UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES
Faculté des Sciences Sociales, Politiques et
Economiques DEPARTEMENT DE SCIENCES SOCIALES
Année académique 2009-2010
L'ÉLECTRIFICATION RURALE PAR
L'ÉNERGIE SOLAIRE. ÉTUDE DE CAS AU
BÉNIN.
Julie BOBEE
Mémoire présenté en vue de l'obtention du
grade de Master en Sciences de la Population et du Développement
Directeur : M. le Professeur Zaccaï
Remerciements
Je tiens à remercier M. Zaccaï et M. Huart pour
leurs précieux conseils dans la rédaction de ce
mémoire.
Je remercie également l'équipe de l'Agence
Béninoise de l'Électrification Rurale et de la Maîtrise de
l'Énergie, pour l'ensemble des connaissances et de l'aide qu'ils m'ont
apporté, ainsi que pour leur convivialité.
Une pensée particulière est adressée
à M. Dossou-Bodjrènou, directeur de Nature Tropicale, et à
toute son équipe pour m'avoir formée et intégrée
à leur équipe ainsi que pour avoir partagé leurs
connaissances sur la problématique de l'énergie solaire et de
m'avoir permis de mener à bien mes recherches.
Mes remerciements s'adressent également aux personnels
des différents centres de documentation fréquentés et
particulièrement à celui du Ministère de l'Environnement
du Bénin, du COTA et de l'APERE à Bruxelles.
Je souhaite également remercier M. Adjallala, agronome
béninois, pour avoir partagé ses connaissances sur Tori-Cada,
ainsi qu'à ma famille pour leurs conseils.
Un grand encouragement et respect s'adressent à l'ensemble
de la population de Dangbo et de Tori-Cada qui m'ont accueilli avec grande
sympathie.
Table des matières
Introduction
1. Deux projets d'électrification solaire
photovoltaïque mis en place au Bénin
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1.1. Les projets de l'ABERME : cas du village de Tori Gada
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1.1.1. Généralités sur Tori-Cada
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1.1.2. L'électrification à Tori-Cada
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1.1.2.1. État des lieux avant l'installation des modules
photovoltaïques
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1.1.2.2. Tori-Cada, un arrondissement électrifié
grâce au solaire?
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1.2. Les projets ponctuels : cas du projet de Nature Tropicale
ONG
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1.2.1. Généralité sur la commune de Dangbo
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1.2.2. Présentation de Nature Tropicale et de son projet
sur l'énergie solaire
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1.2.2.1. Nature Tropicale ONG en quelques traits
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1.2.2.2. Le volet énergie solaire de l'ONG
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1.2.3. Mise sur place du photovoltaïque dans les villages de
Dangbo
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1.2.3.1. Kits pour les radios simples
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20
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1.2.3.2. Les « options solaires » pour les
téléphones portables
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1.2.3.3. L'électrification de centres communautaires
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2. L'électrification rurale au Bénin et les
différentes options développées
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2.1. État des lieux : des zones rurales peu
électrifiées et développement de l'électrification
rurale décentralisée 26
2.1.1. La situation de l'électrification dans les zones
rurales béninoises 26 2.1.1.1. Un lien entre la faible densité
de la population rurale et l'électrification
rurale quasi inexistante 26
2.1.1.2. Les problèmes de fourniture d'énergie
électrique 28
2.1.1.3. Les alternatives développées pour
l'électrification rurale avant la mise en
place de la politique d'électrification rurale
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2.1.2. L'organisation béninoise du secteur de
l'électricité
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2.1.2.1. La situation dans les années 1990
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2.1.2.2. Aspects institutionnels et réglementaires
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2.1.2.3. Les acteurs du secteur de l'électricité
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2.1.2.4. Les capacités de production
d'électricité
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2.1.3. ... et la décentralisation du service de
l'électrification rurale
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2.1.3.1. Les concessions
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2.1.3.2. L'auto-production
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2.1.3.3. La politique d'électrification rurale et son
financement
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37
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2.2. Les options développées par l'agence
étatique pour l'électrification rurale
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2.2.1. Les critères de choix et
d'éligibilité
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40
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2.2.2. Les sources d'énergies possibles pour la
micro-électrification
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2.2.3. Les options développées par l'ABERME
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3. Avantages et inconvénients du solaire
photovoltaïque pour les localités rurales du Bénin. .46 3.1.
Explications simplifiées de cette technologie attrayante 46
3.1.1. La composition d'un système photovoltaïque
46
3.1.2. La maintenance 49
49
3.1.3. Les applications du photovoltaïque 50
3.1.3.1. Les applications pour les sites isolés : de
quelques watts à 1 kW...50 3.1.3.2. Les applications de quelques
kilowatts au mégawatt 51
3.2. Les avantages du solaire dans un pays en
développement
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51
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3.2.1. Les avantages de tout système solaire pour les
zones rurales
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51
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3.2.2. Les avantages particuliers des applications du
photovoltaïque
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3.3. ... et ses inconvénients
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3.3.1. Les problèmes techniques
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3.3.2. Les problèmes économiques
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3.3.3. Les problèmes politiques
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3.3.4. Les problèmes environnementaux
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3.3.5. Les problèmes géographiques
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4. Surmonter les obstacles
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4.1. Surmonter l'obstacle financier
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4.1.1. Une étude préalable approfondie
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62
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4.1.2. Proposer des facilités de paiement
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4.2. Assurer une maintenance adéquate
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4.2.1. Concentration des installations et mise en place d'un
relais local
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4.2.2. Une formation réelle et adaptée
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4.3. L'installation par une structure avec de l'expérience
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4.4. Un dialogue multisectoriel et l'implication de tous les
acteurs
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4.5. Permettre l'apport de ressources financières
supplémentaires par le développement des
activités professionnelles 80
4.6. Penser à l'après-vie des composants 81
4.7. Réflexion sur les autres types
d'électrification solaire 82
Conclusion 84
Bibliographie 88
Annexe 1 : Carte de la commune de Tori-Bossito 95
Annexe 2 : Carte de la commune de Dangbo 96
Annexe 3 : Cartes du réseau électrique et de la
densité de population 97
Annexe 4 : Ensoleillements et latitudes au Bénin 98
Annexe 5 : Plan de financement d'une opération type, selon
René Massé 99
Index 100
Introduction
« Électrification rurale » et « Afrique
Subsaharienne » : des termes antinomiques? Si en matière
d'électrification, de nombreuses disparités existent entre les
pays en développement, c'est bien l'Afrique Subsaharienne qui se
retrouve en fin de palmarès et en particulier dans le domaine de
l'électrification rurale. En effet, alors que l'on estime que 56% des
zones rurales dans les pays en développement sont
électrifiées, seules 8% des zones rurales d'Afrique Subsaharienne
le sont1. Le Bénin - classé par le PNUD en 2004 parmi
les Pays les Moins Avancés (PMA) - ne fait donc pas exception à
la règle.
Ce pays, d'une superficie de 112 622 km2 pour une
population de 7 184 043 habitants2 avec une majorité de
ruraux (61,1% de population rurale contre 38,9% d'urbains)3, est
faiblement électrifié avec une grande disparité entre les
villes et les campagnes. En effet, si on s'arrête sur le taux
d'électrification - défini par René Massé comme le
« rapport entre la population desservie et la population totale de la zone
»4 - on constate qu'il était en 2004 aux alentours des
22%5 et ce taux descend à moins de 2% pour la population
rurale (contre 53% pour la population urbaine)6. Une couverture plus
large de la population en matière d'électrification
représente donc un défi pour ce pays d'Afrique de l'Ouest et en
particulier pour pallier à cette inégalité criante entre
ville et campagne. Nous allons donc nous focaliser sur l'électrification
rurale au Bénin et en particulier sur les potentialités
réelles offertes par la technologie du solaire photovoltaïque dans
ce domaine. L'électrification rurale peut être
développée de différentes manières et à
partir de différentes technologies. En effet, on peut procéder
par électrification centralisée ou décentralisée,
la différence étant la centralisation ou non de la production
d'énergie ainsi que la distribution ou non par réseaux.
L'électrification rurale décentralisée est promue pour les
pays en développement depuis plus d'une trentaine d'années et
depuis le séminaire de Marrakech7 en 1995, il est de plus en
plus question de développer ce type d'électrification. Par
ailleurs, on peut mettre en place soit la technologie éolienne ou
hydraulique, soit les groupes électrogènes ou encore le solaire
photovoltaïque, ou une
1 Fall 2008, 84
2 D'après le 3ème recensement
général de la population et de l'habitation réalisé
par l'Institut de la Statistique et de l'Analyse Économique (INSAE) en
2002.
3 Ministère des Mines, de l'Énergie et
de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie, s.d.b,
6
4 Massé 2007, 1
5 Fall 2008, 89
6 Ministère des Mines, de l'Énergie et
de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie, s.d.c,
14
7 Le séminaire de Marrakech a
été organisée par la France et le Maroc. Il se voulait une
contribution pour les travaux de la Commission pour le Développement
Durable des Nations-Unies (CDD). Son thème principal était
l'électrification décentralisée.
combinaison de ceux-ci. Dans le cas du Bénin,
l'électrification rurale décentralisée est promue
notamment via l'Agence Béninoise pour l'Électrification Rurale et
la Maîtrise de l'Énergie (ABERME) avec la mise en place de
différentes technologies selon les situations géographiques des
localités et, parmi elles, le solaire photovoltaïque. Des projets
d'électrification par le solaire photovoltaïque sont
également mis en oeuvre par des associations ou organisations non
gouvernementales (ONG) dans différents villages.
L'énergie solaire est donc une option pour
l'électrification rurale qui se développe dans ce pays dont
l'irradiation solaire est assez abondante (moyenne de 5000Wh/m2 par
jour8). Mais alors que l'on considère que la durée de
vie d'un module photovoltaïque est d'environ vingt ans, est ce que
l'énergie solaire, telle qu'elle est mise en place, représente
une solution durable pour l'électrification des villages au Bénin
?
L'accès à l'énergie est
considéré comme faisant partie des « basic requirements
»9, on peut donc estimer que les populations rurales ont besoin
et souhaitent avoir accès à l'électricité
(hypothèse 1). Pour répondre à ce désir, il
semblerait que l'énergie solaire soit une bonne opportunité pour
les populations rurales béninoises, non reliées au réseau
électrique, pour avoir accès à l'électricité
notamment car le coût du raccordement au réseau traditionnel des
localités isolées est très lourd pour ce pays parmi les
plus pauvres au monde (hypothèse 2). Par ailleurs, alors que les projets
mis en place dans les années 1990 ont montré de nombreuses
limites et n'ont pas été « durables », les
leçons ont dû être tirées afin qu'aujourd'hui les
installations soient pérennes (hypothèse 3).
Pour analyser le sujet, une méthodologie en trois temps
a été appliquée. La première partie du travail
consiste en une recherche scientifique sur l'électrification dans les
régions rurales en Afrique de l'Ouest et plus particulièrement
sur l'électrification décentralisée et
l'électrification solaire. Ce travail s'appuie sur divers ouvrages
dédiés à ce sujet (livres, revues, articles
scientifiques...). Vient ensuite une recherche sur la situation
énergétique au Bénin et spécialement en milieu
rural en se basant en grande partie sur des données
récoltées auprès de l'ABERME et des ministères au
Bénin. La dernière phase de la recherche s'appuie sur une
8 AMOUSSOU et al. s.d., 11
9 Selon la déclaration finale du Sommet mondial
pour le développement durable (SMDD) qui s'est tenu à
Johannesbourg en 2002.
recherche de terrain avec la visite de villages
électrifiés par l'énergie solaire, l'analyse des projets
et des entretiens informels.
Ces recherches permettent dans un premier temps de faire un
état des lieux de deux endroits électrifiés par le
solaire, en s'arrêtant sur le village de Tori-Cada, qui a
bénéficié d'un projet émanant de l'agence
d'électrification rurale visant à électrifier 24 villages
béninois par le solaire photovoltaïque, puis en regardant les
actions menées sur le solaire par une ONG (Nature Tropicale ONG) dans la
commune de Dangbo. Pour comprendre pourquoi différentes structures
cherchent à installer l'électricité dans les zones rurales
il est nécessaire de revenir sur la situation de ces zones en terme
d'accès à l'électricité ainsi que sur les
différentes options qui sont actuellement mises en place ou qui sont
envisagées. Une de ces options est le solaire photovoltaïque
représentant à la fois des avantages et des inconvénients
qui seront mis en lumière grâce à une explication
simplifiée de cette technologie accompagnée d'une analyse de ses
bons et mauvais aspects dans le contexte particulier des pays en
développement (PED) selon la littérature sur le sujet et en
comparaison avec ce qui est mis sur pied au Bénin. Par la suite seront
envisagées les conditions à requérir pour surmonter les
obstacles sur la base des recommandations de la littérature et d'une
réflexion sur le cas particulier du Bénin.
1. Deux projets d'électrification solaire
photovoltaïque mis en place au Bénin
1.1. Les projets de l'ABERME : cas du village de Tori
Gada
L'ABERME - un établissement public à but non
lucratif avec pour mission de mettre en oeuvre la politique de l'État
dans les domaines des énergies renouvelables dans les zones rurales
ainsi que de la maîtrise d'énergie - a lancé un projet
d'électrification par solaire photovoltaïque dans vingt-quatre
localités dont Tori-Cada, grâce à un financement conjoint
du budget national et de la Banque Islamique du Développement (BID).
1.1.1. Généralités sur
Tori-Cada
Pour présenter la situation géographique de
Tori-Cada, il est nécessaire en premier lieu de s'arrêter sur le
découpage administratif du Bénin. D'une superficie de 114 763
km2, le pays est découpé en 12
départements10, chaque département est divisé
en communes, elles-mêmes constituées d'arrondissements rassemblant
les villages et quartiers de villes alentours. Administrativement Tori-Cada est
donc un arrondissement (avec cinq autres arrondissements) de la commune de
Tori-Bossito, qui est située dans le département de l'Atlantique
(département comptant huit communes)11. (Cf. Annexe 1) Par
ailleurs, Tori-Cada est un arrondissement important en terme
démographique. En effet, avec ses 11 952 habitants, il regroupe 27% de
la population de la commune12, une population constituée pour
moitié de femmes (6 029 femmes)13 et en grande partie
analphabète. En effet, l'arrondissement compte une population à
plus de 68% analphabète alors que ce taux est aux environs de 46,6% pour
la commune14. Il est également important de relever que cette
commune est faiblement urbanisée (28% d'urbains) et que les
activités sont fortement liées à l'agriculture au sens
large (production végétale, élevages, pêche,
pisciculture, exploitation forestière). En effet, 60% de la population
travaille dans l'agriculture et 26% se consacre au commerce y compris le
10 Du découpage administratif du Bénin
résulte la division du pays en 12 départements : Alibori,
Atacora, Atlantique, Borgou, Collines, Couffo, Donga, Littoral, Mono,
Ouémé, Plateau et Atlantique.
11 Gouvernement du Bénin, « Commune de
Tori-Bossito », [
www.gouv.bj/spip.php?article1029]
(page consultée le 30 mars 2010)
12 La commune de Tori-Bossito a une population de 44
569 personnes.
13 Mairie de Tori Bossito 2005, 12-14
14 Selon les données tirées du Plan de
développement de la commune de Tori-Bossito (Mairie de Tori Bossito
op.cit, 12-14)
commerce de produits agricoles et de produits issus des
transformations agro-alimentaires15. Par ailleurs, le niveau de vie
de la population est assez faible. Selon une enquête
développée par l'INSAE en 200716, alors que dans les
zones rurales pour l'ensemble du Bénin on considère que les
dépenses totales annuelles d'un ménage (constitué de 5,4
personnes) sont de 967 829 FCFA17 - soit 180 552 FCFA par tête
- ces chiffres sont plus faibles pour la commune de Tori-Bossito. Les
dépenses totales annuelles y sont de 624 616 FCFA par ménage
(ménage de 4,2 personnes), soit 149 375 FCFA par tête. Par
ailleurs, selon les renseignements récoltés sur le terrain, dans
l'arrondissement de Tori-Cada, le pouvoir d'achat d'un ménage de cet
arrondissement est encore plus faible que cela car il avoisine les 300 000 FCFA
par an (soit aux alentours de 450 euros).
Pourtant la commune s'est fixée comme objectif que
« Tori-Bossito, [soit] en 2019, une commune bien gouvernée,
jouissant d'un bien-être social et d'un rayonnement culturel, avec une
économie prospère basée sur une agriculture moderne, dont
les filles et fils sont unis et solidaires »18. Or, sans
électricité, envisager d'atteindre de tels objectifs semble assez
difficile. Il est donc intéressant d'analyser la situation en
matière d'électrification dans un des arrondissement de
Tori-Bossito (Tori-Cada) grâce à une description de la situation
avant la venue du photovoltaïque suivi de celle résultant de
l'installation solaire.
1.1.2. L'électrification à Tori-Cada
Du point de vue de l'électrification, seule une partie
de la commune est électrifiée par le réseau conventionnel.
En effet, seuls 284 ménages sur 7 km sont abonnés à la
SBEE par une ligne moyenne tension reliant l'arrondissement de Tori-Bossito
à celui de Tori-Gare qui est doté d'une gare ferroviaire.
L'arrondissement de Tori-Cada n'est donc pas relié au réseau
électrique conventionnel. L'accès à
l'électrification dans ces villages pose donc problème à
la fois pour la population mais également pour les installations
communautaires car sans électricité on ne peut pas avoir de
frigidaire dans un centre de santé, on ne peut pas faire fonctionner de
château d'eau, etc.
15 Mairie de Tori Bossito op.cit., 21
16 Institut National de la Statistique et de l'Analyse
Économique 2009, 3-14
17 1 FCFA équivalent à 0,00152249
euros.
18 Mairie de Tori Bossito op.cit., 36
1.1.2.1. État des lieux avant l'installation des
modules photovoltaïques
Avant la mise en place des modules solaires, les habitants de
l'arrondissement n'avaient pas accès à
l'électricité car peu d'entre eux possédaient des groupes
électrogènes. Seuls les commerçants et les fonctionnaires
utilisaient des groupes électrogènes en raison de moyens
financiers plus importants. La population devait donc trouver des alternatives
pour s'éclairer de nuit (de 19h à 6h30 en moyenne). Elle avait
essentiellement recours à la lanterne (on entend par là une lampe
à pétrole que l'on alimente généralement par de
l'essence frelatée, importée du Nigeria et que l'on trouve
facilement dans les villages, sur les routes et chemins...). Par ailleurs, la
majorité de la population utilisait des téléphones
portables, pour les recharger ils devaient donc se rendre à Tori-Bossito
où ils pouvaient le faire contre 100 FCFA19 (soit 15 cents
d'euros). Quant à l'eau potable, la population avait accès
gratuitement à différentes installations communautaires. En effet
étaient mis à leur disposition des puits à grand
diamètre couvert, des pompes hydrauliques manuelles ou pour pieds et des
citernes qui étaient correctement protégées. En
matière d'accès au soin, une maternité et une infirmerie
fonctionnaient dans le chef lieu de Tori-Cada malgré qu'il n'y ait ni
eau courante, ni électricité, car elles n'étaient pas
dotées de groupes électrogènes. Par conséquent, il
n'y avait pas de frigidaire pour garder des vaccins, d'ampoule pour
éclairer à la nuit tombée les salles de soins et les
chambres, ni d'accès aisé à l'eau lors des accouchements,
etc. L'arrondissement20 n'était pas non plus doté de
groupes électrogènes et des lanternes étaient donc
utilisées pour l'éclairage lorsque cela était
nécessaire .
1.1.2.2. Tori-Cada, un arrondissement
électrifié grâce au solaire?
Lors de l'élaboration du « programme d'action pour
l'électrification des localités rurales du Bénin
»21, Tori-Cada avait été
sélectionnée avec 35 autres par le « projet
d'électrification de 154 localités », afin de recevoir une
étude de faisabilité pour l'électrification de la
localité. Ce projet, sous la tutelle du Ministère des Mines, de
l'Énergie et de l'Hydraulique et sous la responsabilité de la
Société Béninoise d'Énergie Électrique
(SBEE), prévoyait une phase d'étude de 2003 à 2008
grâce à un financement de la Banque Mondiale. Finalement, un
arrêté a défini en 2005 que Tori-Cada ferait partie des
concessions de l'ABERME (et non de la SBEE). C'est ainsi que Tori-Cada a
bénéficié d'un projet de
19 Pour comparaison, le pain est vendu à 120
FCFA.
20 « L'arrondissement » est le terme désignant
au Bénin le chef lieu de l'arrondissement.
21 Ministère des Mines, de l'Énergie et
de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie, s.d.c.,
31
l'ABERME visant à équiper 24 localités en
systèmes solaires photovoltaïques et comportant deux volets.
- Volet adduction d'eau
> Alimentation de la population en eau potable :
objectif de construire un château d'eau et un mini réseau
d'adduction d'eau avec des forages équipés de pompes solaires.
- Volet électricité avec différents
objectifs
> Électrification publique : vise à
fournir un éclairage public, c'est-à-dire des rues grâce
à des lampadaires solaires.
> Électrification des centres sociaux
communautaires : les dispensaires, les maternités, les
écoles, le logement de l'infirmier, les centres de loisirs, etc.,
doivent être électrifiés et dotés de
réfrigérateurs solaires (en particulier les centres de
santé).
> Électrification de la population : les
habitants ont la possibilité d'installer chez eux des kits solaires
permettant de faire fonctionner 4 à 6 ampoules. Les kits sont
subventionnés et la population peut les faire installer sur demande en
échange d'un financement étalé sur un maximum de trois
ans.
En 2005, diverses installations photovoltaïques ont donc
été installées à Tori-Cada. Ainsi, des lampadaires
solaires ont été implantés pour éclairer les rues.
Un château d'eau a été construit et comme la
maternité, l'infirmerie et l'arrondissement, il a été
équipé de modules solaires. Pour faciliter les installations, ces
différents bâtiments ont été concentrés au
même endroit. C'est ainsi que le château d'eau a été
construit à côté de la maternité et de l'infirmerie.
Il se trouve de ce fait en hauteur par rapport au reste de l'arrondissement, ce
qui facilite la distribution de l'eau. L'arrondissement a donc dû
être déplacé grâce aux financements du budget
national comme le projet ne prévoyait pas de fonds pour sa
reconstruction.
La compagnie qui a remporté l'appel d'offre de l'ABERME a
donc installé :
- Pour alimenter l'arrondissement : 2 panneaux de 4
modules chacun (soit 8 modules)
- Pour alimenter le château d'eau et la
maternité ensemble : 8 panneaux de 6 modules chacun (soit 48
modules)
- Pour alimenter l'infirmerie : 2 panneaux de 4 modules
chacun (soit 8 modules)
- Pour l'éclairage public : 12 lampadaires
solaires (lampes photovoltaïques autonomes montées sur poteaux)
Exemple d'installation coordonnée l'ABERME, pour
le centre de santé
· Module : 85 Wc (18V - 4,72 A) de BP Solar
· Batterie : ouverte à plomb-acide, de 24 V
/ 400 Ah, adaptées au photovoltaïque
· Régulateurs : 12V-24V/45A.
· Onduleurs : 1200 VA (entrée de 24V et
sortie de 230 V / 50Hz)
· Disjoncteur
· Ampoules économiques
· Réfrigérateur -
Congélateur : 24 litres (réfrigérateur) et 2,4 litres
(congélateur), 230V / 50Hz, conçu pour les conditions tropicales
et pouvant fonctionner avec de l'électricité et du
kérosène
|
|
Selon le responsable de l'arrondissement, le matériel
installé fonctionne correctement malgré quelques
problèmes. Comme il n'y a pas de service de maintenance quand ils se
retrouvent face à des problèmes - aussi minimes soient-ils - ils
doivent faire appel à leurs propres frais à la
société qui a installé le matériel. Par exemple,
elle doit se déplacer quand le niveau d'électrolyte des batteries
est bas et qu'il faut remettre de l'eau distillée. Il y a eu
également du retard dans la livraison de certaines pièces et
certains composants ne sont jamais arrivés. A cela s'ajoute quelques
vols. Des modules ont été volés et n'ont pas
été remplacés, il y a ainsi plusieurs lampadaires qui ne
fonctionnent plus. Par ailleurs, alors qu'ils rentrent dans la cinquième
et dernière année du projet, ils n'atteindront pas tous les
objectifs d'électrification car les habitants n'envisagent pas de faire
installer des kits chez eux. En effet, seul un particulier - à la suite
des séances de sensibilisation - a fait installer pour son habitation un
kit solaire. Ce kit de 85 Wc et son installation reviennent à 650 000
FCFA, au lieu de 1 350 000 FCFA grâce aux subventions, et la
possibilité est offerte de payer par échelonnement à
travers des caisses locales durant au maximum trois ans, en prenant en
considération le caractère saisonnier des revenus. Cependant
malgré ces avantages financiers (Cf. Partie 2.2), la population tirant
une grande partie de ses revenus de l'activité agricole, a un pouvoir
d'achat trop faible et irrégulier pour envisager d'installer chez elle
ces kits.
Les habitants continuent donc comme avant le projet
d'utiliser la lanterne et les groupes électrogènes pour les
quelques particuliers qui en étaient dotés. Ils se rendent
également toujours à Tori-Bossito pour recharger leurs
téléphones portables contre 100 FCFA. Pourtant, chaque personne
interrogée - et notamment un groupe de femmes de l'arrondissement
suivant une formation sur l'agriculture - dit souhaiter avoir chez soi
l'électricité. Une des raisons - donnée par
l'ingénieur agronome donnant la formation - est qu'avec
l'électricité il serait possible de vendre les produits agricoles
au niveau supranational car alors on pourrait faire fonctionner les moulins et
autres machines agricoles. Cependant il ne semble pas que les habitants de la
localité puissent avoir un meilleur accès à
l'électricité dans le moyen terme.
Par contre toutes les personnes interrogées sont
satisfaites de l'électrification des installations
communautaires22 et, selon le responsable de l'arrondissement,
l'arrondissement compte prendre en charge les coûts des futures
réparations nécessaires à leur bon fonctionnement. Par
ailleurs, ces installations communautaires fonctionnent mieux depuis qu'elles
sont dotées de l'électricité. En effet, au niveau des
centres de santé, les conditions d'hygiènes sont
améliorées grâce à l'accès à l'eau et
à l'électricité, les vaccins peuvent être
conservés, les gardes de nuit sont facilitées grâce
à l'éclairage électrique, etc. Il faut cependant noter que
les horaires d'ouverture des centres de santé n'ont pas
été modifiés avec l'installation de
l'électricité. Quant à l'arrondissement grâce au
courant électrique, il peut faire fonctionner des ordinateurs, avoir des
pièces ventilées, etc. Ce dernier point n'est pas
négligeable dans ce pays où il fait une trentaine de
degrés, cela permet par exemple, de mettre en place des formations dans
de bonnes conditions (comme pour les séances de formation sur
l'agriculture à destination des femmes).
1.2. Les projets ponctuels : cas du projet de Nature
Tropicale ONG
L'électrification des zones rurales béninoises
n'émane pas seulement d'initiatives de structures étatiques, mais
également d'actions menées par la société civile.
On retrouve ainsi des organisations non gouvernementales qui installent des
kits solaires dans certaines localités. En raison de moyens - financiers
et humains - limités, leur champ d'action est souvent plus restreint (il
se limite souvent à une ou deux localités). Les actions de
Nature
22 Ces avis ont été recueillis lors
d'entretiens sous forme de discussions informelles. Les personnes
interrogées peuvent donc se sentir libres de donner leur avis. Cependant
cela reste un entretien entre un étranger et un local et, pour beaucoup,
l'étranger représente une source de financement et/ou d'aide
potentielle.
Tropicale ONG dans la commune de Dangbo peuvent ainsi
être prises comme un exemple concret de ce qui peut-être
mené par la société civile. Pour se faire, il est
nécessaire de procéder en premier lieu à une
présentation de la commune puis de l'ONG et de son projet solaire, pour
ensuite décrire la façon dont ce dernier s'est mis
concrètement en place dans les villages de la commune.
1.2.1. Généralité sur la
commune de Dangbo
Située au sud-ouest du Bénin dans le
département de l'Ouémé, la commune de Dangbo compte une
population de 66 055 habitants (INSAE 2002) pour une superficie de 340
km2. (Cf. Annexe 2) Cette population est répartie comme suit
entre les sept arrondissements de la commune.
Arrondissements
Hommes
|
Femmes
|
Total
|
Dekin
|
3 435
|
3 460
|
6 895
|
Gbeko
|
4 899
|
5 425
|
10 324
|
Houedomey
|
6 016
|
6 208
|
12 224
|
Hozin
|
4 698
|
5 378
|
10 076
|
Kessounou
|
4 876
|
4 926
|
9 802
|
Zoungue
|
3 915
|
4 411
|
8 326
|
Dangbo
|
3 899
|
4 509
|
8 408
|
Total
|
31 738
|
34 317
|
66 055
|
|
Tableau 1: Répartition de la population entre les
différents arrondissements de Dangbo
En matière des potentialités de la commune, on
retrouve :
- les ressources agricoles : maïs, arachides,
haricot, manioc, niébé23, patate douce, igname,
sésame, palmier à huile, haricot, canne à sucre
- les ressources en élevage : bovins, porcins,
volailles, ovins
- les cultures de rente : manioc, canne à
sucre
- les ressources naturelles : carrière de sable
fluviale et d'argile
- les ressources touristiques : forêts
sacrées, étangs, jardin public, sur la route des
Aguégués...
En vue de ces potentialités, il n'est pas
étonnant de constater que l'activité principale est liée
à l'agriculture au sens large avec l'élevage, la pêche, le
commerce, l'exploitation de bois de feu, les transformations agricoles. De leur
côté, l'industrie et l'artisanat se limitent à une
activité informelle alors que les activités liées au
commerce et au transport sont plus significatives en raison de nombreux
marchés, de présence de boutiques... Les activités
touristiques ne sont quant à elles pas significatives. En ce qui
concerne le secteur bancaire, on ne compte que la
23 Légumineuse morphologiquement proche du
haricot.
présence d'une Caisse Locale de Crédit Agricole
(CLCAM).
Ces activités n'engendrent pas d'importants revenus
monétaires pour la population qui a par conséquent un faible
pouvoir d'achat. Si on reprend les indices de l'INSAE24, on constate
que les dépenses totales annuelles d'un ménage - constitué
de 4,7 personnes - ne s'élèvent qu'à 900 626
FCFA25 soit 190 531 FCFA26 par tête et par an. On
est également face à une population peu
alphabétisée. En effet, selon une enquête de
l'INSAE27, seul 24,7% de la population de plus de 15 ans est
alphabétisé28.
Par ailleurs, se trouvant dans la vallée du fleuve
Ouémé, une partie des sept arrondissements et des 41 villages et
quartiers29 sont lacustres. Pour se rendre d'un village à
l'autre, le transport en pirogue est donc bien souvent la seule
possibilité et ce en particulier en période de crue. Dans ces
conditions d'accès difficiles, on ne dénombre que peu de villages
électrifiés (environ 323 ménages de la commune sont
abonnés à la SBEE) et les quelques localités
connectées à la SBEE se trouvent dans les arrondissements de
Hozin et de Dangbo, des arrondissements non lacustres.
La population doit donc trouver des alternatives à
l'électricité afin de pouvoir s'éclairer à la nuit
tombée, recharger ses téléphones portables...
Recharger les téléphones portables n'est pas
une préoccupation marginale tant l'usage de ceuxci est répandu.
L'usage de la téléphonie mobile a connu une expansion très
importante ces dernières années. La population elle-même
l'explique en faisant référence à leur culture. En effet,
elle a l'habitude de se rendre régulièrement chez
différents membres de la famille et chez des amis, pour les saluer et
prendre de leurs nouvelles. Avec l'usage de la téléphonie mobile,
on est face à une transposition de cette coutume : on prend aussi des
nouvelles grâce aux appels téléphoniques, des appels
souvent courts (de l'ordre d'une ou deux minutes) mais très
fréquents et réguliers. Cet usage est rendu possible aujourd'hui
car chaque village a une couverture téléphonique. Seulement,
comme ils ne sont pas tous couverts par les mêmes opérateurs
téléphoniques et qu'il existe des tarifs
préférentiels pour les appels entre mêmes
opérateurs, il est commun de posséder deux voire trois
téléphones portables avec des cartes sim d'opérateurs
différents. Or, pour les recharger, il est nécessaire de se
rendre chez une
24 Institut National de la Statistique et de
l'Analyse Économique op. cit., 5
25 Soit environ 1 379 euros.
26 Soit environ 290 euros.
27 Institut National de la Statistique et de l'Analyse
Économique op. cit., 24
28 Ce taux d'alphabétisation remonte à
59,2% si on prend la tranche d'âge des 15-24 ans.
29 La commune de Dangbo compte 35 villages et six
quartiers.
personne, généralement un commerçant,
possédant l'électricité où ce service est rendu
contre rémunération (100 FCFA). Pour cela ils doivent donc
souvent se rendre - en pirogue, à pied ou/et en moto - dans un autre
village électrifié ou chez quelqu'un possédant un groupe
électrogène.
En ce qui concerne l'éclairage, la population a
recours aux lanternes mais également aux torches. Selon une
enquête menée par Nature Tropicale30, plus de 95% des
personnes interrogées sur l'ensemble de la commune utilisent des torches
fonctionnant avec des piles jetables.
Cette même enquête rapporte également que
87% d'entre eux possèdent une radio simple fonctionnant à pile.
En effet, l'usage de la radio est très répandu au Bénin et
notamment dans les zones rurales, où elle constitue bien souvent le seul
média facilement accessible. La télévision étant
essentiellement le privilège des abonnés à la SBEE voir de
ceux possédant des groupes électrogènes.
En ce qui concerne l'usage de la réfrigération,
on constate qu'il est très peu développé. En effet, il est
rare que les ménages abonnés à la SBEE possèdent un
réfrigérateur car il représente un coût important
par sa grande consommation d'énergie, mais également parce que
les coupures d'électricité sont fréquentes et peuvent
parfois durer plusieurs heures voire plusieurs jours. Mais il ne faudrait pas
non plus négliger le poids du mode de vie. Malgré le climat chaud
et humide la population - n'ayant jamais eu recours à la
réfrigération - a développé des techniques de
cuisson et des habitudes culinaires adaptées à leur mode de vie.
L'utilisation de la réfrigération ne leur apparaît donc pas
comme primordiale.
Du point de vue des installations communautaires, la
situation au sein de la commune est différente selon si le village dans
lequel on se trouve est électrifié ou non. Dans les villages non
électrifiés, aucun éclairage n'existe dans les centres de
santé et les écoles. Par exemple, certains collèges
doivent arrêter les cours plus tôt le soir en raison de
l'obscurité. Certains centres de santé ne possèdent
également ni l'eau potable, ni l'électricité. La situation
en matière d'accès à l'eau potable est réellement
différente d'un endroit à l'autre car certains arrondissements
possèdent des sources d'eau (dont des sources d'eau chaude) alors que
d'autres n'ont à leur disposition que l'eau du fleuve31.
30 Nature Tropicale ONG 2009, 10
31 Selon une enquête de l'INSAE, 26,4% de la
population de Dangbo n'a pas accès à l'eau potable. (Institut
National de la Statistique et de l'Analyse Économique op. cit.,
20)
1.2.2. Présentation de Nature Tropicale et
de son projet sur l'énergie solaire 1.2.2.1. Nature Tropicale ONG
en quelques traits
Depuis 1995, cette organisation à but non lucratif
lutte pour la conservation et l'utilisation rationnelle de la diversité
biologique, à travers l'information, l'éducation et la
sensibilisation des différents acteurs. Son siège est basé
à Cotonou et au sein de celui-ci un musée des sciences naturelles
est installé depuis 1996. Avec ses quinze ans d'expériences,
l'ONG a développé différentes activités
regroupées sous des programmes plus vastes. Elle compte ainsi un
programme de sauvegarde des espèces menacées et des
écosystèmes aquatiques fragiles du Bénin (tortues marines,
baleines, dauphins, forêts humides), un programme graine future et
opération « Arbres Vie », un programme écotourisme dans
les zones humides du sud Bénin, un programme audiovisuel, un programme
de gestion durable des ressources génétiques ainsi qu'un
programme de promotion des technologies de l'énergie solaire. La
réalisation de ces activités est rendue possible grâce aux
financements de partenaires et en particulier de l'International Union for
Conservation of Nature - Pays-Bas (IUCN-NL). Les membres de l'ONG ne sont quant
à eux que des béninois, ce qui représente de nombreux
avantages dont notamment la compréhension des coutumes et des
préoccupations de la population ainsi que la maîtrise des langues
locales.
1.2.2.2. Le volet énergie solaire de l'ONG
Dans le cadre de la coopération sud-sud pour un
développement durable entre le Bénin, le Bhoutan et le Costa-Rica
- coopération fondée lors de l'Accord sur le Développement
Durable entre ces trois pays du 21 mars 199432 - un Programme
d'Éducation, de Promotion et de Développement des Technologies
des énergies renouvelables à moindre coût au Bénin,
Bhoutan et Costa Rica a été mis en place grâce
à des financements venant principalement du Royaume des Pays-Bas et ce
programme est administré par le Centre de Partenariat et d'Expertise
pour le Développement Durable (CePED) du Bénin. L'objectif
général du programme est de « contribuer
à l'amélioration de la sécurité
énergétique et la lutte pour la réduction de la
pauvreté à travers un partenariat public - privé au Benin,
au Bhoutan et au Costa Rica. Il [s'agit] entre autres d'engager [...] des
actions qui contribueront à élever la conscience des
communautés locales sur les avantages et bénéfices des
énergies
32 Accord mis en place à la suite de la
proposition du Royaume du Pays-Bas de créer une coopération
bilatérale entre ces trois pays avec pour objectif le
développement durable.
renouvelables dont le solaire, le renforcement des
capacités des différents acteurs et surtout de la jeunesse et la
promotion de l'énergie solaire à moindre coût au profit des
communautés locales »33.
Les partenaires techniques de ce programmes sont le
BUN-CA34 pour le Costa Rica, le department of Energy (DoE) -
Renewable Energy Division - Ministry of Economic Affairs (MEA)
RED/DoE35 pour le Bhoutan et Nature Tropicale ONG pour le
Bénin. A chaque partenaire correspond un mécanisme national
partenaire. Pour le Costa-Rica c'est la Fundecooperacion36, pour le
Bhoutan c'est le Sustainable Development Secretariat37, quant au
Bénin, c'est le CePED38. En ce qui concerne les ressources,
le coût total39 est de 643 576,97 dollars dont 600 000 dollars
proviennent directement du Programme de Coopération Sud-Sud et une
grande partie des 43 576,97 dollars restant de l'IUCN-NL. La majorité
des fonds provient donc des Pays-Bas (Royaume des Pays-Bas et IUCN-NL).
Au Bénin les actions sont donc menées par
Nature Tropicale sous la tutelle du CePED. L'ONG développe ainsi, depuis
janvier 2009, un programme énergie solaire de 20 mois dans la commune de
Dangbo. Les bénéficiaires visés sont :
- les communautés locales et les autorités des
zones humides rurales et urbaines de la partie Sud du Bénin et plus
précisément de la Commune de Dangbo
- les ONG membres du Forum Biodiversité du
Bénin40 actives dans la promotion des énergies
renouvelables dans la région.
Ces personnes doivent bénéficier de diverses
activités allant de « la conscientisation par l'information,
l'éducation et la sensibilisation [...] à la réalisation
et [...] vulgarisation [...] de kits solaires »41. Pour cela
différents objectifs sont fixés dans le cadre logique du
programme42.
33 Nature Tropicale ONG 2008, 2
34 ONG costaricaine oeuvrant dans le domaine des
énergies.
35 Département de l'énergie, de la
division des énergies renouvelables du ministère des affaires
économiques.
36 Fondation pour le développement durable,
créé au Costa-Rica pour faire fonctionner l'Accord
Bilatéral pour le Développement Durable.
37 Secrétariat pour le développement
durable.
38 Le CePED assure le fonctionnement au Bénin
de l'Accord Bilatéral pour le Développement Durable.
39 Fonds à partager entre les pays.
40 En 2001, Nature Tropicale a mis en place le
Forum Biodiversité du Bénin. Ce forum se veut un cadre informel
de réflexion et d'action pour la conservation et l'utilisation durable
de la diversité biologique au Bénin notamment par la concertation
permanente de divers acteurs locaux travaillant sur différents volets de
la diversité biologique.
41 Nature Tropicale ONG s.d., 3
42 Nature Tropicale ONG 2008, 4-7
Un de ces objectifs est d'« accroître la
sensibilisation des communautés locales, les pouvoirs publics et du
grand public pour l'utilisation commerciale des technologies d'énergies
renouvelables »43. Pour cela on veut arriver à ce que
« les communautés cibles et les autorités locales [soient]
pleinement conscientes des conséquences de l'utilisation de piles
jetables et les possibilités d'utilisation de l'énergie solaire
comme alternative au Bénin »44, ainsi qu'élaborer
et mettre en oeuvre d'« un plan de collecte et de recyclage des piles
sèches jetables »45. Un autre objectif est de «
renforcer les capacités techniques des acteurs surtout les jeunes et
[de] développer une stratégie de marketing pour la promotion des
technologies d'énergies renouvelables dans des partenariats
privés / publics »46. Dans ce cadre un rapport sur la
stratégie de commercialisation de kits solaires devrait être mis
en place, en parallèle du renforcement des capacités techniques
de 150 jeunes concernant les techniques solaires. L'installation de douze kits
photovoltaïques dans les groupes cibles et la diffusion de «
dispositifs solaires [pour de] meilleures pratiques de
cuisson47»48 sont également
prévues.
C'est donc dans ce cadre que depuis janvier 2009 l'ONG
mène ses actions dans la commune de Dangbo. Une grande partie de ses
activités se concentre sur des séances de formation et de
sensibilisation des habitants et des autorités locales (chefs de
villages, maire, chefs d'arrondissement, etc.) sur le danger - bien souvent
ignoré - que représentent les piles usagées à la
fois pour la santé et pour l'environnement lorsqu'elles sont
jetées sur les voies publiques, dans la nature, dans les eaux, ou
lorsqu'elles sont utilisées dans l'agriculture, etc. Ce
phénomène n'est pas anodin, étant donné que l'usage
des piles jetables est très répandu et ce en particulier dans les
zones non électrifiées. Par ailleurs aucun système de
recyclage n'existe au Bénin et le service de voirie pour les ordures est
très peu développé voire bien souvent inexistant. L'ONG a
donc pris l'initiative de collecter des piles usagées et de distribuer
des paniers pour les garder, dans les différentes localités
qu'elle visite49. Seulement, la population ne diminuera pas
significativement son utilisation des piles jetables si aucune alternative
n'est
43 Id., 5
44 Ibid.
45 Id., 6
46 Ibid.
47 La promotion du solaire pour la cuisson ne sera
pas développée étant donné qu'il ne touche pas en
tant que tel au problème de l'électrification mais plutôt
à celui de la déforestation pour le bois de cuisson. Mais
également par ce que les dispositifs proposés sont peu concluant
en raison de leur inadéquation avec le mode de vie de la population et
cela pour deux raisons principales : leur temps de cuisson est
extrêmement lent et ils demandent une modification des habitudes
culinaires.
48 Nature Tropicale ONG id, 7
49 Elle collecte ainsi les piles usagées
pour réduire leur impact sur l'environnement mais il n'existe pas encore
de solution pour ces piles récoltées malgré l'ambition
écrite de mettre en oeuvre un plan de collecte et de recyclage des piles
sèches jetables.
proposée. L'ONG a donc développé un
modèle de mini kit solaire de six volts pour faire fonctionner les
radios simples.
1.2.3. Mise sur place du photovoltaïque dans les
villages de Dangbo
En octobre 2009, le site internet Mediaterre50 -
comme d'autres médias - a publié un article flatteur et ambitieux
sur le projet de Nature Tropicale. Mais est-ce que comme il est écrit le
projet permet aux communautés cibles d'avoir accès à
l'énergie électrique à moindre coût?
Promotion des énergies renouvelables au
Bénin :
Dangbo, commune piote de l'expérimentation de
l'énergie solaire
« D'un coût global de 64.357.697 de dollars, un
projet d'électrification par l'utilisation d'énergie solaire dans
le département de l'Ouémé a été mis en place
et devrait durer une vingtaine de mois. Il a pour objectif de lutter contre la
pauvreté à travers une sécurité
énergétique durable. En effet, avec ce projet, les
communautés cibles pourront avoir accès à l'énergie
électrique à moindre coût. [...] (Dangbo est la commune
retenue pour abriter la phase pilote avant son extension aux autres communes du
département). »
l'expérimentation de l'énergie solaire »,
Mediaterre, 28 octobre 2009, [
www.mediaterre.org/afriqueouest/actu,20091028223306.html]
(page consultée le 25 février 2010)
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1.2.3.1. Kits pour les radios simples
Comme il a été vu précédemment,
Nature Tropicale a développé un modèle de kit solaire
adapté aux besoins en alimentation des radios simples utilisées
dans les villages. Ces kits, produits au siège de l'ONG, sont d'une
conception simple et utilisent des modules de silicium amorphe. Selon
l'ensoleillement, ils fournissent une tension comprise entre 6 et 10 volts. La
tension est donc toujours suffisante pour faire fonctionner sans piles des
radios simples (de 6 volts). Il est également possible de rajouter
à ce dispositif un boîtier pour recharger des piles
(rechargeables) durant la journée, afin de pouvoir écouter
à l'aide de celles-ci la radio à la nuit tombée.
Lors de questionnaires effectués dans les villages, de
formations données et de séances de
50 Mediaterre est un « système mondial
d'information francophone pour le développement durable » reconnu
par les Nations Unis et initié par l'Institut de l'énergie et de
l'environnement de la francophonie (IEPF) et le Centre International de
Ressources et d'Innovation pour le Développement Durable (CIRIDD).
sensibilisation, où cette technologie simple ainsi que
la conception de tels kits ont été présentées, la
population rurale était intéressée par cette
possibilité car elle répond à un réel besoin.
Cependant seules quelques personnes souhaitaient réellement acheter ce
kit en raison de son coût (8 000 FCFA) qui est élevé pour
les populations paysannes avec peu de revenus monétaires. Mais
également car l'achat n'est pas envisagé dans le moyen terme
alors que le coût pourrait être amorti en trois mois avec la
diminution des dépenses en matière d'achat de piles (selon les
enquêtes menées par Nature Tropicale dans la commune de
Dangbo).
1.2.3.2. Les « options solaires » pour les
téléphones portables
Comme l'usage de la téléphonie mobile est de
plus en plus répandu, y compris dans les zones lacustres les plus
reculées et non électrifiées, Nature Tropicale
développe une borne de recharge solaire pour les
téléphones portables et fait la promotion de chargeurs solaires
pour téléphones portables, MP3, appareils photos.
Le but premier est de faire savoir à la population que
ces possibilités existent, fonctionnent et sont adaptées à
leur situation. Il suffit de charger la batterie du chargeur au soleil pour
pouvoir ensuite recharger des téléphones portables, le chargeur
étant livré avec différents adaptateurs correspondant
à différents modèles de téléphones
portables. Ces chargeurs, produits en Chine, sont achetés sur le
marché au Nigeria et les personnes intéressées peuvent les
acheter auprès de Nature Tropicale pour 10 000 FCFA51. La
population montre un réel enthousiasme face à cette
possibilité et quelques personnes décident d'en faire
l'acquisition. Ce sont les personnes parmi les plus aisées
économiquement et celles devant souvent se déplacer.
L'autre option, actuellement en cours de développement
par l'ONG et mise au point par l'électrotechnicien et l'ingénieur
de l'ONG, est le kit multiGSM : une batterie de 12 V est reliée
à un module de silicium polycristallin afin de pourvoir recharger une
dizaine de téléphones portables à la fois grâce
à différents adaptateurs reliés à la batterie et
correspondant à la grande majorité des modèles en
circulation. L'idée est de pouvoir recharger les
téléphones portables de plusieurs villageois à la fois. Le
coût d'un tel système est de 90 000 FCFA52 mais il est
présenté comme rentable car le propriétaire d'un tel
système pourrait faire payer les personnes qui utiliseraient cette borne
de recharge. Des facilités de paiement sont également
proposées : le kit est livré après un premier versement de
30 000 FCFA puis chaque jour le propriétaire doit verser 500 FCFA pour
rembourser son achat.
51 10 000 CFA équivaut à environ 15
euros et représente le salaire d'une semaine d'une femme de
ménage.
52 90 000 FCFA équivaut à environ 137
euros.
1.2.3.3. L'électrification de centres
communautaires
Des kits photovoltaïques ont été
installés dans différents villages par l'électrotechnicien
et l'ingénieur de l'ONG. C'est ainsi que trois centres de santé,
deux écoles et la mairie de la commune se sont vus dotés du
photovoltaïque. Des kits ont été également
installés sur le camion de l'ONG afin de pouvoir présenter lors
de ses déplacements, le fonctionnement du solaire et ses
éventuelles applications (une télévision, un ventilateur
et une multiprise). Pour la même raison, un kit a été
installé au siège de l'ONG afin de présenter aux visiteurs
le photovoltaïque.
Dans la commune de Dangbo, ce sont les centres de
santé qui ont reçu la majorité des kits. En effet, le
centre de santé de Dekin a reçu une installation de 24 V, les
deux centres de santé de Hetin-Godomey et de Hetin-Sota ont eu une
installation de 12 V. Pourtant l'idée première était de
faire bénéficier ces kits aux écoles, notamment aux
écoles primaires. Seulement, les responsables de la commune ont
souhaité que ce soit en priorité les centres de santé et
les Collèges d'enseignement général (CEG) pour la raison
que l'électricité est plus utile dans un centre de santé
(par exemple, pour assurer une garde de nuit) que dans une école
primaire. Les écoles primaires, ouvrant leurs portes de 7h à 17h,
bénéficient de la lumière naturelle. Par contre, on donne
classe habituellement dans les CEG, jusqu'à 19h. Or les CEG non
électrifiés de la commune doivent arrêter de donner cours
à 17h en raison du manque de luminosité. Deux CEG ont donc
bénéficié d'installations photovoltaïques de 24 volts
afin de pouvoir continuer à donner cours ou d'ouvrir une étude
dans deux salles de classe. Les installations permettent d'avoir de
l'électricité dans deux pièces, de faire foncionner une
télévision53 et d'éclairer le couloir à
l'avant du bâtiment bénéficiaire de l'installation.
53 Si la télévision est peu
consommatrice d'électricité. Il faut donc avoir un poste
télévision récent.
Composition type d'un kit solaire installé par
Nature Tropicale
· Module : 65 Wc / 85 Wc (importé de Chine
ou fourni par l'Aberme au prix subventionné)
· Batterie blindée : 12 V /100 Ah
(importée de Chine)
· Convertisseur : 12 V ou 24 V / 1 000 W
(fabriqué au Bénin par Guédou SARL)
· Régulateur de charge : 12 V ou 24 V
(fabriqué au Bénin par Guédou SARL)
· Câbles (achetés au marché)
· Ampoules : 4 ampoules économiques par
module de 12 volts (achetées au marché)
|
|
En matière de réception du projet, elle est
très positive au niveau de la motivation des bénéficiaires
pour que ces kits fonctionnent et ils sont prêts à participer au
bon fonctionnement des installations.
Il est par contre plus difficile de mesurer si la maintenance
sera efficace ou non étant donné que les kits ne sont
installés que depuis novembre 2009. Il était prévu de
donner des connaissances techniques sur le photovoltaïque à 150
jeunes de Dangbo mais ces formations, qui ont lieu dans les écoles
principalement, sont plutôt de l'ordre de la sensibilisation et ne leur
permettent pas de pouvoir détecter et résoudre les
problèmes facilement. Par ailleurs, un bureau s'est ouvert à
Hozin pour faire l'intermédiaire entre la population et le siège
de l'ONG, qui se trouve à 45 km de la commune. Il peut ainsi aider
à la maintenance des systèmes, il possède des
pièces de rechange pour éviter de se rendre sur Cotonou voire au
Nigeria (certains composants se trouvant plus facilement au Nigeria et à
meilleur marché). Le bureau est un point de renseignement sur les
installations solaires que l'ONG propose. Dans cette optique l'ONG a mis en
place une stratégie de commercialisation des kits solaires avec trois
possibilités offertes : du 12 V pour 368 000 FCFA, du 220V/300-500 W
pour 660 000 FCFA ou du 220 V/1000 W pour 1.166.000 FCFA.
Pour résumer, cette ONG béninoise fait une
réelle promotion des diverses possibilités offertes par le
photovoltaïque. Cela va du simple kit de 6 V pour les radios au kit plus
élaboré pour éclairer, faire fonctionner une
télévision... Le public visé est lui aussi assez vaste car
il touche toutes les couches de la commune : des notables aux paysans en
passant par les jeunes. Le volet sensibilisation fonctionne relativement bien.
Les populations, y compris les analphabètes, qui ont participé
aux diverses activités ont maintenant connaissance de ces
possibilités et semblent particulièrement
intéressées. Leur intérêt se porte
particulièrement sur
les chargeurs pour téléphones portables et sur
les kits pour radios en raison de leur adéquation avec les besoins
réels et quotidiens des villageois et de leurs coûts plus ou moins
abordables. Il y a également un intérêt pour les kits
solaires mais leur coût apparaît très souvent comme trop
élevé.
Quant aux kits installés gratuitement dans les centres
communautaires, ils permettent d'éclairer et d'avoir des prises
électriques. Les bénéficiaires sont donc satisfaits de
pouvoir faire fonctionner pour quelques heures de plus leurs écoles ou
leurs centres de santé. Mais ces installations ne restent que
ponctuelles et la question se pose de savoir si la maintenance sera suffisante
pour qu'elles continuent à fonctionner d'autant plus que les
installations sont éparpillées sur l'ensemble de la commune.
Par ailleurs, on ne peut pas parler d'électrification
de nouveaux villages car les habitations individuelles ne
bénéficient pas de l'électricité solaire et n'en
bénéficieront sûrement pas ou que très peu, tout
comme à Tori-Cada. Il est donc intéressant de se pencher sur les
raisons de ces résultats mitigés.
2. L'électrification rurale au Bénin et
les différentes options développées
L'électricité est communément
considérée comme un facteur important pour le
développement d'un pays. Tellement important que l'accessibilité
à l'électricité est devenue une condition siné qua
non pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD). En effet, selon le rapport « Les Objectifs du
Millénaire pour le développement au Bénin : Situation
actuelle et perspectives », un des déterminants à prendre en
considération pour « éliminer l'extrême
pauvreté et la faim »54 au Bénin (OMD n°1)
est « l'accès aux infrastructures économiques
»55, c'est à dire l'accès au logement, à
la santé, à l'eau, aux télécommunications et ...
à l'électricité. De même, pour atteindre l'objectif
d'un environnement durable (OMD n°7), le secteur de l'énergie
rentre en ligne de compte avec principalement sept actions spécifiques.
Parmi ces actions, on retrouve la « production d'énergie
électrique, [l']extension et [la] réhabilitation du réseau
électrique»56, ou encore les « systèmes
électriques hors réseau dans les écoles et bâtiments
sanitaires avec des stations de recharge pour les batteries »57
ainsi que l'« approvisionnement de toutes les communautés rurales
[et] l'accès à des services modernes dans le domaine de
l'énergie »58.
Si le secteur de l'énergie et en particulier
l'électricité attire au Bénin autant l'attention
aujourd'hui c'est bien parce que son accès est encore fortement
limité. En effet, l'accès à cette énergie est
à la fois faible, car seule 22% de la population y a accès, et
inégale, ce pourcentage descendant à moins de 2% pour les zones
rurales. Il est donc intéressant de voir en premier lieu en
détail la situation dans les localités rurales du Bénin
puis d'analyser la façon dont le Bénin tente de résoudre
le problème d'accès à cette forme d'énergie dans
les zones rurales. Le gouvernement béninois a élaboré pour
la première fois dans les années 2000 une politique
énergétique ainsi qu'une Politique d'Électrification
Rurale (PER). Ces réformes s'inscrivent dans la logique de la
gouvernance politique prônée aujourd'hui par toute grande instance
internationale : la décentralisation. La PER sera donc basée sur
l'électrification rurale décentralisée et la
responsabilité de sa mise en oeuvre reviendra à l'ABERME,
créée à l'occasion et anciennement Cellule de Coordination
de la Pré-électrification et du Programme
54 PNUD 2009, 10
55 Ibid.
56 Id., 27
57 Ibid.
58 Ibid.
Solaire (CCPS). Il est donc nécessaire de
s'arrêter sur l'organisation du secteur de l'électricité et
sa décentralisation puis de regarder les options
développées et prévues par la politique
d'électrification rurale décentralisée.
2.1. État des lieux : des zones rurales
peu électrifiées et développement de
l'électrification rurale décentralisée
2.1.1. La situation de l'électrification dans
les zones rurales béninoises
Au Bénin, le niveau d'accès des ménages
ruraux au service de fourniture d'électricité est très
faible (taux d'électrification59 inférieur à
2%) alors que leur poids démographique n'est pas négligeable.
Selon le troisième recensement général de la population
humaine de 2002 (RGPH3), les ruraux représentent 61,1% de la population
totale, soit 4 139 781 habitants. Dans les années à venir,
malgré un taux de croissance de la population urbaine prévu plus
élevé que celui de la population rurale, ils
représenteront toujours une part importante de la population. En effet,
selon l'INSAE, la population rurale devrait représenter en 2015 encore
plus de la moitié de l'ensemble avec 4 972 444 habitants (soit 51% de la
population totale estimée)60. Pour autant il est peu probable
que cette population rurale soit raccordée au réseau
conventionnel. Cette quasi absence d'électrification dans les zones
rurales dans les PED, et en particulier en Afrique sub-saharienne, s'explique
par les faibles densités de population, le coût important que peut
représenter l'électricité pour un ménage, le
problème de maintenance, le manque de moyens au niveau national pour
étendre le réseau électrique vers des zones
reculées et faiblement peuplées, la diffusion lente des
techniques décentralisées, etc.
2.1.1.1. Un lien entre la faible densité de la
population rurale et l'électrification rurale quasi
inexistante
Si on regarde de plus près la situation au
Bénin en matière de densité de population, on avoisine
pour l'ensemble du pays les 78 hab./km2 en 2009 (selon The World
Factbook, CIA, 2009). Seulement, la situation est loin d'être
homogène car la population est très inégalement
59 Le taux d'électrification
représente la population effectivement desservie (c'est à dire
ayant effectivement accès au service) par rapport à la population
totale de la zone considérée. Il est à distinguer du taux
de desserte, qui représente le rapport entre la population desservie et
la population des localités électrifiées. L'échelle
géographique est plus restreinte pour le taux de desserte, qu'elle ne
l'est pour le taux d'électrification.
60 Ministère des Mines, de l'Énergie et
de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie, s.d.b.,
29
répartie. Pour ainsi dire la moitié des
habitants (45,52%) vivent dans les six départements du sud, soit sur 10%
du territoire61. Les parties du centre et du nord du pays ont donc
une densité de population très faible, oscillant le plus souvent
entre 0 et 20 hab/km2, excepté dans le département de
l'Atacora autour de Natitingou. Si on compare ces données (carte de la
densité de la population, Cf. Annexe 2) avec le réseau
électrique existant (carte de la configuration générale
des réseaux de transport d'énergie électrique
proposée à l'horizon 2025, Cf. Annexe 2) on constate que les
lignes électriques sont actuellement implantées (lignes pleines
sur la carte) où les densités de population sont les plus
élevées donc au sud du pays et dans les environs de
Natitingou.
Pour une compagnie privée d'électricité,
relier au réseau électrique les zones éloignées des
grandes villes du sud et de Natitingou, représente un coût
important (pour la mise en place des installations et pour la maintenance de
celles-ci) et est peu rentable économiquement. Une faible densité
de population signifie une population peu nombreuse et dispersée, des
distances importantes entre habitations ou villages, des conditions
d'accès parfois difficiles (peu de routes en bon état et
goudronnées en dehors des axes entre les grandes villes, des zones
inaccessibles lors de la saison des pluies), des pertes
d'électricité importantes (les pertes étant
proportionnelles à la longueur des lignes)... Par ailleurs, le prix du
kilowattheure (kWh) de la SBEE étant élevé et les
populations rurales ayant peu de revenus monétaires leur consommation en
électricité serait sûrement faible si elles étaient
raccordées, or les infrastructures sont quasiment identiques pour
alimenter de gros ou de petites consommateurs. Raccorder les zones rurales dans
ces conditions et face à cette faible demande potentielle solvable
représente un investissement à perte pour une compagnie
électrique qui prend en considération des facteurs
économiques et financiers. D'où une nécessaire
intervention financière de l'État car les trois paramètres
(coût global du service, contraintes de disponibilité à
payer et rentabilité des investissements privés) qui
conditionnent l'équilibre financier global d'un projet
d'électrification rurale ne sont pas conciliables dans les zones rurales
d'un PED62. Par ailleurs, même dans le sud du Bénin et
près de Natitingou les zones rurales sont loin d'être
électrifiées comme le montrent les exemples de Tori-Cada et de
Dangbo, toutes deux au sud du pays. On a ainsi des localités non
raccordées au réseau de la SBEE alors que des localités
voisines le sont. Le problème de l'électrification des zones
rurales se pose donc sur l'ensemble du territoire.
61 Ministère des Mines, de l'Énergie et
de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie,
Id., 6
62 De Gouvello et al. 2000, 139-174
2.1.1.2. Les problèmes de fourniture
d'énergie électrique
Il semble également important de faire remarquer qu'il
y a d'autres problèmes dans le domaine de l'électricité au
Bénin. En effet, la tension reçue n'est pas
régulière et il y a de très nombreuses interruptions
d'électricité63, en raison de l'approvisionnement
difficile du Bénin en électricité64. La
consommation d'électricité annuelle au Bénin est de
l'ordre de 660 gigawattheure65 or la capacité interne de
production électrique du Bénin est très
limitée66. Le taux d'autosuffisance en énergie
électrique n'est donc qu'aux alentours de 10,5% (chiffre de
200267). Cela entraîne une grande dépendance envers
l'extérieur : 85% de la fourniture d'électricité provient
des importations d'électricité du Nigeria et les importations de
la Communauté Électrique du Bénin (CEB) viennent
principalement du Ghana68. Cependant, la combinaison de la
production nationale et des importations n'est pas suffisante pour couvrir les
besoins actuels en électricité alors même que l'ensemble du
territoire est loin d'être électrifié.
2.1.1.3. Les alternatives développées
pour l'électrification rurale avant la mise en place de la politique
d'électrification rurale
Si la quantité d'électricité disponible
au Bénin est insuffisante et que le raccordement au réseau
d'électricité conventionnel représente un coût
freinant l'électrification des zones rurales par la SBEE, on pourrait
envisager que d'autres systèmes aient été mis en place
pour répondre aux besoins de la population rurale en matière
d'électricité (besoins essentiellement domestiques).
En 1993, le gouvernement à travers le ministère
de l'Énergie initia ainsi trois programmes spécifiques pour les
zones rurales. Ces programmes étaient financés par le budget
national et, en 1996, la CCPS a été créée pour les
gérer.
L'un de ces programmes consistait en la
pré-électrification par des groupes diesels de gros villages
(villages avec une population dépassant les 3 000 habitants).
63 Notamment, il y a de nombreux délestages en
fin d'année et en début d'année, période de
fête et de sécheresse.
64 Badarou & Kouletio 2009, 21
65 La demande journalière des 345 725
abonnés est de 200 MW.
66 Le Bénin possède une micro-centrale
à Yéripao au nord et des centrales thermiques principalement
à Parakou, Natitingou, Porto-Novo
67 Ministère des Mines, de l'Énergie et
de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie s.d.b,
16
68 La CEB importe de l'électricité en
provenance du Ghana et de la Côte d'Ivoire.
Un autre programme visait la
pré-électrification et l'adduction d'eau villageoise de
localités frontalières.
Le troisième tentait d'améliorer les conditions
de vie en milieu rurale par l'électrification solaire69.
C'est ainsi que certaines localités rurales ont été
électrifiées à partir du solaire photovoltaïque
seulement la maintenance posa problème car elle était faite par
une entreprise aux propres frais des comités de gestion70.
Les installations laissées sans entretien n'ont donc plus
fonctionné. De façon plus générale la gestion
communautaire des équipements n'était pas adaptée, que ce
soit au niveau des décisions techniques à prendre face aux
problèmes techniques ou de la gestion des fonds. Ainsi la plupart des
villages électrifiés sont « retournés dans le noir
» en raison des systèmes de maintenance mis en place.
Ces projets pilotes qui cherchaient à «
accélérer l'électrification des zones rurales à
partir de projets spécifiques »71, n'ont pas beaucoup
fait évoluer la situation car ils n'ont pas amené des programmes
à grande échelle. A la fin 2004 seules 39 localités ont
été électrifiées (soit 5 localités par
an).
Des centres communautaires d'activités72
(CCA) furent également construits en 1997 dans certains villages. La
gestion de leurs systèmes solaires fut déléguée
à BHVE, une société privée locale de
BURGEAP73 qui avait la gestion au préalable de ces projets.
Selon Marcel Dossou Kohi (responsable de BHVE), les CCA font partie des rares
projets d'ERD qui ont fonctionnés car ils étaient «
gérés de façon professionnelle par une personne morale
»74. Il ajoute que le problème principal de ces
installations était principalement technique car les équipements
étaient vétustes et qu'il n'y avait pas les fonds
nécessaires pour les renouveler. En 2003, le responsable de BHVE
préconise donc de « créer un environnement juridique et
institutionnel favorable, d'exonérer de taxes douanières les
équipements d'ERD, d'encourager les entreprises privées [et]
d'aider les entreprises qui s'engagent dans ce secteur d'activité
»75. Car finalement, bien que la CCPS fût
rattachée au Ministère de l'Énergie, les actions
étaient
69 Le solaire avait commencé à
être introduit dans les années 1980 mais les actions commenceront
réellement dans les 1990.
70 Au problème de maintenance s'ajoute des
problèmes d'ordre politique car la réalisation des installations
a été attribuée à une entreprise sans appel
d'offre, des fonds récoltés pour assurer la maintenance ont
été détournés...
71 Ministère des Mines, de l'Énergie et
de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie,
s.d.b., 21
72 Le CCA est un concept multiservice avec
l'alimentation en eau potable, une cabine téléphonique, une
buvette, un centre de télévision - vidéo, une recharge de
batterie, la location de kits d'éclairage domestique et des lampadaires
publics.
73 BURGEAP est une ingénierie
indépendante basée essentiellement en France mais intervenant sur
l'ensemble des continents.
74 Dossou Kohi 2003, 8
75 Dossou Kohi Id., 9
faites en dehors d'un cadre institutionnel et ce n'est qu'en
2004 que le Bénin se dota d'une politique d'électrification
rurale.
La grande majorité de la population rurale ne
possède donc ni électricité conventionnelle, ni groupe
électrogène, ni électricité solaire, pour
répondre à ses besoins domestiques mais également pour ses
activités génératrices de revenus. En effet,
l'électricité est requise pour alimenter de nombreuses machines,
conserver et transformer rapidement les produits agricoles... Or, le secteur
agricole est un secteur très important pour le monde rural qui tire la
majorité de ses ressources des activités agricoles et ceci encore
plus avec la monétarisation des conditions de vie. Par ailleurs, il est
très difficile de monter une entreprise si l'on ne possède pas
d'électricité. C'est pourquoi on considère
communément que le développement des localités non
électrifiées, voire du pays entier, est conditionné en
partie par cette composante énergie.
Le service de l'électricité est donc à
la croisée de diverses problématiques : celle de la
rareté/abondance de l'énergie, celle du développement
rural, celle des infrastructures, celle de la citoyenneté avec
l'accès au service de base et celle plus large du développement
social et économique.
La population a cependant recours à des alternatives
pour répondre à ses besoins en électricité. Ces
derniers ne sont pas négligeables étant donné que la
population adopte de plus en plus des habitudes de la société de
consommation. En effet, depuis quelques années, il y a une «
expansion mondiale du système économique et technique issu de la
révolution industrielle [...] [qui] induit des transformations dans leur
cadre naturel et socioéconomique »76.
Les besoins des ménages en énergie sont
principalement pour l'éclairage, l'audiovisuel et la cuisson que ce soit
en milieu rural ou en milieu urbain. Pour pallier à l'absence
d'électricité pour l'éclairage, la population a recours
principalement à la lanterne et de plus en plus aux torches à
piles. Les dépenses en petits consommables sont donc importantes
(pétrole pour les lanternes, piles pour les torches...). Par ailleurs,
ces solutions peuvent apparaître pour les utilisateurs comme
pénibles et inefficaces en comparaison avec l'éclairage
électrique. Par ailleurs, du fait du mimétisme des modes de vie,
de nouveaux besoins apparaissent :
76 De Gouvello et al. op.cit., 57-60
l'audiovisuel pour lequel on recourt aux batteries autos ;
les radios fonctionnant à pile ; les services de santé ; les
services d'éducation et la ventilation. Plus récemment, on voit
également une utilisation exponentielle de la téléphonie
mobile. Alors que l'on comptait un abonné pour 100 habitants en 2000,
huit années plus tard ce rapport a été multiplié
par 4077. Or les téléphones portables ont besoin
d'être régulièrement rechargés, les villageois
doivent donc se déplacer vers des endroits électrifiés
où en échange de rémunérations
(généralement 100 FCFA), ils peuvent recharger leur
téléphone portable.
Généralement dans les villages un certain
nombre d'habitants a également recours aux groupes
électrogènes mais ils représentent un coût important
du fait de l'achat de pétrole nécessaire à leur
fonctionnement donc peu de personnes en bénéficient en plus de
poser le problème de l'approvisionnement en pétrole.
Une offre du marché local existe donc pour
répondre aux besoins des ménages non électrifiés
ainsi qu'une demande pour le service d'électricité. Pour autant
ces solutions « traditionnelles » peuvent apparaître comme
insatisfaisantes pour la population (coût important, service
limité, qualité faible, etc.) et pour le gouvernement
étant donné qu'elles ne permettent pas une réelle
électrification alors que celle-ci constitue une priorité de
développement.
2.1.2. L'organisation béninoise du secteur de
l'électricité ... 2.1.2.1. La situation dans les
années 1990
Si on envisage la question de l'électrification dans
un espace temporaire plus vaste, on se rend compte que la vision a fortement
évolué. Dans les années 1950, la solution réseau
avec l'intervention de l'État fut prônée pour les zones
rurales des PED en se basant notamment sur la théorie des rendements
croissants78. L'État - à travers les dépenses
publiques - apparaissait comme un acteur central pour le «
développement des PED ». C'est dans ce contexte que le Bénin
- à l'époque nommé Dahomey - devint indépendant en
196079. Mais les
77 The World Bank Group, « World Development
Indicators database », Septembre 2009 [
http://ddpext.worldbank.org/ext/ddpreports/ViewSharedReport?
&CF=&REPORT_ID=9147&REQUEST_TYPE=VIEWADVANCED] (page
consultée le 10 décembre 2009)
78 La théorie des rendements croissants
vient contrebalancer le modèle de Heckscher-Ohlin-Samuelson qui
privilégie la concurrence pure et parfaite, alors que la première
justifie le protectionnisme pour aider un secteur à se développer
et devenir concurrentiel. Le rôle de l'État joue un rôle
alors déterminant pour pouvoir démarrer le processus.
79 Le Dahomey, créé en 1625, sera
colonisé par les Français. En 1984, ces derniers créent la
colonie du Dahomey, qui deviendra indépendante le 1er août
1960.
choses changèrent avec la crise
pétrolière car les PED virent dans les années 1980 leur
endettement s'accroître. Au Bénin, le secteur bancaire s'effondra
et les recettes de l'État chutèrent. Le régime
marxiste-léniniste (1972-1990) se retrouva alors face à une
sévère crise politico économique et il devint difficile de
financer les infrastructures de base comme l'électricité. Les
théories du développement changèrent alors de direction et
prônèrent des thèses libérales. Le « consensus
de Washington », dans lequel l'État est réduit à un
rôle minimal et où le marché doit être « sans
entrave », apparut alors comme la solution pour les pays
endettés. On passa ainsi en 1990 d'une économie
régulée par l'État à une économie de
marché. Au Bénin, le régime marxiste-léniniste
disparut en 1990 lors d'une profonde réforme politique et administrative
accompagnée de l'adoption d'une constitution fondée sur le
libéralisme économique et un régime politique de
démocratie pluraliste. En 1994 la Banque Mondiale préconise le
modèle de délégation de gestion ou encore le «
Partenariat PublicPrivé » pour gérer les services publics.
L'orthodoxie libérale prévaut alors et dans ce contexte
l'électrification rurale n'a pu progresser car ce n'est pas un domaine
rentable où les mécanismes de marché peuvent jouer
librement. Un cercle vicieux s'installe alors où
l'électricité est l'un des éléments incontournables
pour engendrer un développement économique des zones rurales.
C'est dans ce contexte que l'on vit s'accroître la présence des
ONG afin de répondre à la défaillance de l'État qui
avait traditionnellement la responsabilité de l'électrification.
Les ONG jouent donc un rôle croissant avec de petits projets
d'électrification souvent à l'échelle villageoise, dans
des lieux où l'État ne s'engage pas.
Les initiatives prises dans les années 1990 ont donc
été un échec que la Direction de l'Énergie
expliquait en 2004 par les éléments suivants :
- la gestion des projets
La gestion des projets a posé problème car la
conception des projets d'électrification rurale ne prenait en compte que
les besoins d'investissements initiaux. On se retrouvait donc dans le cas d'un
affermage où la gestion est privée80 :
l'opérateur n'a à charge que le service rendu et pas
l'investissement assumé par l'État. Leur exploitation et leur
entretien a posé problème à la fois pour la gestion
technique mais également pour la gestion financière.
- l'organisation institutionnelle mise en place
80 D'après Noémie Zambeaux (Zambeaux
2006, 83-88) dans la gestion par affermage, la conception, la construction, le
financement et la propriété sont publics. L'exploitation, la
maintenance et la facturation sont quand à eux privés ou
gérés par le privé.
L'étude APPLIMAR81 a identifié
« sept familles d'acteurs devant constituer les parties prenantes de ces
programmes »82 à savoir les pouvoirs publics (pour
définir le cadre et arbitrer son application), les bureaux
d'études, les entreprises professionnelles (pour l'installation, la
gestion et la maintenance des équipements), les banques et les
institutions de micro finance (gestion des mécanismes de financement),
les entreprises de fourniture d'équipements, les usagers et les ONG. Or,
selon le rapport, au Bénin les acteurs n'étaient pas suffisamment
impliqués et il n'y avait pas de procédure pour permettre la
concertation entre eux et la coordination de leurs actions.
- la définition et la planification des
projets
Selon le rapport APPLIMAR, la priorité était
donnée à des localités pour des raisons de
sécurité (priorité aux localités
frontalières) et pour éviter l'exode rural mais sans
définir clairement les critères de décision. A cela
s'ajoute une absence de coordination des actions de la SBEE
(électrification conventionnelle) et de la CCPS (électrification
rurale décentralisée), ainsi qu'aucun cadre de concertation et
d'échange entre les « différents secteurs du
développement ». Les projets d'électrification visaient donc
essentiellement les besoins sociocommunautaires et les besoins domestiques en
mettant de côté les besoins pour les activités
économiques.
- le financement
Les financements provenaient de subventions du budget
national ou de bailleurs de fonds internationaux. Seulement, il n'y avait
aucune règle générale d'attribution donc cela se faisait
au cas par cas. Le rapport APPLIMAR souligne donc que cette situation ne permet
pas d'attirer les investisseurs privés qui restent méfiants.
- le cadre législatif et réglementaire de mise
en oeuvre des projets
Il n'existait aucun cadre législatif et
réglementaire, ni de standards techniques et de qualité, pour
servir de fondement à l'électrification rurale.
2.1.2.2. Aspects institutionnels et
réglementaires
Il y avait ainsi un vide de l'État dans le domaine de
l'électrification rurale jusqu'en 2004. Ce n'est qu'à cette date
que, pour la première fois au Bénin, une politique
énergétique
81 Le séminaire de Marrakech en 1995 -
organisé par l'Union Européenne, l'Agence de Développement
et de la Maîtrise d'Énergie (ADEME), l'IEPF, le Programme des
Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le Gouvernement du Maroc -
visait à définir les conditions pour la réussite de
programmes d'électrification rurale décentralisée à
grande échelle. Pour cela une étude (APPLIMAR) a
été menée par l'ADEME dans plusieurs pays dont le
Bénin.
82 Ministère des Mines, de l'Énergie et
de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie
s.d.b., 25
ainsi qu'une réforme institutionnelle du secteur de
l'électricité furent mises sur pied, bien qu'une tentative de
planification du secteur de l'énergie avait été
amorcée en 1997 avec la création de la Direction de
l'énergie. L'année suivante un Schéma Directeur de
l'Électrification Rurale du Bénin (SDERB) fut initié pour
développer des outils d'aide à la planification de
l'électrification rurale. Le SDERB a permis entre autre grâce
à ses études et à ses cartographies, de donner les
connaissances nécessaires pour envisager en 2004 l'élaboration
d'une stratégie d'électrification rurale, ainsi que son
organisation et son financement.
En 2004, plusieurs objectifs sont alors visés avec en
particulier la création d'un cadre institutionnel, juridique et
réglementaire qui va déboucher sur la création d'un code
de l'électricité. Ce dernier définit « les
orientations de la politique générale d'organisation du secteur
de l'électricité en République du Bénin [et] le
cadre juridique au sein duquel sont exercées les activités de
production, de transport et de distribution de l'énergie
électrique en République du Bénin »83.
Dans ce code, « les activités de production, de transport, de
distribution, d'importation et d'exportation de l'énergie
électrique pour les besoins du public sur l'ensemble du territoire
national constituent une mission de service public84 placée
sous la responsabilité exclusive de l'État » et
l'État peut confier « à toute personne de droit public ou
privé au moyen d'accord ou de convention (Concession85 ou
autres) » ces activités86. Ainsi, comme dans d'autres
pays africains, la réforme du secteur électrique entreprise ne
donne pas un secteur de l'électricité totalement
dé-intégré, concurrentiel et privé87 car
à travers les concessions la concurrence est limitée.
Un autre objectif non négligeable de la réforme
est le développement de l'électrification des zones rurales. A la
suite d'une formation donnée à l'IEPF sur « le renforcement
des capacités et le développement des compétences [...]
pour démocratiser l'accès à l'énergie,
développer les énergies renouvelables [et] promouvoir
l'efficacité énergétique »88 à
laquelle le Bénin
83 Article 1 : Objet ; Chapitre I : dispositions
générales ; Code de l'électricité en
République du Bénin
84 Le « service public » est
défini dans le code de l'électricité comme « toute
activité d'intérêt général exercée
directement par l'Etat ou, par délégation, par une personne
morale, publique ou privée et soumise aux exigences de conditions
d'équité, de continuité, de permanence et
d'égalité de traitement. »
85 Une « concession » est définie
dans le code de l'électricité comme une « convention de
délégation de gestion du service public de fourniture
d'énergie électrique par laquelle le Maître d'ouvrage,
appelé Autorité Concédante, permet à un
opérateur, appelé Concessionnaire contre paiement d'une
redevance fixée à l'avance, de développer et d'exploiter
des installations de production, de transport ou de distribution
d'énergie électrique en vue de satisfaire les besoins du public
pour une durée déterminée et dans des conditions
prévues à ladite Convention. Selon les obligations
imposées au Concessionnaire en matière d'investissements, la
Concession de service public peut prendre la forme d'une Concession
d'ouvrage ou d'un Affermage. »
86 Article 4 : Service public de
l'électricité ; Chapitre 1 : dispositions générales
; Code de l'électricité en République du Bénin
87 Wamukonya et al. 2006, 39
88 Levy & Ged 2006, 51
participa, un cadre global négocié avec la
Banque Mondiale et une approche sur l'électrification rurale furent mis
en place au Bénin. La Direction générale de
l'énergie (sous la tutelle du Ministère des Mines, de
l'Énergie et de l'Hydraulique89) élabora ainsi une
politique d'électrification rurale avec la collaboration de ses
partenaires (c'est-à-dire la Belgique, la France mais aussi
l'Algérie, la Tunisie...) dans le but d'inciter les investisseurs
privés - qui sont demandeurs d'un cadre légal,
réglementaire et fiscal clair et incitatif - à s'engager dans
l'électrification rurale.
2.1.2.3. Les acteurs du secteur de
l'électricité
En terme d'acteurs dans le secteur de
l'électricité, on compte trois acteurs publics majeurs : la CEB,
la SBEE et l'ABERME.
- Communauté Électrique du
Bénin
De sa création en 1968 à la réforme du
secteur en 2004, la CEB détenait le monopole de la production et du
transport de l'énergie électrique au Bénin et au Togo.
Mais, depuis 2004, la production et la distribution de
l'électricité sont ouverts à des opérateurs
privés. Pour autant elle garde le monopole de l'importation de
l'énergie électrique et du transport de
l'électricité dans les zones où elle a son réseau
de transport. Dans ces zones elle détient également le statut
d'acheteur unique de la production des opérateurs
indépendants.
- Société Béninoise d'Énergie
Électrique
La Société Béninoise d'Énergie
Électrique - anciennement Société Béninoise
d'Électricité et d'Eau90 - est sous la tutelle du
Ministère chargé de l'Énergie avec un statut para
étatique. Elle possède donc une certaine autonomie de gestion,
même si les domaines de la tarification et des investissements importants
sont décidés au niveau du conseil des ministres. Depuis 2004 avec
l'appui de la Banque Mondiale, sa mise en concession est prévue. La SBEE
va ainsi être divisée en une société de patrimoine
et en une société commerciale et elle n'aura plus à charge
que les zones urbaines.
89 Au niveau institutionnel c'est le
Ministère des Mines, de l'Énergie et de l'Hydraulique qui
gère le secteur de l'énergie. Il a sous-tutelle le Bureau des
Opérations Pétrolières (BOP) et la Direction
Générale de l'Énergie (DDGE). Cette dernière
planifie le développement du secteur de l'énergie, fait les
propositions pour des réglementations du secteur, suit l'application des
réglementations ainsi que les projets et programmes du secteur, etc.
90 La Société Béninoise
d'Électricité et d'Eau a été créée en
1974. Avec la réforme du secteur de l'énergie, en janvier 2004,
la gestion des activités de fourniture d'eau et
d'électricité a été séparée entre la
Société Béninoise d'Énergie Électrique et la
Société Nationale des Eaux du Bénin (SONEB).
- Agence Béninoise pour l'Électrification
Rurale et la Maîtrise de l'Énergie
Pour les zones rurales, l'ABERME a été
créée en 2004 afin de mettre en oeuvre la politique de
l'État dans les domaines de l'électrification rurale et de la
maîtrise de l'énergie.
Par ailleurs, il est à noter que les nouvelles politiques
et réformes prévoient la mise en place d'une Autorité de
Régulation des secteurs de l'Électricité et de l'Eau.
2.1.2.4. Les capacités de production
d'électricité
Comme le gouvernement cherche à accroître le
nombre de localités91 électrifiées, une
augmentation de l'offre d'énergie électrique est
nécessaire. Sont donc envisagées la construction par la CEB d'un
deuxième barrage hydroélectrique sur le fleuve Mono (pour
produire 325 GWh par an), la construction de turbines à gaz92
reliées au réseau interconnecté, la réalisation du
projet de construction du Gazoduc de l'Afrique de l'Ouest93, etc.
2.1.3. ... et la décentralisation du service de
l'électrification rurale
Par électrification rurale
décentralisée on sous-entend non seulement des choix
technologiques (réseaux / hors réseaux) et géographiques
(rural / urbain) mais également une production locale de
l'électricité et une décentralisation de la
décision d'entreprendre94. Dans le cas du Bénin, ce
sont les communes95 qui sont responsables de l'élaboration et
de l'exécution de leurs programmes de développement local.
2.1.3.1. Les concessions
Dans le contexte de décentralisation de la gestion de
l'énergie, le Bénin se retrouve divisé en 15 zones de
concessions d'électrification, où des gestionnaires seront
recrutés (dans un futur très proche) pour chacune d'elles sur
appels d'offres publics et internationaux et auxquels la société
civile peut participer.
Le concessionnaire a des obligations en ce qui concerne la
fourniture d'électricité que ce soit
91 Par localité, le programme entend un
ensemble de villages proches, qui constituent une « grappe ».
92 Une turbine à gaz de 80 mégawatts
à Maria Gléta est en construction.
93 Le Gazoduc de l'Ouest Africain devrait être
un gazoduc de 678 km de long pour alimenter de 18 milliards de m3 de
gaz naturel du Nigéria des centrales thermiques au Bénin, au
Ghana et au Togo.
94 Massé 2004, 8
95 Le Bénin est découpé en 12
départements qui sont divisés en communes. Ces dernières
sont constituées d'arrondissements qui comprennent des zones urbaines
avec des quartiers de ville et des zones rurales avec un ensemble de
villages.
au niveau de la distribution d'énergie comme de
l'accessibilité à ce service96. Il a alors
l'exclusivité des activités d'achat, de production et de
distribution de l'électricité dans le périmètre de
la concession.
Pour l'électrification rurale, il est prévu que
l'opérateur doit financer au moins 15 à 20% de
l'investissement97. On se retrouve donc face
à une « gestion déléguée avec subvention
»98 oüon fait l'hypothèse qu'une partie des
coûts d'investissement peut être couverte par les tarifs.
Une partie de l'investissement se fait donc sur fonds propres
de l'investisseur et le reste par des subventions publiques.
Institutionnellement, ce mode de gestion a donc été
préféré à celui de la gestion sans subvention
publique et à celui de l'affermage ou service totalement
subventionné.
2.1.3.2. L'auto-production
Définir des règles de concession n'est pas
suffisant, il est également nécessaire de permettre le
développement d'électrification rurale autonome afin que les
populations non desservies - en raison de la logique de rentabilité du
concessionnaire - puissent légalement se trouver des alternatives. Or
dans les textes de loi on reconnaît la possibilité
d'autoproduction : les localités non électrifiées par le
concessionnaire peuvent développer à leur initiative des projets
d'électrification à l'échelle locale ou régionale
et peuvent alors recevoir un encadrement technique de l'ABERME et un appui
financier de l'État.
Cependant, à partir d'une production
d'une puissance totale installée de plus de 500 kVA aux bornes des
installations de production, il est nécessaire de faire une demande
d'autorisation préalable à leur réalisation et une
redevance doit être payée.
Si leur puissance est inférieure à 500 kVA,
elles ne sont pas soumises à cette demande d'autorisation mais une
déclaration doit être faite à l'Organe de Régulation
avant leur mise en service99.
2.1.3.3. La politique d'électrification rurale
et son financement
Le document de politique d'électrification rurale est
décliné en programmes et comprend un programme d'action,
c'est-à-dire un cadre précis avec trois phases (une phase de
96 Article 25 : Obligations relatives à la
fourniture d'énergie électrique ; Section V : Droits et
obligations des Concessionnaires et Exploitants ; Code de
l'électricité en République du Bénin
97 Ministère des Mines, de l'Énergie et
de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie s.d.c,
29
98 De Gouvello et al. op.cit., 57-60
99 Article 36 et 27 ; Section VII : Régimes de
l'auto production ; Chapitre III : Régime juridique du secteur de
l'électricité
préparation 2006-2007, une phase de lancement
2008-2010 et une phase de consolidation et développement des actions
d'électrification rurale 2011-2015). Le but affiché est de
créer les conditions pour favoriser l'accès des populations
rurales à l'électricité pour les usages domestiques,
communautaires et le développement des activités
économiques, dans l'optique qu'elles ne peuvent supporter seules les
coûts du service et parce que l'électrification rurale se fait
dans une logique de service public, étant donné que dans les PED,
les coûts du service sont généralement supérieurs
aux capacités de paiement et aux disponibilités à payer
des populations rurales100.
De plus, les pouvoirs publics - pour
impulser l'électrification rurale - doivent mettre en
oeuvre un mécanisme de financement de l'électrification rurale
pour que cette dernière soit réalisable. Pour résoudre le
problème du secteur privé étranger habituellement non
intéressé par l'électrification rurale en raison des
faibles taux de retour sur investissement et d'absence de stratégies
d'implication du secteur privé locale, il est préconisé
d'avoir une agence, un programme et un fonds d'électrification rurale
s'appuyant sur une loi d'électrification rurale101. C'est
ainsi qu'au Bénin un Fonds d'Électrification Rurale (FER) a
été mis en place. Il tire une partie de ses ressources de
dotations de l'État. Seulement, l'effort financier ne
provient pas entièrement de l'État étant donné que
les ressources de tout pays en développement sont limitées et
qu'il y a des arbitrages à effectuer pour les répartir entre les
différents secteurs (santé, éducation, etc.), sans compter
que le Bénin ne possède aucune ressource du sous-sol (ni
pétrole, ni diamant, ni or...) ainsi que très peu d'industries et
la majorité de ses devises proviennent principalement de l'agriculture.
De plus, l'électrification rurale exige un investissement continu et
durable. On fait ainsi appel à des ressources extérieures
publiques et privées (subventions de bailleurs de fonds, dons, legs et
emprunts) mais également à des prélèvements sur les
acteurs de l'électrification avec des redevances à payer par les
concessionnaires et des prélèvements sur les kilowattheures
vendus aux consommateurs (taxe de 3 FCFA par kWh). D'autres sources de
financement sont également cherchées pour pouvoir atteindre
l'électrification chaque année d'au moins 150 localités
rurales et qu'en 2015 le taux d'électrification rurale soit de 40%. Pour
parvenir à ces objectifs 35 à 40 milliards chaque année de
Francs CFA sont nécessaires.
100 Antoine Nogier et Rafik Missaoui définissent la
capacité de paiement comme la capacité des ménages
à payer un service électrique correspondant à leurs
besoins (liée à la contrainte monétaire des
ménages). La disponibilité à payer est quant à elle
définie comme le montant moyen que les usagers sont prêts à
dépenser par mois en tenant compte de leurs besoins exprimés et
de leur acceptabilité du prix du service proposé. (De
Gouvello et al. op.cit., 139-174)
101 Wamukonya et al. op. cit., 41
Une taxe sur le litre d'essence et le gasoil fut
envisagée mais avec la flambée du prix du pétrole,
l'idée fut abandonnée. Il est donc plutôt prévu de
s'appuyer sur les ressources propres du système financier national, les
apports des entreprises de service de fourniture d'électricité en
milieu rural ainsi que ceux des collectivités locales. On envisage
également de faire appel aux fonds spéciaux du mécanisme
des Nations Unis (pour les projets d'électrification par les
énergies renouvelables102). Le double objectif du FER est de
promouvoir l'investissement privé pour l'électrification rurale
et d'impliquer les banques commerciales nationales ainsi que les institutions
de micro finances dans la mise en oeuvre de la politique de financement de
l'électrification rurale au Bénin.
De tels dispositifs s'inscrivent dans l'optique qui veut que
subventionner l'électrification rurale permet de créer des
conditions de rentabilité sur trois niveaux : la subvention compense la
rareté des capitaux et des prêts à long terme ; elle
réduit les charges financières (capitaux investis et
dettes), ce qui équilibre la rentabilité
financière de l'électrification rurale et permet de
réduire les tarifs ; elle permet d'imposer des exigences de
qualité, de fourniture de service publique à des tarifs
particuliers (exemple : centres communautaires) et de garantie103.
Par ailleurs, ces subventions directes104 permettent une
équité entre ruraux et urbains et peuvent inciter à
promouvoir des sources d'énergie propre.
Ainsi les ressources du FER sont placées sur un compte
de la BCEAO et sont utilisées comme ressources d'investissement, de
garantie des emprunts, d'avance remboursable et de subvention ainsi que de
prêt participatif pour les opérateurs. Les utilisateurs doivent
ouvrir un compte d'épargne et les opérateurs un compte courant
dans une des institutions décentralisées de crédit et
d'épargne. Ce sont les banques qui ont la décision finale en
terme d'attribution de crédit.
Par ailleurs, dans le document sur les mécanismes de
financement de l'électrification rurale105, on envisage de
mettre en place un régime fiscal spécial pour les projets
d'électrification rurale
102 Dans le cadre de la convention Climat et du protocole de
Kyoto, deux mécanismes financiers ont été mis en place
pour les projets induisant des réductions d'émission de CO2 dans
les pays du Sud : le Fonds pour l'environnement mondial (Fem) et le
Mécanisme de Développement Propre (MDP).
103 Massé 2004, 16
104 Selon Antoine Nogier et Rafik Missaoui, il y a deux types
de transferts : les subventions croisées et les subventions directes.
Ces premières sont des transferts monétaires entre les secteurs
ou consommateurs pour lesquels le service est « sur-tarifé »
et ceux pour qui il est « sous-trarifé » (comme pour les
tarifs de la SBEE). Les secondes sont quant à elles allouées
directement par l'État sur son propre budget pour certains
consommateurs. (De Gouvello et al. op.cit., 139-174)
105 Ministère des Mines, de l'Énergie et de
l'Hydraulique 2005, 10
avec, éventuellement, une
exonération de la taxe douanière sur le matériel et les
équipements destinés à l'électrification des
localités rurales, une exonération de la TVA pour les achats
locaux de matériels et autres, afin de réduire le coût des
projets et d'attirer l'investisseur privé. Le schéma de base pour
le financement des investissements - tel qu'il se trouve dans le Programme
d'actions pour l'électrification des localités rurales du
Bénin106 - est décomposé comme suit :
· un autofinancement de l'opérateur d'au moins 15
à 20% de l'investissement
· une contribution des localités locales
jusqu'à 10% de l'investissement initial
· des crédits aux opérateurs
> avance de 30% de l'investissement initial accordée
à l'opérateur par l'État, remboursable sans
intérêt sur cinq ans à partir de la sixième
année
> 40 à 45% de crédits : crédits sur
les ressources du fonds de crédit des bailleurs de fonds (pourcentage
négocié par les bailleurs de fonds) et crédits sur les
ressources propres des banques commerciales
> (si nécessaire) subvention pour l'opérateur
afin de garantir une rentabilité financière
Ce schéma reprend exactement les recommandations de
René Massé107 concernant le plan de financement d'une
opération type108. (Cf. Annexe 5)
2.2. Les options développées par
l'agence étatique pour l'électrification rurale
2.2.1. Les critères de choix et
d'éligibilité
Il reste à voir quelles sources d'énergie pour
l'électrification rurale décentralisée (ERD) sont
développées au Bénin pour répondre aux besoins des
populations rurales. L'ERD doit prendre en compte différents
paramètres : la répartition géographique des habitants, la
satisfaction des besoins minimums (eau et santé), l'amélioration
du cadre de vie (éclairage...), la petite force motrice pour «
assurer des conditions de vie minimum » et l'état des lieux de la
pré-électrification spontanée109. Au
Bénin, le choix des options à développer se fait au cas
par
106 Ministère des Mines, de l'Énergie et de
l'Hydraulique s.d.c, 29
107 Ingénieur et expert de l'électrification
rurale.
108 Massé 2001, 30
109 Bal 2002, 14
cas en s'appuyant sur les critères de position de la
localité par rapport aux réseaux MT et HT existants, en cours de
réalisation ou en projet, la taille de la population et l'existence d'un
potentiel d'énergies renouvelables économiquement exploitables
(solaire, éolienne, hydraulique et biomasse). Si plusieurs options sont
envisageables, c'est la plus économique par rapport au coût du kWh
fourni ou à celui du raccordement par abonné domestique qui sera
retenue110. Les choix se font comme le préconise Abdelhanine
Benallou et ses collaborateurs111: si chacun des systèmes est
techniquement possible, le choix doit se faire sur des bases
économiques, leur compétitivité dépendant de la
puissance souhaitée. Par ailleurs, un ordre d'éligibilité
des localités sera mis en place pour une « utilisation optimale des
ressources financières disponibles »112, selon
l'importance de la population de la localité et son importance
économique dans sa région (Il y a-t-il un marché
régional? Est-ce un pôle économique régional?), sa
situation par rapport aux réseaux routiers, l'existence
d'infrastructures socio-communautaires (écoles, centres de santé,
services administratifs) et la priorité donnée par les pouvoirs
publics à certains types de localités. Cet ordre
d'éligibilité une fois établi permet au Ministère
des Mines, de l'Énergie et de l'Hydraulique de déterminer avec
les pouvoirs publics décentralisés (c'est-à-dire les
communes) les projets prioritaires avant le lancement d'études d'avant
projets détaillées.
Par ailleurs, étant donné que la «
responsabilisation des populations dès le départ est [vu comme]
un gage de succès »113, le choix définitif sera
conditionné par la demande auprès de l'ABERME des
localités souhaitant bénéficier d'un programme
d'électrification . La localité doit ensuite « mobiliser les
ressources financières correspondant à sa participation à
l'investissement initial nécessité par son électrification
[et au moins 30%] des ménages de la localité (...) doivent avoir,
à partir de leurs propres ressources ou en souscrivant aux aides
financières remboursables accordées par le programme
d'électrification rurale, réaliser leurs installations
électriques intérieures, ouvrir un compte d'épargne au
niveau d'une institution financière décentralisée
impliquée dans la mise oeuvre du programme et y déposer les frais
d'abonnement au système d'électrification envisagé
»114.
Ainsi si la localité se trouve à moins de 20
kilomètres du réseau de la SBEE et si elle a une population
importante (1 000 habitants) ou si elle est sur route d'une localité
importante, alors
110 Ministère des Mines, de l'Énergie et de
l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie s.d.b.,
35-36
111 Benallou & Rodot 2002, 35
112 Ministère des Mines, de l'Énergie et de
l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie s.d.b.,
36-37
113 Idem.
114 Idem.
on envisage son raccordement au réseau conventionnel.
On donne donc la priorité à l'électrification
conventionnelle aux localités les plus peuplées et les plus
faciles d'accès considérant que la demande potentielle en
électricité est relativement forte et le coût
d'infrastructure par abonné relativement faible. Pour les autres des
solutions de microélectrification (électrification
décentralisée hors réseau) seront
développées pour répondre aux usages spécifiques de
l'électricité (communication et éclairage), aux usages
mécaniques (pompage et mouture) et aux usages thermiques
(réfrigération).
2.2.2. Les sources d'énergies possibles pour la
micro-électrification
Généralement les différentes sources
d'énergies pouvant être utilisées sur des sites
isolés, lorsque l'électrification au réseau traditionnel
n'est pas possible, sont les suivantes :
- la biomasse
Par « biomasse » on entend l'ensemble des
matières organiques que l'on peut convertir en énergie, mais le
plus souvent ce terme est utilisé en Afrique pour le bois et le charbon
de bois. Le biogaz (une des formes de biomasse) est quant à lui
souvent envisagé à part. Ce dernier consiste en une fermentation
de composants organiques afin de produire du gaz pouvant servir à la
cuisson des aliments et à l'éclairage. Grâce à la
biomasse on peut obtenir de l'électricité, du combustible, de la
chaleur directe et du carburant.
- l'énergie solaire
Par énergie solaire on peut regrouper pompes solaires,
énergie solaire thermique et énergie solaire
photovoltaïque.
Les pompes solaires sont des pompes électriques
fonctionnant par conversion thermodynamique : grâce à des capteurs
solaire et à un moteur thermique qui utilise la vapeur solaire, on
obtient de l'énergie mécanique.
L'énergie solaire thermique fonctionne grâce
à des capteurs qui captent la chaleur directe. Elle peut être
utilisée pour des séchoirs solaires (la chaleur est alors
transformée en énergie solaire 115), pour les
chauffe-eau solaires (généralement pour les milieux urbains ou
pour des applications industrielles) ou bien pour les cuiseurs
solaires116.
L'énergie solaire photovoltaïque est quant à
elle issue de la conversion de l'énergie solaire en
115 Avec les séchoirs solaires, on expose soit le
produit au rayonnement solaire, soit on utilise un système de
ventilation ou encore un système solaire ou hybride.
116 Il y a trois types de cuiseurs solaire : les
concentrateurs qui renvoient le rayonnement sous le récipient de cuisson
; les cuiseurs boîtes munis ou non de réflecteurs
extérieurs ; les cuiseurs à capteur plan où un fluide
(air, huile) est chauffé puis conduit jusqu'au caisson de cuisson.
courant continu par des cellules photovoltaïques. Elle
permet de fournir de l'électricité. - l'énergie
éolienne
L'énergie éolienne provient du vent et on peut
l'utiliser soit directement (exemple : pompage) soit indirectement (production
d'électricité via un générateur). L'éolien
permet de produire de l'électricité.
- l'énergie hydraulique
L'énergie hydraulique peut être fournie au niveau
des cours d'eau ou des stockages d'eau et elle produit de
l'électricité.
2.2.3. Les options développées par
l'ABERME
- Raccordement au réseau de la SBEE
Même dans le cas du raccordement au réseau
conventionnel des financements externes sont nécessaires. On voit ainsi
que le raccordement de cinquante-huit localités au réseau de la
SBEE n'est possible que par une aide de la Banque d'Investissement et de
Développement de la Communauté Économique des États
de l'Afrique de l'Ouest (BIDC) et par des fonds venant du gouvernement indien
dans le cadre d'un accord de prêts liés (l'appel d'offre pour la
fourniture du matériel est ouvert seulement aux entreprises indiennes).
De même, cinquanteneuf autres localités rurales devraient
être raccordées grâce à un financement de plusieurs
partenaires dont l'Union Européenne (Facilité
Énergie117) et l'Agence Française de
Développement118 (AFD).
- Plateforme multifonctionnelle
L'objectif affiché de la plateforme multifonctionnelle
est de lutter contre la pauvreté en allégeant le travail des
femmes grâce à la production d'énergie électrique et
mécanique. Une plateforme est constituée d'une unité de
production d'énergie électrique où un moteur indien de 8
à 20 chevaux couplé à un alternateur triphasé
permet de transformer les produits agricoles : des machines et des modules
mécaniques, installés par le projet, transforment du maïs,
du manioc et des noix de palme.
117 La Facilité Énergie « est un instrument
de co-financement établi en 2005 pour soutenir des projets
améliorant l'accès aux services énergétiques
durables et abordables en milieu rural et péri-urbain dans les pays
d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ».(Commission
européenne, Facilité ACP-UE pour l'Énergie,
[
http://ec.europa.eu/europeaid/where/acp/regional-cooperation/energy/index_fr.htm
] (site consulté le 10 février 2010) )
118 L'AFD s'est engagée en 2008 à contribuer
à hauteur de 38,8% (soit cinq milliards de FCFA) au Programme
d'électrification rurale pour raccorder une soixantaine de
localités rurales à la SBEE et pour renforcer les
capacités de la SBEE et de l'ABERME. (Massé 2008)
On parle de « multifonctionnel » car le soir la
plateforme fournit de l'électricité (de 19h à minuit)
grâce à un réseau électrique de distribution et de
branchement des abonnés et de lampadaires pour l'éclairage
public.
Le projet est actuellement dans sa phase
d'expérimentation dans deux villages (Igba IgboAbikou et Djegou Nagot).
Vingt-sept localités devraient être pourvues de plateformes
multifonctionnelles grâce à un financement de l'Union
Européenne (Facilité Énergie).
- Projet solaire sous deux volets
> Volet adduction d'eau
Des forages avec de bons débits sont
équipés de pompes solaires et on y installe un champ solaire.
L'installation est complétée par un mini-réseau
d'adduction d'eau et un château d'eau. > Volet
électricité
On peut alors parler d'électrification publique car des
lampadaires solaires sont mis en place, des centres sociaux communautaires
(dispensaires, maternité, école, logement de l'infirmier, centre
de loisirs...) sont électrifiés pour un accès à
l'éclairage, à la réfrigération, voire à la
télévision.
Dans le même temps pour les particuliers des kits
photovoltaïques sont installés sur demande suite à une
séance de sensibilisation où le fonctionnement, les puissances
possibles et autres, sont expliqués. Les kits distribués sont
subventionnés. Le kit de 85 Wc et son installation par l'ABERME revient
ainsi à 650 000 FCFA (soit environ 990 euros) au lieu de 1 350 000 FCFA
(soit environ 2 058 euros) sur le marché. Par ailleurs,
la possibilité est offerte de payer par échelonnement à
travers des caisses locales, non par mensualités mais par saisons de
récoltes sur un maximum de trois ans.
C'est ainsi que 24 villages sur l'ensemble du territoire
béninois ont bénéficié d'un tel projet grâce
aux financements de la BID et d'une assistance technique
étrangère.
- Hydroélectricité
Le programme d'hydroélectricité se met
progressivement en place depuis 2004. L'ABERME a obtenu de l'Agence Canadienne
de Développement Internationale (ACDI) un crédit pour la
réalisation des études de faisabilité (par des
ingénieurs canadiens) pour l'aménagement de 10 sites
hydroélectriques (études de faisabilité en 2009). L'ABERME
veut développer l'hydraulique comme source d'énergie tout en
diversifiant ces sources en raison des changements climatiques.
- Éolien et biomasse
L'option éolienne n'est pas envisageable car le vent
n'est ni constant ni suffisant. Elle ne pourrait se faire que sur la zone
côtière et seulement sur 2 ou 3 mois dans l'année.
La biomasse en revanche pourrait être une source
d'électricité avantageuse pour le Bénin. En effet, on
pourrait tirer profit des résidus des récoltes. Par exemple,
à la fin des récoltes du coton (une culture importante au
Bénin), on pourrait utiliser les tiges au lieu de les brûler, ce
qui aurait également un impact positif sur l'environnement car cette
pratique dégrade le sol, pollue... Les résidus de mil, de
maïs, d'arachides, pourraient également être tirés
à profit pour produire de l'électricité.
Le but recherché est, de façon progressive, de
diversifier les sources d'énergie. Un comité multisectoriel est
en train de se mettre en place afin d'aboutir à une synergie entre le
secteur de l'énergie et les autres secteurs de développement
(santé, éducation, transformation agroalimentaire...).
Désormais, il sera nécessaire quand un projet sera mis en place
de connaître les autres programmes développés dans cette
même localité par les autres structures. Par exemple, il faudra
connaître le plan de construction de l'hôpital avant de
procéder au projet d'électrification. Les séances ont
déjà commencé et le décret pour la mise en place de
ce comité a déjà été pris, il ne reste
désormais qu'à le mettre en pratique.
Au Bénin l'électrification rurale va donc se
développer à partir de programmes élaborés à
l'initiative de l'État et suivant ses priorités. L'État
à travers l'ABERME passe des appels d'offres, attribue les concessions
et accordent les facilités nécessaires aux opérateurs
privés. On cherche ainsi à donner à l'État la
maîtrise de la planification de l'électrification des zones
rurales dans le contexte de la décentralisation et à
éviter un monopole national chez les opérateurs.
Seulement, il y a du retard dans la mise en place du FER et
l'ABERME se retrouve avec une faible capacité
financière119. Par ailleurs, seul un petit nombre de projets
d'électrification par le photovoltaïque au Bénin
fonctionnent. Il est donc intéressant d'analyser de plus près
cette technologie, qui semble à première vue
idéale dans un pays très ensoleillé, en s'arrêtant
sur son fonctionnement, ses avantages et inconvénients.
119 Codjo Djaïto 2007
3. Avantages et inconvénients du solaire
photovoltaïque pour les localités rurales du
Bénin
Les systèmes solaires sont généralement
perçus comme une opportunité intéressante pour
répondre aux besoins en électricité des pays en
développement. C'est ainsi que dans le cadre coordonnant
l'électrification des zones rurales du Bénin le solaire est l'une
des
possibilités envisagées. Seulement, que ce soit
à travers ce cadre (comme dans le cas de ToriCada) ou en dehors de
celui-ci (comme avec des actions d'ONG), les villages ayant la
possibilité de s'électrifier grâce au photovoltaïque
sont encore loin de voir l'électrification
généralisée à l'ensemble du village et de la voir
fonctionner correctement et durablement. Il est donc nécessaire de
revenir sur le fonctionnement d'une installation photovoltaïque puis
d'envisager les avantages et les inconvénients pour comprendre les
difficultés rencontrées. L'analyse suivante se focalisera sur la
technologie solaire dans un objectif d'électrification, par
conséquent le solaire pour l'adduction d'eau ne sera pas
traité.
3.1. Explications simplifiées de cette
technologie attrayante 3.1.1. La composition d'un système
photovoltaïque
a) le module
Produire de l'électricité photovoltaïque
c'est produire de l'électricité (« voltaïque »)
à partir de la lumière (« photo ») et cela grâce
à des photopiles, dites également cellules photovoltaïques,
qui captent l'énergie des photons composant la lumière. Ce sont
ces photopiles montées en série et composées de cristaux
de silicium120 qui constituent un module121.
Les trois filières les plus utilisées pour la
fabrication des cellules photovoltaïques sont le silicium monocristallin,
le silicium polycristallin et le silicium amorphe. Le silicium monocristallin
est produit à partir de monocristal de silicium très pur. Les
modules constitués de ce silicium sont donc les plus coûteux mais
assurent le meilleur rendement. Le silicium polycristallin est moins pur que le
monocristallin car il provient des rebuts de l'industrie
120 Le silicium est un matériau tiré du sable ou du
quartz, tous deux riches en silice.
121 Généralement un module est constitué
de 36 ou de 72 cellules photovoltaïques et donnera une tension de 12 ou de
24 volts. On dit d'un module de 36 cellules qu'il est de 12 volts car il permet
de charger une batterie de 12 volts même si sa tension nominale de sortie
se trouve autour de 17 volts.
électronique. Pour autant, cette technologie est
très utilisée car son rendement de conversion n'est que
légèrement inférieur à celui du monocristallin mais
pour un coût plus faible. Les filières du silicium monocristallin
et polycristallin représentent 85% du marché. Quant au silicium
amorphe, il est obtenu par dépôt de couches minces sur du verre.
Son coût est beaucoup plus faible que pour les deux premiers mais son
rendement de conversion est également largement inférieur. Il est
donc utilisé pour les applications de faible puissance.
Pour évaluer la quantité d'énergie
transformée quotidiennement par un module, on multiplie la puissance
crête par l'ensoleillement journalier. La puissance crête
étant la puissance122 d'un module donnée par le
fabriquant, exprimée en watt-crête (Wc) et correspondant à
la puissance produite par le module dans les conditions optimales
d'ensoleillement et de température : un ensoleillement de 1000
W/m2 (ensoleillement maximal à la surface de la terre), une
masse d'air123 de 1,5 et une température de
jonction124 de 25°C.
Par exemple au Bénin l'ensoleillement
global125 est de 5 kWh/m2/jour126 donc un
module de 85 Wc produira 425 Wh/jour. Seulement, l'irradiation
solaire est inégalement répartie : elle est plus abondante au
nord qu'au sud (Cf. Annexe 4). D'autre part, si le ciel est nuageux, notamment
durant l'harmattan127, l'ensoleillement sera plus faible et la
puissance fournie sera alors moindre. De même, au dessus de 25°C, la
puissance fournie diminue de 0,5% pour chaque degré Celsius
d'augmentation de la température du module photovoltaïque.
Les modules représentent aujourd'hui 30 à 35% du
prix du système.
b) la structure-support
La structure-support va fixer les modules à l'endroit
désiré (généralement sur la toiture). Les
structures fixes sont à privilégier aux structures mobiles
puisque les systèmes de ces dernières peuvent se bloquer et
qu'ils consomment de l'énergie...
D'autre part, la structure doit être orientée vers
le sud étant donné que le Bénin se trouve
dans l'hémisphère nord128, à au moins 20 cm
au dessus de la toiture pour permettre la ventilation et
122 La puissance est l'énergie électrique ou la
quantité de travail obtenue en une unité de temps et s'exprime en
watt (W).
123 La masse d'air est l'épaisseur relative de la couche
d'atmosphère traversée par le rayonnement solaire.
124 La température de jonction caractérise le
fonctionnement thermique du module : plus elle augmente, plus le rendement de
conversion augmente.
125 Au Bénin le rayonnement solaire global est de 700
Kj/cm2/an avec sept heures par jour d'ensoleillement.
126 Wh/m2/jour : mesure l'ensoleillement ou le
rayonnement qu'une surface au sol d'un mètre carré reçoit
du soleil pendant une journée
127 L'harmattan est un vent sec soufflant du Sahara et au Golf de
Guinée de fin novembre à début mars.
128 Les pays de l'hémisphère sud doivent orienter
les modules vers le nord.
avec une inclinaison de 10 ° par rapport à
l'horizontale. L'angle d'inclinaison doit être égal à la
latitude du lieu mais dans le cas des pays, comme le Bénin, proches de
l'équateur - latitude comprise entre 0 et 10° - on choisit un angle
de 10°. (Cf. Annexe 4)
c) les batteries
L'énergie produite durant la journée doit
être stockée et pour cela on a recours à des batteries
plomb-acide. Il peut s'agir de batteries de voiture ou de batteries
adaptées pour le photovoltaïque, ces dernières durant trois
à cinq fois plus longtemps. Le choix des batteries est important : il
faut prendre en considération à la fois leur coût à
l'installation et leur coût pour la durée de vie du système
photovoltaïque car on doit les remplacer périodiquement (environ
tous les 4 ans).
d) le régulateur
Le régulateur gère la charge et la décharge
de la batterie pour éviter qu'elle soit endommagée.
e) les onduleurs
L'électricité produite est en courant continu.
Pour le convertir en courant alternatif de 220 volts - nécessaire pour
certains équipements comme les réfrigérateurs, certains
téléviseurs, etc. - on utilise des onduleurs.
f) les convertisseurs
Les convertisseurs permettent de convertir du courant continu
en courant continu dans le cas où l'on souhaite une
tension129 inférieure à celle à la sortie de la
batterie (par exemple si l'on souhaite une tension de 6 volts au lieu de 12
volts).
g) câblages, fusibles et coupe-circuits
Le câblage permet de relier électriquement tous
les composants du système. Des fusibles et des coupe-circuits sont
également installés pour protéger l'installation ou pour
assurer la maintenance du système : le fusible protège contre les
court-circuits et les coupe-circuits permettent de couper l'alimentation en cas
d'urgence ou lors de la maintenance.
h) les récepteurs/applications
Les récepteurs/applications sont l'ensemble des appareils
qui fonctionnent grâce à
129 La tension mesure la force ou la poussée que
reçoivent les électrons dans un circuit électrique et
s'exprime en Volt (V)
l'électricité photovoltaïque. Lorsque l'on
a un système avec une tension de 12 volts utilisant une batterie de
voiture, on peut utiliser des réglettes fluorescentes, une
télévision en noir et blanc 12 volts et ces appareils peuvent
être moins coûteux que les appareils fonctionnant avec du 24 ou du
48 volts.
Certains appareils fonctionnent en courant continu (CC) : les
réglettes fluorescentes, les ventilateurs, les
télévisions en noir et blanc de 12V. D'autres
nécessitent un courant alternatif (CA) et donc la présence d'un
onduleur : les ampoules incandescentes, les télévisions, les
magnétoscopes, les ordinateurs, les réfrigérateurs.
Les récepteurs font partie intégrante du
système, leur choix ayant une incidence sur son bon fonctionnement. Il
est ainsi nécessaire de privilégier des appareils économes
en énergie car ils permettent d'augmenter la durée de vie de la
batterie et d'éviter les appareils restant en veille qui
entraînent des consommations supplémentaires
d'électricité (l'onduleur fonctionnant lors de leur veille).
Schéma d'un système photovoltaïque de
base
3.1.2. La maintenance
Il est nécessaire d'avoir à la fois un petit
entretien et une maintenance plus poussée pour garantir la
pérennité du système. En effet, l'utilisateur doit
régulièrement nettoyer les modules, vérifier l'absence
d'ombres sur les modules, vérifier le niveau d'électrolyte des
batteries... A cela s'ajoute une maintenance plus approfondie à
effectuer par un technicien qualifié. Une maintenance adéquate
permet de garantir le fonctionnement optimal des installations.
3.1.3. Les applications du photovoltaïque
3.1.3.1. Les applications pour les sites isolés :
de quelques watts à 1 kW
a) les systèmes solaires domestiques ou
communautaires
Les systèmes solaires domestiques permettent
d'alimenter en électricité les habitations ou les centres
communautaires (centre de santé, école, administration...). Ils
sont constitués au minimum d'un ou deux modules, d'une batterie, d'un
régulateur et d'applications (souvent limitées à
l'éclairage avec des réglettes fluorescentes de 8 watts). Il est
possible de dimensionner spécifiquement l'installation selon les
applications souhaitées ou d'installer des kits solaires
standardisés. De façon générale, pour avoir de la
lumière quelques heures par jour, une puissance comprise entre 10
à 50 Wc est nécessaire. Pour l'éclairage et l'audiovisuel,
la puissance doit se situer entre 20 et 100 Wc. Enfin, pour l'éclairage,
l'audiovisuel et la réfrigération, la puissance passe à un
ordre de grandeur entre 100 et 2 000 Wc.
b) les lampes portables et chargeur solaire d'accus
Par « lampe portable », on entend une lampe
fluorescente portable branchée sur une batterie que l'on alimente
grâce à un petit système photovoltaïque et par «
chargeur solaire d'accus », le dispositif qui permet grâce à
de petits modules photovoltaïques de quelques wattcrête de recharger
des accumulateurs rechargeables.
c) les systèmes hybrides
Un système hybride allie une source d'énergie
renouvelable à une autre source d'énergie. On peut ainsi avoir
une installation photovoltaïque couplé à un groupe
électrogène afin d'avoir plus d'électricité et plus
souvent.
d) l'éclairage de rue
Pour éclairer les rues d'un village, il est possible de
monter sur des poteaux des lampes photovoltaïques autonomes130.
Le dispositif est constitué d'un module, d'un boîtier abritant une
batterie, d'une lampe et éventuellement d'une minuterie ou d'un
détecteur de mouvement pour réduire la consommation en
électricité qui peut être assez élevée.
f) la réfrigération
Par des systèmes solaires on peut alimenter des
conservateurs de vaccins, des réfrigérateurs domestiques ou
agro-alimentaires. Les réfrigérateurs
photovoltaïques fonctionnent grâce à un moteur
électrique alimenté en courant continu (12 ou 24 V) ou en
130 Les lampes photovoltaïques sont de type fluorescent,
à vapeur de mercure ou à sodium basse tension.
courant alternatif (120 ou 220 V). Il y a également une
deuxième source d'énergie - comme un stockage de froid sous forme
de blocs de glace - pour assurer une autonomie de fonctionnement, primordiale
pour la conservation de vaccins. Par ailleurs, le système de stockage
doit être correctement dimensionné afin qu'il y ait toujours
suffisamment d'électricité pour l'alimenter.
3.1.3.2. Les applications de quelques kilowatts au
mégawatt
a) les mini-réseaux
photovoltaïques
Les mini-réseaux photovoltaïques reprennent le
système de distribution habituellement utilisé lorsque l'on a un
raccordement réseau ou une électrification par groupe diesel. Un
champ photovoltaïque (ensemble de modules photovoltaïques
interconnectés) produit alors une grande quantité
d'électricité que l'on achemine par un réseau de
distribution aux villages et habitations alentours.
b) les centrales de recharge
Une centrale de recharge produit grâce à un
champ photovoltaïque de l'électricité, qui permet de
recharger, par des chargeurs reliés aux modules, des batteries, elles
même pouvant servir pour les besoins domestiques en éclairage.
L'utilisateur amène sa batterie déchargée à la
centrale et va, soit la laisser charger et venir la chercher à la fin de
la journée, soit l'échanger contre une batterie pleine.
c) les applications professionnelles
Les générateurs utilisés pour les
applications professionnelles (télécommunication, balisage...)
sont similaires à ceux utilisés pour les applications domestiques
ou collectives : ce sont les mêmes composants mais le
générateur est divisé en sous-ensembles ce qui permet une
utilisation en continue même si un problème a lieu sur l'un des
composants.
3.2. Les avantages du solaire dans un pays en
développement 3.2.1. Les avantages de tout système solaire pour
les zones rurales
Tout d'abord la connexion au réseau - difficile et
coûteuse dans les zones rurales et isolées du Bénin - n'est
plus envisagée car l'électricité est produite sur son lieu
de consommation, sauf dans le cas où l'électrification est
envisagée par mini-réseau photovoltaïque (ce qui n'est
aujourd'hui pas le cas au Bénin). Par ailleurs, le système
photovoltaïque en général est fiable et a
une durée de vie élevée. En effet les modules de bonne
qualité ont une durée de vie de vingt ans. De plus, même si
la maintenance est primordiale, son coût est plus faible que pour les
systèmes conventionnels tels que les groupes électrogènes
et l'entretien demandé à l'utilisateur est assez faible. Il est
également possible de faire évoluer l'installation selon les
besoins et les financements en raison de sa structure modulaire.
De même, aucun carburant et aucun gaz ne sont
nécessaires pour faire fonctionner l'installation. Cela permet une
autonomie, notamment énergétique car ce sont des énergies
fossiles importées, ainsi qu'un certain confort en raison d'une
émission nulle de gaz, d'un risque réduit d'incendie et d'un
meilleur éclairage que celui procuré par les lanternes ou les
torches. En terme de coût, l'utilisation réduite de pétrole
et de piles jetables - notamment pour l'éclairage - permet des
dépenses moins élevées, ce qui amortit en partie sur le
long terme le coût élevé du système.
3.2.2. Les avantages particuliers des applications du
photovoltaïque
a) les avantages des systèmes solaires
domestiques ou communautaires
Les systèmes photovoltaïques individuels sont
adaptés pour les petites quantités d'électricité
(puissance entre 0,1 à 5kWc) notamment pour celles ayant une valeur
ajoutée commerciale ou sociale élevée comme dans les
cliniques, les écoles, les ateliers ruraux, les
télécommunications, l'habitat isolé et dispersé...
Par ailleurs, en dehors des avantages cités précédemment
(qualité de l'éclairage, autonomie...), le coût d'un
système photovoltaïque est avantageux en comparaison avec les
groupes électrogènes. En effet, il est estimé que pour une
consommation de 3 kWh/jour le coût du photovoltaïque est
inférieur à celui de l'électricité procurée
par un groupe électrogène si le litre d'essence est à 0,6
euros/litre131. Or, au Bénin l'essence frelatée est
vendue aux alentours des 300/400 FCFA le litre soit entre 0,45 et 0,60 euros le
litre.
b) avantages des lampes portables et des chargeurs
solaires d'accus
Les lampes portables permettent de répondre au besoin
d'éclairage des foyers avec de faibles demandes d'énergie sans
devoir acheter du pétrole pour les lanternes ou des piles pour les
torches tout en apportant une luminosité de qualité. De
même les chargeurs solaires permettent de réduire l'utilisation
des piles jetables qui engendrent des dépenses non négligeables
pour les foyers à faible revenu, durent peu de temps et constituent une
source de
131 Benallou & Rodot op. cit., 42-43
pollution non négligeable.
c) avantages des systèmes hybrides
De nombreux avantages sont associés à
l'installation d'un système hybride : réduction des
capacités de stockages et donc des coûts d'exploitation,
amélioration de l'offre d'électricité ainsi qu'une
limitation du recours à l'essence et une limitation de l'émission
de gaz à effet de serre en comparaison avec un groupe
électrogène seul.
d) avantages de la réfrigération
La réfrigération grâce au solaire permet
d'avoir accès à l'énergie sur le lieu même des
besoins, afin de conserver des vaccins, d'éviter les gaspillages de
denrées alimentaires, de permettre la réalisation d'une
chaîne du froid, ce qui peut entre autre apporter des avantages
économiques pour la vente de produits.
e) avantages des mini-réseaux
photovoltaïques
Les mini-réseaux photovoltaïques reprennent une
configuration semblable à celle du réseau avec un courant
alternatif de 220 volts, le même type d'applications peut donc y
être utilisé.
f) avantages des centrales de recharges
Lorsque l'électrification se fait par des centrales de
recharge, une distinction est faite entre l'investissement pour
l'équipement de la centrale et les équipements chez l'utilisateur
(c'est-à-dire les lampes, les installations électriques...). Le
premier peut être pris par l'État et le second assumé par
l'utilisateur, ce qui peut amener un financement plus viable du
système.
g) avantages des applications professionnelles
L'installation procure une certaine souplesse et ne
nécessite qu'une maintenance assez légère. A cela s'ajoute
une absence de pollution induite par son fonctionnement et une fiabilité
de fonctionnement. Les pannes enregistrées avec ces systèmes sont
généralement moins élevées qu'avec une alimentation
classique132.
3.3. ... et ses inconvénients
Comme toute forme d'énergie,
l'électricité photovoltaïque comporte différents
problèmes que l'on peut répertorier - en suivant la
classification des problèmes énergétiques de Bernadette
Mérenne-Schoumaker133 - en problèmes techniques,
problèmes économiques, problèmes politiques,
problèmes environnementaux et problèmes géographiques.
132 Id., 50
133 Mérenne-Schoumaker 1997, 3
3.3.1. Les problèmes
techniques
Produire de l'électricité solaire demande des
installations complexes, ce qui pose la question de la maîtrise de cette
technologie en particulier car elle est importée et fonctionne
différemment de l'électrification par le réseau
conventionnel134. Il est donc nécessaire que l'utilisateur
comme les techniciens locaux s'approprient cette technologie : ils doivent la
comprendre, l'accepter et la maîtriser. En particulier en raison de la
maintenance régulière et de qualité qui est requise de la
part de l'utilisateur et des techniciens. Cette maintenance est primordiale car
si les modules ont une durée de vie de vingt ans la défaillance
d'un autre composant de l'installation réduira la capacité de vie
du système. Or si dans le Nord il est facile d'avoir accès
à un support technique, cette situation est différente en Afrique
subsaharienne où la maintenance peut constituer un réel
obstacle.
Un des composants les plus critiques est la batterie: elle est
à la fois fragile et nécessite un entretien rigoureux. Sa
capacité de stockage dépend du courant de décharge, de la
maintenance, du temps et de la température (la capacité de
stockage diminue avec une température supérieure à
25°C). Par ailleurs, certains villages - comme celui de Dekin de
l'arrondissement de Dekin dans la commune de Dangbo - alimentés en eau
grâce à des pompes solaires, voient leurs structures
abandonnées au bout de vingt ans lorsque l'appui technique se termine,
la population ne sachant pas comment les réhabiliter malgré la
volonté de voir de nouveau leur village alimenté en eau potable.
L'appropriation se pose donc tout au long de la durée de vie de
l'installation mais également au delà pour permettre une
continuité de l'offre de service.
D'autres problèmes techniques résident dans la
capacité et la production en tant que tel d'électricité.
L'électricité photovoltaïque n'est pas produite de
façon continue : elle est produite la journée puis est
stockée pour être utilisée à la nuit tombée.
Son stockage ne permet donc que l'utilisation pour quelques heures par jour de
l'éclairage et de l'audiovisuel. Par ailleurs le nombre de modules ne
permet pas d'offrir de fortes puissances pour utiliser des fers à
repasser, des réfrigérateurs de grandes tailles et autres.
Même si jusqu'à aujourd'hui de tels appareils sont loin
d'être généralisés135 mais pourraient
l'être avec le mimétisme des modes de
134 Le réseau conventionnel fournit du courant
alternatif de 220 volts alors que le photovoltaïque (sans onduleur)
produit du courant continu de 12 ou 24 volts, sauf lorsque l'on procède
à une électrification solaire par minréseau.
135 La population n'a recours qu'à des fers à
repasser au charbon et utilise très peu de frigidaires, y compris dans
les foyers électrifiés et urbains.
consommation. De même, les
générateurs photovoltaïques utilisés pour les
applications professionnelles ne permettent pas de faire fonctionner de gros
ateliers mais seulement des systèmes de puissances très
modestes.
Le stockage de l'électricité se pose
également pour les mini-réseaux où il est également
limité. Cela a pour conséquence de conditionner les modes de
consommation : certains utilisateurs pourraient être amenés
à consommer la quasi totalité de l'énergie stockée,
ce qui empêcherait d'autres utilisateurs d'y avoir accès. Pour
éviter cette situation des dispositifs peuvent être mis en place
afin de fixer un seuil à la consommation individuelle. Seulement, ils
peuvent être mal acceptés par l'usager étant donné
qu'ils lui imposent une limitation forcée. Il est également
difficile de dimensionner un tel système. Cette configuration est
à éviter sauf dans les cas où les demandes
d'électricité sont connues précisément (dans les
écoles, dispensaires...)136.
Les difficultés rencontrées dans les centrales
de recharge sont également liées à la composante batterie
mais sont d'un autre ordre : une batterie en fin de vie accumulera peu
d'énergie. Or la tarification de la centrale ne peut en tenir compte et
alors les tarifs appliqués ne correspondent pas réellement au
service rendu. Ce phénomène est amplifié par le
comportement des utilisateurs qui, n'étant pas propriétaires des
batteries, leur font subir des décharges profondes, raccourcissant leur
durée de vie. Par ailleurs, les batteries étant
transportées par les utilisateurs (généralement les
enfants) elles peuvent, en plus de constituer un désagrément par
leur transport, être détériorées et constituer un
risque pour la santé (éclaboussures d'acide). L'organisation d'un
tel système est complexe en raison de la rotation des batteries et
demande du personnel en permanence présent à la centrale.
Quant aux systèmes hybrides, ils peuvent
résoudre les problèmes de stockage et de puissances
limitées. Seulement, la conception de tels systèmes est plus
complexe que celui de systèmes avec une seule technologie.
3.3.2. Les problèmes économiques
D'un point de vue financier, de nombreux obstacles entravent
la généralisation des installations : le prix du système
est élevé alors que les capacités de financements sont
limités et que peu de revenus sont escomptés. En effet, les
installations ne permettent pas de développer en soi le système
productif et le marché du photovoltaïque est peu étendu. La
littérature sur le sujet envisage donc généralement de
décider en fonction du service rendu et non des coûts car par ce
service on veut répondre aux besoins de base de la
population.
136 Benallou & Rodot op. cit., 45
Seulement, l'aspect financier va jouer un rôle
déterminant en termes de durabilité du système. Par
exemple, si les moyens financiers ne sont pas suffisants pour avoir recours aux
techniciens le système aura de fortes chances de péricliter car
leur rôle est primordial pour la maintenance de l'installation et pour
son bon fonctionnement. Des ressources économiques doivent donc
être mobilisées tout au long de la vie de l'installation voire
même au delà si l'on souhaite faire installer un nouveau
système.
On constate donc en premier lieu que le coût d'achat du
système est élevé. En effet, le kit proposé par
l'ABERME et par Nature Tropicale le moins cher et d'une puissance de 85 Wc
revient à l'achat à 650 000 FCFA avec les subventions (1 350 000
FCFA sur le marché). Cela signifie mobiliser pour un ménage rural
deux tiers de ses dépenses totales annuelles (les dépenses
totales annuelles par ménage - de 5,4 personnes - dans les zones rurales
du Bénin étant de 967 829 FCFA en 2007137). Cette
proportion est pour autant sûrement plus importante car dans un pays en
développement les moyennes sont à prendre avec précaution
étant donné l'existence de fortes inégalités, elles
ne permettent donc que de renseigner sur les difficultés
financières que rencontrent les ménages ruraux pour
acquérir un kit photovoltaïque. D'autant plus que les
capacités financières des ménages ruraux ne sont pas les
mêmes d'un endroit à l'autre. Par exemple, les dépenses
moyennes les plus faibles par ménage se trouvent dans le
département du Zou où pour un ménage (de 4,5 personnes)
elles n'atteignent que de 685 324 FCFA138, soit pour ainsi dire le
prix du kit subventionné. Certes l'ABERME propose de payer par
mensualité sur trois ans au maximum afin de répartir les
coûts mais même au bout de trois années l'utilisateur
continuera à avoir des dépenses importantes étant
donné que les batteries ont une durée de vie limitée. Tous
les quatre ans environ il sera nécessaire de changer de batterie dont le
prix s'élève à plus de 100 000 FCFA. Par ailleurs, en
matière de réfrigération solaire, le prix d'un
réfrigérateur est très élevé et se situe
autour des 650 000 FCFA. De même, les systèmes plus modestes
constituent un coût élevé. Ainsi acheter une lampe portable
revient à payer lors de son achat la totalité du coût du
système : l'utilisateur paye en une seule fois la totalité de
l'électricité qu'il va consommer sur plusieurs années.
La technologie solaire est donc loin d'être gratuite
comme on l'imagine. Notamment car si l'énergie solaire est disponible
gratuitement, un système de conversion est nécessaire afin
de transformer cette énergie en électricité, ce qui
entraîne des coûts importants à l'investissement
137 Institut National de la Statistique et de l'Analyse
Économique, op.cit., 3
138 Ibid.
(matériel et main d'oeuvre) et pour sa maintenance. Sans
compter que les modules peuvent être volés ou brisés en cas
de vandalisme car étant en verre ils sont fragiles.
Par ailleurs, une formation de l'utilisateur est
nécessaire pour une exploitation et une maintenance correcte du
système ainsi que la présence de techniciens à
proximité. Des compétences sont donc nécessaires à
la fois pour assurer les formations mais également pour assurer la
maintenance or ces compétences se trouvent généralement
dans les grandes villes. De même, la présence de moyens financiers
est également primordiale pour financer les formations, pour changer et
réparer les installations ainsi que pour assurer un revenu aux
techniciens.
Se pose donc la question des sources de financements : un
soutien public semble donc nécessaire étant donné que les
coûts du solaires sont importants. Seulement comme les moyens financiers
de l'État béninois ainsi que des populations sont limités,
on fait appel à des ressources extérieures. D'autant plus si l'on
envisage de mettre en place un mini-réseau photovoltaïque car au
coût élevé des équipements s'ajoutent le coût
du réseau à installer, son entretien et ses
réparations.
Les ressources extérieures proviennent
généralement de la coopération
internationale139, elles sont donc affectées de façons
ponctuelles et dépendent des priorités des bailleurs de fonds. De
plus, une fois le programme de coopération terminé
(généralement sur trois ou cinq ans), si aucune autre alternative
au financement n'est trouvée les installations courent le risque
d'être abandonnées. En effet, une petite panne pouvant
entraîner l'arrêt du système, s'il n'y a aucun moyen
financier pour faire venir un technicien ou pour payer la réparation, la
panne ne pourra être résolue et le système sera
inutilisable. Par ailleurs, une aide extérieure est
généralement accompagnée de conditions clairement
définies ou sous-entendues, elle n'est donc jamais neutre.
La question des devises n'est pas à négliger
étant donné que les différents composants du
système ne sont pas produits au Bénin et qu'en
général 70% des composants sont importés140, ce
qui implique l'acquisition de devises pour pouvoir les importer du
marché international. Or, l'apport des devises provient essentiellement
de la production agraire et notamment de la
139 Il peut y avoir également des fonds
extérieurs provenant de mouvements religieux. Par exemple, dans un des
villages non électrifiés de la commune de Dangbo, la
mosquée est équipées d'un kit solaire grâce à
des fonds provenant de cheik du Pakistan.
140 Wamukonya 2007, 6-14
monoproduction du coton. Faudrait-il donc augmenter les
cultures pour l'exportation au risque de délaisser les cultures
vivrières, ces dernières jouant un rôle important pour les
ménages aux faibles revenus monétaires? Doit-on favoriser le
photovoltaïque dans le cas où il permettrait de
générer des revenus et des devises?
Le problème des devises et des sources de financements
sont de premier abord des problèmes économiques mais
s'étendent à la sphère politique car ils dépendent
des stratégies et des choix que les différentes instances
politiques sont amenées à faire et à arbitrer.
3.3.3. Les problèmes politiques
La question de l'électrification rurale n'est pas sans
engendrer des problèmes d'ordre plus politiques même si le
Bénin a déjà résolu l'un d'eux en mettant en place
une politique pour l'électrification rurale. Gérer des programmes
d'énergies renouvelables demande du personnel qualifié pour
assurer le côté technique (mettre au point et fabriquer les
équipements) et pour développer une critique constructive dans le
pays grâce à des analystes politiques, des responsables
économiques et des ingénieurs maîtrisant le domaine du
solaire. Actuellement, le pays possède du personnel qualifié et
il existe une critique constructive notamment au sein de l'ABERME et dans le
domaine des ONG employant des ingénieurs et des techniciens
qualifiés dans l'énergie solaire. Seulement ces ressources
humaines restent marginales et se concentrent dans les grandes villes et en
particulier à Cotonou. Les personnes opérant dans le domaine de
l'électricité et de la mécanique le font
généralement dans le cadre du secteur informel, sans
nécessairement posséder de qualification141, et ce en
particulier dans les zones rurales. Cela peut expliquer le faible taux
d'adoption des énergies du photovoltaïque dans les zones rurales
car les utilisateurs de cette technologie doivent compter sur des
expatriés ou des techniciens installés en ville142.
3.3.4. Les problèmes environnementaux
L'électrification solaire comporte également des
problèmes environnementaux, notamment en termes de gestion des
déchets avec les batteries et les tubes fluorescents qui doivent
être changés au cours de la durée de vie du système.
Étant donné qu'aucun système de traitement des
déchets n'existe au Bénin, si rien n'est prévu pour les
traiter (sur place ou à l'étranger), ils risquent d'être
jetés dans la nature et de polluer l'environnement. Il en va de
141 Les électriciens sont obligés désormais
de suivre une formation pour pouvoir travailler dans le secteur.
142 Dessus 2007, 26- p.47
même pour les accumulateurs utilisés pour les
chargeurs solaires : ce sont généralement des accumulateurs au
nickel-cadmium qui, malgré de nombreux avantages (charge simple et
rapide, grande durée de vie, faible coût...),
s'auto-déchargent rapidement et le cadmium constitue un polluant. Quant
aux modules, leur recyclage pose également problème : même
s'ils étaient envoyés dans des pays avec des capacités de
traitement des déchets, aucune filière spéciale n'existe
aujourd'hui pour les recycler et on ne sait aujourd'hui recycler que 20% des
modules étant donné qu'il est difficile de séparer les
différents matériaux (silicium, verre,
aluminium)143.
3.3.5. Les problèmes géographiques
L'énergie en général rencontre des
problèmes géographiques en matière d'approvisionnement, de
réseaux de distribution... Avec l'électrification rurale
décentralisée par le solaire ce problème se pose moins,
excepté pour les mini-réseaux photovoltaïques pour lesquels
se pose le problème de raccordement des usagers. Par ailleurs les
systèmes hybrides avec des groupes électrogènes posent le
problème de l'approvisionnement en pétrole étant
donné que le Bénin ne produit aucun hydrocarbure.
Par ailleurs, l'électrification par l'énergie
solaire peut entraîner un problème d'image auprès des
populations locales144 qui peuvent craindre que l'installation du
photovoltaïque retarde leur raccordement au réseau conventionnel.
Pour autant, les populations rurales au Bénin ne semblent pas
préoccupées par ce point et ce en partie parce qu'elles placent
peu d'espoir dans un raccordement au réseau conventionnel dans le moyen
terme.
Faire le choix de procéder à
l'électrification rurale par l'énergie solaire devrait donc
n'être fait qu'en pleine conscience de ces inconvénients afin de
les surmonter pour rendre le système solaire mis en place viable et
durable. En effet, même si le choix du solaire comporte de nombreux
avantages, il suffit qu'un maillon de la chaîne ne fonctionne pas
correctement pour faire péricliter le projet
d'électrification.
Si on reprend les projets de l'ABERME et de Nature Tropicale,
le maillon financement apparaît comme le plus faible : les populations
étant majoritairement des agriculteurs ou vivant du secteur informel,
elles ont peu de ressources monétaires constantes. Par
conséquent, un seul habitant du village de Tori-Cada s'est
équipé d'un kit solaire, les autres habitants ne
143 Boulanger 2006, 3-5
144 « L'Afrique, parent pauvre de l'énergie solaire
photovoltaïque », renouvelle, Webmag 09, décembre
2008
possédant que trop peu de ressources pour en faire
l'acquisition alors même que le kit est subventionné et que des
facilités de paiement sont offertes. De même, la plus grande
réticence de la population pour acheter les modules solaires pour les
radios, les bornes de recharges pour les portables, etc., proposés par
Nature Tropicale réside dans le prix. Finalement, les installations
solaires ne sont installées que dans les centres communautaires car
elles le sont gratuitement grâce à des financements de la
coopération internationale. C'est donc principalement à travers
cette source de financement que l'électrification rurale par le solaire
a lieu aujourd'hui. D'autre part, les installations photovoltaïques de
l'ABERME dans les différents villages, dont Tori-Cada, ont connu de
nombreux vols, qui, faute de moyens financiers, ne sont pas
remplacées.
Les problèmes techniques ne sont pour autant pas
à négliger car la maintenance fait défaut, ce qui
empêche les installations mises en place d'être durables. En effet,
dans les villages électrifiés par l'ABERME, la maintenance est
assurée par l'entreprise qui a procédé à
l'installation. Alors même qu'il est habituellement
préconisé qu'une petite maintenance soit faite par l'utilisateur
- comme vérifier le niveau d'électrolyte et ajouter de l'eau
distillée dans les batteries lorsque c'est nécessaire - celle-ci
est faite par l'entreprise. La communauté doit donc à ses propres
frais faire appel à l'entreprise pour qu'elle se déplace et
assure cette petite maintenance. Aujourd'hui, l'ABERME envisage de remettre sur
pied le projet d'électrification de 24 villages par le solaire en
prenant en considération le maillon primordial de la maintenance.
De même, dans le cas de Nature Tropicale le technicien
et l'ingénieur spécialisés dans le solaire se trouvent
à Cotonou à plus de 50 km des installations. C'est pourquoi un
bureau a été mis en place dans la commune pour répondre
aux besoins des utilisateurs et pour leur vendre du matériel. Pour
acheter les différents composants des systèmes il est soit
possible de le faire à Cotonou dans une boutique
spécialisée dans l'énergie solaire, soit de l'importer
directement ou encore de se rendre au Nigeria où les prix sont meilleur
marché. Dans tous les cas les coûts sont importants car le
matériel est importé et seuls les convertisseurs et
régulateurs sont fabriqués au Bénin.
Finalement même si le problème des financements
était résolu, il ne resterait pas moins à assurer une
maintenance adéquate pour voir de façon durable les zones rurales
électrifiées par le solaire. Dans le cas contraire les
installations seront abandonnées, constituant alors un
risque de pollution et amenant les populations à ne pas
envisager le solaire comme une solution sérieuse pour
l'électrification rurale. Cela pourrait même empêcher dans
le moyen terme l'électrification de ces zones considérées
comme électrifiées. Il est donc nécessaire
d'évaluer comment surmonter ces différents obstacles au
Bénin pour que les systèmes solaires fournissent de
l'électricité dans les zones qui en sont dépourvues.
4. Surmonter les obstacles
Encore aujourd'hui les systèmes mis en place sont loin
d'être durables et il est nécessaire d'envisager les solutions qui
amèneraient à une pérennité de
l'électrification rurale photovoltaïque car « le
déploiement de [l'énergie solaire] n'est pas un problème
d'existence de la ressource mobilisable mais plutôt une question de
"mobilisation" de cette ressource à partir de l'action du marché
et/ou de politiques volontaristes »145. Ces solutions passent
nécessairement par une étude approfondie des zones à
électrifier ainsi que des facilités de paiement pour avoir les
moyens financiers nécessaires. Au contraire de la situation sur le
continent européen où les personnes qui investissent dans la
technologie photovoltaïque sont celles prêtes à prendre des
risques financiers et intéressées par cette technologie, on est
en Afrique face à une population largement rurale et périurbaine
pauvre, incapable de supporter les coûts élevés du
photovoltaïque146. Cependant, le financement n'est pas la seule
faiblesse, la problématique de maintenance, allant de paire avec celle
de l'appropriation, doit être résolue. Les aspects financiers et
ceux autour de la maintenance sont primordiaux mais d'autres paramètres
sont également indispensables pour mener à bien
l'électrification solaire. L'instauration d'un dialogue multisectoriel
et entre les différents acteurs est l'un de ces paramètres. Il
est également intéressant d'envisager la mise à
disposition de systèmes hybrides pour favoriser les activités
économiques ainsi que de posséder des solutions quant à la
gestion des composants usagés. Ces diverses recommandations visent
à promouvoir l'électrification rurale en tant que service
à la portée des différents individus et cela au moyen de
kits photovoltaïques, mais une réflexion doit être
également faîte concernant les autres types
d'électrification solaire pour le développement du service
d'électrification rurale.
4.1. Surmonter l'obstacle financier 4.1.1. Une
étude préalable approfondie
Une erreur serait d'appliquer un modèle standard pour
l'électrification solaire, les kits photovoltaïques standards de
50Wc ne représentant pas toujours la demande moyenne des
145 Dessus et al. 2007, 16
146 Wamukonya op.cit. 6-14
foyers ruraux147, les programmes doivent donc se
bâtir à partir de l'existant148. Une autre serait de ne
pas évaluer correctement la valeur réelle des projets en raison
de leur aspect souvent gratuit149. Les projets émanant
généralement de la coopération internationale sont
donnés et l'indicateur de leur réussite ne relève
que de leur bonne mise en place, les experts ne se préoccupant que de
l'exécution du projet avec pour objectif le résultat final, dans
le court terme et pour le moindre coût. Pourtant la diffusion de la
technologie photovoltaïque dans une optique d'électrification
rurale est complexe étant donné que se combinent des aspects
techniques, économiques, logistiques, sociaux, culturels,
organisationnels et de gestion. Les études à élaborer
doivent donc reposer sur la pluridisciplinarité et sur une équipe
interdisciplinaire150.
Une étude correctement menée permet de ne pas
concevoir de programmes irréalistes à l'image du projet
éclairer le Bénin rural grâce à des
générateurs hybrides éoliens/solaires151,
présenté au concours Lighting Africa 2008 et
sélectionné parmi les cinquante deux propositions
présélectionnées, alors même qu'il est largement
connu que le vent est insuffisant pour faire fonctionner des installations
éoliennes. (Cf. Partie 2.2.3)
Il est donc nécessaire de procéder, avant la
mise en place d'une option décentralisée, à des
études techniques, sociologiques, anthropologiques et économiques
afin d'identifier les conditions de vie, les formes d'organisation, la demande
réelle, les moyens financiers pouvant être déployés
pour payer le service d'électricité, la technologie la plus
adaptée... Par ailleurs, la structure et la dynamique de la vie
quotidienne des ruraux sont complexes et varient d'un pays à l'autre
ainsi qu'au sein d'un même pays152. Il est donc important de
prendre en considération les connaissances des membres de la
communauté afin de pouvoir ajuster la technologie aux standards
culturels locaux.
Les études doivent également envisager
l'évolution de la demande car la diffusion des modes de vie et de
consommation ne se propagent pas uniformément et
l'électrification rurale accélère ce
phénomène. Des enquêtes doivent donc avoir
lieu à la fois auprès des ménages
147 De Gouvello & Maigne op. cit., 60-137
148 Massé 2001, 21-33
149 Wamukonya op. cit., 6-14
150 Serpa & Zilles 2007, 80
151 Projet proposé par Greentecno, une compagnie oeuvrant
dans les secteurs de l'énergie, de l'eau et de l'éducation. Leur
projet n'a pas été sélectionné pour faire partie
des seize gagnants.
152 Barrios 2008, 3-7
ruraux raccordés et auprès de ceux non
raccordés au réseau153. D'autre part, c'est le service
découlant de l'énergie et non l'énergie elle-même
qui intéresse le consommateur, ce n'est donc pas le coût en soit
mais le coût pour un type de service, sa qualité ainsi que se
flexibilité154 qu'il faut prendre en compte pour effectuer
une comparaison de coût entre les différentes possibilités
d'électrification.
Un regard critique doit également prévaloir lors
de toute enquête. Ont-ils réellement envie d'avoir une
installation solaire ou leur réponse affirmative ne
découle-t-elle pas d'une certaine politesse? Qu'est-ce que les individus
peuvent payer et comment peuvent-ils le monnayer? Leur volonté
correspond-elle réellement à leurs possibilités
financières? Il arrive souvent que durant les enquêtes de
marché le consommateur développe une idée fausse sur le
service fourni par les systèmes photovoltaïques et qu'ensuite,
lorsqu'il est conscient des limites de la technologie, préfère ne
pas acquérir le système155. Une attention
particulière doit être portée sur l'évaluation des
capacités financières réelles des ménages tant il
est difficile d'évaluer le marché potentiel. Par exemple, les
dépenses en petits substituables ne feront que diminuer car des torches
et autres objets fonctionnant à piles continueront à être
utilisés, notamment lors des périodes d'arrêts du
système. Dans les zones les plus riches, de nouvelles dépenses
pourront apparaître comme pour l'achat d'un ventilateur. Il est donc
préférable de prendre en considération la capacité
de paiement des ménages, sans omettre que la contrainte monétaire
auquel elle est liée peut avoir un caractère saisonnier.
Il est ainsi préférable d'avoir recours à
des enquêteurs locaux et acceptés par la population, tels que des
membres d'ONG du monde paysan, à la fois pour éviter qu'ils
soient exposés aux revendications des chefs locaux (comme c'est le cas
avec les commanditaires officiels156) mais également car ils
seront plus à même de comprendre les besoins formulés par
la population. En effet, ils connaissent les conditions de vie réelles,
la langue locale, les codes sociaux pouvant influencer les
réponses...
153 De Gouvello & Maigne op. cit., 60-137
154 Wamukonya op. cit., 6-14
155 Ibid.
156 De Gouvello & Maigne op. cit., 60-137
Condition n°1
Effectuer une étude pluridisciplinaire, en prenant en
considération les aspects sociologiques et anthropologiques, afin
d'adapter les installations aux besoins et aux modes de vie de la population,
tout en considérant les possibilités financières
réelles de la population. L'étude de terrain, menée par
des acteurs locaux, permet de choisir la solution d'électrification
décentralisée la plus adaptée.
|
4.1.2. Proposer des facilités de
paiement
Proposer à la population comme il se fait aujourd'hui
un étalement dans le temps du financement, grâce à un
prêt à 0% paraît de prime abord intéressant
étant donné que l'achat d'un kit standard subventionné est
inabordable pour un individu langda. Son coût (660 000 FCFA)
représente plus des deux tiers des dépenses annuelles moyennes
d'un ménage rural (967 829 FCFA pour un ménage de 5,4
personnes157). De plus l'installation ne permettra pas l'apport de
réels revenus additionnels, les avantages tirés étant
plutôt de l'ordre de l'amélioration du bien
être158. Par ailleurs, la durée de vie d'une batterie
étant de quatre ans, le crédit octroyé ne pourra
s'étaler sur plus de quatre années afin d'avoir ensuite des
ressources disponibles pour la changer. Seulement, même dans ce cas, le
ménage doit rembourser 13 542 FCFA par mois, ce qui représente
pour ainsi dire les dépenses moyennes d'un membre du ménage (14
936 FCFA/personne/mois). Or, dans un contexte où la majorité de
la population rurale vit en auto-subsistance, cette amputation dans les
finances familiales est très lourde et représente bien plus que
le budget affecté au poste énergie. Donc seuls les ruraux les
plus aisés pourraient y prétendre.
Il est alors nécessaire de recourir à une autre
option pour le tarif du service. Ce dernier doit couvrir les coûts
d'amortissement des infrastructures, les coûts de maintien de celles-ci,
les frais d'exploitation, la rémunération des opérateurs,
voire le développement des infrastructures159. Avec les
systèmes photovoltaïques individuels, les coûts
d'exploitation ne dépendent pas de l'intensité d'utilisation du
système alors que les coûts du système et de renouvellement
sont conditionnés par la puissance désirée. Une
tarification forfaitaire est donc plus adaptée. Il est ainsi
généralement recommandé de payer des frais de
raccordement
157 Institut National de la Statistique et de l'Analyse
Économique op. cit., 3-14
158 Wamukonya op. cit., 6-14
159 De Gouvello & Maigne op. cit., 139-174
(10% selon René Massé160) puis de
payer un abonnement forfaitaire couvrant le remboursement de l'emprunt
d'investissement, la maintenance des équipements, le renouvellement du
matériel et la marge de l'opérateur. Cependant, les frais de
raccordement initiaux limitent l'accès aux moins favorisés et un
service public juste ne peut être assuré. Or, l'optique
développée par le gouvernement à travers l'ABERME se veut
être celle d'un service public. La question se pose autrement pour les
projets émanant d'actions individuelles privées (telles que les
ONG) car leur objectif n'est pas d'offrir un service public mais de mettre
à la disposition de la population des dispositifs permettant de
répondre à leur besoin d'électricité, même si
seules les couches les plus aisées peuvent y avoir accès. Dans
l'optique d'une généralisation de ce service public,
l'implication de l'État est donc primordiale et son rôle doit
être dominant par rapport à celui du secteur
privé161.
Cependant, l'État béninois,
à l'exemple de la majorité des pays d'Afrique Sub-saharienne, a
des ressources limitées qui proviennent en grande partie de l'aide
extérieure, cette dernière représentant en moyenne 35% du
budget de l'État béninois162. De part ces ressources
limitées et les nombreux besoins émanant des différents
secteurs, l'état est dans l'obligation de faire des arbitrages entre ces
secteurs. Cela rend plus difficile les investissements plus importants dans le
secteur de l'électrification rurale. Les systèmes solaires sont
d'autant plus généralement financés par la
coopération avec l'implication d'entrepreneurs du nord qui influencent
directement les décisions. Cependant, malgré ces
contraintes, la volonté politique est indispensable pour que la
population puisse avoir accès aux systèmes photovoltaïques
et donc que l'implication financière demandée aux
bénéficiaires soit beaucoup moins lourde. Tout d'abord, cela
passe par plusieurs mesures : diminuer le coût du système et
penser à un paiement forfaitaire adapté aux moyens financiers des
populations rurales.
Plusieurs mesures permettent de réduire le coût
d'un système. En premier lieu, les droits de douanes pour les produits
importés doivent être supprimés ou rendus obsolètes.
Cette mesure envisagée dans la politique d'électrification rurale
du Bénin permettrait de baisser le coût des composants
importés, donc d'une grande majorité des composants.
Pour autant il serait nécessaire de favoriser la
production nationale de composants simples et intermédiaires des
systèmes photovoltaïques car ceux-ci sont à la portée
du Bénin au contraire
160 Massé 2001, 28
161 Wamukony et al. op.cit., 43
162 Manga-Akoa 2009, 38
des composants provenant des technologies avancées
(cellule et modules photovoltaïques, onduleurs, ensembles
électroniques spéciaux...). Ces derniers demandent en effet une
grande capacité d'investissement, une main d'oeuvre hautement
qualifiée, de l'énergie électrique en grande
quantité et des produits particuliers163. Il est donc
important de promouvoir et d'intégrer dans les systèmes le
maximum de composants produits sur place : coffrets, câbles,
accumulateurs, régulateurs... Le montage sur place de modules solaires
pour réduire les coûts peut être éventuellement
envisagé, à l'exemple de ce qui est fait au Togo, pays frontalier
avec le Bénin. En effet, l'ONG Solar Zonder Grenzen à partir de
mai 2010 prévoit d'assembler à Kpalime, avec une équipe
locale formée, des cellules solaires fournies par une entreprise belge
afin de proposer des modules à moindre coût. Ce projet de petite
envergure (équipe de trois personnes et production de cinquante
produits), s'il est correctement mené, pourrait permettre d'envisager
dans le futur des solutions de ce type pour réduire le coût des
modules dans la sous-région. La promotion de composants produits
localement, outre les avantages d'éviter le recours aux devises
étrangères et de réduire les coûts à la fois
au moment de leur achat mais également lors d'éventuelles
réparations, permet de consolider le secteur productif béninois
ou, du moins, permet l'émergence de celui-ci (les composants aujourd'hui
créés dans le pays émanant d'initiatives individuelles).
De même cela favorise le développement des programmes
d'énergies renouvelables grâce à la présence
d'individus qualifiés permettant une analyse critique à la fois
dans les zones rurales et dans les zones urbaines. L'intégration de ces
composants demandent une volonté politique forte de la part du
gouvernement pour imposer cette condition aux éventuels bailleurs de
fonds, ainsi qu'une souplesse de la part de ces financeurs et entreprises
partenaires pour les intégrer dans les systèmes promus. Par
ailleurs, ces composants doivent être fiables pour garantir la
durabilité des systèmes dans lesquels ils sont incorporés.
Des normes doivent donc être édictées et respectées
car aujourd'hui elles n'existent pas même si, lors de projets
précédant, l'agence d'électrification rurale
béninoise s'était vue attribuée le rôle de
contrôler les systèmes installés164.
L'État doit donc instaurer des standards en matière
d'équipement ainsi que des procédures de certification afin
d'assurer la qualité des systèmes installés, tout en
restant flexibles pour permettre aux acteurs béninois de progresser dans
ce marché.
163 Benallou & Rodot op. cit., 83
164 Martinot et al. 2001, 39-57
Condition n°2
Le rôle de l'État doit être renforcé
pour assurer un service public juste et de qualité. Il doit
réduire les tarifs douaniers sur les composants devant être
nécessairement importés et promouvoir le développement du
secteur des composants pouvant être produits sur place, notamment en
imposant leur intégration dans les systèmes installés.
Pour assurer la qualité de cette production locale, il doit instaurer
des normes et des procédures de certification souples.
|
La contribution financière de l'individu doit
être la plus faible possible. Les coûts d'investissement doivent
donc être assumés majoritairement par l'État ou les acteurs
de la coopération internationale165. Or, comme il a
été vu précédemment que les ressources sont
limitées, d'autres apports financiers doivent être trouvés.
Le mécanisme de développement propre (MDP) peut être l'un
d'eux car il permet de contribuer à « l'équilibre des
opérations d'ERD [en permettant] aux pays industrialisés et
à leurs entreprises de financer des réductions d'émissions
réalisées dans le cadre de projets spécifiques mis en
oeuvre dans les pays en développement et d'accumuler en retour des
crédits d'émission »166. La technologie
photovoltaïque permet de réduire les émissions de carbone.
Benjamin Dessus estime qu'un module de cinquante watts sur une durée de
vie de vingt-cinq ans en climat ensoleillé, produit autour de 2 000 kWh
d'électricité et évite 0,5 tonnes de
carbone167. Actuellement des projets d'électrification rurale
par le photovoltaïque sont développés grâce au
crédit carbone notamment au Bangladesh168. Pour autant il est
difficile de mobiliser de tels fonds. En premier lieu, les systèmes mis
en place dans les zones rurales ne remplacent que de faibles quantités
de kérosène et de bougies ainsi qu'une utilisation restreinte de
batterie plomb-acide pour la télévision. Le coût de la
réduction de l'émission étant assez élevé,
il est peu attractif pour les investisseurs169. D'autre part, un des
critères demandés par le MDP est la preuve de
l'additionnalité. Le projet doit donc prouver qu'il n'aurait pu
être implanté sans le MDP, or
165 « Les bonnes pratiques qui montrent la voie.
Électrification rurale par énergies renouvelables en Afrique
SubSaharienne », Scarabée N°19-20, novembre 2007,
pp.4-17
166 Bineau 2003, 7-9
167 Dessus op. cit., 27
168 La compagnie Infrastructure Development Company Ltd
(IDCOL) bénéficie du fonds carbone de la Banque Mondiale pour un
projet (2008-2015) d'installation de 226 700 systèmes solaires (30
à 120 watts) car en comparaison avec l'utilisation du
kérosène et du diesel, il permettrait de réduire
l'émission de gaz à effet de serre de 34 854 tonnes de CO2 par
an. Un financement similaire est également attribué à
Grammen Shakti pour son projet d'installation de 1 004 970 systèmes
individuels.
169 Wamukonya op. cit., 6-14
l'intégration de la composante solaire dans la
politique énergétique du Bénin rend difficile la
justification de cette additionnalité170. Ce mécanisme
est donc plus facile à développer pour les projets
indépendants. Mais il faut alors recourir aux procédures
simplifiées pour ces projets et les coûts de transaction qu'il
entraîne doit apparaître dans le descriptif du
projet171. Aujourd'hui peu de pays bénéficient du MDP
car il y a une pénurie de compétences, de capacités
analytiques et institutionnelles face à ce processus complexe et
long172.
Condition n°3
L'État (ou la coopération internationale) doit
assurer en grande partie l'investissement et pour cela doit envisager
éventuellement d'autres sources de financements. Le MDP peut être
l'un d'entre eux, même s'il est difficile à mobiliser lorsque le
projet s'inscrit dans la politique énergétique du gouvernement.
Par contre, le MDP peut-être une source de financements
supplémentaires pour les projets émanant de structures non
étatiques.
|
Cependant, ne pouvant supporter tous les
coûts comme nous l'avons vu précédemment,
et parce qu'il serait injuste que les raccordés au réseau payent
pour leur consommation alors que certains auraient un service similaire
gratuitement, une contribution financière doit être
demandée. Un paiement forfaitaire est plus réaliste que le
financement (même partiel) du système. Il devra être
fixé à la suite d'une étude approfondie (Cf. Condition
n°1) afin d'évaluer combien les individus sont disposés
à payer, sur combien d'années et avec quelle
régularité. La somme prélevée ne doit pour autant
pas être plus élevée qu'une facture de la SBEE dont les
tarifs sont déjà inabordables pour la majorité de la
population (104 FCFA par kWh173).
Les fonds récoltés seront ensuite réunis
dans un fonds communautaire afin de faire face aux divers coûts. Dans ce
sens il est recommandé que le forfait s'étale sur la durée
de vie de l'installation pour pouvoir couvrir les différents coûts
que l'État (ou l'organisme financeur dans le cas d'un projet autonome)
ne peut supporter, mais aussi les frais de remplacement du matériel en
fin de vie, des sommes qui peuvent être importantes mais qu'un
étalement sur une longue période rend abordable. Il est possible
de fixer un paiement forfaitaire pour une durée de dix ans renouvelable
et ainsi les installations ne seront plus abandonnées à la
moindre
170 Ibid.
171 Bineau op.cit.
172 Kerekezi et al., 45
173 Depuis le premier avril 2010, le tarif de la SBEE est
passé à 104 FCFA par kWh et devra augmenter chaque année
de 10 FCFA par kWh.
défaillance, faute de moyens pour les faire
réparer.
Un tel modèle de contribution forfaitaire est
utilisé par l'Association Béninoise pour l'Éveil et le
Développement (ABED) dans son projet pilote d'électrification
rurale par le photovoltaïque dans le village Hon, situé dans le
centre sud du Bénin (entre Allada et Bohicon). Des modules de 40 Wc sont
proposés pour un coût de 1 500 FCFA/mois durant vingt ans. Les
fonds récoltés doivent servir au renouvellement des batteries
(quatre fois sur vingt ans), au paiement du salaire (salaire mensuel
équivalant à la moitié du salaire mensuel minimum) des
deux femmes responsables de la maintenance et de la personne collectant les
fonds et pour les pièces de rechanges, tout en ayant une marge
financière dans l'optique de s'en servir pour doter le village de
nouvelles infrastructures174. L'évaluation des succès
et des difficultés rencontrés par ce projet - aujourd'hui encore
trop récent pour l'évaluer - sera intéressante à
prendre en considération pour la mise en place de systèmes
forfaitaires similaires. D'autres approches similaires ont cours dans d'autres
pays d'Afrique de l'Ouest sans toutefois émaner de projets de grande
envergure ou menés par une structure étatique, à l'exemple
d'une région cotonnière du Mali où un projet
d'électrification solaire175 applique l'approche
free-forservice. Dans cette région avec des ressources
financières et des devises dues à l'exportation de coton, les
individus payent chaque mois pour recevoir le service d'une
société176 de service décentralisée
(SDD) fonctionnant grâce aux sommes versées. Si les sommes dues ne
sont pas versées alors l'installation solaire est retirée.
Par ailleurs, dans un contexte d'irrégularité
des revenus, il serait judicieux de prévoir des paiements toutes les
semaines plutôt qu'un forfait mensuel pour éviter les
défauts de paiement, ainsi qu'une flexibilité dans les montants
demandés en fonction des récoltes agricoles. Par exemple, le
paiement pourrait s'effectuer le jour du marché avec un montant plus
élevé lors de la saison des récoltes, mais encore ici,
seule une étude correctement menée permet d'envisager la
meilleure solution. Les sommes ainsi récoltées seraient ensuite
placées sur un compte communautaire dans une banque locale avec de
préférence de l'expérience dans l'électrification
rurale et des dispositions nécessaires devront être mises en place
pour éviter tout détournement de fonds.
Les fonds permettront donc notamment à couvrir les frais
de remplacement de matériel, il sera
174 Adedjoumon 2009
175 Projet d'électrification rurale solaire recevant les
financements de l'Union Européenne (à travers le programme
facilité énergétique) et en partenariat avec l'entreprise
NUON.
176 L'entreprise a été créée à
l'occasion et est une filiale d'une entreprise déjà
implantée dans le pays.
donc nécessaire de fixer des critères pour le
remplacement. Par exemple, si les batteries, utilisées dans les
conditions climatiques du Bénin, ont une durée de vie de quatre
ans mais, qu'en raison d'une mauvaise utilisation de l'installation, il est
nécessaire de la changer au bout d'une année, alors le
ménage devra couvrir avec ses propres moyens le rachat de la batterie.
En fixant ainsi des règles simples et clairement expliquées, les
utilisateurs seront incités à utiliser de façon optimale
la système et éviteront tout détournement. Ces
règles doivent tout de même être souples et ne peuvent
être mises en place que si parallèlement des normes de
qualité existent pour le matériel utilisé (condition
n°2). Un contrat clair devra être signé par toutes les
parties impliquées afin que les différentes règles et
devoirs de chacun ainsi que le montant des contributions, soient fixés
pour éviter tout malentendu. Ce contrat permettra également de
stipuler les différentes conditions quant à la
propriété des systèmes. L'optique de pouvoir devenir
propriétaire du système permet également d'éviter
tout détournement des composants. Idéalement l'utilisateur
deviendrait propriétaire du système au bout de quelques
années s'il paye régulièrement son forfait, tout en
pérennisant le payement pour couvrir les frais de maintenance. De la
même façon, bien que les conditions maximales devront être
mises en place pour prémunir contre le vol, le contrat devra mentionner
les conditions d'aide en cas de vol de matériel étant
donné que les composants disparus sont rarement remplacés, ce qui
fait péricliter les installations.
Condition n°4
Une somme forfaitaire, fixée suite aux études
préalables approfondies, sera demandée à chaque
utilisateur à intervalle régulier et sera versée sur un
fonds communautaire auprès d'une banque locale afin de couvrir les
coûts non pris en charge par l'organisme financeur, ainsi que les divers
frais de maintenance et de remplacement des composants, durant toute la
durée du système. Un contrat clairement défini devra
stipuler les différentes conditions de paiement, les
responsabilités des différents intervenants et les conditions
d'intervention de ce fonds communautaire.
|
Le critère financement est primordial pour la
pérennité mais surtout pour la mise en place des installations.
La demande dépend du contexte mais également de l'offre donc sans
un système de financement adéquat il est impossible
d'électrifier les habitations et on se retrouve comme dans le village de
Tori-Cada où une seule personne a pu acquérir le système.
Les villageois avec un peu plus de ressources financières
possèdent déjà des groupes électrogènes, ils
n'ont
donc aucune nécessité réelle
d'acquérir un module et les autres villageois, faute de ressources
financières suffisantes, ne pourront donc ni posséder de groupes
électrogènes ni de kits photovoltaïques.
N'électrifier alors que les installations communautaires est un
non-sens. En effet, soit le village sera considéré comme
électrifié et alors il n'y aura plus la possibilité
d'être raccordé au réseau conventionnel et les villageois,
sans possibilité d'investir, ne pourront avoir accès à
l'électricité, soit on reconnaîtra le caractère
imparfait de l'électrification et on envisagera une autre forme
d'électrification et en particulier le raccordement au réseau de
la SBEE. Les installations pour les centres communautaires deviendraient alors
obsolètes ou du moins perdraient de leur intérêt,
même s'il y aurait quelques avantages. En effet, avec une gestion de la
situation bien menée il pourrait y avoir une continuité de la
fourniture d'électricité même en période de
délestage et une réduction des factures de la SBEE.
Dans une optique de service publique, il apparaît donc
nécessaire de ne procéder à l'électrification
photovoltaïque pour les centres communautaires que lorsque la
majorité de la population alentour a les moyens et les
possibilités d'avoir accès simultanément à
l'électrification rurale décentralisée, idéalement
par la même source d'énergie (la généralisation du
photovoltaïque à l'ensemble de la localité facilitant la
maintenance des installations), voire par groupes
électrogènes.
Condition n°5
L'électrification des centres communautaire par des
systèmes photovoltaïques doit être conditionnée par
les possibilités réelles des populations alentours d'avoir
accès à l'électrification décentralisée et
idéalement aux systèmes photovoltaïques individuels.
|
4.2. Assurer une maintenance
adéquate
Quand on parle de maintenance, on envisage deux niveaux
complémentaires l'un à l'autre et indispensables pour la
fiabilité et la continuité du service
d'électricité. Le premier est le petit entretien qui
doit être régulièrement effectué par l'utilisateur :
nettoyage des modules, vérification de l'absence d'ombre sur les
modules, vérification du niveau d'électrolyte et ajout si
nécessaire d'eau distillée, remplacement des tubes fluorescents.
Le deuxième niveau est celui de la maintenance plus
poussée qui doit être effectuée par un technicien
qualifié tous les six mois177. Une maintenance
adéquate ne peut avoir lieu qu'avec la mise en place d'un relais
177 Louineau 2001, 20
local pour la coordonner et donc avec une concentration
géographique des installations, ainsi qu'avec une formation
adaptée des différents acteurs pour assurer les différents
niveaux de maintenance.
4.2.1. Concentration des installations et mise en
place d'un relais local
Grâce aux études préliminaires à
toute installation (condition n°1), des zones géographiques
favorables peuvent être sélectionnées, c'est-à-dire
les zones regroupant les plus grandes chances de voir l'électrification
solaire menée à bien. Une des raisons de l'échec du
solaire mené par l'ABERME réside dans ce non regroupement des
installations, étant donné que la politique
d'électrification rurale du Bénin n'envisage pas de focaliser les
différents types d'énergies rurales décentralisées
par zone mais en fonction principalement de considérations
économiques. (Cf. Partie 2.2.1) Il y a actuellement une prise de
conscience par l'agence d'électrification rurale de ce problème
car, que ce soit au Bénin ou dans un autre pays africain, la dispersion
des installations rend très difficile la mise en place d'une maintenance
adéquate. Par exemple cette difficulté se retrouve dans le
Programme pilote d'électrification rurale décentralisée au
Maroc où les relais locaux n'ont pu être opérationnels en
raison d'une dispersion des installations178.
Condition n°6
Les installations solaires doivent être
regroupées dans une zone géographique et non
éparpillées par petit nombre sur l'ensemble du territoire pour
pouvoir assurer une gestion adéquate.
|
Par ailleurs, la mise en place de relais locaux est
primordiale à la fois au niveau villageois et au niveau de la zone
électrifiée (donc de l'ensemble des villages) afin de faciliter
les installations, la récolte de l'argent et la maintenance étant
donné que les villages peuvent être à la fois
éloignés les uns des autres et de la capitale. Ces relais doivent
être choisis de façon à assurer leur acceptation par la
population, par les chefs locaux et par les responsables de
l'électrification.
Pour répondre à ce rôle d'interface au
niveau villageois des membres d'associations locales déjà
implantées et acceptées sont les plus adaptés. Ils peuvent
ainsi former un comité villageois, auquel adhère l'ensemble
des utilisateurs afin de s'assurer une implication de la
178 Barrakad 2001, 11
population. Actuellement, même si dans la politique
d'électrification rurale figure l'exigence d'une «
responsabilisation des populations dès le départ [comme] gage de
succès »179, aucune disposition n'est mise en place dans
ce sens, bien que la littérature sur le sujet en stipule la
nécessité depuis longtemps.
En matière de gestion du comité il est
nécessaire que deux membres soient nommés de façon
permanente pour assurer sa continuité, car alors même en l'absence
de l'un d'eux180, le comité continue à avoir un
représentant. Le choix de ces responsables est pour autant difficile car
comme il a été vu précédemment ils doivent
être acceptés par l'ensemble du village et notamment par les
leaders locaux, il peut donc y avoir des conflits d'intérêts.
D'autre part ils feront partie vraisemblablement des quelques lettrés et
donc des personnes importantes dans le village. Il y a donc ainsi un risque
d'impunité par exemple s'ils opèrent des détournement de
fonds car les villageois sont généralement liés plus ou
moins étroitement aux uns et aux autres par des liens de parenté,
il est alors très difficile de dénoncer ou de sanctionner les
irrégularités181.
Par ailleurs, un règlement intérieur devra
stipuler les règles, obligations et droits de chacun. On y retrouvera le
fonctionnement et le rôle du comité, l'approbation du contrat, le
montant des redevances à payer et l'obligation de les régler, les
sanctions en cas d'impayés, les règles quant à l'entretien
des installations, de la maintenance et du changement des composants. Chaque
utilisateur devra approuver ce règlement et s'engager à le
respecter. Ainsi, avec un comité villageois il y aura un interlocuteur
unique et influent, jouant un rôle de médiateur, ce qui permettra
entre autre un meilleur règlement des litiges182.
Par ailleurs, le comité peut rendre plus efficace
l'appui technique en identifiant et en réglant les problèmes
simples et, pour ceux plus complexes, permettre une communication entre
l'usager et le relais de la zone183. Cet autre relais, que l'on
pourrait dénommer maison du solaire, se veut la
référence pour l'ensemble des comités villageois de la
zone. Deux personnes doivent avoir à charge cette maison du solaire,
pour les mêmes raisons que pour les comités villageois et
avec les mêmes risques et limites quant au risque d'impunité.
Elles seront de préférence sélectionnées parmi les
techniciens et électriciens locaux exerçant dans le
179 Ministère des Mines, de l'Énergie et de
l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie s.d.b.,
36-37
180 Par exemple, il est fréquent de devoir se rendre
à l'enterrement d'un proche et dans le cas où les obsèques
ont lieu dans une autre partie du pays, de devoir s'absenter durant plusieurs
jours voire plusieurs semaines.
181 Blundo & De Sardan 2001, 8-37
182 Massé René MASSE 2001, 21-33
183 De Gouvello & Maigne op. cit., 249-261
secteur formel ou informel.
Leur rôle principal consiste à assurer la
maintenance poussée des systèmes. Ils doivent donc se rendre tous
les six mois dans chaque habitation pour contrôler les installations et
effectuer la maintenance nécessaire, ainsi que se déplacer
à la demande des usagers (à travers les comités villageois
qui peuvent évaluer le problème) en cas de panne. Un contrat de
maintenance devra être passé avec les usagers et avec les
comités villageois afin de clarifier la nature et la fréquence
des opérations. Un système de rémunération doit
être également mis en place pour éviter que les techniciens
formés ne partent faire valoir leurs compétences ailleurs. Leur
rémunération devra donc être comprise dans le forfait
payé par les individus. De façon générale, il est
préférable d'éviter la rotation des personnes
impliquées (dans les maisons solaires comme dans les
comités villageois). Par ailleurs, une maison du solaire doit
posséder différentes pièces de rechange nécessaires
pour pouvoir assurer rapidement des réparations. Une maison du
solaire aura ainsi les moyens et le matériel requis pour assurer un
service après-vente et par là la pérennité des
installations.
Ces recommandations de différenciation du relais local
prévalent dans le contexte où le développement du
photovoltaïque est de grande envergure, comme dans le cas de
l'électrification par l'agence d'électrification rurale. Si
à contrario on est face à un projet plus limité
géographiquement, à l'instar des projets d'ONG, le comité
villageois et la maison du solaire se confondent en un comité
villageois avec les mêmes missions que précédemment mais
auxquelles on ajoute celles de la maison du solaire. Pour cela les
deux membres du comité seront des techniciens/électriciens
acceptés par l'ensemble de la communauté afin de pouvoir
effectuer la maintenance et les réparations nécessaires. De la
même façon, un contrat liera les usagers à ce comité
et le travail des techniciens sera rémunéré.
Condition n°7
Au niveau des villages électrifiés, un
comité villageois, constitué de deux membres acceptés par
l'ensemble des acteurs, doit être mis en place afin de renforcer
l'implication des usagers, s'assurer leur adhésion pour qu'ils
effectuent la petite maintenance et le paiement des redevances, grâce
à l'autorité qu'ils ont dans le village ainsi que par le contrat
qui les lie aux usagers. Il sera l'interface entre les usagers et la maison
du solaire.
La maison du solaire est l'idée d'un relais
local à un niveau supérieur c'est-à-dire pour la zone
électrifiée entière. Constituée de deux
techniciens/électriciens locaux rémunérés
grâce au forfait payé par les utilisateurs, elle assure la
maintenance poussée de toutes les installations tous les six mois ainsi
que les réparations impromptues à la demande de l'utilisateur,
via le comité villageois (la maison possédant un stock de
différents composants).
Dans le cas d'installations mises en place dans une zone
géographique très restreinte, comme lors de projets d'ONG ne
visant l'électrification que d'un ou deux villages, le comité
villageois doit combiner les divers rôles et missions mentionnés
ci-dessus du comité villageois et de la maison du solaire.
|
4.2.2. Une formation réelle et
adaptée
Une maintenance correcte ne peut se faire sans formation
préalable des différents acteurs. La première étape
dans le processus de formation est d'informer objectivement les usagers
potentiels des avantages et des limites des systèmes solaires
individuels pour éviter toute déception et mauvais usages
futurs184. A la suite de ces sensibilisations, une formation
complète doit avoir lieu pour les futurs usagers étant
donné que l'électrification photovoltaïque est complexe. La
petite maintenance ne pourra être effectuée correctement que si
l'usager a une compréhension totale de son importance. Donc que ce soit
la formation ou la sensibilisation, elles doivent être complètes,
objectives et adaptées au public ciblé. Une attention
particulière devra être portée sur le niveau
d'éducation du public, le contenu ne pouvant être
présenté de la même façon à des personnes
analphabètes qu'à des individus alphabétisés qui
pourraient se référer à des écrits lors
d'éventuels doutes. Il est également primordial que la formation
se fasse dans une langue comprise et parlée par tout le public
184 Louineau op. cit.
(généralement le dialecte local). D'autre part,
les différents membres de la famille doivent pouvoir suivre une
formation similaire afin que chacun puisse être capable de l'entretenir.
Des séances doivent donc être aménagées à
différents horaires pour que chacun ait la possibilité d'y
participer, en prenant en considération les heures de travail au champ,
les horaires de l'école, les jours de marché...
Pour pouvoir combiner ces différentes exigences et pour
assurer une formation de qualité, les formateurs doivent à la
fois être des professionnels du solaire et de bons formateurs comprenant
les réalités de la population en face d'eux. L'idéal est
donc qu'ils viennent de la région ou du pays, ce qui représente
l'avantage supplémentaire d'accroître l'acceptabilité de la
technologie en évitant que le solaire soit considéré comme
la « technologie du blanc ». Les formateurs seront donc des locaux
exerçant dans le domaine de l'énergie solaire ou des
professionnels de l'électricité ayant suivi une formation
spécifique sur l'énergie solaire. L'adéquation
étant que ces formateurs soient les techniciens de la maison
solaire ayant suivi une formation poussée quant à la
maintenance et les réparations à effectuer avec des installations
solaires. Leur formation doit être donnée par des personnes
compétentes en matière d'électrification solaire
décentralisée.
Grâce à la formation adéquate, les usagers
comprennent la nécessité d'utiliser de façon optimale les
systèmes, assimilent la nécessité de la maintenance et
sont capables d'effectuer la petite maintenance, ce qui garantit en partie la
pérennité du système. Les membres des comités
locaux doivent également être correctement formés pour
s'assurer le soutien des usagers et pour qu'ils aient les capacités
d'assumer leurs responsabilités. Une attention particulière devra
être portée sur celle des techniciens de la maison du
solaire pour qu'ils puissent réellement entretenir les
systèmes avec d'éventuelles formations complémentaires
selon les évolutions et les besoins. D'autre part, leur formation - si
elle est envisagée sous l'angle d'un transfert de connaissances
techniques - comporte un avantage plus large : celui de rompre une relation de
pouvoir et de domination de l'extérieur qui maîtrise la
technologie et ainsi entrevoir une possible autonomie et durabilité dans
les programmes185. Jusqu'à présent, la technologie est
principalement maîtrisée par les acteurs étrangers et ce
n'est que timidement qu'émergent des acteurs locaux
spécialisés dans le domaine. Pour autant, ces acteurs existent et
mettre à contribution leur savoir en les faisant participer aux
formations permet d'augmenter leur crédibilité mais
également de contribuer à l'appropriation de la technologie.
185 Serpa & Zilles op.cit., 78-87
Condition n°8
Les (futurs) utilisateurs doivent avoir une sensibilisation et
une formation adaptées et de qualité afin qu'ils assimilent les
possibilités et les limites des systèmes, qu'ils s'approprient la
technologie et acquièrent les connaissances suffisantes quant à
la petite maintenance qu'ils doivent effectuer.
La formation est également indispensable pour les
membres des comités et en particulier pour ceux ayant à charge la
maintenance des installations et pouvant être chargés de la
formation des utilisateurs. Cette dernière devra être
effectuée par un acteur local afin d'être au mieux adaptée
aux besoins de la population.
|
4.3. L'installation par une structure avec de
l'expérience
Par ailleurs, l'installation des kits solaires doit être
effectuée ou coordonnée par une structure solide ayant de
l'expérience dans le domaine de l'électrification rurale,
à l'instar de l'agence d'électrification rurale ou d'une
entreprise opérant dans ce secteur. Les projets ponctuels de petites
structures opérant pour la première fois dans le domaine ont
moins de chance d'être correctement menés étant
donné qu'elles sont novices dans ce secteur et qu'elles n'ont pu tirer
des leçons des installations antérieures, or
l'électrification rurale décentralisée est un secteur avec
des exigences particulières inhérentes aux différents
contextes où elle est implantée. Il est également
préférable de privilégier les structures locales pour les
installations, à la fois pour promouvoir le secteur, développer
des emplois locaux (et ainsi dépasser en partie le problème du
manque de support technique, Cf. Partie 3.3.1) mais aussi pour faciliter le
recours à cette structure en cas de problème technique ne pouvant
être résolu par la maison du solaire.
Condition n°9
Les installations doivent être effectuées et/ou
coordonnées par une structure avec de l'expérience dans le
domaine de l'électrification rurale décentralisée et de
préférence locale, dans le but de favoriser le secteur
béninois, de s'assurer une installation correcte et un possible recours
technique dans le cas de défaillance des installations.
4.4. Un dialogue multisectoriel et l'implication de
tous les acteurs
Même si une politique existe déjà en
matière d'électrification rurale, il reste nécessaire de
garder une analyse critique sur les options développées pour
prendre des décisions en conséquence de cause. L'instauration
d'un dialogue est donc nécessaire à tous les niveaux et plus
particulièrement au niveau national et local pour coordonner les
actions. Ce dialogue doit s'instaurer entre les différents secteurs,
c'est-à-dire avec les secteurs de la santé, des communications,
de l'éducation...
Au niveau supranational, le Club des agences et structures
nationales en charge de l'électrification rurale, donc l'ABERME est
membre186, permet d'instaurer un dialogue entre les
différentes structures d'électrification rurale. Pour autant, les
décisions ne devront être prises qu'au niveau national et ce club
ne devrait servir qu'à élargir ses connaissances quant aux
possibilités d'électrification, afin de garder un pouvoir
décisionnel.
Au sein du Bénin se met en place un comité
multisectoriel de mise en synergie entre le secteur de l'énergie et les
autres secteurs de développement (santé, éducation,
transformation agroalimentaire...). (Cf. Partie 2.2.3) Il est donc primordial
de n'entreprendre un projet d'électrification solaire qu'avec une
concertation préalable de ce comité pour que les efforts soient
uniformisés. Même dans le cas d'un don, des études
et une évaluation critique doivent se faire avant toute acceptation en
consultation avec des experts locaux, le caractère gratuit ne devant pas
occulter les difficultés pour permettre la pérennité des
installations. En effet, même alors, les différentes conditions
décrites ci-dessus restent valables et indispensables pour mettre en
place une électrification durable. Le pays doit pouvoir prendre ses
propres décisions et, en raison de la proportion importante de
pauvreté, il ne peut se permettre de coûteux échecs. C'est
pourquoi une évaluation critique de tous les investissements est
nécessaire.
Par ailleurs, pour tout projet monté par une structure
indépendante (principalement les ONG) un dialogue doit s'instaurer avec
l'ABERME afin de connaître les plans d'électrification rurale pour
la zone visée et d'éviter tout projet redondant mais
également pour éventuellement profiter d'avantages financiers
(comme obtenir des kits subventionnés). L'agence
d'électrification rurale doit donc ainsi être le lieu de rencontre
et de coordination des acteurs
186 Les pays membres sont le Bénin, le Burkina Faso, le
Cameroun, le Canada, le Congo, le Congo RDC, la Côte d'Ivoire, la France,
le Gabon, le Ghana, la Guinée, Madagascar, le Mali, le Maroc, la
Mauritanie, le Niger, la République Centre Afrique, le
Sénégal, le Tchad et le Togo.
dans le domaine187.
L'instauration d'un dialogue ainsi que d'une coordination
entre les différents acteurs du développement, et pas seulement
ceux du secteur électrique, sont indispensables pour prendre des
décisions rationnelles. De même, la planification à court
terme et l'approche projet doivent être dépassées pour
mettre en place une planification à long terme188 afin que la
planification de l'électrification rurale solaire soit réellement
adaptée et pérenne.
Condition n°10
Le dialogue entre les différents secteurs
(énergie, santé, éducation, communication...) à
travers le comité multisectoriel doit être effectif et est
indispensable à toute installation d'électrification rurale y
compris pour les installations offertes. Une analyse critique doit avoir lieu
et l'approche d'électrification doit s'inscrire dans une vision de
stratégies multisectorielles de long terme. Si toutefois une approche
projet émane indépendamment de toute structure étatique,
celle-ci doit se faire en coordination avec l'agence d'électrification
rurale pour éviter toute redondance d'action et profiter
éventuellement d'avantages financiers.
|
4.5. Permettre l'apport de ressources
financières supplémentaires par le développement des
activités professionnelles
L'installation de kits photovoltaïques en raison de
puissances trop faibles, n'est pas adaptée pour le développement
d'activités professionnelles. Pourtant un apport supplémentaire
de ressources économiques ne pourrait que faciliter l'exigence de
durabilité des installations en atténuant la contrainte
financière. Permettre le développement d'une activité
économique - existante ou nouvelle - est envisageable avec la mise en
place d'un système hybride combinant technologie photovoltaïque et
groupe électrogène. Cette solution est intéressante car un
tel système est particulièrement adapté pour la
transformation des produits agricoles et que les activités principales
des zones rurales découlent de l'agriculture au sens large (Cf. Partie
1.2.1).
L'ajout d'un groupe électrogène est
préférable aux autres sources d'énergies
renouvelables étant donné que le vent est insuffisant pour
produire de l'électricité à partir de l'éolienne,
que
187 Bineau op. cit.
188 Wamukonya op. cit., 6-14
l'hydraulique est encore peu étendue et ne peut se
développer que sous des conditions particulières. De même
en milieu rural, l'utilisation de l'eau pour l'agriculture est prioritaire sur
celle de la production d'électricité, alors que dans l'ensemble
du pays il est possible de se fournir en pétrole, même si celui-ci
est importé et peut-être coûteux.
Cette solution n'est à développer pour les
personnes intéressées que si la contrainte coût le permet.
En effet, ajouter un groupe électrogène alourdi d'autant plus le
prix de l'installation car, au coût de l'achat de matériel,
s'ajoute celui de la consommation d'essence. Dans le cas de l'installation d'un
système hybride, de nouvelles conditions de financement devraient donc
être trouvées pour permettre son acquisition.
Condition n°11
Les systèmes proposés doivent être
flexibles et, si les ressources financières le permettent, proposer des
systèmes hybrides individuels alliant groupe électrogène
et photovoltaïque. Et ce en particulier pour les individus exerçant
(ou souhaitant développer) une activité professionnelle afin
d'apporter des revenus supplémentaires et ainsi favoriser la
pérennité des installations.
|
4.6. Penser à l'après-vie des
composants
Des solutions quant à l'après-vie des composants
doivent être envisagées avant même leur installation pour
éviter tout effet néfaste sur l'environnement. La maison du
solaire devrait assumer la collecte des composants usagés
étant donné qu'elle a à charge la maintenance et donc le
remplacement de ces derniers. Idéalement une solution de recyclage
devrait être trouvée mais actuellement celle-ci n'est pas faisable
au Bénin, où aucune structure de traitement des déchets
n'existe (les composants devraient être exportés si l'on souhaite
les recycler). Des dispositions financières et institutionnelles doivent
donc être mises en place pour faciliter le traitement. Pour autant, on ne
sait pas aujourd'hui recycler totalement tous les composants. Par exemple,
seuls 20% des modules peuvent être recyclés189
étant donné qu'il est difficile de séparer les divers
matériaux (silicium, verre, aluminium) et qu'aucune filière de
recyclage des modules photovoltaïques n'existe à ce
jour190.
189 Boulanger op. cit., 5
190 Solarworld met actuellement au point une usine pilote de
traitement des modules photovoltaïques.
Condition n°12
Dès la mise en place de programmes solaires, des
solutions doivent être envisagées pour la gestion des composants
usagés, à la fois en terme de collecte (idéalement par la
maison du solaire) que pour leur stockage et leur traitement. Des
dispositifs doivent donc être mis en place notamment pour faciliter leur
exportation lors d' un éventuel recyclage.
|
4.7. Réflexion sur les autres types
d'électrification solaire
Jusqu'à aujourd'hui l'électrification solaire
par des kits photovoltaïques a connu de nombreux ratés pour les
raisons vues précédemment (Cf. Partie 3). En effet, il suffit
qu'un maillon de la chaîne soit défaillant pour que
l'électrification périclite. Il est donc nécessaire de
suivre les conditions développées ci-dessus pour éviter
une telle situation. Mais que faire si l'on souhaite promouvoir
l'énergie solaire et qu'il est impossible de rassembler les
différentes conditions, donc si l'électrification solaire
individuelle n'est pas tenable?
Certains auteurs, comme Benjamin Dessus191, croient
au photovoltaïque sur réseau, notamment pour des raisons
économiques avec l'argument que seuls les coûts des modules
devraient chuter dans le futur. Pourtant la solution photovoltaïque par
mini-réseau semble dérisoire car elle demande également
des investissements très importants. Or, si les investissements sont
généralement insuffisants pour l'électrification
individuelle, ils le seront d'autant plus pour un mini-réseau qui
demande à la fois un nombre conséquent de modules pour constituer
un champ photovoltaïque ainsi que le raccordement au mini-réseau.
Par ailleurs, la deuxième contrainte se rencontre avec le
dimensionnement correcte des installations ainsi qu'avec le partage
équitable entre les utilisateurs de l'électricité produite
en quantités limitées (Cf. Partie 3.3.1). Il n'est donc pas
conseiller de s'engager dans la voie du mini-réseau
photovoltaïque.
Comme pour les mini-réseaux photovoltaïques, si
les moyens financiers constituent une barrière difficilement surmontable
pour les kits individuels, ils le seront tout autant pour les centrales
solaires de recharge de batterie qui par ailleurs procurent notamment un
confort et une qualité moindres que les kits individuels. Leur mise en
place est donc à proscrire dans le cadre d'un objectif de service
public.
Une dernière solution employant l'énergie est
envisageable et possible si les financements
191 Dessus op. cit., 26-27
sont limités. Celle-ci est à l'image d'un
micro-centre commercial mis en place dans les zones rurales d'Afrique du
Sud192. Ce centre est une sorte de maison communautaire
électrifiée par le photovoltaïque193 et permet de
rendre divers services nécessitant l'accès à
l'électricité. Ainsi en Afrique du Sud, elle abrite une
téléboutique pour téléphoner, envoyer des fax ou
recharger les portables, ainsi que des petites échoppes - comme une
échoppe pour réparer les radios - et une cyber-échoppe
pour permettre l'accès à internet. Cette solution est soit
envisageable si dans le moyen et long terme aucune possibilité
d'électrification rurale n'est envisagée pour la localité
ou soit dans le cas où une électrification rurale par solaire est
mise en place pour répondre aux besoins des populations des plus pauvres
de la localité ne pouvant se permettre d'installer chez eux
l'électricité. Des commerçants pourraient louer des locaux
pour exercer une activité ne demandant pas de grandes quantités
d'énergie, un point de recharge de téléphone portable
pourrait être installé ainsi que si possible une salle
informatique. Idéalement une salle d'étude ventilée et
éclairée quelques heures par soir pourrait être mise
à disposition des écoliers ou autres. La mise en place d'une
telle infrastructure demande au préalable une étude approfondie
pour connaître les besoins de la localité et ses
potentialités réelles. Cette étude devra donner lieu
à des concertations avec les différents leaders locaux, la
population, les associations et les éventuels (futurs)
commerçants.
Par ailleurs, il ne faut pas omettre toutes les
possibilités de mini-électrification. Si les conditions ne sont
pas réunies pour envisager l'électrification des habitations par
le photovoltaïque et qu'aucune autre solution d'électrification
rurale ne peut être dans l'immédiat mise en place, il reste la
possibilité de promouvoir de petites technologies solaires pour
répondre aux besoins immédiats de la population, à
l'exemple de ce que fait l'ONG Nature Tropicale. Les mini-kits solaires pour
les radios et ceux pour recharger les téléphones portables
offrent des solutions ponctuelles répondant aux besoins de la
population. Cependant, des facilités de paiement avec
la possibilité de payer en plusieurs fois doivent être
proposées à la population, ainsi qu'une formation sur leur
utilisation (pour optimiser leur durée de vie) et sur leur réelle
capacité, notamment pour les chargeurs de téléphones
portables qui contiennent une batterie. De même, une
solution pour leur traitement en fin de vie et leur réparation
éventuelle doit être proposée à la population.
192 Piro 2003, 14-16
193 Les modules fournissent 1500Wh/jour.
Conclusion
Face à la faible électrification des zones
rurales, l'énergie solaire apparaît comme une solution attrayante.
Mais représente-t-elle, ainsi mise en place, une solution durable pour
l'électrification des villages au Bénin?
Répondre à cette interrogation sous-entend
considérer que les populations rurales ont besoin et souhaitent avoir
accès à l'électricité (hypothèse 1) et que
pour répondre à ce désir l'énergie solaire est
à moyen terme une bonne opportunité pour les populations rurales
non raccordées au réseau de la SBEE (hypothèse 2). Mais
également que des leçons ont été tirées des
limites et des difficultés rencontrées dans les projets des
années 1990, pour que les installations solaires actuellement mises en
place soient pérennes (hypothèse 3).
Traiter un tel sujet exige la combinaison d'un travail de
terrain et d'un travail scientifique car chaque pays est différent, il
n'existe donc pas de solution universelle mais bien des solutions
appropriées aux particularités de chaque pays. C'est pourquoi la
réflexion doit être adaptée au contexte et ne pas
être une réflexion générale. La première
partie du travail est ainsi basée sur les constats faits dans deux
localités ayant reçu des installations solaires. Cette
réalité de terrain a ensuite été appuyée par
une analyse de la situation actuelle de l'électrification au
Bénin et de ce qui est développé par la récente
politique d'électrification rurale. Pour comprendre les
difficultés constatées dans les villages visités, il a
été ensuite nécessaire d'aborder la technologie solaire
avec une analyse comparative de ses avantages et de ses inconvénients,
afin de pouvoir dans une dernière partie faire évoluer la
réflexion vers des recommandations à suivre pour la
pérennité des installations dans les zones rurales du
Bénin.
Cette étude est nécessaire car dans le cas du
Bénin, les installations solaires actuellement mises en place sont loin
d'apporter une électrification réelle. Pour la localité
recevant les installations de l'agence d'électrification rurale, seul ce
qui est considéré comme besoin minimum, c'est-à-dire l'eau
et la santé, bénéficie du photovoltaïque alors que
les particuliers n'ont pas accès à l'énergie solaire pour
répondre aux usages spécifiques de l'électricité
(éclairage et communication) et aux usages mécaniques (mouture et
autres). L'arrivée du photovoltaïque n'a donc que très peu
modifié la situation de la localité d'autant plus qu'auparavant
la population avait déjà accès à l'eau. De
même, le projet émanant de l'ONG ne
permet pas une réelle électrification et la
population ne peut se permettre d'acquérir que de petites alternatives
électriques pour répondre aux besoins en
électricité. Dans les deux cas, seules les installations
communautaires bénéficient du solaire car elles en sont
équipées gratuitement alors que les individus avec des revenus
monétaires insuffisants ne peuvent acquérir les kits
photovoltaïques. Par ailleurs, le système de maintenance fait
défaut dans les localités bénéficiant
d'installations photovoltaïques.
On est donc loin d'électrifier ces localités.
Pourtant une nouvelle volonté politique est apparue depuis les
années 2000 avec la mise en place d'une politique, d'une agence et d'un
fonds d'électrification rurale. Une place importante est accordée
aux différentes possibilités d'électrification rurale
décentralisée et notamment au solaire dont découlent
divers avantages. A ce titre on peut citer en particulier son autonomie
énergétique, sa modularité, sa production
d'électrification sur le lieu même de consommation, la
durée de vie des modules élevée... Seulement de nombreux
inconvénients et difficultés viennent contrebalancer ces
avantages. Notamment au niveau du financement et de la maintenance, deux
aspects nécessaires pour une appropriation adéquate. Par
ailleurs, le service rendu n'est pas comparable à celui du réseau
conventionnel, en particulier car la puissance fournie est limitée et
parce qu'une installation standard (un ou deux modules) ne permet d'avoir de
l'électricité que quelques heures par jour (pour
l'éclairage et éventuellement pour l'audiovisuel). Selon le type
d'électrification solaire (par mini-réseau, borne de recharge,
kits, etc.) les avantages et inconvénients diffèrent mais
l'attention a été ici portée plus particulièrement
sur les kits solaires parce que c'est la solution la plus communément
promue et celle utilisée dans les deux cas étudiés.
Finalement même si les projets mis en oeuvre dans les
années 1990 connurent des écueils semblables, les
problèmes de maintenance et de financement continuent aujourd'hui
malgré les recommandations de la littérature concernant
l'importance de ces deux composantes. L'hypothèse 3 est donc
invalidée et dans de telles conditions l'hypothèse 2 l'est
également. Cependant la première hypothèse reste valable.
L'électrification solaire telle qu'elle est mise en place actuellement
doit ainsi répondre à l'exigence de durabilité.
Il a donc été intéressant de se pencher
sur les conditions nécessaires pour la pérennité
de l'électrification rurale par le solaire au Bénin. La
première d'entre elles est la mise en place d'une étude de
terrain pluridisciplinaire afin de fonder correctement tout projet
d'électrification. Cette condition bien qu'elle soit
sine qua non à la pérennité de l'installation, n'est
aujourd'hui pas pour autant concrétisée. Les solutions
proposées peuvent donc ne pas être adaptées à la
réalité et aux besoins des localités. D'autres conditions
visent à garantir des facilités de financement avec diverses
mesures pour réduire la charge financière qui pèse sur les
ménages. Parmi elles se trouvent la formule de paiement au forfait sur
la durée de vie de l'installation et couvrant les frais de maintenance
ainsi que la réduction du coût du système avec
l'incorporation de composants produits au Bénin et d'une
réduction des droits de douanes sur les composants devant être
nécessairement importés. Il est important que les coûts
supportés par les ménages soient les plus faibles possibles si
l'on souhaite que la population puisse bénéficier de
l'électricité photovoltaïque et pour cela l'implication de
l'État est primordiale. Celle-ci demande des ressources
supplémentaires, des arbitrages et une coordination multisectorielle.
Parallèlement, d'autres conditions doivent être combinées
pour assurer une maintenance de qualité et adéquate avec
notamment une concentration géographique des localités
électrifiées par le solaire, une implication et formation
effectives des acteurs locaux afin d'avoir sur place une main d'oeuvre
qualifiée capable d'assurer la maintenance des installations. Par
ailleurs, installer le photovoltaïque pour des installations
communautaires doit se faire avec l'assurance que le reste de la
localité pourra réellement être
électrifiée.
Assurer la durabilité des installations demande donc de
suivre un ensemble de conditions fortement corrélées les unes aux
autres car il suffit que l'une d'elles ne soit pas remplie pour que le projet
d'électrification périclite. Actuellement le Bénin est
loin de son objectif d'électrification de 150 localités rurales
par an alors même que l'agence d'électrification rurale a
conscience des difficultés et souhaite y remédier. Cette
situation pose un problème plus large - en particulier car certaines
conditions dépendent fortement de paramètres extérieurs -
et amène à s'interroger sur les possibilités d'actions
réelles du gouvernement étant donné qu'il a des moyens
financiers limités, qu'il doit procéder à des choix entre
les différents secteurs et qui, dépendant de l'aide
extérieure, doit répondre à un ensemble de
conditionnalités.
Une limite à l'étude apparaît ici avec le
questionnement plus large des possibilités du gouvernement et de sa
volonté pour lancer une réelle campagne de service public pour
l'électrification rurale. Particulièrement dans un contexte de
renforcement de la décentralisation où un poids
décisionnel très important est donné aux communes et alors
que
les objectifs du fonds d'électrification rurale sont de
promouvoir l'électrification rurale par le marché. L'optique
actuelle est donc en partie à contrecourant de l'analyse qui a
été faite ici où le rôle de l'État est
envisagé comme primordial sur celui du marché. De la même
façon l'objectif de Nature Tropicale se fait dans une optique
commerciale pour la diffusion du photovoltaïque.
Il serait donc intéressant de se pencher sur les causes
politiques plus profondes qui influencent le contexte dans lequel se font les
installations photovoltaïques et qui conditionnent en partie leur
réussite.
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Annexe 1 : Carte de la commune de Tori-Bossito
Sources : Mairie de Tori Bossito, « Plan de
développement de la commune de Tori-Bossito (2005-2009). Version Finale
», Ministère de l'Intérieur, de la
Sécurité et de la Décentralisation, février 2005
Annexe 2 : Carte de la commune de Dangbo
Source : Atlas monographique des communes du Bénin,
Département Ouémé, [
http://atlasbenin.africa-web.org/Oueme/Dangbo.htm]
(site consulté le 1 novembre 2009)
Annexe 3 : Cartes du réseau électrique et
de la densité de population
Densité de population
Source (carte réseau électrique) : ABERME [http:/
aberme.org] (site consulté le 20
octobre 2009)
source (carte densité de population) : Food and
Agriculture Organization of the United Nations, FAO Country Profiles and
Mapping Information System
[
www.fao.org/countryprofiles/Maps/BEN/10/pt//index.html]
(site consulté le 20 octobre 2009)
Annexe 4 : Ensoleillements et latitudes au
Bénin
Natitingou
|
Ensoleillement (kWh/m2/jour)
|
janvier
|
5,59
|
février
|
5,88
|
mars
|
5,88
|
avril
|
5,91
|
mai
|
5,78
|
juin
|
5,29
|
juillet
|
4,67
|
août
|
5,32
|
septembre
|
4,7
|
octobre
|
5,31
|
novembre
|
6
|
décembre
|
5,2
|
Latitude
|
10°N
|
Cotonou
|
Ensoleillement (kWh/m2/jour)
|
janvier
|
4,72
|
février
|
5,25
|
mars
|
5,32
|
avril
|
5,24
|
mai
|
5,07
|
juin
|
4,06
|
juillet
|
4,09
|
août
|
4,43
|
septembre
|
4,62
|
octobre
|
4,59
|
novembre
|
5,04
|
décembre
|
4,75
|
Latitude
|
6°24N
|
Kandi
|
Ensoleillement (kWh/m2/jour)
|
janvier
|
5,49
|
février
|
6,13
|
mars
|
6,1
|
avril
|
6,13
|
mai
|
6,15
|
juin
|
6,87
|
juillet
|
6,44
|
août
|
4,98
|
septembre
|
5,28
|
octobre
|
6,01
|
novembre
|
5,73
|
décembre
|
5,38
|
Latitude
|
11°07N
|
Parakou
|
Ensoleillement (kWh/m2/jour)
|
janvier
|
5,38
|
février
|
5,95
|
mars
|
5,95
|
avril
|
5,81
|
mai
|
5,74
|
juin
|
5,06
|
juillet
|
4,25
|
août
|
4,01
|
septembre
|
4,36
|
octobre
|
5,26
|
novembre
|
5,15
|
décembre
|
5,11
|
Latitude
|
9°25N
|
source : AMOUSSOU et al. s.d., 11
Annexe 5 : Plan de financement d'une opération
type, selon René Massé
Schéma moyen de financement du coût total de
l'investissement :
- 30% par autofinancement dont :
- 10% : apport des utilisateurs (frais de raccordement non
remboursable) - 20% : apport de l'opérateur professionnel
En cas d'insuffisance d'apport initial une épargne
préalable est exigée.
- 35% de subventions d'équipements remboursables sur cinq
ans sans intérêt à partir de la huitième
année.
- 35% de crédits dont :
> 25% sur ressources du fonds de crédit des
bailleurs de fonds, remboursements mensuels, 7ans, au taux des ressources des
bailleurs de fonds (6%) majoré de 5% pour rémunérer la
banque commerciales
> 10% sur ressources propres de la banque commerciale,
remboursements mensuels, sur 5 ans au prime rate (soit environ 11%)
Au total, les ressources de financement sont apportées
par les bailleurs de fonds pour 60% (35% subvention et 25% crédit), par
les bénéficiaires (30%) et par la banque commerciale (10%).
Source : Massé 2001, 21-33
Index
ABERME Agence Béninoise pour l'Électrification
Rurale et la Maîtrise de l'Énergie
ACDI Agence Canadienne de Développement Internationale
ACP Afrique, Caraïbes, Pacifique
ADEME Agence de l'Environnement et de la maîtrise de
l'Énergie
AFD Agence Française de Développement
BCEAO Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest
BID Banque Islamique du Développement
BIDC Banque d'Investissement et de Développement de la
CEDEAO
BOP Bureau des Opérations Pétrolières
CA Courant alternatif
CC Courant continu
CCA Centre communautaire d'activités
CCPS Cellule de Coordination de la
Pré-électrification et du Programme Solaire
CDD Commission pour le Développement Durable des Nations
Unies
CEB Communauté Électrique du Bénin
CEDEAO Comité Économique des État de
l'Afrique de l'Ouest
CEG Collège d'Enseignement Général
CEMAC Communauté Économique et Monétaire de
l'Afrique Centrale
CePED Centre de Partenariat et d'Expertise pour le
Développement Durable
CIRIDD Centre International de Ressources et d'Innovation pour le
Développement
Durable
CLCAM Caisse Locale de Crédit Agricole
CCPS Cellule de Coordination de la
Pré-électrification et du Programme Solaire
DDGE Direction Générale de l'Énergie
ERD Énergie Rurale Décentralisée
FCFA Monnaie commune de 14 pays africains membres de la Zone
Franc
Franc de la Communauté Financière d'Afrique (pour
les pays membres de l'UEMOA)
Franc de la Coopération Financière en Afrique
Centrale (pour les pays membres de la CEMAC)
FED Fonds d'Électrification Rurale
Fem Fonds pour l'environnement mondial
FER Fonds d'Électrification Rurale
GRET Groupe de Recherches et d'Échanges Technologiques
IDCOL Infrastructure Development Company, Ltd
IEPF Institut de l'énergie et de l'environnement de la
Francophonie
INSAE Institut de la Statistique et de l'Analyse
Économique
IUCN International Union for Conservation of Nature
IUCN-NL International Union for Conservation of Nature -
Pays-Bas
MDP Mécanisme de Développement Propre
ONG Organisation Non Gouvernementales
PED Pays En Développement
PER Politique d'Électrification Rurale
PMA Pays les Moins Avancés
PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
RGPH3 3ème recensement général de la
population humaine
SBEE Société Béninoise d'Énergie
Électrique
SONEB Société Nationale des Eaux du Bénin
SDD Société de Service
Décentralisée
SDERB Schéma Directeur de l'Électrification Rurale
du Bénin
SMDD Sommet Mondial pour le Développement Durable
UEMOA Union Économique et Monétaire
Ouest-Africaine
|