INTRODUCTION GENERALE
Deux constats majeurs servent de point de départ
à notre réflexion : Celui de surliquidité
générale des banques camerounaises d'une part et celui de
l'amplification de la concurrence dans le secteur bancaire camerounais d'autre
part.
Après la crise d'illiquidité bancaire de la fin
de la décennie 1980, l'on a assisté à une restructuration
profonde des banques et du système bancaire de la CEMAC1
(TANGAKOU, 2007). La mise sur pied de la COBAC2 et la
définition de nouvelles règles de gestion prudentielle ont permis
de réduire le risque d'illiquidité, et les banques deviennent
surliquides à la fin de la décennie 1990 (WANDA, 2007). Le
coefficient de liquidité3 dans la sous région atteint
un niveau de 217,5% en 1995. (KAMGNA 2008).
Par ailleurs, le marché bancaire connait de plus en
plus l'affluence des banques nouvelles, (United Bank for Africa, Oceanic Bank,
Banque Atlantique, Banque Marocaine, BGFI Bank, etc.), ce qui vient renforcer
la concurrence dans le secteur. En réalité, le nombre de banques
commerciales au Cameroun est passé de 8 à 13 entre Janvier 2001
et août 2009, tandis que le nombre de guichets4 de banques
passait de 84 à 128 dans le même intervalle5.
Cette concurrence qui s'accentue de jour en jour aura pour
conséquence le nivellement progressif des prix, à la fois des
services bancaires et des intérêts sur les crédits. Cette
baisse des prix va sans doute affecter la rentabilité des banques, car
ces dernières pratiquent actuellement des tarifs jugés excessifs
en ce qui concerne les services bancaires notamment (WANDA 2007).
Face à cette situation, l'on s'attendrait à ce
que les banques travaillent à accroître leur niveau de production
(de services et de crédits) car à prix de vente égal,
l'augmentation des
1 La Communauté Economique et Monétaire
de l'Afrique Centrale comprend six pays : le Cameroun, la Centrafrique, le
Congo Brazzaville, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Tchad.
2 Commission Bancaire d'Afrique Centrale
3 C= Actif liquide / Passif exigible à court
terme = 100 %
4 Le nombre de banques reflète le taux de
concurrence, et le nombre de guichets l'agressivité commerciale
5 Le marché bancaire au Cameroun, document
confidentiel du Conseil National du Crédit.
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quantités produites peut accroître les
bénéfices1. A défaut d'accroître cette
production (faute de ressources), elles devraient optimiser la gestion des
ressources dont elles disposent, notamment sur le plan de
l'intermédiation bancaire.
A contrario, l'on observe que le comportement
d'intermédiation bancaire au Cameroun ne se conforme pas au principe
exposé ci-haut. En effet, le volume de crédits bruts
distribués par les banques camerounaises est passé de XAF 857
Milliards à XAF 1077 Milliards entre 2004 et 2007, lorsque les
dépôts collectés par les mêmes banques passaient de
XAF 1 215 Milliards à XAF 1 772 Milliards2.
Ainsi, la question de l'inefficacité des banques de notre
environnement dans la transformation de leurs ressources en crédit est
digne d'intérêt.
En réalité, la mission naturelle des banques est
de servir d'intermédiaire entre les agents à capacité de
financement et ceux à besoin de financement, en raison de
l'éloignement qui subsiste entre ces deux derniers (DESCAMPS, 2002).
Elles collectent de l'épargne sous forme de dépôts pour la
distribuer sous forme de crédits. Lorsqu'une banque optimise cet
exercice, on dit qu'elle est techniquement efficace sous l'optique de
l'intermédiation : cette efficacité permettrait aux banques de
notre environnement de juguler leur état de surliquidité et
d'améliorer leur rentabilité.
Problématique
Comme exposé ci haut, les banques de notre
environnement disposent d'énormes liquidités et ne distribuent
pas assez de crédits. De ce fait elles ne participent pas comme il se
doit au financement de l'économie. Pourtant, en renforçant leurs
activités d'intermédiation, les banques peuvent accroître
leurs bénéfices à travers les intérêts sur
les crédits.
1 A condition que cette production soit rentable, et
que la banque n'opère pas à rendements d'échelle
décroissants : ce qui est le cas pour la plupart de ces banques
actuellement (Hugon P. 2007).
2 Rapports COBAC 2004 - 2007.
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A ce stade de l'observation, les différents constats
nous laissent penser que les banques de notre environnent sont encore
inefficaces dans leur transformation des ressources en crédits.
Cependant, pour se prononcer avec certitude sur cette
question, il est nécessaire de mesurer à l'aide d'une technique
appropriée l'efficacité technique de ces banques. Dans le cadre
de cette étude, nous allons appliquer la démarche de mesure de
l'efficacité technique au cas spécifique de la Commercial Bank
Cameroun, une des banques de notre environnement. Il sera question de savoir si
la Commercial Bank Cameroun distribue le maximum de crédits possible
compte tenu des ressources collectées. Nous allons également
déterminer quels sont les leviers qui permettraient de faire varier
cette efficacité technique.
Hypothèses :
1. La Commercial Bank Cameroun est techniquement inefficace
dans la transformation de ses ressources en crédit : elle produit en
deçà de ce qu'elle est susceptible de produire avec les
ressources dont elle dispose, au regard des performances observées dans
des banques du même environnement.
2. Le niveau des fonds propres, le niveau de trésorerie
et le taux de créances douteuses sont des facteurs explicatifs de
l'efficacité technique.
Objectifs du travail
L'objectif est d'abord de fournir un exemple scientifique de
mise en oeuvre de la démarche qui sert à apprécier
l'efficacité technique des banques, en appliquant cette démarche
à une banque camerounaise, en l'occurrence la CBC. Ensuite, nous voulons
déterminer scientifiquement les facteurs qui expliquent le niveau
d'efficacité technique d'une banque.
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Intérêt
L'intérêt de ce travail est double :
L'intérêt premier est de compléter
l'état de la science en explorant un champ nouveau : parmi les
nombreuses études menées sur le thème de
l'efficacité technique des banques, celles qui s'intéressent
précisément aux banques camerounaises sont très rares,
voire inexistantes. Nous n'avons pas trouvé d'étude scientifique
sur l'efficacité technique de la CBC. De même, cette étude
permettra d'actualiser les recherches moins récentes sur le même
thème.
Le second intérêt est de servir de guide aux
décideurs de la CBC, dans un contexte de restructuration. En effet,
après sa mise sous administration provisoire décidée le 03
novembre 2009 par la COBAC, la Commercial Bank Cameroun suit un plan de
restructuration qui vise à rétablir ses ratios de fonds propres
au niveau réglementaire, notamment1. Notre étude
permettra aux dirigeants de cette banque de savoir quel est leur niveau
d'efficacité technique et sur quel(s) levier(s) ils pourront s'appuyer
pour améliorer leur efficacité dans la distribution des
crédits.
Méthodologie
Pour mesurer le niveau d'efficacité de la Commercial
Bank Cameroun, nous allons employer la méthode DEA (Data Envelopment
Analysis). Cette méthode est l'une des plus courantes dans la
littérature pour la mesure de l'efficacité technique des banques.
Elle est également adéquate pour les inputs et les outputs du
secteur bancaire (AMARA & ROMAIN, 2000). Il s'agira pour nous
d'évaluer les niveaux d'efficacité technique de la Commercial
Bank Cameroun sur les deux dernières années (par rapprochement du
volume des dépôts collectés au volume des crédits
distribués), en attribuant à chaque mois un score
d'efficacité compris entre 0 et 1. L'échantillon de mesure sera
composé des douze (12) banques commerciales en
1 Décision COBAC D-2009/204/portant mise
sous administration provisoire de Commercial Bank-Cameroun
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exercice au Cameroun sur la période allant de Janvier
2008 à août 2009. Il s'agira ensuite d'établir le lien
entre l'évolution des scores d'efficacité de la CBC et celle des
variables explicatives potentielles de l'efficacité technique des
banques.
Pour cerner les facteurs explicatifs des niveaux
d'efficacité de la Commercial Bank Cameroun, nous allons estimer un
modèle de régression linéaire. Ce modèle aura pour
variable expliquée les scores d'efficacité, et comme variables
explicatives les facteurs explicatifs potentiels de l'efficacité
technique des banques. Les données utilisées pour l'estimation
des scores et l'analyse des déterminants de l'efficacité
technique, proviendront du Département de la Comptabilité de la
Commercial Bank Cameroun et du document : « le marché bancaire au
Cameroun » produit par le Conseil National du Crédit du
Cameroun.
Plan du travail
Notre travail s'articule autour de deux principales parties :
La première partie est dédiée d'une part
à la présentation du concept d'efficacité technique et sa
mesure (chapitre 1). D'autre part, elle se consacre à la mise en
pratique de l'évaluation de l'efficacité technique en
l'appliquant à la Commercial Bank - Cameroun (chapitre 2).
La seconde partie traite de la connaissance des facteurs
explicatifs de l'efficacité technique des banques. Elle commence par
recenser les facteurs explicatifs de l'efficacité technique des banques
existants dans la littérature et les méthodes pour les
déterminer (chapitre 3). Ensuite, elle identifie les facteurs
explicatifs de l'efficacité techniques dans le cas de la Commercial Bank
- Cameroun (chapitre 4).
PREMIERE PARTIE : L'EFFICACITE TECHNIQUE :
CONCEPTS THEORIQUES ET MESURE EN
PRATIQUE
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