, celle-ci résultant de conséquences
non intentionnelles de nos actions techniques sur l'environnement, la
non-maitrise de leurs conséquences met en cause la
possibilité de distinguer ce qui releve de l'action humaine et de
l'événement naturel76 (LARRERE, 1997). Il devient
ainsi nécessaire de mobiliser les travaux concernant la valeur
intrinseque77 de la nature -afin de (re)définir
cette nature, ce que fait JONAS dans Le principe
responsabilité lorsqu'il dit que « la Nature n'est pas
(sic) à étre améliorée »78.
7 2 Au sens de non-sensible. Que l'on songe aux «
ppm » du réchauffement climatique, à l'imminence du pic de
Hubbert ou à l'abstraction du concept de biodiverisité.
73 Ce qui cause de grandes difficultés aux
géographes quand ceux-ci « partent du terrains»
74 La Nouvelle Atlantide
75 Convergence Nano-bio-info-cogno-technologies
(NBIC), évoquées plus haut.
76 Que l'on songe à l'Ouragan Catherina ou
à la canicule de 2003.
77 Fondée sur l'éthique
déontologique du respect de la Nature, en complémentarité
des éthiques conséquentialistes de responsabilité (C.
LARRERE). Voir notamment ceux de J.B. CALLICOTT.
78 Cité par Catherine LARRERE, Les
éthiques environnementales, respect ou responsabilité,
Conférence à l'ENS Paris, 4 décembre 2006.
Nous pouvons ainsi dire avec Dominique BOURG que
<<le savoir, contrairement à ce que l'on avait cru avec
l'avènement de la science moderne, n'engendre pas exclusivement de la
maitrise, mais également de la non-maitrise et de l'impuissance
È.
5. L' Ç invisibilité du mal È
moderne
Le monde moderne serait caractérisé par ce que
Jean Pierre DUPUY appelle, à la suite d'Hannah ARENDT notamment,
<<l'invisibilité du mal >>. Ainsi, <<le
mal moderne a ceci de terrible qu'il peut résulter des meilleurs
intentions du monde, ou d'une absence totale d'intention. Il est invisible aux
yeux de celui qui le commet >>79. Ainsi en serait -il de
l'entreprise du développement qui, au80 prétexte de
croissance économique, de désenclavement ou
<<d'arrivée du progrès >>, à tendance à
engendrer des territoires
<<hétéro-dirigés>> (LATOUCHE),
à répandre l'imaginaire économique et le principe de
concurrence, à détruire le tissu social local ou la beauté
des paysages.
B. Le développement
1. Origines, définition et critiques
a. Le développement est fondé sur la
croissance
Le développement est défini par ROSTOW comme
<< self-sustaining growth >>, ou croissance
auto-soutenable81. Il est ainsi fondé sur <<
l'idée de croissance continue>> (MORIN, 1981) tandis que
Ç le développement et la croissance sont directement
liés en économie >>82, selon
François PERROUX. Nous nous rangeons ainsi au jugement selon lequel
<< il ne peut y avoir de développement sans
croissance>> (PERROUX) et considérons que celui-ci
procède du passage des sociétés de Ç
reproduction È à celles de
ÇproductionÈ (DURAND, 2009).
b. Utilisations et critiques
Le développement, aujourd'hui surtout l'apanage des
institutions internationales83, est apparu au point IV du Discours
sur l'état de l'Union du président Harry TRUMAN, en 1949.
Ç L'entreprise du développement>>
(LATOUCHE, 2004) a fait l'objet d'une critique radicale par le courant de
Çl'après-développement >>84. Outre qu'il
répandrait le mythe du progrès, l'idéologie
7 9 Petite métaphysique des tsunamis,
2004. Il note par ailleurs que le mot de <<Shoa >>,
comme celui de <<Tsunami>> utilisé par les <<
Hibakushas È -irradiés d'Hiroshima, signifie
<<catastrophe naturelle >>, comme si cela ne provenait d'aucune
intention humaine. Voir également le <<
thoughtleness>> d'ARENDT à propos d'Eichmann dans
Eichmann à Jérusalem.
80 Ce que Hannah ARENDT a montré à propos
d'Auschwizt, Gunther ANDERS à propos d'Hiroshima-Nagasaki et Ivan ILLICH
à propos de la société technico-industrielle.
81 Théorisé notamment dans Les étapes de
la croissance économique.
82 Un débat existe pourtant sur la question, voir en
particulier le texte de Bernard Billaudot, disponible en ligne et
intitulé << Après-développement ou autre
développement ? Un examen des termes du débat. È
83 Banque Mondiale et Fond Monétaire International en
tête.
de la domination de la nature et de l'économisme
néolibéral au Sud, il détruirait les cultures locales et
l'autonomie des peuples au nom du mirage occidental.
Le développement avait pourtant constitué une
<<espérance È pour le Sud, mais le
développement réellement existant, alors qu'il maintient ou
réaffirme la domination des élites, n'est autre qu'une
<<entreprise visant à transformer les rapports des hommes
entre eux et à la nature en marchandise >>85.
Ainsi, en plus d'être anthropocentriste (LATOUCHE,
2004), le développement est ainsi << occidentalo-centré
>>86 (ibid). Il est fondé sur la domination de
l'Occident <<développé >> face aux pays et
civilisations << sous-développés
>>87. Cette domination prend alors des allures de
Çnouvelle mission civilisatrice È (ibid). On peut ainsi
s'interroger sur les liens que le développement entretient avec
l'idéologie et l'expérience coloniale, même lorsqu'on lui
adjoint le qualificatif <<durable »88
c. Développement et imaginaire
économique
Le développement est par ailleurs fondé sur
l'approche pro-avenir (DURAND, 2009) du temps, propre à
l'Occident, qui considère que << demain sera mieux
qu'aujourd'hui >>. Or, dans l'imaginaire <<
développementiste>> (LATOUCHE, 2006) le Ç
mieux È réside en l'augmentation du produit intérieur
brut (PIB)89. Ainsi, selon l'INSEE, le <<moral des
ménages >> n'est rien d'autre que l'estimation de leur situation
économique et de leur capacité à consommer. Pourtant, on
sait que l'addiction consumériste, les accidents de voitures, la
destruction de la nature et les catastrophes sont facteurs de la croissance
(ibid), tandis que << les remèdes >> qu'on y
apporte sont aussi facteurs de croissance. Ainsi, selon Jacques Ellul,
<<on considère toute activité
rémunérée comme une valeur ajoutée,
génératrice de bien être, alors que l'investissement dans
l'industrie antipolluante n'augmente en rien le bien être, au mieux
permet-il de le conserver. Sans doute arrive-t-il parfois que l'accroissement
de la valeur à déduire soit supérieur à
l'accroissement de la valeur ajoutée >>90. Aussi,
la Ç déséconomicisation des esprits È
semble être le pré-requis à tout mouvement vers un
<<après- développement È.
d. Une insolvable contradiction
Par ailleurs, le mode de développement occidental
souffre d'une contradiction rédhibitoire : il se veut universel mais
n'est pas universalisable. En effet, alors que notre empreinte
écologique globale est déjà insoutenable, une perspective
de << rattrapage>> des pays du Sud est une illusion. Le seul moyen
de diminuer les inégalités Nord/Sud - 20% des humains
consommant
84 Parmi lesquels Gilbert RIST, Ivan ILLICH, Wolfgang SACHS ou
Cornélius CASTORIADIS et bien sûr François PARTANT. Voir
notamment La ligne d'horizon, l'ouvrage phare de ce dernier,
précurseur du mouvement ancien << banquier du développement
>>.
85 Serge LATOUCHE, Survivre au développement,
p.28
86 Celui-ci considère d'ailleurs que << le
développement durable est le nouvel avatar du colonialisme
>>, in Survivre au développement
87 Selon l'expression pionnière de Truman.
88 Question notamment étudiée par Olivier Soubeyran
et Vincent Berdoulay dans leur livre collectif Millieu, colonisation et
développement durable, 2000, L'Harmatan, 272p.
90 Jacques Ellul, Le Bluff Technologique, Hachette
Littérature, Paris, 1998. p.76. On retrouve ici la logique du
détour.
86 % des ressources- serait ainsi d'organiser la
décroissance au Nord, afin d'honorer notre éthique de justice
sociale.
2. Le développement durable, entre
désillusion et critique
Le développement durable, invoqué comme le moyen
de construire un monde à la fois soutenable et équitable tout en
faisant croitre le PIB mondial, semble aujourd'hui montrer les limites de sa
pertinence.
a. Oxymore et pléonasme à la
fois
Au plan théorique, nous l'avons vu, le
développement supposant une croissance économique
illimitée, celui-ci ne peut fondamentalement etre « durable ».
En effet, une croissance économique infinie est impossible dans un monde
fini.
Ainsi, dans Le Macroscope, Jo`l De ROSNAY,
défenseur du paradigme systémique - dans le prolongement de
BERTALANFFY notamment, s'agissant des interactions
économie/écologie, décrit, en conclusion, le systeme
économique « comme un parasite drainant à son profit
l'énergie et les ressources [de l'écosysteme], qu'il
envahit et qu'ilfinira peut titre par tuer »91.
Le paradigme de la durabilitéfaible -
fondée sur la substituabilité des facteurs92, se
heurte d'une part aux limites de l'effectivité des réalisations
techniques - songeons à ITER-, et d'autre part aux problemes
axiologiques, éthiques et sociaux qu'il induit -
transhumanisme, technoscience et démocratie, domination,
logique du détour...
L'immatériel, ou économie de la connaissance,
remplace moins l'économie industrielle qu'elle ne la complete, des lors
qu'elle est fondée sur l'informatique, l'électronique, le
numérique ou la convergence NBIC. La production d'une puce
(microchip) nécessite par exemple une masse de matériaux
qui dépasse 17 000 fois son poids93, tandis que deux cents
clics par jour sur une souris émettent sur un an autant de GES que
5000km parcouru en voiture94.
Le développement durable (sustainable development
) constituerait également un pléonasme si l'on se
réfère à la définition donnée par ROSTOW en
1960 du développement : « self-sustaining growth ».
Le développement serait ainsi déjà « auto-soutenable
»...
9 1 De ROSNAY, 1975, Le Macroscope, Point
essai, 346p.
92 Le capital naturel serait substituable par un
artifice, notamment technicien.
93 Voir rapport de l'ONU, Ordinateur et
environnement, Kluwer Académie, 2004.
94 Du fait notamment de l'activité des
serveurs. Selon une étude récente du MIT, cité par Paul
ARIES, La simplicité volontaire contre le mythe de
l'abondance.
b . Ecoefficience et « effet rebond
È (SCHNEIDER, 2003)
Les progres en matiere d'écoefficience enfin,
pour tres souhaitables qu'ils soient, sont partiellement contredits par la
logique du paradoxe de Jevons95, ou effet rebond
(SCHNEIDER, 2003). Il reside en ce que l'introduction de technologies plus
efficaces en termes ecologiques - energetiques, consommation de materiaux...- a
tendance, dans l'agregat, à augmenter l'empreinte ecologique
globale96. Par exemple, les voitures sont moins polluantes, mais on
parcourt de plus grandes distances, on a tendance à en consommer
davantage en les jetant plus vite, ou on augmente la
cylindree...97Ce paradoxe est accentue par la publicite, la mode et
« l'obsolescence programmée » (LATOUCHE, 2006) des
produits, qui accelerent le taux de renouvellement de consommation d'un
produit98. Plus largement, on sait que, passes certains seuils de
satisfaction99, les besoins peuvent devenir superflus et
peuvent etre creer artificiellement par la persuasion
publicitaire100 - deuxieme budget mondial apres l'armement. On
parlera alors plutôt de désirs.
c. Le développement durable, outils de domination
marketing ?
Par ailleurs, la plupart des acteurs economiques et politiques
ont trouve dans le developpement durable un nouveau slogan mobilisateur et
marketing mais, surtout, une nouvelle et formidable source de profit. C'est
ainsi que nos imaginaires sont colonises par les merites vantes de la
« voiture propre È101, et plus largement des
technologies propres, allant meme jusqu'à l'invention de «
l'autoroute ecologique »102... Le developpement des labels et
les operations de communication « vertes » pratiquees par les firmes
multinationales, dans le meilleur des cas au pretexte de « mesures »
qui ne sont parfois que des diagnostics ecologiques ou sociaux, peuvent laisser
perplexe. Ce d'autant plus lorsque l'on s'interesse à la definition
qu'ont du developpement durable certains acteurs economiques eminents. Ainsi,
pour Michel De FABIANI, president de British Petroleum France
103: « Le developpement durable, c'est d'abord produire
plus d'énergie, plus de gaz, peut-être plus de charbon ou de
nucléaire, et certainement plus d'énergies renouvelables. Dans le
meme temps, ilfaut s'assurer que cela ne sefasse pas au détriment de
l'environnement.È
95 En reference à l'economiste anglais Stanley
Jevons, qui l'analysa à propos de la consommation de charbon par les
chaudieres à vapeur à la fin du XIXème siècle.
96 Une definition plus large de l'effet rebond,
proposee par Francois SCHNEIDER est « l'augmentation de consommation
like à la reduction des limites à l'utilisation d'une
technologie, ces limites pouvant etre monitaires, temporelles, sociales,
physiques, liies à l'effort, au danger, à l'organisation...
È
97 SCHNEIDER analyse egalement le fondement
psychologique du phenomene. Par exemple, une voiture moins polluante permet des
economies, qui seront affectees à un voyage aux Antilles...
98 Ou diminue sa duree de vie - ou d'usage -
moyenne.
99 On pense notamment à la pyramide des besoins
de Maslow.
100 Et/ou par beaucoup d'autres mecanismes tels le
désir mimétique (GIRARD) ou la consommation
ostentatoire (VEBLEN)
101 Un mythe d'autant plus trompeur que si celle-ci
est electrique et que l'electricite est produite à partir de ressources
carbonees fossiles (68% de la production mondiale en 2007), celle-ci emet
près de 3 fois plus de GES qu'avec un moteur thermique classique...
102 Publicite Vinci 2010 à propos de l'A19.
103 Cite par Serge LATOUCHE, 2006, op. Cit.
d. L'oubli du social104
En outre, dans la plupart des discours et des actions
menées au nom du développement durable, la dimension sociale est
très timorée, quand elle n'est pas totalement absente. Ainsi,
depuis que le développement durable a percolé les esprits et
parfois les actions, les inégalités sociales n'ont pas
diminuées et se sont même accrues dans de nombreux cas. Mais,
quand l'équité sociale est parfois mentionnée, la
réflexion sur << l'harmonie sociale
È105, les conditions d'épanouissement de
l'individu - sécurité, rapport au travail106- ou du
collectif - dans son rapport au projet du territoire, à la
convivialité- est quasiment totalement absente.
Ainsi, au plan conceptuel comme dans la manière dont il
est investi par les acteurs économiques et politiques, le
développement durable, symbole de la << résilience du
développementÈ (LATOUCHE, 2004), ne semble pas valablement
pouvoir survivre à ses contradictions.
D'ailleurs, le grand économiste roumain Nicholas
GEORGESCU-ROEGEN, dont nous avons déjà eu l'occasion de parler,
n'écrivait-il pas, en 1991 déjà: << Il nefait
aucun doute que le développement durable est un des
concepts les plus nuisibles È.
1 04 Voir Léa Sébastien et Christian Brodhag,
<< A la recherche de la dimension sociale du développement durable
È, Développement durable et territoires [En ligne],
Dossier 3 : Les dimensions humaine et sociale du Développement Durable,
mis en ligne le 01 mars 2004, Consulté le 31 mai 2010. URL :
http://developpementdurable.revues.org/index1133.html
105 L.Sébastien et Brodhag, ibid., 2004
106 On parle alors de <<réalisationÈ dans son
travail, étant entendu que <<tout travail travaille à
faire un homme en même temps qu'une chose Ç (Emmanuel
MOUNIER)
Conclusion de la première partie
Ainsi, nous avons vu que la crise de notre rapport à la
Nature -éco-ernergético-technologique - et la crise de
notre socio-système propre - socio-économico-culturelle
- devaient être analysée comme une seule et même crise.
Cette crise systémique composée donc de deux
sous-systèmes, peut être analysée comme la crise du
développement et de la société de
croissance, l'hubrys en constituant l'axiome déterminant.
En particulier, la démesure de l'emprise de l'économie, de son
Ç esprit È, de ses nouvelles formes, sur nos
sociétés, semble au fondement de la crise systémique,
outre une approche anthropocentrée 107 et
cornucopienne108 de la Nature.
Nous avons vu que le prolongement des logiques et des
fantasmes à l'origine de la crise systémique bicéphale
conduit à l'effondrement systémique109, notamment par
amplification des phénomènes. Cette amplification est souvent
liée à des mécanismes qui, du fait en particulier de
l'organisation de l'anthroposystème en société de
croissance, échappent au moins partiellement à la
régulation éthique et politique. A cet égard, il semble
que le développement durable et les actions menées en
son nom, prolongeant largement les schémas du
développement, ne saurait constituer une métamorphose
suffisante à empêcher l'effondrement.
1 0 7 Catherine et Raphael LARRERE, Du bon usage de la
Nature, Aubier, 1997, 355p.
108 Du latin cornu copiae, la Ç corne d'abondance
È.
1 09 Avec une forte incertitude en termes de temporalité
selon la nature du phénomène devenant déterminant
(déplétion des ressources fossiles, impacts du changement
climatique, crise économiqueÉ)
Deuxième partie
La métamorphose: dépasser le
développement pour se détourner
de l'effondrement
I . Une posture philosophique face à
l'effondrement : le catastrophisme iclaire (DUPUY, 2002)
A. Les effondrements du passé, de similitudes en
enseignements
Dans son ouvrage Effondrement : comment les societes
décident de leur disparition ou de leur survie, le geographe
americain Jared DIAMOND etudie, sur une base comparative, les facteurs qui
peuvent etre à l'origine de l'effondrement des societes, ainsi que le
comportement de ces societes face à la perspective de leur effondrement.
A travers le cas des Mayas, des habitants de l'ile de P%oques et de nombreux
autres exemples, il montre que cinq ensembles de facteurs peuvent concourir
à l'effondrement d'une societe : le changement climatique, la
degradation anthropique de l'environnement et des ressources, l'hostilite des
voisins les rapports de dependance avec des partenaires commerciaux et la
reponse des societes elles-memes à ses problemes
environnementaux110. Constatant l'importance majeure des facteurs de
degradation et de surexploitation de l'environnement, il effectue un
parallèle direct entre les effondrements du passe et la situation
actuelle des societes mondialisees. Il montre notamment que cet effondrement
n'est jamais une fatalite, mais resulte bien plutTMt de choix societaux. Ces
choix, rationnels souvent - recherche de puissance, concurrence entre «
chefs locaux »111- ne furent, dans bien des cas, pas
raisonnables pour autant - filigrane de l'hybris.
B. Vers un effondrement probable
Ainsi, aujourd'hui, l'effondrement systemique redoute
constituerait le prolongement logique des deux champs de crises -
intrinsequement lies et consubstantiels à l'hybris - que nous
avons tente de decrire. Avec Jean Pierre DUPUY, nous considerons cet
effondrement, qui peut se dissoudre dans ce qu'il appelle « catastrophe
», comme «probable ». Mais le caractere inedit de la
crise environnementale globale, comme celui de la demesure systemique de
l'entreprise humaine occidentale, necessite de recourir à une posture
philosophique particuliere.
1. Exces de puissance, risque et
précaution
Au depart de la question et du principe de
pricaution112 se trouve l'ouvrage du philosophe allemand Hans
JONAS, Le principe responsabilité. D'apres Catherine LARRERE,
on peut interpreter ce livre de trois façons :
· comme l'expression de la « toute puissance
humaine » sur son environnement.
1 1 0 D'autres facteurs, plus secondaires, sont
egalement evoques, en particulier la question des institutions politiques.
111 Voir le cas des Maois des Pascuans et de leur
« délire concurrentiel È (Gilles FUMEY)
112 Introduit en 2005 dans la constitution
française et faisant reference à des « dommages graves
et irriversibles ».
· comme l'attenuation de la portee hyperbolique de la
responsabilite de l'homme à l'egard de la nature par un retour à
une ethique deontologique du respect
· comme une naturalisation de l'action humaine car,
« quand les conséquences involontaires de nos actions
techniques ont plus importance que les effets intentionnels, alors il n'y a
plus moyen de distinguer l'acte intentionnel de l'évenement naturel.
Tout devient nature.[...]Plus nous développons notre technique, plus
nous devenons desforces naturelles.113 »
S'agissant du dernier point, on sait que le risque reside en
la combinaison du couple aléa/vulnérabilité (P.
PIGEON) et que les catastrophes sont construites sur la duree114 -
raisonnement ayant conduit à ecarter le vocable de « risque naturel
». Pourtant, dans cette perceptive et face à la nature et à
l'ampleur des phenomenes contemporains, c'est le concept d'aléa
naturel lui-meme qui peut ainsi etre remis en cause115.
Mais, d'apres Jean Pierre DUPUY, « les menaces qui
s'accumulent ne sont ni des fatalités ni des risques ». Ces
menaces, il les nomme « catastrophes ». Elles seraient liees
à « une impuissance à maitriser la puissance
».
2. L'incertitude n'est pas le probleme : « savoir
n'est pas croire» (DUPUY, 2002)
JONAS affirme que « reconnaitre l'ignorance
» devient l'autre versant de l'obligation de savoir, car le
savoir prévisionnel ne peut etre de meme ampleur que le
savoir technique116. Pourtant, selon Jean Pierre DUPUY,
« de nombreux arguments ancrent cette ignorance nécessaire
dans l'objectivite des grands systemes qui menacent le monde
».
Il en distingue ainsi trois types :
· du fait de leur complexite, les ecosystemes sont à
la fois stables et sujets aux fragilites catastrophiques
· les systemes techniques sont soumis à des
retroactions positives essentiellement imprevisibles
· il est logiquement impossible de prevoir les savoirs
futurs.
En matiere d'incertitude, la prevention et la precaution,
invoquees pour se premunir contre ces « risques », s'appliquent
respectivement en cas d'incertitude probabilisable de l'alea (incertitude
objective) et l'incertitude par manque de connaissance (epistemique). Or, selon
DUPUY, dans le cas de la catastrophe - l'effondrement , l'incertitude n'est ni
objective, ni epistemique.
1 1 3 Catherine LARRERE, Les éthiques
environnementales, respect ou responsabilité ?, conference à
l'ENS Paris, 4 decembre 2006.
114 Notamment par la logique de la courbe de Farmer : on
substitue à des evenements de forte occurrence mais de faible intensite
des evènements de faible occurrence mais de forte intensite.
115 Voir au II.A.4. de la première partie.
116 « Le savoir réclamé, en tant que
savoir anticipé, n'existerajamais, sinon tout au plus comme savoir
disponible au regard rétrospectif », DUPUY, 2002, op. cit
En fait, <<ce n'est pas l'incertitude qui
empéche d'agir, c'est l'impossibilité de croire que le pire va
arriver È. En effet, << la catastrophe a ceci de terrible
que non seulement on ne croit pas qu'elle va se produire, mais qu'une fois
produite elle appara»t comme relevant de l'ordre normal des choses
È117.
3. A la lumière de l'inéluctable
catastrophe
Alors, pour Jean Pierre DUPUY, il faut renverser le
schéma logique de la précaution, et considérer que la
catastrophe est inéluctable, ce qui constitue le seul moyen de
réagir afin qu'elle n'ait pas lieu. C'est la posture philosophique qu'il
appelle le catastrophisme éclairé, et qui n'est pas un
catastrophisme donc, au sens traditionnel du terme de <<fatalisme du
pire È.
Ç C'est précisément la pertinence,
voire la seule existence de la possibilité de ce scénario du pire
qui peut et doit guider la réflexion et l'action È,
écrit Corinne Lepage, jugement que Jean Pierre DUPUY rejoint.
Car, s'il faut prévenir la catastrophe, <<on a
besoin de croire en sa possibilité avant qu'elle ne se produiseÈ
118.
4. L'effet pédagogique des catastrophes ou les
vertus de ha crise (MORIN)
D'autres auteurs, à l'exemple de Serge LATOUCHE,
attendent plutôt après les Çcatastrophes
pédagogiques È pour permettre un changement de paradigme
sociétal. Pour notre part, sans douter de l'efficience relative de tels
évènements en termes de prise de conscience, nous pensons d'une
part que certaines catastrophes n'ont aucun effet pédagogique - exemple
de la crise financière de 2007 qui a vu reconduire les même
schémas spéculatifs, et d'autre part qu'en cas de crise, les plus
démunis sont aussi les plus touchés119.
Ainsi, s'agissant de la crise environnementale, des
débats et des incertitudes scientifiques qui demeurent quant à
l'existence, et aux conséquences catastrophiques ou non, de points de
basculement dans les systèmes écologiques complexes, la
métaphysique du catastrophisme éclairé nous exhorte
à nous détourner du scénario du pire. Cette attitude est
fondée, précisément, sur le fait que nous avons affaire
à des catastrophes globales potentielles, et non à des risques,
et que par conséquent la démarche minimax - minimiser le
dommage maximal - est inopérante, car <<minimiser le pire, ce
n'est pas le rendre nul È, tout en sachant évidemment que le
<<risque È zéro n'existe pas.
Ainsi, la métaphysique du catastrophisme
éclairé semble nécessaire afin de pouvoir changer un
avenir probable. L'hypothèse de la décroissance constituerait
alors une alternative probablement souhaitable et certainement
nécessaire pour nous détourner du scénario de
l'effondrement.
1 1 7 Et de poursuivre << Elle n'était pas
jugée possible avant qu'elle se réalise; la voici
intégrée sans autre forme de procès dans le "mobilier
ontologique" du monde È. ibid, p. 84-85.
118 ibid., p. 13
119 Les plus démunis sont d'ailleurs souvent les moins
responsables, à l'instar du cas des pays du Sud face à
l'adaptation aux changements climatiques.
II . La voie de décroissance
Comme le note Raphael LARRERE << le paradoxe de la
globalisation È réside en ce qu'un Ç
catastrophisme (éclairé) au niveau global coexiste avec un
optimisme (raisonné) au niveau local >>. Alors qu'au niveau
global, l'approche systémique de l'environnement - celle de
l'écologie classique synthétisée par les frère Odum
(1953)- confère à l'homme une place de <<perturbateur
>>, on découvre qu'un mode de vie soutenable au niveau local est
possible dès lors qu'on fait << bon usage de la nature
>> (LARRERE, 1997).
Ainsi, en réponse à l'analyse de l'effondrement,
l'hypothèse de la décroissance permet d'espérer changer
par anticipation un avenir probable subi. Il s'agit de choisir de
<<se détourner de la fascination des ruines
>>120 en envisageant une
<<métamorphose>> (MORIN, 2007).
Ainsi, le paradigme mobilisé à travers le
diagnostic de l'effondrement a déjà largement permis d'entrevoir
la pensée de la décroissance, une métamorphose par le
dépassement du développement. Nous essayerons d'en dresser
grossièrement les contours dans le paragraphe suivant.
A. La décroissance : de la bombe sémantique
à l'utopie concrete
1. Eléments de définition : contours d'un
concept-nébuleuse
a. Statut et sens
La décroissance est d'abord présentée par
ses tenants comme un <<slogan>> (LATOUCHE, 2006), un
<<mot-obus>> (ARIES, 2005), <<une bombe
sémantique>> (CHEYNET, 2008) mettant en cause <<
l'économisme >>, le << croissancisme
>>, et la marchandisation de la nature et des rapports humains. Selon le
qualificatif qu'on lui adjoint - << soutenable >>,
<< conviviale >>, <<équitable
>>... - celle-ci prend des significations différentes. Il
s'agit donc d'une courant de pensée en forme de nébuleuse.
La pensée de la décroissance s'inscrit dans la
double filiation du paradigme écologiste et de la critique du
développement et de la société de consommation.
Le point de départ est ainsi tout autant l'idée
que la société de croissance n'est pas soutenable, mais encore
qu'elle n'est pas souhaitable, au sens oü elle ne permettrait pas
l'épanouissement de l'individu et l'harmonie sociale. Il s'agit bel et
bien de considérer que ces deux volets sont en fait
intrinsèquement liés.
Mais si le sens premier de la décroissance se
réfère à celle du Produit Intérieur Brut, Serge
LATOUCHE nous met en garde : <<la décroissance
préconisée pour elle-mFjme serait absurde ; mais à tout
prendre, cela ne le serait ni plus ni moins que de prôner la croissance
pour la croissance... Le mot d'ordre de la décroissance a surtout pour
but de marquer l'abandon de l'objectif de la croissance illimitée,
objectif dont le moteur n'est autre que la recherche du profit par les
détenteurs du capital avec des conséquences désastreuses
pour l'environnement et pour
1 2 0 Jean Claude Besson Girard, <<Malaise dans
l'effondrement >>, Entropia, n°7, automne 2009
l'humanité >>121. Ainsi, de son
aveu même, << il faudrait mieux parler
Çd'a-croissance È comme on parle d'athéisme
>>. Il s'agit donc de remettre en cause << l'indice
fétiche que constitue de le PIB >>.
b. Choisir ou subir la décroissance
Par ailleurs, pour la plupart de ses tenants, la
décroissance, si elle n'est pas choisie, sera nécessairement
subie, car elle serait inéluctable. L'alternative, <<au temps
des catastrophes>> (STENGERS, 2008), est donc <<
décroissance ou barbarie>> (ARIES, 2005).
Ainsi, pour Yves COCHET, la décroissance est
<<la néces sité biophysique de réduire les
mouvements et les consommations de matière et d'énergie
>>. La décroissance soutenable a ainsi pour objectif premier
de faire diminuer équitablement l'empreinte écologique globale
afin de la ramener à un niveau soutenable. Il s'agit également
d'anticiper le pic de Hubbert pétrolier afin d'envisager sereinement une
société de l'après-pétrole.
c. Bonheur et décroissance
Un lien avec le bien-être et le bonheur est souvent
établi122, suivant le slogan <<moins de bien, plus
de lien >>, notamment en ce qu'une société de
décroissance induirait une augmentation de la convivialité au
dépend des consommations matérielles. Son but est Ç
une société olt l'on vivra mieux en travaillant et en consommant
moins mais mieux>>123. La décroissance s'inspire
ainsi de la simplicité volontaire - individuelle ou
micro-collective- pour envisager une <<sobriété
heureuse >>124.
d. Les indicateurs, entre outils et
dérives
En outre, le recours à des indicateurs alternatifs au
PIB pour (re)construire une société de la décroissance,
qu'il s'agisse de l'Empreinte Ecologique, du Produit Intérieur Doux des
québécois, de l'Indice de Progrès Véritable (IPV)
est préconisé par la plupart des partisans de la
décroissance. Mais il existe un relatif consensus autour de
l'idée formulée par Patrick VIVERET : <<le droit
à compter autrement a pour but de défendre le droit de ne pas
compter >>. Ainsi, quand bien même existerait-t-il un
indicateur miracle capable de mesurer le bonheur ou le bien-être,
l'objectif obsessionnel de tout mettre en Ïuvre pour le faire croitre
serait de fait une rechute dans l'imaginaire de la rationalité
instrumentale et quantifiante, mouvement évidemment
absurde.
1 2 1 Petit Traité de la Décroissance
sereine, 2004, Mille et une nuits, p.20 -21.
122 D'ailleurs le colloque annuel 2009 de la CIPRA ayant pour
titre << La croissance à tout prix? È avait pour
sous-titre << Les Alpes à la recherche du bonheur.
È
123 Serge LATOUCHE, Petit traité de la décroissance
sereine, op.cit. p. 22. Cela correspond assez bien à ce qu'André
GORZ appelait la << rationalité écologique
>>.
124 Expression utilisée dans un sens proche par Patrick
VIVERET et Pierre RHABI, ce dernier parlant également de <<
décroissance conviviale.>>
2. Cadres et postulats de la décroissance
a. Ethiques environnementales et
décroissance
Catherine LARRERE montre comment le XXeme siècle a vu
le mouvement des éthiques déontologiques du respect de
la Nature125 vers les éthiques consequentialistes de
la responsabilité à l'égard de la
Nature126. Le courant du développement durable s'inscrit dans
ce deuxieme type d'éthique, car la Nature admet dans ce cas une
valeur instrumentale , et le maintien de l'homiostasie de
l'écosysteme global ne s'envisage qu'au regard de son utilité
pour les humains127.
Ainsi, en dépassant la conception naturaliste
(DESCOLA, 200 6) traditionnelle qui postule l'extériorité de
l'Homme par rapport à la Nature - à l'origine d'une approche
anthropocentrée (LARRERE, 1997) de la nature128, il est
probablement en cohérence avec la pensée de la
décroissance d'envisager un mouvement vers une approche plus
écocentrie des rapports Nature/Société. Cette
approche écocentrée, articulation des deux types
d'éthiques précédemment citées, est notamment
fondée sur la land ethic du forestier américain Aldo
LEOPOLD129, qui se base sur l'idée de
communauté de parties interdépendantes, incluant les
éléments biotiques (sol, air, eau, plantes animaux). Ainsi, ce
nouveau naturalisme occidental (LARRERE, 1997) situerait ainsi l'Homme
dans la Nature, sur la base d'une approche scientifique de leurs
interactions.
Nous admettons ainsi, avec Catherine LARRERE, «
lÕhypothése de convergence » - formulée par
Bryan NORTON et Dieter BIRNBACHER - entre les humanistes, partisans
d'une éthique anthropocentrée , qui admettent la
protection de la Nature dans l'intérêt de l'espece humaine, et les
naturalistes, qui reconnaissent à la nature une préciosité
intrinseque.
Nous proposons dans ce prolongement une représentation
de relations entre les « trois spheres » apparaissant dans la
schématisation du développement durable, à travers le
paradigme de la décroissance. Cette schématisation est assez
proche de celle de la durabilité forte tout en s'en
différenciant, notamment par l'ajout de la Nature locale
(SERRES, 1990).
1 2 5 Qui regroupe notamment l'ensemble des travaux sur la
valeur intrinseque de la nature, notamment le courant transcendantaliste
américain (THOREAU, EMERSON) et John MUIR, concernant la
wilderness.
126 Dont le fameux principe responsabilité de
Hans JONAS fait figure de pionner, bien que celui-ci articule partiellement les
deux types d'éthique.
127 Il s'agit donc bien d'un posture relevant de l'utilitarisme,
qui prolonge de fait l'emprise démesurée de ce paradigme dans
notre anthroposysteme actuel.
128 Bien perceptible à travaux l'usage du terme
d'« environnement ».
129 Développé dans son ouvrage
lÕAlmanach dÕun comté des sables, paru en 1949.
Figure 2 : Les quatre sphères de la décroissance
b. Un postulat de soutenabilité ecologique
Ainsi, les limites écologiques de la planète
constituent le point de départ impérieux pour envisager tout
projet de société conviviale, soutenable et autonome. Ainsi, nous
dit Paul Ariès, << on sait par exemple que la Terre ne peut
pas absorber par an plus de 3 milliards de Tonnes Equivalent Carbone (TeC). Si
on rapporte ce chiffre à la population globale, cela nous donne 500kg
équivalent carbone par an et par habitant.[...] Cela correspond à
5000km parcouru en voiture ou un aller/retour Paris-NewYork, [...]
>>. Cela correspond également à acheter entre 50 et 500kg
de produits manufacturés ou construire 4 à 5 m2 de logement en
béton130.
Mais il ne s'agit pas de faire << la mFime chose en
moins >> (LATOUCHE, 2 007), et la décroissance -qui n'est pas
la croissance négative - << n'est envisageable que dans le
cadre d'une société de décroissance >> (ibid),
c'est-à-dire d'un système reposant sur une autre logique. Il
s'agirait bien de fait d'une <<métamorphose >>, au
sens d'Edgar MORIN, c'est à dire au processus toute à la fois
<< d'autodestruction et d'autoconstruction >>.
1 3 0 Source : Jean Marc JANCOVICI
c . L'Ç utopie concrIte È :
coopération, solidarités territoriales et
interterritoriales
Aujourd'hui, alors que <<le développement
sacrifie les populations et leur bien étre concret et local sur l'autel
d'un bien- avoir abstrait, déterritorialisé>> (ibid),
l'alternative de la décroissance constituerait un <<projet
local >>131 (ibid) fondé sur une
<<utopie concrète >>. Ce projet ne constituerait pas
pourtant du << localisme >>, mais une logique d'harmonie et de
coopération entre territoires qui serait fondée sur des
<<solidarités inter-locales>> (MAGNAGHI,
2003). On rejoint largement à cet égard les analyses de Martin
VANIER concernant l'interterritorialité et
l'interterritorialisation souhaitable de l'action publique dans une
perspective de souveraineté des territoires.
d. Décroissance et repli identitaire
Le risque d'un <<repli identitaire >>,
dans un contexte de résurgence du racisme, de la xénophobie, et
de l'extrême droite, notamment en Europe, doit nous interpeller au plus
haut point et nous inciter à une <<extrême >>
vigilance.
D'ailleurs, Alain de Benoist, figure de la
<<Nouvelle Droite>> et présenté comme
<<la tête pensante>> du << GRECE
132>>, a écrit un livre qui s'intitule Demain la
décroissance, paraphrasant d'ailleurs le titre l'ouvrage-phare de
GEORGESCU-ROEGEN.
Sur un registre similaire et au-delà de la coquetterie,
on constate une similarité picturale pour le moins troublante entre le
site de la Convention Identitaire et le site decroissance.inf o,
deuxième grand site consacré à la décroissance.
Jugez plutôt :
Figure 3 : Capture d'écran interposée du site
décroissance.info et de celui de la Convention
Identitaire, 30 octobre 2009
1 3 1 Voir le très bel ouvrage d'Alberto MAGNAGHI, Le
projet local, Editions Mardaga, Liège, 2003
132 Groupement d'Etude sur la Civilisation Européenne,
lié à la mouvance << nationale-européenne
>>.
En parallèle, comme l'avait déjà
identifié André GORZ dans les années 70, et comme le note
Serge LATOUCHE plus récemment, l'
écofascisme133 est une menace au moins aussi
importante que la crise environnementale elle-même. En outre, il convient
de déconstruire radicalement tout dis cours qui vise, sur des fondements
religieux, spirituels ou mystiques, à remettre en cause
l'idéal démocratique au profit de postures
théocratiques. L'éthique et la démocratie - largement
reterritorialisée en l'occurrence - doivent constituer le
fondement de l'action collective.
3. Les principes systémiques de la voie de la
décroissance
Une fois ce <<risque >> potentiel de
dérives identifié, quels sont les grands axes retenus pour la
définition d'une société de décroissance ? Nous en
proposons quelques uns issus des divers travaux sur la question, et notamment
des <<8 R >>134 développés par Serge
LATOUCHE, qui constituent ce qu'il appelle <<le cercle vertueux de la
décroissance È.
Figure 4 : Les << 8 R >> du cercle vertueux de la
décroissance, d'après Serge LATOUCHE, 2006
1 3 3 Qui désigne la mise en place de systèmes
politiques autoritaires afin de protéger l'environnement et/ou les
ressources. 134 Le pari de la décroissance, op. cit., p 156
a. Reevaluer
La reevaluation consiste à decoloniser notre imaginaire
et nos schemas axiologiques « systemiques » - au sens des valeurs
imposees par le systeme (LATOUCHE, 2006). Il est largement admis que les
valeurs fondamentales de la decroissance sont assimilables à l'Humanisme
et aux Lumieres, et qu'en ce sens la decroissance constituerait « une
critique moderne de la modernité
» (ibid). Notons neanmoins quelques
modifications axiologiques souhaitables - et probableme nt
necessaires, telles que substituer :
· la cooperation à la competition
· la qualite à la quantite
· l'autonomie à l'heteronomie
· l'equilibre dynamique à la domination de la
nature
· la vie sociale à la consommation ou le relationnel
sur le materiel
· la convivialite à la competitivite
· le plaisir du loisir à l'obsession du travail
· le raisonnable au rationnel
· le local ou le regional au global
· le bien commun à la
vénalisation
b. Reconceptualiser
« Le changement des valeurs implique un autre regard
sur le monde et donc une autre façon d'appréhender la
réalité » (ibid). Sont notamment souhaitees les
redefinitions :
· de la richesse et de la pauvrete
· de l'abondance et de la rarete
· de l'idee de progres
c. Restructurer
Il s'agirait d'adapter l'appareil productif et les rapports
sociaux et à l'espace en fonction du changement de paradigme. Cela
consisterait notamment à tendre vers :
· des modes de gestion de l'entreprise issues de l'economie
sociale, solidaire et cooperative .
· un management environnemental fonde sur
l'ecologie industrielle135 et la « durabilité
» des produits
· une reduction de la taille des
entreprises136 vers des logiques locales et/ou regionales et une
« déconcentration des activités »
(CHARBONNEAU, 2010), peut-titre basee sur des Systemes Productifs Locaux
(PECQUEUR, 2000)
1 3 5 Ou « economie circulaire »,
c'est-à-dire articulee autour du recyclage. 136 Notamment et
surtout des plus grandes.
137 138 139
· une agriculture paysanne et/ou
agroécologique (RHABI) et/ou biologique .
· une substitution de l'industrie automobile et
aéronautique par des activités de recherche et de
développement de technologies liées à la mobilité
douce et à l'éco-efficience.
d. Redistribuer
La redistribution des richesses, des ressources, de
l'empreinte écologique et du travail entre les individus et les
territoires est une très forte préconisation de la
décroissance. Celle-ci relève largement des politiques de
redistribution, mais on peut voir également que la restructuration
entraine de facto une redistribution. Par exemple, le passage à une
agriculture paysanne, outre qu'elle permet une très forte
réduction de l'empreinte écologique au Nord140 et
à la faveur du Sud, redistribuerait le travail et le capital de
l'industrie pétro-chimique vers l'agriculture, en augmentant
considérablement le nombre d'emplois agricoles. Dans cette dynamique, il
s'agirait probablement, à un moment ou la France - à peu
près dans la moyenne européenne - dépasse le seuil des 80%
d'urbains, de redistribuer la population sur le territoire à la faveur
des espaces ruraux, plutôt que de <<s'entasser dans les villes
>>, selon la formule d'Elisée RECLUS141 .
e. Relocaliser et reterritorialiser
Le mouvement de relocalisation s'imposerait d'abord à
l'économie, au sens oü l'enjeu de produire et consommer localement
- et si possible avec des capitaux locaux142 - tout ce qui peut
l'être est primordial. Les <<circuits courts >>, qui
tendent à se développer dans le domaine agricole - via les AMAP
notamment, devraient être généralisés et
s'étendre à d'autres. Mais pour << relocaliser la
vie>> (LATOUCHE, 2007), il faut également
relocaliser la culture, les services et surtout inventer une véritable
<<démocratie écologique locale>> (ibid.).
L'objectif est ainsi de permettre un investissement <<
multidimensionnel >>143 du territoire comme lieu
d'épanouissement individuel et collectif, avec comme concept clés
la qualité, la coopération, la soutenabilité et
la convivialité.
1 3 7 Voir l'article <<Pour une agriculture paysanne
È, Groupe du Chêne, Entropia n°7, septembre
2009
138 Voir aussi A. WEZEL et al, 2009, <<Agroecology as a
science, a movement or a practice. A review >>, Agronomy for
Sustainable Development, Disponible en ligne.
139 Marc DUFUMIER rappelle qu'une étude de la FAO a
démontré qu'il était possible de nourrir l'ensemble de la
planète gr%oce à l'agriculture biologique. Voir Rapport de la
Conférence Internationale sur l'Agriculture Biologique et la
Sécurité Alimentaire, FAO, Rome, mai 2007
140 Voir les travaux sur la <<dette
écologique>> des pays du Nord à l'égard des pays du
Sud du fait du <<pillage des ressources et de l'externalisation massive
de déchets toxiques >>. Voir en particulier ATTAC, <<
Pauvreté et Inégalité, ces créatures du
néolibéralisme È, Milles et une nuits, Paris, 2006,
p.44
141 Du sentiment de la Nature dans les sociétés
modernes , 1866, 9p.
142 Il existe sur ce point beaucoup de débats et
d'expérimentation autour des monnaies locales et ou fondantes, et bien
sur les Systlmes d'Echanges Locaux (SEL) et les Association pour
le Maintien d'une Agriculture Paysanne (AMAP). Voir respectivement sur ce
point Mundler, 2006 et Bernard LIETAER, 2005, Des monnaies pour les
communautés et les régions biogéographiques : un outil
décisif pour la redynamisation régionale au XXIe siècle,
extrait de BLANC J., dir (2006) Exclusion et liens financiers :
Monnaies sociales, Rapport 2005-2006, Paris: Économica, 547 p.
143 Nous empruntons par métaphore ce terme à Ivan
ILLICH, qui oppose l'homme multidimensionnel à l'homo-oeconomicus
et l'animal laborans.
Cet epanouissement local, dans un environnement naturel et
social « dbmarchandisé » et libere de l'obsession du
temps gagne, pourrait permettre, sur les bases de la simplicite volontaire,
Ç dÕhabiter en poète »144 le
territoire. Les savoir-faire Ç du passé »,
revisites sur une base moderne, pourraient etre rehabilites, non pas comme
element du folklore touristique, mais en ce que les pratiques anterieures
à l'energie fossile bon marche etaient necessairement sobres. Dans un
prolongement humaniste et poetique vers le « re-enchantement du
local », le rTMle favorable de la nature doit être valorise
à travers sa presence, jardinee ou sauvage, dans les espaces du
quotidien et dans les paysages naturels et culturels de l'arriere plan. Ces
derniers se devraient ainsi d'etre preserves de l'agression publicitaire et des
infrastructures superflues, resultant des desirs que celle-ci aura pu
engendrer.
En complementarite à l'utopie, les aspects concrets des
problematiques de gestion concertee des espaces, qu'ils soient agricoles,
naturels, ruraux ou urbains, constitueraient, par la participation citoyenne,
des experiences favorisant l'ouverture sur les problematiques cosmopolitiques
(CHARTIER&RODARY, 2008) globales. Cette gestion operee sur la base de la
notion de reliance, developpee par Olivier TURQUIN145 et
definie comme « le partage des solitudes acceptées et
l'échange des différences respectees »146,
contribuerait à « lÕharmonie sociale » et
à la qualite democratique locale. Mais, cet enracinement local
multidimensionnel doit s'accorder avec une organisation de l'espace invitant au
voyage et à l'itinerance, sur la base d'une « mobility douce
» et peut-etre de systemes d'accueil d'itinerants « chez
lÕhabitant », sur le principe des Ç banques du
temps ».
f. Reduire
Outre la reduction des inegalites et la reduction de
l'empreinte ecologique - notamment le recours aux energies
fossiles147, la reduction du temps de travail et, par là
meme, du chTMmage, constitue un point central du projet de la decroissance. La
reduction de l'amenagement, de l'artificialisation et de la marchandisation
s'imposerait egalement et en coherence avec l'equation professee par Ernst
BLOCH « Temps Libre = Espaces Libres »148.
Est egalement preconisee la reduction des mobilites, notamment
celles des marchandises, mais aussi de la Çjunk mobility »
(BOURDEAU & BERTHELOT, 2008), largement liee au tourisme de masse
international. Cette reduction de la mobilite passe d'abord par la reduction de
l'emprise de la voiture sur l'espace ainsi qu'en matiere d'amenagement du
territoire. Il s'agit par exemple de generaliser les liaisons douces -
reservees à un usage non motorise, de renoncer à tout nouvel
amenagement autoroutier ou routier d'importance, et a contrario de rehabiliter
et remettre en service un certain nombre d'infrastructures
ferroviaires149 . En France, les 80% de la population residants
aujourd'hui en
1 44 Selon l'expression de Jean Claude BESSON-GIRARD,
« Habiter en poete », Entropia n°8, Territoires de la
decroissance, printemps 2010
1 45 Le meme Olivier TURQUIN developpe les concepts de
« bergestionnaire » et « dÕagrinature
», interessants en ce qu'ils deconstruisent les discours et renouvellent
les imaginaires.
146 TURQUIN O. (dir.), 2000, Gestion
concertée dans les espaces ruraux. Guide repère , CEDAG,
Ministere de l'Agriculture et de la Peche (Direction de l'Espace Rural et de la
Forêt), Paris,
147 Qui a comme prealable la construction d'une
societe de « l'apres-petrole ».
148 Cite par Philippe BOURDEAU
149 « On sait qu'un vehicule se deplacant sur des rails
consomme 3 à 5 fois moins d'energie que sur une route. Le cout
de maintenance et d'entretien est par ailleurs beaucoup plus faible que le
reseau routier à usage equivalent, ce qui signifie que Ç
le
espace urbain n'auraient aucune difficulté à se
déprendre de cette emprise de l'automobile dans la perspective d'une
restructuration des réseaux de mobilité et de l'urbanisme, dans
le but de réduire radicalement la distance domicile-travail.
Sur un autre registre, la réduction des
risques150, notamment sanitaires et liés à un
environnement dégradé151, s'accompagnerait d'une
réduction de l'emprise des biotechnologies et du recours
systématique à la technique pour résoudre les
problèmes sociaux ou environnementaux152.
Ainsi ce <<programme>> des <<8 R
>>153, qui n'a pas vocation à servir de cahier des
charges, permet plutôt de mobiliser la pensée de la
décroissance comme une <<matrice autorisant un foisonnement
d'alternatives>> (LATOUCHE, 2006).
Des traductions opérationnelles de ces
<<principes >> se retrouve dans le cas des AMAP, des SEL
154 , des créatifs culturels, de certains
écovillages ou éco-hameaux155 ou
à bien des égards à l'approche de <<
l'écorégionalité>> d'Emmanuel BAILLY. Ces
initiatives restent pourtant très marginales.
B. Tentative de formalisation partielle d'un système
territorial de la décroissance, autour du triptyque
Tourisme/Agriculture/Territoire, pour le cas d'un espace montagnard alpin
virtuel.
L'approche par le paradigme de la décroissance du fait
touristique est très critique, allant du tourisme comme <<
étendard de la société du travail
>>156 (BOURDEAU &BERTHELOT, 2008), au tourisme comme
<<premier facteur d'augmentation de la mobilité>>
(COCHET, 2009) et critiquant sonÇ caractère industriel
>>.
Outre ces critiques, l'approche de la décroissance en
matière de tourisme est de considérer le territoire comme
ressource pour le tourisme, et non l'inverse. Cette conception rejoint ainsi
largement celle de la CIPRA157, qui fait figure de
pionnière s'agissant de la réflexion concrète sur la
décroissance
gel immédiat de ces-derniers dégagerait des
moyens considérables pour la mobilité durable È.Voir
Jean MONESTIER, <<Les transports dans les territoires de la
décroissance >>,Entropia n°8, Printemps 2010
150 Qui ne se fasse pas au profit des catastrophes (Cf Courbe de
Farmer)
151 Sur les liens entre santé et environnement, voir
notamment l'Appel de Paris (2004) et Dominique BELPOMME, Avant
qu'il ne soit trop tard, Fayard, Paris, 2007
152 Dispositions qui pourraient être prises sur la base de
<<jurys de citoyens >> (TESTARD, 2006)
1 5 3 Nous n'en avons présenté que six, les deux
derniers -réutiliser et recycler- étant inclus dans les
autres ou à la limite de notre sujet.
154 Respectivement Association pour le Maintien de l'Agriculture
Paysanne et Systèmes d'Echanges Locaux.
1 5 5 On pense notamment au <<Hameau du Buis >>
à Lablachère (07), créé par Sophie Rahbi et
à la <<Ferme des Amanins>> à la Roche sur Grane
(26).
156 Qui devient << compensatoire voire
consolatoire>> (ibid.) et << industrie de la
consolation È (LECLAIR, 2004)
157 Commission Internationale Pour la Protection des Alpes
puisqu'elle a organisé en 2009 à Gamprin (Li) un
colloque intitulé La croissance à toux prix ? Les Alpes
à la recherche du bonheur.
Pourtant, le paradigme du développement
techno-économique demeure dans l'imaginaire de la plupart des acteurs de
la montagne. Ainsi, la diversification touristique, invoquée et
souhaitée par une frange importante des acteurs touristiques, reproduit
largement les mêmes schémas techniciens d'aménagement et
d'équipement, dans l'esprit de la rationalité intrumentale
(l'équipement) et quantifiante (le chiffre d'affaire).
Ainsi, dans la perspective de <<l'utopie concrete
È de la décroissance et de ses principes, nous proposons une
approche systémique très simplifiée des dynamiques
territoriales liées au triptyque <<
Tourisme/Agriculture/Territoire È, dans le cadre d'un espace montagnard
hypothétique de <<type alpin È.
Les quatre dynamiques structurantes du système
constitueraient la résultante de choix collectifs et de tendances
individuelles, notamment sur la base de transmodernité
touristique158 (CORNELOUP, 2006).
Les éléments à l'extérieur du
système représentent les forçages extérieurs au
territoire. Ceux-ci peuvent être subis ou choisis.
On suppose que l'activité économique fonctionne
très largement selon les formules de l'économie sociale
solidaire: Société Coopérative Ouvrière de
Production (SCOP), Coopérative d'Utilisation du Matériel Agricole
(CUMA)É
1 5 8 In BOURDEAU (dir), Ç La Montagne, terrain dejeux
et d'enjeux È, op.cit.
Conclusion de la deuxieme partie
Ainsi nous avons vu avec Jean Pierre DUPUY que le principe de
precaution etait inoperant pour le cas de l'effondrement, car il ne s'agit pas
de « s'abstenir » mais « d'agir ». Aussi, comme nous avons
tendance à ne « pas croire ce que nous savons », la
metaphysique du catastrophisme eclaire permet, en se fixant sur le scenario du
pire, d'eviter, precisement, l'effondrement. Cet effondrement, dont on a pu
voir des aspects et des similitudes à travers quelques cas historiques,
necessite de la part de la « communauté de destin que constitue
désormais l'humanité » (MORIN, 2007), une metamorphose,
afin d'eviter « l'abyme » (ibid.).
L'utopie concrete du projet local de societe de
decroissance pourrait constituer une telle metamorphose.
Nous avons vu d'ailleurs que selon ses tenants, la
decroissance n'est pas un choix ou plutTMt, si ce choix n'etait pas adopte
à faible echeance, celle-ci s'imposerait et nous la subirions avec
nettement plus de difficultes. Declines par des principes structurants
complementaires et systemiques, tels que la cooperation ou la relocalisation,
la decroissance constituerait une alternative radicale mais credible, comme on
l'a vu à travers le cas des interactions entre tourisme et agriculture
pour un territoire montagnard alpin hypothetique.
On constate egalement que ce mouvement vers le projet local de
la decroissance accroit l'autonomie du territoire et de ses acteurs, soulevant
ainsi le problematique democratique. Le prolongement de cette approche pourrait
questionner l'avenement et la pertinence d'un «post -tourisme
» (BOURDEAU), sur fond de nouvelles pratiques qui releveraient de la
transmodernité (CORNELOUP).
Conclusion générale
Ainsi, reprenant nos quatre questionnements initiaux nous
pourrions, à l'issue de cette etude, tenter de les resumer dans un
questionnement proche du titre d'un article de Rapha`l LARRERE à
l'occasion d'un colloque intitule De l'auto-organisation au temps du
projet159 en 2007 à Cerisy. Le titre de son
article, auquel nous avons par ailleurs fait reference de le texte, etait le
suivant : « Le paradoxe de la globalisation : Comment un
catastrophisme (éclairé) au niveau global coexiste avec un
optimisme (raisonné) au niveau local ? ». En le detournant et
à la suite de ce travail, notre problematique pourrait etre intitulee :
« Comment un catastrophisme eclaire au niveau global peut nous permettre
de co-exister à travers l'optimisme d'une utopie concrete
locale ? ».
Ainsi, nous avons vu que les deux volets de la crise
systémique globale qui constituait
notre hypothese heuristique initiale fonctionnent comme des
sous-sytemes interrelies de cette meme crise, qui sont eux- memes composes de
sous-systemes dont nous pensons qu'ils sont en crise. Cette crise de ce que
nous avons appele l' anthroposysteme nous conduit probablement vers
l'effondrement, au sens ou l'entend Jared DIAMOND à travers sa
mise en perspective historique.
Ainsi, la resultante des choix politiques de construi re la
societe de croissance et d'en devenir dependant au travers des dynamiques
de runaway liees aux feedback positifs presents au coeur de
cet anthroposysteme induit, comme le dit Edgar MORIN avec un peu
d'exces, que « les développements de la science, de la
technique, de l'industrie et de l'économie qui propulse désormais
le vaisseau spatial Terre, ne sont régulés ni par la politique,
ni par l'éthique, ni par la pensée. »
L'hybris, la demesure, est ainsi au coeur de l'
anthroposysteme. Mais, comme nous avons vu que cet anthroposysteme serait
compose du socio-systeme global et de l'écosysteme
global, il resulte de sa crise deux types de menaces qui peuvent conduire
celui-ci à l'effondrement. Comme le dit Jean Pierre DUPUY, il existe une
menace sur la survie (l'ecosysteme) et sur les valeurs ( le sociosysteme).
Un point majeur du debat reside en l'etude du ou des facteurs
determinants, qui franchiront des points de basculements à l'origine
d'une amplification significative des autres processus menant à
l'effondrement. Ainsi, il est probable que le systeme ecologique atteigne, via
son « environnement anthropique », une limite conduisant à
« une rupture de la symétrie de temps » (PRIGOGINE),
ou auto-organisation. L'effondrement des valeurs cardinales du
socio-systeme qui en resulterait - l'ecofascisme (GORZ), la barbarie
(STENGERS, 2009), les états de violence (GROS, 2008)É-
pourrait tout aussi bien proceder de facteurs internes 160.
1 5 9 Colloque de Cerisy, autour de Jean Pierre
DUPUY
160 Que l'on songe par exemple à l'entreprise
transhumaniste.
Ainsi, comme l'écrit Hans Jonas, Çil faut
prévoir l'avenir pour le changer>> et c'est pourquoi nous
avons eu recours à la posture du catastrophisme
éclairé (DUPUY, 2002), qui nous a conduits à
considérer que la catastrophe est inévitable. C'est, selon son
dispositif théorique, le seul moyen d'espérer réagir afin
qu'elle n'est pas lieu.
Mais, comme l'écrit Edgar MORIN, Ç quand un
système est incapable de traiter ses problèmes vitaux et
fondamentaux, soit il se désintègre, soit il trouve en lui la
capacité de sécréter une métamorphose, c'est
à dire un méta- système nouveau et plus riche.
>>. Ainsi, c'est dans notre réflexivité,
définie par U. BECK comme Ç la capacité des
sociétés à se produire, fondamentalement >>,
qu'il faut trouver le moyen de nous détourner de la fascination des
ruines (BESSON-GIRARD, 2009) et du Çterrorisme des
intéréts composés >>, selon l'expression de
Giorgo RUFFOLO161. Pourtant, comme le rappelle notre schéma
synoptique, le temps passant diminue la possibilité d'une bifurcation
Ç aisée >> et Ç sereine >>.
La métamorphose possible que nous avons
évoquée est celle de la décroissance, définie comme
l'utopie concrète d'un projet local (LATOUCHE, 2007), une matrice
autorisant un foisonnement d'alternatives. Ainsi, nous avons vu que ce
paradigme pouvait se décliner en principes traduisibles en termes
territoriaux. Il s'agit par conséquent de faire croitre notamment la
coopération - exemple de l'interterrritorialité (VANIER,
2008), la relocalisation - cas des Système Productifs Locaux (PECQUEUR)
ou des AMAP, la qualité des relations sociales et de l'environnement du
quotidien.
Aussi, si l'exigence de soutenabilité
écologique constitue le prérequis de tout projet local de
décroissance, l'harmonie sociale et le bien vivre, au dépend de
la mégamachine (CHARBONEAU) techno- économique-
constituent bien les objectifs de la décroissance. Dans cett e
perspective, alors que le développement entérine la
domination d'un rapport instrumental à l'espace et au territoire,
amplifiant l'hétéronomie de ce dernier, la décroissance
s'exprimera davantage en termes de convivialité et de synergie entre
production autonome162 et hétéronome163
(ILLICH) des valeurs d'usage du territoire. Ainsi, le réenchantement
du local peut s'envisager à la fois sous l'angle de
Çl'harmonie sociale>> et de la relation poétique et
sensible à l'espace, fut-il naturel ou culturel.
Ç Ilfaut allier le pessimisme de l'intelligence
à l'optimisme de la volonté >>,
Antonio GRAMSCI (1891-1937)
1 6 1 Cité par Serge LATOUCHE, 2007, op.cit.
162 Par exemple les liaisons douces (marche à pied, le
vélo).
163 Les réseaux de transports en commun ou
l'activité touristique.
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Quelques revues
Entropia Ð Revue d'étude théorique et
politique de la décroissance
Revue du MAUSS
L'écologiste
Mensuel La décroissance Le monde
diplomatique L'Alpe
Résumé :
Ce travail dÕétude et de recherche exploratoire
se propose de considerer quelques dynamiques et quelques fondements de la
crise systémique globale, à lÕaide du paradigme
de la decroissance. Ainsi, le volet
éco-energético-technologique et le volet
socio-économico-culturelle de la crise apparaitraient comme
intrinsequement lies, par leurs interactions dÕune part, et part leur
logique de demesure Ð l'hybris - dÕautre part. Le
prolongement probable de la demesure systemique des crises du present, une fois
certains points de basculement atteints, serait alors l'effondrement.
Pourtant, en mobilisant la posture philosophique du catastrophisme
éclairé, il semble quÕune
métamorphose soit possible. Ainsi, nous nous proposons
dÕetudier lÕutopie concrete de la decroissance comme un projet
local susceptible de nous detourner de lÕeffondrement. A partir
des principes de la decroissance, cette matrice autorisant un foisonnement
dÕalternatives territoriales, nous tenterons dÕenvisager sa
cohérence systemique pour le cas dÕun espace montagnard de type
alpin.
Abstract :
The aim of this exploratory study is to consider some of the
dynamics and some of the reasons of the global systemic crisis through the
analysis of the paradigm of the degrowth. The
ecological-energizing-technological and the
socio-economico-cultural reasons and basis of the crisis may appear, on
one hand through their interactions, on the other hand through their
excessiveness Ð the hybris. The likely consequences of the
systemic excessiveness of the current crisis, once some points of no return
reached, may be the collapse. Nevertheless, through the philosophical
approach of the enlightened catastrophism, it appears that the way of
certain metamorphosis would be possible. So, we try to study the tangible
utopia of the degrowth as a local scheme able to avoid the collapse. From the
degrowth principles - this matrix allows a wide range of local experiences
Ð we try to state its systemic consistency compatible with an alpine
mountainous land.
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