Annexes:
Annexe 1: Théorie de la justice et
distribution optimale des revenus.
En 1971, John Rawls, philosophe américain,
publie Théorie de la Justice, un ouvrage majeur dans la
pensée économique de l'équité et de la justice
sociale, dans lequel il va élaborer une théorie tout à
fait originale de la justice. Rawls va parvenir à conjuguer l'existence
de libertés fondamentales et de principes très forts de justice
sociale dans un état de l'économie particulier, qui
possède les caractéristiques d'un optimum de Pareto. Rawls va
imaginer une procédure d'élaboration des règles
fondamentales permettant d'atteindre un état optimal de justice sociale.
L'ensemble des agents sont placés sous un «voile d'ignorance»,
c'est-à-dire qu'ils ne savent pas s'ils seront hommes ou femmes, riches
ou pauvres, salariés ou patrons, handicapés ou bien portant,
c'est-à-dire qu'elles seront leurs fonctions et leurs statuts sociaux
dans le réel. A partir de là, l'ensemble des agents ignorants
vont chercher à établir un certain nombre de règles ou
principes qui feront l'unanimité et qui régiront le
fonctionnement de l'économie réelle, chacun sachant qu'il peut
potentiellement se trouver dans des positions sociales défavorables.
Selon Rawls ces grands principes sont au nombre de deux:
· Le principe d'égales libertés:
chaque agent a droit à un système de libertés aussi
nombreuses que la compatibilité avec le même système de
libertés pour chaque autre agent est garantie. Le nombre de
libertés garanties est donc maximum, tant qu'elles ne nuisent pas aux
libertés d'autrui.
· Le principe de différence: ce principe,
définition parfaite de l'équité, justifie l'existence
d'inégalités entre les agents, sous deux conditions:
? a: dans le respect de
l'égalité des chances, c'est-à-dire la même
possibilité pour
chaque agent d'accéder a des fonctions
et situations sociales,...
? b: ...et en faveur des individus les plus
défavorisés.
Chacune de ces règles étant
hiérarchisées dans cet ordre. Les libertés individuelles
ne peuvent être remises en cause par la nécessité de
rétablir l'égalité des chances ou de mettre en place une
redistribution des plus riches vers les plus pauvres. L'élaboration de
ces principes par les individus est guidée par leur volonté de
garantir l'accès aux «biens premiers», qui selon
Rawls regroupent l'ensemble des valeurs sociales de base. Les biens premiers,
qui dépendent de l'organisation sociale et institutionnelle de la
société, sont désirés par chaque individus sous le
voile d'ignorance et influencent leurs facultés de réalisation
des objectifs qu'ils se sont fixé: les libertés de base, de
circulation, le revenu et la richesse, les prérogatives et
responsabilités des différentes fonctions sociales et les bases
sociales du respect de soi-même.
Grâce à ces deux critères, on peut
observer quelles sont les principales critiques que Rawls adresse a la
conception utilitariste et parétienne de la distribution optimale des
revenus: critique de l'absence de prise en compte de la liberté dans
l'atteinte d'un état social optimal, et de la non-prise en compte des
particularités individuelles et des différences de dotations dans
le critère de maximisation de la somme des utilités
individuelles. L'état social qui respecte ces principes est donc
profondément équitable dans le respect le plus stricte des
libertés individuelles. De plus, Rawls va chercher a montrer en quoi cet
état social peut aussi être parfaitement efficace grâce aux
critères du maximin et du leximin.
Pour Rawls, l'état social juste sera efficace s'il est
un optimum de Pareto: il s'agit donc de trouver l'optimum qui minimise les
inégalités « subies ». Le critère du maximin
revient a maximiser l'avantage des individus se trouvant dans la position
sociale la plus favorable, et donc à opérer un choix parmi les
optimaux selon ce critère. L'état social juste est donc un
optimum de Pareto qui maximise les utilités des agents les plus mal
lotis. Ce critère comporte cependant une limite: si deux états, X
et Y, génèrent des avantages équivalents pour les
individus les plus défavorisés, et que dans le même temps
le passage de X a Y permet de faire croître l'avantage des individus les
mieux lotis, le seul critère du maximin ne permet pas d'opérer un
chois entre ces deux critères. Pourtant, Y est plus efficace au sens de
Pareto, et donc préférable. Il convient dès lors
d'employer le critère du leximin, selon lequel il faut choisir
l'état social qui donne le plus grand avantage aux individus
placés juste au dessus des plus défavorisés, et remonter
ainsi l'échelle sociale jusqu'au moment où l'état social
désigné sera celui qui donne le plus grand avantage aux
sociétaires les plus favorisés, compte tenu du fait qu'aucun
autre état ne maximise les dotations d'individus moins favorisés.
Rawls parvient grâce au voile d'ignorance,
procédure fondamentalement hypothétique, a concilier dans un
même état social équité et efficacité. Il
nous indique que la redistribution des revenus devra toujours s'attacher
à améliorer la situation des plus pauvres en priorité.
Annexe 3: Du revenu primaire brut total au revenu
disponible brut total. Source: INSEE, 2010
On voit ainsi que la part des salaires dans le
revenu disponible a crû de 10 points de pourcentages entre 1960 et 2008,
la part des revenus du capital a crû de près de 4 points, tandis
que la part des revenus des indépendants a baissée de 13 points.
Les prestations sociales représentent aujourd'hui 26,2% du revenu
primaire brut contre seulement 15,5% en 1960. De même, les cotisations
sociales et l'impôt sur le revenu ont représenté une
proportion croissante du revenu primaire sur la période. Cependant,
l'impôt sur le revenu ne représente toujours que 11,6% du revenu
primaire, contre un peu plus de 27% pour les cotisations sociales.
Au final, la revenu disponible brut global représentait
95% du revenu primaire brut global en 1960, et il en représente
aujourd'hui 89%, ce qui dénote la croissance du système
redistributif.
Annexe 4: Calculs de quelques indicateurs
d'inégalités de revenus.
L'indice de Gini:
Avec X la fréquence cumulée de la population
classée par ordre de revenu croissant, pour tout individus ou groupes
d'individus (i), et Y la fréquence cumulée du revenu.
Une des limites de cet indice de concentration est de ne pas
savoir différencier deux distributions de revenus ayant le même
espacement avec la courbe de Lorenz parfaitement égalitaire, mais
n'ayant pas la même forme.
Ainsi, les deux distribution A et B pourront
générer le même indice de Gini, alors que dans la
distribution B les individus les plus pauvres sont plus riches que dans la
distribution A, et que dans la distribution B les individus les plus riches
sont plus riches que dans le distribution A. Par exemple, si on décide
de fixer un objectif « rawlsien » à la
redistribution, l'indice de Gini ne permettra pas de déterminer le
niveau d'inégalité satisfaisant qui bénéficie le
plus aux plus pauvres.
L'indice de Atkinson:
On a, pour tout agent (i), un revenu
(yi). Y désigne le revenu moyen
et N le nombre d'individus. Avec ? un paramètre positif qui
caractérise le degré d'aversion pour l'inégalité de
la population. Plus le paramètre est proche de 0, plus l'aversion pour
les inégalités est forte: on corrige artificiellement la
distribution des revenus en la rendant plus ou moins égalitaire,
grâce à ce paramètre. Ainsi, lorsque il est bas, les
inégalités de la distribution des revenus sont exacerbées:
les revenus bas par rapport au revenu moyen sont réduits, et les revenus
hauts par rapport au revenu moyen sont augmentés.
Ainsi, on voit que le distribution corrigée
(yi /Y)^(1-0,25) est plus inégalitaire que
la distribution corrigée (yi/Y)^(1-0,75).
Ceci permet de prendre en compte l'aversion pour les inégalités
qui est plus forte pour ?=0,25 que pour ?=0,75. Il faut ajouter que
l'expression croît de façon exponentielle avec
yi/Y, ce qui implique que pour un niveau
donné de ?, la correction à la baisse des bas revenus est plus
faible que la correction à la hausse des hauts revenus. Il y a donc une
sensibilité plus importante aux inégalités de revenu
générées par de très hauts revenus.
Dès lors, lorsque on calcule la moyenne de ces deux
distributions, c'est-à-dire:
, on obtient une moyenne beaucoup plus élevée
pour des valeurs faibles de ? (la moyenne de la distribution (yi
/Y)^(1-0,25) sera plus élevée que la moyenne pour
la distribution (yi/Y)^(1-0,75)).
On a en outre, pour une même valeur de ?, une moyenne
plus élevée lorsque la distribution initiale y(i) est
inégalitaire par le haut (c'est-à-dire lorsque les
inégalités proviennent de hauts revenus très hauts), et on
a une moyenne plus faible lorsque la distribution initiale est
inégalitaire par le bas (bas revenus très bas). Ce calcul de
moyenne permet de prendre en compte les valeurs extrêmes de la
distribution.
Le terme est nécessairement positif
tant que ? est différent de 1, et est croissant avec la baisse de ?.
On déduit donc de l'ensemble de ces
propriété que l'indicateur d'inégalité est
croissant avec la baisse de ?. Plus l'aversion pour l'inégalité
est forte, c'est-à-dire plus ? est proche de 0, plus l'indice de
Atkinson sera proche de 1 pour une même distribution des revenus y(i).
Donc, plus la société marque une aversion forte pour
l'inégalité, plus l'indice de Atkinson sera élevé.
De plus, l'indice croît avec la hausse des inégalités pour
une même valeur de ?.
Une dernière propriété de cet indice
concerne sa réaction face à la redistribution: plus ? est bas,
plus les ponctions réalisées par le redistribution sur les hauts
revenus permettent de réduire l'indicateur d'inégalités,
alors qu'a l'inverse, plus ? est élevé (i.e. plus la
tolérance à l'égard des inégalités est
forte), moins les ponctions sur les hauts revenus réduisent l'indicateur
d'inégalités. De même, plus ? est bas, plus les transferts
octroyés aux plus pauvres (valeurs extrêmes basses de la
distribution) font baisser l'indicateur d'inégalités, et
inversement lorsque ? est élevé, où ces transferts
génèrent une diminution plus faible de l'indicateur
d'inégalités.
Annexe 7: Formalisation du TMEI, inspirée par
Duclos J-Y. et al.
On peut comprendre le Taux Marginal Effectif d'Imposition
(TMEI) grâce à une formalisation très simple. On a, avec YD
le revenu disponible, YL les revenus d'activité, YK les revenus du
capital, Ysub les revenus issus des transferts et T les impôts
payés:
On fait l'hypothèse que le montant d'impôts
payés (T) augmente avec les revenus primaires (YK + YL), et que les
montants des transferts (Ysub) diminuent avec les revenus primaires:
donc:
Le revenu primaire (YP) est composé des revenus du
capital (YK) et des revenus du travail (YL). Donc:
On obtient une fonction exprimant le revenu disponible en
fonction du revenu primaire. Ainsi, en dérivant, on exprime la variation
du revenu disponible en fonction des variations de revenus primaires:
d'où:
En sachant que le TMEI est égal à , c'est-à-dire la différence entre la hausse d'impôt
consécutive à la hausse du revenu primaire et la baisse des
transferts consécutive à cette même hausse de revenu
primaire.
On a:
Le TMEI est donc fonction de la relation qu'entretiennent les
revenus primaires et les revenus disponibles. Plus le rapport sera important, c'est-à-dire plus la hausse du revenu primaire
entraîne une hausse importante du revenu disponible, plus le TMEI sera
faible. A l'inverse plus la rapport sera faible, c'est-à-dire plus les
hausses de revenu primaire sont confisquées par le système fiscal
ou se traduisent par des pertes de transferts, plus le TMEI sera
élevé. La rapport sera supérieur à 1 dès
lors que la hausse de revenu primaire entraîne une hausse plus importante
du revenu disponible. Un dispositif tel que le RSA chapeau vise ainsi à
faire passer ce rapport au dessus de 1.
Annexe 8: Détail des droits connexes
attribués selon le statut, avant la réforme du RSA. Source:
Rapport d'informations du Sénat, Commission des affaires sociales, Mai
2005
On peut classer en trois grands
groupes les droits connexes: les « droits connexes
légaux », les « mesures
spécifiques » et les « transferts et
avantages locaux ».
· Les droits connexes légaux:
? Les allocataires du RMI et de l'API ont droit aux aides au
logement à taux plein. De plus, pour les bénéficiaires de
l'AAH qui touchent les aides au logement, une « majoration pour
vie autonome » est automatiquement versée, d'un montant
de 95,92 euros mensuels.
? Les allocataires bénéficient de nombreux
avantages fiscaux: pour tous, exonération de CRDS ; exonération
de CSG pour tous hormis -entre autres- les bénéficiaires de l'ASS
; l'AAH et le RMI ne sont pas pris en compte dans le calcul des revenus fiscaux
pour l'IRPP et les bénéficiaires de l'API et du RMI voient leur
dette fiscale « suspendue ».
? Exonération de taxe d'habitation pour les RMIstes.
? Les bénéficiaires de l'AAH, du minimum
vieillesse et du RMI notamment, sont exonérés de redevance
audiovisuelle.
? Accès pour tous les allocataires à la
Couverture Maladie Universelle (CMU), hormis dans le cas où ils sont
déjà affiliés à un régime de
sécurité sociale par ailleurs. Accès à la CMU
complémentaire pour les RMIstes.
? Les bénéficiaires de l'ASS et de l'AER
valident des trimestres pour l'assurance vieillesse.
· Les mesures spécifiques:
? La prime de Noël, versée habituellement tous les
ans aux bénéficiaires du RMI, de l'ASS, de l'AER. Son montant
était en 2005 de 152,45 euros.
? Tarification sociale du téléphone: le RMI,
l'AAH et et l'ASS ouvrent droit à une réduction forfaitaire de
six euros sur les factures de téléphone (des réductions
sont aussi accordées pour l'électricité, mais en raison du
revenu et non pas du statut).
· Les transferts et avantages locaux:
? Ces aides et avantages sont versés par les conseils
généraux et les municipalités, et sont donc très
divers et répondent à des logiques différentes selon les
territoires. De plus, certains de ces avantages sont fonction du revenu,
d'autres du statut.
? Les aides en fonction du statut sont le plus souvent des
tarifs réduits pour l'accès à des services publics
(services municipaux...)
? On peut noter à titre d'exemple l'accès
gratuit pour tous les RMIstes aux transports en commun dans la région
Ile-de-France.
Ainsi, tous ces avantages contribuent à
accroître le coût du retour à l'emploi s'il se traduit par
un changement de statut. Le TMEI réel est donc bien plus
élevé que les estimations qui en sont traditionnellement faites
et ne prenant en compte que les transferts monétaires directes.
Annexe 9: Estimations du TMI optimal dans le cas
français par Salanié (in Salanié B. (1998).
Un Exemple de Taxation Optimale. In Rapport du CAE Fiscalité et
Redistribution ).
Salanié a estimé le terme pour la distribution des salaires bruts en France en 1998:
On trouve en toute logique que pour les revenus faibles, le nombre
d'individus gagnant plus est beaucoup plus élevé que la
densité d'agents concernés par ces faibles revenus, ce qui
explique que l'on ait un rapport supérieur à 14 pour les
très bas revenus. Cependant, le rapport diminue très fortement
est s'approche de 1 pour des salaires équivalents au salaire brut
médian, et de 0 pour des salaires proches de 2 fois le salaire brut
médian et supérieurs.
En conséquence, si l'on suppose une
élasticité de l'offre de travail de 0,3 et que le gouvernement
adopte comme objectif de maximiser le transfert alloué aux
ménages les plus pauvres (objectif rawlsien), Salanié trouve une
courbe des TMI optimaux qui n'est pas convexe, et qui décroit
linéairement avec le salaire brut:
Ainsi, compte tenu de l'optimalité d'imposer les
individus de faible productivité, compte tenu de la répartition
des individus selon le salaire, et compte tenu de la présence
d'objectifs rawlsiens, le taux marginal d'imposition optimal est fortement
décroissant avec le salaire brut médian: proche de 100% pour les
revenus les plus faibles, et de 50% pour les plus élevés.
Selon Salanié, les TMI que l'on trouve effectivement en
France ne sont donc pas optimaux au moins pour les salaires les pus
élevés, qui devraient subir des TMI extrêmement faibles au
vue de son application du modèle Mirrlees-Diamond. Pour lui, seuls les
TMI proches de 1 pour les bas revenus sont donc justifiables au regard du
modèle Mirrlees-Diamond. Il conclu donc de l'absence de problèmes
liés aux hauts taux marginaux d'imposition appliqués aux bas
revenus: la faible productivité de ces individus et leur faible nombre
justifient donc que 100% de leurs revenus supplémentaires soient
taxés.
Annexe 11: L'impôt optimal sur les revenus: de
la maximisation des recettes fiscales à la maximisation de
l'emploi.
Nous reprenons ici l'analyse de la théorie de
l'impôt optimale formulée par Piketty dans son article, La
Redistribution Fiscale face au Chômage.
Les fondements de la taxation optimale: Mirrlees,
1971.
Chaque agent (i) reçoit un salaire horaire
(wi) dont le montant correspond exactement à sa
productivité. L'agent choisit son niveau d'offre de travail
(li) en vue de maximiser son utilité (U), qui
décroît avec la quantité de travail offerte et croît
avec le revenu disponible après impôts (yi). On a:
U(yi ; li)
Un taux d'imposition uniforme (t) est appliqué, et dont
le niveau est déterminé par l'Etat. L'objectif de la puissance
publique est de maximiser le niveau des recettes publiques (R), dont le montant
est égale au taux d'imposition multiplié par le revenu moyen
(ymo):
R=tymo
Les recettes fiscales servent à financer un transfert
alloué aux individus ayant une productivité nulle, donc un
salaire nul.
Le taux de salaire net est égal à:
(1-t)wi . C'est le salaire horaire, duquel est déduit
l'impôt.
Le modèle permet de voir quel est le niveau optimal de
(t). Pour cela, il convient de voir quels sont les effets d'une hausse de (t)
de d%. Tout d'abord, le taux d'imposition devient (t+dt).
En conséquence, le taux de salaire net devient
(1-t-dt)wi
On a une baisse du taux de salaire net de %
En effet:
Avec (e) l'élasticité de l'offre de travail, on
a, par définition:
Donc: . Comme , la
baisse de salaire net conduit à une baisse de l'offre de travail égale à %.
La variation des recettes fiscales (äR) combine l'effet
positif dû à la hausse du taux
et l'effet négatif dû à la baisse de
l'offre d'emploi:
On a:
Le taux d'imposition optimal est celui à partir duquel
les deux effets s'égalisent: on augmente le taux tant que l'effet
positif sur les recettes est supérieur à l'effet négatif
de la désincitation à l'emploi. Au delà de t*, l'effet
négatif supplanterait l'effet positif, et les recettes fiscales
diminueraient.
Donc: lorsque ,
c'est-à-dire : .
On obtient , avec t* le sommet de la courbe
de Laffer.
Réinterprétation du modèle
avec une imposition non-linéaire: Diamond (1996).
Mirrlees avait déjà intégré en
1971 une pluralité de taux pour différentes catégories de
revenus; cependant, en suivant Piketty, nous en présenterons ici la
ré-interprétation faite par Diamond.
Aucun paramètre n'est modifié hormis le taux
d'imposition. On a désormais t(y) la fonction résumant tous les
prélèvements et transferts attribués aux agents en
fonction de leur revenu primaire (y).On a t(0)<0 : un impôt
négatif est versé aux agents dont les revenus d'activités
sont nuls (y=0).
On a t'(y) le taux marginal appliqué au revenu (y),
c'est-à-dire le taux prélevé sur une unité de
revenu primaire supplémentaire.
La même méthode que précédemment
est appliquée : on observe quel est l'effet d'une hausse du taux
marginal sur les recettes fiscales afin de déterminer le niveau du taux
marginal optimal. Ainsi, on suppose une hausse des taux marginaux
appliqués aux revenus compris entre y et dy :le taux marginal passe de
t'(y) à t'(y)+dt'.
Comme précédemment, l'effet est ambigüe. On
a, d'un côté, une hausse des recettes: le taux d'imposition
augmente pour tous les agents ayant un revenu supérieur à (y). En
effet, pour que le taux marginal s'accroisse pour tous les revenus compris
entre y et y+dy sans que les taux marginaux soient modifiés pour les
revenus supérieurs à y+dy, il faut accroître les taux
d'imposition appliqués à chaque niveau de revenu compris entre y
et y+dy en faisant en sorte que le hausse du taux augmente avec le revenu. Pour
que les taux marginaux appliqués aux revenus supérieurs à
y+dy n'évoluent pas, les taux d'imposition qui leurs sont
appliqués doivent tous croître dans une même proportion. On
ne prend pas ici en compte les éventuels effets revenus
générés par cette hausse des taux d'imposition sur tous
les agents ayant un revenu supérieur à y+dy.
Cette hausse des recettes est desur chaque
niveau de revenu supérieur à (y).
La part de la population dont le revenu est supérieur
à (y) s'exprime ainsi:
Avec F(w) la fonction de répartition des taux de
salaires et wy le taux de salaire correspondant à un revenu
disponible égal à (y), la hausse globale des recettes est donc:
De l'autre côté, tous les agents situés
entre y et y+dy voient leur taux marginal augmenter, ce qui induit, pour
Piketty, que « leur taux de salaire net est passé de
(1-t')w à (1-t'-dt')w ». Cette baisse du salaire net
réduit l'incitation au travail: on a donc une baisse de l'offre de
travail qui peut impacter négativement les recettes, égale
à :%, avec e l'élasticité de l'offre de
travail des individus ayant un revenu compris entre y et y+dy.
Il en résulte une baisse des recettes fiscales
dégagées sur ce groupe de:%.
Le nombre d'agents ayant un revenu disponible compris entre y
et y+dy s'exprime par la fonction de densité de la distribution des
salaires (la fonction de densité exprime l'intégrale de la
fonction de répartition sur un intervalle donné), soit : la densité (i.e. le nombre d'agents) pour des taux de
salaires compris entre wy et wy+dw, correspondants
à l'intervalle de revenu disponible (y ; y +dy).
On a une baisse globale des recettes de :
L'évolution globale des recettes fiscales est ainsi:
On maximise les recettes fiscales lorsque on atteint le taux
marginal d'imposition qui ne génère plus de hausse de recettes
(c'est-à-dire avant qu'il génère une baisse de recettes),
c'est-à-dire pour dR=0
On obtient alors:
De la maximisation des recettes fiscales à
la maximisation de l'emploi: Piketty (1997).
Piketty fait l'hypothèse que les agents ne font pas
faire varier leur quantité de travail offerte (les heures de travail
offertes par un individu n'évoluent pas en fonction de l'imposition),
mais plutôt « la quantité d'effort et
d'investissement personnel pour trouver un emploi ou pour être promu
à un taux de salaire plus élevé ». Par
souci de simplicité, on distingue trois groupes de revenus, dont les
caractéristiques peuvent être résumées dans le
tableau suivant:
|
Sans-emplois
|
Bas-salaires
|
Haut-salaires
|
Niveaux de salaires
|
|
W1
|
W2
|
Revenus disponibles
(y compris prélèvements et
transferts).
|
y0
|
y1
|
y2
|
Nombre d'agents
|
m0
|
m1
|
m2
|
Taux moyen de prélèvement.
|
|
|
|
TMEI appliqués:
(la formule est celle présentée Chap.I
Part.III)
|
Pour le passage du non-emploi vers
l'emploi:
|
Pour le passage des bas salaires aux hauts
salaires:
|
|
On peut dès lors exprimer le revenu disponible des bas
salaires (y1), qui est égal au revenu disponible des
sans-emplois (le transfert y0) auquel on ajoute le salaire
w1 diminué du TMEI:
De même pour le revenu disponible des hauts salaires:
Les recettes fiscales (R ) sont définies par
On défini e0 l'élasticité de
la probabilité de transition entre le non-emploi et l'emploi à
bas salaires par rapport à l'écart y1-y0 :
lorsque y1-y0 augmente de 1% « alors une
proportion e0% supplémentaire de chômeurs trouvent un
emploi à bas salaires ».
Comme précédemment on cherche à
déterminer les taux marginaux effectifs d'imposition optimaux, ici
T0* et T1*.
Une hausse de T0 jusqu'à
T0+dT0 entraine une hausse des recettes fiscales de:
Avec les recettes nouvelles correspondant
aux impôts payés par tous les salariés sur leur fraction de
salaire brut inférieure à w1, et la
perte de recettes dû à la baisse de l'emploi à bas salaire
(dm1) consécutive à la désincitation au
travail, accrût par la hausse de T0.
En effet, le hausse de T0 entraîne une baisse
de y1-y0 de %. Le nombre de personnes
demeurant inactives va augmenter de personnes. Au final, la
baisse du nombre d'employés à bas salaires est égale
à:
On remplace dm1 par son expression, et on obtient:
Et, pour dR=0, c'est-à-dire si l'on vise à
maximiser les recettes fiscales:
En suivant la même logique, on obtient pour la
transition des emplois à bas salaires vers les emplois à hauts
salaires un taux marginal effectif d'imposition optimal de:
Annexe 15: Représentation graphique de
l'impôt négatif
Un impôt négatif peut s'avérer identique,
d'un point de vue redistributif, au versement d'une allocation universelle
financée par un impôt proportionnel.
Voici l'effet redistributif d'une telle allocation:
Et voici l'effet redistributif d'un impôt
négatif::
Annexe 16: principaux éléments du système
redistributif français:
Les prélèvements:
· Principaux impôts directs:
· Impôt sur le Revenu des Personnes
Physiques (IRPP):
Voici le barème de l'IRPP pour l'imposition 2010 des
revenus de 2009. Le calcul du revenu imposable est obtenu en déduisant
du Revenu Brut Global (grosso modo les revenus primaires) les charges
déductibles et les abattements, et après mise en rapport avec la
quotient familial (revenu imposable du foyer fiscal divisé par le nombre
de parts du foyer).
En 2008, l'IRPP a permis de dégager 51740 millions
d'euros de recette nette. 44,6% des foyers fiscaux sont non-imposables.
· Contribution Social
Généralisée: impôt sur les revenus
prélevé à la source. Le taux de prélèvement
oscille entre 7,5% pour les revenus d'activités et 8,2% pour les revenus
du patrimoine et de placements. Elle a permi de dégager 76,3 milliards
d'euros de recette, ce qui est largement supérieur à l'IRPP.
· Contribution pour le Remboursent de la Dette Sociale
(CRDS): impôt prélevé à la source sur les
revenus d'activités, du patrimoine et de remplacements. Taux de 0,5%
appliqué aux revenus brutes.
· Taxe d'habitation: payée par toutes
personnes physiques ayant la jouissance privative d'un logement. Les RMIstes en
sont exonérés.
· Cotisations sociales :
· Fonctions des salaires, elles sont imputées aux
employeurs, aux salariés et aux indépendants; Elles sont
déduites du salaire versé par l'employeur qui a à sa
charge leur versement aux différentes caisses de sécurité
sociale (URSSAF, UNEDIC...). Le taux effectif de cotisations sociales
employeurs était de 26,5% en 2007, et de 14,71% pour les salariés
(y compris la CSG et la CRDS).
Les transferts monétaires:
· Transferts sans condition de ressource:
· Allocations familiales: versées à
tous les foyers à partir du deuxième enfant à charge. On
dénombrait en 2002 près de 4 millions d'allocataires.
· Les prestations d'assurances sociales:
protection contre le risque maladie, assurance retraite, assurance
chômage.
· Transferts sous condition de ressource:
· Allocation de rentrée scolaire.
· Aides au logement: Allocations de Logements
à caractère familial (environ un million d'allocataires),
Allocation Personnalisé au logement (APL) (2,6 millions d'allocataires),
Allocation de logement à caractère social, 2 millions
d'allocataires).
· Les neufs minima sociaux pré-existants au
RSA:
· L'Allocation aux Adultes Handicapés
(AAH), versée aux adultes handicapés ne bénéficiant
pas d'une rente consécutive à un accident du travail. Allocation
différentielle, dont le montant maximum atteint 696,63 euros pour une
personne seule.
· L'Allocation de Parent isolé (API),
versée aux adultes seuls ayant au moins un enfant à charge et aux
femmes enceintes isolées. Allocation différentielle, dont le
montant maximal était en 2005 de 778 euros pour un ménage avec
un enfant à charge.
· L'Allocation Temporaire d'Attente (ATA),
allocation forfaitaire versée à certaines catégories
de population en attente d'insertion (notamment les demandeurs d'asile et les
anciens prisonniers), et pouvant justifier d'un revenu inférieur au RMI.
Montant: 10,67 euros par jour.
· L'Allocation Equivalent Retraite,(AER)
versée aux personnes ayant cotisés au moins 161 trimestres mais
n'ayant pas atteint 60 ans (n'ayant donc pas droit à la retraite). Les
allocataires doivent prouver un revenu inférieur à 1570€
pour une personne seule. Montant forfaitaire de 32€ par jour pour une
personne seule.
· L'Allocation de Solidarité
Spécifique (ASS), versée aux personnes en recherche d'emploi
pouvant justifier de revenus inférieurs à 605,6 euros par mois
pour une personne seule pour une allocation à taux plein. Montant
forfaitaire: 15,14€/ jour (le montant décroit par pallier en
fonction des ressources).
· Le Revenu Minimum d'Insertion, (RMI), allocation
différentielle versée à tous les résidents en
France de plus de 25 ans, et dont le montant maximal était en 2009 de
454,63€.
· L'Allocation supplémentaire
d'Invalidité (ASI), pour les moins de soixante ans percevant une
trop faible pension d'invalidité.
· L'Allocation Supplémentaire Vieillesse
(ASV) pour les plus de soixante-cinq ans ne disposant pas de droits suffisants
à l'assurance vieillesse.
· L'Allocation veuvage, pour « les
conjoints d'assurés sociaux
décédés ».
Les minima ne sont plus que huit aujourd'hui, le RSA (cf.
Chap.II Part.III) s'étant substitué au RMI et à l'API. On
voit que la plupart de ces transferts non-contributifs sont institués
pour pallier une insuffisance du système d'assurances sociales
(allocations chômage insuffisantes ou épuisées pour l'ASS
et le RMI dans une moindre mesure, protection contre le risque maladie
insuffisante pour l'ASI ou pour l'AAH, assurances retraite défaillantes
dans le cas de l'ASV ou de l'AER ...)
Résumé:
Nous nous sommes attachés tout au long de notre
mémoire à comprendre quels étaient les modalités de
conciliation entre travail et redistribution, compte tenu tout d'abord de
l'effet désincitatif de la redistribution, mais prenant aussi en compte
les impératifs éthiques qui justifient que les revenus soient
taxés et que des transferts soient octroyés. En effet, nous avons
pu voir que les inégalités et la pauvreté seraient
extrêmement importants sans l'intervention redistributive de
l'État.
Plus précisément, nous avons cherché
à savoir si, nécessairement, la redistribution désincite
les agents inactifs à retourner vers l'emploi. Or, il apparaît que
si cet effet existe et ne peut être ignoré, nous devons prendre en
compte d'autres déterminants du maintien hors de l'emploi.
Les récentes réformes visant à rendre le
travail payant adhèrent à cette vision d'une redistribution
nécessairement désincitative, que nous remettons en cause. Nous
nous sommes donc attachés à montrer que d'autres pistes
étaient envisageables pour concilier au mieux travail et redistribution,
mais que des choix devaient alors être faits, en terme de valeur
attribué au travail et à la redistribution, et en termes
d'hypothèses concernant les comportements des agents.
Notre travail repose essentiellement sur une recherche
d'informations, de données chiffrées, d'idées et
d'analyses, provenant à la fois d'articles et d'ouvrages de recherche,
mais aussi d'essais ou de textes mettant en avant des partis pris.
Mots clé:
Pauvreté et Inégalités ; Redistribution ;
Offre de travail ; Incitation monétaire ; Exclusion sociale.
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