La redistribution doit-elle rendre le travail payant ? étude des modalités de conciliation entre redistribution des revenus et incitation monétaire au retour à l'emploi.( Télécharger le fichier original )par Elie Chosson Université Pierre Mendès-France (Grenoble II) - Master 2001 |
III. La mise en oeuvre de la redistribution.Nous devons juger de la capacité du système redistributif à modifier la répartition des richesses. Il s'agit de voir s'il permet d'atténuer les disparités de richesses et les situations de pauvreté, et, à ce titre, nous tenterons de voir quels en sont les instruments les plus efficaces. Mais, si la redistribution atteint son objectif en termes de justice sociale, il convient de vérifier que cette action ne soit pas faite au détriment de l'efficacité économique. C'est pourquoi nous présenterons le potentiel effet de désincitation au travail, souvent associé à une redistribution trop généreuse, ainsi que son effectivité dans le cas de la France. A. Une redistribution efficace.L'état de la pauvreté et des inégalités en France est fortement impacté par la redistribution des revenus. Ainsi, la redistributivité issue de la conjugaison des principaux transferts et prélèvements semble importante, c'est-à-dire que les transferts bénéficient plus aux ménages les plus pauvres, et que les prélèvements impactent plus les revenus les plus élevés (cf. Graphique 3). Tableau 1: Effet de la redistribution sur différentes mesures de la pauvreté. Source: OCDE, 2008 Si la redistribution semble jouer globalement un rôle important, il faut tenter maintenant de comprendre quels en sont les instruments les plus efficaces28(*)(pour un détail de ces instruments, cf.Annexe 9). L'impôt sur le revenu (IR) semble être un instrument particulièrement redistributif, ceci d'autant plus que seuls les 50% les plus riches des ménages payent effectivement cet impôt29(*). Son prélèvement génère une amputation globale du revenu net 30(*) importante, d'un peu plus de 5%. Le prélèvement opéré par l'IR est cependant beaucoup plus important pour les hauts revenus puisque, pour les revenus du quintile supérieur, il représente une perte de 10,5% du revenu net, contre 1,8% pour le troisième quintile et une majoration de 0,3% pour le premier quintile. Ceci est consécutif à la structure progressive de cet impôt : le taux d'imposition augmente avec le revenu imposable. Ainsi, le barème actuellement en vigueur de l'IR réalise une division du quotient familial en cinq tranches : pour les revenus inférieurs à 5875 €, le taux d'imposition est nul, puis il est de 5,5% pour les tranches de revenus comprises entre 5875 et 11720€, de 14% pour les tranches comprises entre 11720 et 26030€, de 30% pour les tranches allant de 26030 à 69783€. Pour toutes les tranches de revenus supérieures à 69783€, le taux d'imposition est de 40%, ce qui représente le taux marginal supérieur de l'impôt sur le revenu. Au final, le rapport inter-quintiles est de 7,24 pour le revenu net, et est réduit à 6,45 une fois déduit l'IR (sans la Prime Pour l'Emploi). Les transferts monétaires sont ceux qui égalisent le plus la répartition des revenus et, ce, que ce soient des transferts sous condition de ressources ou des transferts sans condition de ressources. On remarque ainsi que les « prestations familiales sans condition de ressources » génèrent une augmentation du revenu net du premier quintile de 14,7%, contre seulement 1% pour le dernier quintile. Les prestations ne varient pas en fonction du revenu mais en fonction de la composition du foyer, mais les sommes versées représentent une part plus importante des bas revenus que des hauts revenus. Le rapport inter-quintile passe ainsi de 7,24 à 6,37 : la réduction des inégalités est plus forte qu'avec l'IR. Paradoxalement, les prestations familiales mises sous condition de ressources sont moins redistributives, en raison de leur plus faible ampleur. Elles représentent 9,1% du revenu net du premier quintile, et 0% du revenu net du dernier quintile, mais ne ramènent la ratio inter-quintile qu'a 6,64, ce qui est moins efficace que l'IR et que les prestations sans condition de ressources. Les aides au logement, elles aussi sous conditions de ressources sont extrêmement efficaces, grâce à leur ampleur : les individus du premier quintile ont reçu en moyenne 1190€ par équivalent adulte à ce titre en 2008. Les aides au logement cumulées au revenu net permettent d'atteindre un rapport inter-quintile de 6,14 : elles sont l'outil de redistribution correcteur des inégalités le plus efficace. Les minima sociaux quant à eux, représentent en moyenne 920€ annuels pour le premier quintile en équivalent adulte, et permettent d'atteindre un ratio de 6,36: ils sont donc moins redistributifs que les aides au logement. Il permettent toutefois de réduire le taux de pauvreté et l'intensité de pauvreté des ménages modestes. Au final, le système socio-fiscal permet de faire passer le rapport inter-quintiles de 7,23 pour le revenu net à 4,1 pour le revenu disponible (après transferts). Le coefficient de Gini passe de 0,48 à 0,28 en France en 2005 grâce à la redistribution, ce qui en constitue une baisse, conséquente, de 41%31(*). Si la redistribution des revenus en France remplit donc plutôt bien ses objectifs en terme de réduction des inégalités et de la pauvreté, il reste à voir si elle n'entrave pas la fonctionnement de l'économie, en dévaluant le travail, pour ses allocataires. * 28 Marical F., « Les mécanismes de réduction des inégalités de revenus en 2008 », France, portrait Social, INSEE, 2009 * 29 Bourguignon F., Fiscalité et redistribution, Rapport du Conseil d'Analyse Économique, 1998. p.38 * 30 Le revenu net est, pour l'INSEE, le revenu « effectivement perçu », c'est-à-dire le revenu « super-brut » diminué des cotisations sociales et des contributions sociales (CSG et CRDS) * 31 Seuls cinq pays de l'OCDE réalisent une baisse de l'indice de Gini plus importante grâce à la redistribution : la Suède ( baisse de 46% de l'indice de Gini), le Danemark (-45%), la Belgique (-44%), la République Tchèque et le Luxembourg (-42%). |
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