La redistribution doit-elle rendre le travail payant ? étude des modalités de conciliation entre redistribution des revenus et incitation monétaire au retour à l'emploi.( Télécharger le fichier original )par Elie Chosson Université Pierre Mendès-France (Grenoble II) - Master 2001 |
Une proposition d'allocation universelle.Les cas de mise en oeuvre d'une réelle allocation universelle sont rares. De fait, c'est la caractère universel de ce type de subsides qui semble être le plus complexe à appliquer. Ainsi, si l'existence de minima de subsistance est généralisée, et en tout cas effective en France depuis 1988, ils ne s'appliquent jamais à tous c'est-à-dire y compris aux travailleurs et sont en général fonction du revenu du foyer. De même, des personnes correspondant aux critères de richesses requis pour être éligibles peuvent se voir refuser l'aide, car d'autres critères existent, tels que l'assiduité à la recherche d'emploi et les démonstrations de bonne volonté. Pourtant, Van Parijs et B. Gilain ont imaginé quelles pourraient être les modalités de mise en place d'une allocation universelle en Belgique, et on peut retirer de cette simulation de nombreux enseignements généraux quant aux modalités d'applications de ce type d'allocation. Les auteurs identifient trois modes envisageables de mise en oeuvre : la stratégie substitutive, la stratégie de Atkinson et la stratégie additive. La stratégie substitutive consiste en un remplacement de tous les transferts pré-existants dont le montant est inférieur à celui de l'allocation universelle, qui sera financée alors par un impôt sur le revenu qui exclu l'allocation. On peut choisir, à l'inverse, d'instaurer une allocation universelle qui s'ajoute aux transferts pré-existants, mais dont le financement devra inclure une taxation de ces revenus de transferts. Une dernière stratégie, présentée par A. Atkinson, se veut intermédiaire, et propose de déduire des transferts perçus seulement la moitié du montant de l'allocation. Dans tous les scénarios, une allocation de 8 000 francs belges de 1992, soit l'équivalent d'un peu moins de 300 euros de 2009, est versée « de façon inconditionnelle à tout résident permanent âgé de 18 ans au moins. 144(*)» (on a donc une allocation qui n'est pas universelle puisque excluant les mineurs). De même, les avantages fiscaux et transferts (allocations familiales) reçus en raison de la présence d'un enfant à charge de plus de 18 ans sont supprimés, ces derniers étant bénéficiaires de l'allocation universelle. Les avantages fiscaux liés à la famille (quotient familial) et à la situation maritale (réduction d'impôts pour les couples mariés ) sont supprimés : l'allocation est versée individuellement à chaque individu, et sans considérations du foyer. Dans le scénario substitutif, tous les transferts inférieurs à 300 euros mensuels sont supprimés, et les transferts restants (marge supérieure des transferts monétaires) demeurent exonérés d'impôts. Le financement de l'allocation peut donc être réalisé par les économies réalisées sur les transferts (entre 20% et 36% du coût total de l'allocation universelle), les économies réalisées sur les prestations familiales (qui représentent 4% du coût total de l'allocation) et un réajustement du barème de l'impôt sur le revenu, tel que présenté dans le Tableau 2. Tableau 2: Modification du barème de l'impôt sur le revenu proposée par Gillain et Van Parijs. Source: Un scénario de court-terme... Le rendement de l'impôt va donc croître de façon importante, puisque les taux d'imposition augmentent pour presque toutes les tranches de revenu imposable (hormis pour la première tranche, entre autres). Ce barème est calculé de telle sorte que, compte tenu des économies réalisées sur les transferts et prestations familiales (pris en compte ici de l'estimation haute des économies réalisées sur les transferts monétaires), la mise en oeuvre de l'allocation soit neutre budgétairement. Ceci se motive pour les auteurs par le fait que la mesure ne doit pas être financée par la dynamique économique qu'elle est susceptible d'enclencher, donc elle ne doit pas faire l'objet d'un pari ou d'une anticipation qui justifierait le recours à l'endettement. En terme de prélèvements, la proposition Gillain-Van Parijs génère une diminution de la progressivité de l'impôt sur le revenu puisque les hausses d'impôts impactent plus fortement les tranches basses. Par exemple, on peut comparer l'effet de la réforme sur le montant d'impôt sur le revenu payé par une personne ayant un revenu imposable de 300 000 francs belges et une autre personne un revenu de 2 500 000 francs belges : le montant d'impôt payé par la première personne est multiplié par 1,6, contre 1,09 pour la seconde personne. Cependant, le transfert forfaitaire représentera une part plus importante des revenus disponibles les plus bas, et les montants d'impôts prélevés sur les hauts revenus demeureront supérieurs au montant de l'allocation, ce qui permet de maintenir une redistribution des plus pauvres vers les plus riches. Comme le notent les auteurs, cette proposition d'allocation universelle est insuffisante (son montant demeure inférieur au niveau des minima sociaux), et ne constitue pas une proposition d'allocation universelle optimale. Cependant, cette simulation a le mérite de montrer qu'enclencher une réforme qui aille dans le sens de l'allocation universelle est réaliste, et non pas hors de portée. En effet, la stratégie à adopter consiste à « placer délicatement, à la base du système de sécurité sociale, un socle modeste qui permette d'amorcer une dynamique nouvelle 145(*)», pour se substituer, à terme, aux minima existants. * 144 Gilain B., Van Parijs P. « Un Scénario de Court-terme et son Impact Redistributif ». La revue du MAUSS, n°7, 1996 pp.151-157. * 145 In Gilain B., Van Parijs P. « Un Scénario de Court-terme et son Impact Redistributif », op.cit. |
|