Mémoire de fin d'études
Comment réussir sa transmission/reprise de petite
entreprise de façon pérenne ?
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Directeur de mémoire : Patrick Bourguignon
Mémoire de fin d'études
Comment réussir sa transmission/reprise
de petite entreprise de façon pérenne ?
Institut d'Economie Scientifique et de Gestion, School of
Management
3 rue de la digue, 59800 Lille
« L'IÉSEG n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans les mémoires ; ces opinions
doivent être considérées comme propres à leurs
auteurs ».
Directeur de mémoire : Patrick Bourguignon.
Année universitaire 2008-2009
Remerciements
Je tiens à remercier en tout premier lieu mon directeur
académique, Patrick Bourguignon, sans qui je n'aurais pu réaliser
ce mémoire. Ses conseils et son aide ont été
précieux, particulièrement dans la phase de rédaction.
Je souhaite remercier les personnes qui m'ont facilité
l'accès au terrain en me transmettant les coordonnées de
dirigeants ayant repris une petite entreprise, plus précisement Monsieur
Declerck (Nord-Entreprendre), Monsieur Vanderhaegen (Nord-Création),
Monsieur Lebez (CCI Grand-Lille) et Monsieur Robin (CRA Ile-de-France).
Les chefs d'entreprise repreneurs qui m'ont gentiment
reçu, Jérôme Roquette (Caractères), Michel Grunspan
(Exer Datacom), Dominique Malard (qui avait repris Print Finition), Olivier
Piettre (Access IT), Jean-Luc Perrot (Tôlerie DN), Riquier Duprez
(Central Maintenance), Pierre-André Torris (Nord Chauffage Services),
Géry Delcroix (GoubleBoussemart) et Christophe Rançon
(L'Instrumentarium). Ils m'ont accordé du temps pour une interview
malgré leur emploi du temps chargé, et ont répondu
à mes nombreuses questions de manière claire et objective.
Jean-Philippe Bozek pour sa disponibilité et ses conseils,
directement liés à sa fonction de coach de dirigeants et manager
de transition.
Les personnes avec qui j'ai longuement échangé
au Salon, en particulier Gilles Lecointre, fondateur de l' « Institut de
la Transmission d'entreprise », et Mathilde Fernet, Responsable Animation
de la Créativallée.
Michel Onana pour les ouvrages qu'il a mis à ma
disposition.
Adrien Peneranda pour m'avoir permis de prendre du recul sur
l'avancée de mes travaux.
Certains membres de mon cercle familial avec qui j'ai
échangé sur ce sujet passionnant, en particulier mes parents, mon
oncle Jean-Pierre et ma cousine Laure, qui a aussi facilité ma venue au
Salon des Entrepreneurs à Paris.
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Sommaire
Sommaire
Remerciements i
Sommaire ii
Résumé iii
Introduction 1
PARTIE 1 : PROCESSUS DE REFLEXION MENANT A UNE PROBLEMATIQUE AU
COEUR DU PROCESSUS DE TRANSMISSION/REPRISE D'ENTREPRISE. 1
Chapitre 1 : Environnement, enjeux et acteurs d'une
opération de transmission/reprise de petite entreprise. 2
Chapitre 2 : Contexte du déroulement du processus de
transmission/reprise. 13
PARTIE 2 : ETUDE DU PROCESSUS TYPE DE TRANSMISSION/REPRISE D'UNE
PETITE ENTREPRISE. 15
Chapitre 1 : Méthodologie de la recherche. 15
Chapitre 2 : Les principaux risques encourus liés à
l'aspect humain lors des différentes étapes menant à la
signature du protocole d'accord. 17
Chapitre 3 : Etude de la relation tripartite à partir de
l'arrivée du repreneur. 35
PARTIE 3 : MISE EN PLACE D'UN PROCESSUS FACILITATEUR A
DESTINATION DU CEDANT ET DU REPRENEUR. 58
Chapitre 1 : L'annonce du projet de cession de l'entreprise de la
part du dirigeant, basée sur
la qualité de la relation
cédant/collaborateurs. 59
Chapitre 2 : L'avancée du processus axée sur la
relation cédant/repreneur : de la sélection des repreneurs
potentiels à la signature du protocole d'accord. 62
Chapitre 3 : Le déroulement précis de
l'arrivée du repreneur. 70
Chapitre 4: Une période d'accompagnement
réciproque. 73
Conclusion 81
Bibliographie 82
Annexes 83
Résumé
La transmission/reprise d'entreprise est un sujet
d'actualité dans la mesure où la démographie des
dirigeants tend à prouver qu'une vague d'opérations va avoir lieu
dans les prochaines années. L'APCE évalue ce chiffre à 60
000 par an dont 5 000 petites entreprises. La réussite de ce type
d'opération est primordiale pour la préservation du tissu
économique. Or, on constate aujourd'hui qu'environ 20% des entreprises
reprises sont défaillantes dans les cinq années suivant le
changement effectif de dirigeant. Les origines se concentrent
régulièrement sur des problèmes relationnels et
émotionnels, impactant, à moyen terme, négativement sur la
santé financière de l'entreprise. On peut par exemple citer une
asymétrie d'information entre les deux dirigeants provenant d'une
fébrilité du cédant à dévoiler les traits de
son entreprise, une mauvaise intégration ou un manque de leadership du
repreneur, de nouvelles mesures non acceptées par les
salariés...
L'objectif principal de ce mémoire est de
déterminer un modèle de processus qui permette de réduire
ces incertitudes et risques en amont, afin d'assurer la pérennité
de l'entreprise.
Cette étude est basée sur les résultats des
interviews de dix entrepreneurs, dont une personne reconvertie dans le
management de transition. Elle montre que :
· Les cédants et repreneurs s'accordent sur le fait
de préserver le secret en amont de l'opération.
· La plupart des cédants regrettent a
posteriori la façon dont leur départ s'est
déroulé, dû à une rupture de la relation de
confiance cédant/collaborateurs.
· La plupart des repreneurs ont pu visiter les locaux et
rencontrer plusieurs personnes clés de l'entreprise, ce qui leur a
permis de mieux comprendre l'entreprise, et de limiter les zones
d'incertitude.
· Le manager de transition est en désaccord avec la
méthode habituellement utilisée, et prône la transparence
au sein du trio cédant/repreneur/collaborateurs.
Ce mémoire approfondit donc la possibilité pour
le cédant d'officialiser son projet de cession de l'entreprise
auprès des salariés, puis d'organiser, après la signature
de la lettre d'intention, une première rencontre entre les
équipes et le repreneur potentiel. Il s'agit de confier aux
salariés un rôle d'acteur au coeur du processus, dans l'optique
d'une opération dont chaque partie sort gagnante au terme de la
période d'accompagnement du nouveau dirigeant.
Introduction
Le choix du domaine d'étude de l'entrepreneuriat est
apparu assez naturellement à l'auteur : diriger une petite entreprise en
France fait à terme partie de son projet de vie. Ayant participé
à une création d'entreprise récemment, il s'est donc
tourné vers un sujet moins connu des étudiants: la
transmission/reprise d'entreprise.
L'objectif de la pré-étude exploratoire a
consisté à cerner la problématique principale de chaque
acteur de l'opération. La visite du "Salon des Entrepreneurs" a entre
autres été très utile pour découvrir que les
repreneurs n'avaient pas assez accès à l'information en amont de
leur arrivée dans l'entreprise. Cet évènement pouvait de
ce fait se trouver à l'origine de bien des maux, dû à des
comportements non envisagés (aussi bien de la part du cédant que
des collaborateurs ou partenaires commerciaux de l'entreprise).
D'autre part, le principal obstacle des cédants
s'avéra concerner la phase du départ définitif de "leur"
entreprise, se retrouvant fréquemment, à leur grand regret, en
froid avec la majorité des salariés.
L'auteur s'est donc focalisé sur l'aspect humain de
l'opération de transmission/reprise de petites entreprises, et est
parvenu à la problématique suivante :
"Comment réduire les risques liés à
l'aspect humain lors d'une opération de transmission/reprise de petite
entreprise?"
Le premier objectif de ce mémoire sera de
décrire le déroulement des différentes phases du
processus, ainsi que d'établir un bilan des risques encourus par chaque
acteur au niveau humain.
Le second objectif sera de développer un nouveau
"modèle" de processus, permettant de limiter, voire supprimer, certains
risques. L'étude de l'apparition de nouveaux risques sera
effectuée.
L'objectif est de réduire, à terme, le taux de
défaillance des petites entreprises reprises moins de cinq années
auparavant.
Découvrons dans un premier temps l'environnement dans
lequel évoluent les acteurs d'une opération de
transmission/reprise d'entreprise.
PARTIE 1 : PROCESSUS DE REFLEXION MENANT A UNE
PROBLEMATIQUE AU COEUR DU PROCESSUS DE TRANSMISSION/REPRISE D'ENTREPRISE.
Le premier chapitre se concentre sur la situation actuelle du
marché de la cession/reprise de petites entreprises, le cadre
légal et les profils des principaux acteurs de l'opération.
Le second chapitre explique le cheminement de la réflexion
de l'auteur, menant à la présentation d'une problématique
précise.
Chapitre 1 : Environnement, enjeux et acteurs d'une
opération de transmission/reprise de petite entreprise.
Ang (1991) définit la petite entreprise par la
détention d'une part très importante de son capital par son
dirigeant. Elle compte entre 10 et 49 salariés et son chiffre d'affaires
annuel ou le total de son bilan n'excède pas 10 millions d'euros.
Sa survie peut être mise en péril par un
départ subi du chef d'entreprise, notamment pour des raisons de
santé, qui ne lui permettent pas d'effectuer personnellement
l'opération et d'accompagner le repreneur. Cependant, il s'avère
qu'un départ décidé, mais insuffisamment
préparé, a autant de chances d'être à l'origine de
la défaillance de l'entreprise cinq années après
l'opération. Il existe donc un potentiel pour réduire ce taux
lors de l'opération capitale que constitue la transmission/reprise
d'entreprise.
"La reprise d'entreprise relève de l'esprit
d'entreprendre" (Deschamps, 2000). Cette opération consiste en l'achat
du capital, ou du moins de la majorité du capital, d'une entreprise
existante par une personne, ou un groupe de personnes. Les travaux de Siegel
(1989) décrivent le concept de reprise comme "un processus qui, par une
opération de rachat, aboutit à la continuation de la vie d'une
entreprise, et de tout ce qu'elle contient (structures, ressources humaines,
financières, techniques, commerciales...)." Elle concerne des profils
d'entrepreneurs différents par rapport à la création
d'entreprise. Ceux-ci possèdent en effet une longue carrière
professionnelle et disposent de fonds à investir plus importants. Ils
peuvent donc se reposer sur une entreprise qui dispose
d'ores-et-déjà du savoir-faire d'une marque, de
l'expérience du personnel et d'un portefeuille clients
conséquent. Ils se concentreront de ce fait sur des
problématiques de développement et de rentabilité.
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Section 1 : Les enjeux liés au marché de la
transmission/reprise de petites entreprises.
Le marché de la cession/reprise d'entreprises prend
généralement "la forme de bourses d'opportunités qui
recensent ou diffusent de l'information sur les offres disponibles" (Bastie
& Cieply, 2009). Sur ce marché relativement opaque, la demande
catalyse fréquemment l'offre, plutôt statique. De nombreux
intermédiaires et conseils interviennent, animés par des
déontologies et des façons de travailler qui rendent difficile la
mise en commun de l'information. Ce manque d'organisation engendre un
éclatement du marché, car certains problèmes de
confidentialité très marqués ne permettent pas un
rapprochement global entre l'offre et la demande.
A noter que les données du marché sont souvent
biaisées eu égard aux transmissions à titre gratuit, qui
ne sont pas prises en compte par les différents organismes
d'études.
1. Une évolution démographique
déterminante.
Compte tenu de la tendance démographique de la
population des dirigeants depuis plusieurs années, un grand nombre de
changements de dirigeant sont à venir dans les toutes prochaines
années. Le nombre de repreneurs sur le marché des TPE est
aujourd'hui insuffisant et leurs profils ne sont généralement pas
adaptés aux entreprises à céder. Ce constat permet
d'émettre l'hypothèse de la mise en liquidation de nombreuses TPE
en milieu rural. Les études et sondages menés ne prévoient
pas de difficultés telles sur le marché des petites
entreprises.
Selon l'INSEE, un dirigeant sur 3 avait plus de 50 ans en
2005, ce qui correspond à environ 700 000 personnes. 49% d'entre eux
pensaient céder leur entreprise dans les cinq années suivantes.
Le CSOEC (Conseil Supérieur de l'Ordre des Experts-Comptables)
annonçait cette même année que 120 000 dirigeants de plus
de 60 ans s'apprêtaient à céder leur entreprise.
En se basant sur ces données, les statisticiens constatent
aujourd'hui un report de la décision de céder chez les dirigeants
de plus de 60 ans, contrairement aux cédants de 50 à 60 ans.
Au niveau du marché des petites entreprises, l'IFOP a
estimé en 2003 que 20 % des dirigeants avaient l'intention de
céder dans un délai inférieur à cinq ans.
Début 2005, le groupe Oséo a
évalué à 5000 le nombre de transmissions de petites
entreprises par an en France, contre 50 000 TPE et 500 moyennes entreprises. Il
s'agit d'entreprises commerciales (29%) et de services aux particuliers
(44%).
Dans un contexte de crise économique tel que l'on le
connaît en ce premier semestre 2009, les prévisions sur les
marchés de la transmission et de la reprise d'entreprise basées
sur le profil du dirigeant n'ont jamais été aussi
aléatoires. Il faut en effet avant tout connaître les
capacités financières des entreprises des dirigeants
concernés, afin de tenir compte des entreprises qui résisteront
à la baisse d'activité enregistrée. Selon le
baromètre Fiducial, une petite entreprise sur trois pourrait en effet
fermer avant la fin de l'année 2009. Les points d'incertitude au cours
du processus se multiplient donc, dû au fait que les entreprises
raisonnent à très court-terme et limitent les investissements
(par choix ou par contrainte).
On peut tout de même affirmer que les enjeux directement
liés aux changements de dirigeants sont majeurs au niveau
économique et social à moyen et long terme.
2. Un enjeu économique pour la
préservation du tissu économique.
Les petites entreprises se trouvent au coeur de
l'économie française. Le CSOEC déclare d'ailleurs en 2003
que "les entreprises qui nécessitent le plus d'attention sont celles qui
emploient entre 5 et 20 personnes". Préserver le tissu économique
français sous-entend conserver, voire développer, le nombre
d'emplois, le chiffre d'affaires ainsi que les exportations de ces entreprises.
La disparition d'une petite entreprise, due à un manque de candidats
sérieux à la reprise, implique des conséquences
négatives pour les salariés, qui perdent leur emploi, mais se
répercute aussi sur les entreprises en amont et en aval, en fonction du
degré de dépendance et du pourcentage de chiffre d'affaires
réalisé avec ce partenaire commercial. De même, l'Etat ne
perçoit plus les recettes fiscales et sociales tirées de
l'activité de cette entreprise. Dans le contexte de crise actuel, cet
échec de transmission peut rapidement créer des effets en
cascades sur leurs partenaires, puis sur les partenaires des partenaires,
etc.
3. Des enjeux sociaux.
Les salariés se voient attribuer certaines garanties
dans le cadre d'une opération de transmission/reprise d'entreprise.
D'après l'article L.122-12 du Code du travail, « s'il survient une
modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par
succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en
société, tous les contrats de travail en cours, au jour de la
modification, subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de
l'entreprise ». Monassier (2003) souligne que "le repreneur acquiert aussi
les dettes sociales du dirigeant cédant".
Certains chercheurs ont mené des travaux afin de
limiter les risques de pertes de savoir-faire et savoir-être liés
à un échec de transmission. Cette opération joue entre
autres un rôle dans l'évolution de la culture et des
méthodes de travail dans l'entreprise, tout en préservant les
savoirs et les rites et routines des salariés. La politique sociale
menée peut devenir pour eux
un facteur de motivation et de satisfaction personnelle. Ces
points seront amplement développés au cours de cet
écrit.
Section 2 : Contexte légal, ou comment dynamiser le
marché de la transmission d'entreprise par la loi.
Sur un marché français de la transmission peu
dynamique, les différents gouvernements ont lancé plusieurs
mesures incitatives. Les lois Dutreil de 2003 et 2005 ont tour à tour
mis en place l'exonération des droits de mutation à destination
des repreneurs d'entreprise (sous certaines conditions), puis le financement de
la transmission grâce au crédit-bail ou à la location
gérance. A noter que les droits de mutation sont des
prélèvements fiscaux, réglés par la personne qui
reçoit un ou des biens dans son patrimoine. Les opérations
concernées sont les transferts de propriété à titre
onéreux (les ventes et les échanges) et à titre gratuit
(donations, successions). La seconde loi encourage l'accompagnement du
repreneur par le cédant, afin de faire diminuer le taux d'entreprises
défaillantes cinq ans après l'opération de cession. Une
exonération des plus-values à destination des cédants a
été décidée cette même année dans la
loi de Finances 2006, tandis que plusieurs articles de la loi de modernisation
de l'économie de Juillet 2008 ont pour objectif de faciliter la
transmission d'entreprise, en particulier pour les entreprises familiales. La
transmission/reprise d'entreprise concerne maintenant toute opération de
rachat d'au moins 25% des parts d'une société si le repreneur est
un salarié ou un membre de la famille du cédant (contre 50%
précédemment). De même, les droits de mutation sont
réduits de 5 à 3% pour les repreneurs d'un fonds de commerce et
d'une SARL. Enfin, tout dirigeant contractant un emprunt afin de reprendre une
entreprise verra son plafond des intérêts retenus pour calculer
l'IR doubler pour atteindre 40 000€ pour une personne soumise à
l'imposition commune. Conserver ses parts pendant au moins 5 ans s'avère
dans ce cas une condition sine qua none. Les accompagnateurs se verront quant
à eux attribuer une réduction fiscale de 100€.
Ces mesures permettent de réduire le coût de
l'opération pour le repreneur, mais ne sont utiles qu'une fois le
protocole d'accord signé.
Section 3 : Acteurs de l'opération de
transmission/reprise.
Les acteurs de l'opération se caractérisent par
leur statut (âge, sexe, profession...), leur personnalité, leur
histoire, leurs expériences, leurs systèmes de valeur, leurs
groupes d'appartenance et de référence. Toutes ces données
sont des facteurs à prendre en compte afin de comprendre son
interlocuteur, notamment son angle de vue sur le plan stratégique,
financier, technique, patrimonial, fiscal, juridique et social. Nous ne nous
intéresserons au cours de cette recherche qu'à l'aspect humain de
l'opération. A noter que les deux acteurs
principaux gardent malgré tout un objectif commun :
réussir l'opération afin d'assurer la pérennité de
l'entreprise et la préservation des emplois.
1. Le cédant, ou la personnalisation de
l'entreprise. 1.1. Le profil type du cédant :
Se focalisant sur les aspects patrimoniaux et financiers de la
transmission, les cédants sousestiment bien souvent les
difficultés futures à modifier leur rythme de vie, à
lâcher les rênes de l'entreprise, et enfin à la quitter
définitivement. Ils se basent trop souvent sur des chiffres officiels
rassurants au niveau du marché de la transmission de petites
entreprises, qui leur assurent en moyenne cinq repreneurs potentiels. Ils
continuent de ce fait à gérer leur entreprise sans se
préoccuper d'un éventuel départ quelques années
plus tard. Ceux-ci n'anticipent donc pas suffisamment l'ensemble du processus,
et ne cèdent pas au moment opportun, donc pas au meilleur prix. Dans la
majorité des cas, l'entreprise à céder est sur une pente
déclinante, avec une rentabilité quasi nulle. Les dirigeants
vendeurs se précipitent le moment venu sur les termes principaux de
l'accord, sans tenir suffisamment compte de problèmes potentiels au
niveau organisationnel et commercial.
Le chef d'entreprise qui a créé son entreprise
est d'un "naturel paternaliste et centralisateur" (Marchesnay). Il constitue en
effet le pilier de l'entreprise et la personne à qui il faut s'adresser
en cas de problème au sein de l'entreprise. Il est à l'origine
des postes créés dans l'organisation et se sent donc responsable
de ses salariés. Il s'investit pour leur bien-être par
l'écoute, mais son principal outil est l'autorité. Il a aussi
tendance à centraliser les décisions et à contrôler
au maximum ses applications par sa présence sur le terrain. Ces deux
caractéristiques compliquent la phase de changement de dirigeant dans
une petite entreprise, de par une gestion quotidienne personnalisée.
Le dirigeant ressent un "attachement profond envers son
entreprise" (Baumert). Il va en conséquence percevoir sa cession comme
un divorce, ou plus, comme "une rupture du prolongement de sa
personnalité" (Levy). Cet état d'esprit sur l'entreprise et son
organisation est à l'origine de l'émergence de résistances
psychologiques tout au long du processus de transmission.
Dans un premier temps, accepter le fait qu'une tierce personne
puisse lui succéder à la tête de "son" entreprise est un
exercice qui nécessite pour le cédant plusieurs années. Il
éprouve en effet des difficultés à imaginer ne plus
être maître de la stratégie menée, et donc de
l'avenir de l'entreprise. Il s'agit d'une perte d'influence sur les acteurs de
l'organisation, pouvoir qu'il considère comme indispensable
vis-à-vis de son entourage. De plus, accepter un successeur et imaginer
que ce dernier puisse réussir à sa place est impossible au
début du processus de
réflexion. Il a créé l'entreprise, a pris
les principales décisions et connaît chaque collaborateur mieux
que personne. Personne n'est donc apte à le remplacer. Le fait d'en
débattre avec son entourage provoque en lui des bouleversements et des
interrogations d'ordre existentiel : qui suis-je ? Suis-je réellement
irremplaçable au sein de l'entreprise ? Que vais-je devenir si je quitte
mes fonctions ?
La transmission constitue pour lui la possibilité de
mettre un terme à sa légitimité professionnelle,
liée à sa position hiérarchique dans l'organigramme et
à son parcours depuis la création de l'entreprise. Vatteville
(1994) déclare que "cette perte de pouvoir peut s'avérer
difficile à surmonter pour des personnes dont le métier consiste
à diriger". Cette entité a en effet constitué le
référentiel du dirigeant depuis sa création, en lui
permettant de fixer ses priorités et ses choix, y compris dans sa vie
personnelle.
Il se rend alors compte des difficultés qui vont
être liées à son départ de l'entreprise, aussi bien
pour lui que pour ses collaborateurs et partenaires extérieurs. Il va
alors étudier la possibilité de céder son entreprise
à un membre de son entourage proche (famille, amis), ou à un
salarié de l'entreprise. Il s'intéressera dans un second temps
à une cession à une entreprise dans le cadre d'une
opération de fusion-acquisition. La cession à une tierce
personne, externe à l'entreprise, sera la dernière solution
envisagée.
1.2. La catégorisation des cédants
:
Bien qu'ayant un objectif identique, les dirigeants entamant ce
processus ont des profils et des raisons d'agir multiples.
L'âge moyen des cédants n'est, en 2007, que de 51
ans, tout en sachant que seulement 20% des dirigeants qui ont
cédé étaient proches de la retraite (plus de 61 ans).
Cette génération d'entrepreneurs tient aux valeurs
traditionnelles et représente clairement la société du
travail (en opposition à la société de loisirs). Ils
tiennent particulièrement à leur entreprise et au rôle
qu'il joue, et repoussent donc une décision qui aurait pu
s'avérer naturelle plusieurs années auparavant.
Les données suivantes sont tirées d'une
étude réalisée par Intercession, groupe leader sur le
marché de la transmission d'entreprise. Elle est basée sur 300
reprises de PME, dont la majorité d'affaires concernent des petites
entreprises. 30% des affaires présentées concernent des
repreneurs de moins de 45 ans, parmi lesquels on trouve deux types de profil.
Certains ont vécu cette première expérience comme un
échec, et souhaitent soit retrouver un poste de salarié, soit
prendre leur revanche et racheter une autre entreprise, en
bénéficiant de toute l'expérience qu'ils ont
accumulé. D'autres l'ont vécu comme un succès, et
poursuivent sur leur lancée en prenant les commandes d'une autre
entreprise. On les nomme dans ce cas "entrepreneurs récurrents".
D'après cette même source, les deux tiers des
vendeurs ont fondé leur entreprise, le dernier tiers comprenant à
parts égales les successeurs et les acquéreurs. Le pourcentage
des cédants fondateurs reste stable, tandis que la part des successeurs
chute au profit des acquéreurs.
![](Comment-reussir-sa-transmissionreprise-de-petite-entreprise-de-faon-perenne-6.png)
Le profil du vendeur va être déterminant pendant
le processus de reprise, en particulier au niveau de l'attitude adoptée.
Cette attitude va aussi dépendre de la capacité à
résister à la pression de l'acquéreur. Face à cette
inconnue, trois types de profil se distinguent à nouveau.
Sur cette même base de 300 affaires
réalisées, 51% des cédants n'ont aucune pression et
constituent la part des cédants "opportunistes" : ils mettent en vente
leur entreprise sur le marché, mais n'ont aucune nécessité
de la céder à court terme. Dans ce cas, la principale raison
incitant le dirigeant à réaliser cette transmission est le
départ à la retraite pour des raisons liées à
l'âge, et non à la santé. Leur décision interviendra
en fonction d'éventuelles offres reçues. Leur entreprise n'a pas
de difficulté particulière à court terme.
Les cédants "décidés" représentent
quant à eux 27% des dirigeants vendeurs. Ils ont pris cette
décision définitive de manière réfléchie.
Les raisons sont multiples : changement de profession, retraite
anticipée... A l'instar des dirigeants "opportunistes", leur entreprise
ne connaît pas de difficulté à court-terme.
On trouve enfin des raisons liés à
l'évolution de l'environnement : nouveaux produits, mutation du
marché, guerre des prix... Ces facteurs sont souvent à l'origine
de la décision de vendre des dirigeants "étranglés" : ils
comptent pour 22% des cédants et y sont contraints pour des raisons
financières, la situation de l'entreprise dépendant totalement du
marché. Des raisons familiales ou de santé peuvent aussi les y
obliger.
Pour l'acheteur, cerner le profil et les raisons de vendre de
son interlocuteur lui permettront de mieux le comprendre, de développer
plus facilement une alchimie avec lui, et donc de construire une
stratégie de négociation adaptée. La démarche
conseillée au cédant est identique.
2. Le repreneur, ou l'avenir de
l'entreprise.
2.1. Le profil type du repreneur :
Le repreneur devient le "dirigeant d'un personnel qu'il n'a
pas recruté, dans une entreprise qu'il n'a pas fondé et qui a
fonctionné avant lui" (Deschamps & Paturel, 2001). Ses motivations
doivent être supérieures à celles d'un simple actionnaire
ou salarié, car le temps consacré à l'entreprise ne laisse
pas forcement de place à des week-ends de deux jours. Elles seront
liées à la réalisation d'enjeux personnels (responsable
d'un projet collectif, contrôle de son propre destin) et
économiques (développement d'une activité rentable,
acquisition de ressources spécifiques telles que le savoir-faire ou la
technologie, entrée sur un marché porteur...). Ils ont, pour la
plupart, un besoin d'accomplissement et de réussite.
Les principaux facteurs de succès pour un repreneur
externe à l'entreprise sont une connaissance du secteur
d'activité et du métier, une expérience managériale
et une capacité à cloisonner ses univers. Il est aussi
conseillé au repreneur de posséder des repères solides
concernant la vie privée et l'accompagnement du projet (lieu
d'habitation, réseau d'amis...).
Mais les cédants recherchent plusieurs qualités
indispensables chez un acquéreur potentiel : posséder le sens des
responsabilités, le goût du challenge, le sens du collectif et un
besoin d'action.
En outre, il devra être souple, digne de confiance,
ouvert, fort, tenace, enthousiaste et extraverti. Savoir écouter et
tirer des leçons de ce qu'il entend sont aussi les fondements de la
fonction de chef d'entreprise. Il doit également être
intègre, honnête et avoir le sens de l'honneur, sans oublier le
sens de l'humour. La patience et la persévérance dans la
poursuite de ses objectifs sont aussi des qualités indispensables.
Dans une petite entreprise, le repreneur est tenté de
voir le lieu de travail comme un "lieu de culture et de socialisation qui le
conduit parfois à substituer à des conduites stratégiques
des conduites centrées sur la construction du lien social" (Piotet &
Sainsaulieu, 1994). L'objectif du repreneur est de parvenir à apporter
sa propre valeur ajoutée au fonctionnement de l'entreprise, dans le but
d'allier tradition et renouveau, et ainsi lisser la prise de relais.
La personnalité du repreneur est
généralement affirmée, il est ouvert et très
à l'aise dans les relations avec ses collaborateurs et partenaires. Ceci
étant, il a clairement fait le choix de l'indépendance et de
l'autonomie, il souhaite donc prendre certaines décisions librement et
rapidement, et être en mesure de les défendre et les assumer face
aux différents acteurs internes et externes à l'entreprise.
Avant même d'avoir choisi une entreprise
particulière, le repreneur doit s'attendre à rencontrer les
principales difficultés au niveau humain. Au cours des 12 mois que dure
en moyenne une opération de reprise, la peur de l'échec
intervient à différentes reprises, de même que la prise de
conscience de la nature des responsabilités à assumer. La charge
émotionnelle et les pressions rencontrées sont des
difficultés dont les anciens cadres de grands groupes ne sont pas
habitués. Chaque repreneur passe aussi par des périodes de doutes
lorsqu'il s'agit de se faire accepter par tous les partenaires de l'entreprise.
Au cours des premiers mois, les relations sont mouvantes et une remise en cause
régulière s'impose. La solution passe donc par une
capacité à sécuriser ses interlocuteurs et à
convaincre du bienfondé de ses actions, avant de prouver leur
efficacité sur le terrain.
2.2. La catégorisation des
repreneurs:
En se basant sur le rapport du groupe Intercession, le
repreneur type est un membre externe à
l'entreprise, et a en moyenne
l'âge mûr : 45 ans. Il s'agit du moment idéal, car il a
déjà à son
crédit une carrière professionnelle riche et est
toujours considéré comme une personne dynamique, disposant du
l'énergie nécessaire afin de consacrer du temps et des efforts
à la gestion d'une petite ou moyenne entreprise. Deux
échantillons se démarquent : le premier représente les
salariés cadres âgés de 42 à 47 ans qui anticipent
un départ forcé. Un second représente les salariés
âgés de 50 et 53 ans qui se lancent dans la reprise après
un licenciement d'un grand groupe. La différence majeure réside
dans l'anticipation ou non de leur départ, même si les apports
sont en moyenne plus conséquents à la suite d'un départ
contraint mais négocié... Le nombre de repreneurs du premier
échantillon est en croissance, car ils se préparent de plus en
plus tôt à la réalisation d'une opération, ce qui
entraîne une tendance à une rupture volontaire de leur contrat de
travail.
Concernant la profession exercée, le profil le plus
fréquent est dirigeant de PME, ce qui est plutôt un signe positif
concernant le déroulement de leurs créations ou reprises
précédentes. Ils souhaitent, pour la majorité,
acquérir une entreprise réalisant un chiffre d'affaires plus
conséquent dans le même secteur d'activité.
Pour ce qui est de la formation des repreneurs, 69% disposent
d'une formation supérieure à Bac +4, parmi lesquels 29% ont suivi
leur cursus au sein d'une école de gestion. Les profils
rencontrés sont pour la plupart généralistes, avec des
compétences dans au moins deux des quatre champs suivants : commercial,
financier, gestionnaire et technicien.
Les motivations à l'origine de la reprise divergent en
premier lieu au niveau du statut du repreneur. Un repreneur externe cherche en
priorité à se réaliser individuellement, devenant autonome
dans la prise de décision, tandis que le repreneur interne met en avant
son sens du devoir et son désir de prise de responsabilités. Nous
nous focaliserons dans l'étude présentée sur la
première catégorie d'acheteurs.
Le changement des motivations des repreneurs est aussi
clairement dévoilé, avec une nouvelle génération de
repreneurs "opportunistes", cherchant la bonne affaire grâce à une
entreprise en difficulté mais qui dispose d'un fort potentiel. Les
chercheurs les nomment "entrepreneurs acquéreurs". Nous ne nous
intéresserons pas à ce profil d'acquéreur potentiel, mais
plutôt aux dirigeants décidés à reprendre leur
première entreprise.
Pour information, ils disposent en moyenne de 600 k€
d'apport et de 60% de la cible acquise, ce qui signifie que les repreneurs du
panel ont acquis en moyenne une société en adéquation avec
les moyens financiers dont ils disposent, ce qui n'exclut pas l'existence de
cas très différents. Nous verrons que ces données
financières peuvent être, pour le cédant, un moyen de mieux
cerner la personnalité de l'acheteur.
Tout comme le cédant, le repreneur va, quelles que
soient les caractéristiques de l'entreprise,
entrer dans un processus
long et complexe, basé sur les relations humaines.
Intéressons-nous
donc dès à présent aux personnes qui vont
accompagner les deux principaux acteurs de la reprise.
2.3. Pour une collaboration fructueuse avec les
conseils et intermédiaires :
Le cédant et le repreneur doivent réunir autour
d'eux une équipe complète de spécialistes :
expert-comptable, notaire, avocat, banquier et intermédiaire en
fusion-acquisition. Chacun apportera, dans son domaine de compétences,
une réelle valeur ajoutée indispensable au bon déroulement
de chaque phase du processus de transmission. Leur expérience de
transactions récentes, de nature proche et en nombre significatif, peut
notamment éclairer les deux principaux acteurs.
Le repreneur doit garder en tête que ces conseils
l'accompagneront pendant le processus de reprise, mais aussi lorsqu'il dirigera
cette entreprise. Une alchimie doit donc opérer et une relation de
confiance doit se construire afin de les différents intervenants
deviennent une partie à part entière, et préparent le
processus sur de bonnes bases. Mais l'aspect humain n'est pas assez pris en
compte par les conseils, c'est donc un sujet à aborder au tout
début de la collaboration.
Cela étant, les principaux acteurs, cédant et
repreneur, doivent faire comprendre qu'ils sont les seules personnes à
détenir le pouvoir de décision, et que les spécialistes
auront donc un rôle de conseillers. Les aspects techniques des processus
par rachat seront bien gérés si ces différents conseils
interviennent au fur-et-à-mesure des besoins au cours du processus. Un
organisme tel que le CRA peut jouer un rôle dans le rapprochement entre
un cédant et un repreneur compétent, tandis que
l'expert-comptable, qui évalue l'entreprise, et l'avocat,
concentré sur l'aspect juridique et fiscal de l'opération,
interviendront en amont de toute négociation. Le conseiller en
fusion-acquisition abordera l'aspect humain et dressera un bilan des rapports
des autres conseils, afin de dresser une stratégie de
négociation. Le banquier apportera des précisions sur le
potentiel financier accordé au repreneur tandis que le notaire
interviendra en aval afin de concrétiser les décisions prises par
les acteurs en face-à-face.
A noter que le juriste et le principal interlocuteur de son
client ne doivent en aucun cas entrer en contact, même si celui-ci
souhaite défendre les accords passés de son client.
En parallèle, il est conseillé, pendant la
négociation, de limiter les interactions directes et de faire appel au
maximum à des interactions entre intermédiaires, afin de limiter
les risques de cassure ou de rupture. Les conseillers sont présents pour
aborder certains points de désaccords afin de comprendre leurs origines,
tout en jouant le rôle d'amortisseur afin de réduire les
inquiétudes des décideurs.
La clé d'une bonne collaboration est de positiver, en
insistant sur le fait que l'ensemble des intervenants ont un objectif commun :
travailler ensemble afin de réaliser une opération satisfaisante
pour les deux parties. Il faut donc mettre en avant les points d'accord et de
connivence.
![](Comment-reussir-sa-transmissionreprise-de-petite-entreprise-de-faon-perenne-7.png)
Chapitre 2 : Contexte du déroulement du processus
de transmission/reprise.
"Le changement de dirigeant déclenche dans tous les cas
une inquiétude sur l'avenir" (Estève). Dans un grand groupe, ces
inquiétudes sont davantage liées à la situation de
l'entreprise et aux résultats financiers du groupe. Mais plus l'effectif
de l'entreprise est réduit, plus l'attention se tourne sur la
personnalité du cédant (et les relations qu'entretenait le
salarié avec lui) et sur la personnalité de l'acquéreur,
donc du nouveau dirigeant. De nombreux auteurs et dirigeants interrogés
confirment que l'aspect relationnel et affectif est au centre des
préoccupations dans une PME, tout particulièrement pour le
dirigeant-fondateur. Ils la nomment donc "entreprise humaine".
Les difficultés rencontrées lors d'une
opération d'envergure telle que la transmission de l'entreprise se
trouvent donc majoritairement liées aux facteurs humains.
La personne qui prend les décisions est responsable de
la vie et de la survie de l'entreprise. De ce fait, "elle assume
personnellement les responsabilités financières, sociales,
techniques et morales de l'entreprise, quelle que soit sa forme juridique"
(statuts de la CGPME). Pour ce faire, elle gardera la main mise sur les
principales actions et décisions, déléguant en fonction de
la confiance qu'elle accorde aux différents salariés. Il existe
donc un très large éventail de profils d'entreprise au niveau de
l'organisation, liés à la personnalité du dirigeant. Nous
pouvons en déduire que valoriser une petite entreprise exclusivement
grâce à des données comptables et financières n'a
aucun sens. Des données plus subjectives vont devoir être prises
en compte, relatives par exemple au niveau de responsabilités et au type
de management du dirigeant.
Torrès (1999) décrit cette personnalisation du
management comme "un management de proximité". Il en est de même
pour la gestion, de proximité due à une faible
spécialisation du dirigeant ainsi que du personnel, et aux
systèmes d'information interne et externe peu développés.
La communication est donc souvent informelle, mais le relationnel revêt
en parallèle une importance supérieure car le management est plus
tourné vers les personnes que vers les missions de chacun.
Or, c'est la personne porteuse du fonctionnement actuel de
l'entreprise qui se retire lors d'une transmission d'entreprise. Cette
opération remet donc en cause tout l'aspect relationnel et
organisationnel de l'entreprise, et met en jeu, à terme, sa survie. Il
s'agira dans tous les cas d'un changement majeur dans la vie de l'entreprise,
même si le repreneur opte pour un management et une stratégie dans
le prolongement des pratiques de son prédécesseur. Il s'agira
donc d'une révolution si le nouveau dirigeant met en place une nouvelle
stratégie et opère des changements dans les équipes. Tenir
compte de l'aspect humain tout au long du
processus va donc s'avérer indispensable de la part des
deux acteurs principaux afin de mener à bien l'opération et
assurer la pérennité de l'entreprise.
La problématique centrale concerne donc l'analyse des
différents risques liés aux personnalités des acteurs et
aux interactions, et peut se formuler de la manière suivante :
"Comment réduire les risques liés à l'aspect
humain lors d'une opération de transmission/reprise de petite
entreprise?". L'objectif de la résolution de cette
problématique doit mener à la réduction du taux de
défaillance des petites entreprises reprises, et ainsi transférer
le savoir et préserver le tissu économique local.
Cette étude se focalise dans un premier temps sur les
risques au niveau personnel et relationnel vécus par le trio
cédant/repreneur/collaborateurs. Les risques pris en compte seront en
effet liés à sa propre personnalité ou celle d'un tiers,
en tenant compte des attitudes et réactions possibles.
Une cassure va en effet avoir lieu dans la relation
cédant/collaborateurs lors de l'annonce de son départ,
intervenant dans la plupart des cas en même temps que l'arrivée du
repreneur. Perdant toute légitimité professionnelle, il se doit
ensuite de garder cette légitimité sociale, qu'il a su
développer pendant tant d'années à la tête de
l'entreprise. Le dirigeant va donc devoir gérer un véritable
divorce avec son entreprise, si ce n'est avec une partie de lui-même.
Dans le même temps, le repreneur et ses collaborateurs vont construire
les bases d'une relation durable, souvent liée à la
qualité de la relation cédant/repreneur, où du moins
l'image qu'ils en donnent.
La question suivante porte donc sur le passage de témoin:
comment faciliter la phase de prise de relais pour le cédant, le
repreneur et les collaborateurs ?
Cette question implique de s'intéresser au
déroulement de l'arrivée du repreneur et de la période de
transition, en se positionnant en tant que cédant, repreneur puis
collaborateur. Il s'agit en effet de répertorier les problèmes
potentiellement rencontrés, et de les anticiper pendant la phase de
préparation de ces étapes.
L'étude de ces risques constatés auprès
des entrepreneurs rencontrés va permettre de préconiser des
actions préventives et correctives, en fixant l'objectif principal
d'insister sur les principaux facteurs positifs du processus qui doivent
être partagés par les acteurs: relation de confiance, transparence
des données et adaptation au changement.
Cette réflexion mènera à la proposition
d'une méthode globale de processus de transmission/reprise, qui remet en
cause les principes généraux utilisés par les
différents acteurs, alliant comportement et démarches à
adopter tout au long du processus de reprise.
PARTIE 2 : ETUDE DU PROCESSUS TYPE DE
TRANSMISSION/REPRISE D'UNE PETITE ENTREPRISE.
Chapitre 1 : Méthodologie de la recherche.
Selon Mucchielli (1996), une méthodologie de recherche
qualitative se définit comme "une stratégie de recherche
utilisant diverses techniques de recueil et d'analyse qualitative dans le but
d'expliquer, en compréhension, un phénomène humain ou
social". La recherche qualitative est donc appropriée afin de
répondre à cette problématique liée à
l'attitude des principaux acteurs du processus et des réactions des
stakeholders.
Cette étude va donc être basée sur les
récits de cédants et repreneurs travaillant dans des petites
entreprises de divers secteurs d'activité, mais aussi sur des
témoignages d'experts qui jouent un rôle d'intermédiaire
dans ce type de transaction. L'objectif réside dans le fait
d'interpréter certains comportements et tirer les leçons des
différentes démarches suivies.
De même, il apparaît opportun de rencontrer les
personnes liées de près ou de loin à un changement de
dirigeant, et d'approfondir leur ressenti et perception de cette
expérience. Un des enjeux de la recherche est donc d'accéder aux
salariés dont l'entreprise a été reprise. Il s'agit dans
l'idéal de multiplier la collecte d'informations d'un même
événement en tenant compte des différents points de vue,
et de les confronter. Il s'agit dans ce cas de la méthode de
triangulation fondée sur le croisement des discours (Wacheux).
L'auteur a utilisé l'entretien individuel, qui est un
type d'étude qualitative très largement utilisé en
marketing. Il met deux personnes en présence : l'enquêteur et le
répondant (cédant, repreneur...). Les entretiens sont
semi-directifs, ce qui permet de les structurer et de regrouper les
différents thèmes abordés lors de l'étude.
Plusieurs critères de sélection des entreprises ont
été définis afin de limiter le champ d'étude : -
L'entreprise est une petite entreprise, donc disposant de 10 à 49
salariés.
- L'entreprise a été acquise par rachat par une ou
des personne(s) physique(s),
externe(s) à l'entreprise avant la transaction. Le
repreneur n'a à l'origine aucun lien
avec les membres des équipes qu'il va être
amené à diriger.
- L'entreprise est indépendante, le propriétaire
étant le seul dirigeant.
- La transaction date de plus d'un an, afin d'être
sûr que les acteurs disposent d'assez de recul par rapport aux
évènements liés à cette opération.
Cette recherche qualitative va donc permettre, dans un premier
temps, de décrire le déroulement du processus de
transmission/reprise et, plus particulièrement, celui de la phase de
prise de relais entre le cédant et le repreneur.
Après avoir pris du recul sur ces multiples
témoignages, nous serons à même d'établir un bilan
des risques pour chacun des acteurs par rapport aux constatations
présentées en début de mémoire, ainsi que de
présenter certaines recommandations, générales ou bien
liées à des situations plus spécifiques.
Plusieurs membres d'organismes d'accompagnement ont
facilité l'accès au terrain à l'auteur, en jouant le
rôle d'informateurs relais: il s'agit du CRA, de Nord-Entreprendre, de
Nordcréation et de la CCI Grand-Lille. La consultation de la liste
d'Anciens étudiants de l'Iéseg a aussi permis l'obtention de
contacts. L'auteur a donc eu l'opportunité de rencontrer, au cours de
cette étude de cas multiples, 9 dirigeants de petite entreprise, 5
salariés, et un coach de dirigeants (ainsi que manager de transition).
Les entretiens se sont déroulés selon une ligne directrice
représentée par les questions énoncées dans les
guides présents en annexe.
A noter que l'accès à l'information au sujet
d'un thème aussi sensible que la façon dont a été
vécue la reprise à partir de différents points de vue peut
s'avérer délicat, en particulier si cela remet à jour
certains conflits ou désaccords. Une forte implication et motivation de
la part des intervenants à présenter leur expérience a
été constatée, ceux-ci se félicitant qu'un
étudiant aborde ces problématiques proches du terrain.
Certaines limites à ce type de recherche peuvent
être mises en évidence. La subjectivité des critères
de recherche et de la personnalité de chacun engendre des constats
multiples, qui peuvent mener à des préconisations
contradictoires. Les résultats peuvent être
considérés comme biaisés si on tient compte du fait que
les dirigeants rencontrés avaient plutôt réussi leur
opération, et que les salariés interrogés l'avaient
plutôt bien perçue et bien vécue.
Le profil des entreprises est aussi une limite certaine, pour
des raisons géographiques et culturelles (entreprises situées
autour de l'agglomération lilloise), mais aussi de taille
d'effectifs.
La taille réduite du panel d'entreprises
visitées engendre un manque de précision des résultats de
la recherche, peut-être même un déficit
d'objectivité. Les conclusions générales devront
être prises avec le recul nécessaire, dû à la
complexité des sciences sociales.
Les comptes-rendus d'entretien, documents confidentiels non
présents dans ce mémoire, ont permis de détailler les
risques au niveau humain pris par chacune des parties au cours des
différentes étapes. Les premiers conseils apportés dans le
chapitre suivant seront basés sur les préconisations des
intervenants ayant directement fait face à des problématiques
d'ordre humain, mais aussi sur les propos d'auteurs tirés de documents
consultés et listés dans la bibliographie.
Chapitre 2 : Les principaux risques encourus
liés à l'aspect humain lors des différentes étapes
menant à la signature du protocole d'accord.
Au-delà du risque financier, les protagonistes font
face, tout au long du processus, à des risques humains liés
à leur propre personnalité, à la personnalité de
leur interlocuteur et à la qualité de la relation qu'ils ont
nouée.
Ce chapitre rend compte des différentes étapes
de l'opération de transmission/reprise, depuis le premier contact avec
l'interlocuteur principal jusqu'au départ du cédant. Grâce
à l'analyse des résultats obtenus lors des interviews, l'objectif
est de déterminer, lors de chaque phase, l'origine des risques humains
pour le cédant et le repreneur, au sein du trio
cédant/repreneurs/collaborateurs. Les réactions possibles des
partenaires de l'entreprise (actionnaires, créanciers, clients,
fournisseurs) seront aussi prises en compte dans cette étude. La
première section est consacrée à l'environnement de
l'opération, abordant les principes de transparence et de
confidentialité des données dans la recherche d'un interlocuteur
adapté et dans les échanges menant à la signature du
protocole d'accord.
Les risques encourus par chaque partie ayant un impact direct
sur la qualité de la relation cédant/repreneur sont
abordés dans la deuxième section, tandis que la troisième
section nous permet d'étudier les facteurs humains impactant sur le
déroulement des phases d'analyse et d'évaluation de
l'entreprise.
La quatrième section se concentre sur la phase de
négociation, en particulier sur les méthodes utilisées par
les différents acteurs afin de parvenir à un accord
définitif.
Section 1 : Les risques liés au contexte de
l'opération de cession d'entreprise.
Le contexte n'est pas seulement un environnement qui joue dans
la construction des relations. On peut en effet distinguer plusieurs dimensions
constituantes du contexte : "le cadre, la situation et l'institution" (Marc
& Edmond, 2002).
Le cadre est déterminé par l'ensemble des
éléments physiques et temporels qui servent de "fond
d'écran" aux interactions. Ces facteurs ont clairement une portée
culturelle et symbolique. On peut tout d'abord citer le secret dans lequel une
entreprise va être mise en vente, dans le but de minimiser les pertes
liées aux réactions et interrogations des employés et des
partenaires de l'entreprise. Le cédant se trouve donc confronté
à une situation contradictoire, où il se doit d'annoncer la mise
sur le marché de la transmission de son entreprise afin de trouver un
repreneur, tout en gardant secrète cette décision au sein de
l'entreprise. Après avoir étudié des pistes dans le
domaine familial puis en interne, la majorité des cédants ciblent
un repreneur externe au sein de leur réseau de contacts. La
dernière
solution consiste à travailler avec un cabinet de
consultants, et rédiger éventuellement une annonce sur des sites
spécialisés.
Afin de préserver au maximum la confidentialité
de l'opération, le cédant doit accepter un nombre limité
d'acquéreurs potentiels. Un engagement de confidentialité doit
être signé à la présentation de l'entreprise. Un
engagement simple permet au cédant de rendre les données qu'il
communique confidentielles, tandis qu'un engagement réciproque est
à l'origine de la confidentialité des données
apportées par les deux acteurs. On peut citer entre autres les clauses
de non-concurrence, non-débauchage (le repreneur potentiel s'engage
à ne pas recruter de salarié de l'entreprise) et non-divulgation
des informations du dossier de reprise, sauf à destination des conseils
du repreneur, identifiés par le cédant.
Le constat général de cette étude est le
suivant : les dirigeants qui s'apprêtent à céder sont
plutôt d'accord avec les repreneurs rencontrés sur le fait de ne
pas divulguer l'opération de cession/reprise en cours aux
équipes. On trouve trois arguments à cela :
1) C'est la méthode la plus couramment
utilisée. Le repreneur rencontre les personnes clés de
l'entreprise pendant la phase d'analyse de l'entreprise. Ils les informent
avant l'arrivée du repreneur à la suite de la
concrétisation de l'opération, afin de leur montrer le rôle
prépondérant qu'ils jouent et confirmer les liens de confiance
qui les unissent. Les équipes sont effectivement informées le
jour de l'arrivée du repreneur.
2) L'opération est plus facile à mettre en
place car la discrétion est de mise pendant les phases
d'évaluation et de négociation. Le cédant y voit plus de
tranquillité et le repreneur la possibilité de se rendre dans les
locaux et rencontrer certaines personnes, en se faisant passer pour un client
(avec l'accord du cédant).
3) Quel serait l'intérêt, pour chaque partie,
que soit annoncée la cession de l'entreprise aux salariés avant
le début du processus de reprise ? En tant que repreneur ou
cédant, ils voient dans cette démarche plus de points
négatifs que d'avantages.
Dans le cas où la cession n'est pas annoncée, le
principal inconvénient est qu'une discussion au sujet de cette
opération peut être lancée par le dirigeant à un
salarié en particulier, mais aucun salarié ne peut proposer sa
candidature pour remplacer le chef d'entreprise. Nous étudierons les
conséquences possibles dans la section réservée aux
collaborateurs.
Certains cédants conseillent de rechercher le repreneur
en priorité en interne car il est possible que la personne
désirée ne se soit pas manifestée par respect ou par
manque d'informations des intentions du dirigeant. Selon Alary-Grall, Estival
et Pijaudier Cabot (2001), "lorsque le cédant prospecte parmi les
candidats potentiels à la reprise, il doit se montrer discret : trop de
communication nuit à la conclusion d'une bonne affaire." Ils confirment
donc qu'une annonce
officielle de cession de petite entreprise peut engendrer une
perte de confiance de l'ensemble des stakeholders (collaborateurs,
clients, fournisseurs, créanciers, actionnaires...), et probablement une
diminution du prix.
Préserver l'information sur l'opération
prochaine de cession ne s'obtient pas en communiquant le moins possible, mais
en divulguant l'information nécessaire à un nombre restreints de
candidats sérieux à la reprise. Leur objectif est donc de cibler
davantage les personnes recherchées, souvent par l'intermédiaire
de cabinets de consultants. Il peut aussi avoir directement recours à
des journaux et sites internet spécialisés, des cercles de
repreneurs ou des organismes tels que les CCI.
Le cédant est en effet, dans la majorité des cas,
l'initiateur de l'opération, ce qui lui permet de maîtriser son
calendrier de départ de l'entreprise.
L'avis d'un coach accompagnant les acteurs de transmissions et
reprises concorde sur ce point, mais part du principe que l'aspect financier ne
doit pas être le sujet prédominant chez le cédant. Le
départ de ce dernier sera délicat, il est donc raisonnable de
mettre toutes les cartes de son côté afin de faciliter cette
dernière étape, et qu'il reste ainsi en bons termes avec son
successeur et ses collaborateurs.
D'autre part, la situation d'interaction se décrit
comme le scénario qui organise les relations. Elle va principalement
dépendre de la situation économique de l'entreprise, mais aussi
du statut du dirigeant. L'entreprise est-elle dans une phase de croissance
maîtrisée ? Le dirigeant agit-il sous la contrainte concernant son
départ de l'entreprise ?
Un des acteurs de l'opération prendra une position de
force dans la relation. Si l'entreprise est saine, il s'agit souvent du
cédant, car il détient l'information, qu'il communique à
son rythme. Mais le temps joue clairement en sa défaveur, dans la mesure
où l'information se propage et où des signes peuvent
alertés les employés ou partenaires de l'entreprise (changement
de stratégie, de comportement...).
Enfin, le cadre et la situation s'inscrivent dans le facteur
institutionnel. Chaque institution est caractérisée par certains
types de rapports et de style relationnel.
Marc & Edmond (2002) affirment "que le cadre, la situation
et les institutions se renforcent
mutuellement pour déterminer en
profondeur les relations qu'ils tendent à favoriser".
Section 2 : Les risques liés à la
construction de la relation cédant/repreneur.
1) Les risques liés à la
personnalité des acteurs de l'opération.
1.1 Le cédant, gardien du temple de
l'information concernant "son" entreprise.
D'après la bibliographie consultée et les
personnes rencontrées, nous avons pu constater que le cédant
refuse, pour des raisons psychologiques, d'anticiper suffisamment tôt le
passage de témoin. Il s'agit en effet de confier "son
bébé" à une tierce personne, ce qu'il souhaite faire le
plus tard possible. On peut parler d'un refus inconscient lié au
paternalisme.
Le risque principal est de ne pas encore être
prêt, du moins pas préparé, le moment venu, à
céder "son" entreprise et/ou transmettre les responsabilités et
les informations liées à son rôle de dirigeant. Dans ce
cas, il émet des résistances à communiquer les
informations, et peut rompre le processus de négociation au dernier
moment sans raison valable, avec des conséquences néfastes
concernant le temps et l'argent consacré à une cause perdue,
ainsi qu'une dégradation de la relation avec le repreneur potentiel.
Dans d'autres situations, le dirigeant prend la
décision de céder trop tard, lorsque son entreprise est en perte
de vitesse et a déjà perdu une partie de sa valeur. Dans le
même temps, elle en a pris dans l'esprit du cédant, d'où
des difficultés accrues à se comprendre et se mettre d'accord.
Lorsque la décision de céder est
définitive, le dirigeant va devoir définir en amont la
manière dont il envisage le déroulement du processus et
l'évolution des relations, afin qu'il soit en mesure de contrôler
une situation qu'il avait envisagée. Il est en effet possible qu'il
doive faire face à une peur, à une incompréhension,
à des appréhensions, à un contre-pouvoir qui peut se
mettre en place dans l'entreprise, et donc à une dégradation du
climat social, qui peut engendrer une baisse de productivité. Des
revendications peuvent apparaître, ce qui va avoir des
conséquences négatives pour le repreneur et la relation
cédant/repreneur. Il faut donc s'intéresser aux origines de
l'entrée possible dans ce cercle vicieux. Il s'agit du leadership et du
degré de confiance de la relation cédant/collaborateurs.
Il perçoit dans la plupart des cas quatre
émotions suite à cette décision capitale: la peur, la
honte, la tristesse et la colère. Il traduit ses ressentis par la fuite,
l'évitement ou le contournement, l'immobilisme... Suite à ce
changement de comportement, son entourage personnel et professionnel peut donc
s'interroger. L'auto dévaluation risque d'autre part de le mener
à une dévalorisation de l'entreprise. Parfois au contraire,
"l'auto dévaluation va générer un désir de
compensation, qu'il va traduire par une survalorisation de l'entreprise et
l'exigence d'un prix inadéquat" (Meier & Schier).
Cette survalorisation est plus largement liée à l'attachement
affectif de chaque cédant pour son entreprise. Il oublie le
côté objectif de sa personnalité, et ignore la
réalité du marché.
Dans d'autres situations, le cédant se sent
supérieur à tout candidat à la reprise, qui ne pourra
jamais atteindre son niveau de connaissance de l'entreprise. Il prend le risque
de donner une mauvaise première impression, regardant de haut son
interlocuteur et vantant son bilan et ses compétences. Ce comportement
mènera à une éventuelle relation de confiance de
façade, mais ces bases d'échanges sont fragiles à moyen
terme.
Un autre point d'interrogation majeur pour le cédant
est la personnalité du repreneur, et la qualité de la relation
qui va s'instaurer. Cette personne sera responsable de l'entité qu'il
détient actuellement, de son évolution au niveau financier et
stratégique, mais surtout social : il s'agit de la motivation et du
bien-être futur des employés. Une relation basée sur des
critères financiers atteint rapidement ses limites en termes de
transmission d'informations et de satisfaction mutuelle. Les deux personnes
mènent une négociation qui peut voir émerger un vainqueur
et un vaincu. Un repreneur vaincu constitue le risque pour le dirigeant de
prendre ses distances après avoir reçu les informations
nécessaires, et ainsi mettre rapidement en place son plan de reprise
sans tenir compte suffisamment du passé de l'entreprise. Les
conséquences probables surgissent au niveau du refus des salariés
se trouvant face à une personne qui impose ses décisions alors
qu'il ne dispose pas de la légitimité nécessaire. Le
climat social se dégrade alors et les objectifs en termes de
résultats ne seront pas atteints.
1.2 Le repreneur, éclaireur s'apprêtant
à partir à la rencontre du gardien du temple.
Muzyka & Birley insistent sur "le facteur
d'équilibre primordial que constitue la préservation du cercle de
la famille et des amis" pour l'acquéreur potentiel qui construit son
projet de reprise. Les repères qu'il possède sont souvent remis
en cause, ce qui peut être une source de déstabilisation pour
lui.
Pour le repreneur, le risque lié à sa
personnalité est d'avoir un coup de coeur pour une entreprise, et de
perdre son objectivité. Il masque ainsi les points négatifs de
l'entreprise et découvrira la réalité du terrain lors de
la période de transition, après la signature de l'acte de vente.
Cette situation est fréquente dans la mesure où son interlocuteur
l'entraîne dans cette direction. Cette attitude tend donc à
améliorer la qualité de la relation cédant/repreneur par
un rapprochement de leur point de vue sur l'entreprise et son potentiel.
Un point d'incertitude important pour le repreneur concerne le
niveau de responsabilités du
cédant. Son champ d'action
dépend en effet fortement de son identité et de sa
personnalité. Il
faudra donc approfondir l'étude de sa personnalité
et de sa fonction, afin de cerner précisément la relation homme -
fonction.
La compréhension pour chacun des acteurs de ses propres
enjeux et de ceux de son interlocuteur, permet de faciliter l'estime mutuelle
et les aider à adapter leurs comportements. Pour parvenir à cet
objectif, ils doivent préparer ce premier rendez-vous.
2. Une première analyse de l'entreprise,
étape indispensable avant toute rencontre.
Avant de se rencontrer, les deux acteurs de l'opération
doivent s'intéresser au profil de leur interlocuteur et aux
caractéristiques de l'entreprise transmissible. La constitution d'un
dossier est donc vivement conseillé, pour lequel Lecointre (2008) fixe
deux règles :
· Le dirigeant cédant s'engage à être
transparent sur toutes les données qui constituent la carte
"génétique" de l'entreprise.
· Le repreneur doit prendre le temps d'étudier le
dossier dans un certain ordre, sans brûler les étapes.
Ces règles d'or semblent basiques, mais sont trop
rarement respectées. Le cédant transmet effectivement
régulièrement des données générales sur
l'entreprise, mais refuse toute autre avancée lorsque son interlocuteur
souhaite étudier la concurrence sur ce marché, le dernier bilan
ou les investissements de l'entité. Il pense être en mesure de
céder en transmettant peu de données confidentielles avant tout
engagement de la part du repreneur potentiel. Les deux protagonistes sont
pourtant conscients qu'il faut trouver un juste milieu entre la
confidentialité des données de l'entreprise, et sa totale "mise
à nu" auprès des repreneurs potentiels. Chacun va devoir suivre
une démarche précise afin de respecter les règles
précitées et d'atteindre leur objectif commun : réaliser
une opération de transmission/reprise satisfaisante.
2.1. La constitution du dossier de la part du
cédant :
En échange du ciblage sur des repreneurs potentiels
sérieux, le cédant doit être prêt à confier de
plus en plus d'informations au-fur-et-à-mesure du processus de
sélection :
- une brève fiche descriptive de l'entreprise pour la
présélection des repreneurs.
- un dossier complet de présentation pour la
sélection de l'acquéreur, ou "Selling
Mémorandum" (Meier & Schier), après la
signature d'un engagement de
confidentialité des données.
- des informations détaillées si le cédant
est satisfait du déroulement du premier entretien.
- toutes les informations nécessaires pendant la phase de
négociation et des audits d'acquisition.
Si le dirigeant n'est pas apte, dans ce contexte, à
"photographier" et confier les données suivantes à ses conseils,
il n'est pas prêt psychologiquement à céder son entreprise
:
· historique de l'entreprise.
· documents liés à l'aspect juridique:
répartition du capital, conventions, statuts.
· descriptif détaillé de l'activité
(CA par produit, fournisseurs, exclusivités...).
· documents commerciaux, organisation commerciale et nombre
de clients.
· données concernant le marché, y compris les
avantages concurrentiels.
· liste des moyens d'exploitation (locaux,
matériels, personnel)
· documents financiers (bilan des trois derniers
exercices, tableaux de bord analytiques, business plan prévisionnel,
trésorerie moyenne et mensuelle, présentation des banques
partenaires, analyse des comptes courants, de la distribution de dividendes et
des cautions apportées).
Ces apports sont obligatoires de la part du cédant,
qui présente ainsi son entreprise de manière transparente et
construit les bases d'une relation de confiance avec le repreneur. Il est alors
en droit d'exiger des efforts de la part du ou des repreneur(s)
potentiel(s).
2.2. L'étude du dossier de la part du
repreneur:
Le repreneur potentiel se concentre dans un premier temps sur
la compréhension du métier exercé et du secteur
d'activité de l'entreprise, puis sur ses aspects technique, humain,
environnemental et concurrentiel.
Il doit ensuite établir une fourchette de prix de cession
assez large, et déterminer si elle est compatible avec ses moyens
financiers.
Lors de cette étape, les bilans et états
financiers de l'entreprise ne sont pas encore disponibles. D'après
Lecointre (2008), "ils ne sont d'ailleurs pas nécessaires dans la mesure
où ils déforment souvent la réalité de la situation
économique de l'entreprise".
Si le candidat repreneur estime disposer de moyens financiers
suffisants à ce stade de l'étude, il doit réfléchir
à la valeur ajoutée qu'il peut apporter à l'entreprise. Le
processus de reprise peut se poursuivre en cas de réponse positive.
Aborder le sujet de l'origine de cette valeur ajoutée au cours de la
phase de négociation serait une erreur regrettable pour le repreneur,
qui apporterait à son interlocuteur une raison de limiter ses efforts au
niveau de la baisse du prix de cession.
Il peut alors répondre favorablement à une
demande de premier rendez-vous en compagnie du
dirigeant. Il doit
maîtriser les points centraux de l'entreprise et de son organisation,
mais aussi
mettre en avant des questions cohérentes, qui capteront
l'attention du cédant et le valoriseront.
3. La première rencontre.
Des règles doivent être fixées au niveau
de la confidentialité des données échangées et de
la transparence. La construction d'une relation de confiance se trouve en effet
directement liée au respect de ces deux principes. La relation
désigne "la forme et la nature du lien qui unit deux ou plusieurs
personnes : on parle ainsi de relations professionnelles" (Picard, 2002). Elle
implique une certaine stabilité. Le lien est subjectif en même
temps qu'objectif, ce qui a des conséquences directes sur le
déroulement de chaque phase du processus de transmission d'entreprise.
Il s'agit maintenant de décrire le montage d'une relation de confiance
entre les deux parties.
Plusieurs règles d'or existent afin de construire les
fondations d'une relation de travail saine :
· Juger le passé est un sujet qui perturbe. Il est
donc conseillé de n'aborder que le futur dans le cadre de cette
rencontre.
· Rester ouvert au point de vue de l'interlocuteur en cas
de désaccord.
· Montrer que l'on connaît son dossier par des
questions et réponses précises concernant l'entreprise.
La première rencontre se déroule le plus
souvent entre deux profils assez différents, notamment au niveau de
l'âge et de la formation. Le fondateur se trouve face à un
commercial ou à un technicien, qui sont les profils type des repreneurs
des années 2000. Même si ils visent un objectif similaire (la
réussite de l'opération), les visions portées sur
l'entreprise sont opposées : une haute valeur affective
(dépendant de critères subjectifs ou liés au passé
de l'entreprise) fait face à une vision financière (liée
à un calcul de la durée de remboursement de l'emprunt
nécessaire au rachat). Chacun doit donc prendre en compte les arguments
de l'autre partie, et "mettre de l'eau dans son vin", sous peine que la suite
de l'opération ne tourne à la confrontation.
Ce rendez-vous s'apparente, quel que soit l'initiateur de
l'opération, à un entretien d'embauche du repreneur, pendant
lequel celui-ci présente sa candidature et doit convaincre. Les deux
protagonistes sont dans la phase de découverte, la qualité qu'ils
doivent mettre en avant est donc l'écoute, afin d'obtenir des
informations nécessaires à la poursuite de ce projet de
transmission/reprise de l'entreprise.
Le repreneur a pour objectif de centrer la discussion sur la
vie de l'entreprise. Il doit
finalement peu parler de lui, car il est en
mesure de convaincre indirectement son
interlocuteur. Il pourra en effet démontrer ses
compétences par l'intermédiaire de questions judicieuses et
cohérentes vis-à-vis du dossier et des faits décrits par
le cédant. Acquérir des informations techniques,
économiques, sociales et liées à l'organisation de
l'entreprise lui permettra de mieux cerner son fonctionnement au quotidien. De
plus, il obtiendra des informations sur la personnalité de son dirigeant
et la culture des salariés, ainsi que leur façon d'interagir.
Le cédant doit quant à lui étudier les
compétences du repreneur au niveau humain, technique et financier. Pour
le dirigeant-fondateur, le repreneur doit être digne de l'entreprise. Il
va donc analyser la personnalité du repreneur potentiel à la
manière d'un recrutement pour un poste de direction. Mais il a tendance
à rechercher une personne proche de ses aspirations, afin d'assurer une
certaine continuité dans le changement, plutôt qu'une personne qui
apporte un réel renouveau à l'entreprise. Il privilégie
trop souvent la relation cédant-repreneur, plutôt que le lien
repreneur-entreprise.
Le repreneur potentiel doit donc entamer un processus de
légitimation, notamment au niveau de deux points clés : vision et
mission. La vision constitue la façon dont la personne perçoit le
métier tandis que la mission représente la façon de
valoriser l'entreprise. Le cédant y sera très sensible car il
craint souvent une perte d'identité de l'entreprise suite à sa
cession.
Mais le "candidat" doit rester lui-même et bâtir
son plan de reprise en répondant en priorité aux besoins de
l'entreprise en vente. Il doit en parallèle préserver la
majorité des éléments d'ordre symbolique ou structurel
provenant de l'ancien dirigeant, dans l'optique de faire évoluer
l'entreprise dans un souci de vision partagée.
Une alchimie doit s'opérer entre les deux acteurs,
tout du moins en apparence. Elle est représentative de certaines valeurs
communes, ce qui constituera un élément facilitateur pour une
opération réussie, notamment vis-à-vis des employés
à la suite de l'arrivée du repreneur dans l'entreprise.
Même si une relation de confiance se construit, chacun des acteurs ne
prendra pas chaque donnée transmise pour argent comptant. Il devra
l'étudier et la recouper avec d'autres documents ou discours
reçus au cours des différentes phases.
On peut citer, parmi les risques impactant sur la qualité
de la relation, les constatations suivantes :
· Une paranoïa récurrente de la part du
cédant, qui confie peu d'informations alors que la confiance de
confiance est mutuelle.
· Un excès de zèle du repreneur, qui sent
l'affaire bouclée avant la signature et change de comportement.
· Des points de vue inconciliables, à cause
d'une éducation, d'une formation ou d'une culture distincte.
Il est fréquent que le cédant ait
déjà monté son dossier et effectué son
évaluation basée sur les trois meilleurs exercices. Evoquer ce
point lors de la première rencontre est souvent un premier sujet de
désaccord majeur étant donné que son interlocuteur ne
dispose que de peu d'informations sur l'entreprise, mais sera dans la plupart
des cas au courant qu'il doit se concentrer sur les trois derniers bilans. Il
est donc préférable de ne pas aborder l'aspect financier de
l'opération, sous peine de compliquer la relation humaine.
Lecointre (2008) déclare qu'un "premier rendez-vous
positif est un rendez-vous que l'intervenant désire renouveler".
A la suite de l'entretien, chaque intervenant doit prendre
rapidement l'initiative d'exposer ses intentions concernant la poursuite ou non
de la négociation. Dans le cas où le repreneur juge l'entretien
positif, il enverra un message de remerciement, et abordera
éventuellement un point important pour lequel il souhaite obtenir des
informations supplémentaires.
4. Approfondissement de la relation de confiance
:
Au terme de plusieurs rencontres, le candidat repreneur
possède une première idée concernant le leadership du
dirigeant en place. Il se base sur l'historique du développement de
l'entreprise, mais aussi sur le "processus parallèle", qui consiste
à considérer que la relation cédant/repreneur se construit
et fonctionne de la même manière que la relation
cédant/collaborateurs.
S'il ressent une certaine confiance et proximité
envers son interlocuteur, son hypothèse montre que le dirigeant est
proche de ses équipes et respecté. Il peut en tirer deux
conclusions:
· Le climat social est plutôt bon et les
employés font confiance au dirigeant car il a souvent pris les bonnes
décisions.
· Le repreneur va connaître des difficultés
pour remplacer cette personne et va devoir être irréprochable, car
les employés idéaliseront la période pendant laquelle il
travaillait avec son prédécesseur.
S'il estime ne pas cerner réellement la
personnalité du cédant, il préjuge que son degré de
leadership est limité et qu'il existe un contre-pouvoir dans
l'entreprise. Dans ce cas, deux déductions s'imposent:
· Le repreneur va être en mesure de s'imposer
rapidement et faire oublier son prédécesseur.
· Le climat social va être plus tendu, et des
revendications vont voir le jour. En fonction du point de vue des personnages
clés de l'entreprise sur la stratégie, l'acquéreur va
décider de promotions ou licenciements, voire de restructurations.
Cerner la personnalité du cédant va aussi
permettre à l'acquéreur d'évaluer le niveau d'implication
de son interlocuteur pendant la phase d'accompagnement. En outre, il pourra
apprécier le rythme de changement qui a été impulsé
à l'entreprise pendant ces dernières années, et en tenir
compte dans son plan de reprise. On constate en effet que plus les
salariés sont habitués à leurs méthodes de travail,
leurs acquis et leurs habitudes depuis longtemps, plus il est difficile de les
convaincre du bénéfice qu'ils vont tirer du changement. Faire
accepter un changement et assurer sa mise en place ne dépend donc pas
que du nouveau dirigeant, qui devra convaincre et "mettre les formes".
Les protagonistes doivent poursuivre continuellement le
développement de la relation. La connivence se travaille, en prenant du
recul sur un éventuel "courant de pensée ou d'action commun"
(Lemonnier, 2007). Au cours des différents échanges, chacun doit
réaliser un bilan concernant les connivences existantes et celles
à développer, dans une optique de meilleure compréhension
et connaissance de son interlocuteur. Les émotions doivent aussi
être recensées, avec les émotions comprises par
l'interlocuteur (émotions communes) et non comprises, qui peuvent le
heurter. D'autre part, lister les valeurs de chacun permet de dégager
certains antagonismes. Un suivi doit donc être entamé, afin
d'apprendre de chaque interaction.
Ils doivent donc multiplier les échanges, et peuvent
matérialiser leur entente cordiale en construisant une relation
personnelle d'amitié.
Section 3 : La précision des risques liés au
personnel et aux partenaires extérieurs de l'entreprise au cours de la
phase d'évaluation.
La qualité de la relation entre les deux personnes se
révèle déterminante, car à l'origine de la
qualité des informations que recevra le repreneur sur la cible dans le
but d'analyser sa situation. Ce dernier doit tout de même rester vigilant
concernant le réel engagement du dirigeant à vouloir lui
céder son entreprise.
La transparence au niveau de la transmission des
données n'est donc possible qu'en cas de confiance réciproque,
au-delà de l'engagement de confidentialité. Grâce à
une analyse sur le terrain, le repreneur va pouvoir se faire une
première idée plus précise et plus concrète en
prenant en compte des facteurs subjectifs (tel que le climat social, le niveau
de responsabilités du dirigeant, la structure de pouvoir...).
Un apport supérieur d'informations peut malgré
tout déboucher sur un écart plus important entre les deux
premières valeurs estimées, qui prennent rarement en compte les
facteurs subjectifs lorsqu'ils leur sont défavorables.
1. Les facteurs de risque à étudier lors
de l'analyse de l'entreprise.
Le cédant analyse et évalue une partie de
lui-même, basée sur un travail de longue haleine. Cette approche
est en totale opposition avec celle d'un repreneur, qui aura tendance à
se comporter de manière rationnelle et objective, et à
étudier la rentabilité de l'entreprise.
Parmi les risques pour le repreneur, la conduite d'un projet
entrepreneurial s'accompagne incontestablement d'une phase d'exaltation,
pouvant mener à un esprit devenu mégalomane. Il perd sa
lucidité et son objectivité, et peut omettre quelques obstacles
à la reprise, qu'il juge mineurs lors de cette étape de
l'opération. Daniel F. Muzyka et Sue Birley parlent "d'optimisme
exagéré et d'esprit embrumé". En gardant toute son
objectivité, le repreneur peut se demander si les relations dont
bénéficie le cédant et son entreprise seront
prolongées audelà de la cession par les partenaires ou même
certains employés. Le repreneur encoure effectivement le risque qu'un
fournisseur de l'entreprise et ami de longue date du cédant revoie ses
conditions de vente extrêmement favorables à la hausse. Cette
situation peut arriver avec une personne clé de l'entreprise qui
était peu regardante sur le salaire car travaillant pour le compte d'un
ami personnel, et qui demande sur revalorisation salariale. Au-delà des
risques financiers, entamer une relation de travail sur la base d'une
renégociation peut entraîner des tensions pour le nouveau
dirigeant, pas encore intégré et légitime vis-à-vis
des équipes. Un repreneur interrogé affirme avoir
été dans ce cas et a ainsi fait part de deux remarques : cette
demande de revalorisation salariale s'est communiqué à d'autres
salariés, pour qui les mêmes efforts ont été
réalisés par souci d'équité. Il s'en est ensuite
félicité, dans la mesure où ils connaissaient mieux ces
personnes, qui se sont senties reconnues et respectées. Elles ont
apportées une valeur ajoutée supérieur à ses
attentes, ce qui ne lui donne aucun regret quant à la tournure des
évènements.
Dans un autre registre, un salarié membre de la famille
du cédant constitue un risque pour le repreneur. Cette personne va
indiscutablement avoir un impact sur le déroulement de la période
d'accompagnement. Il a été constaté qu'elle est, à
terme, source de désagréments et de désaccords profonds
avec le repreneur. Il est donc conseillé de trouver un arrangement avant
la signature du protocole d'accord. Son départ sera ainsi
planifié après que les formations et les transferts
d'informations nécessaires ont été dispensés.
D'après deux dirigeants interrogés, les autres salariés
sont dans ce cas a priori satisfaits de ces changements car les
membres de la famille du dirigeant sont souvent considérés, au
sein de l'entreprise, comme les "yeux de Moscou".
Un dirigeant a d'autre part fait remarquer qu'un apport
supplémentaire d'informations de la part de l'autre partie, grâce
à une transparence des données transmises, l'aurait
effrayé par rapport à l'ampleur de la tâche, et l'aurait
peut-être incité à rompre le processus de reprise.
2. Analyse économique de
l'entreprise.
Le repreneur potentiel devra trouver, au contact du
cédant, un compromis entre le comportement professionnel mais basique du
financier et l'attitude passionnelle, basée sur l'émotionnel, de
son interlocuteur. A son écoute concernant l'importance affective que
revêt l'entreprise pour ce dernier, il exprimera lui aussi ses
sentiments, plutôt liés à un défi personnel.
L'analyse des informations disponibles doit permettre de
dégager les points forts de l'entreprise (atouts, avantages,
opportunités), et ses points faibles (vulnérabilité,
handicaps, menaces). Sur cette base, les parties réaliseront
l'évaluation et prépareront leur argumentaire afin de
négocier et conclure la démarche de reprise.
Une bonne connaissance de l'outil de production est tout
d'abord indispensable. Le diagnostic des moyens permet en effet de comprendre
la chaîne de valeur du secteur, et éventuellement de
réfléchir à une optimisation des méthodes de
travail. Les moyens sont représentatifs de l'activité de
l'entreprise, mais aussi de la personnalité du dirigeant. Citons par
exemple l'utilisation de matériels de pointe, qui montre un certain
dynamisme de la part du dirigeant, due à une forte politique
d'investissements. La qualité des conditions de travail des
salariés, ainsi que leur niveau de formation, sont étroitement
liées à la valeur de l'outil de production. Des ateliers propres
et rangés démontrent par ailleurs qu'ils font preuve de
motivation et de professionnalisme. La gestion des stocks est aussi à
l'image de l'entreprise et de la personnalité du dirigeant, par l'usage
ou non d'un logiciel spécialisé.
Cerner les tâches de chacun va permettre au repreneur
de vérifier l'organigramme, et de réaliser un premier bilan de la
structure de pouvoir, souvent dépendante de la valeur ajoutée du
poste.
Pour chaque domaine d'analyse, les objectifs résident
dans :
· Le montage d'une synthèse, afin d'évaluer
l'ensemble des actifs et identifier les causes de possibles manques.
· Etablir des actions correctives et une politique
d'investissements, ainsi que le calendrier associé.
Le second diagnostic se focalise sur l'activité et la
stratégie. L'étude du marché et de la position de
l'entreprise sur ce marché mène à la définition de
la stratégie à mettre en place. Elle impacte directement sur
l'activité du personnel, leur poste et responsabilités, et sur
l'organisation et les méthodes de travail.
La stratégie déterminée et les actions
correctives qui y sont associées joueront un rôle sur le type de
management à appliquer lors la période de transition, et donc sur
la qualité de la relation repreneur/collaborateurs.
Le diagnostic financier viendra appuyer et justifier la
politique du nouveau dirigeant.
Comme le montre le graphique suivant, le diagnostic social a une
importance capitale dans l'optique d'une analyse précise de
l'entreprise. Il porte sur trois champs d'étude :
Fig. 1 : Méthode de
réalisation du diagnostic social.
![](Comment-reussir-sa-transmissionreprise-de-petite-entreprise-de-faon-perenne-8.png)
Ce diagnostic s'intéresse à la situation
précise du dirigeant : est-il indispensable à l'entreprise ? Il
s'agit d'évaluer les conséquences de son départ sur le
comportement de ses collaborateurs et sur la vie de l'entreprise. Son
degré de responsabilités et de leadership va impacter clairement
sur le déroulement de la phase d'intégration du repreneur.
Le candidat à la reprise étudie d'autre part la
situation et le niveau de responsabilités de chaque employé, en
consultant l'organigramme et le dossier personnel de chacun, comprenant un CV
et différents documents liés à leur vis professionnelle
(CV, formations, absences, avertissement...). Il doit particulièrement
tenir compte de l'ancienneté des salariés, des primes diverses et
des avantages sociaux. Le turnover au sein des équipes constitue aussi
un indice important.
Comme nous l'avons vu précédemment, une
première mesure du climat social peut être réalisée
avant la visite de l'entreprise et la rencontre des salariés, par
l'étude de la personnalité du dirigeant et l'évolution de
la relation cédant/repreneur.
Concernant la troisième mesure, les interviews
réalisées nous permettent d'affirmer que très peu de
repreneurs cernent l'évolution du climat social qui règne dans
l'entreprise au cours des mois précédents l'opération.
Cette information est pourtant en effet très utile dans la mesure
où elle représente la relation cédant/repreneur, base du
contexte de l'arrivée du repreneur dans l'entreprise.
Le repreneur doit obtenir, au terme du diagnostic social, une
vision claire des compétences de l'effectif, des capacités
d'évolution, mais aussi des difficultés potentielles. Il doit
évaluer l'évolution possible de l'effectif, au niveau quantitatif
et qualitatif. En accord avec la stratégie visée, il est possible
d'en déduire de prochains coûts en terme de formation.
Le diagnostic juridique devra confirmer que les contrats de
travail sont en règle et qu'aucune action de justice n'a
été entamée, en particulier à la Chambre
Prud'homale.
Chaque partie aborde l'entreprise d'un point de vue particulier,
leur méthode d'évaluation diffère donc. Leurs motivations
divergentes vont aussi impacter sur l'estimation de sa valeur.
3. Première évaluation de
l'entreprise.
Le déroulement d'une transmission/reprise de petite
entreprise est perturbé par la présence d'asymétries
d'information, qui entraîne souvent une fixation du prix de vente
basée sur une évaluation des actifs intangibles variable. Lors de
l'opération, le cédant est mieux informé que
l'acquéreur sur les performances présentes de l'entité, et
sur celles potentielles dans l'avenir proche. Il a donc intérêt
à ne pas divulguer certaines données qui peuvent faire diminuer
son prix de vente, ce qui arrive finalement régulièrement,
consciemment ou inconsciemment.
Cerner la personnalité du dirigeant a permis à
l'acquéreur de déterminer la valeur ajoutée qu'il va
apporter dans l'entreprise. Grâce à différentes
données liées au marché et au personnel, il va être
possible de déterminer un potentiel de l'entreprise, et réaliser
ainsi une première évaluation.
Philippe Campos (expert CRA) précise quant à
lui qu'il "apparaît pertinent de privilégier, dans le contexte
actuel, la méthode des flux futurs de trésorerie
actualisés. Une étude aboutie favorisera, en outre, auprès
des partenaires, la mise en place du plan de financement". Cette méthode
n'est pas idéale pour chacune des parties, mais permet de rapprocher
leur première évaluation.
Cet écart peut tout de même avoir un impact sur
le comportement du cédant. Il peut privilégier l'accroissement de
la performance à court-terme de son entreprise, c'est-à-dire les
projets dont le délai de retours sur investissement est bref, au
détriment des investissements de long terme comme, par exemple, la
R&D. Ce risque de changement de comportement du cédant dans la
période qui précède la cession est pris en compte par
l'environnement qui, face à l'annonce de la mise en vente d'une
entreprise, peut modifier son comportement vis-à-vis de la firme
à céder.
Comme nous l'avons vu précédemment, le fait que
le cédant soit trop tourné sur le passé de l'entreprise
(et le rôle qu'il y a joué) pendant la phase d'évaluation
constitue un autre risque pour l'acquéreur. Il peut en effet surestimer
la valeur de l'entreprise, dû au facteur affectif. Le repreneur ne doit
pas en être surpris, mais il s'agit de faire prendre du recul à
son interlocuteur.
L'expert-comptable de chaque partie devra d'autre part
déterminer la valeur du goodwill de l'entreprise. Il s'agit de la valeur
de certains biens incorporels d'une entreprise, tels que le savoir-faire, la
réputation, la force de sa marque ou la qualité de sa
clientèle.
Les dirigeants rencontrés insistent aussi sur le fait
que décortiquer les dossiers clients et évaluer leur
fidélité est une étape obligatoire afin que
l'évaluation de l'entreprise ait un sens. Ces deux points peuvent
engendrés des désaccorde entre les deux parties, il est donc
conseillé aux acteurs de l'opération de laisser les débats
aux mains des conseils.
Dans un contexte de crise, certains comportements
irrationnels sont observés, tel que le phénomène
d'imitation, qui conduit chacun à suivre la foule qui est
supposée avoir une meilleure information. Ces phénomènes
s'analysent au travers de la finance comportementale, sur laquelle s'appuie de
plus en plus l'évaluation d'entreprise. Elle applique "la psychologie
à la finance et remet en cause l'efficience de marché"
(Kahneman). L'évaluation d'un bien prend en compte certains
critères de son propriétaire et potentiel acheteur. Par ce biais,
elle s'adapte à l'évaluation d'une entreprise, et favorise la
compréhension mutuelle des deux parties.
A noter que même en situation d'information
symétrique, le prix offert par le repreneur sera différent au
profit futur que le cédant pourrait réaliser. Cet écart
s'explique par des différences dans la formation des anticipations et
dans l'attitude vis-à-vis du risque de chacun.
Mais rappelons que la valeur d'une entreprise ne peut
être fixée grâce à une évaluation. Il s'agit
d'un ordre de grandeurs de valeurs possibles. D'après l'APCE,
"l'entreprise est un objet unique, dont une bonne partie de la valeur
dépend de quelqu'un qui s'en va (le cédant) et de performances
futures dont la réalisation n'est pas certaine".
La véritable valeur de l'entreprise est en fait le
prix de cession, prix accepté par le cédant, et que le repreneur
est capable de financer sans mettre en péril sa pérennité.
L'ensemble des experts s'accordent sur le fait que la négociation
demeure envisageable si l'écart entre les prix estimés est
inférieur à 30%.
La lettre d'intention peut alors être signée
dans le cas où les deux parties souhaitent formaliser leur intention de
poursuivre l'opération. La fourchette de prix provenant des
premières évaluations sera indiquée, tout comme les
modalités de reprise et les conditions suspensives de l'accord. Cette
lettre est "engageante et juridiquement contraignante" (Meier & Schier,
2008). Il sera alors temps de réaliser les audits d'acquisition.
Les audits d'acquisition (ou due diligences) permettent au
candidat repreneur d'obtenir une information fiable sur la situation actuelle
et future de l'entreprise. Il sera à même de croiser ces
données avec celles obtenues en amont. Parmi les différents
audits, l'audit social vise à identifier les collaborateurs clés,
qui détiennent un savoir-faire indispensable à l'entreprise
(portefeuille clients, qualification...). Le repreneur potentiel les a
déjà rencontrées si les étapes
précédentes ont été correctement menées.
Meier & Schier conseille fortement, comme certains repreneurs
rencontrés, "de les associer au projet de reprise, afin d'obtenir des
garanties de leur fidélité par des engagements
spécifiques". Il s'agit de plus d'analyser les risques sociaux,
liés aux systèmes de rémunération et au poids des
engagements de la société.
La négociation finale peut alors débuter.
Section 4 : Les risques liés la relation
cédant/repreneur au cours de la phase de négociation.
Chaque intervenant prépare cette phase en soulignant
dans un premier temps les principaux points d'accord sur lesquels ils peuvent
s'appuyer. "Une reprise, c'est d'abord deux personnes qui se sont plu et qui
ont su garder de bonnes relations pendant la négociation" (Meier &
Schier, 2008). Les antagonismes inutiles (Lemonnier, 2007) seront aussi
étudiés, souvent à l'origine de tensions
supplémentaires. Ils sont liés à des valeurs, des opinions
personnelles, des mots particuliers prononcés...
L'enjeu de la négociation doit être
considéré "comme tout ce qui va avoir une incidence
sur
l'ensemble des intérêts, préoccupations, besoins,
attentes et risques ressentis par les
négociateurs" (Dupont, 1994). Il évolue suivant
le temps et les circonstances. C'est grâce à cette
flexibilité que peut être obtenue la convergence. Mais même
en cas de relation privilégiée, l'attitude observée doit
être positive, sans aborder les possibles désaccords de
manière frontale. Les compromis seront trouvés plus facilement
dans le cas d'une alchimie entre les interlocuteurs, principalement par
l'intermédiaire de jeux. La créativité et la
capacité à saisir des opportunités mènent chacun
à une satisfaction personnelle, même si la partie n'est pas tout
à fait gagnée. Chacun doit reconnaître les coups
réussis et le talent de la partie adverse, et se montrer à la
hauteur. Mais "attention à l'humour non partagé, qui peut
être ressenti comme du mépris" (Lemonnier, 2007).
En cas de désaccord, il s'agit de suivre le mode de
raisonnement de son vis-à-vis, en y ajoutant sa touche personnelle. Les
arguments peuvent être puisés dans son mode de pensée, ce
qui s'avère très convaincant. Dans le cas où un sujet
bloque, chacun prendra du recul sur la situation et en discutera avec ses
conseils. Ce thème sera à nouveau abordé lorsque la
confiance sera revenue grâce à des accords trouvés sur
d'autres domaines.
Un principe simple doit en tout cas rester à l'esprit
de chaque interlocuteur afin de limiter les risques de rupture: ne pas exiger
de l'autre partie ce que l'on ne pourrait s'imposer à soimême. De
plus, une fréquence de contacts trop régulière entre les
deux principaux protagonistes peut aussi devenir un risque, car le moindre
malentendu ou désaccord au cours de la négociation peut engendrer
une cassure dans la relation cédant/repreneur, et donc, dans le
processus de reprise. Les experts sont présents pour aborder la
majorité des points, dont ceux qui fâchent. Cependant, la question
du prix doit être débattue directement entre le cédant et
le repreneur.
Concernant la négociation du prix de cession, le
modèle Valentin® conçu par Lecointre (2008)
peut se révéler un élément facilitateur pour
parvenir à un accord. Si cette méthode développée
estime précisément le prix réel de vente d'une entreprise,
c'est parce qu'elle prend en compte des facteurs qualitatifs. Elle prend en
compte et pondère la valeur commerciale de l'entreprise, la
capacité d'autofinancement et les fonds propres de l'entreprise. La
valeur commerciale comprend la disposition éventuelle d'un avantage
produit (savoir-faire, complexité produit...), le niveau de
maîtrise de sa clientèle (fidélité, concentration
sur le marché...) et la disposition d'atouts humains et
économiques qui la prédisposent à une croissance
(organisation "démocratique", possibilité de
développement...).
Les acteurs doivent trouver un prix acceptable pour les deux
parties : il s'agit de la "juste valeur". Il y a différentes solutions,
avec des impacts positives ou négatives à court, moyen et
long-terme. La pérennité de l'entreprise doit rester leur
objectif premier. Elles sont souvent d'accord sur le fond : réaliser
l'opération.
Alors que l'objet et le prix de l'achat est
déterminé, elles rencontrent cependant encore des
difficultés au niveau des clauses suspensives et des garanties d'actif
et de passif, ce qui tend généralement les relations, avant de
signer le protocole d'accord.
Des garanties d'actif et de passif sont en effet
demandées au cédant, dans le but de protéger le repreneur
contre une éventuelle perte de valeur causée par une action
précédant la vente. La durée, la nature et le montant de
ces garanties sont négociés. Même dans le cas où la
relation de confiance est totale, cette étape est très fortement
conseillée par les experts. C'est la raison pour laquelle des tensions
peuvent apparaître en cette fin de négociation. Le repreneur devra
se montrer assertif, en défendant ses droits sans empiéter sur
ceux des autres. "L'assertivité correspond à une attitude de
fermeté par rapport aux événements et à ce que l'on
considère comme acceptable ou non, de façon à
développer des relations plus harmonieuses" (Edmond & Picard). En
fonction des derniers débats d'idées, informations
échangées et compromis trouvés, les
caractéristiques de la période d'accompagnement pourront
être fixées.
Le protocole d'accord concrétise les points d'accord
de la négociation. L'acte de vente reste tout de même
dépendant de la levée de conditions suspensives. Nous pouvons
citer comme principales conditions l'obtention des financements
nécessaires et d'agréments administratifs de la part du
repreneur. La rédaction de l'acte de vente interviendra à la
levée de ces conditions.
Chapitre 3 : Etude de la relation tripartite à
partir de l'arrivée du repreneur.
De nombreux conseillers et organismes accompagnateurs
considèrent maintenant leur mission terminée, dans le cadre d'une
opération conclue avec succès. L'objectif de ce chapitre est de
faire comprendre aux cédants et repreneurs que leur objectif commun de
réaliser une opération bénéfique pour le
développement et la pérennité de l'entreprise va largement
dépendre du déroulement de la phase d'arrivée du repreneur
(décrite dans la section 1.1). Dans un nombre de cas trop important, le
nouveau dirigeant doit attendre cet évènement afin de rencontrer
ses futurs collaborateurs. Les premières impressions de chacun seront
capitales dans la construction des relations de travail durant les mois
suivants.
Nous nous concentrerons dans la deuxième section sur
la période d'accompagnement du repreneur, au cours de laquelle
l'évolution de la relation cédant/repreneur va fortement impacter
sur la motivation et le bien-être des équipes au quotidien.
Enfin, le départ du cédant est un moment dont le
déroulement dépend principalement de la
qualité des
relations au sein du trio cédant/repreneur/collaborateurs. Il peut
être un moment de
joie pour chacun, comme une rupture nette. La
troisième section permettra d'avancer plusieurs règles afin que
chacun prépare le départ du cédant, et reconnaisse son
travail et ses qualités. Il doit lui être rendu un hommage
à la hauteur de son engagement passé pour l'entreprise.
Section 1 : La phase d'arrivée du repreneur, un
tournant dans la vie de l'entreprise.
Dans la plupart des cas, l'annonce d'un changement de
dirigeant et de l'arrivée du repreneur faite aux salariés
intervient brutalement et à quelques minutes d'intervalles, ce qui
engendre des attitudes négatives de la part des salariés, pouvant
mener, à terme, à un échec de l'opération de
reprise et à la défaillance de l'entreprise. Les risques
constatés sur le terrain visant les deux principaux protagonistes seront
analysés (1). Le degré de risque dépend du niveau de
centralisation des responsabilités du cédant, et donc du vide
qu'il va créer dans l'entreprise. "L'environnement réagit
d'autant plus négativement à ce problème de transfert que
les performances de l'entreprise sont fortement liées au capital humain
du cédant, qui est un actif spécifique inaliénable"
(Moore, 1992).
Fiegener (1996) déclare quant à lui qu'"il
n'existe pas d'évènement non récurrent plus critique que
le transfert du pouvoir et de l'autorité d'un dirigeant à un
autre". Une préparation minutieuse est donc indispensable et sera
abordée dans un second temps (2).
1. Les risques encourus par les différentes
parties.
Nous pouvons rapidement pu confirmer les propos de Boussaguet
(2006), selon laquelle "l'émotion est un facteur de perturbation pour
l'ensemble des acteurs", en particulier à partir de l'annonce du
départ du cédant. Les personnes interviewées nous en ont
effectivement fait part.
Nous allons nous attacher à étudier les points
de vue du cédant (1.1), du repreneur (1.2) et des collaborateurs (1.3)
au niveau de leurs incertitudes et les risques qu'ils doivent maîtriser
lors de cette phase. Nous fixons, dans un premier temps, l'hypothèse que
la relation cédant/collaborateurs est saine, basée sur la
confiance et le respect mutuel.
1.1. Les risques encourus par le cédant
:
Les risques liés à sa propre personne
concernent en premier lieu la non maîtrise de ses émotions lors de
l'annonce aux équipes de la cession de l'entreprise. La façon
dont il va annoncer l'opération à l'ensemble des équipes
est déterminante afin que sa décision soit comprise par ses
collaborateurs. Cette annonce doit avoir été
préparée en compagnie du repreneur, et éventuellement avec
un coach s'il a des doutes sur sa capacité à gérer ce
moment difficile. Il doit être clair et concis vis-à-vis des
salariés, suspendus à ses lèvres au moment de l'annonce de
cet évènement capital. Ceux-ci vont avoir tendance à
découvrir qu'une opération se préparait dans leur dos, et
qu'ils n'étaient pas mis dans la confidence. Leur attitude va être
fortement liée à la raison pour laquelle le cédant a pris
la décision de quitter son entreprise et ses salariés, et
à sa justification quant au déroulement choisi du processus
engagé.
Le risque principal de cette annonce réside donc dans
l'émergence de menaces pesant sur la qualité de la relation
cédant/collaborateurs. Les employés vont en effet connaître
un premier choc lorsqu'ils apprennent la nouvelle. Le cédant doit
gérer ces réactions en compagnie du nouveau dirigeant, sous peine
de perdre la relation de confiance et de respect mutuel qu'il entretenait avec
les membres de l'entreprise, ce qu'il pourrait ressentir comme un échec
de l'opération...
Les risques pour le cédant sont aussi liés
à l'attitude que va tenir le repreneur lors de cette phase. Sa
légitimité peut être mise à mal si l'image ou
l'attitude de l'acquéreur n'est pas en adéquation avec ses
attentes ou celles des salariés. Ce dernier doit montrer qu'il est le
dirigeant officiel, mais qu'il est impatient de découvrir l'entreprise
plus en profondeur et faire connaissance avec chaque salarié.
1.2 Risques pour le repreneur :
Le repreneur peut tout d'abord ressentir une
appréhension de ne pas être à la hauteur de la situation et
de la tâche future, dont l'enjeu est la valeur personnelle et
professionnelle des collaborateurs. Rollin décrit un tout autre risque
qu'il a désigné comme le « syndrome de décompression
» : le repreneur peut en effet arriver le premier jour dans un état
de relâchement et de fatigue général, après une
période de festivité, alors que le bon déroulement de la
phase qui débute est primordial.
Le fait que le cédant réalise un long discours,
flou et non-structuré, peut affecter le passage de
témoin et
la première opinion des employés au sujet de l'opération
et du repreneur. Il doit
s'engager à présenter clairement la
personne qui l'accompagne comme le nouveau dirigeant,
celui qui montrera la direction à suivre et prendra
les décisions afin d'atteindre les objectifs de l'entreprise. Il devra
montrer qu'il lui apporte tout son soutien pour prendre les rênes de
l'entreprise. Dans l'idéal, il peut même mettre en avant les
qualités de son successeur, ou plus exactement les raisons pour
lesquelles cette personne est compétente pour reprendre l'entreprise. Il
est conseillé aux deux acteurs de l'opération d'insister sur le
critère de continuité au niveau du management si la santé
financière de l'entité est satisfaisante, afin de rassurer les
collaborateurs.
A noter que le cédant dispose de trois
possibilités lors de l'arrivée de son successeur:
· Quitter l'entreprise lorsque la cession a
été réalisée.
· Rester pour une période contractuelle.
· Changer de poste dans l'entreprise et collaborer avec
l'acquéreur.
La première hypothèse représente un risque
pour le repreneur dans le cas où l'asymétrie d'information est
importante.
La troisième possibilité est aussi
risquée pour les protagonistes, car il s'avère que leurs
intérêts divergent très largement dans la majorité
des cas. De plus, la mise en place de l'autorité du repreneur et de
nouveaux projets se complique.
Les protagonistes choisissent le plus fréquemment la
deuxième hypothèse, au grand bénéfice de tous. Cela
n'empêchera pas les salariés les plus liés à
l'ancien dirigeant d'émettre les pires résistances à toute
proposition de changement s'ils sentent chez lui un profond mal-être. La
même attitude est constatée chez les personnes qui s'estiment
avoir été trompées par le cédant, à qui ils
accordaient leur entière confiance, ou flouées, dans la mesure
où ils étaient candidats au poste.
Il est d'autre part possible que le cédant
désire quitter l'entreprise au plus vite suite à la
présentation du nouveau dirigeant, afin de mettre un terme aux
difficultés qu'il vit depuis le début du processus de
transmission. Il en résulte dans cette situation des risques liés
à une inquiétude légitime des salariés, qui
s'interrogent sur leur avenir, et une position difficile, voire embarrassante,
du repreneur face à une telle attitude de leur ancien dirigeant.
Une personne interrogée a aussi abordé le
risque suivant : la promotion d'un salarié à un poste clé
sans l'accord du repreneur peut être une volonté du cédant
d'entraver le processus d'intégration de son successeur, si cette
personne n'a pas les compétences.
Le risque encouru par le repreneur vis-à-vis de
salariés qui ont foi en leur ancien patron est d'être dans en
premier lieu perçu comme un inconnu. Afin d'éviter qu'ils gardent
leurs distances à son égard, il doit utiliser une qualité
indispensable du chef d'entreprise : mettre à l'aise ses interlocuteurs
en multipliant les interactions, et donc établir un climat de
confiance.
Dans le cas opposé, il est susceptible de faire
l'objet d'intense lobbying et d'être influencé quant à
l'opinion qu'il se forme à propos de la personnalité et la
compétence d'un(e) salarié(e), que ce soit dans un sens flatteur
ou dégradant. Le nouveau dirigeant doit dans cette situation s'affirmer
et annoncer qu'il établira ses propres jugements grâce au travail
futur de chacun dans l'entreprise. Une remise à zéro des conflits
doit donc être clairement effectuée par l'ensemble des acteurs de
l'entreprise, avec la possibilité de recevoir certaines personnes pour
des cas bien particuliers, qui rendent le concept mis en place impossible
à envisager.
Enfin, dans l'hypothèse où son
prédécesseur ne disposait plus entièrement du pouvoir dans
l'entreprise au moment de la cession, les salariés vont débattre
ensemble du sujet et éventuellement formuler des demandes
précises au nouveau dirigeant. Il s'agit alors d'un contre-pouvoir, dont
le rôle doit être limité dans l'entreprise. Cette force
sociale peut en effet restreindre l'exercice du pouvoir en place, donc du
repreneur, et proposer une alternative aux décisions d'une
autorité.
Il est donc nécessaire, pour les deux principaux
acteurs, d'étudier les risques ressentis par les salariés, afin
de bien cerner leurs attitudes et réactions et répondre
clairement à leurs interrogations. Il s'agit donc d'anticiper une
probable dégradation du climat social.
1.3 Risques pour les collaborateurs
:
La qualité des relations cédant/collaborateurs et
repreneur/collaborateurs dépendent à courtterme des risques que
les collaborateurs perçoivent à leur niveau.
Ils sont en priorité sensibles au risque de perdre un
tiers, celui qui a créé l'entreprise et auquel ils sont
attachés. Il s'agit de la dimension affective incontestable du pater,
ainsi que de son autorité naturelle. Le sentiment d'être
abandonné, voire trahi par ce personnage est donc d'autant plus grand
dans le cas où ils n'ont pas été prévenus. Seul son
charisme a la capacité de concentrer l'attention, de retenir la
confiance des collaborateurs, et donc de limiter une inquiétude
démesurée.
A noter que cette dimension de trahison est plus ressentie dans
les entreprises les plus saines du marché, dans la mesure où le
cédant jouait un rôle important dans ce succès.
Les incertitudes liées à la capacité du
repreneur de développer la croissance et les résultats de
l'entreprise est une source d'inquiétude pour les collaborateurs et les
partenaires commerciaux. Dans le cas de l'annonce d'une mise en vente de
l'entreprise avant de connaître le repreneur, les interrogations sont
maximales quant à sa gestion future. La pérennité de la
firme est en effet en partie liée au profil du repreneur, à sa
connaissance de l'entreprise et du secteur d'activité. Une
réaction générale de méfiance et de repli est alors
possible suite à cette annonce.
Lorsque la relation cédant/repreneur est perçue
comme tendue, un autre risque pressenti par les salariés est de trahir
son dirigeant en acceptant de travailler avec "l'adversaire", avec la peur et
la honte de "lâcher" le cédant pour "collaborer" avec le nouveau
dirigeant.
Dans les cas où les résultats de l'entreprise
doivent être améliorés, l'attention des salariés se
portent sur le maintien de leur propre emploi, mais aussi celui de leurs
collègues, ce qui mène à des interrogations au niveau de
l'organisation future de l'entreprise.
Le lever d'une partie du secret de l'opération
engendre donc de nombreux risques pour les trois parties. Le cédant et
le repreneur doivent donc s'unir et s'entraider afin de limiter les risques
communs et démontrer aux salariés que les bonnes décisions
ont été prises afin d'assurer la pérennité de
l'entreprise.
2. La meilleure façon de réaliser une
annonce convaincante : préparer cette phase capitale du
processus.
Je vais aborder dans cette partie la phase de préparation
de l'arrivée du nouveau dirigeant (2.1) et du déroulement de ses
premiers jours de présence (2.2).
2.1 L'anticipation de la phase d'arrivée
:
Le cadre de la négociation, notamment la
confidentialité des données et le secret de l'opération en
cours, compliquent, pour l'acquéreur, cette anticipation des risques
liés à son arrivée et à son processus
d'intégration. La gestion par anticipation est basée sur la
proactivité et le changement à intervalles réguliers. Il
s'agit de créer un sentiment de nécessité
impérieuse pour le respect des échéances.
Mais le processus d'intégration du repreneur dans
l'entreprise commence avant même son arrivée. Il a
déjà pu analyser l'organisation de l'entreprise afin de
comprendre son fonctionnement au quotidien. Dans un souci de juste
évaluation de la firme, le cédant lui a apporté des
informations complémentaires, liées entre autres au facteur
humain. De plus, de nombreux points liés à l'organisation ont
été abordés pendant la négociation. Ce processus de
"socialisation" (Boussaguet) est donc déjà bien avancé
dans l'esprit du repreneur, même si son intégration demeure
virtuelle. Il est tout de même fréquent que le cédant
apporte de plus amples informations à son interlocuteur après la
signature du compromis de vente, ce qui permet à ce dernier de
réviser certaines idées préconçues et
préciser ses intentions. Comme l'annonce un repreneur rencontré,
cela provoque parfois un déclic chez l'acquéreur.
Le repreneur, qui a déjà entamé sa
préparation psychologique afin de changer de rythme de vie, doit
maintenant préciser sa façon de diriger cette entreprise. Il doit
prendre conscience que son rôle dans la société va
radicalement changer, par la prise de responsabilités sociales et
économiques. Les repreneurs quittant un poste de salarié peuvent
le vivre comme un choc, d'où la nécessité de s'y
préparer, en rencontrant des chefs d'entreprise et en partageant
régulièrement ses impressions et ressentis avec un groupe d'amis
ou de collègues de confiance (membres de son réseau personnel
et/ou professionnel). De nombreux repreneurs de petite entreprise le nomme
"conseil d'administration". Ce groupe se réunira ensuite
régulièrement afin de suivre les avancées de l'entreprise
et de proposer au dirigeant de prendre du recul, par un effet miroir sur ses
décisions et actions entreprises. Il va donc peu à peu prendre
ses repères et se préparer à une transition en
souplesse.
Le dirigeant vendeur se basera sur le déroulement de
la visite du repreneur au sein de l'entreprise, pour lui apporter
éventuellement des conseils sur l'attitude à adopter lors de son
arrivée officielle. Ils définiront ensuite une communication de
transition. Les objectifs sont d'informer et de rassurer. Une vision d'ensemble
de l'opération sera décrite, plus particulièrement de la
part du repreneur, qui pourra apporter des précisions sur ses objectifs
principaux, afin de "motiver et fédérer les collaborateurs autour
de son projet" (Meier & Schier, 2008). Il pourra aussi mettre en place des
actions afin de montrer son engagement dans sa prise de fonction, tout en
associant les personnes de l'échelon hiérarchique
intermédiaire à la gestion du changement. Cette proposition doit
constituer un argument de plus afin de conserver les personnes-clés de
l'entreprise, et limiter une possible désorganisation.
Le repreneur devra dans tous les cas s'adapter au contexte
culturel qui l'entoure, s'intéresser au passé de l'entreprise au
contact des salariés, et à ce qu'il est impossible de modifier.
Comprendre l'historique de l'entreprise va en effet permettre au nouveau
dirigeant de comprendre les rites et habitudes des collaborateurs. Il pourra
ainsi s'appuyer sur ce côté affectif cher aux employés
lorsqu'il voudra mettre en avant l'aspect positif de la reprise d'un point de
vue social, mais aussi en mettant en avant la préservation de cet
état d'esprit propre à l'entreprise. A lui de maintenir le lien
de confiance entre l'entreprise et les salariés, et travailler dans un
premier temps dans la continuité de son prédécesseur. Il
s'agit de "chausser les pantoufles" du cédant.
Cette communication rassurante et insistant sur le lien fort
des relations humaines est à moduler en fonction du statut des
interlocuteurs, notamment avec les partenaires extérieurs. La ligne de
conduite du dirigeant doit, dans tous les cas, être basée sur la
transparence et l'engagement, afin de mettre en avant chez les salariés
les valeurs de loyauté et de fidélité, et ainsi instaurer
un climat de confiance propice à rassurer les stakeholders.
2.2 Une gestion optimale du passage de témoin
entre les deux dirigeants.
Le repreneur va endosser le rôle de dirigeant, et
être confronté à la réalité de ce nouveau
statut dans l'entreprise. Il doit découvrir le fonctionnement
réel de l'entreprise alors qu'il en est théoriquement le
dirigeant. Ses priorités sont les suivantes :
· Construire son nouveau rôle directorial.
· Affirmer son leadership, face à des
salariés souvent perturbés et peu motivés.
Le cédant est, à court terme, le seul
élément facilitateur de son intégration. Mais il peut
très vite devenir un élément perturbateur de la reprise
s'il ne réalise pas complètement ou sincèrement les trois
principaux devoirs qui lui incombent. D'où l'importance de la
complicité entre les deux personnes. Les missions du cédant
consistent à :
· Transmettre le savoir.
· Accompagner et rassurer les salariés, et assurer
de la présence légitime du repreneur.
· Faciliter la rencontre entre le repreneur et les
partenaires extérieurs.
Le repreneur arrive, de son côté, avec une
personnalité et une expérience, qui le mène
inévitablement à voir l'entreprise différemment, et
à entrevoir un potentiel de développement grâce à
des changements dans l'organisation ou la technologie utilisée. Il se
trouve cependant face à un héritage solide provenant du
cédant, il doit donc suivre un processus bien défini afin
d'atteindre d'abord un premier objectif : l'intégration dans
l'entreprise. L'intégration constitue théoriquement le "processus
ethnologique" qui permet à une personne de se rapprocher et de devenir
un membre d'un groupe (Intégration à la française, 1993).
Le degré d'intégration dépend des deux parties, donc de
deux facteurs. La personne doit tout d'abord posséder une volonté
de s'adapter et entamer une démarche d'insertion. Quant au groupe, il
doit respecter les différences et particularités de l'individu,
en montrant une capacité intégratrice.
L'adaptation du repreneur se focalise sur les points suivants
:
· Découvrir l'organisation et la vie de
l'entreprise.
· Découvrir le rôle du cédant au
quotidien et acquérir les process de l'entreprise.
· Rencontrer chaque salarié lors d'un entretien
individuel, et développer une relation de confiance, en expliquant
clairement son projet.
Le début de sa prise de fonction constitue pour chaque
repreneur externe à l'entreprise deux exigences qui apparaissent, au
premier abord, contradictoires. Il doit apprendre, acquérir de
l'information pour comprendre l'organisation de l'entreprise, et, d'un autre
côté, s'imposer en tant que leader et pouvoir de décision.
Nous verrons que ces deux impératifs peuvent être
réalisés parallèlement en adoptant une
attitude particulière basée sur les qualités de manager du
dirigeant.
Il faut accepter ce temps d'adaptation et en faire une force,
afin de tisser des liens forts avec les employés, en montrant de
l'intérêt pour son travail, et donc en accordant beaucoup
d'écoute à chaque personnage de l'entreprise. Il aura, pendant
cette période d'immersion, la possibilité de relever des
injustices et de les corriger, à la grande satisfaction de l'ensemble de
l'entreprise.
En outre, l'organisation d'une réunion plus ou moins
formelle peu après le passage de témoin entre les deux dirigeants
permet au repreneur de montrer aux équipes que leurs
préoccupations sont prises en compte, et qu'il est ouvert pour
répondre à toute question. Le fait de laisser la porte de son
bureau ouverte est symbolique d'une ouverture d'esprit et d'une capacité
d'écoute constructive pour le repreneur.
Grâce à cette démarche, la
légitimité du nouveau dirigeant vis-à-vis des
salariés se verra accrue. Elle lui permettra aussi de mieux cerner les
moyens dont il dispose, et, en outre de préciser les changements qu'il
devra mettre en place afin d'atteindre les objectifs fixés dans le plan
de reprise.
Dès son arrivée dans l'entreprise, le repreneur
doit aborder les questions suivantes, classifiées par l'organisme APCE
:
![](Comment-reussir-sa-transmissionreprise-de-petite-entreprise-de-faon-perenne-9.png)
Il doit aussi s'intéresser à la culture de
l'entreprise, représentée par 6 domaines :
· Les rites sont des pratiques qui proviennent des
valeurs communes des membres d'un groupe. Il peut s'agir de réunions de
travail ou d'évènements particuliers, par exemple une
journée portes ouvertes. On peut aussi parler de routines si ce sont des
procédures pratiquées par les membres à intervalles
réguliers.
· Les mythes sont des histoires liées au
passé de l'entreprise, concernant des personnes
ou des
évènements, qui ont marqué son histoire. Ils renforcent
l'esprit de groupe.
· Les symboles sont représentatifs de la nature de
l'entreprise, et des valeurs qu'elle défend (logos, slogans...).
· Les structures de pouvoir représentent la
répartition du pouvoir formel et informel au sein de l'entreprise
(actionnaires, influence politique ou économique, réseau
relationnel...).
· La structure organisationnelle.
· Les systèmes de contrôle et de suivi
(qualité, productivité...).
"Mettre les mains dans le cambouis" est donc une expression
entendue à maintes et qui résume parfaitement l'attitude à
adopter, afin d'obtenir un maximum d'informations fiables grâce à
la construction de relations de confiance envers chacun.
Les déclarations des dirigeants rencontrés
confirment que les premières décisions interviennent
inévitablement au niveau humain, avec des changements rapides mais
mineurs sur la façon de travailler. En débattant de ce sujet en
compagnie de chaque employé, le repreneur apporte des idées et
propositions, qui ont pour objectif d'améliorer sa productivité
en jouant sur son bien-être dans l'entreprise. Les employés
ressentiront ainsi une satisfaction à pouvoir juger des propositions du
dirigeant et à proposer eux-mêmes, donc à échanger
et être considérés. Le repreneur concrétise ainsi sa
présence par des mesures simples et de bon sens, auxquelles il croit,
afin de privilégier le bien-être et la productivité des
salariés. Ils détourneront de ce fait leur attention du
cédant et du passé, pour se concentrer sur leur rôle dans
l'entreprise et l'évolution possible des méthodes de travail pour
qu'ils se sentent mieux. Le repreneur est entré dans la phase
d'initiation au changement. Il fera découvrir son type de management aux
équipes et s'intéressera aux éventuelles réactions
des salariés, afin d'approfondir sa connaissance des différents
profils.
Un autre point de vue consiste à profiter du regard de
nouvel arrivant pour déterminer les points faibles de l'organisation et
les actions à mettre en place afin d'obtenir des résultats
rapides. Cette méthode est contestable, car imposer des modifications
dans les méthodes de travail à destination de salariés
dont la relation de travail n'est pas construite mène à
l'échec des actions entamées. De plus, ces mesures peuvent
être fondamentalement justifiées mais à l'origine d'une
désorganisation de la petite entreprise.
Nous suivons donc l'opinion d'un dirigeant rencontré
pour conseiller de relever d'éventuels facteurs de progrès et
réserver leur mise en place lorsque les relations de travail avec les
salariés seront construites, à défaut d'être
forcement basées sur un sentiment réciproque de sympathie et de
confiance.
En fonction de l'aura dont il dispose, le cédant va
devoir très rapidement aborder des sujets importants avec certains de
ses anciens salariés, qui sont susceptibles de se sentir
considérés comme de simples "pions" alors qu'ils avaient
confiance en leur dirigeant, et avaient noué avec lui une relation plus
paternelle que professionnelle. Il doit expliquer et réexpliquer les
raisons pour lesquelles l'opération s'est déroulée dans le
secret.
Section 2 : La période d'accompagnement du
repreneur, une démarche gagnant/gagnant.
La phase d'accompagnement mérite que l'on recentre
notre attention sur la relation cédant/repreneur. Filion (1991)
déclare "qu'être entrepreneur s'apprend plus facilement au contact
d'un autre entrepreneur". Le repreneur a donc intérêt à
privilégier cette période d'accompagnement au contact de son
prédécesseur, même si cela constitue un coût et
provoque des risques liés à l'évolution de l'attitude de
l'ancien dirigeant. De son côté, ce dernier n'a aucune obligation
légale d'accepter cette mission, mais il s'agit d'un devoir moral, et
respectueux de l'avenir de l'entreprise et de ses salariés.
De même que pour les étapes
précédentes, une analyse des risques va être
réalisée, avec les facteurs de tensions dans l'entreprise (1).
Les solutions permettant de lisser la période de transition seront
ensuite exposées (2).
1. Les risques encourus par les deux principaux
acteurs.
Nous proposons maintenant de cerner les points d'incertitude du
cédant et du repreneur pendant cette période d'instabilité
de l'entreprise
1.1 Les risques concernant le
cédant.
Le risque majeur du cédant est de se sentir mal
à l'aise dans son nouveau rôle au sein de l'entreprise. Il peut se
considérer comme un membre inutile, voire ignoré. Cette
période lui permet souvent de faire un bilan de son action au sein de
son ancienne entreprise. Mais la confrontation est rude avec un nouveau
dirigeant entièrement tourné vers le futur.
Les risques vis-à-vis des partenaires de confiance du
cédant se révèlent identiques aux risques vis-à-vis
des salariés lors de l'arrivée du repreneur. Ceux-ci peuvent
être surpris d'apprendre la nouvelle seulement après cet
évènement. La relation cédant/partenaires peut donc
être fragilisée. Les cédants interrogés
considèrent qu'ils auraient du faire l'effort de tenir au courant plus
en amont leurs partenaires de confiance.
Il faut en effet qu'ils devancent l'idée qu'ils
peuvent se faire du client ou du fournisseur en train de se demander si son
entreprise connaît des problèmes à l'annonce de la
réalisation de la transmission.
Un autre risque pour le vendeur est que le repreneur
découvre assez rapidement un point sur lequel il s'estime floué.
Il se verra alors demander une indemnisation. Même justifiée et
concernant un point qui a involontairement échappé au
cédant et à ses conseils, cette démarche peut nettement
refroidir la relation entre les deux protagonistes.
Le repreneur est susceptible d'afficher un excès de
confiance, et d'imposer une rupture trop rapide, ce qui pourrait choquer le
cédant, et éventuellement les collaborateurs en fonction de leurs
attentes et désirs. Il peut au contraire ne pas s'intégrer assez
rapidement et perdre en crédibilité lors de prises de
décision.
Il est aussi possible qu'il désapprouve certaines
décisions de son successeur. Il devra prendre sur lui-même, et ne
pas afficher son opinion devant les salariés, ce qui aurait le tort de
lancer un débat dans l'entreprise. Cette démarche serait donc
préjudiciable au bon déroulement de la période
d'accompagnement.
1.2 Les risques concernant le repreneur
:
Le repreneur peut rapidement concrétiser un sentiment
de sur-confiance en lui en prenant des décisions hâtives ou mal
appropriées. Il peut sentir le besoin d'imposer certains
éléments clés dans l'organisation, notamment au niveau des
objectifs de l'entreprise, des valeurs, de la mission ou du management. En
effet, il arrive dans l'organisation avec une personnalité et une
expérience antérieure qui le pousse à voir la
réalité qui l'entoure différemment. Même porteur
d'un projet réfléchi et cohérent, le repreneur doit garder
l'esprit que les salariés peuvent rester très liés
à leur ancien patron.
Il peut faire face à différents types de
résistances au changement. Certaines personnes
s'opposent ouvertement
à certaines démarches les éloignant de leurs
méthodes habituelles de
travail. Les risques associés se
déclarent par des hostilités, pouvant débouchant sur le
départ
(fuite de compétences) ou le licenciement de
salariés (fautes graves telles que le sabordage). D'autres semblent
accepter cette politique de changement, mais adoptent une attitude passive,
basée sur l'attente et l'immobilisme.
Dans le cas où les partenaires de l'entreprise sont
mis au courant de l'opération par une personne autre que le
cédant (ou le repreneur), le risque qu'ils perdent confiance est
maximisé. Il faut à tout prix éviter les on-dit ! Les
fournisseurs émettent quant à eux des inquiétudes sur la
prolongation des contrats existants, et il s'avère qu'une
fréquente remise en cause de ces partenariats a été
constatée par les entreprises dont les anciens dirigeants
possédaient un fournisseur identique depuis la création de leur
firme. Les créanciers et actionnaires minoritaires tiennent plus compte
des faits concrets, en particulier des résultats de l'entreprise, et
donnent leur confiance au cédant et au repreneur afin de gérer
cette période de transition.
Nous pouvons ajouter que le dirigeant est la voix et la
tête de l'entreprise, et peut ne pas satisfaire certains partenaires
réguliers de l'entreprise. Les contacts entre les dirigeants de petites
entreprises (comme de l'ensemble des TPE et PME) et leur banque, fournisseurs
et clients demeurent professionnels, mais comme toujours liés au
côté interpersonnel : la prise de contact, l'approche, les
méthodes de travail proposées et les affinités
personnelles développées sont autant de facteurs dont
dépend une relation de travail. Le risque qu'il encourt est, pendant un
rendez-vous, de refroidir une relation d'entière confiance que le
cédant était parvenu à installer grâce à
partenariat de plusieurs années.
Les incertitudes du repreneur sont aussi liées aux
conséquences des premiers changements orchestrés dans
l'organisation de l'entreprise et à la perception de ces actes de la
part des stakeholders, mais aussi de l'ancien dirigeant, encore
présent dans l'entreprise. Il peut mettre en danger les fondations de
ses relations encore fragiles avec certains membres du personnel en cas de
désaccords ou de décisions finalement inadéquates.
La plupart des cédants redoutent la remise en cause
des pratiques au sein de l'entreprise : l'enjeu est la reconnaissance du
bien-fondé de leurs pratiques et des savoir-faire. Ils risquent donc
d'émettre des réticences lorsqu'ils devront lâcher les
rênes de l'entreprise et changer de fauteuil dans le bureau de la
direction, ce qui peut devenir une source de désagréments pour un
nouveau dirigeant. Après une période de patience, de
compréhension et d'écoute afin d'apporter son soutien, celui-ci
peut entamer une première rupture choisie. Cela signifie tout simplement
se comporter en tant que seul et unique dirigeant et faire appliquer une
décision prise, dans le cas présent, un changement physique de
place dans son bureau entre l'ancien et le nouveau dirigeant. Le changement
doit être clair et tranché. Dans le cas d'une
incompatibilité croissante, les deux hommes doivent trouver un compromis
entre l'impatience du cédant à être libre et autonome, seul
aux commandes, et la volonté du dirigeant à rester dans
l'entreprise. Il est préférable de respecter les termes du
contrat concernant la période
d'accompagnement, mais la priorité des deux personnes
demeure de montrer aux stakeholders la qualité de leur
relation. Rester unis dans le processus permet de réduire sensiblement
les risques de défaillance de l'entreprise. Mais les raisons d'un
quelconque différend pendant cette phase sont nombreux, notamment au
niveau stratégique, commercial, organisationnel, mais aussi de
l'évolution des méthodes de travail utilisées.
La volonté du dirigeant d'être autonome est
potentiellement source d'un stress supplémentaire, car les
décisions prises engendrent des changements, donc une attente de
résultats positifs, tout particulièrement de la part des
collaborateurs.
En outre, il est donc possible qu'il se sente très
seul dans un premier temps s'il n'est pas apte à se confier à son
prédécesseur. Ce ressenti est particulièrement
fréquent chez les anciens managers provenant de grands groupes, qui
avaient l'habitude de suivre une stratégie fixée par la direction
générale et recevoir des objectifs précis.
Le repreneur peut être fortement handicapé par
la présence du cédant dans sa prise de décision.
Posséder des responsabilités limitées est pour le
cédant une contrainte nouvelle, qui n'est pas toujours respectée,
surtout dans un cadre qu'il connaît parfaitement. Il risque de
s'impliquer, en tant que collaborateur, à un niveau qui n'est plus le
sien. Il demeure le référent, la mémoire, celui qui
résout les situations complexes. Cette attitude part parfois de bons
sentiments mais ne permet pas au repreneur de prendre réellement en main
l'entreprise et d'asseoir son autorité. Une seconde réunion en
compagnie du nouveau chef d'entreprise pourra avoir lieu afin de lutter contre
la confusion des rôles et définir à nouveau la mission de
chacun, ce qui peut constituer un avertissement du repreneur à
destination de son prédécesseur.
Tant qu'il est présent dans l'entreprise, il est
possible que les salariés le considèrent toujours comme "le"
dirigeant et voient le repreneur comme son successeur après son
départ. Dans ce cas, le cédant doit insister auprès de ses
collaborateurs réticents sur le fait que sa mission est maintenant
réduite à un accompagnement. En parallèle, le nouveau chef
d'entreprise doit s'attacher à développer davantage son
leadership, et acquérir une légitimité pour favoriser ses
prises de décisions. Le leadership, la légitimité, ainsi
que la relation de confiance, sont en effet les trois principaux facteurs qui
permettent à un dirigeant d'être reconnu par ses salariés.
D'après notre étude, l'alchimie développée entre le
dirigeant et un salarié, qui impacte sur la relation de confiance, n'est
par contre pas liée à la reconnaissance ou non du dirigeant et de
son autorité. Dans une petite entreprise, la construction du lien
affectif avec chaque membre de l'entreprise est en effet indépendante de
leur reconnaissance du statut de dirigeant du repreneur.
Le cédant doit en parallèle se trouver de moins
en moins présent sur le terrain, son effacement progressif permettant de
concrétiser l'évolution du transfert de compétences. Pour
réaliser cette démarche, il devra détacher sa propre
identité de celle de son entreprise, notamment en formulant un nouveau
projet de vie.
Même si le chef d'entreprise est disposé
à accompagner son remplaçant, il ne joue pas toujours le jeu de
la continuité. Certains vendeurs ne s'impliquent pas suffisamment pour
convaincre le personnel, garder la confiance des clients ou rassurer les
fournisseurs. Maintenir l'ancien dirigeant dans l'entreprise, quel que soit sa
fonction, peut aussi engendrer des conflits d'autorité et des
rivalités, qui peuvent entraver le bon déroulement de
l'intégration du repreneur. Bien que la transition soit utile, les deux
protagonistes rencontrent des difficultés pas toujours surmontables, qui
peuvent mettre un terme immédiat et définitif à la
collaboration pour des raisons diverses (difficultés du cédant
à se détacher de son entreprise, forte personnalité de
l'ancien dirigeant pouvant écraser la légitimité du
nouveau, désaccords au niveau stratégique...).
D'autre part, un risque possible plane sur le climat social
est une baisse de l'activité due à une pression exercée de
la part des concurrents. Ceux-ci modifient leur offre afin de profiter de
l'instabilité qui règne au sein de l'entreprise pendant cette
période de transition, et d'affaiblir davantage un concurrent. Dans ce
même objectif, ils souhaitent parfois recruter des salariés de
l'entreprise et obtenir ainsi un savoir-faire supérieur.
2. Réaliser une période d'accompagnement
productive, en anticipant l'étape du départ du
cédant.
La période d'accompagnement est la phase du processus
pendant laquelle le cédant doit transférer, en plus du savoir,
les pouvoirs. La meilleure façon de déterminer sa durée
est d'en définir les principales étapes. Le savoir concerne le
savoir-faire et le savoir-être, qui sont deux éléments
facilitateurs indispensables de son intégration. Il disposera
d'éléments de base afin de bien comprendre la situation et la
personnalité de chaque employé. Après la phase
d'écoute et de la compréhension de la mission du salarié,
le fait d'échanger régulièrement sur des sujets
liés à son champ de compétences lui sera
bénéfique. Cela lui permettra d'émettre des
hypothèses et des propositions, mais aussi de vérifier si son
interlocuteur est d'accord avec l'opinion qu'il s'est faite à partir des
données qu'il a consultées. Il sera ainsi en mesure de recroiser
les informations obtenues avec la personne compétente. Il montrera de ce
fait son niveau d'avancement dans l'obtention des informations et obtiendra en
parallèle des feedbacks, ce qui lui permettra d'entrer dans un cercle
vertueux concernant les relations qu'il entretient avec les salariés.
Mais il doit être conscient que ses efforts quotidiens peuvent être
réduits à néant par une maladresse dans ses propos, une
susceptibilité froissée ou une trop grande intransigeance, qui
peuvent mener à une rupture subie avec un salarié, et
éventuellement rapidement avec un groupe de salariés.
Au début de cette période d'accompagnement, le
dirigeant se trouve dans une position privilégiée afin
d'acquérir les éléments nécessaires pour
préciser son plan stratégique sans désorganiser
l'entreprise ni bousculer ses salariés. L'enjeu se situe au niveau de la
compréhension de cette vision du point de vue des salariés, et
donc d'obtenir leur adhésion. Il doit en tout état de cause
rester ouvert aux questions et propositions de tous, dans un esprit d'ouverture
et de transparence, les qualités qu'il attendait de la part du
cédant au cours du processus de reprise.
En outre, le cédant officialise rapidement
l'arrivée du nouveau dirigeant auprès de ses partenaires
commerciaux dont la relation est proche et de confiance. Il peut à cette
occasion proposer un rendez-vous afin d'établir un premier contact entre
son successeur et les meilleurs clients et fournisseurs. Ils feront
connaissance dans le but de fonder les bases d'une relation dans la
continuité de celle entretenue entre le cédant et ses
partenaires. L'objectif du nouveau dirigeant est de les rassurer sur ses
projets, et éventuellement de leur démontrer le potentiel futur
de leur partenariat.
Il est en effet primordial, pour assurer la
pérennité de l'entreprise, de continuer à
bénéficier de prestations aux conditions avantageuses de la part
des fournisseurs (qualité, coûts, délais) et des clients
(tarifs, délais de paiement). Bénéficier du soutien du
cédant auprès des partenaires commerciaux permet donc au
repreneur de préserver l'équilibre de l'entreprise, et donc de
rassurer les salariés.
Le repreneur se rendra compte des responsabilités qui
lui incombent, devenant maître de l'avenir de la relation
cédant/partenaire commercial. Le cédant aura en effet
confié au nouveau dirigeant son "bébé", mais aussi la
qualité de ses relations futures avec son entourage professionnel. Une
défaillance de l'entreprise, avec à l'origine des erreurs
répétées du repreneur, déconstruirait son
réseau professionnel.
Le cédant est donc à l'origine de la relation
repreneur/partenaires, facteur clé du potentiel de développement
de l'entreprise.
On peut de même citer le banquier, grâce à
qui l'entreprise bénéficie de conditions particulières en
cas de découverts ou de retards de paiement. Préserver en toute
confiance la collaboration avec une personne qui connaît parfaitement la
situation de l'entreprise est vivement conseillé.
Un rendez-vous sera idéalement organisé avec
chaque acteur faisant partie de l'environnement de l'entreprise, et qui joue un
rôle dans la situation économique actuelle de l'entreprise. Le
repreneur décidera d'une éventuelle remise en cause du contrat,
mais disposera en tout cas d'une entière légitimité,
grâce aux déclarations du cédant.
Après la découverte de l'entreprise et de son
environnement, ainsi que de ses salariés, le repreneur peut aborder la
seconde phase, qui consiste à prendre les premières mesures
(phase d'activation du changement). Les conséquences de leur mise en
place auront un impact plus ou moins fort sur le rythme de vie l'entreprise,
caractérisé par les habitudes prises par les employés dans
l'organisation et leurs méthodes de travail. La remise en cause de
l'organisation de l'entreprise n'est pas évidente, car accepter ces
changements de la part des salariés signifie en quelque sorte oublier le
cédant, donc le trahir, surtout si il est encore présent dans
l'entreprise. Le repreneur doit montrer une direction en conservant les
éléments primordiaux et constitutifs de la société.
Il respecte ainsi son prédécesseur, et l'ensemble de son oeuvre,
qui a mené l'entreprise à la situation économique et
sociale telle qu'il l'a découverte pendant les premières semaines
à sa tête.
L'objectif pour le repreneur est de faire de la
préservation de certaines habitudes une force, un socle sur lequel il
s'appuie pour mener les changements nécessaires. Symboliquement, il
reconnaît le bien-fondé de certaines méthodes et habitudes
des salariés et de son prédécesseur. Basé sur une
relation de confiance, il explique l'aspect gagnant/gagnant de l'application de
nouvelles méthodes, mises en place en complément de celles
préservées, et donc solidifiées. Ce type de management
doit permettre de réduire, voire éliminer, les facteurs de
blocage et de résistances aux changements.
Le nouveau dirigeant doit avoir cerné, avant la fin de
cette phase, la réalité de l'organisation de l'entreprise et
acquis la connaissance du métier afin d'exercer pleinement sa fonction,
dans un champ de réflexion et d'action bien défini. Il aura
compris la culture et les valeurs défendues par les salariés,
tout comme aux fondements d'éventuels contre-pouvoirs, liés aux
fonctions et personnalité de chacun des salariés. Il aura aussi
mesuré les résistances au changement, identifié les
salariés qui peuvent constituer ses relais, sur qui il pourra s'appuyer,
mais aussi ce qui n'adhéreront pas à son projet.
Il sera donc apte, à terme, à faire
évoluer la façon de travailler et les champs de
compétences de chacun, en apportant les outils indispensables de
contrôle et de suivi tels que les tableaux de bords (souvent inexistants
dans les petites entreprises dont le cédant gérait l'entreprise
depuis plusieurs décennies). L'amélioration continue des
pratiques grâce à un suivi régulier est synonyme d'une
consolidation du changement.
Le repreneur devra, pendant cette période
d'accompagnement, assurer une gestion de continuité et attendre le
départ du cédant afin de mettre en place certaines
décisions qui auraient pu le choquer (licenciements, changement de
stratégie), quitte à avancer ce départ si les changements
à effectuer sont urgents. Il sera définitivement patron lorsqu'il
se sera
approprié la culture de l'entreprise et aura
apporté son coup de pinceau. Il doit donc faire ses preuves, en montrant
aux salariés qu'il est des leurs, tout en établissant un nouveau
leadership et, si besoin est, développer un nouvel état d'esprit.
Ouvrir des perspectives nouvelles à destination des salariés aide
à la réalisation d'avancées dans le domaine de la
socialisation du repreneur, notamment en relançant leur confiance dans
l'avenir de l'entreprise, et donc leur motivation dans l'accomplissement de
leur mission.
Dans un souci d'accompagnement réciproque, et donc de
proximité, le besoin d'informations précises et
régulières est nécessaire dans les deux sens. Le repreneur
doit accepter les contraintes qu'il fixe à d'autres. Il devra donc tenir
régulièrement informé le personnel, et dans une moindre
mesure l'ancien dirigeant, de l'avancement du plan de reprise et de
développement de la petite entreprise, ainsi que sur les
résultats par rapport aux objectifs.
Il doit en parallèle tenir compte du travail de deuil
du cédant dès le début de la période de transition.
Mais il n'est pas toujours aisé pour lui de donner du sens à ce
qui lui apparaît dans un premier temps comme des débordements
émotionnels et des résistances au changement, alors qu'il attend
enthousiasme et performance immédiate.
Il doit donc faire preuve d'imagination, tout en respectant
les symboliques traditionnelles. En évitant de revenir sur le
passé, les deux acteurs doivent s'isoler des problèmes de
l'entreprise et recentrer leur attention sur leur situation personnelle.
Ils doivent aborder les sujets pour lesquels ils ont des
affinités et des points de convergence, mais aussi échanger sur
:
· les plans futurs et les sentiments profonds du
cédant par rapport à l'évolution de ses
relations
personnelles vis-à-vis des membres de son réseau, y compris les
salariés.
· L'évolution de l'adaptation du repreneur dans la
nouvelle vie qu'il mène.
Ils doivent se rassurer mutuellement et préparent ainsi
le départ futur du cédant.
En parallèle de l'effacement du cédant, le
nouveau chef d'entreprise devra faire face aux attentes des
stakeholders, et sera sollicité pour résoudre tous les
problèmes car la prise de responsabilités de chacun est
limitée au sein de la petite entreprise dirigée par le fondateur.
Un dirigeant rencontré a confié être demandeur de
solutions, et non de problèmes. Il est disponible afin de décider
entre deux solutions dans la résolution de problèmes et de
justifier cette décision, mais il estimait négatif le fait de
centraliser la détermination des solutions envisageables. Il s'agit
d'une part de multiplier les échanges et débattre davantage au
sein de l'entreprise, mais aussi de développer une organisation
basée sur la délégation et la responsabilisation. Le
nouveau dirigeant doit, quelque soit le contexte de la reprise, prendre les
décisions rapidement, en tenant compte du point de vue du
cédant.
Le sentiment de solitude et/ou d'absence d'avancées se
réduira dès les premiers résultats des actions mises en
place. La prise de leadership se développera et le nouveau dirigeant
reprendra confiance en lui, grâce à un sentiment de
compétence et de pouvoir de décision, qu'il utilisera à
bon escient. Il pourra en outre mesurer ses progrès en termes
d'intégration et de légitimité, en fonction de
l'éventail des sujets abordés avec les salariés, et
à leurs réactions lors du lancement de différentes
actions.
Cet élan doit le pousser à prendre les
premières décisions importantes, dans le cadre de la
stratégie définie, portée à la connaissance des
employés. La condition nécessaire est que son
prédécesseur soit ouvert à ces manoeuvres et à
assister à l'évolution de son entreprise sous les ordres d'un
autre individu. Le nouveau dirigeant sera en mesure de prendre des
décisions portant sur des domaines de compétences de plus en plus
pointus, et impactant sur la vie quotidienne de l'entreprise et sur ses
résultats. Le système d'information est dans la plupart des cas
à revoir, dans un objectif de rentabilité et de contrôle.
Le repreneur devra aussi travailler sur la mise à jour les bases de
données de l'entreprise.
Il n'empêche que ce processus fonctionne lorsque la
relation de confiance est totale entre les deux hommes, qui ont
contribué à une préparation soigneuse de chaque
étape. Mais la situation rencontrée mène
fréquemment à un conflit de rôle entre les deux dirigeants.
La direction à deux têtes doit donc durer le moins de temps
possible à partir du moment où le repreneur détient le
leadership, donc est reconnu apte par ses collaborateurs à diriger
l'entreprise et montrer la direction à suivre.
Notons enfin les ajustements identitaires qui vont avoir lieu
au sein de l'entreprise (Bouchikhi). Le repreneur a du, à la suite de
son arrivée, se fondre dans le paysage et observer, avant d'être
légitime dans le but de fixer une ligne de conduite et la mise en place
des premières actions. Il a avant toute chose ajusté son
identité à celle de l'entreprise, tout du moins en apparence. Les
employés seront dans un second temps enclins à faire ce
même effort envers le nouveau dirigeant, qui va faire évoluer peu
à peu l'identité de l'entreprise. Comme nous l'avons vu
précédemment, l'identité de l'entreprise est fortement
corrélée à la personnalité de son dirigeant. La
qualité de la relation repreneur/collaborateurs règlera le rythme
d'évolution des pratiques et de l'organisation, en parallèle du
développement économique de l'entreprise.
Ces ajustements sont lents car ils doivent s'inscrire dans la
durée, mais aussi incertains, car l'identité d'un individu ou
d'un groupe ne dépend pas que de lui-même. Une nouvelle
identité n'est viable que si elle est acceptée par le milieu
social dont elle a besoin pour fonctionner. Mignon (2001) affirme d'ailleurs
que "la pérennité organisationnelle est préservée
lorsque l'entreprise a su au cours de son histoire, résister à
l'épreuve des bouleversements profonds de son environnement et
préserver l'essentiel de son identité".
Nous pouvons conclure par les quatre principales
étapes du processus de reprise, vécues par le nouveau dirigeant
suite à son arrivée dans la petite entreprise, que Debouloy
résume parfaitement:
· Le refus de la part des salariés, pendant
laquelle la rationalité du repreneur est prise en défaut. Ils
sont en désaccord avec toutes les initiatives qu'il prend, dont ils
mettent en avant les aspects négatifs. Ils critiquent plus
généralement l'opération de reprise, dont ils sont
victimes.
· La réalité de la disparition, ou
"décharge émotionnelle", pendant laquelle le passé est
idéalisé, et le présent rejeté. Il est très
difficile pour le repreneur de remettre de l'ordre dans les propos de ses
collaborateurs, même si ils semblent inexacts ou injustifiés. Il
ne doit pas opposer une rationalité rigoureuse face à la
démesure des émotions, ce qui mènerait à la
confrontation. Il doit favoriser les échanges au sein des
équipes, afin de faire réapparaitre le passé
réel.
· La dépression, pendant laquelle le repreneur
fait face à un manque de motivation et d'énergie des
salariés, qui ne distinguent encore que vaguement la nouvelle
identité de l'entreprise. De même, le dirigeant prend du recul sur
les décisions qu'il a prises et les remet en question.
· Le rétablissement, lorsque le repreneur est
à même de gérer les équipes seul, et que les
premiers résultats positifs apparaissent pour l'entreprise et les
salariés, qui partageront à nouveau leurs idées et
sentiments.
Section 3 : Le départ du cédant.
Les relations que le cédant entretient avec les
employés de l'entreprise vont connaître une seconde rupture lors
de son départ définitif, après celle provoquée par
l'annonce du changement de dirigeant.
Le risque est que le cédant claque la porte de son
entreprise ce jour-là, et rompe tout contact avec le monde de
l'entreprise.
Cet évènement doit conclure de façon
cordiale et conviviale la période d'accompagnement, et plus globalement
l'opération de transmission de l'entreprise. Il finalise
l'intégration du dirigeant, qui vit cet évènement en tant
que membre de l'entreprise à part entière. Il s'agit de
réunir le personnel afin de fêter et remercier l'ancien chef
d'entreprise, ce qui est à la fois "moralement justifié et
socialement souhaitable" (Lecointre). Le principal risque demeure un
départ du cédant fondateur en mauvais termes avec les
stakeholders et/ou son successeur, ce qui est regrettable pour
l'ensemble des protagonistes. Tout homme ayant un minimum de sensibilité
et de besoin de reconnaissance, le cédant peut donc, dans ce contexte,
culpabiliser et être touché dans sa propre estime. Un début
de dépression est, à ce moment, un risque réel.
Le dirigeant fait un premier bilan de sa période
à la tête de l'entreprise. Il met en avant le rôle
fondamental qu'a joué le cédant dans le déroulement de
l'opération, et le décrit en tant qu'élément
facilitateur dans la prise en main de son poste de dirigeant de l'entreprise.
Il conclut son discours en abordant l'avenir et la séparation de leur
chemin.
Dans les cas où la relation de confiance a
été préservée, le dirigeant offre la
possibilité au cédant de revenir dans l'entreprise quand il le
souhaite, afin de lui montrer que cette entreprise ne l'oubliera jamais et
qu'il sera toujours le bienvenu. Ce dernier doit avoir le sentiment
d'être reconnu et apprécié pour ce qu'il est et ce qu'il a
réalisé.
Le discours du cédant, souvent touchant, aborde la
façon dont il a vécu sa vie professionnelle depuis la
création ou la reprise de son entreprise. Le dirigeant vit de
l'intérieur et apprend beaucoup, grâce à des informations
précieuses sur l'histoire de l'entreprise, et aux réactions des
différents salariés.
L'ancien dirigeant propose enfin à son successeur, en
aparté, ses conseils en cas de problèmes spécifiques dans
l'avenir, à moins qu'il souhaite rompre totalement avec son
passé, et changer de vie.
Suite à cet évènement, qui a mis en
relief les sensibilités de chacun, les salariés pourront
travailler de manière proactive et participer à la modernisation
de l'entreprise, en usant de leur créativité et de leur
expérience. Une page de l'entreprise sera tournée, et une
nouvelle période sera lancée, pendant laquelle l'entreprise va
poursuivre sa mutation.
A noter que le départ peut être avancé par
rapport à la durée prévue dans le protocole d'accord, en
fonction de la tournure des évènements, pour le bien de
l'entreprise et de son développement, ce qui ne doit enlever en rien de
son caractère unique.
L'arrivée du repreneur est donc comme un choc dans une
petite entreprise. Le changement de dirigeant est fréquemment
annoncé quelques minutes plus tôt, ce qui provoque un changement
de comportement des employés. L'intégration du nouveau dirigeant
dans l'entreprise (construction de la relation repreneur/collaborateurs) est
rendue plus difficile dans ce contexte, dépendant fortement de la
qualité de sa relation avec le cédant et de la relation
cédant/collaborateurs. Or, les collaborateurs se sentent la plupart du
temps trahis par leur ancien dirigeant, une rupture a donc lieu dans la
relation de confiance.
On peut noter que la légitimité du repreneur
s'acquiert grâce au transfert des informations et du pouvoir par son
prédécesseur, mais aussi par les échanges et la
construction d'une relation de confiance avec les employés. Pour ce
faire, il fixera une ligne directrice au niveau de la stratégie de
l'entreprise, et se rendra régulièrement sur le terrain, afin de
réunir des
informations techniques, liées au métier et
à la mission des salariés, et humaines, concernant leur
personnalité et opinions.
Durant la période de transition, le repreneur doit
suivre trois phases, dont la durée est variable et doit être
adaptée en fonction de l'attitude de l'ancien dirigeant et des
stakeholders. Les objectifs de chaque phase sont les suivants:
1. Diagnostiquer le fonctionnement existant de l'entreprise en
identifiant ses forces et faiblesses, et repérer les directions de
développement.
2. Evaluer les besoins et les manquements en termes de
changement, et définir les managers et les équipes qui devront
mettre en oeuvre ces actions pour répondre à ces besoins.
3. Contrôler et évaluer régulièrement
les résultats.
Enfin, le bon déroulement du départ du
cédant dépend du travail de deuil réalisé durant la
période d'accompagnement, au contact des salariés et du
repreneur.
Conclusion Partie 2 :
Nous avons réalisé une analyse de la prise de
risques de chaque acteur de l'opération, ainsi qu'une description des
problèmes éventuellement rencontrés.
Les principaux risques sont élevés concernant
les possibles découvertes portant préjudice au repreneur lors de
ses premières semaines dans l'entreprise, basées sur un manque
d'information.
On note que les informations liées au type de management
du dirigeant, à la qualité de ses relations en interne et du
climat social seraient très utiles au repreneur potentiel afin de :
· Evaluer plus précisément l'entreprise en
tenant compte de facteurs humains (personnalités, relations au sein de
l'entreprise, structure de pouvoir, valeurs et culture de l'entreprise...).
· Parvenir à un prix de cession
équitable.
· Anticiper le contexte de son arrivée dans
l'entreprise, et prévoir les principales difficultés qui seront
rencontrées.
Il adopterait donc une attitude adaptée et
cohérente aux côtés du cédant pendant la
période d'accompagnement.
On peut donc affirmer que l'anticipation des risques
atteint rapidement ses limites
concernant la préparation de
l'intégration du repreneur et du départ du cédant
dans
l'entreprise à cause du secret entourant l'opération et
de l'asymétrie d'information.
Houillon (2008) déclare d'ailleurs : "Un
tacticien avisé a tout prévu. Un tacticien
quiréussit se tient prêt à répondre
à tout imprévu."
Il est donc temps de remettre en cause certains
fondements du déroulement du processus de transmission/reprise de petite
entreprise. Las acteurs et conseils cerneront mieux les risques, limités
mais différents, par un accès plus large à
l'information.
![](Comment-reussir-sa-transmissionreprise-de-petite-entreprise-de-faon-perenne-10.png)
PARTIE 3 : MISE EN PLACE D'UN PROCESSUS FACILITATEUR A
DESTINATION DU CEDANT ET DU REPRENEUR.
Chacun des acteurs profitent du secret dans lequel se
déroule l'opération, mais évitent d'aborder certaines
sources de désaccords. La raison financière occulte en partie
l'étude des risques au niveau social, liés aux réactions
possibles des salariés et à l'évolution du climat social
dans l'entreprise. Cela nuit pourtant au bon déroulement des
opérations de transmission/reprise, et à terme à la
pérennité de certaines entreprises. Dressons tout d'abord un bref
bilan de la situation, avant d'envisager un processus basé sur des
principes différents.
Le secret est favorable au cédant dans la mesure
où il n'existe pas d'inquiétude chez les salariés à
propos de la personne qui va reprendre l'entreprise : on constate donc une
limite de la perte de productivité en amont de la cession, et donc une
valorisation de l'entreprise supérieure. La transaction se
déroule dans un climat serein, tout au moins non affecté par
cette opération. Mais le choc est d'autant plus rude pour ses
collaborateurs à l'annonce du changement de dirigeant et à la
présentation du repreneur. Leurs réactions et les changements
d'attitude à l'égard du cédant, qui constituent les ondes
de choc de ces évènements, le touchent profondément.
Le secret est aussi avantageux pour le repreneur,
étant donné que la pression due à l'attente ou à
l'inquiétude des salariés est inexistante. Il peut donc visiter
l'entreprise en toute discrétion, en tant que possible partenaire
commercial de l'entreprise. D'autre part, le secret se révèle
bénéfique pour son intégration lorsque les salariés
sont déçus par l'attitude irrespectueuse du dirigeant
cédant.
Réaliser l'opération dans le secret lui est
cependant dommageable car la connaissance de l'entreprise et des
salariés s'avère limitée, même si les
personnes-clés ont été, dans la majorité des cas,
rencontrées avant son arrivée officielle.
Le secret engendre des découvertes multiples pour le
repreneur à partir de son arrivée. Le risque de litiges est donc
plus élevé si de mauvaises surprises apparaissent, d'où
des difficultés plus fréquentes dans la relation
cédant/repreneur pendant la période de transition. Le secret dans
lequel s'est réalisée l'opération complique le bon
déroulement de la phase d'arrivée et d'accompagnement du
repreneur, et donc du départ du cédant. On en déduit de ce
fait que les chances de réaliser une transmission/reprise
réussie, avec un sentiment de satisfaction mutuelle avec plusieurs mois
de recul, est réduite.
L'objectif de cette partie consiste à proposer un
nouveau modèle de processus d'une opération de
transmission/reprise, afin de réduire le taux de défaillance des
petites entreprises reprises, en insistant sur les points suivants :
· Améliorer la communication interne de
l'entreprise, en tenant au courant les collaborateurs de l'avancée du
projet de cession.
· Rassurer les collaborateurs en les impliquant dans le
processus.
· Construire une relation d'étroite collaboration
entre le cédant et le repreneur, afin d'optimiser le déroulement
de la négociation.
· Préparer l'arrivée du repreneur dans
l'entreprise afin qu'il s'intègre rapidement et gagne la confiance des
collaborateurs, et réciproquement.
Le "modèle" de processus présenté s'adresse
plus particulièrement aux profils suivants :
· Le cédant est le dirigeant-fondateur depuis
plus de dix ans, qui fait qu'aujourd'hui, il tient à son entreprise et
entretient une relation de confiance avec l'ensemble des membres de ses
équipes. Il n'est pas contraint de vendre le plus rapidement possible,
et peut se préparer psychologiquement à la cession, et respecter
les différentes étapes du processus.
· Le repreneur effectue sa première reprise
d'entreprise. Il était dans la majorité des cas manager d'une
équipe dans un grand groupe.
Une santé financière saine et un climat social
serein constituent les deux conditions indispensables d'une entreprise qui
s'apprêtent à mettre en place ce processus de cession innovant.
Chapitre 1 : L'annonce du projet de cession de
l'entreprise de la part du dirigeant, basée sur la qualité de la
relation cédant/collaborateurs.
Intéressons-nous dans un premier temps à la
situation dans laquelle se trouvent un grand nombre de dirigeants fondateurs au
moment de prendre la décision de céder. Ils repoussent
fréquemment cette décision, jusqu'à ce qu'elle intervienne
brutalement, pour une raison souvent extérieure à leur
volonté. Ils ne sont donc pas préparés psychologiquement
le jour J, et refusent de travailler sur la séparation entre leur propre
identité et celle de l'entreprise, qui ne font qu'une. Ils sont donc
contraints d'agir sous la pression, et ne souhaitent pas la communiquer
à leur entourage professionnel.
Comme nous l'avons vu précédemment, cette
opération est une décision qui concerne tout autant les
salariés, qui vont faire face à une période d'incertitude
et de remise en cause de l'ensemble des acquis et compétences de chacun
par le nouveau dirigeant.
Prenant du recul, le cédant doit se rendre compte
qu'il va non seulement perdre son entreprise, mais aussi la relation de
confiance avec ses salariés si il ne les met pas dans la confidence
concernant la décision capitale qu'il a prise. Or, mis à part le
fait d'obtenir un prix satisfaisant représentant la valeur de tous les
efforts qu'il a consentis pour son "bébé", il est focalisé
sur la pérennité de l'entreprise, donc sur la préservation
des emplois. On peut ainsi affirmer qu'il est allié aux salariés
dans le but de trouver un repreneur fiable et compétent. Il doit donc se
baser sur l'étroite relation de confiance pour annoncer son intention de
céder au cours d'une réunion rassemblant l'ensemble des
salariés sur une liste de présence. Le fait de
révéler une intention démontre aux salariés qu'ils
ne font l'objet d'aucune contrainte ou pression. Le dirigeant doit la justifier
clairement et simplement (départ à la retraite, nouveau projet de
vie...), afin que chacun se rende compte que cette décision majeure est
tout à fait compréhensible. Un manager de transition confirme le
fait qu'il puisse se présenter comme un simple collaborateur au sein de
l'entreprise, qui va préparer méthodiquement sa succession comme
tout salarié qui souhaite quitter son entreprise. Il s'engage à
former son successeur et à transférer les informations utiles, en
respectant les règles sociales et morales en vigueur. Il peut
véritablement réaliser cette annonce s'il croit en ses
employés et en leur courage et motivation à affronter cette
période d'instabilité et à en sortir plus forts. Il doit
expliquer le déroulement général de ce type
d'opération, et décrire ses intentions concernant le profil du
repreneur. Il se déclare ouvertement prêt à recevoir des
candidatures de repreneurs potentiels.
Le dirigeant cédant est à ce moment en mesure
de demander un effort particulier de la part des salariés : pour tous
les sacrifices qu'il a réalisés, l'entreprise doit continuer
à vivre normalement et sereinement. Les salariés doivent en effet
rendre à leur chef d'entreprise cette confiance en ne remettant pas en
question sa capacité à trouver un repreneur qui sera digne de
l'entreprise et de ses salariés, et apte à garantir leur avenir
grâce à un développement maîtrisé. Cette
relation de confiance réciproque doit se confirmer par la
préservation de cette confidence en interne. Cette annonce doit
être formalisée par un écrit, décrivant le contenu
du discours du cédant, et signé par son auteur. Un mail doit
être envoyé aux salariés afin d'officialiser ses
déclarations.
Les risques liés à l'annonce de
l'opération le jour de l'arrivée du repreneur,
présentés dans la deuxième partie, sont largement
réduits, de par le fait que les salariés ne sont plus otages de
la transaction et objets du changement, mais bien acteurs de l'opération
et des changements qui en résulteront. Ils se sentent ainsi
respectés et informés, et vivront donc mieux le changement de
leadership et de stratégie, car celui-ci n'est plus imposé mais
attendu et légitime.
Cette annonce engendre tout de même des risques nouveaux,
aussi bien au niveau interne qu'externe à l'entreprise.
Chaque salarié entre dans une période de
questionnements, malgré qu'il ne ressente, envers le cédant,
aucun sentiment de colère, de déception ou de trahison. Leurs
inquiétudes peuvent se révéler gênantes dans la vie
quotidienne des entreprises, concrétisées par une baisse de
motivation et d'efficacité. Les entreprises qui obtiennent de bons
résultats pour partie grâce aux compétences du chef
d'entreprise doivent être particulièrement attentives à ce
danger. La majorité des collaborateurs juge toutefois la raison de son
départ totalement justifiée, même si elle est difficile
à accepter. Leur relation va alors évoluer, car leurs attentes
vis-à-vis de la présentation du repreneur vont être de plus
en plus fortes, concrétisées par des questionnements
réguliers sur l'avancement de la recherche et du processus de
transmission. Ce sujet devient le sujet central des discussions entre les
salariés, ce qui ouvre la voie à de nombreuses rumeurs. La baisse
de productivité s'avère dans ce contexte inévitable.
De plus, il est possible qu'un salarié décide
de prendre la même décision que son dirigeant et de quitter
l'entreprise, souvent pour cause de départ à la retraite.
L'instabilité dans l'entreprise risque donc d'être
amplifiée.
Dans le cas contraire, un cédant interrogé a
déclaré avoir refusé l'annonce de la cession aux
équipes pour éviter la démotivation des équipes.
Les risques externes se concentrent principalement sur
d'éventuels échos qui se propagent en dehors de l'entreprise. Les
partenaires commerciaux ne doivent pas apprendre la préparation ou la
réalisation de cette opération par une personne autre que le
dirigeant, actuel ou repreneur, qui décidera du moment opportun pour
aborder ce sujet en fonction du contexte et de la qualité de la relation
qu'il entretient avec chacun d'entre eux. Néanmoins, dans la
majorité des cas, les fournisseurs et banquiers ne concrétisent
pas certaines craintes qu'ils pourraient émettre quand à un
changement de dirigeant. Ils ne se désengagent pas brutalement, car les
pertes liées à cette démarche pourraient en effet
être supérieures aux pertes anticipées si le risque est
avéré. Le risque de précaution des stakeholders
est donc limité, dépendant des compétences du dirigeant
sortant.
Dans le cas où le dirigeant change de stratégie,
afin de maximiser les profits à court-terme, et donc la valorisation de
l'entreprise, une réaction des clients et des concurrents est probable.
Si la relation de confiance cédant/client n'est pas totale, ce dernier
peut rompre les contrats engagés dû à un fort risque de
manque d'investissements et donc, à terme, de
compétitivité. Les concurrents de l'entreprise réagiront
en parallèle aux coûts de revient et prix des produits, afin de
pénétrer ou élargir différents marchés sur
lesquels se trouve l'entité en cours de cession.
Il est possible que les salariés de l'entreprise
développent aussi des comportements de précaution en cherchant
à changer d'entreprise. Cela est d'autant plus facile pour les
salariés très qualifiés. Cette démarche, si elle se
concrétise, peut pénaliser les performances de l'entreprise en la
privant de ses salariés les plus efficaces, et engendrer une baisse de
la valorisation de l'entreprise. Cette stratégie est donc risquée
et fortement pénalisante pour le
dirigeant en place. Bastie & Cieply (2009) justifient ces
comportements des employés par le fait que les incertitudes sur les
conditions de la transmission sont accentuées par l'anticipation du
changement de comportement du cédant.
Dans ce contexte, le cédant peut voir un
salarié postuler à la reprise, qui ne se manifestait pas par
respect. L'étude de son projet de reprise sera à étudier
en priorité par rapport aux candidats externes, en particulier dans le
cas où la santé financière de l'entreprise est solide et
le climat social sain. Cela constitue une opportunité pour le dirigeant,
à condition que le candidat accepte sa décision finale, et garde
une réelle motivation de travail aux côtés du successeur
définitif s'il n'accède pas au poste de chef de l'entreprise.
Dans la situation où les deux profils sont complémentaires, le
propriétaire peut les inciter à se rencontrer et à
organiser une négociation qui permette aux deux membres de s'unir et
d'acquérir ensemble cette entreprise.
Quant à l'existence d'un repreneur potentiel parmi le
cercle de connaissances d'un salarié, celui-ci devra en faire part au
chef d'entreprise, avant toute prise d'initiative personnelle.
Suite à l'annonce, le contexte de travail et les
relations au sein de l'entreprise évoluent considérablement. Il
est en effet réellement entré dans le processus de cession, et
est prêt à partager des informations confidentielles. Cette
démarche lui permettra d'atténuer le choc lorsqu'il sera
confronté à la signature du protocole d'accord.
Le cédant débutera ensuite la phase de
rédaction de son dossier de transmission. En fonction
des dossiers de
repreneurs potentiels reçus qui l'intéressent, il enverra une
brève description
de l'entreprise afin de les faire patienter
jusqu'à la sélection du ou des repreneurs.
Chapitre 2 : L'avancée du processus axée
sur la relation cédant/repreneur : de la sélection des repreneurs
potentiels à la signature du protocole d'accord.
Ce chapitre justifie l'intérêt de faire
connaissance le plus tôt possible avec son interlocuteur avant de
transmettre le dossier de cession, afin de cerner sa personnalité et
évaluer le niveau de compatibilité des deux personnes.
Section 1 : La sélection des repreneurs
potentiels.
En fonction de ses préjugés sur la possible
candidature d'un salarié à sa succession, le cédant
débute ou non sa collaboration avec un "chasseur de têtes", avant
ou après son annonce aux salariés. Il sous-traite plutôt la
recherche de candidats lorsque le nombre de candidats est insuffisant ou trop
élevé quelques semaines après son engagement pris face
à ses salariés. Contrairement à ce qui est pratiqué
habituellement, il est ici conseillé de ne pas transmettre tous les
documents du dossier de reprise. Le spécialiste comprend parfaitement
l'entreprise et son métier sans posséder les documents
financiers. L'intermédiaire doit être parfaitement au courant de
la situation de l'entreprise et du profil de repreneur recherché.
Celui-ci possède un mandat de cession, exclusif dans la plupart des cas,
qui lui permet de représenter son client en préservant son
anonymat. En effet, dans le cas où un repreneur découvre une
contre-vérité, il va devenir méfiant envers le
cédant, et la relation de confiance pourra difficilement se mettre en
place dans ces conditions.
Ce professionnel a recours aux journaux et sites internet
spécialisés, aux cercles de repreneurs et aux organismes
institutionnels tels que les CCI afin de détecter des repreneurs
potentiels, dont il pourra juger dans un second temps la compatibilité
de leur projet de reprise avec l'entreprise cliente. Les critères de
sélection se concentrent sur leur connaissance du secteur
d'activité, leur expérience managériale, leurs fonds
propres disponibles et mobilisables et leurs motivations. Le dirigeant doit
avoir précisé le profil du successeur désiré, avec
d'éventuelles priorités, et réalisé un point sur la
situation de l'entreprise, ce qui lui permettra de justifier de manière
concise la somme qu'il souhaite obtenir de l'opération.
Le repreneur potentiel doit comprendre le métier et
connaître le secteur d'activité, avant d'être apte à
rencontrer le cédant. Un engagement de confidentialité des
données doit dans la majorité des cas être signé en
compagnie du spécialiste.
En ayant informé ses employés de la cession
prochaine de l'entreprise, le cédant apporte des
garanties au
repreneur potentiel sur ses réelles intentions de réaliser
l'opération. Le repreneur
est donc certain que la mise sur le
marché de l'entreprise ne constitue pas une étape test ou
une simple évaluation de l'entreprise. En
conséquence, il doit apporter à son tour, par
l'intermédiaire de son conseil, une preuve de son engagement et de sa
motivation à acquérir cette entreprise. Celui-ci ne pourra
être sélectionné que dans le cas où il est à
même de justifier son intérêt pour cette entreprise,
d'après le premier document reçu. Le principal argument mis en
valeur est lié à son expérience, de par sa connaissance de
ce secteur d'activité et/ou sa compréhension du métier. Il
peut d'autre part utiliser son réseau, et se faire recommander par une
ou plusieurs personnes reconnues (responsable d'un organisme professionnel par
exemple). Ces recommandations peuvent prendre la forme de lettres officielles
ou anonymes. Son expérience doit être décrite,
particulièrement concernant les responsabilités qu'il porte et
les principes éthiques qu'il respecte ou défend.
Dans le cas où il dispose de l'identité du
cédant, il est possible qu'il soit soutenu par un membre commun de leur
réseau ou cercle de connaissances respectif, qui viendra appuyer sa
candidature.
L'intermédiaire communiquera enfin une liste de un ou
plusieurs repreneurs potentiels sérieux sur le plan des
compétences techniques et/ou de management.
Section 2 : La première rencontre.
Le déroulement de la première rencontre se
concentre sur l'entreprise et sur la personnalité de l'interlocuteur. Un
juste compromis doit être trouvé par les protagonistes. La phase
de préparation a permis à chacun de définir les
informations à obtenir, de même que les possibles points de
connivence et antagonismes. L'ordre du jour sera fixé avant la
rencontre.
Le principal objectif est alors de cerner la
personnalité de son interlocuteur, en abordant tout autant le sujet de
l'entreprise, que des faits d'actualité ou des sujets plus
généraux, tels que la vie locale de la commune. Aborder certains
sujets tels que la politique ou la religion est tout de même à
proscrire, car sources de débats non constructifs. Même si le
thème central de l'entretien a été fixé, discuter
brièvement de certains sujets périphériques est un
indicateur de confiance et d'assurance qu'éprouvent les
interlocuteurs.
Les deux acteurs doivent rester eux-mêmes, afin que les
bases de la relation soient stables, ce qui évite d'assister à de
mauvaises surprises en aval du processus, souvent en compagnie des
salariés...
En règle générale, le repreneur se
présente de manière concise, puis laisse la parole au dirigeant
cédant. Il montrera en effet ses compétences par sa
capacité d'écoute et la cohérence de ses questions par
rapport aux explications du cédant.
Le cédant présente le marché,
réalise un point sur la situation actuelle de l'entreprise, justifie la
stratégie employée, ainsi que sa politique sociale. Il expose
aussi la structure organisationnelle et sa vision de l'avenir, s'il l'envisage
de manière positive.
Dans le cas où il souhaite approfondir cette relation,
il doit aborder, entre autres, le déroulement des
évènements suite à l'annonce de sa cession aux
salariés. Il décrit le climat social qui règne au sein de
l'entreprise et ses ressentis (bonnes ou mauvaises surprises par rapport
à leurs attitudes).
Ces éléments permettent de mettre en confiance
le candidat repreneur. Il peut à son tour confier des informations au
cédant, au niveau de son type de management et de certains
évènements de sa carrière professionnelle, qui lui
serviront étant donné la "carte génétique"
(Lecointre) et les caractéristiques humaines décrites de
l'entreprise.
Afin de gérer la relation, des règles de jeu
communes sont établies, ce qui permettra aux protagonistes d'utiliser le
"nous" lorsque des étapes communes sont abordées. La
proximité, voire la complicité, se trouve ainsi mis en avant. Ces
méthodes conduisent à une estime réciproque et une
assertivité qui est indispensable au cours du processus de reprise. Elle
consiste à faire partager ce que l'on éprouve et ce que l'on est.
Il est alors naturel de faire apparaître des goûts et des
repères culturels communs, qui vont approfondir la relation de
confiance, réduisant le risque d'une rupture lors de la
négociation ou de l'accompagnement. L'avancement au niveau du
développement de la relation dépend aussi principalement de
l'alchimie qui se dégage entre les deux acteurs.
Au terme du premier entretien, chacun est en mesure de cerner
davantage le profil de son interlocuteur. Le concept du MBTI
® peut être utilisé afin de renforcer la
complicité des intervenants. Ce test est le pilier des
études permettant d'établir un bilan de personnalité sur
la personnalité. Le "Myers-Briggs Type Indicator" a été
développé par Katharine Cook Briggs (1875-1968) et Isabel Myers
(1897-1980), après leurs études la théorie de Jung qui
traite de la relation entre "l'inconscience" et la "conscience". Il en ressort
16 types de personnalités, allant du contrôleur au
créateur.
Cette analyse est basée sur quatre caractères :
· Extraverti/Introverti
· Sensation/Intuition
· Pensée/Sentiment
· Jugement/Perception
Cette étape peut être source d'échanges
riches et passionnants, ce qui permet de développer l'alchimie
créée entre les protagonistes.
Grâce à cette rencontre, le cédant peut
avancer sur ses deux objectifs : évaluer le potentiel de ce candidat
à diriger son entreprise et estimer son souhait de voir cette personne
lui succéder.
Le repreneur potentiel a obtenu quant à lui de
nombreuses informations afin de mieux comprendre l'entreprise. Il peut, en se
basant sur ses premières impressions et sur les déclarations de
son interlocuteur, évaluer le pouvoir formel (headship) et informel
(leadership) du cédant.
Si le calme persiste dans l'entreprise suite à
l'annonce de son départ, l'acquéreur potentiel peut penser que le
dirigeant actuel est un leader respecté, en qui les salariés
accordent toute leur confiance. Lui succéder relèvera du
défi dans le cas où il n'arrive pas à lâcher les
rênes de l'entreprise, car il restera le seul et unique chef d'entreprise
du point de vue des collaborateurs. Il sera donc primordial que le
cédant insiste auprès des équipes sur le fait qu'il ne
détient plus le pouvoir de décision et que son rôle se
limite à un accompagnement.
Si le climat social se dégrade et que
l'inquiétude prend le pas, le dirigeant n'a pas la pleine confiance des
salariés. Un contre-pouvoir existe et rassemble les personnes qui
dénoncent la décision du chef d'entreprise, ou sa méthode.
L'intégration du nouveau dirigeant auprès des salariés
sera facilitée, car son prédécesseur ne dispose plus de la
même légitimité. Pour lui, l'inconnue afin
d'acquérir une légitimité suffisante demeure au niveau de
la transmission des informations de la part du cédant pendant la
période de transition.
Cette évolution négative du climat social annonce
des changements possibles au niveau organisationnel :
· des promotions pour les salariés-relais, personnes
sur qui le nouveau dirigeant peut s'appuyer.
· des licenciements, pour les personnes qui s'opposent
à la stratégie ou refusent le changement concernant les
méthodes de travail.
A noter que si le cédant n'a pas encore annoncé
à ses salariés la préparation de son opération de
cession lors de la première rencontre avec son interlocuteur, ce dernier
peut expliquer que cette action est bénéfique pour chaque membre
du trio cédant/repreneur/collaborateurs. En fonction de la
qualité de sa relation avec le cédant, il lui proposera
directement cette méthode, ou bien par l'intermédiaire de leur
conseil respectif.
Il est possible que le dirigeant refuse de
révéler la cession, le candidat repreneur peut en déduire
qu'il connaît probablement des problèmes relationnels au sein de
l'entreprise, d'où une rupture de la relation de confiance. S'il se
trouve seul à connaître ces difficultés de collaboration
avec certains employés, un problème de management est
probablement à l'origine de ce conflit. Il sera donc plus aisé
pour le repreneur de s'imposer dans l'entreprise à la place de son
prédécesseur, tout du moins si il dispose d'un bon
relationnel.
Dans l'autre situation, où plusieurs salariés
connaissent aussi des difficultés de collaboration avec ces mêmes
personnes, l'origine provient des personnalités différentes de
chacun, ou de fautes réalisées au détriment de
collaborateurs. On constate donc un climat social difficile,
représenté par l'existence de différents
groupes au sein de l'entreprise. Il se caractérise souvent par une
baisse de la motivation et de la productivité, mais aussi de la prise
d'initiative.
Le repreneur devra approfondir ce point au cours des phases
suivantes du processus, notamment en rencontrant des salariés, sous
peine de faire face à des problèmes imprévus lors de son
arrivée de l'entreprise.
Pour le nouveau dirigeant, acquérir sa
légitimité dépendra clairement de la personnalité
de son prédécesseur (capacité à assumer le passage
de témoin à son successeur) et du climat social (lié
à la relation cédant/collaborateurs).
Gardant ce concept en tête, le repreneur potentiel sera
donc vigilant quant à l'évolution du climat social et au
détachement progressif du dirigeant par rapport à son entreprise,
ce qui lui permettra d'aborder l'évaluation de l'entreprise de plus en
plus objectivement.
Section 3 : La présentation du repreneur potentiel
aux collaborateurs.
Suite à la phase d'analyse et à une
première évaluation de l'entreprise, le cédant signe une
lettre d'intention avec un repreneur qu'il estime compétent et digne de
diriger l'entreprise à l'avenir. Il avertit les salariés par
e-mail qu'il dispose d'un candidat sérieux à la reprise, et leur
présente les différentes étapes de son arrivée
prochaine dans l'entreprise.
La seconde réunion du processus est organisée
le jour même, dans l'objectif d'établir un premier contact entre
les salariés et le repreneur potentiel, avant toute signature
définitive. Les deux hommes devront véhiculer une image positive
de l'opération en cours et de leur relation de travail. Le dirigeant
rappelle tout d'abord sa décision de céder et la justifie
à nouveau. Il présente le planning de la visite de son
invité et lui passe la parole.
Le discours du repreneur sera centré sur sa
personnalité et ses compétences (valeurs défendues,
expérience, éventuelles connaissances du marché et du
métier...). Le contenu de son projet de reprise ne doit pas être
explicité, afin de travailler exclusivement sur la relation humaine
repreneur/collaborateurs. Certaines questions des salariés peuvent
permettre d'aborder des sujets pertinents quant à l'adéquation
homme - fonction. Le dirigeant leur aura fait remarquer en amont qu'il
relèvera leurs impressions, ressentis, inquiétudes ou
incertitudes lors d'un feed-back organisé dans les jours suivants, avant
de les transmettre au repreneur potentiel. L'ensemble des collaborateurs sont
ainsi au courant du déroulement de l'arrivée du repreneur
potentiel.
Etant donné l'attente qu'il suscite, le candidat
à la reprise peut percevoir une certaine
pression, se sentant sous
les feux des projecteurs. Cette impression doit être minimisée,
dans
la mesure où son arrivée sans annonce
préalable aurait suscité plus d'émoi et de
réactions négatives de la part des employés.
Suite à cette réunion, il va être
amené à visiter les locaux, et se faire présenter les
différents salariés par le dirigeant ou un chef de service.
Ceux-ci lui expliqueront brièvement leur métier. Ce parcours dans
l'entreprise doit être planifié.
Dans cette situation, le cédant peut rencontrer le
risque qu'un ou plusieurs membres de l'entreprise, ou un actionnaire, cherche
à dissuader le potentiel acquéreur lors de sa visite de
l'entreprise. Le cédant doit donc aborder ce point avec son entourage,
en particulier avec ses associés, et, dans certains cas, avec les
personnes clés de l'entreprise, en amont de cette visite du repreneur.
Il prend aussi le risque de voir son interlocuteur prendre une position de
force dans la relation de négociation si ce dernier est globalement
apprécié des salariés, qui souhaitent le voir
intégrer l'entreprise.
La personne invitée approfondira enfin sa connaissance
de l'entreprise grâce à des entretiens individuels avec les
personnes clés de l'entité. Il obtient au terme de ce parcours
une première idée de la répartition réelle du
pouvoir au quotidien, en se focalisant sur les personnes qui interviennent
régulièrement ou coupent la parole à leurs
collègues.
Présenter dans un premier temps un dirigeant potentiel
contribue à rassurer considérablement les collaborateurs dans la
mesure où ils maîtrisent encore leur avenir en compagnie du
dirigeant. L'accueil qu'ils lui réservent est de ce fait apaisé,
et les tensions émotionnelles réduites. Ils attachent ainsi plus
d'attention aux déclarations des intervenants.
Le cédant qui ne divulgue pas cette information
à l'avance souhaite limiter l'inquiétude des salariés.
Mais l'effet est à terme inverse. Lors de l'arrivée du nouveau
dirigeant, ceux-ci ne veulent pas croire à la réalité des
faits, et ne se sentent pas en sécurité, en présence d'un
inconnu qui dispose maintenant d'un pouvoir sur eux et sur leur emploi. Dans ce
cas, le déroulement de l'arrivée est rendu plus compliqué
pour le cédant comme pour le repreneur.
En outre, ils jouent un rôle d'acteurs dans
l'opération en échangeant leur point de vue avec le dirigeant sur
la personnalité du successeur éventuel rencontré,
même si ils ne disposent d'aucun pouvoir sur la décision
finale.
Des retours positifs de leur part renforcent l'opinion du
cédant d'avoir trouvé la personne adaptée à
l'identité de son entreprise. Le repreneur potentiel va recevoir des
feedbacks encourageants, ce qui conforte sa relation de confiance avec le
cédant, et l'encourage à reprendre cette entreprise, dans
laquelle son intégration a toutes les chances de se dérouler
idéalement. La prise de risque de chacun est donc
fortement réduite, notamment concernant la prise de leadership du
repreneur et la phase de départ du cédant.
Des retours nuancés vont permettre au cédant de
rassurer ses collaborateurs en clarifiant certains points et en expliquant son
point de vue lorsqu'il en a la possibilité. Pour les questions restant
en suspens, il doit les transmettre à son interlocuteur lors d'un
entretien, afin de débattre de ces sujets et d'estimer les efforts
consentis par son interlocuteur pour répondre aux incertitudes des
salariés. Il leur redescendra les informations, qui déboucheront
soit sur un soulagement et une satisfaction des salariés, donc une
transmission en bonne voie, soit sur une récurrence des problèmes
et questions, et donc une méfiance confirmée des
salariés.
En cas de problème social dans l'entreprise ou de
tensions naissantes, le repreneur potentiel se rendra sur place afin de
rassurer les équipes en abordant cette fois certains points de son
projet de reprise.
La décision du dirigeant concernant la signature du
protocole d'accord interviendra en connaissance de cause, prenant ou non en
compte l'avis négatif de ses collaborateurs. Elle devra être
rapidement portée à leur connaissance, afin de limiter la
durée de cette période d'incertitude.
La confirmation de l'opération de cession au repreneur
rencontré consolide indiscutablement leur relation, et apporte des
garanties sur la qualité de l'accompagnement du nouveau dirigeant. En
parallèle, cette décision peut malheureusement mener à une
rupture de la relation de confiance cédant/collaborateurs, mais dans
tous les cas moins brutale que dans le cas de l'arrivée du nouveau
dirigeant sans annonce préalable. Nous avons vu que cette rupture est
souvent bénéfique au nouveau dirigeant, au niveau de la
reconnaissance de son statut, donc de sa légitimité. Cette
situation concerne les repreneurs dont la personnalité représente
clairement le changement, source de résistances et d'inquiétudes
de la part des employés les plus expérimentés. La date de
son arrivée devra dans ce cas être spécifiée suite
à la signature de l'acte de vente.
Le fait que le cédant comprenne ses salariés et
refuse de réaliser la transaction avec ce repreneur renforce la relation
de confiance cédant/collaborateurs. Ils ont le sentiment d'avoir
participé à la prise de décision et sont donc confiants
quant à la décision finale du dirigeant de céder à
une personne qu'ils apprécieront. Cette décision provient d'une
prise en compte de différents points de vue et d'un débat
d'idées, qui permet finalement d'éviter une phase de transition
difficile, et une possible défaillance de cette entreprise reprise. Le
cédant abordera de nouveau l'étape de l'étude des profils
des candidats.
Dans le cas où les collaborateurs penchaient pour la
venue de ce repreneur, une décision
positive du cédant
renforcera les relations tripartites au sein de l'entreprise, tandis qu'une
décision négative provoquera une déception,
même si les salariés seront conscients qu'un repreneur au profil
adéquat peut être trouvé.
La lettre d'intention contient en règle
générale une clause d'exclusivité pendant la durée
des négociations. Il est effectivement déconseillé de
réaliser ce processus avec plusieurs candidats, étant
donné que cela oblige les salariés à faire un choix. Les
désaccords se multiplieraient, les choix possibles passant de deux
à trois : préférence pour le premier candidat, pour le
deuxième, ou pour aucun. Les débats engendrés risqueraient
de dépasser le dirigeant, qui doit rester au centre des
préoccupations.
Ce processus proposé aura l'avantage d'éviter
certaines conséquences d'une succession telles que les décrit
Mouline (2000) : "la succession a des répercussions dans l'entreprise
face à des salariés désormais orphelins et
considérant la transmission comme une rupture du contrat psychologique
qui les unissait à l'entreprise." Ce cas peut aussi être
transposé aux partenaires de l'entreprise (clients et fournisseurs), qui
y voit une rupture du partenariat qui les liait au cédant depuis parfois
plusieurs décennies.
Le candidat peut en parallèle demander à
rencontrer certains clients, fournisseurs ou banquiers. Il s'agit d'estimer
plus précisément le leadership du cédant et son pouvoir de
négociation. Le dirigeant ne peut en effet affirmer que tous ses
contacts ont un intérêt stratégique fort. Rencontrer un
client permet d'observer l'attitude du cédant dans une situation de la
vie quotidienne, autre que touchant à une opération aussi
sensible que la vente de l'entreprise qu'il a créée.
Nous devons préciser que dans le cas où
l'annonce de la cession a des répercussions sur le climat social, sur la
productivité des équipes, ou sur les résultats, le
repreneur potentiel va être tenté de discuter le prix durant la
phase de négociation. Le cédant prend donc des risques au niveau
financier, qu'il peut compenser en se rémunérant pour la baisse
des risques et incertitudes du repreneur.
Cette méthode basée sur la transparence et la
confiance va donc provoquer un écart de prix grandissant entre les
premières évaluations de chacune des parties. Le cédant
mène le jeu : il fait un point sur la situation de l'entreprise, et la
valorise au-dessus de l'évaluation de ses conseils. Mais la
clarté que possède son interlocuteur sur l'entreprise lui permet
difficilement de passer outre la mise en avant de plusieurs facteurs qui
impactent négativement sur sa valeur. Le prix de cession n'atteindra pas
celui espéré par le cédant, qui sait désormais que
sa priorité est ailleurs. Le déroulement de la phase
d'arrivée du repreneur est un moment qui va
être difficile à vivre, particulièrement
dans le cas où il est fondateur. Il portera enfin toute son attention
à la phase d'intégration et d'adaptation de son successeur
à son poste, tout en planifiant son départ définitif.
Chapitre 3 : Le déroulement précis de
l'arrivée du repreneur.
Il s'agira donc de la seconde rencontre entre le repreneur et
l'ensemble des équipes (ou plus en cas de conflit social
antérieur). Dans le cadre d'un évènement primordial dans
la vie d'une entreprise, le changement de dirigeant aura du être
préparé précisément par les deux acteurs en
présence. Ils doivent éviter les longs discours car ils disposent
d'environ trois minutes pendant lesquelles ils gardent toute l'attention des
collaborateurs.
Le cédant résume l'aventure qu'il a
vécue en tant que dirigeant de l'entreprise, et présente, de
façon claire et objective, son successeur comme la personne qui prend
maintenant les décisions et les responsabilités. Il restera dans
l'entreprise en tant que conseiller et accompagnateur. Il s'avère que la
démarche de présenter la personne qui s'apprête à
prendre la tête de son entreprise est une démarche difficile,
particulièrement sur le plan psychologique. Un entrainement est donc
obligatoire pour fluidifier le passage de témoin.
Le repreneur remercie le dirigeant, se tourne, et, face aux
salariés, s'exprime pour la première fois en tant que dirigeant
de l'entreprise. Ses premières déclarations sont liées
à la situation de l'entreprise et à son projet de reprise. Il
doit se concentrer sur la mise en confiance de ses auditeurs et sur la mise en
avant de sa motivation afin de réussir, en compagnie de ses
collaborateurs, la reprise de l'entreprise, et ainsi assurer sa
pérennité.
Si l'entreprise est dans un cas bien spécifique
(potentiel de développement considérable, activité en
baisse...), le repreneur peut définir une stratégie claire et
rassurer les salariés. Un dirigeant rencontré a
présenté son discours de la façon suivante :
· Vision du marché.
· Vision de l'entreprise sur le marché.
· Stratégie afin d'attaquer le marché.
La conclusion concerna une demande d'entretiens individuels, qui
facilitent l'intégration du dirigeant dans l'entreprise, et
améliorent sa compréhension de l'entreprise.
La seconde option ouverte au nouveau dirigeant est de savoir
dire « je ne sais pas », et de proposer de rencontrer les
salariés individuellement pour débattre des propositions de
chacun, même si il dispose d'un business plan et de premières
idées. Cette méthode lui permet aussi de développer son
leadership, car il doit trier les constats et propositions des salariés,
et
prendre des décisions. Cette méthode est
très appréciée des collaborateurs, qui en profitent
parfois pour mener des opérations de lobby. Les règles doivent
souvent être rappelées par le dirigeant : l'entreprise repart sur
des bases saines et justes. Il ne dispose d'aucun a priori sur les
salariés, et se formera une opinion sur les faits futurs accomplis au
cours de la phase d'accompagnement. Les salariés comprennent qu'ils
doivent à nouveau faire les preuves de leurs compétences et
professionnalisme.
Un pot facilite les premiers contacts, concrétisant un
évènement particulier auquel ils participent. Ils ne sont donc
pas simplement objets et simples spectateurs de la phase d'arrivée.
Le nouveau dirigeant doit montrer lors de cet
évènement qu'il compte beaucoup sur eux, dans l'optique que tout
le monde sorte gagnant de la vision qu'il apporte. Dans le cadre d'une
démarche donnant/donnant, il leur apporte des garanties sur la
préservation des emplois et une reconnaissance de leurs
compétences, et donc de la compétitivité de l'entreprise,
ainsi que son potentiel de croissance.
S'il possède un dossier de reprise cohérent, il
doit être capable d'annoncer lors de son arrivée une vision claire
du futur, qui servira de base à la mise en place, dans un premier temps,
de mesures simples, d'ordre psychologique, afin de rassurer et
fédérer les collaborateurs.
L'étape suivante consiste à planifier et
réaliser des entretiens individuels, afin de faire connaissance avec
chaque employé et réaliser un point sur leur situation
personnelle, et la vision qu'ils ont de leurs poste et compétences. Il
répond alors aux questions personnelles de chacun et note les attentes
que son arrivée suscite. Il sera à même de mieux comprendre
les relations interpersonnelles au sein de l'entreprise, et de montrer que
chacun est considéré car il tient une place importante.
Le repreneur les motive afin d'apporter des propositions
d'amélioration, au niveau du métier ou de l'organisation. Ils
participent à la vie de l'entreprise et aux progrès
réalisés, et l'objectif réside dans le fait qu'ils se
sentent ainsi plus que jamais impliqués dans l'avenir de
l'entreprise.
Les salariés demandent pour la plupart d'être
informés régulièrement des avancées de
l'entreprise. Une des obligations du repreneur consiste donc à
communiquer, lors de réunions hebdomadaires, les résultats
concernant l'activité et la santé de l'entreprise, ainsi que le
degré d'avancement des projets et des changements planifiés.
Les remarques des salariés portent souvent sur des
mésententes et des injustices au sein des équipes. Le nouveau
dirigeant doit donc être à l'écoute de ces remarques, afin
de corriger d'éventuelles iniquités. Il fixe donc de nouvelles
règles et peut remettre en cause certaines politiques menées par
son prédécesseur (rémunérations aléatoires,
avantages en nature...),
dans un souci de justice. Il doit préserver au maximum
les rites et routines, pratiques souvent acceptables qui font partie
intégrante de l'identité de l'entreprise.
Il demande en parallèle, de manière formelle,
à l'ensemble des salariés de faire "table rase" des conflits
passés et d'oeuvrer ensemble dans un but commun de progrès. Il
sera alors temps d'intervenir si des excès sont constatés, en
utilisant une échelle de sanctions applicables.
Les changements peuvent aussi concerner la mise en place
d'outils afin d'améliorer le bienêtre des salariés. Le
repreneur marque ainsi une rupture avec son prédécesseur, en
concrétisant certaines de leurs demandes.
Plus la préparation des employés à
l'arrivée est soignée, plus l'intégration du repreneur
sera rapide et de qualité. L'ambigüité des rôles sera
ainsi limitée. Les salariés ont donc un rôle tout aussi
important que le cédant dans l'intégration du nouveau
dirigeant.
En outre, le cédant officialise rapidement
l'arrivée du nouveau dirigeant auprès de ses partenaires
commerciaux dont la relation est proche et de confiance. Il peut à cette
occasion proposer un rendez-vous afin d'établir un premier contact entre
son successeur et les meilleurs clients et fournisseurs. Ils feront
connaissance dans le but de fonder les bases d'une relation dans la
continuité de celle entretenue entre le cédant et ses
partenaires. L'objectif du nouveau dirigeant est de les rassurer sur ses
projets, et éventuellement de leur démontrer le potentiel futur
de leur partenariat.
Il est en effet primordial, pour assurer la
pérennité de l'entreprise, de continuer à
bénéficier de prestations aux conditions avantageuses de la part
des fournisseurs (qualité, coûts, délais) et des clients
(tarifs, délais de paiement). Bénéficier du soutien du
cédant auprès des partenaires commerciaux permet donc au
repreneur de préserver l'équilibre de l'entreprise, et donc de
rassurer les salariés.
Le repreneur se rendra compte des responsabilités qui
lui incombent, devenant maître de l'avenir de la relation
cédant/partenaire commercial. Le cédant aura en effet
confié au nouveau dirigeant son "bébé", mais aussi la
qualité de ses relations futures avec son entourage professionnel. Une
défaillance de l'entreprise, avec à l'origine des erreurs
répétées du repreneur, déconstruirait son
réseau professionnel.
Le cédant est donc à l'origine de la relation
repreneur/partenaires, facteur clé du potentiel de développement
de l'entreprise.
On peut de même citer le banquier, grâce à
qui l'entreprise bénéficie de conditions
particulières
en cas de découverts ou de retards de paiement. Préserver en
toute confiance la
collaboration avec une personne qui connaît parfaitement
la situation de l'entreprise est vivement conseillé.
Un rendez-vous sera idéalement organisé avec
tous les acteurs qui font partie de l'environnement de l'entreprise, et qui
jouent un rôle dans la situation économique actuelle de
l'entreprise. Le repreneur décidera d'une éventuelle remise en
cause du contrat, mais disposera en tout cas d'une entière
légitimité, grâce aux déclarations du
cédant.
Chapitre 4: Une période d'accompagnement
réciproque.
Comme nous l'avons vu précédemment, la loi
d'Août 2005 en faveur des PME rassure l'environnement car il promeut
l'accompagnement du cédant auprès du repreneur, et donc diminue
les risques de transfert partiel des informations. La contrepartie est
d'augmenter les risques au niveau de la qualité de la relation
cédant/repreneur. Le nouveau dirigeant va en effet devoir être
plus patient pour mettre en oeuvre ses projets de réforme, tandis que
l'ancien dirigeant va voir son rôle dans l'entreprise s'amenuiser de jour
en jour, et donc les interactions avec le personnel évoluer
profondément.
Le repreneur doit apprendre à poser les bonnes
questions concernant le métier même de l'entreprise, s'il ne
possède pas les connaissances techniques nécessaires. Il doit
préciser clairement aux salariés ou au cédant les points
qu'il souhaite aborder, mais il doit porter attention à ne pas se
dévaloriser, même si cette perpétuelle recherche
d'informations n'est pas évidente pour lui. Ce serait en effet
compliquer sa quête de légitimité et de respect.
Les salariés ne perçoivent pas l'apport d'infos
au nouveau dirigeant comme une contrainte mais comme un service qu'ils
apportent. Ils sont conscients de jouer aussi un rôle au niveau de son
insertion et de sa compréhension de l'entreprise et de son
environnement.
Les personnes clés sont aussi des conseils
indispensables au nouveau dirigeant, qui n'est pas expert dans tous les
domaines de l'entreprise. Ils l'assistent et l'oriente dans la prise de
décision, même si le seul responsable demeure le repreneur. Le
fait d'échanger des informations et des conseils permet d'approfondir la
connaissance de l'autre et d'établir une relation de confiance.
Cette relation de confiance est à l'origine de
salariés-relais, qui disposent souvent du statut cadre, dont le
rôle, le champ de responsabilités et les missions vont être
élargis. Le dirigeant se concentre ainsi sur la stratégie de
l'entreprise et la politique d'investissement à moyen terme. En outre,
il accorde plus de temps aux partenaires externes de l'entreprise, et peut
remettre en cause les contrats de l'entreprise.
Cette démarche a des limites car les
salariés-relais détiennent de cette façon de plus en plus
de pouvoir, de part leur caractère indispensable à la bonne
marche de l'entreprise. Le repreneur doit donc formaliser ses principales
demandes et changements éventuels dans l'organisation, afin que chaque
membre de l'entreprise connaissent précisément les missions de
chacun.
Le cédant, quant à lui, est investit d'une
mission de formation de son successeur : d'après Boussaguet (2006), le
"mentoring" se révèle indispensable à la socialisation du
repreneur. Le cédant dispose en effet des qualités
nécessaires pour constituer un véritable mentor : il est
expérimenté et à un statut important dans l'organisation.
Il va lui faciliter la formation d'un réseau interne à
l'entreprise et externe vis-à-vis des partenaires commerciaux. Mais
humainement les informations ne seront jamais entièrement transmises. Au
repreneur de se faire ses propres idées et opinions, et de
s'auto-former.
On peut donc noter que les salariés, tout comme le
cédant, participent à la définition du rôle du
dirigeant de la part du repreneur.
La majorité des cédants tiennent toujours
autant à l'entreprise pendant la phase d'accompagnement. Il est donc
possible que leur action contredise leur pensée, basée sur la
raison. Ils gardent en effet le contrôle et le pouvoir de décision
sur certaines personnes ou domaines qu'il maîtrise parfaitement. Cette
attitude ambivalente complique la période de transition et donc la
relation cédant/repreneur. Dans ce cas, le départ est d'autant
plus difficile pour le cédant, tandis que le repreneur prend du retard
sur son adaptation au poste et sa légitimité vis-à-vis des
collaborateurs et partenaires de l'entreprise.
Afin d'éviter cette dérive, le repreneur doit
aborder régulièrement le point des projets postdépart du
cédant, et l'accompagner dans son travail de deuil, en positivant,
notamment sur la baisse de responsabilités et de pression à la
suite de son départ.
Cette méthode limite, pour le repreneur, les risques
liés à d'éventuels retards d'intégration et de
déficits de légitimité. Cependant, le cédant voit
son rôle et sa considération diminuer plus rapidement, ce qui peut
provoquer des conflits d'autorité. Il doit être reconnu par tous
en tant que "mentor" du nouveau dirigeant et se sentir valorisé.
Lorsque les salariés connaissent plus
précisément le repreneur, leurs questionnements se tournent vers
l'organisation du transfert des informations et connaissances techniques entre
les deux principaux acteurs de l'opération. Ils sont en droit de penser
que des informations vont être perdues ou déformées avant
d'arriver au repreneur. Dans le même temps, le repreneur doit prendre en
compte le risque que certains stakeholders déforment une partie
des informations pour cacher une réalité des faits qui ne
plaident pas en leur faveur (problèmes
liés à la qualité des produits d'un
fournisseurs, avantages divers perçus par différents
salariés, problèmes financiers de la part d'un client...). Le
cédant lui présentera directement les fournisseurs et clients
principaux, afin de les rassurer au niveau du prolongement ou de
l'évolution de la stratégie, et de la volonté du repreneur
de poursuivre leur collaboration.
Le nouveau dirigeant doit percevoir l'évolution de ses
relations avec l'ensemble des stakeholders, ainsi que son niveau
d'intégration et de leadership dans l'entreprise. Son intégration
est davantage basée sur la personnalité de chacun, tandis que la
détention du pouvoir provient principalement de son niveau de
connaissance et de compréhension de l'entreprise.
Le repreneur doit être conscient qu'il devient un acteur
du territoire. Il doit donc se faire connaître et s'insérer sur le
territoire, et non pas seulement dans l'entreprise.
Après avoir analysé les résultats de
changements mineurs d'ordre psychologique, le repreneur peut lancer des
changements au niveau organisationnel. La différence de
génération et de profil entre l'ancien et le nouveau dirigeant
engendre un type de management différent, moins centralisé. Un
management de type participatif va s'installer, insistant sur l'autonomie des
groupes de travail et la prise d'initiative de chacun. L'écart
dirigeant/collaborateurs est ainsi réduit, ce qui permet de multiplier
les feedbacks de la part des employés sur les décisions et
actions préventives ou correctives mises en place Déléguer
davantage permet de responsabiliser chaque membre de l'entreprise. Ils voient
donc leur champ d'action élargi, ce qui est bien perçu si leur
niveau d'activité reste maîtrisé. Chaque cercle dispose
d'une liberté accrue, ce qui rend le contexte de travail propice
à l'innovation.
Ces changements, touchant directement à
l'identité de l'entreprise, se concrétisent après un
délai que le repreneur trouve souvent trop long. Il devra faire preuve
de patience et d'écoute afin que chacun vive convenablement et assume
leur nouvelle polyvalence.
L'accompagnement des salariés auprès du
dirigeant connaît donc à terme ses limites, à partir du
fait où ils acceptent les changements proposés par le chef
d'entreprise, liés à leurs méthodes de travail ou leur
organisation. Ils acceptent ainsi la politique sociale et organisationnelle
qu'il met en place. Ce dernier va à son tour jouer un rôle
d'accompagnement afin d'aider ses collaborateurs à franchir les
différents obstacles liés aux changements dont il donne
l'impulsion. Il s'impose de ce fait comme "référence", dirigeant
qui influence l'organisation, et qui aide les salariés à
évoluer et s'y adapter.
On peut constater que le contexte est mouvant durant la
période de transition, entre les
changements mis en place à
l'initiative des salariés et du dirigeant. Le nouveau cap fixé
et
l'accroissement des responsabilités et de l'autonomie implique de
mettre ne place un système
de suivi et de contrôle doit être mis en place,
afin d'ajuster ses décisions en fonction des résultats. Celles-ci
dépendent de nombreux facteurs sociaux, dont les informations vont
être rassemblées afin de constituer des tableaux de bord. Il se
donne de cette façon la possibilité de mesurer les
résultats de sa politique sociale, qui est à l'origine du niveau
de compétences des salariés, de leur motivation et de la
qualité du climat social. Comme l'explique Taieb (2006), le tableau de
bord est un outil de pilotage de la Gestion des Ressources Humaines. Rappelons
que la GRH dans une petite entreprise est basée sur le relationnel, la
communication réalisée à propos de ces outils doit donc
être progressive et limitée.
Chaque tableau de bord réalisé permet de calculer
un indicateur social, qui joue trois rôles :
· Informer les salariés, en priorité les
salariés-relais. Le dirigeant entame donc un partage d'information, qui
permet de compenser les multiples informations qu'il reçoit
continuellement de la part des collaborateurs.
· Etablir un diagnostic. Le repreneur compare la valeur
d'un indicateur, avec celle perçue ou calculée en amont de la
reprise.
· Prévoir une action corrective afin d'éviter
d'éventuelles erreurs ou dysfonctionnements.
On peut par exemple citer un tableau calculant la masse
salariale de l'entreprise, menant à la réalisation d'une des
actions suivantes : réduire, stabiliser ou augmenter ce coût. Cet
indicateur suivra la politique de rémunération suivie :
rémunération fixe, variable individuelle (primes sur objectifs et
de résultats) et variable collective (primes, participation,
intéressement). L'objectif est de fidéliser et motiver les
salariés, en particulier à un travail d'initiative menant
à un progrès pour l'entreprise.
Les tableaux fréquemment utilisés concernent
l'étude de l'absentéisme, l'appréciation du personnel
(ayant pour but d'adapter la rémunération de chacun aux
compétences), les effectifs, la formation et le suivi
budgétaire.
Le dirigeant a à sa disposition des informations de
structure (âge, niveau d'études, statut des employés...),
de compétence (formations, diplômes...) et de comportement
(implication et motivation, absentéisme...). Une autre
possibilité consiste à utiliser un référentiel
externe, afin de les comparer avec les entreprises concurrentes
présentes sur le marché, au niveau national, régional ou
local. Fixer un seuil lui permettra d'être averti en cas de
dépassement d'un indicateur.
Le repreneur doit analyser la sensibilité des indicateurs
sociaux afin de savoir dans quelle proportion il peut intervenir. Elle
dépend de trois critères:
· La flexibilité, qui correspond à la
capacité d'un indicateur à répondre à une
sollicitation (Taieb, 2009). Le but est de hiérarchiser les indicateurs
à utiliser en cas de besoin.
· Le coût, afin d'évaluer la
rentabilité de l'action corrective.
· La réactivité, afin de définir
le délai avant d'obtenir les résultats escomptés.
Avant d'entamer une action, les dirigeants de petites
entreprises utilisent parfois le benchmarking, qui consiste à
se baser sur une entreprise-modèle, dont la performance est jugée
meilleure. Cette méthode atteint rapidement ses limites car chaque
petite entreprise et ses salariés disposent d'une histoire et d'un
projet commun, indépendants à tout autre.
Les investissements menés afin de développer le
bien-être et la motivation des collaborateurs doivent dans un premier
temps limiter les pertes de productivité dues à un climat
éventuellement instable et aux changements mis en place par le nouveau
dirigeant. Il sera ensuite à même d'attendre des retours sur
investissements de la politique sociale menée afin de consolider la
santé financière de l'entreprise.
Au moment de son départ définitif, l'ancien
dirigeant bénira cette annonce précoce et le processus suivi, car
il aura mis toutes les chances de son côté pour assurer la
pérennité de l'entreprise et partir en bons termes avec "ses"
salariés. Il n'y aura en effet aucun sentiment de trahison, ni d'avoir
été victimes d'un manque de considération de leur part, ce
qui constitue une situation fréquente aujourd'hui. Les risques
décrits dans la Partie 2 sont donc limités.
Le repreneur aura quant à lui les cartes en main pour
diriger l'entreprise, aux côtés d'une équipe motivée
lui accordant une entière légitimité.
Conclusion Partie 3 :
Faire passer les salariés du statut d'observateurs
à celui d'acteurs du processus de transmission/reprise constitue la
démarche sur laquelle se base une opération
gagnant/gagnant/gagnant. Les bases se situent en effet au niveau de leur
implication dans la réflexion, puis dans l'action grâce à
la prise d'initiative.
Le projet de cession de l'entreprise de la part du dirigeant
est annoncé en amont de toute action. La formalisation de cet
évènement profite dans un premier temps au repreneur potentiel,
qui obtient l'engagement du cédant de vouloir réaliser la
transaction. Mais cette démarche nécessite pour le chef
d'entreprise un courage important et une totale confiance en ses
employés. Elle lui permet de se rendre compte de la portée de sa
décision, et donc d'accroitre son degré d'objectivité tout
au long du processus de cession.
La qualité de la relation cédant/repreneur est
optimisée grâce à une transparence de la part du
cédant, tandis que le repreneur montre une ouverture d'esprit
supérieure, plus portée sur les attentes des collaborateurs. Ce
principe de transparence se concrétisera par une rencontre avec les
équipes et une visite de l'entreprise après la signature de la
lettre d'intention, afin d'établir une évaluation prenant en
compte des critères subjectifs, et déterminer la "juste valeur".
Le repreneur aura eu la possibilité de s'entretenir personnellement avec
les personnes clés de l'entreprise, et de mieux cerner le type de
management du dirigeant et l'évolution du climat social depuis l'annonce
du projet de cession.
L'annonce de l'arrivée prochaine du repreneur
permettra de réaliser une troisième étape avant le
changement effectif de dirigeant. Les salariés auront pu prendre du
recul sur cet évènement et le préparer. Connaissant la
personnalité du repreneur, ils vivront mieux son arrivée
officielle, ce qui simplifiera la période d'accompagnement et le
départ du cédant. En apportant des informations au repreneur
pendant la phase de transition, les salariés seront acteurs de
l'intégration du dirigeant et de la définition de ce poste.
Le repreneur, chef d'entreprise intégré et
légitime, lancera la mise en place de mesures pour le bien commun de
l'entreprise. Proche des employés, il se rendra disponible afin de les
aider à comprendre et à s'adapter aux nouvelles méthodes
de travail ou à l'évolution de la structure organisationnelle. Il
a tout de même besoin d'au minimum une année pour disposer d'une
vision complète de son poste.
Suite à son départ, le cédant restera
ainsi en bon termes avec les personnes qui se sont impliquées pour que
l'arrivée du successeur se déroule dans de bonnes conditions. Il
éprouvera un sentiment de satisfaction du devoir accompli, en plus
d'être reconnu et apprécié par son entourage
professionnel.
Afin de schématiser l'évolution du processus
préconisé, basons notre travail sur la "Synthèse des
résultats sur la socialisation repreneuriale"
(Fig. 4) de
Boussaguet (2006) :
![](Comment-reussir-sa-transmissionreprise-de-petite-entreprise-de-faon-perenne-11.png)
Nous présentons ainsi page suivante le schéma
récapitulatif du processus de transmission/reprise proposé
(Fig. 5).
79
Fig. 5 : Proposition d'un modèle de
processus de transmission/reprise de petite entreprise.
![](Comment-reussir-sa-transmissionreprise-de-petite-entreprise-de-faon-perenne-12.png)
Conclusion
"La transmissibilité humaine se trouve d'une certaine
manière négligée" décrit Bienaymé. La
consultation de la bibliographie et le contenu de cette étude confirment
aujourd'hui ces propos datant de 1981. On trouve toujours chez le
dirigeant-fondateur un problème au niveau de la prise de décision
de céder, sans cesse repoussée. L'opération s'effectue
donc le plus souvent sous la contrainte, ce qui positionne les acteurs sous une
pression dévastatrice. La relation de confiance s'installe donc plus
difficilement, en précisant que l'asymétrie d'information lors de
cette opération est élevée. Le repreneur dispose donc de
peu de certitudes quant à l'aspect humain lors de son arrivée
dans l'entreprise. En apprenant la cession de l'entreprise et l'arrivée
immédiate du nouveau dirigeant, les collaborateurs se sentent trahis et
rompent la relation de confiance avec le cédant. Ce dernier vit cela
comme un échec, au point d'y voir pour certains la fin de leur vie
sociétale. Pour le nouveau dirigeant, son intégration
dépend de la réaction des collaborateurs à la façon
dont il voit leur avenir et celui de l'entreprise. Son leadership est plus
lié à sa connaissance du secteur d'activité et du
métier, et à sa personnalité. Un manque
d'intégration et de leadership engendre une dégradation du climat
social, ce qui peut mettre en danger la pérennité de la petite
entreprise.
Une méthode a donc été
développée afin de réduire ces risques d'échec de
transmission, défavorables pour l'ensemble des parties du trio
cédant/repreneur/collaborateurs. Mais chacun doit tout d'abord effectuer
des efforts pour en récolter les bénéfices à terme.
Le cédant doit avoir le courage de réunir ses collaborateurs
plusieurs fois et de les impliquer dans l'avancée du processus, afin de
mieux vivre son départ de l'entreprise. Le repreneur doit quant à
lui oser se présenter en tant que simple candidat, mais il
perfectionnera sa connaissance de l'entreprise et des équipes. Les
salariés devront enfin gérer cette longue période
d'attentes et d'interrogations, ce qui leur permettra d'éviter un
véritable choc lors du changement de dirigeant. Réduire le taux
de défaillance des petites entreprises reprises passe donc par une
transformation du social à l'humain. "L'Humain sera ainsi prêt
à rendre service à l'Economique, et vice-versa" (Verrier,
2008).
Certaines perspectives de recherche peuvent être mises
en avant, telles que la poursuite de cette étude grâce à
une analyse des résultats sur un échantillon d'entreprises
transmises ayant appliqué la méthode proposée. D'autre
part, la multiplication des points de vue pris en compte sur une
opération passée (partenaires extérieurs, conseils...)
permettrait de préciser les désaccords et la prise de risques de
chaque partie.
La préparation et la transparence sont donc deux
facteurs clés dans la construction d'une forte relation de confiance
entre le cédant et le repreneur. Mais disposer d'une excellente alchimie
vis-à-vis de son principal interlocuteur n'est pas synonyme de
succès assuré !
Bibliographie
- Bernaud JL. (2005), « Les méthodes
d'évaluation de la personnalité », Dunod.
- Bouchikhi H. (2008), "Le jeu des identités dans la
transmission d'entreprise", Journal "Les Echos", supplément "L'art
d'entreprendre" (N° 20.192).
- Boussaguet S. (2006), « L'entrée dans l'entreprise
du repreneur : un processus de socialisation repreneuriale ».
- Cempura E., Menagakis S. et Sananikoné S. (2008),
« Le guide de la reprise d'une entreprise », Editions Delmas,
2008.
- Chabert R. (2005), « Transmission d'entreprise :
optimiser la prise de relais », Paris, Pearson Education France.
- CSOEC (2005), Le contexte économique de la transmission
d'entreprise, Paris.
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transition", Journal "Les Echos", supplément "L'art d'entreprendre"
(N° 20.192).
- Dezobry O. (ISA, 2008), « Comment optimiser la future
cession/transmission d'entreprise
par l'utilisation de nouveaux outils mis à la disposition
de l'entrepreneur ? », Lille.
- Edmond M. et Picard D. (2002), « Relations et
communications interpersonnelles »,
Dunod, pp. 12-26.
- Hausmann C. et Torre P. (2007), « Les garanties du passif
: Négociation et rédaction des
conventions de garantie en matière de transmission
d'entreprises », Editions EFE.
- Lecointre G. (2008), « La transmission d'entreprise en
pratique - 10 leçons pour réussir
une cession de PME et 360 cas analysés », Paris,
Gualino éditeur.
- Le Guern P. et Margossian G. (2002), « Transmission
d'entreprise : achat, donation, vente », pp. 66 -73, Editions
Jacob-Duvernet.
- Lemonnier J. (2007), « Les clés de la
négociation réussie », coll. Guid'Utile Vuibert. -
Meier O. et Schier G. (2008), « Transmettre ou reprendre une entreprise :
Evaluation, Négociation, Interactions », Dunod.
- Sourdain S., « Transmission d'entreprise : guide
d'optimisation juridique, fiscale et financière. », Editions de
Verneuil, 2005.
- Ulaga W., Jokung-Nguena O., Arrègle
JL. et De Ronge Y., « Introduction au
management de la valeur », Dunod, 2001.
- Vatteville E. (1994), «Le risque successoral», Revue
Française de Gestion, n°98. - Verrier Gilles (2008), «
Réinventer les RH», Dunod, pp. 172-175.
- Vilain F. (2004), « Transmission des PME », JO
Conseil économique et social (28 20041220).
-
www.apce.fr,
www.cession-entreprise.com,
www.cra.asso.fr,
www.cessionpme.com.
Annexes
1. Guide d'entretien à destination des repreneurs
:
Date et durée de l'entretien : Fiche de
l'entreprise :
Nom de l'entreprise :
Activité de l'entreprise :
Forme juridique de l'entreprise : CA de l'entreprise :
Effectif de l'entreprise lors du rachat : Date de
création de l'entreprise :
Date de reprise de l'entreprise :
Fiche du repreneur :
Nom du repreneur :
Formation, âge et dernier poste occupé par le
repreneur :
· Première expérience en tant que repreneur
?
· Première expérience en tant que dirigeant
d'entreprise ?
· formation initiale à la reprise ? Vous a-t-elle
été utile concernant la phase d'arrivée dans l'entreprise
?
· Motivations de reprise ?
Phases d'évaluation et de
négociation:
· Avez-vous obtenu des informations claires et conformes
à la réalité de la part du cédant et de son
expert-comptable, dans le but d'établir une première
évaluation de l'entreprise ?
· Comment s'est caractérisée votre relation
de travail avec le cédant? Etait-elle basée sur une confiance
réciproque ?
· Un accord a-t-il été trouvé
rapidement lors de la négociation ? La due diligence a-telle
confirmé les informations apportées précédemment
?
Arrivée dans l'entreprise et prise de
fonction:
· Comment votre arrivée a-t-elle été
préparée ?
· Comment s'est déroulée votre arrivée
?
· Aviez-vous rencontré plusieurs de vos futurs
collaborateurs avant votre arrivée dans l'entreprise ? Aviez-vous pu
visiter les locaux ?
· Avez-vous perçu un écart entre vos
désirs et ceux du cédant concernant le déroulement de
votre arrivée et de la première rencontre avec vos collaborateurs
/ fournisseurs / clients ?
· Quel était le climat social lors de votre
arrivée ?
· Quel accueil les salariés vous ont-ils
réservé ?
· Votre arrivée a-t-elle eu des conséquences
sur le comportement des salariés, sur leur productivité ? Quelle
a été leur réaction, et pourquoi ?
· Avez-vous effectué votre prise de fonction dans la
foulée de votre arrivée ?
· Votre adaptation à l'entreprise et aux
salariés en place s'est-elle bien déroulée ?
· Votre adaptation à votre clientèle et
à vos fournisseurs s'est-elle bien déroulée ?
· Quelle a été votre action prioritaire
vis-à-vis de l'entreprise et des salariés ?
· Avez-vous procédé à des
changements dans l'organisation, ou des remplacements dans les équipes ?
Auriez-vous été à même de les anticiper si vous
aviez rencontré les salariés avant la signature définitive
des accords? Ou est-ce le résultat d'un constat sur le terrain en tant
que dirigeant? Quelles ont été les réactions des
salariés ?
Bilan :
· Avez-vous finalement découvert, au sein des
équipes, davantage de talents cachés que de personnes
indésirables ?
· Estimez-vous que rencontrer les salariés /
fournisseurs / clients avant la signature des accords vous aurait permis de
mettre en avant certains risques et charges, qui auraient eu un impact sur le
prix de cession final ? sur votre décision d'investir ?
Si c'était à refaire ?
· Auriez-vous des exigences supérieures en amont
de la signature de l'accord définitif afin de mieux cerner le
fonctionnement des équipes et la personnalité de chaque
salarié?
2. Guide d'entretien à destination des
salariés :
Date et durée de l'entretien : Nom de l'entreprise :
Votre fonction :
En amont de la reprise :
· Avez-vous été préparé(e)
à l'arrivée du repreneur ? Par qui ? Quand ?
· Si oui, quelle a été votre réaction
à cette annonce ?
· Aviez-vous connaissance du désir du dirigeant de
vouloir céder son entreprise ?
· Comment avez-vous vécu d'éventuelles
rumeurs ?
A l'arrivée du repreneur :
· Dans quel contexte le repreneur est-il arrivé ?
Quel climat social régnait dans l'entreprise ?
· Quel accueil avez-vous personnellement
réservé au repreneur ?
· L'arrivée du repreneur a-t-elle eu des
conséquences sur la vie de l'entreprise?
Prise de fonction du dirigeant :
· Comment la période de transition s'est-elle
déroulée ? A-t-elle été bénéfique
?
· Quelle a été votre sentiment à
l'issue de votre premier entretien avec lui ?
· Qu'est-ce que le repreneur a mis en place dès son
arrivée ? Pourquoi ?
· Des changements vous ont-ils concernés directement
? Si oui, comment avez-vous réagi ?
Bilan :
· Qu'attendez-vous du repreneur ?
· Percevez-vous une différence entre l'ancien et le
nouveau dirigeant ?
· Auriez-vous préféré rencontrer cette
personne avant la signature de l'accord définitif de reprise ? Pourquoi
?
![](Comment-reussir-sa-transmissionreprise-de-petite-entreprise-de-faon-perenne-13.png)
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