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La redistribution doit-elle rendre le travail payant ? étude des modalités de conciliation entre redistribution des revenus et incitation monétaire au retour à  l'emploi.

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par Elie Chosson
Université Pierre Mendès-France (Grenoble II) - Master  2001
  

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Retour de l'assistance, et retour du conflit entre redistribution et travail.

La montée du chômage, et la mauvaise qualité des emplois, c'est-à-dire « l'effritement de la société salariale 109(*)» vont constituer un terreau favorable à l'évolution vers une conception assistancielle du traitement de la pauvreté valide. On peut considérer que cette évolution va légitimer les remises en causes modernes de la redistribution qui fustigent son effet désincitatif.

Entre 1975 et 1985, le taux de chômage est multiplié par deux (il passe de 3,5% à 9%). En 1984, l'Allocation Spécifique de Solidarité (ASS) constituait une première réponse à cette dégradation de l'emploi, en visant à faire face à l'arrivée en fin de droits d'un nombre croissant de chômeurs. Ce phénomène, alors nouveau, marque une limite profonde du système assurentiel et contributif, car semble-t-il, une bonne conjoncture en est une condition de son bon fonctionnement. Mais c'est la mise en place du RMI en 1988, alors solution transitoire pour faire face à la montée du chômage, qui marquera une véritable rupture, en redéfinissant les rapports qu'entretiennent emploi et redistribution, et en remettant véritablement en cause la prééminence de l'assurance.

Pour R.Castel, le RMI est ainsi innovant à deux égards. Premièrement il met un terme à la distinction entre aptes et inaptes au travail, en allouant un transfert monétaire à des individus valides. C'est pourquoi le RMI sera jugé désincitatif, car il sera la source des forts TMEI rencontrés dans la transition du non-emploi vers l'emploi. Le taux de chômage est alors très élevé : le RMI permet d'empêcher de tomber dans le dénuement le plus total de ceux qui, bien que voulant travailler, sont dans l'incapacité de le faire. C'est donc la mise en application du préambule de la constitution de 1946, qui affirmait que la situation économique pouvait expliquer l'incapacité de travailler. La nation ne peut plus garantir le droit au travail qui légitimait pourtant la dichotomie aptes/inaptes dans l'octroi des transferts monétaires. En effet, les individus pouvant travailler ne reçoivent pas d'aide que parce qu'ils peuvent travailler pour subvenir à leurs besoins. C'est donc la conjoncture qui légitimise ce transfert déconnecté de quelconque contrepartie en travail. Ensuite, le RMI marque une rupture car il met l'accent sur le devoir d'insertion de la puissance publique à l'égard des sans-emplois110(*). En effet, la peur de subventionner l'oisiveté est forte, et les conditions d'octroi du RMI sont strictes, en tous cas dans les intentions ; la loi indique ainsi que, outre la condition d''âge du bénéficiaire, ce dernier devra s'engager « à participer aux actions ou activités définies avec [lui], nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle 111(*)». De même, l'allocataire doit, régulièrement, prouver son indigence en déclarant ses revenus à l'administration.

Mais, l'instauration du RMI c'est aussi, comme le note A.Purière, la victoire de Mirman sur Jaurès, c'est-à-dire le retour de l'assistance au détriment de l'assurance. Le RMI n'est pas contributif, ce n'est pas un droit acquis par le travail. Ainsi, il sera facile de montrer du doigt les bénéficiaires, pouvant alors être perçus comme des profiteurs d'une richesse qu'ils ne contribuent pas à créer. De plus, on peut facilement faire croire que le RMI est une aumône, concédée gracieusement par l'État, et par lui seul : les RMIstes sont donc placés dans un rapport de sujétion vis-à-vis de la puissance publique, qui se substitue à l'autonomie conférée par les assurances. Car outre la délégitimisation des bénéficiaires et leur sujétion, le RMI justifie, selon B. Friot et A. Purière le démantèlement des assurances sociales, et plus particulièrement de l'assurance chômage : alors que le RMI est institué pour faire face à l'exclusion du marché du travail, les conditions de l'assurance chômage se durcissent (durée de versement évoluant en fonction de la durée de cotisation préalable en 1982, ou encore institution de la dégressivité de l'allocation chômage avec le temps en 1992).

C'est donc par ce retour à l'assistance que le conflit entre redistribution et travail est ravivé. En effet, soit on adhère à l'idée d'un arbitrage entre travail et redistribution, et alors le RMI est fortement désincitatif de par les forts TMEI qu'il engendre. Soit on refuse d'accepter cette hypothèse, et le RMI ravive le conflit puisqu'il permet à un discours condamnant l'assistanat de refaire surface. D'ailleurs ce renouveau du conflit s'illustre bien avec les choix fiscaux qui ont été réalisés depuis cette période. La progressivité de l'IRPP a été fortement réduite, en raison de la diminution du nombre de tranches et des taux d'imposition. En 1990, le barème comprenait 13 tranches, et le taux d'imposition applicable à la dernière tranche était de 56,8%. En 2010, le barème est réduit à cinq tranches, avec un taux applicable à la dernière tranche de seulement 40%. Si en 1990, un taux nul s'appliquait aux revenus inférieurs à l'équivalent de 3 821,74 euros, aujourd'hui tous les revenus inférieurs à 5 875 € ne sont pas imposés. En 1990, un taux de 14% était appliqué dès 4 733,98 euros de revenus ; aujourd'hui c'est seulement à partir de 11 720€ que s'applique un tel taux. Les impôts sur les bas revenus et les revenus moyens ont donc été fortement réduits. Certains proposent même aujourd'hui de supprimer la première tranche de l'impôt sur le revenu112(*), arguant des effets pervers d'une taxation trop importante des bas revenus.

Le rôle économique et social joué par le travail a fortement déterminé le type de redistribution mise en oeuvre, tout au long de l'histoire du capitalisme. Ainsi, la peur de décourager au travail est apparue avec son institution en tant que moteur du progrès et de créateur de richesse. C'est seulement lorsque le travail est venu à manquer et que la redistribution s'est affranchie de cette peur de la désincitation, afin d'éviter le développement d'une grande pauvreté parmi des inactifs de plus en plus nombreux, que le système redistributif a rompu la distinction traditionnelle entre pauvres aptes et inaptes au travail. Cet accroissement de la redistribution s'est fait au détriment de l'assurance sociale obligatoire, qui constituait pourtant un mode de conciliation entre travail et redistribution permettant d'éviter les effets désincitatifs.

* 109 Castel R., Les métamorphoses de la question sociale, op.cit.

* 110 La loi du 1er décembre 1988 relative au Revenu Minimum d'Insertion affirme ainsi: « L'insertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté constitue un impératif national. »

* 111 Ibid.

* 112 Proposition formulée par le Président N. Sarkozy en 2009

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