En matière de réception du projet, elle est
très positive au niveau de la motivation des bénéficiaires
pour que ces kits fonctionnent et ils sont prêts à participer au
bon fonctionnement des installations.
Il est par contre plus difficile de mesurer si la maintenance
sera efficace ou non étant donné que les kits ne sont
installés que depuis novembre 2009. Il était prévu de
donner des connaissances techniques sur le photovoltaïque à 150
jeunes de Dangbo mais ces formations, qui ont lieu dans les écoles
principalement, sont plutôt de l'ordre de la sensibilisation et ne leur
permettent pas de pouvoir détecter et résoudre les
problèmes facilement. Par ailleurs, un bureau s'est ouvert à
Hozin pour faire l'intermédiaire entre la population et le siège
de l'ONG, qui se trouve à 45 km de la commune. Il peut ainsi aider
à la maintenance des systèmes, il possède des
pièces de rechange pour éviter de se rendre sur Cotonou voire au
Nigeria (certains composants se trouvant plus facilement au Nigeria et à
meilleur marché). Le bureau est un point de renseignement sur les
installations solaires que l'ONG propose. Dans cette optique l'ONG a mis en
place une stratégie de commercialisation des kits solaires avec trois
possibilités offertes : du 12 V pour 368 000 FCFA, du 220V/300-500 W
pour 660 000 FCFA ou du 220 V/1000 W pour 1.166.000 FCFA.
Pour résumer, cette ONG béninoise fait une
réelle promotion des diverses possibilités offertes par le
photovoltaïque. Cela va du simple kit de 6 V pour les radios au kit plus
élaboré pour éclairer, faire fonctionner une
télévision... Le public visé est lui aussi assez vaste car
il touche toutes les couches de la commune : des notables aux paysans en
passant par les jeunes. Le volet sensibilisation fonctionne relativement bien.
Les populations, y compris les analphabètes, qui ont participé
aux diverses activités ont maintenant connaissance de ces
possibilités et semblent particulièrement
intéressées. Leur intérêt se porte
particulièrement sur
les chargeurs pour téléphones portables et sur
les kits pour radios en raison de leur adéquation avec les besoins
réels et quotidiens des villageois et de leurs coûts plus ou moins
abordables. Il y a également un intérêt pour les kits
solaires mais leur coût apparaît très souvent comme trop
élevé.
Quant aux kits installés gratuitement dans les centres
communautaires, ils permettent d'éclairer et d'avoir des prises
électriques. Les bénéficiaires sont donc satisfaits de
pouvoir faire fonctionner pour quelques heures de plus leurs écoles ou
leurs centres de santé. Mais ces installations ne restent que
ponctuelles et la question se pose de savoir si la maintenance sera suffisante
pour qu'elles continuent à fonctionner d'autant plus que les
installations sont éparpillées sur l'ensemble de la commune.
Par ailleurs, on ne peut pas parler d'électrification
de nouveaux villages car les habitations individuelles ne
bénéficient pas de l'électricité solaire et n'en
bénéficieront sûrement pas ou que très peu, tout
comme à Tori-Cada. Il est donc intéressant de se pencher sur les
raisons de ces résultats mitigés.
2. L'électrification rurale au Bénin et
les différentes options développées
L'électricité est communément
considérée comme un facteur important pour le
développement d'un pays. Tellement important que l'accessibilité
à l'électricité est devenue une condition siné qua
non pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD). En effet, selon le rapport « Les Objectifs du
Millénaire pour le développement au Bénin : Situation
actuelle et perspectives », un des déterminants à prendre en
considération pour « éliminer l'extrême
pauvreté et la faim »54 au Bénin (OMD n°1)
est « l'accès aux infrastructures économiques
»55, c'est à dire l'accès au logement, à
la santé, à l'eau, aux télécommunications et ...
à l'électricité. De même, pour atteindre l'objectif
d'un environnement durable (OMD n°7), le secteur de l'énergie
rentre en ligne de compte avec principalement sept actions spécifiques.
Parmi ces actions, on retrouve la « production d'énergie
électrique, [l']extension et [la] réhabilitation du réseau
électrique»56, ou encore les « systèmes
électriques hors réseau dans les écoles et bâtiments
sanitaires avec des stations de recharge pour les batteries »57
ainsi que l'« approvisionnement de toutes les communautés rurales
[et] l'accès à des services modernes dans le domaine de
l'énergie »58.
Si le secteur de l'énergie et en particulier
l'électricité attire au Bénin autant l'attention
aujourd'hui c'est bien parce que son accès est encore fortement
limité. En effet, l'accès à cette énergie est
à la fois faible, car seule 22% de la population y a accès, et
inégale, ce pourcentage descendant à moins de 2% pour les zones
rurales. Il est donc intéressant de voir en premier lieu en
détail la situation dans les localités rurales du Bénin
puis d'analyser la façon dont le Bénin tente de résoudre
le problème d'accès à cette forme d'énergie dans
les zones rurales. Le gouvernement béninois a élaboré pour
la première fois dans les années 2000 une politique
énergétique ainsi qu'une Politique d'Électrification
Rurale (PER). Ces réformes s'inscrivent dans la logique de la
gouvernance politique prônée aujourd'hui par toute grande instance
internationale : la décentralisation. La PER sera donc basée sur
l'électrification rurale décentralisée et la
responsabilité de sa mise en oeuvre reviendra à l'ABERME,
créée à l'occasion et anciennement Cellule de Coordination
de la Pré-électrification et du Programme
54 PNUD 2009, 10
55 Ibid.
56 Id., 27
57 Ibid.
58 Ibid.
Solaire (CCPS). Il est donc nécessaire de
s'arrêter sur l'organisation du secteur de l'électricité et
sa décentralisation puis de regarder les options
développées et prévues par la politique
d'électrification rurale décentralisée.
2.1. État des lieux : des zones rurales
peu électrifiées et développement de
l'électrification rurale décentralisée
2.1.1. La situation de l'électrification dans
les zones rurales béninoises
Au Bénin, le niveau d'accès des ménages
ruraux au service de fourniture d'électricité est très
faible (taux d'électrification59 inférieur à
2%) alors que leur poids démographique n'est pas négligeable.
Selon le troisième recensement général de la population
humaine de 2002 (RGPH3), les ruraux représentent 61,1% de la population
totale, soit 4 139 781 habitants. Dans les années à venir,
malgré un taux de croissance de la population urbaine prévu plus
élevé que celui de la population rurale, ils
représenteront toujours une part importante de la population. En effet,
selon l'INSAE, la population rurale devrait représenter en 2015 encore
plus de la moitié de l'ensemble avec 4 972 444 habitants (soit 51% de la
population totale estimée)60. Pour autant il est peu probable
que cette population rurale soit raccordée au réseau
conventionnel. Cette quasi absence d'électrification dans les zones
rurales dans les PED, et en particulier en Afrique sub-saharienne, s'explique
par les faibles densités de population, le coût important que peut
représenter l'électricité pour un ménage, le
problème de maintenance, le manque de moyens au niveau national pour
étendre le réseau électrique vers des zones
reculées et faiblement peuplées, la diffusion lente des
techniques décentralisées, etc.
2.1.1.1. Un lien entre la faible densité de la
population rurale et l'électrification rurale quasi
inexistante
Si on regarde de plus près la situation au
Bénin en matière de densité de population, on avoisine
pour l'ensemble du pays les 78 hab./km2 en 2009 (selon The World
Factbook, CIA, 2009). Seulement, la situation est loin d'être
homogène car la population est très inégalement
59 Le taux d'électrification
représente la population effectivement desservie (c'est à dire
ayant effectivement accès au service) par rapport à la population
totale de la zone considérée. Il est à distinguer du taux
de desserte, qui représente le rapport entre la population desservie et
la population des localités électrifiées. L'échelle
géographique est plus restreinte pour le taux de desserte, qu'elle ne
l'est pour le taux d'électrification.
60 Ministère des Mines, de l'Énergie et
de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie, s.d.b.,
29
répartie. Pour ainsi dire la moitié des
habitants (45,52%) vivent dans les six départements du sud, soit sur 10%
du territoire61. Les parties du centre et du nord du pays ont donc
une densité de population très faible, oscillant le plus souvent
entre 0 et 20 hab/km2, excepté dans le département de
l'Atacora autour de Natitingou. Si on compare ces données (carte de la
densité de la population, Cf. Annexe 2) avec le réseau
électrique existant (carte de la configuration générale
des réseaux de transport d'énergie électrique
proposée à l'horizon 2025, Cf. Annexe 2) on constate que les
lignes électriques sont actuellement implantées (lignes pleines
sur la carte) où les densités de population sont les plus
élevées donc au sud du pays et dans les environs de
Natitingou.
Pour une compagnie privée d'électricité,
relier au réseau électrique les zones éloignées des
grandes villes du sud et de Natitingou, représente un coût
important (pour la mise en place des installations et pour la maintenance de
celles-ci) et est peu rentable économiquement. Une faible densité
de population signifie une population peu nombreuse et dispersée, des
distances importantes entre habitations ou villages, des conditions
d'accès parfois difficiles (peu de routes en bon état et
goudronnées en dehors des axes entre les grandes villes, des zones
inaccessibles lors de la saison des pluies), des pertes
d'électricité importantes (les pertes étant
proportionnelles à la longueur des lignes)... Par ailleurs, le prix du
kilowattheure (kWh) de la SBEE étant élevé et les
populations rurales ayant peu de revenus monétaires leur consommation en
électricité serait sûrement faible si elles étaient
raccordées, or les infrastructures sont quasiment identiques pour
alimenter de gros ou de petites consommateurs. Raccorder les zones rurales dans
ces conditions et face à cette faible demande potentielle solvable
représente un investissement à perte pour une compagnie
électrique qui prend en considération des facteurs
économiques et financiers. D'où une nécessaire
intervention financière de l'État car les trois paramètres
(coût global du service, contraintes de disponibilité à
payer et rentabilité des investissements privés) qui
conditionnent l'équilibre financier global d'un projet
d'électrification rurale ne sont pas conciliables dans les zones rurales
d'un PED62. Par ailleurs, même dans le sud du Bénin et
près de Natitingou les zones rurales sont loin d'être
électrifiées comme le montrent les exemples de Tori-Cada et de
Dangbo, toutes deux au sud du pays. On a ainsi des localités non
raccordées au réseau de la SBEE alors que des localités
voisines le sont. Le problème de l'électrification des zones
rurales se pose donc sur l'ensemble du territoire.
61 Ministère des Mines, de l'Énergie et
de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie,
Id., 6
62 De Gouvello et al. 2000, 139-174
2.1.1.2. Les problèmes de fourniture
d'énergie électrique
Il semble également important de faire remarquer qu'il
y a d'autres problèmes dans le domaine de l'électricité au
Bénin. En effet, la tension reçue n'est pas
régulière et il y a de très nombreuses interruptions
d'électricité63, en raison de l'approvisionnement
difficile du Bénin en électricité64. La
consommation d'électricité annuelle au Bénin est de
l'ordre de 660 gigawattheure65 or la capacité interne de
production électrique du Bénin est très
limitée66. Le taux d'autosuffisance en énergie
électrique n'est donc qu'aux alentours de 10,5% (chiffre de
200267). Cela entraîne une grande dépendance envers
l'extérieur : 85% de la fourniture d'électricité provient
des importations d'électricité du Nigeria et les importations de
la Communauté Électrique du Bénin (CEB) viennent
principalement du Ghana68. Cependant, la combinaison de la
production nationale et des importations n'est pas suffisante pour couvrir les
besoins actuels en électricité alors même que l'ensemble du
territoire est loin d'être électrifié.
2.1.1.3. Les alternatives développées
pour l'électrification rurale avant la mise en place de la politique
d'électrification rurale
Si la quantité d'électricité disponible
au Bénin est insuffisante et que le raccordement au réseau
d'électricité conventionnel représente un coût
freinant l'électrification des zones rurales par la SBEE, on pourrait
envisager que d'autres systèmes aient été mis en place
pour répondre aux besoins de la population rurale en matière
d'électricité (besoins essentiellement domestiques).
En 1993, le gouvernement à travers le ministère
de l'Énergie initia ainsi trois programmes spécifiques pour les
zones rurales. Ces programmes étaient financés par le budget
national et, en 1996, la CCPS a été créée pour les
gérer.
L'un de ces programmes consistait en la
pré-électrification par des groupes diesels de gros villages
(villages avec une population dépassant les 3 000 habitants).
63 Notamment, il y a de nombreux délestages en
fin d'année et en début d'année, période de
fête et de sécheresse.
64 Badarou & Kouletio 2009, 21
65 La demande journalière des 345 725
abonnés est de 200 MW.
66 Le Bénin possède une micro-centrale
à Yéripao au nord et des centrales thermiques principalement
à Parakou, Natitingou, Porto-Novo
67 Ministère des Mines, de l'Énergie et
de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie s.d.b,
16
68 La CEB importe de l'électricité en
provenance du Ghana et de la Côte d'Ivoire.
Un autre programme visait la
pré-électrification et l'adduction d'eau villageoise de
localités frontalières.
Le troisième tentait d'améliorer les conditions
de vie en milieu rurale par l'électrification solaire69.
C'est ainsi que certaines localités rurales ont été
électrifiées à partir du solaire photovoltaïque
seulement la maintenance posa problème car elle était faite par
une entreprise aux propres frais des comités de gestion70.
Les installations laissées sans entretien n'ont donc plus
fonctionné. De façon plus générale la gestion
communautaire des équipements n'était pas adaptée, que ce
soit au niveau des décisions techniques à prendre face aux
problèmes techniques ou de la gestion des fonds. Ainsi la plupart des
villages électrifiés sont « retournés dans le noir
» en raison des systèmes de maintenance mis en place.
Ces projets pilotes qui cherchaient à «
accélérer l'électrification des zones rurales à
partir de projets spécifiques »71, n'ont pas beaucoup
fait évoluer la situation car ils n'ont pas amené des programmes
à grande échelle. A la fin 2004 seules 39 localités ont
été électrifiées (soit 5 localités par
an).
Des centres communautaires d'activités72
(CCA) furent également construits en 1997 dans certains villages. La
gestion de leurs systèmes solaires fut déléguée
à BHVE, une société privée locale de
BURGEAP73 qui avait la gestion au préalable de ces projets.
Selon Marcel Dossou Kohi (responsable de BHVE), les CCA font partie des rares
projets d'ERD qui ont fonctionnés car ils étaient «
gérés de façon professionnelle par une personne morale
»74. Il ajoute que le problème principal de ces
installations était principalement technique car les équipements
étaient vétustes et qu'il n'y avait pas les fonds
nécessaires pour les renouveler. En 2003, le responsable de BHVE
préconise donc de « créer un environnement juridique et
institutionnel favorable, d'exonérer de taxes douanières les
équipements d'ERD, d'encourager les entreprises privées [et]
d'aider les entreprises qui s'engagent dans ce secteur d'activité
»75. Car finalement, bien que la CCPS fût
rattachée au Ministère de l'Énergie, les actions
étaient
69 Le solaire avait commencé à
être introduit dans les années 1980 mais les actions commenceront
réellement dans les 1990.
70 Au problème de maintenance s'ajoute des
problèmes d'ordre politique car la réalisation des installations
a été attribuée à une entreprise sans appel
d'offre, des fonds récoltés pour assurer la maintenance ont
été détournés...
71 Ministère des Mines, de l'Énergie et
de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie,
s.d.b., 21
72 Le CCA est un concept multiservice avec
l'alimentation en eau potable, une cabine téléphonique, une
buvette, un centre de télévision - vidéo, une recharge de
batterie, la location de kits d'éclairage domestique et des lampadaires
publics.
73 BURGEAP est une ingénierie
indépendante basée essentiellement en France mais intervenant sur
l'ensemble des continents.
74 Dossou Kohi 2003, 8
75 Dossou Kohi Id., 9
faites en dehors d'un cadre institutionnel et ce n'est qu'en
2004 que le Bénin se dota d'une politique d'électrification
rurale.
La grande majorité de la population rurale ne
possède donc ni électricité conventionnelle, ni groupe
électrogène, ni électricité solaire, pour
répondre à ses besoins domestiques mais également pour ses
activités génératrices de revenus. En effet,
l'électricité est requise pour alimenter de nombreuses machines,
conserver et transformer rapidement les produits agricoles... Or, le secteur
agricole est un secteur très important pour le monde rural qui tire la
majorité de ses ressources des activités agricoles et ceci encore
plus avec la monétarisation des conditions de vie. Par ailleurs, il est
très difficile de monter une entreprise si l'on ne possède pas
d'électricité. C'est pourquoi on considère
communément que le développement des localités non
électrifiées, voire du pays entier, est conditionné en
partie par cette composante énergie.
Le service de l'électricité est donc à
la croisée de diverses problématiques : celle de la
rareté/abondance de l'énergie, celle du développement
rural, celle des infrastructures, celle de la citoyenneté avec
l'accès au service de base et celle plus large du développement
social et économique.
La population a cependant recours à des alternatives
pour répondre à ses besoins en électricité. Ces
derniers ne sont pas négligeables étant donné que la
population adopte de plus en plus des habitudes de la société de
consommation. En effet, depuis quelques années, il y a une «
expansion mondiale du système économique et technique issu de la
révolution industrielle [...] [qui] induit des transformations dans leur
cadre naturel et socioéconomique »76.
Les besoins des ménages en énergie sont
principalement pour l'éclairage, l'audiovisuel et la cuisson que ce soit
en milieu rural ou en milieu urbain. Pour pallier à l'absence
d'électricité pour l'éclairage, la population a recours
principalement à la lanterne et de plus en plus aux torches à
piles. Les dépenses en petits consommables sont donc importantes
(pétrole pour les lanternes, piles pour les torches...). Par ailleurs,
ces solutions peuvent apparaître pour les utilisateurs comme
pénibles et inefficaces en comparaison avec l'éclairage
électrique. Par ailleurs, du fait du mimétisme des modes de vie,
de nouveaux besoins apparaissent :
76 De Gouvello et al. op.cit., 57-60
l'audiovisuel pour lequel on recourt aux batteries autos ;
les radios fonctionnant à pile ; les services de santé ; les
services d'éducation et la ventilation. Plus récemment, on voit
également une utilisation exponentielle de la téléphonie
mobile. Alors que l'on comptait un abonné pour 100 habitants en 2000,
huit années plus tard ce rapport a été multiplié
par 4077. Or les téléphones portables ont besoin
d'être régulièrement rechargés, les villageois
doivent donc se déplacer vers des endroits électrifiés
où en échange de rémunérations
(généralement 100 FCFA), ils peuvent recharger leur
téléphone portable.
Généralement dans les villages un certain
nombre d'habitants a également recours aux groupes
électrogènes mais ils représentent un coût important
du fait de l'achat de pétrole nécessaire à leur
fonctionnement donc peu de personnes en bénéficient en plus de
poser le problème de l'approvisionnement en pétrole.
Une offre du marché local existe donc pour
répondre aux besoins des ménages non électrifiés
ainsi qu'une demande pour le service d'électricité. Pour autant
ces solutions « traditionnelles » peuvent apparaître comme
insatisfaisantes pour la population (coût important, service
limité, qualité faible, etc.) et pour le gouvernement
étant donné qu'elles ne permettent pas une réelle
électrification alors que celle-ci constitue une priorité de
développement.
2.1.2. L'organisation béninoise du secteur de
l'électricité ... 2.1.2.1. La situation dans les
années 1990
Si on envisage la question de l'électrification dans
un espace temporaire plus vaste, on se rend compte que la vision a fortement
évolué. Dans les années 1950, la solution réseau
avec l'intervention de l'État fut prônée pour les zones
rurales des PED en se basant notamment sur la théorie des rendements
croissants78. L'État - à travers les dépenses
publiques - apparaissait comme un acteur central pour le «
développement des PED ». C'est dans ce contexte que le Bénin
- à l'époque nommé Dahomey - devint indépendant en
196079. Mais les
77 The World Bank Group, « World Development
Indicators database », Septembre 2009 [
http://ddpext.worldbank.org/ext/ddpreports/ViewSharedReport?
&CF=&REPORT_ID=9147&REQUEST_TYPE=VIEWADVANCED] (page
consultée le 10 décembre 2009)
78 La théorie des rendements croissants
vient contrebalancer le modèle de Heckscher-Ohlin-Samuelson qui
privilégie la concurrence pure et parfaite, alors que la première
justifie le protectionnisme pour aider un secteur à se développer
et devenir concurrentiel. Le rôle de l'État joue un rôle
alors déterminant pour pouvoir démarrer le processus.
79 Le Dahomey, créé en 1625, sera
colonisé par les Français. En 1984, ces derniers créent la
colonie du Dahomey, qui deviendra indépendante le 1er août
1960.
choses changèrent avec la crise
pétrolière car les PED virent dans les années 1980 leur
endettement s'accroître. Au Bénin, le secteur bancaire s'effondra
et les recettes de l'État chutèrent. Le régime
marxiste-léniniste (1972-1990) se retrouva alors face à une
sévère crise politico économique et il devint difficile de
financer les infrastructures de base comme l'électricité. Les
théories du développement changèrent alors de direction et
prônèrent des thèses libérales. Le « consensus
de Washington », dans lequel l'État est réduit à un
rôle minimal et où le marché doit être « sans
entrave », apparut alors comme la solution pour les pays
endettés. On passa ainsi en 1990 d'une économie
régulée par l'État à une économie de
marché. Au Bénin, le régime marxiste-léniniste
disparut en 1990 lors d'une profonde réforme politique et administrative
accompagnée de l'adoption d'une constitution fondée sur le
libéralisme économique et un régime politique de
démocratie pluraliste. En 1994 la Banque Mondiale préconise le
modèle de délégation de gestion ou encore le «
Partenariat PublicPrivé » pour gérer les services publics.
L'orthodoxie libérale prévaut alors et dans ce contexte
l'électrification rurale n'a pu progresser car ce n'est pas un domaine
rentable où les mécanismes de marché peuvent jouer
librement. Un cercle vicieux s'installe alors où
l'électricité est l'un des éléments incontournables
pour engendrer un développement économique des zones rurales.
C'est dans ce contexte que l'on vit s'accroître la présence des
ONG afin de répondre à la défaillance de l'État qui
avait traditionnellement la responsabilité de l'électrification.
Les ONG jouent donc un rôle croissant avec de petits projets
d'électrification souvent à l'échelle villageoise, dans
des lieux où l'État ne s'engage pas.
Les initiatives prises dans les années 1990 ont donc
été un échec que la Direction de l'Énergie
expliquait en 2004 par les éléments suivants :
- la gestion des projets
La gestion des projets a posé problème car la
conception des projets d'électrification rurale ne prenait en compte que
les besoins d'investissements initiaux. On se retrouvait donc dans le cas d'un
affermage où la gestion est privée80 :
l'opérateur n'a à charge que le service rendu et pas
l'investissement assumé par l'État. Leur exploitation et leur
entretien a posé problème à la fois pour la gestion
technique mais également pour la gestion financière.
- l'organisation institutionnelle mise en place
80 D'après Noémie Zambeaux (Zambeaux
2006, 83-88) dans la gestion par affermage, la conception, la construction, le
financement et la propriété sont publics. L'exploitation, la
maintenance et la facturation sont quand à eux privés ou
gérés par le privé.
L'étude APPLIMAR81 a identifié
« sept familles d'acteurs devant constituer les parties prenantes de ces
programmes »82 à savoir les pouvoirs publics (pour
définir le cadre et arbitrer son application), les bureaux
d'études, les entreprises professionnelles (pour l'installation, la
gestion et la maintenance des équipements), les banques et les
institutions de micro finance (gestion des mécanismes de financement),
les entreprises de fourniture d'équipements, les usagers et les ONG. Or,
selon le rapport, au Bénin les acteurs n'étaient pas suffisamment
impliqués et il n'y avait pas de procédure pour permettre la
concertation entre eux et la coordination de leurs actions.
- la définition et la planification des
projets
Selon le rapport APPLIMAR, la priorité était
donnée à des localités pour des raisons de
sécurité (priorité aux localités
frontalières) et pour éviter l'exode rural mais sans
définir clairement les critères de décision. A cela
s'ajoute une absence de coordination des actions de la SBEE
(électrification conventionnelle) et de la CCPS (électrification
rurale décentralisée), ainsi qu'aucun cadre de concertation et
d'échange entre les « différents secteurs du
développement ». Les projets d'électrification visaient donc
essentiellement les besoins sociocommunautaires et les besoins domestiques en
mettant de côté les besoins pour les activités
économiques.
- le financement
Les financements provenaient de subventions du budget
national ou de bailleurs de fonds internationaux. Seulement, il n'y avait
aucune règle générale d'attribution donc cela se faisait
au cas par cas. Le rapport APPLIMAR souligne donc que cette situation ne permet
pas d'attirer les investisseurs privés qui restent méfiants.
- le cadre législatif et réglementaire de mise
en oeuvre des projets
Il n'existait aucun cadre législatif et
réglementaire, ni de standards techniques et de qualité, pour
servir de fondement à l'électrification rurale.