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Les femmes migrantes et le VIH/SIDA a Poitiers

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par Jeanne Finda MILLIMONO
Universite de Poitiers - Master  2001
  

Disponible en mode multipage

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Département de géographie

Université de Poitiers
UFR Sciences Humaines et Arts
Département de Géographie

Master 1 Migrations internationales
Année 2009-2010
Les Femmes Migrantes et le VIH/SIDA à Poitiers

Présenté par
Millimono Jeanne Finda

Sous la direction de Mme Hoyez Anne-Cecile
Chargée de Recherches, CNRS/Université de Poitiers

Date de soutenance : Le 1er juillet 2010

Remerciements

Au terme de ce travail, je tiens tout d?abord à remercier les femmes qui ont accepté de se confier, afin de me permettre de réaliser cette étude. Le souci d?anonymat ne me permet pas de les nommer, que dans ce mémoire elles trouvent toute ma reconnaissance.

Merci à Maïté Duballet coordinatrice du RVH, au Docteur Michel Berthier pédiatre au CHU de Poitiers, à Mme Berthier de l?association VIMA, à Magalie Cathalifaud du collectif l?Abri ainsi que Mathilde de l?association Aides. Les entretiens avec ces personnes m?ont permis de faire une analyse à l?échelle locale de mon thème d?étude.

J?adresse aussi mes remerciements à Madame Anne-Cécile Hoyez pour m?avoir suivie dans la rédaction de ce mémoire. Ses conseils et sa disponibilité ont été un atout majeur dans l?élaboration de ce travail.

Enfin, à tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à la réalisation de ce mémoire qu?ils trouvent ici mes sincères remerciements.

Sommaire

Introduction~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.~4

1. Liste des sigles et abréviations..................................................................5

2. Les termes utilisés. ....6

Première partie : Cadre théorique, Problématique, et Méthodologie de la Recherche... 8
I : L?état de la question....................................................................................9

1. La construction des représentations...........................................................13

2. Les représentations sociales du VIH/SIDA .............14

3. Les séropositifs étrangers en France..........................................................17

4. L?accès aux soins des séropositifs étrangers en France............................... 19

5. Les femmes migrantes face au VIH un «cumul de vulnérabilités».......................20

6. La migration féminine....... ............................................................... 24

7. Lien migration et VIH/SIDA............................................................. 25

8. Les acteurs de la lutte contre le VIH/SIDA à Poitiers.....................................28

II: Problématique......................................................................... ............ 27

1. Objectifs de la recherche.......................................................... ......... 29

2. Hypothèse de Recherche........................................................................30
III : Méthodologie de recherche.........................................................................31

1. Le travail de terrain..................................................................... 31

2. La population cible...................................................................... ... 32

3. La documentation............................................................................ 32

4. Les observations......................................................................... ... ..33

5. Les entretiens......................................................................................34

6. Les difficultés rencontrées.................................................................... 35
Deuxième partie : Analyse et Interprétation Des Résultats...................................... ..36

I : Présentation des personnes interviewées...........................................................37

1. Les acteurs de la prévention....................................................................37

2. Les femmes migrantes...........................................................................40

II : Trajectoire des femmes séropositives..............................................................41

1. Les malheurs de Fatoumata.....................................................................41

2. L?ascension et la chute de Mary...............................................................42

3. Lydia et les papiers..............................................................................44

4. Analyse............................................................................................45

III : Perception du VIH/SIDA...........................................................................48

1. Trouver la source d?infection ..................................................................49

2. Le VIH/SIDA une maladie qui ne se dit pas.................................................50

3. Analyse............................................................................................53

IV : Rapport au risque et protection de soi............................................................56
1. Les moyens de préventions.....................................................................57

1. La gestion de l?information.................................................................. .59

2. Analyse............................................................................................61
Conclusion................................................................................................63

1. Liste des sigles et abréviations

AME: Aide Médicale d'État

CAP : Centre d?Animation de Poitiers

CCAS : Centre Communal d?Action Sociale

CIDDAG : Centre d'Information et de Dépistage Anonyme et Gratuit

CIDDIST: Centre D'information de Dépistage et de diagnostic des Infection Sexuellement Transmissible

CHRS : Centre d?Hébergement et de Réinsertion Sociale

CISD: Coalition Inter agence SIDA et Développement

CMU: Couverture Maladie Universelle

CPAM : Caisse Primaire d?Assurance Maladie

CREPS : Centre Régional d?Education Pour la Santé

CRIJ : Centre Régional d?Information Jeunesse

DREES: Direction de la Recherche des Études de L'Evaluation et des Statistiques INRS: Institut National de la Recherche Médicale

INSERM: Institut National de le Santé Et de la Recherche Médicale

INVS: Institut National de Veille Sanitaire

OCRTEH: Office Central de Répression et du Trafic d'Etres Humains

OMS: Organisation Mondiale de la Santé

ONUSIDA: Organisation des Nation Unies pour le SIDA

RAAC: Réseau des Associations Africaines et Caribéennes

RPS86: Réseau Prévention SIDA de la Vienne

RVH: Réseau Ville Hôpital

UNESCO: Organisation des Nation Unies pour L'éducation la Science et la Culture

1. Les termes utilisés

Afin de mieux cerner le thème présenté, il apparaît nécessaire de faire une définition des termes qui sont à la base de ma recherche ceci, afin d?enlever toute confusion dans l?utilisation de ces mots telle qu?elle est faite dans ce mémoire.

Migrant : un migrant est défini comme une personne née à l?étranger, ayant dü se déplacer au moins une fois de son pays de naissance vers le pays où elle vit. Mais, cette personne n?est pas obligatoirement un étranger.

Selon cette définition, être migrant ne signifie pas forcément être étranger, on peut avoir gardé la nationalité de son pays et être migrant, puisqu?on a au moins une fois quitté son pays.

Etranger : cette notion est fondée sur le critère de nationalité : est étrangère toute personne qui n?a pas la nationalité du pays de résidence. Cette nationalité peut être de naissance ou acquise au cours de la vie.

SIDA (Syndrome de l'Immuno-Déficience Acquis) : Le Syndrome est un ensemble de signes ou symptômes qui caractérisent une maladie. L?Immunodéficience est l?incapacité à résister à une infection due à une insuffisance du système immunitaire. Les défenses de l?organisme sont affaiblies. Le terme de «Acquise», signale qu?il s?agit d?une pathologie contractée au cours de la vie et non à la naissance.

VIH : est un virus (un très petit microbe) appelé Virus de l?Immunodéficience Humaine. Il peut entraîner, après plusieurs années d?évolution sans traitement, un affaiblissement de l?immunité, et une maladie appelée SIDA (Syndrome d?Immuno-Déficience Acquis). Il se transmet par voie sexuelle, sanguine et de la mère à l?enfant pendant la grossesse et ou l?accouchement.

Prévention : La prévention consiste à anticiper des phénomènes risquant d'entraîner ou d'aggraver des problèmes de santé.

Ce terme concerne aussi l'ensemble des actions mises en place pour éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies ou des accidents.

L?Organisation Mondiale de la Santé la décline en trois points :

- La prévention primaire est l?ensemble des moyens mis en oeuvre pour empécher

l?apparition d?un trouble, d?une pathologie ou d?un symptôme. Information de la

population, de groupes cibles ou d'individus (éducation sanitaire ou éducation pour la

santé), vaccinations...;

- La prévention secondaire vise la détection précoce des maladies, dans le but de les découvrir à un stade où elles peuvent être traitées.

- La prévention tertiaire tend à éviter les complications dans les maladies déjà présentes.

Parmi ces moyens mis en oeuvre, nous pouvons citer le dépistage, les préservatifs, les traitements sans oublier les campagnes de prévention menées par les acteurs de la lutte contre le VIH.

Ainsi, tous ces moyens mis en place vont permettre de lutter contre le VIH/SIDA. Cela ne veut pas dire qu?on assiste à une réduction des risques ou que le nombre de personnes vivant avec le VIH a diminué, mais cela a permis aux personnes séropositives au VIH de vivre plus longtemps et ne pas atteindre le stade SIDA qui est la phase ultime de la maladie.

Introduction

Plus de vingt ans après les premiers diagnostics d?infection, le VIH/SIDA menace toujours hommes et femmes, quels que soient leur âge, leur orientation sexuelle, leur identité de genre ou leurs origines géographiques.

L?origine de ce virus continue à faire polémique, et les croyances et représentations le concernant sont multiples et variées. Certains pensent que ce virus serait dû à des manipulations scientifiques dans les laboratoires, et qu?il pourrait être un moyen utilisé délibérément pour réduire la démographie mondiale galopante, une idée répandue dans certains pays en développement. Il est aussi sujet à dérision. On peut entendre souvent que le «SIDA» voudrait dire : «Syndrome Imaginaire pour Décourager les Amoureux.» Dans les communautés africaines subsahariennes, on entend encore que le SIDA serait un mauvais sort jeté par quelqu'un. Et cela malgré tous les discours sur les modes scientifiquement connus de transmission. Peut-être est-ce d?ailleurs pour cette raison que les discours sur la prévention peinent à être acceptés. Ce qui est sûr, c'est que les idées reçues sur des modes de transmissions imaginaires contribuent davantage encore à isoler les personnes séropositives, alors méme que la science a fait d?énormes progrès sur la prise en charge depuis la découverte du VIH en 19831.

En effet, le VIH/SIDA est devenu une maladie chronique avec laquelle la personne vit et vieillit. Pourtant, les conduites à risque, les inégalités dans l?accès aux soins, la méconnaissance sur l?infection à VIH et les discriminations vis-à-vis des personnes touchées se développent.

Les enquêtes menées soulignent aussi que les femmes infectées par le VIH sont plus fréquemment en situation de précarité et de vulnérabilité par rapport à la population générale. Ainsi, le cumul des situations de précarité ou de vulnérabilité aggrave les difficultés de suivi des traitements. De ce fait, les conditions socio-économiques précaires, notamment liées aux difficultés de logement, à l?absence de travail, à un manque de soutien social, familial et affectif, constituent autant d?obstacles à une bonne observance du traitement de la maladie.

1 Gingembre n°73, le journal du RAAC-sida/Remaides

Mon étude porte sur les femmes migrantes et le VIH/SIDA à Poitiers. Le choix de ce sujet part d?un fait que j?ai constaté au sein de l?association Aides à Nantes, dans laquelle je suis volontaire. Cette association effectue des actions de prévention et d?information auprès de la population migrante avec des partenaires associatifs et institutionnels. Pour ce faire, l?association n?hésite pas à aller sur le terrain et à rencontrer la population ciblée. Dans cette délégation d'Aides à Nantes, il y a un groupe de femmes qui vient une fois par mois afin de rencontrer d'autres femmes qui sont dans la méme situation qu?elles, à savoir séropositives au VIH. J'ai remarqué que les trois quarts de ces femmes sont migrantes. Je me suis interrogée sur cette situation, j?ai ensuite cherché à creuser plus loin. En théorie, chaque délégation AIDES a un groupe de parole pour femmes, mais à Poitiers il n?y en a plus. Ce groupe a existé jusqu'à ce que la délégation change d'emplacement. Donc, on a assisté à une baisse de fréquentation de l'association par ces femmes d'où l'intérêt pour moi de me poser la question du pourquoi de ce revirement. Cela pourrait en partie s'expliquer par le fait que le nouvel emplacement de l'association se trouve à proximité des lieux d'habitation des personnes migrantes (surtout celles venant d?Afrique sub-saharienne).

En parallèle à cela, à une échelle plus large j?ai remarqué que les articles scientifiques traitant de l?épidémie chez les femmes soulignaient, qu?après un pic de femmes infectées par le VIH en France en 1994, on constate l?année qui suit une certaine stabilité et on voit méme une nette diminution de femmes séropositives. Mais ces chiffres cachent un autre phénomène, on assiste à une augmentation des femmes migrantes séropositives. Et celles-ci, dans la plus part des cas, viennent d?Afrique subsaharienne2.

Comment analyser cette situation, jusque là « invisible » ? En effet, à travers leur situation de femmes immigrées et leur condition de vie, ces femmes indépendamment de leur volonté, peuvent se retrouver dans une situation de précarité surtout si elles cumulent avec cela une pathologie et deviennent femmes, migrantes et malades. S?en suivent alors les réactions d?hostilité et de discriminations envers elles.

2 Rapport de la direction des études, de l?évaluation et des statistiques sur la santé des femmes en France. Juin 2009

Un premier objectif de ma recherche est d?étudier les représentations et les rapports sociaux qui se créent et se nouent autour de l?infection du VIH/SIDA vis-à-vis des migrants. Dans un second temps, ma recherche vise à comprendre les comportements des femmes migrantes face au VIH/SIDA à partir d?une analyse de leurs pratiques de prévention et leurs pratiques quotidiennes face à cette maladie. Pour mener cette enquête, je me suis basée sur une compréhension de la maladie en terme sociaux, mais aussi culturels pour comprendre les relations entre les représentations sociales et les comportements sociaux des personnes concernées. En effet, selon le milieu social dont on est issu, il y a une perception différente de la maladie. Dans la communauté migrante, être porteur du VIH signifie isolement, discrimination et exclusion. Ceci pousse les femmes infectées à cacher leur séropositivité au sein de la communauté dans laquelle elles vivent, et à être très souvent plus mobiles que les autres. Ainsi, après l?annonce de la séropositivité, tout un système est mis en place par ces femmes afin d?éviter toute exclusion et discrimination. Parmi ces différents moyens de préventions, il y a la prévention contre les maladies, la prévention contre l?attitude des autres, donc la gestion de l?information. Pour cela, les femmes utilisent différentes stratégies afin de mieux se protéger contre les attitudes négatives qu?engendre la maladie.

Avec la difficulté que j?ai eu à rencontrer des femmes migrantes qui acceptent de faire des entretiens, mon échantillon de femmes interviewées ne se limitant qu?à trois femmes, les entretiens avec les cinq acteurs de la prévention sont venus les compléter.

Je vais tenter tout au long de cette étude de montrer comment la perception du VIH/SIDA par les autres (dans ce cas précis les communautés dans lesquelles ces femmes migrantes vivent) peut déterminer le mode de vie des femmes séropositives au sein de la société.

Première partie :

Cadre théorique, Problématique, et Méthodologie de la Recherche

I : L'état de la question

Beaucoup d?études ont été faites sur le problème du VIH/SIDA, je me suis plus particulièrement basée sur celles qui sont accentuées sur l?approche culturelle et anthropologique de la maladie mais aussi sur les différentes formes de représentations sociales du VIH/SIDA pour donner une orientation à ma recherche.

Tout d?abord du côté des instances non-gouvernementales, le projet de l?UNESCO et de l?ONUSIDA qui cherche à mettre en avant l?approche culturelle de la prévention et du traitement du VIH/SIDA a retenu mon attention. En particulier je me suis penchée sur les actes de la table ronde du 20 novembre 2004 à Paris avec pour intitulé « Femmes migrantes et VIH/SIDA dans le monde, une approche anthropologique ». En choisissant ce thème, le programme commun des Nations Unies voulait montrer une féminisation croissante de l?épidémie depuis ses débuts. Cette table ronde a rassemblé des chercheurs chevronnés en sciences sociales (comme Sandrine Musso, John K. Anarfi, Mary Haour-knipe etc.). La directrice de la division des politiques culturelles et du dialogue interculturel au sein de l?UNESCO signale dans la clôture des actes qu?il faut attirer l?attention sur la nécessité d?une approche socioculturelle de la question du VIH/SIDA. D?où l?urgence de définir avec et pour les migrants des programmes qui leur soient culturellement et linguistiquement adaptés. Pour l?UNESCO, l?apport anthropologique propose une approche sensible à toutes les réalités sociales et culturelles, aux mécanismes de la migration, aux pratiques et au vécu des femmes en temps de VIH/SIDA.3

Hormis l?approche anthropologique et culturelle, la question des femmes migrantes et du VIH/SIDA se pose aussi sous l?angle des représentations sociales dans la mesure où on peut penser le SIDA comme une construction sociale. En cela, il faut reprendre Emile Durkheim avec sa théorie de l?unité de base de l?individu et de la conscience collective. Un individu ne peut vivre indépendamment du groupe dont il est issu sinon il sera tout de suite qualifié de marginal. Donc les représentations sociales, en tant que système, régissent notre relation au monde et aux autres. Ainsi faut-il penser la question du VIH en la replaçant au sein de la

3 UNESCO/ONUSIDA. (2004). Femmes migrantes et VIH/sida dans le monde : une approche anthropologique. Paris : UNESCO

société et non individuellement. C?est ce qu?ont tenté de faire Vincent Rollet et Evelyne Micollier en abordant les questions de la sexualité, du VIH/SIDA et de la société civile en Asie de l?Est en privilégiant une approche constructiviste pour examiner l?identité sexuelle ainsi que la stigmatisation sociale attachée au VIH/SIDA4.

Mais la majorité des études aborde le VIH d?un point de vue médical. En effet, bien avant que le VIH soit entendu comme un phénomène social, les chercheurs ont essayé de comprendre cette épidémie du point de vue médical et épidémiologique. Le relais a ensuite été pris par les associations, les ONG et les chercheurs sciences sociales, définissant ainsi le cadre complexe de la façon d?aborder et de comprendre la maladie : « Ni le caractère infectieux (donc transmissible) et épidémique de la maladie ni sa gravité n?ont à eux seuls suffi à instituer le SIDA en fléau social. C?est la constitution d?un mouvement social qui à été la condition principale de la reconnaissance de l?épidémie comme cause d?intérêt général5. »

Il me semble que ces trois approches sont d?accord sur un point : c?est que les femmes sont plus vulnérables face au VIH. Les anthropologues parce que certaines cultures défavorisent socialement la femme et la rende beaucoup plus vulnérable. Les médecins parce que d?un point de vue biologique, les femmes sont plus enclines à contracter des virus. Les ONG et les associations parce que le VIH/sida reste toujours tabou dans la société, le rapport de genre ne favorise pas la femme dans la négociation du port du préservatif.

Ainsi, les représentations sociales constituent un élément important dans le cadre de mes recherches. Puisque, malgré tous les efforts faits afin de «banaliser» le VIH/SIDA, certaines représentations continuent à persister cela entraine une rupture des personnes atteintes dans la société dans laquelle elles vivent.6 Les représentations participent donc à la stigmatisation des personnes séropositives.

4 Vincent R. Micollier E. (2006). Sexual Cultures in East Asia. The Social Construction of Sexuality and Sexual Risk in a Time of AIDS. Perspectives chinoises. n°94. [En ligne], mis en ligne le 23 mai 2007. URL : http://perspectiveschinoises.revues.org/document975.html. Consulté le 16 décembre 2009.

5 Thiaudière C. (2002). Sociologie du Sida. P6. Paris : La Découverte.

6 Ceci est à relativiser ce n?est pas le cas dans toutes sociétés on retrouve cela surtout dans les populations originaire d?Afrique subsaharienne.

1. La construction des représentations

Je vais me référer aux travaux de Moscovisci7 pour expliquer cette notion de représentation sociale. Gelui-ci distingue quatre phases dans la construction des représentations.

Dans la première phase, Moscovici explique qu?il y a passage de l?objet au modèle figuratif : le sujet tire des informations de l?objet, les sélectionne et les mémorise. C?est la phase de décontextualisation de l?objet par reflet de la réalité ou « modèle figuratif » ou encore « noyau imageant ». Donc l?individu se fait une image de l?objet dont il doit traiter. Dans un deuxième temps, le sujet passe du modèle figuratif à celui de la catégorisation. Ainsi le modèle figuratif va prendre le statut d?évidence. Pour lui, ce sont des réalités, qu?il va faire entrer dans des catégories, pour interpréter la réalité. La troisième phase consiste au passage de la catégorisation au modèle actif. Parler de modèle actif revient à décrire ce qui va orienter les conduites et les relations aux autres. Moscovisci parle de phase d?ancrage ou d?activation du noyau de la représentation, ce noyau donne de la signification aux événements et oriente les comportements des individus. Et enfin, dans une dernière phase, se constituent les représentations qui vont se consolider et générer des attentes et anticipations spécifiques.

Dans l?ensemble des théories sur les représentations, les éléments cognitifs entretiennent des liens étroits et constituent un noyau de signification. Gertains de ces éléments occupent une place centrale, d?autres sont positionnés de façon plus périphérique. Ainsi, du point de vue de leurs structures, les représentations sociales présentent deux composantes : le noyau dur et les éléments périphériques.

Le noyau dur de la représentation ou noyau central est marqué par la mémoire collective du groupe, mais aussi par le système de normes auquel il se réfère. Il y a homogénéité du groupe au niveau de ce noyau central. Le noyau central a pour fonction de générer la signification de la représentation et déterminer son organisation. Stable et cohérent, il résiste aux changements et assure la permanence de la représentation.

Les éléments périphériques sont marqués par les expériences et les histoires personnelles des
individus. Il y a hétérogénéité du groupe de ces éléments périphériques. Ils ont pour fonction

7 Moscovisci S. (1961). La psychanalyse, son image et son public. Paris : Puf.

de s?adapter à la réalité concrète et protéger le noyau central. Ils sont en mouvement, évoluent, se transforment et s?adaptent.

Ainsi, toute représentation apparaît comme un processus dynamique à travers lequel s?opère une reconstruction sociale du réel. La représentation sociale exprime un caractère relationnel et reproduit ainsi le fonctionnement des règles et des valeurs dans une culture donnée.

Le concept de représentation sociale désigne donc une forme de connaissance sociale, la pensée du sens commun, socialement élaborée et partagée par les membres d'un même ensemble social ou culturel. C'est une manière de penser, de s'approprier, d'interpréter notre réalité quotidienne et notre rapport au monde.

On parle de représentation sociale car elle est « socialement partagée " par une population donnée. Dans ce cas, quel est le rôle des représentations sociales dans l?identification du VIH/SIDA et de la personne séropositive ?

2. Les représentations sociales du VIH/SIDA

Les premiers cas de SIDA ont été décrits aux Etats-Unis, en 1981. A ce moment-là, on ne parlait pas encore de SIDA pour décrire ce nouveau syndrome d'immunodéficience inexpliqué : il portait plusieurs noms, entre autres le «gay syndrome" ou la «peste gay", (car il fut initialement identifié chez des homosexuels) avant de devenir la maladie des 4H (Homosexuels, Hémophiles, Héroïnomanes et Haïtiens). En ce temps, la maladie n?était identifiée qu?au niveau d?un groupe spécifique, et cela n?a pas donc déclenché de réelle mobilisation des pouvoirs publics.

Ce n?est qu?en Mai 1983 que Françoise Barré-Sinoussi, dans l?équipe du Professeur Luc Montagnier à l?Institut Pasteur, découvre le virus responsable de la maladie auquel il donne le nom de LAV : Lymphadenopathy Associated Virus. La communauté scientifique lui donnera plus tard le nom de HIV : Human Immune Deficience Virus.

 
 

Opinions

 
 

Comportements

 
 
 

Conduites

Jodelet explique que le VIH/SIDA est une maladie qui a marqué l?imaginaire, car elle n?a été connue dans son fonctionnement que tardivement. Ainsi, avec les théories scientifiques (médicales, anthropologiques, sociologiques) sur le SIDA, il y a eu des théories fantasmatiques : le SIDA était caractérisé comme une maladie de déviants.

Jodelet décline les deux conceptions du SIDA qui s?affrontent : morale et sociale d?un côté, et biologique de l?autre.

Morale et sociale, puisque avoir le VIH/SIDA serait la conséquence d?un comportement déviant et envoyé comme une punition aux pratiques de dégénérés. Cette conception faisait de la maladie un stigmate social. Le SIDA est donc vu comme un malheur et une source d?exclusion. Biologique, puisque la transmission se faisait par le sang et par le sperme. Certains se sont imaginés que la sueur, la salive étaient aussi des facteurs de transmission. Or la mauvaise connaissance et le formatage de la maladie dans un sens négatif continue à perdurer de nos jours. Les critères biologiques sont ainsi source d?exclusion des personnes atteintes. Dès l?apparition de la maladie, il y a eu une association fondamentale entre le SIDA et le processus de contagion. Ainsi, la persistance de l?explication du VIH/SIDA sur une image préconstruite par simple contact avec le porteur du virus, fonctionne comme un principe organisateur des représentations sociales.

Jodelet résume sa théorie de la manière suivante :

Représentations Sociales
Système de valeurs

Attitudes

Il a fallu plusieurs années pour que le VIH/SIDA devienne une réalité sociale simultanément construite dans les milieux scientifiques et médicaux et dans le grand public, par l?intermédiaire des médias qui ont contribué à faire exister cette nouvelle maladie dans l?espace public.

En parcourant le champ des représentations sociales à travers différentes études menées, je remarque que le SIDA (encore plus souvent en Afrique subsaharienne) n?est pas toujours perçu comme un syndrome acquis par transmission. Pour de nombreux groupes, la dynamique représentationnelle fait allusion à la contagion, à la maigreur, à l?empoisonnement (poison lent, poison nocturne), au mauvais sort (sorcellerie), au mauvais oeil, à la mort. Dans le cas contraire, il y a simplement déni de la maladie. Ceci a induit les individus à ranger les malades dans une catégorie à part, à percevoir et à justifier des conduites de discrimination.

La stigmatisation et la discrimination sont la conséquence de nombreuses représentations sociales, entre autres celle liée au VIH/SIDA. Mais ce ne sont pas seulement les coutumes et moeurs de certains pays qui ont fait du SIDA une maladie de rejet, c?est aussi la médiatisation massive, la multiplication des messages, dont certains sont porteurs de discours très souvent négatif au sujet de cette maladie, qui rend les personnes atteintes du VIH de plus en plus stigmatisées. Mais ceci est à relativiser ce ne sont pas tous les propos tenus sur les personnes positives au VIH qui les stigmatisent, mais c?est plutôt la manière dont les propos sont tenus, mais aussi les comportements des individus qui font que les personnes malades se voient rejetées par leur entourage.

La représentation sociale du VIH se ressent aussi dans le rapport de genre. Le genre est un ensemble de comportements masculins et féminins acquis, définis par la société, qui influence les opportunités qu'un individu se verra offrir, les rôles qu'il jouera et le type de relations qu'il entretiendra8. Lorsque l?on parle de genre, on ne fait pas seulement référence à la différence sexuelle ou biologique entre hommes et femmes. Il s?agit plutôt d?une construction sociale et culturelle qui différencie les comportements, les caractéristiques et les rôles associés aux femmes ou aux hommes. La perception du genre varie d?un pays à l?autre, mais elle est presque toujours présente et a un impact considérable sur la vulnérabilité au VIH/SIDA.

8 Article « VIH/SIDA et genre » disponible en ligne sur http://www.icad-

cisd.com/content/fr/component/content/article/111-hivaids-and-gender-issues?showall=1

Ainsi, dans les pays qui où le droit coutumier est fort (pour exemple les pays de la Guinée, le Mali etc.), dans les relations entre hommes et femmes, c?est l?homme qui est censé décider, les femmes restant passives. Or, deux parties inégales ne peuvent négocier le moment de leurs rapports sexuels, leur fréquence, ni le moyen de se protéger des Infections Sexuellement Transmissibles et du VIH. De ce fait, la tradition légitime et la multiplicité des partenaires sexuels chez les hommes leur prête une plus grande expérience en ce domaine. Cela renforce les risques pour eux-mêmes et pour leurs partenaires, et les dissuade de rechercher des conseils en santé sexuelle9.

3. Les séropositifs étrangers en France

L?INVS pour la première fois a rendu public un rapport en avril 1999 qui met en exergue une forte prévalence des personnes séropositives étrangères10.

Ce rapport est l'occasion d'une analyse plus détaillée de la situation des cas de SIDA chez les étrangers en France. L'objectif de l'étude est de montrer les éventuelles spécificités existant, chez les sujets de nationalité étrangère atteints du SIDA, en ce qui concerne leurs caractéristiques sociodémographiques et cliniques, leur accès au dépistage et leur prise en charge thérapeutique.

Selon ce rapport de l?INVS, les personnes de nationalité étrangère vivant en France sont, globalement, deux fois plus touchées par le SIDA que les sujets de nationalité française ; les femmes étrangères, toutes nationalités confondues, sont trois fois et demie plus atteintes que les femmes françaises.

En outre, les étrangers méconnaissent davantage leur statut sérologique et bénéficient d?une moins bonne prise en charge thérapeutique. Différents systèmes d?information sur l?infection par le VIH recueillent des données épidémiologiques détaillées permettant de caractériser,

9 http://www.genreenaction.net/spip.php?article5462

10 http://www.invs.sante.fr/publications/sida3/rapport.pdf.

parmi les personnes qui ont recours au dépistage, une sous-population de personnes récemment contaminées.

Ce constat a été établi sur la base des données de surveillance du SIDA chez les personnes de quinze ans et plus domiciliées en France et chez lesquelles un diagnostic de SIDA a été posé entre 1978 et juin 1998. Sur les 46 973 cas de SIDA déclarés en France depuis le début de l?épidémie, 14 % (6 571 cas) affectaient des personnes de nationalité étrangère résidant en France alors que cet ensemble ne représente que 6 % de la population adulte vivant en France métropolitaine. Les régions d?origine les plus fréquemment concernées sont l?Afrique subsaharienne (2 068 sujets), l?Afrique du Nord (1 543 personnes), l?Europe (1 298 sujets) et Haïti (809 personnes).

Les étrangers bénéficient moins du phénomène de décroissance du nombre de nouveaux cas de SIDA enregistré depuis la mise à disposition de nouveaux traitements (trithérapies en particulier) : entre le premier semestre 1996 et le premier semestre 1998, ce nombre a décru de 44 % chez les ressortissants étrangers, contre une baisse de 61 % chez les Français. Le mode de contamination principal est la transmission hétérosexuelle (49 % des cas), suivie de la transmission homosexuelle (22 % des cas) et de la toxicomanie par voie intraveineuse (19 %). Ce dernier mode est le plus fréquent chez les sujets venant d?Afrique du Nord. La transmission hétérosexuelle est dominante pour les personnes originaires d?Afrique subsaharienne et d?Haïti.

Outre le facteur nationalité, le statut socio-économique compte beaucoup. Les étrangers
atteints du SIDA sont pour 35 % d?entre eux sans emploi ; cette proportion atteint 42 % chez
les personnes originaires d?Afrique subsaharienne et 39 % chez les Nord-Africains. Par

comparaison, 20 % des sujets de nationalité française atteints de SIDA n?ont pas de travail. Iiressort aussi de l?étude une forte méconnaissance du statut sérologique : parmi les personnes

ayant fait l?objet d?un diagnostic de SIDA entre le 1er janvier 1994 et le 30 juin 1998, 42 % des étrangers ignoraient leur statut au moment du diagnostic contre 22 % des français. Cette ignorance est particulièrement marquée chez les personnes venant d?Afrique subsaharienne (51 %) et d?Asie (50 %).

4. L'accès aux soins des séropositifs étrangers en France

Il n?existe aujourd?hui en France, en théorie, aucun obstacle juridique à l?accès aux soins des étrangers en situation irrégulière et malades du VIH/SIDA. Des lois et des circulaires garantissent en effet l?accès aux soins et, depuis peu, l?inexpulsabilité des étrangers malades, dès lors, bien évidemment, que la pathologie est connue. Pour autant, l?inexpulsabilité n?entraîne pas une régularisation automatique". La proportion importante de nouveaux cas de VIH/SIDA parmi les personnes de nationalités étrangères en France a conduit les politiques de santé publique à prendre en compte la vulnérabilité particulière de ces populations'.

En France, depuis 1998, un étranger en situation irrégulière qui découvre sa séropositivité a le droit de recevoir le traitement dont il ne pourrait bénéficier si on le renvoyait dans son pays d?origine. A ce titre il bénéficie d?une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Pour bénéficier de cette carte, ou d?une autorisation provisoire de séjour, l?étranger doit déposer une demande préalable auprès des services préfectoraux. C?est un médecin inspecteur de la santé publique qui émet un avis sur la base d?un rapport établi par un médecin agrée par les services de santé de l?Etat ou un praticien hospitalier.

L?accès au droit de séjour pour raisons médicales comprend des critères d?application de plus en plus restreints et des disparités de traitement selon les préfectures. Les démarches administratives des bénéficiaires sont de plus en plus lourdes d?autant plus qu?il faut tout recommencer chaque année pour les plus chanceux et tous les trois mois pour ceux qui n?ont obtenu qu?une autorisation provisoire de séjour. Cependant, depuis 2003 et à mesure que s?installait la « politique du chiffre » dans les préfectures, les refus de séjour à l?encontre de malades sont apparus, pour toutes les pathologies y compris le VIH. La situation administrative des personnes séropositives se dégrade considérablement. Les préfectures délivrent de plus en plus des titres de séjour précaires ne permettant pas de travailler ou de toucher des allocations. Ceci pousse les personnes à vivre dans un climat de dépendance qui ne fait qu?accentuer sa précarité sociale mais aussi économique.

11 http://www.hommes-et-migrations.fr/docannexe/file/1225/1225_10.pdf

12 http://www.comede.org/IMG/pdf/mde17.pdf

L?accès aux soins reste (en principe) reste dans l?ensemble des services publics de en France est ouvert a toute personne, en particulier au plus démunies. Mais, l?épineux problème de l?accès effectif à ce droit, se pose par la suite13. Selon la situation de la personne, elle a accès gratuitement aux soins médicaux de deux façons différentes.

Tout étranger en France vivant depuis plus de trois mois à droit à la CMU de base s?il dispose d?un titre de séjour ou des démarches en cours à la préfecture. La CMU permet d?avoir le droit à une protection complémentaire santé gratuite.

Un étranger en situation irrégulière n?a pas accès à la sécurité sociale. Pour ses soins, il peut bénéficier de l?AME qui permet l?accès aux soins des personnes étrangères résidantes en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois qui sont en situation irrégulière et disposant d?un revenu faible (moins de 620 euro par mois). La demande est instruite par les caisses d?assurance maladie elle est accordée pour un an. Pour les bénéficiaires de l?AME, il n?y a pas de carte vitale. De peur de ne pas être remboursé ou de l?être tardivement certains médecins sont réticents à soigner des personnes ayant l?AME. Ceci ne fait qu?accentuer la précarité des personnes malades voulant se faire soigner.

13 Aides. (2005). Migrants/Etranger vivant en France. Ma santé et mes droits.

5. Les femmes migrantes face au VIH un «cumul de vulnérabilités»14

Dans les années 80-90, l?épidémie était essentiellement masculine15. Aujourd?hui, les femmes payent un lourd tribut à l?infection à VIH/SIDA ; notamment, parmi elles, les migrantes d?Afrique subsaharienne en France métropolitaine. La part de plus en plus importante des femmes parmi les nouvelles contaminations et les cas de SIDA déclarés n?a cessé d?augmenter à tel point que certains parlent depuis quelques années d?un phénomène de féminisation de l?épidémie.

Parmi les étrangers vivant en France, les femmes représentent plus de la moitié des nouvelles contaminations. Parmi les femmes étrangères, la situation épidémiologique des femmes d?origine d?Afrique subsaharienne est particulièrement préoccupante dans la mesure où elles représentent plus de 2/3 des nouvelles découvertes de séropositivités chez les femmes et que leur taux d?incidence est deux fois supérieur à celui déjà particulièrement élevé des hommes de leur communauté16.

Cette féminisation de l?épidémie, particulièrement marquée dans la population originaire d?Afrique subsaharienne s?explique par plusieurs facteurs. Physiquement plus exposées17, les femmes sont souvent économiquement et socialement dans l?impossibilité d?exiger la protection de leurs rapports sexuels.

Par peur de la séparation, de l?insécurité financière ou de la solitude, certaines femmes pour garder leur partenaire sont prêtes à accepter des relations à risques non protégées. Les recherches consacrées aux femmes migrantes dévoilent une situation de plus grande précarité économique, sociale voire affective qui les expose plus fortement à la transmission du VIH d?autant plus qu?elles évoluent dans des réseaux de socialisation où la prévalence de

14 Expression reprise à Geneviève Paicheler Directrice de recherche, CNRS

15 http://paca.lecrips.net/spip.php?article163

16 16 http://paca.lecrips.net/spip.php?article163

17 Toutes les femmes ne sont pas exposées au risque de contamination par le VIH de la même façon, les aspects biologiques et le mode de vie sont différents pour chacune d?entre elles.

l?infection est particulièrement élevée. La domination masculine très marquée et les relations inégalitaires dans lesquelles certaines femmes sont engagées pèsent lourdement sur leur aptitude à adopter des comportements préventifs.

En France, pour les femmes migrantes, certains facteurs de vulnérabilité auxquels elles pouvaient être confrontées dans leur pays d?origine persistent après leur migration qu?il s?agisse de la fréquence du multi partenariat masculin, de la dépendance économique, ou certaines pratiques comme l?excision...

Dans toutes les lectures que j?ai pu faire, dès qu?il s?agit de femmes migrantes, on fait tout de suite référence aux femmes d?Afrique subsaharienne. Ceci peut s?expliquer par le fait que leur pays d?origine constitue un lieu où l?infection au VIH augmente et par le fait qu?il y a encore une grande stigmatisation de personnes vivant avec le VIH pour qui l?accès au traitement devient de plus en plus difficile financièrement. Le SIDA est encore vu comme une maladie honteuse qui ne se guérit pas, et la personne qui la contracte n?a eu que ce qu?elle mérite. Ainsi, elle se retrouve abandonnée et exclue de sa propre famille, ce qui ne fait qu?empirer sa situation, et devient de plus en plus vulnérable face au VIH, avec pour conséquence l?augmentation du taux de mortalité de ces personnes.

Dans le contexte actuel de crise économique mondiale, avec un chômage en hausse, ces femmes peuvent se retrouver en situation de précarité du fait d'une position de négociation qui tend à s'affaiblir et qui les pousse à accepter des conditions médiocres pour obtenir ou garder un emploi.

Celles qui ont du mal à trouver du travail, et donc ont une difficulté à s?insérer économiquement, optent le plus souvent pour le commerce sexuel. Elles sont alors plus souvent confrontées à des risques particuliers d'infection par le VIH. Dans certaines situations, il peut être difficile de négocier avec les clients qui refusent de mettre un préservatif. Dans de tels cas, des travailleuses sexuelles pourraient être portées à prendre le risque d'avoir une relation sexuelle non protégée, en sachant que, si elles refusent, le client trouvera simplement une autre travailleuse qui acceptera de le faire (à moins d'une entente collective à cet effet, comme le programme « condom à 100% » de la Thaïlande). Là où le travail sexuel est criminalisé, les travailleuses sexuelles sont plus vulnérables aux abus, car elles sont réticentes à accéder aux programmes et services qui pourraient les protéger contre la

violence (et leur fournir de l'éducation, des traitements et des soins). En outre, dans les endroits où la menace d'arrestation policière est omniprésente, les travailleuses sexuelles pourraient être moins enclines à transporter des préservatifs sur elles ou à prendre le temps de négocier le sécurisexe.18

A Poitiers, les prostituées situées au Pont Achard sont essentiellement des migrantes anglophones, la majeure partie d?entre elles sont Nigérianes. Le Collectif « l?Abri19 » a mis en place plusieurs actions auprès de ces femmes ; les bénévoles organisent entre autre des maraudes20 dans des bus afin de faire de la prévention avec elles. Selon les dires d?une bénévole, ces femmes semblent être informées de tous les risques qu?elles pourraient rencontrer. Mais, comme je l?ai dit, par peur de rentrer chez elles sans un sou, elles sont amenées à avoir des rapports sexuels sans protection. Ainsi, on comprend combien de fois la précarité économique de ces femmes peut jouer sur leur mode de vie, et donc leur rapport face à toutes formes de maladies sexuellement transmissible.

Nathalie Bajos responsable scientifique de l?unité de recherche de l?INSERM 822, explique que si les femmes sont plus touchées, ce n?est pas parce que ce sont des femmes au sens biologique du terme, mais parce que leur sexualité s?exerce dans un contexte marqué par de nombreuses inégalités. La sphère politique, celle de l?éducation, du travail et de la vie domestique sont traversées par des inégalités entre femme et homme. Ce sont ces inégalités qui sont à l?origine des vulnérabilités des femmes face à l?infection, en particulier dans les comportements de la prévention21.

Donc, selon elle, pour comprendre la vulnérabilité des femmes il faut prendre en compte le rapport de genre22 et ne pas se limiter seulement aux explications autour des femmes.

18 Article VIH/sida et genre disponible en ligne sur http://www.icad-

cisd.com/content/fr/component/content/article/111-hivaids-and-gender-issues?showall=1

19 Avec pour objectif celui de promouvoir la santé et l?accès aux droits auprès des personnes se prostituant, et apporter une aide à la réinsertion si la personne le demande.

20 Programme de prévention auprès des femmes migrantes. Il se fait entre 21 heures et 2heures du matin selon les saisons dans un bus dans lequel les bénévoles proposent aux travailleuses de sexe une discussion autour d?un café.

21ANRS(2008). Les femmes et le Sida en France enjeux sociaux et de santé publique. n? spécial de Médecine/sciences. Paris

22 Voir la partie sur la représentation sociale du VIH/sida

En résumé, les femmes ont une plus grande vulnérabilité due à des facteurs physiologiques, biologiques, mais également à des pressions sociales, culturelles et économiques qui ne leur permettront pas d?assurer leur prévention.

6. La migration féminine

S?agissant des femmes, il me semble nécessaire de les intégrer dans une réflexion sur l?immigration, car les trajectoires migratoires féminines peuvent constituer une donnée d?explication. Je pense que poser la question de la mobilité au sein de mon travail de recherche est aussi important, puisqu?à travers le chemin migratoire des femmes on peut faire une analyse de l?impact du VIH/SIDA sur leur mode de vie. Je pense que les trajectoires de ces femmes peuvent aussi expliquer cette augmentation du VIH en France. Originaire d?un pays où le taux de prévalence est élevé, elles ne font que refléter l?image qui existe déjà dans leur pays d?origine. Mais ceci est à prendre avec prudence comme je vais l?expliquer plus loin migration n?est pas forcément égale à VIH.

Les femmes, loin d?être passives, sont au contraire les moteurs de la mobilisation. En France, comme dans bien des pays d?origine, (en Guinée ce sont les femmes qui se mobilisent le plus souvent, que ce soit dans l?éducation des filles ou tout simplement l?accès à leurs droits) ce sont des femmes qui ont initié les réponses sociales vis-à-vis de la maladie et créé les premières associations (Maroc, Algérie, en France Ikambere) qui soutiennent les femmes face aux difficultés rencontrées au cours de la trajectoire migratoire, notamment administratives et économiques. La question du risque d?exposition au VIH/SIDA s?insère ainsi dans ce type de trajectoires au sein d?un grand nombre d?autres risques23.

De plus aujourd?hui, on assiste à une féminisation de la migration. Auparavant la mobilité des femmes était limitée à des mouvements migratoires via le mariage ou le regroupement familial ce qui les rendaient très dépendantes de leur statut familial.

23 Sandrine Musso (2005). Femmes migrantes et VIH/SIDA dans le monde : une approche anthropologique. École Des Hautes Études en Sciences Sociales de PARIS 57ème rencontre du CRIPS Ile-de-France.

Dorénavant, on assiste à une émancipation, de plus en plus de femmes, jeunes célibataires, ou ayant déjà une famille à charge, partent seules à l?étranger pour trouver du travail et s?y installer plus ou moins durablement. Ce changement s?explique par le fait que les femmes ont une aspiration à gagner plus d?indépendance à travers l?immigration, par le fait aussi que les femmes soient plus qualifiées que les hommes pour travailler dans des secteurs où les pénuries de mains d?oeuvre sont fortes comme les services aux particuliers ou dans laction sociale.

7. Lien migration et VIH/SIDA

« Dernier grand fléau du XXème siècle », le SIDA ressemble aux maladies collectives qui, autrefois s?abattaient soudainement sur les populations24. La question du VIH/SIDA reste de nos jours un sujet tabou et difficile à aborder, surtout quand il s?agit des populations étrangères. Ceci peut s?expliquer par le fait qu?il y a une peur de stigmatisation et de discrimination envers cette population. Les efforts visant à étudier le lien entre migration et SIDA sont compliqués par le fait que peu de pays recueillent des données ou entreprennent des recherches sur les besoins spécifiques des migrants en matière de VIH/SIDA.

Didier Fassin25 explique qu?il a fallu attendre près de deux décennies avant que ne soit pensable la relation entre le SIDA et l?immigration. Alors que les premiers cas de la maladie ont été identifiés en France chez des patient Congolais et Zaïrois des médecins ont utilisé l?expression de «SIDA africain». Fassin explique que la première réunion scientifique sur le thème n?aura lieu qu?en 2001 à l?agence nationale de recherche sur le SIDA. L?analyse de la maladie était loin de se situer dans le monde médical. A cette époque, il valait mieux taire la prévalence de ces personnes étrangères au sein de la population. Par peur d?effrayer la population des villes accueillantes, les responsables de ces pays ont préféré faire une impasse sur les données concernant l?épidémiologie des personnes d?origines étrangères. Cela ne veut

24 Thiaudière C. (2002). Sociologie du Sida. p3. Paris : La Découverte.

25 Fassin D. (2001). L'altérité de l'épidémie. Les politiques du Sida à l'épreuve de l'immigration. Revue Européenne des Migrations Internationales n?17 p139-151.

pas dire que ces personnes n?étaient pas concernées par la maladie, c?était surtout pour éviter une catégorisation de ces personnes : migrant est égal à porteur de maladie.

Le premier rapport26 sur la « Situation du SIDA dans la population étrangère domiciliée en France » 27, marque une rupture avec les années précédentes. Jusque là, ces chiffres partiellement diffusés n?étaient limités qu?à quelques associations de lutte contre le SIDA, par crainte de stigmatisation. Ainsi, ce rapport a permis la diffusion d?informations jusqu?alors cachées, en leur faisant perdre leur caractère polémique. Il place le lien entre immigration et SIDA sur un autre plan : le problème n?est plus d?évaluer le risque de contagion des Français par des immigrés fortement infectés, mais au contraire le lourd tribut payé par ces derniers à la maladie, en essayant d?en identifier les causes. Il faut préciser que ces données ne prennent en compte que la nationalité et non le pays de naissance du patient, les immigrés ayant acquis la nationalité francise sont donc exclus. Pour Didier Fassin, il faut repenser aujourd?hui le rapport entre migration et VIH/SIDA puisqu?il ne s?agit plus simplement de population immigrée au sens traditionnel, il y a de plus en plus de français d?origine étrangère c'est-àdire, des français de papiers.

Le lien entre SIDA et immigration est abordé sous l?angle des vulnérabilités spécifiques. Les migrations et la mobilité jouent un rôle important dans l?épidémie de VIH/SIDA. Mais leur interrelation est complexe.

Ce ne sont pas tous les migrants ni toutes les personnes en déplacement qui courent un risque particulier d?infection. Les liens entre mobilité et SIDA sont cependant évidents dans la majorité des régions du monde.28 Certains migrants viennent de pays où le taux de personnes infectées par le VIH est élevé. C?est le cas des personnes venant de l?Afrique subsaharienne.

Mais rappelons que la migration elle-même ne constitue pas un facteur de risque d'infection par le VIH, ce sont les conditions dans lesquelles les gens émigrent ainsi que les conditions de vie et de travail que ces personnes rencontrent dans le pays d'accueil qui les rendent extrêmement vulnérables au VIH.

26 http://www.invs.sante.fr/publications/sida3/rapport.pdf.

27Le rapport montrait que les étrangers représentaient 14% des cas cumules de sida de 1978 a 1998 soit une proportion deux fois supérieure à leur part statistique totale 6% selon l?INSEE.

28 http://www.iom.int/france/projets/mobilites/histo.html

Malgré cette publication tardive sur la situation des étrangers séropositifs en France, ce tableau qui suit montre bien l?existence d?un registre du nombre de cas de SIDA par nationalité depuis 1982.

On remarque dans ce tableau que les nouveaux cas de SIDA augmentent dans chaque nationalité jusqu?en 1990. Entre 1990 et 1994, le nombre de nouveaux cas de SIDA continue d?augmenter chez les sujets des pays d?Afrique subsaharienne et d?Afrique du nord, tandis que pour dans les autres nationalités, ce nombre à tendance à plus ou moins se stabiliser. Après 1994, on remarque que le nombre de nouveaux cas de SIDA diminue pour toutes les nationalités, mais ceci de façon très différente. Notons que les sujets de nationalités subsahariennes restent la population la plus touchée. Il faut préciser que cette déclaration ne prend en compte que la nationalité et non le pays de naissance du sujet, ainsi, les migrants ayant acquis la nationalité française sont donc exclus.

Tableau 1 : Nombre de nouveaux cas de SIDA chez les sujets de nationalité
Étrangère par année de diagnostic et par nationalité
Donnée redressées au 30/06/98- Source RNSP

 

Afrique subsaharienne

Afrique
du nord

Europe

Haïti

Amérique (hors

Haïti)

Asie

Avant 1982

4

0

1

7

2

1

1983

11

0

5

7

0

0

1984

14

7

4

19

7

0

1985

21

3

18

28

31

4

1986

34

19

50

41

24

9

1987

54

50

64

51

37

12

1988

74

93

89

46

38

15

1989

83

123

111

54

51

18

1990

119

150

138

71

61

31

1991

174

153

134

66

58

36

1992

211

161

141

76

54

20

1993

252

187

133

60

43

29

1994

304

199

116

102

51

37

1995

254

182

120

78

40

26

1996

234

122

108

57

36

18

1997

195

75

64

42

22

21

1er sem.

1998

85

43

21

13

19

4

8. Les acteurs de la lutte contre le VIH/SIDA à Poitiers

Plusieurs structures ont vu le jour afin de lutter contre la propagation du VIH/SIDA au sein de la ville. Ainsi, on compte le RPS86 qui est un collectif de partenaires oeuvrant dans la prévention du VIH/SIDA, des Hépatites et des IST. Les publics visés sont tous les groupes de population, mais le RPS86 a souhaité faire une priorité de certains groupes dans ses actions comme les personnes en difficulté socio-économique, les personnes migrantes, les adultes de 35 à 65 ans, les jeunes et les personnes en détention. Il est constitué d?acteurs institutionnels qui agissent tant sur le plan nation (CPAM (le Service d'éducation santé), le CIDAG et CIDDIST du CHU de Poitiers, Équipe de Prévention Spécialisée, Médecine Préventive Universitaire), régional (CRIJ, CHRS), départemental (Fédération des Centres Socioculturels de la Vienne, CREPS et Comité de la Vienne), et local (Collectif EKINOX, Résidence sociale «Le Local», le Réseau Ville-Hôpital de la Vienne*29, le Collectif L'Abri*, le CCAS de Poitiers, le CAP Sud).

Parmi ces acteurs on peut citer AIDES Vienne* qui est un acteur non institutionnel qui lutte contre le VIH sur le plan national.

Mais, on y trouve aussi le service de maladies infectieuses de Poitiers qui compte :

- 4 médecins* pour la prise en charge des patients

- Hôpital de jour qui compte 2 infirmières, une psychologue et si besoin une diététicienne.

29 * Pour mes recherches j?ai eu des entretiens avec ces acteurs.

II : Problématique

Les études sur la question du VIH/SIDA montrent que les femmes sont de plus en plus concernées par le problème de cette maladie. En 2009, l?Organisation Mondiale de la Santé a publié un rapport de santé intitulé «les femmes et la santé». Ce document examine l?état de santé des femmes dans les différentes régions du monde, il met en avant les disparités hommes-femmes en matière de santé et souligne aussi l?existence de déterminants biologiques et sociaux qui rendent les femmes plus vulnérables par rapport aux hommes vis-à-vis de l?infection au VIH et des infections sexuellement transmissible. Les conclusions montrent que le VIH/SIDA représente la première cause de décès et de maladie chez les femmes en âge de procréer dans les pays à faible revenu.

La DREES a publié en juin 2009 un rapport intitulé « La santé des femmes en France » 30, qui fait une synthèse des spécificités féminines en matière de santé. Ce rapport montre un pourcentage d?infection à VIH 3 à 8 fois plus important chez les femmes que chez les hommes. L?observation sur les 20 dernières années montre une augmentation progressive de la proportion de femmes diagnostiquées chaque année et un doublement entre 1987 et 2006 (de 14% à 31%).

Toujours selon ce rapport en 1994, il y a eu un pic du nombre annuel de cas de SIDA chez les femmes avec près de 1200 diagnostics, mais une diminution très importante a été observée en 1996 (environ 800 diagnostics) puis en 1997 (environ 500), du fait de l?introduction des traitements antirétroviraux hautement actifs (HAART). Depuis cette date, le nombre de cas féminins de SIDA n?a malheureusement que très faiblement diminué, alors qu?il a été divisé par deux chez les hommes.

Le rapport montre aussi que derrière cette diminution observée sur les dix dernières années se
cache une augmentation du nombre de cas de SIDA chez les femmes de nationalité étrangère
entre 1998 et 2002. En effet, depuis 2001, plus d?un cas sur deux de SIDA féminin est

30 Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité. (2009). Rapport "La santé des femmes en France".

diagnostiqué chez une femme de nationalité étrangère et les trois quarts d?entre elles sont originaires d?un pays d?Afrique subsaharienne. En 2006, l?incidence du SIDA est de 85 pour 100.000 chez les femmes africaines (contre 0,5 chez les femmes françaises), elles représentent 36% des découvertes de séropositivité au VIH. Parmi ces femmes, la moitié est de nationalité africaine avec une forte proportion originaire du Cameroun et de Côte d?Ivoire.

A Poitiers les données épidémiologiques montrent également que les femmes migrantes sont en majorité plus touchées que les femmes françaises31.

Comment expliquer ce phénomène, c'est-à-dire pourquoi il y a une augmentation de sérologie positive dans ce groupe de femmes (femmes d?Afrique subsaharienne)? Quel est le comportement des femmes migrantes face au VIH/sida ? Une analyse des modes de prévention qu?elles privilégient ou non est ici proposée à travers une étude de cas réalisée à Poitiers. Autour de cette problématique, il y a aussi la question du secret autour du VIH/SIDA. A qui ces femmes parlent-elles de leur séropositivité ? Quelle place accordentelles aux acteurs de la santé, mais aussi à tout le système mis en place pour la réduction des risques ? La question de la sexualité est taboue dans la population migrante, on ne parle pas de relation sexuelle au sein de la famille. Pourquoi donc parler de prévention puisque la première transmission du VIH se fait par rapport sexuel non protégé ? Ce cas concerne les personnes qui habitent au sein de leur famille. Avec toutes les coutumes, les traditions, certains sujets ne sont pas abordés entre parents et enfants. Mais quand ces femmes quittent leur famille et se retrouvent dans un pays européen, certains contextes font qu?elles sont plus enclines à parler de la sexualité.

Ceci peut être le cas des femmes migrantes qui comme expliqué plus haut, pour survivre se convertissent en travailleuses sexuelles afin de subvenir à leurs besoins. La question de la sexualité est «assez connue» d?elles, du moins de ce qu?elles en disent. Donc, insérer cette catégorie de personne dans mes recherches peut sûrement me permettre de comprendre la sexualité sans tabou auprès d?une population migrante assez indépendante (du point de vue sexuel). Pour plus d?informations sur cette population, les bases des données françaises fournies par l?OCRTEH (données approximatives, calculées sur la base des contrôles de papiers ou des arrestations, ou encore du fichage réalisé illégalement par les services de police), estime qu?il y a entre 15.000 et 20.000 personnes prostituées en France, et la

31 File active du RVH des personnes séropositives.

proportion des personnes étrangères se situe entre 60% et 70%. Elles sont notamment originaires d?Amérique latine, d?Afrique subsaharienne, d?Europe de l?Est, d?Algérie ou du Maroc et de Chine (elles habitent en particulier à Marseille, Avignon, Montpellier, Paris). Pour les deux villes d?étude (Toulouse et Lyon), on estime la proportion de migrant-e-s à 70% du total des personnes prostituées de rue, en majorité des femmes32.

Ainsi, suite à mes observations, je remarque que la majeure partie des prostituées à Poitiers sont des femmes migrantes. La prostitution pourrait titre un facteur de vulnérabilité comme expliqué plus haut. Etant donné que l?une des femmes interviewées et une ancienne prostituée, il serait donc intéressant d?approfondir un peu sur le sujet.

Mais ceci peut titre aussi le cas des femmes qui migrent afin de continuer leurs études universitaires on peut supposer que, vu leur niveau scolaire, ces femmes peuvent parler de la sexualité entre elles. Il ne s?agit pas ici de faire un lien avec les étudiantes qui peuvent se prostituer. C?est pour juste préciser qu?il y a une différence entre les femmes migrantes scolarisées et non scolarisées.

1. Objectifs de la recherche

Le travail réalisé est l?étude des représentations des rapports sociaux autour de l?infection du VIH/SIDA chez la population migrante plus précisément chez les femmes migrantes.

L?objectif principal de cette recherche est de comprendre le comportement des femmes migrantes face au VIH/SIDA à partir d?une analyse de leur mode de prévention face à cette maladie. L?autre objectif, c?est d?étudier les stratégies mises en oeuvre par ces femmes séropositives dans la gestion de l?information autour de l?infection et essayer de comprendre toutes les formes de représentations sociales que renferme cette maladie au sein de la population migrante.

32 Guillemaut F. (2005). ) FPPFifPiIED2Fi IFnjFR[ECFRI9SiCPPiF1àD9,+EFIEWDYLilXCREiF[F : stratégies et empowerment. Lyon : Cabiria.

2. Hypothèse de Recherche

Pour mon étude, plusieurs hypothèses sont établies afin de répondre à mes interrogations. L?un des premiers modes de prévention préconisé par les acteurs de réductions des risques est le port du préservatif pendant les rapports sexuels.

La fréquence de l?utilisation des préservatifs montre aussi que la protection n?est pas systématique, notamment dans le cadre de relations simultanées, ce qui représente un risque d?exposition au VIH.

On peut présumer que les femmes ont une moins bonne connaissance des modes de transmission et des stratégies de prévention du VIH/SIDA.

On peut aussi avancer que dans les pays d?accueil (pour les femmes qui ne comprennent pas bien la langue du dit pays), la langue peut être une barrière pour une bonne prévention auprès de ces femmes migrantes.

Il faut sûrement prendre en compte les rapports sociaux et les représentations relatives à la sexualité de ces femmes (place du préservatif, dépistage etc.) afin de mieux définir leur place au sein de tout ce système de prévention.

III : Méthodologie de recherche

La VIH/SIDA qui est maintenant devenue une maladie chronique avec laquelle on peut vivre assez longtemps depuis l?avènement des trithérapies reste toujours une maladie que l?on cache. C?est un sujet délicat dans lequel il faut savoir faire preuve de discrétion et de non jugement ce qui a rendu difficile mon travail de terrain.

En effet, confrontée d?un côté aux difficultés liées au secret autour de cette maladie et de toutes ses conséquences, ainsi que l?accès difficile à ma population d?études, il fallait trouver un moyen de se rapprocher de la population que je voulais étudier.

1. Le travail de terrain

Le meilleur moyen pour moi d?avoir le plus d?informations sur le contexte épidémiologique et la prise en charge des femmes migrantes séropositives fut tout d?abord celui de rencontrer les acteurs de la prévention. Après avoir contacté plusieurs personnes j?ai pu avoir cinq entretiens avec les acteurs qui soignent ou accompagnent des personnes séropositives. Puis pour recueillir des informations sur le vécu de la maladie et les pratiques de la prévention, j?ai pu réaliser trois entretiens avec des femmes migrantes positives au VIH.

Auprès des acteurs locaux mon travail de terrain s?est déroulé sur leur lieu de travail ou dans le local d?une association. Pour les femmes migrantes deux entretiens ont eu lieu chez elles, et le troisième a eu lieu dans un bus qui fait le trajet Poitiers-Nantes. Tous les entretiens ont durés entre 1h30 et 2h30.

Cette première démarche, c'est-à-dire celle de faire d?abord des entretiens avec les acteurs de la prévention, m?a permis de mieux diriger mes entretiens avec les femmes migrantes et donc de mieux aborder cette problématique. Mais, comme je l?ai déjà dit pour mieux aborder mon sujet j?ai dû repenser ma problématique dans le cadre de la prévention ce qui à mon avis a englobé tout les thèmes que je souhaitais aborder.

2. La population cible

Mon étude concerne les femmes migrantes positives au VIH résidentes à Poitiers. Le choix de cette population découle de plusieurs facteurs. D?un côté, elles sont positives au VIH, elles doivent lutter contre la maladie et de l?autre trouver des moyens de prévention afin de vivre avec la maladie au sein de leur communauté. J?ai donc décidé de faire des entretiens avec des femmes migrantes. Au cours de ces entretiens, le terme de prévention autour de l?infection VIH revenait le plus souvent.

Le nombre de femmes interrogées ne me permet pas d?avoir un échantillon représentatif pour une étude de cas. Cependant ceci est corrigé par d?autres procédés assez pertinents du point de vue de la qualité de l?information récoltée. Mon implication en tant que volontaire à AIDES, mes observations pendant les actions de réductions de risque auprès des migrants m?a permis d?échanger avec les migrantes, ainsi que tous les entretiens effectuées avec les acteurs de la lutte contre le VIH, et les bénévoles.

3. La documentation

Il s?agit de tous les écrits généraux et spécifiques qui traitent de l?immigration, de la santé plus précisément du VIH/ SIDA. Parmi ces documents on compte aussi les rapports de recherche, les comptes rendus de réunions, mais aussi les conférences auxquelles j?ai pu assister et qui m?ont permis d?enrichir mes connaissances. A l?issue de ces conférences j?ai pu échanger avec des personnes qui s?intéressent au domaine de la santé, j?ai donc pu constituer des documents oraux dans le sens où j?ai pu avoir des informations qui sont basées sur les connaissances personnelles et professionnelles de ce public.

Ainsi ce premier processus m?a permis de faire un état des lieux du travail qui a été effectué sur le VIH/SIDA, de travailler ma problématique et mes hypothèses.

4. Les observations

Les observations effectuées sont de deux types : d?un côté il y a l?observation participante et de l?autre l?observation non participante. Elles se sont déroulées dans les commerces où j?ai effectué des actions de réduction de risques en tant que volontaire à Aides, chez les personnes interviewées mais aussi dans le bus où a eu lieu le troisième entretien.

Ces actions se déroulent de la manière suivante : après que le référent de l?action migrante de AIDES ait élaboré un planning en accord avec les gérants des commerces migrants, les volontaires (au nombre de deux ou trois selon la taille du magasin) se rendent dans les magasins avec des outils de préventions qui sont : des documents sur le VIH/SIDA, des préservatifs féminins et masculins et du gel.

Le but de ces actions est de faire réagir les migrants, de saisir leurs connaissances et toutes les représentations qu?ils ont autour de l?infection du VIH/SIDA. Et surtout de faire une prévention auprès de cette population afin d?essayer au mieux d?apporter une connaissance sur les modes de prévention et de réduction de risque et essayer de faire "tomber toutes les représentations négatives sur la séropositivité"33. Chaque personne rencontrée avait sa propre manière de percevoir la séropositivité et donc cela a permis d?avoir des interactions enrichissantes avec ces personnes qui sont de près ou de loin concernées.

L?observation participante qui a eu lieu dans des commerces tenus par des migrants a été une occasion pour moi de voir les comportements des migrants en situations.

L?observation non participante a permis de saisir les interactions et les gestuelles des personnes. Le milieu dans lequel on se trouvait avait plus ou moins une influence sur les personnes rencontrées selon la fréquentation du lieu.

Pour mener à bien mes observations j?ai gardé en tête une interrogation à savoir comprendre les représentations sociales des migrants ainsi que les moyens qu?ils mettent en place pour leur prévention.

33 On ne peut pas prétendre changer toutes les représentations sociales que ces personnes ont de la séropositivité. Quand je parle de représentations négatives je veux parler de toutes ces représentations qui stigmatisent les séropositifs et qui font que ces personnes s?isolent ou change tout simplement de lieu de résidence.

5. Les entretiens

Les entretiens sont la base de mon travail de recherche, c?est à partir de là que j?ai pu analyser et comprendre les représentations sociales qu?il y a tout autour de la séropositivité. Elles m?ont aussi permis de corriger ma problématique et mes hypothèses. Cet outil m?a aussi permis de recueillir des informations précises sur des points clés de ma recherche.

Pour mener à bien mes entretiens, j?ai élaboré deux grilles d?entretiens, une destinée aux acteurs de la prévention, et une autre pour les femmes migrantes.

Avec les acteurs, l?entretien fut semi-directif, les informations récoltées sont regroupées en thèmes. Ces thèmes constituent les différents points sur que nous avons eu à aborder pendant les entretiens. A ce niveau, j?ai pu interroger des personnes qui venaient de différents milieux socioprofessionnels. Il s?agit de médecins, de bénévoles et salariés d?associations. Cette phase m?a ainsi permis de récolter des informations sur les parcours des personnes séropositives, sur la perception de la maladie, sur la gestion de l?information autour du VIH/SIDA et le mode de prévention.

Avec les femmes migrantes, les entretiens étaient libres mais j?avais quand méme élaboré une grille d?entretien en vue de recadrer si besoin l?entretien. Ainsi j?ai pu avoir le résumé de leur parcours de vie depuis qu?elles ont pris connaissance de leurs séropositivités. J?ai aussi eu connaissances de toutes les difficultés qu?elles ont eu à affronter au sein de la communauté dans laquelle elles vivent et de tous les moyens mis en place afin de mieux se protéger de la maladie mais aussi du comportement "négatif" de la communauté.

Il faut noter qu?en plus de ces trois entretiens, j?ai aussi utilisé d?autres témoignages qui figuraient dans les ouvrages mais aussi les interviews réalisées par d?autres chercheurs. Mais j?ai aussi pris en compte les discussions que j?ai eu à faire avec des personnes qui sont intéressées par le problème de la séropositivité. Ceci m?a permis de remédier à la faiblesse de ma population d?étude.

6. Les difficultés rencontrées

La première difficulté a été de trouver des femmes migrantes positives au VIH qui accepteraient d?avoir un entretien. Avec la spécificité du sujet et de la population étudiée, le thème de la séropositivité au sein de la population migrante n?était vraiment pas facile à aborder.

Ces femmes sont déjà confrontées à plusieurs difficultés, en plus de la maladie elles doivent aussi faire face au "regard des autres", vivre du mieux qu?elles peuvent au sein de la communauté qui a tendance à porter un jugement qui a pour conséquence de stigmatiser et de les discriminer. En plus de la fragilité sociale, elles sont aussi vulnérables économiquement. Donc parler de leur maladie c?est leur rappeler une douloureuse réalité.

Il fallait donc trouver la meilleure façon d?aborder le sujet tout en restant neutre et de faire preuve de non jugement.

La deuxième difficulté est le fait que je sois d?origine africaine, ces femmes craignaient que je puisse le divulguer au sein de la communauté. Je suis rentrée en contact avec ces femmes par l?intermédiaire d?autres personnes sauf l?entretien qui a eu lieu dans le bus. Ces femmes demandaient ma nationalité elles voulaient être sûres de ne pas avoir à faire à une compatriote.

Selon le milieu et le contexte les femmes se comportent différemment. L?entretien qui a eu lieu dans le bus fut moins douloureux que celui qui a eu lieu au domicile des femmes dans le sens ou cette femme a longtemps vécu en France est s?est donc "européanisée". Elle m?a alors parlé sans gêne de sa maladie, alors que les deux autres femmes qui sont vraiment ancrées dans leurs valeurs ont beaucoup plus de mal à parler de leur séropositivité et de tout ce qu?elles ont eu à subir.

Etre volontaire à Aides fut un avantage mais pendant mon enquête ce fut aussi une difficulté. Dans le sens où je suis impliquée en tant que militante pour la lutte contre le VIH/SIDA rester impartiale face à cela ne fut pas facile. Donc une grande difficulté de concilier le travail d?étudiant et celui de volontaire.

Deuxième partie :

Analyse et Interprétation Des Résultats.

I : Présentation des personnes interviewées

1. Les acteurs de la prévention

Dans le cadre de mon travail de terrain, j?ai eu à mener des entretiens avec des personnes venant de différents milieux professionnels. Je vais donc faire une présentation34 de ces acteurs ainsi que des structures dans lesquelles ils travaillent.

A l?association Aides, j?ai effectué un entretien avec le référent sur l?action auprès des personnes migrantes qui vivent dans la Vienne.

Aides est une association pour la lutte contre le VIH et les hépatites. Créée à Paris, elle existe depuis 1984. Elle a des délégations dans différentes villes de la France. Dans la Vienne, sa délégation date des années 1990. Au niveau des missions dans la délégation Aides, il existe un niveau accueil des personnes qui sont séropositives, mais aussi un niveau prévention. C?est dans ce dernier cadre que j?ai plus accentué mon entretien avec l?un des membres de l?association Aides.

Les observations participantes et non participantes ont aussi été effectuées avec cette association. L?entretien m?a permis de récolter le point de vue du référent migrant et comprendre aussi la complexité de la problématique sur le VIH et les femmes migrantes.

L?objectif du Collectif l?Abri est de promouvoir l?accès aux soins et aux droits sociaux des personnes se prostituant à Poitiers et dans les environs proches. Le but c?est d?aller à leur rencontre, faire de la prévention sur les infections sexuellement transmissibles et leur permettre d?accéder aux soins quand il y a besoin. C?est aussi une sorte de relais entre les structures existantes. Autre chose importante, c?est d?apporter aussi un peu de dignité humaine à ces femmes prostituées.

Le Collectif l?Abri existe depuis 2004 et comprend une vingtaine de bénévoles. Les actions
consistent à aller à la rencontre des personnes prostituées de manière visible, donc à Poitiers

34 Ces présentations proviennent des entretiens effectués avec ces acteurs.

c?est dans le quartier de la gare essentiellement. Ils font aussi des actions pour les personnes qui se prostituent de jour : ceci se fait en zone industrielle mais ces actions sont pour l?instant arrêtées. Dans le Collectif l?Abri chacun des bénévoles apporte sa pierre à l?action.

Ces actions se déroulent de la manière suivante : concrètement une fois par semaine, les bénévoles avec un ancien véhicule des pompiers vont à la rencontre des prostituées en apportant de la boisson, du café etc. cela dépend de ce qu?elles veulent pour établir un peu le lien et cela permet d?entamer la discussion et de répondre aux problèmes qu?elles ont ce soir là.

L?une des femmes interviewées est une ancienne prostituée, c?est la découverte de sa séropositivité qui l?a conduite à arréter la prostitution. En outre c?est en exerçant qu?elle a rencontré son copain et c?est lui (selon ses dires) qui l?aurait contaminée. Ainsi, l?entretien avec l?un des membres de cette association qui est en lien direct avec la prostitution permet d?analyser le vécu d?une des femmes interviewées. Mais, cela m?a servi aussi, lors de l?entretien avec cette femme, à bien choisir les mots qui ne blessent pas et comprendre aussi la prostitution non visible dans le milieu étudiant35.

Le Réseau Ville Hôpital (RVH) créé en 1994 à Poitiers a pour but de coordonner le maintient à domicile des personnes atteintes du VIH. L?objectif principal est vraiment la coordination médico-sociale de ses patients. Ici, j?ai eu un entretien avec l?infirmière coordinatrice du RVH, elle est donc la responsable de la structure à temps plein. Elle travaille avec une assistance sociale à temps plein, une secrétaire qui travaille à temps partiel et enfin des psychologues qui font des vacations. Depuis 2001, ce réseau prend en charge les personnes atteintes d?hépatite C et depuis l?année dernière toutes hépatites.

En résumé, cet entretien a permis de voir que les femmes migrantes d?origine sub-saharienne sont les plus touchées, et de comprendre aussi que la notion de représentation sociale du VIH à connotation négative pèse dans les communautés migrantes. Pour ces femmes, «plutôt mourir que de faire connaitre sa séropositivité».

L?association VIMA (vivre la migration autrement) a pour objet principal l?accompagnement social et économique des personnes migrantes installées dans la Vienne. C?est une association ouverte aux personnes de toutes origines, de toutes catégories sociales et

35 Voir partie présentation des femmes migrantes

qui a le souci de partager avec les migrants, ou avec les nouveaux arrivants son expérience de migrants et de personnes insérées. Dans ce cadre, ils ont plusieurs pistes de travail :

1) L?accompagnement au décodage culturel du nouvel environnement

2) L?accompagnement à la santé : ce qu?on appelle insertion par la santé

3) L?insertion par le travail.

Cet entretien est venu compléter les autres entretiens, et j?ai pu avoir un aperçu des difficultés auxquelles font face certains migrants mais aussi comment ils s?y prennent pour s?en sortir.

Et enfin, un entretien avec le pédiatre du CHU de Poitiers. Il prend en charge les femmes enceintes VIH en collaboration avec la gynécologie obstétrique, mais aussi les informe sur la prévention de la transmission mère et enfant d?une part, et d?autre part sur les caractéristiques des médicaments pris pendant la grossesse en particulier les trithérapies. Ceci surtout pour les personnes qui prennent pour la première fois une trithérapie afin de les informer que la prise de médicaments n?est pas anodine ; le risque d?avoir un enfant atteint est de 1%, sinon sans traitement c?est de 30%. Le médecin voit les enfants à la naissance et met en place des traitements pendant six semaines. Au bout de cela, il refait les examens aux enfants pour voir s?ils sont atteints ou pas. En général, ils ne le sont pas ; puis, une fois que c?est fait, il continue à les suivre. Le pédiatre n?annonce jamais le diagnostic puisque, quand ces femmes viennent le consulter, elles le savent déjà.

Cet entretien m?a permis d?avoir un avis médical sur le VIH/SIDA, mais aussi comprendre les enjeux qu?il y a tout autour de cette maladie. Il y a une féminisation de la maladie mais il y a de plus en plus de jeunes femmes migrantes qui sont touchées par cette maladie.

Les acteurs de la prévention reçoivent tous les migrants VIH ou hépatites qui sont de deux grandes catégories : ceux de l?Afrique subsaharienne (des Guinéens, Camerounais, Ivoiriens etc.) qui sont majoritaires à Poitiers et des migrants qui appartiennent à l?ancien bloc des pays de l?Est. Ils rencontrent beaucoup plus de femmes que d?hommes. Elles sont parfois très jeunes, surtout celle d?origine subsaharienne. La transmission du VIH/SIDA est différente selon l?origine des pays : c?est plus liée aux pratiques sexuelles pour les africains et à la toxicomanie pour les personnes venant du bloc de l?Est.36

36 File active 2009 du RVH des personnes séropositives de Poitiers.

2. Les femmes migrantes

Tableau 2 : Identification des femmes interviewées.

 

Age

Niveau d'instruction

Nationalité/origine

Profession

Situation matrimoniale

Année du

diagnostic

Nombre d'enfants

Mary

37

Secondaire

Française/Nigériane

Aucune

Veuve

2001

2

Fatoumata

25

Supérieur

Guinéenne

Etudiante

Célibataire

2010

Enceinte

de son premier enfant

Lydia

28

Supérieur

Camerounaise

Aucune

Divorcée

2008

0

Source : enquête sur le terrain, Avril 2010, JFM.

Ce tableau donne quelques informations sur les caractéristiques des femmes interviewées dans le cadre de mon étude. Par souci de confidentialité les noms des femmes sont modifiés. Les femmes interrogées sont au nombre de trois, et elles viennent toutes de différents pays d?Afrique subsaharienne. Deux d?entre elles se connaissent : la Guinéenne et la Camerounaise. Les femmes rencontrées sont plutôt jeunes.

Du point de vue administratif une femme sur trois a acquis la nationalité française et les deux autres sont des immigrées étrangères.

Concernant les conditions socio-économiques, je constate que deux personnes sont sans profession et l?une poursuit des études. Le niveau d?instruction montre que les plus jeunes ont un niveau d?étude supérieur alors que la plus âgée a un niveau secondaire.

Sur les trois femmes l?une est veuve, l?autre célibataire et l?autre divorcée. Par ailleurs, je constate que dans cet échantillon la découverte de séropositivité ne date que des années 2000. Date à laquelle les recherches sur le VIH/SIDA avaient déjà considérablement évoluées. Les entretiens avec les femmes migrantes furent très difficiles surtout pour Fatoumata qui venait d?apprendre sa séropositivité. Malgré le fait que ces femmes ont au minimum 5 ans de résidence en France, il y a toujours ce sentiment de gêne, il y a une grande difficulté pour ces femmes de parler de leur séropositivité, surtout si c?est avec une personne africaine comme elle. En exemple, pour Mary c?est presqu?au bout de trois mois que j?ai pu avoir un entretien avec elle.

II : Trajectoire des femmes séropositives

L?étude des trajectoires a permis de comprendre le vécu de ces femmes au sein de la société dans laquelle elles vivent actuellement. A travers les parcours migratoires une comparaison peut être faite entre ces femmes afin de comprendre les différentes conditions et trajectoires où celles-ci ont migré, ainsi que les conséquences de la séropositivité sur leur vie.

Pour celles-ci, l?objectif premier est d?où elles viennent et leur vie en France. On comprend ainsi à travers leurs témoignages que la vie d?une personne n?est pas une suite linéaire, mais se compose de plusieurs séquences et positions sociales qui s?entremêlent. Leur niveau de vie dans leur pays d?origine et celui qu?elles ont, une fois arrivées en France sont très différents.

Ces femmes racontent leur vie comme une sorte de "roman photo" à partir du moment où elles ont appris leur séropositivité. En effet, c?est à partir de ce moment là que tout a basculé. La honte, l?exclusion et la discrimination deviennent de plus en plus déroutantes dans leur vie. Ainsi, un retour au pays d?origine dans leur situation actuelle n?est pas envisageable.

1. Les malheurs de Fatoumata

Fatoumata est arrivée en France dans le but de poursuivre ses études à l?université de Poitiers. Très vite elle se retrouve confrontée à la dure réalité de la vie en France. Chez elle en Guinée, elle vivait dans une famille qui est à l? abri du besoin, malgré tout, sa famille tenait à ce qu?elle vienne poursuivre ses études en France ce qui se trouve être un luxe. Arrivée à Poitiers à l?age de 22 ans elle a du mal à s?habituer au rythme de vie européen, c'est-à-dire celui du « chacun pour soi ». Elle est habituée à être encadrée chez elle, à ne pas travailler ni à se soucier de ce qu?elle va manger. Dans l?incapacité d?avancer dans ses études, elle a du mal à trouver du travail et donc à subvenir à ses besoins, ce qui la pousse à se prostituer afin d?avoir de quoi manger. Dans ce mode de vie, elle rencontre un homme avec lequel elle décide de faire sa vie. Par amour elle accepte d?avoir des relations sexuelles sans préservatif, elle se

retrouve enceinte et c?est là qu?elle apprend sa séropositivité à Lyon où elle était allée rendre visite à une amie française qui ne connait aucun membre de sa famille.

Cette annonce de séropositivité a bouleversé le cours de sa vie. En effet, cela n?a fait qu?augmenter la précarité dans laquelle elle se trouve. Le "qu?en dira-t-on" lui fait beaucoup de peine et cela ne fait que l?enfoncer de plus en plus. En plus de cela, le fait de ne pas pouvoir en parler avec un membre de sa famille n?arrange pas les choses. Il y a donc une grande peur de stigmatisation au sein de sa famille au point de ne plus se soucier de son enfant ou de sa propre santé. Donc, à l?annonce de sa séropositivité, ses premières pensées furent pour les membres de sa famille, ensuite la communauté dont elle est originaire à Poitiers.

«ntes parents étaient persuadé que venir en France c'est le paradis sur terre j'en étais moimrme convaincue. La première année fut comme ci comme ca jusqu'à ce que mes parents cessent de m'envoyer de l'argent, il fallait donc que j'agisse. Maintenant, je suis enceinte sans un sou en plus de cela je n'ai pas pu supporter les études ici et je suis séropositive. Le pire c'est que je ne peux mrme pas en parler à ma famille. On a beau dire que rtre séropositive ce n'est pas la fin du monde mais crois moi autant mourir que de vivre cela. Je ne sais plus quoi faire, je ne pense même pas garder ce bébé. Il faut que je fasse quelque chose.»

Sa plus grande crainte c?est que cela se sache. En résumé, pour Fatoumata, il est hors de question de dévoiler sa séropositivité ; ça serait la fin du monde «autant mourir que de vivre cela».

2. L?ascension et la chute de Mary

Après avoir passé son brevet à 18 ans, Mary avec le consentement de ses parents décide de se marier avec son fiancé de 5 ans son ainé. Elle arrive en France dans le but de continuer ses études, avant de fonder une famille. Mais l?histoire se déroule autrement : à peine arrivée, elle tombe enceinte et met des jumeaux au monde. Elle obtient sa carte de résidente renouvelable chaque année, quatre ans plus tard elle obtient une carte de dix ans et six ans

après obtient la nationalité française. Le temps passe, elle n?arrive pas à continuer ses études, ainsi, afin d?occuper ses journées elle décide de trouver un petit travail qui lui permettra de subvenir à ses petits besoins. Tout se passe pour le mieux dans son foyer financièrement et socialement, elle est entourée de sa famille et des membres de sa communauté à Poitiers.

Son mari tombe malade et meurt d?une courte maladie. Les rumeurs commencent alors sur la tragique mort de son mari. Elle voit les personnes qu?elle considérait comme ses amis détourner les yeux à son passage. Elle décide alors d?aller faire un séjour chez elle au Nigeria avec ses enfants. Quelques jours après son arrivée elle tombe malade, ses parents accusent les sorciers de vouloir manger leur enfant par jalousie. Elle décide de revenir en France afin de se faire soigner. Son médecin lui demande alors de faire des examens de sang, c?est là qu?elle découvre sa séropositivité, tout son monde s?écroule à ses pieds.

Venue en France dans le but d?améliorer sa vie et de manquer de rien, elle se retrouve malade sans un sous. La chance qu?elle ait eu (selon elle) c?est qu?elle a la nationalité française, qu?elle vit en France et que très vite elle a appris à ne compter que sur elle et non sur les membres de sa communauté.

« J'ai connu ma séropositivité suite au décès de mon mari, je ne sais pas à quel moment j'ai été contaminée il était si bon avec moi. C'est quand le malheur frappe à ta porte que tu vois tes vrais amis. Quand le médecin me l'a dit ma première pensée fut pour mes enfants je me suis dit que je vais mourir et les laisser orphelins. Mais très vite j'ai appris à vivre avec la maladie, à me battre, à ne pas écouter ce que les autres disent à mettre toutes les représentations sur la maladie dans un sac (rire). Et crois moi ces représentations ça nous ronge et nous tue à petit feu.»

L?annonce de sa séropositivité lui a fait prendre conscience de la difficulté de vivre avec cette maladie au sein de sa propre communauté. Mais ceci dit dans son cas, cela l?a rendu plus forte et lui a donné la force de se battre et d?aller de l?avant. Ses enfants, sa famille lui donnent le courage et la force de toujours continuer le combat.

3. Lydia et les papiers

Après 5 ans de mariage, le mari de Lydia décide d?épouser une seconde femme, celle qui lui permettra d?avoir des enfants (Lydia n?en a pas eu). Elle décide de reprendre ses études afin de trouver un bon travail. C?est ainsi qu?elle divorce de son mari après avoir obtenu une admission dans une université en France. Après cinq ans, elle obtient avec succès sa maitrise en Economie et Gestion. Elle décide de s?installer en France et de trouver du travail. Confronté au problème des papiers, elle se réinscrit dans une autre filière. Mais les choses s?aggravent Lydia tombe gravement malade. C?est en faisant un bilan de santé qu?elle apprend sa séropositivité. Elle soupçonne son ex mari de l?avoir contaminé ; le seul problème c?est qu?après lui, elle a connu plusieurs partenaires en France avec lesquels elle a eu des relations sexuelles sans protection. Donc, elle ne peut définir l?origine de sa contamination et pourtant, c?est ce qui compte le plus pour elle.

L?absence de papiers lui pose beaucoup de problèmes entre autre les soins, les refus de certains médecins de la soigner à cause de l?AME ceci ne fait que rajouter une autre précarité.

«En France sans papiers, même un animal a plus de valeur que toi. Je pensais que le fait d'rtre séropositive aurait facilité ma situation mais avec toutes les lois qui changent chaque nuit on ne sait plus où mettre la tte. Là, j'ai un titre de séjour de trois mois, qu'est ce que je peux faire avec cela. Je suis obligée de vivre chez qui le veut bien. Dès que les personnes chez lesquelles je vis se rendent compte que je suis malade, je vois immédiatement un changement de comportement. Mais bon pour le moment c'est le cadet de mes soucis, je cogite sur l'origine de ma maladie et bien sr à quand ma régularisation définitive. Mais les personnes qui m'aident dans la ville où je me fais soigner me font garder espoir. De toutes les façons en bonne africaine l'espoir fait vivre. Donc, je garde la foi (rire).

La précarité et les problèmes de papiers l?a pousse à aller vivre dans différentes villes. De Paris, elle est allée à Marseille puis à Strasbourg ensuite à Poitiers. Actuellement, elle songe à déménager sur Nantes, elle pense que les membres de sa communauté sont au courant de sa maladie pourtant elle a toujours pris soin de ne jamais faire ses soins dans la ville où elle réside. Dans la difficulté d?en parler avec ses amis, elle se tourne donc vers les associations

qui ont eu une place importante dans sa vie. Elle préfère avoir à faire à des personnes inconnues qu?aux personnes de son propre milieu.

4. Analyse

Ce qui est "intéressant" ici c?est de voir l?impact du VIH/SIDA sur leur vie, la redéfinition de leur parcours de vie, et les mobilités qui en découlent, une remise en question de leur situation de femmes migrantes et toutes les difficultés qui se rajoutent à la situation de précarité dans laquelle elles vivent déjà.

En gros, c?est le parcours du combattant. Vivre, se battre, affronter le regard des autres sans pour autant perdre sa dignité. Dire sa séropositivité ou pas, est-ce qu?un retour dans le pays d?origine est envisageable tout en ayant un sentiment d?échec vis-à-vis de sa famille? Beaucoup de questions qui se bousculent dans la tête d?où la difficulté de voir par où commencer.

Etant donnée le faible échantillon de mon étude, je vais me baser sur un article qui souligne les différentes typologies des chemins migratoires des femmes migrantes.

Dolores Pourette37, fait une typologie des chemins migratoires des femmes qu?elle a pu rencontrer au cours de son enquête. Ainsi, elle les classe en trois catégories :

· Celles qui ont été diagnostiquées positives au VIH en Afrique et qui sont venues en France pour un traitement médical.

· Celles qui ont connu leur séropositivité une fois arrivées en France et qui ont immigré pour raison économique ou politique.

· Et le dernier groupe, celles qui ont immigré depuis les années 70, 80 ou 90 pour raison familiale (regroupement familial, mariage avec un français) ou pour les études.

37Pourette D. (2008).Migratory Paths, Experiences of HIV/AIDS, and Sexuality: African Women Living with HIV/AIDS in France. Feminist Economics, n° 14, p149 à 181.

Les femmes que j?ai eues à interviewer se retrouvent bien dans cette étude, elles sont plus situées dans le dernier groupe. Elles ont toutes appris leur séropositivité en France pendant le début d?une grossesse, à la mort d?un partenaire ou à la suite d?une courte maladie.

L?annonce de la séropositivité a changé le cours de la vie de ces femmes. Elles commencent une nouvelle vie avec une maladie qui reste toujours un sujet très tabou au sein de la société. En résumé, le VIH/SIDA a bouleversé la vie de ces trois femmes. Après l?annonce de la séropositivité, elles ont dû trouver une stratégie afin de survivre. En général, les premières pensées vont vers la famille, dire ou ne pas dire leur sérologie pour celles qui sont célibataires et sans enfant. Pour celles qui sont enceintes c?est comment préserver la santé de l?enfant.

Fatoumata, qui est arrivée en France dans le but de poursuivre ses études, à un sentiment de honte, de gene et surtout d?échec. Venue en France pour avoir des diplômes, elle se retrouve malade, enceinte et sans diplôme. Ce qui la condamne à ne plus rentrer au pays du moins pas pour le moment. Lydia n?a plus d?autre choix que de trouver une stratégie (si elle veut continuer à se faire soigner, sans se sentir discriminée), que de se faire régulariser.

Certes leurs parcours migratoires diffèrent et selon la situation dans laquelle elles se trouvent, ces femmes vont employer des stratégies différentes. Mais ces femmes sont d?accord sur un point : le fait qu?elles aient appris leur séropositivité en France c?est, comme elles le disent «moins douloureux moralement». Puisqu?ici, elles ont la possibilité de changer de ville et de le dire à qui elles le veulent. Et grâce aux associations, c'est-à-dire à des inconnus elles vivent mieux leur situation. «Rien n'est jamais facile ou acquis il faut toujours continuer à se battre, plus facile à dire qu'a faire». (Fatoumata).

Ce qu?il y a aussi en commun entre ces femmes, c?est le rapport qu?elles ont avec le milieu hospitalier. Le VIH/SIDA étant une maladie qui nécessite un traitement à vie, ces femmes ont une relation particulière avec le médecin ne serait-ce que pour le bilan de santé, le renouvellement du traitement etc. et surtout la confidentialité et le secret médical auquel le médecin est tenu même si elles rencontrent quelques difficultés. Les femmes que j?ai eu à interviewer ont toutes exprimé leur reconnaissance à leur médecin. Ceci les a aidés à mieux supporter la maladie. Ne pas se sentir rejetées dès la première fois donne une certaine "motivation".

«Mon médecin m'a redonné confiance en moi, c'est grace à ses conseils et bien sûr aux aides d'une association de sans-papiers j'ai eu une autorisation provisoire de séjour de trois mois. C'est vrai que c'est un papier temporaire, je suis en bonne santé, je suis bien mes traitements, et je sais que si j'ai un souci j'ai juste à aller voir le médecin. Maintenant j'espère que la

préfecture me donnera un papier de résident d'au moins un an ce qui est déjà pas mal. Mais iifaut tout d'abord que je finisse mon déménagement : les gens de ma communauté me disent que je fréquente trop l'hôpital». (Fatoumata).

III : Perception du VIH/SIDA

Le travail de terrain a permis de voir que malgré toute l?évolution de la médecine pour vaincre le VIH/SIDA, avec l?avènement de nouvelles trithérapies et la longévité des personnes séropositives, cette maladie reste encore de nos jours un tabou au sein de la communauté migrante et voire même déniée. Il y a des formes de représentation tellement négatives autour de cette maladie, que les personnes qui se retrouvent séropositives n?en parlent pas autour d?elles. Malgré la connaissance qu?elles ont de plus en plus de la maladie, de leur proximité avec les acteurs de la santé et des associations qui se mobilisent afin d?aider ces femmes à mieux vivre avec leur maladie.

La coordinatrice du RVH ainsi que les autres acteurs de la prévention, s?accordent à le dire :

«Mais effectivement ça reste tabou puisque, c'est lié au sexe et au sang, ce sont les deux choses les plus difficile à toucher. Les patients, en général, sont au courant de la maladie. Au niveau des migrants il y a d'autres enjeux qu'on ne maitrise pas, comme une de nos patientes qui ne prenait pas ses médicaments, alors elle apprenait ses traitements par coeur et tout cela pour ne pas se faire remarquer dans la société. On rencontre des personnes qui sont vraiment enfermées dans leur culture et on n'a pas réussi à les en faire sortir. Cette femme disait toujours qu'elle avait été puni par le bon Dieu parce qu'elle était venue en France et c'est pour cela qu'elle ou ses enfants étaient malade». (Coordinatrice RVH).

Ce qu?il en ressort dans les entretiens avec les acteurs de la prévention, c?est que les femmes migrantes ont une certaine perception de la maladie par exemple, on peut transmettre cette maladie dans le simple regard, "si on est malade toute notre vie est fichue en l'air", être séropositif signifie vivre caché et vivre mobile. La mobilité, c?est quelque chose de fondamental dans leur combat contre la discrimination et l?exclusion. Ceci ressort dans les entretiens effectués avec les femmes migrantes.

Mais cette perception de la maladie est souvent liée à celle qui se trouve au sein de la
communauté où ces femmes vivent. Ces femmes ont une grande difficulté à exprimer leur

ressenti par rapport à la maladie. Cela devient un poids qui engendre pour elles des conséquences sur leur vie.

En revanche, les femmes migrantes interviewées n?ont pas cette perception de la maladie. Elles savent que la transmission ne se fait pas par le simple regard, elles ont une vision un peu plus médicale sur la transmission de la maladie. Mais, leurs attitudes rejoignait celles décrites lors des entretiens par les acteurs de la prévention : etre séropositive, c?est avoir sa vie gâchée. C?est ce que je vais tenter d?expliquer dans la partie qui suit.

1. 7 LRXYTLRI sRXLFTRWCITFtiRC

Dans les entretiens effectués tant avec les femmes migrantes, qu?avec les acteurs de la prévention ainsi, qu?avec les personnes concernées par le VIH, je remarque qu?il est important pour ces femmes de connaitre qui les a contaminées. C?est un facteur très important dans la suite qu?elles pourront donner à leur maladie et à leur vécu. C?est un apaisement de savoir qui leur a transmis la maladie même si cela ne changera pas grand chose. Le problème qui se pose, c?est qu?elles ne peuvent pas en parler avec les personnes concernées. Comme au sein de la communauté les rumeurs vont bon train, elles se disent que tôt ou tard elles finiront par le savoir.

Lydia et Mary ont dit savoir qui les a contaminées mais, il y a quand même un doute qui plane. Par contre, Fatoumata ne peut accuser celui qui l?a mise enceinte d?autant plus que ce dernier est séronégatif. Il y a une certaine angoisse qui plane sur elle. Le fait de ne pas savoir qui l?a infectée est une torture pour elle. C?est aussi l?une des raisons qui fait qu?elle n?oserait jamais le dire à ses parents.

Le SIDA est perçu comme un malheur, un stigmate, une source d?exclusion. C?est la combinaison de tous ces maux qui font que ces femmes veulent vaille que vaille connaitre l?origine de leur maladie.

Lydia, Mary et Fatoumata sont des femmes qui ne croient pas aux phénomènes de sorcellerie. Les femmes migrantes qui vivent en France qui ne savent pas lire et qui ont du mal á parler le français ont tendance à chercher des éléments d?explication plus dans le mystique que dans la science.

Je remarque donc, deux rapports avec l?infection du VIH : il y a d?un côté l?explication scientifique et de l?autre, l?explication traditionnelle. Cette dernière n?est pas toujours vérifiée, ce sont juste des suppositions.

2. Le VIH/SIDA une maladie qui ne se dit pas

«La séropositivité est vécue par beaucoup de femmes dans une grande solitude, trop souvent dans le secret et la honte. La peur du jugement des autres, de la perte de ses enfants, de sa position dans la famille ou dans la société, constituent autant d'obstacles qui rendent parfois l'accès aux soins, aux droits sociaux et mrme aux associations plus compliqué pour les femmes que pour les hommes» (Femm'info).

Dire qu?on est séropositif au sein de la communauté dans laquelle on vit n?est pas toujours évident. Ces femmes le disent à leur entourage la plupart du temps quand elles n?ont plus vraiment le choix. Le cas des femmes qui apprennent leur séropositivité lors de leur grossesse et qui sont en couple, n?ont pas le choix que de le dire à leur mari et ceci surtout à la naissance de l?enfant. Celles qui sont célibataires et qui vivent loin de la famille font généralement le choix de ne pas le dire á leur entourage. Toutes les femmes interviewées ont changé au minimum une fois de ville. C?est surtout le "qu?en dira-t-on" qui pousse ces femmes á ne pas révéler leur séropositivité. C?est comme le cas de Mariam, quand la communauté a su sa séropositivité, elle s?est laissée mourir ; le fait que cela se sache lui était insupportable. Et même son conjoint qui est négatif est ostracisé dans la communauté, il est rejeté, il est mis au banc. Donc, il faut vraiment que ces femmes pèsent le pour et le contre avant de dire ou pas sa séropositivité.

«Pendant longtemps, je n'ai parlé de ma maladie à personne, par peur des réactions de rejet». (Alphonsine dans Femm'info).

«Les gens qui ne connaissent pas le SIDA pensent que la vie des personnes touchées est finie.

Ils ne veulent pas discuter avec toi, ils ne veulent pas marcher avec toi...» (Georges Weah dans Remaides 2005).

Ces femmes en parlent seulement à leur mari ? «Surtout pas à leur entourage, ça j'en suis stir à leur mari quelque fois mais pas toujours ou quand elles n'ont plus le choix. Les femmes n'ont pas besoin avec moi d'exprimer un besoin de confidentialité puisque, je le dis d'emblée. J'insiste énormément à la naissance de l'enfant ; on s'arrange à ce que ça ne soit pas marqué sur les carnets. Donc voila ! Le sujet est tabou au sein de la société, oui ça dépend des groupes mais, actuellement, c'est mal vu par rapport à un cancer. Dire qu'on a le VIH c'est dur en général, c'est dur meme pas que dans la communauté migrante» (Michel Berthier pédiatre au CHU de Poitiers).

Les entretiens avec les acteurs de la prévention et les entretiens avec les femmes migrantes ont permis de faire une comparaison entre les femmes. De ce fait, malgré le fait qu?il y ait toujours ce tabou, les acteurs de la prévention ont remarqué qu?il y avait une perception différente du VIH selon le niveau d?éducation des personnes.

Les femmes les plus jeunes et qui ont été scolarisées, rencontrées à l?annonce du diagnostic, réagissent comme des "européennes". C'est-à-dire qu?elles savent si elles sont séropositives, que ce n?est pas dil à un mauvais sort ou à un malheur. Mais c?est dl au fait qu?à un moment de leur existence, il y a eu une prise de risque. C?est le cas de toutes les femmes avec lesquelles j?ai eu des entretiens, elles ne m?ont jamais affirmé etre victime d?un mauvais sort ou d?une punition du bon Dieu.

En revanche, comme toutes les autres personnes de leur communauté, il est hors de question de le dire, que cela se sache, pour éviter toute éventuelle exclusion et cela tout en vivant en Europe. Ce qui signifie que ces femmes malgré leur niveau d?instruction avancé, et malgré le fait que cela fait au moins cinq ans qu?elles ont quitté leur pays d?origine, gardent toujours cette notion de rejet et d?exclusion si elles annoncent leur séropositivité et ceci, quelque soit l?endroit où elles se trouvent.

Donc, ce n?est pas parce que ces femmes ont quitté leur pays d?origine, qu?elles sont forcément plus à l?abri des regards, des remarques ou de l?exclusion, de la solitude etc. Au contraire, tous les stigmates laissés au pays se retrouvent ici de toutes façons quelque soit l?endroit où l?on se trouve, on garde plus ou moins sa culture.

«Quand je suis venue en France, je ne savais pas que exclusion et stigmatisation avaient pris l'avion avec moi» (Femm'info).

Alors que la famille constitue le premier refuge en cas de problème, dans le cas du VIH SIDA, elle ne constitue pas le premier lieu vers lequel on se tourne. Au contraire, c?est surtout le lieu à éviter. Vu que le VIH est lié aux rapports sexuels la personne séropositive devient une source de honte pour la famille cette personne est considérée comme déviante.

Dans le cas des femmes prostituées c?est un peu plus compliqué .Il y a une double honte chez elles. Elles se prostituent d?une part et elles sont malades de l?autre.

Fatoumata qui est venue dans le cadre de ses études se prostitue afin de subvenir à ses besoins mais aussi, dans l?espoir de trouver un homme avec lequel elle passera le reste de sa vie. Aucun des membres de sa famille ne sait qu?elle vit cette situation. Au niveau des études, elle n?arrive pas à aller de l?avant. Donc, elle a une précarité sociale mais aussi économique. Pour l?instant, elle arrive à faire renouveler ses papiers mais elle sait que tôt ou tard, elle connaitra cette situation de sans-papiers. Il fallait ainsi trouver une nouvelle stratégie afin de ne pas se laisser dépasser par le temps.

Elle sait qu?il y a des maladies sexuellement transmissibles mais elle était sûre de ne jamais "se faire avoir". Certes, elle a connu des difficultés avec ses partenaires pour l?utilisation du préservatif mais elle a toujours su les convaincre d?en mettre.

«Quand on vient ici, on nous demande de nous intégrer. On vient pour les études certes, mais on fait tout pour nous mettre les b~tons dans les roues Je n'accuse pas tout le système, j'ai aussi une part de responsabilité mais ici, le simple fait d'itre migrant qui est défavorisant. On vient d'un pays ; mais, tu t'imagines, tu quittes ton pays, tu viens dans un autre afin d'améliorer ton niveau d'insertion et pourquoi pas devenir cadre un jour. On quitte l'Afrique avec une image extraordinaire de l'occident mais la réalité est tout autre. Tu quittes sans I

rien mais tu rentres encore plus démuni. C'est triste à dire mais c'est la vie ; le pire, on ne peut même pas en parler à ses propres parents tellement que cette maladie a été stigmatisée. On essaye de survivre comme on peut J'ai fait le choix de me prostituer, je ne suis pas la seule étudiante à le faire, j'ai dit à mes parents que je fais du baby-sitting. Comment leur dire le contraire. Je sens déjà le regard de culpabilité de honte et de gêne posé sur moi. ».

Ce récit montre que dans le cas de Fatoumata, elle cherche toujours une causalité à sa situation de séropositive. Elle n?hésite pas à accuser le système qui, selon elle, est très souvent défavorisant.

3. Analyse

Je peux souligner une certaine contradiction dans le discours de Fatoumata : d?un côté, elle dit avoir eu la chance d?être tombée sur un bon médecin et de l?autre, accuser le système d?être en partie responsable de ses malheurs. Elle fait une distinction, d?un côté, elle met le médecin et les associations et de l?autre côté elle met le système administratif à part.

«Dans le système administratif de la santé il ya rien à dire ; il est défaillant. Bon, je parle pour moi (silence), certes il y a l'AME qui est mis en place pour les personnes sans papiers mais bon on te retarde tellement, que finalement tu ne sais plus quoi faire. Je te dis et je te le redis, être étranger amène déjà une précarité. Maintenant, il y a quand même tout un système qui est mis en place pour venir en aide aux migrants Mais, je pense qu'il y a un certain discours qui est quand même défavorisant et en plus, ce que je trouve dommage, ce sont les remarques qui tuent provenant de certaines personnes du corps médical. En tout cas, il y a une grande différence entre mon médecin et les gens que j'ai rencontrés au sein des associations Ils m'ont aidé, ils ne m'ont pas jugé, ils m'ont pris telle que je suis venue. Une fois je suis allée accompagner une amie à la préfecture ; si tu voyais comment ils l'ont renvoyé chez elle. C'est fou après cela tu as la haine. Un jour, un laboratoire et une pharmacie ont refusé de s'occuper de moi soit disant que j'ai l'AME et qu'ils ont toujours des problèmes avec l'AME des étrangers sous entendue nous les personnes migrantes Moi, je dis

il faut repenser le discours émit, peut être faire une prévention par les migrants eux-mêmes en gros au lieu de nous donner le poisson qu'on nous apprenne à prcher le poisson.»

Ce récit montre que Fatoumata croit aux systèmes de santé et à tout ce qui est mis en place afin de les aider à mieux vivre leur séropositivité. Mais d?un autre côté, il suffit qu?elle soit confrontée à une difficulté pour mettre tous ses «malheurs» sur le système de santé et le service administratif.

Alors qu?on pourrait penser que les femmes migrantes une fois leur séropositivité connue se préoccuperait de leur santé, ces femmes pensent en tout premier lieu à l? origine de leur contamination, et ensuite à tout ce que la maladie engendre (exclusion, discrimination, mobilité etc.). L?accès aux soins est quelque chose qui vient en dernier lieu. Ce n?est pas une priorité chez ces femmes contrairement à ce qu?on pourrait croire. Généralement, ces femmes n?arrivent pas à déterminer exactement l?origine de leur contamination, mais elles continuent à vouloir la trouver. Ce n?est qu?une fois qu?elles arrivent à comprendre comment vivre au milieu des gens de leur communauté avec leur séropositivité et avoir une situation qu?elles appellent «normale» c'est-à-dire avec régularisation des papiers, trouver un bon logement etc. c?est seulement là, qu?elles pensent à leur santé. Dans le cas de Fatoumata, elle est un peu désemparée entre s?occuper de la santé de son enfant et trouver un lieu où rester sans que sa séropositivité ne soit jamais connue.

Hormis le fait que le VIH/SIDA est perçu comme un stigmate, une exclusion, source de mobilité, c?est aussi perçu comme un malheur et une honte mais renvoie aussi une certaine image négative de soi.

C?est un malheur puisque, cela les revoit à une situation d?impuissance. C?est une fatalité, ces femmes savent qu?elles ne vont pas guérir de la maladie. Il y a bien sür les traitements efficaces qui permettent de vivre plus longtemps avec la maladie et ne pas atteindre le stade du VIH/SIDA mais le malheur est souvent plus associé à une souffrance morale. Morale, parce que ces femmes sont le plus souvent confrontées à un silence : c?est un lourd poids pour elle. Le fait de ne pas dire leur séropositivité les travaille psychologiquement donc, le SIDA est un malheur, il renvoie très souvent un discrédit sur les personnes séropositives.

C?est une honte puisque, la personne qui est malade du SIDA au sein d?une famille véhicule une mauvaise image de la famille. La famille dont est issue la personne est mal vue au sein de la communauté dans laquelle elle vit. La famille préfère exclure la personne déviante que de la garder au sein de la famille. Etre porteur du VIH, c?est forcement avoir eu une débauche sexuelle. C?est source d?exclusion au sein de la famille qui est l?une des plus grandes punitions pour un être humain. Ce témoignage illustre bien ces propos.

«La plus grande douleur est de ne pas avoir d'amis, d'ame soeur. Pour nous, la clé c'est la notion de honte. Si vous faite honte à quelqu'un c'est très grave. La personne qui a le SIDA n'est pas un individu isolé, elle appartient à un clan, à une tribu, et finalement à une société. Et sa propre honte rejaillit sur le reste de la famille. La cause de la maladie étant souvent liée au sexe, la principale réaction est : "C'est toi qui l'a cherché, c'est toi qui va payer". Donc la famille te rejette..Et la plus grande punition pour un Africain, c'est l'isolement». (n° spécial remaides, novembre 2005, p30)

L?image de soi renvoie à comment ces femmes se perçoivent mais aussi aux regards des autres sur elle. Ces femmes pensent qu?être porteuse du VIH se lit sur leur visage. Ainsi, sans le vouloir ces femmes s?auto excluent. Les femmes interviewées font attention á toujours être bien présentables. Depuis l?annonce de leur séropositivité, elles n?ont pas eu de relations sexuelles, elles pensent que leur corps est sale et donc, le fait d?être nu devant un homme est inconcevable. Il leur faut du temps avant d?accepter ce corps qui se change et se transforme. Le regard des autres sur ces femmes se traduit par leur réaction, et leur attitude en présence de ces femmes. Et ceci est souvent mal vécu par ces femmes. Le reflet de l?image négative du VIH/SIDA contribue à construire l?image de soi de la personne séropositive.

"Tu ne vois pas comment elle a maigri ?" Cette simp le phrase équivalait à une véritable

condamnation. Je me suis retrouvée du côté des personnes à la "minceur suspecte". (Femm'info, p24)

La perception du VIH/SIDA est vu ici d?un point de vue plutôt comportemental, c?est un construit social. Ces femmes pensent que le VIH/SIDA est source de beaucoup de maux qui, selon elles, n?ont pas lieu d?être. Pour ces femmes tout est façonné dans la société dans laquelle elles vivent et cela quelque soit le lieu où elles résideront.

IV : Rapport au risque et protection de soi

Le rapport que les femmes ont du risque, c?est la protection de soi. En se protégeant, elles protègent les autres. Elles évitent toute relation sexuelle qu?elles perçoivent comme seul moyen de se préserver. Mais aussi un moyen qui peut leur éviter de révéler leur séropositivité. Les propos qui suivent illustrent le rapport que les femmes interviewées ont du risque.

«Tu veux parler de quel risque, je suis déjà séropositive. Mais bon, avant l'annonce de ma séropositivité, je savais déjà ce que c'est qu'~tre séropositive. Une fois, j'ai rencontré les volontaires d'Aides qui faisaient de la prévention dans un salon où j'ai l'habitude de me faire coiffer. J'ai pu échanger avec eux mais bon bien avant ça je voyais toutes les campagnes de préventions faites sur le VIH/SIDA. Avec eux, on a discuté des risques que l'on pouvait encourir. On a échangé sur les différentes choses qu'on pouvait mettre en place afin de limiter les risques d'infections. En ce temps, j'étais encore séronégative. Maintenant, le risque pour moi c'est d'éviter l'une des maladies opportunistes. Pour cela, le plus simple, c'est de ne pas avoir de rapport sexuel. Tu me diras il y a pas que cela. Il faut se protéger contre les maladies, et surtout des attitudes des autres, sinon on se laisse facilement abattre, mais il faut aussi adopter une nouvelle hygiène de vie. Je fais attention à ce que je mange, à ce que je bois, en gros à mon mode de vie.» (Mary)

«Moi, je n'ai pas de rapport avec le risque puisque, je viens d'apprendre ma séropositivité. J'essaye tant bien que mal de me protéger de la méchanceté de mes compatriotes. (Long silence). Je sais avec qui je peux parler de cette maladie. C'est un risque de se prostituer, mais j'avais toujours fais attention à ne pas prendre de risque en me préservant et en me faisant dépister au moins une fois par mois. Je ne sais pas ce qui s'est passé, tu sais le préservatif peut se percer, ou je ne sais pas. Le risque c'est de faire attention et éviter tout rapport sexuel. Mais il faut aussi que je change de mode de vie et intégrer de nouvelles règles dans ma vie.» (Fatoumata)

«Le rapport au risque c'est quoi. Les risques se trainent à nos côtés et surviennent au moment où on les attend le moins. Je fais attention à moi et à ce que je fais et j'essaye de vivre ma vie. Ce dont je suis sûre, je suis séropositive et c'est irréversible. Je me protège en évitant tout

rapport sexuel, ainsi je me protège. Mais je fais aussi attention à ce que je mange, ce que je bois, j'ai appris à vivre autrement avec le VIH/SIDA. Tu sais, si on ne fait pas attention, on peut se choper n'importe quelle maladie. Donc comme je te l'ai dit faire attention, mais vraiment à tout.» (Lydia)

1. Les moyens de préventions

L?une des premières formes des moyens de préventions préconisées est le port du préservatif. Pour les acteurs de la prévention c?est le moyen le plus sir d?éviter une contamination ou une sur contamination. D?autres formes de préventions sont aussi mises en place. Ainsi, ces acteurs parlent aussi de l?information (échanges et discussions) auprès des migrants comme forme de prévention et ainsi que la banalisation du dépistage afin de connaitre à temps leur sérologie.

Au cours des observations, l?une des gérantes d?un salon de coiffure souligne le manque d?information auprès de certaines femmes migrantes. Selon elle, ces femmes38 sont le plus souvent celles qui ont du mal à s?exprimer en français. Elles ont du mal à se confier et ne veulent pas parler de ce sujet tabou. Cette gérante souligne aussi l?importance de la prévention elle dit «qu'il faut en parler, tout le monde est concerné». En émettant ces propos, elle fait référence aux bénévoles qui viennent faire des actions de préventions39 au sein de son salon de coiffure.

Mais les femmes que j?ai eu à interviewer m?ont moins parlé du port de préservatif, ceci était une préoccupation avant qu?elles ne soient séropositives. Celles-ci avant que la séropositivité soit connue, m?ont exprimé les difficultés qu?elles avaient à négocier le port du préservatif avec leur conjoint. C?est l?une des plus grandes difficultés qu?elles rencontraient avec leurs partenaires. Maintenant que ces femmes sont au courant de leur maladie, elles ne parlent plus du préservatif puisqu?actuellement il est inconcevable pour elles d?avoir des relations

38 La gérante parle surtout des femmes qui fréquentent sont salon de coiffure.

39 Confère partie sur la présentation de l?association AIDES

sexuelles. Mais si un jour elles rencontraient une personne, il faudrait d?abord que soit négocié le port du préservatif féminin ou masculin.

«Je ne suis pas encore prête, je ne pense pas vivre une relation amoureuse dans les années à venir. Mais ce dont je suis sûre, le jour où j'aurais des rapports intimes avec un homme on utilisera le préservatif». (Mary)

«Je ne sais pas si je ferais encore confiance à un homme. Maintenant que je sais que je suis séropositive, il est hors de question d'avoir des rapports sexuels non protégés. De toutes les façons, je ne suis pas prête à me remettre avec une personne». (Fatoumata)

«Oh ! J'ai essayé d'avoir des relations sexuelles un jour mais, j'avais un blocage. Je n'ai pas pu, il fallait que je lui explique pourquoi il fallait absolument qu'il mette un préservatif et comme je ne voulais pas lui dire que j'étais séropositive j'ai eu un blocage. Je ne suis pas prête à recommencer». (Lydia)

«Les femmes sont toutes conscientes de leur responsabilité ; c'est inenvisageable pour elles d'avoir un rapport non protégé Elles ne ressentent pas de la colère mais, elles sont plus dans une prise de conscience de ne pas à leur tour contaminer les autres. La difficulté de communiquer sur la maladie laisse ces personnes dans une exclusion, une solitude. Sujet toujours tabou pas pour parler de la sexualité mais, par rapport au fait de dire». (Référent migrante à Aides).

Ces femmes se focalisent plus sur les autres moyens de préventions qui puissent exister, elles parlent des précautions qu?elles doivent prendre afin de mieux se protéger. Ainsi, pour elles, la prévention est plus la gestion de l?information qui consiste à la protection de soi, et à la prévention contre l?attitude des autres. Elles ont donc différentes stratégies afin de mieux se protéger de toutes les conséquences que peuvent engendrer le VIH/SIDA dans leur vie.

1. La gestion de l'informatio

Après l?annonce de la séropositivité vient alors le dilemme de révéler ou pas sa séropositivité. Plusieurs stratégies sont mises en oeuvre afin de limiter la stigmatisation et l?exclusion au sein de la communauté dans laquelle ces femmes vivent. Pour cela, ces femmes font le choix de révéler leur séropositivité aux personnes qu?elles considèrent fiables. Parmi les femmes interviewées, aucune d?elles n?à révélé sa séropositivité aux membres de sa famille. Ces femmes entretiennent différentes relations après avoir pris connaissance de leur statut sérologique. Selon les relations qu?elles entretiennent, elles décident de révéler ou pas ce qu?elles appellent leur plus grand secret, c'est-à-dire leur séropositivité. Ces relations peuvent titre divisées en deux types : les relations fermées et les relations ouvertes.

Les relations fermées sont celles qui sont fondées sur les liens familiaux, du voisinage ou de leur appartenance à une communauté. C?est surtout au sein de ces relations que les femmes ne révèlent pas leur séropositivité. Leur sérologie est un secret qu?elles ne partagent pas avec les membres de ce réseau. Bien que les liens qui existent entre ces personnes soit forts, directs et quotidiens, ils ne sont pas assez intimes afin de constituer un espace de confidentialité. Ces personnes ne sont pas tenues au secret médical, elles peuvent révéler le secret à qui elles le voudront.

Malgré le fait que ces femmes ont un besoin de s?exprimer, de dire leur séropositivité, elles trouvent une grande difficulté à pouvoir le faire au sein de ce réseau. La peur du rejet, de la discrimination, la peur de ne pas retrouver de compagnon un jour font que ces femmes ont une réticence à révéler leur secret. Pour ces femmes, il ne sert à rien de révéler leur séropositivité tant que ce n?est pas visible. Elles ne voient pas l?intérêt de le faire, d?autant plus que cela n?améliorera pas leur situation.

«Quand quelqu'un de proche vient me rendre visite, je demande toujours de me prévenir. Ainsi, je débarrasse toutes les choses qui pourront éveiller des soupçons sur ma séropositivité. Du coup ma séropositivité c'est un secret que je ne révélerai jamais à mes proches sauf si je n'ai vraiment plus le choix Je sais que ma famille sera toujours là pour moi quoi qu'il arrive. Mais sera-t-elle là quand elle connaitra ma séropositivité, je ne crois pas J'y pense, j'y réfléchis beaucoup : avec qui je pourrais parler de ma séropositivité, je

parle de mes proches c'est vraiment pas facile. J'ai choisi de garder le secret afin de ne pas me justifier. Je pense qu'ils ne comprendront pas le comment, ils cogiteront plus sur le pourquoi et là, ça va bon train. Crois moi les médisances ne finissent pas ce n'est vraiment pas ce qui me faut. Donc, la meilleur solution, c'est de garder cela pour soi». (Mary)

Les relations ouvertes sont fondées sur les liens établis avec les médecins, les assistantes sociales, les bénévoles des associations etc. Toutes ces personnes sont des personnes extérieures à leur communauté. Dans ce réseau, les femmes arrivent plus facilement à parler de leur séropositivité. Mais, je souligne que parler de la séropositivité, même dans ce cadre, n?est pas toujours facile. Le rapport que ces femmes ont avec les associations ou leurs médecins est un rapport de confiance. Ces femmes savent qu?avec eux, elles n?ont pas à garder de secret du moins en ce qui concerne leur séropositivité. Elles ressentent un soulagement au milieu de ces personnes. C?est ce climat de confiance et de solidarité qui fait que ces femmes arrivent à préserver leur secret des autres (relations fermées) au moins, elles ne le cachent pas à tout le monde. Ce lien qu?elles tissent se substitue à celui qu?elles devraient trouver au sein de la famille. Ces femmes sont assez contentes d?avoir ce genre de relation dans laquelle on ne les juge pas, au contraire elles y trouvent plus une épaule celle qu?elles espèrent un jour trouver au sein de leur famille.

«Dans la famille, on a toujours une personne sur laquelle on peut compter et avec laquelle on peut tout dire. Mais, dans le cadre du VIH/SIDA ce n'est pas possible on à pas de confident. Comme en France, il y a tout un dispositif mis en place pour nous aider (rire) même si ce système n'est pas parfait. On trouve au moins des personnes avec lesquelles on peut discuter. Tu vois si tu tombes sur un bon médecin et que tu fréquentes les bonnes personnes, je parle des bénévoles et des associations, ils peuvent te donner l'espoir de revivre, de croire en toi. Même si on garde toujours notre culture. Je peux dire entre guillemets que c'est ma seconde famille ; je représente ces acteurs comme les membres de ma famille. Ça me soulage en quelque sorte. Meme si au plus profond de moi je sais que c'est plus libérant quand c'est avec les membres de ta famille que tu parles de ta séropositivité. C'est-à-dire, une chose avec laquelle je vais vivre toute ma vie». (Lydia)

2. Analyse

Lydia qualifie la séropositivité comme une chose avec laquelle elle va vivre toute sa vie. Pour cela, il faut donc adopter de nouvelles règles de vie, afin de mieux se protéger de tous les risques qu?elle pourrait encourir avec la maladie. Ces nouvelles règles de vie consistent à bien faire attention à leur environnement, faire attention à leur hygiène, à ce qu?elles mangent et boivent mais surtout, aux milieux qu?elles fréquentent. Mary exprime aussi le même besoin de se protéger de tous les risques, en évitant tout rapport sexuel mais aussi en se prenant ellemême en charge. Pour Fatoumata qui vient d?apprendre sa séropositivité, elle est un peu confuse dans sa perception du risque. Elle prend sa séropositivité comme une fatalité. Certes, il y a les médecins qui pourront l?aider à surmonter sa maladie, mais ils ne pourront pas changer sa sérologie, donc avant de compter sur les autres, il faut déjà compter sur soi même.

Le plus important, c?est d?être bien avec soi même, c'est-à-dire connaitre ses limites, ses défauts, bien choisir ses fréquentations, mais surtout ne pas manger et boire n?importe quoi. Je pourrais croire que pour ces femmes, le risque se trouve dans les aliments qu?elles consomment. Ces femmes pensent que faire attention à ce qu?elles mangent au sein de leur communauté pourrait dissiper les soupçons qu?ils ont sur leur séropositivité. Mais cela leur permettra aussi de mieux vivre avec la maladie. En étant positives au VIH/SIDA les femmes mettent en place différent stratégies afin de vivre au mieux une "vie normale" au sein de leur communauté respective.

Hormis cela, les femmes expriment aussi la grande souffrance qu?elles éprouvent en ne pouvant pas exprimer leur séropositivité aux membres de leur famille. Le plus douloureux c?est de ne même pas avoir une personne de confiance dans leur famille. C?est dans ce sens qu?elles qualifient leur séropositivité comme un grand secret qu?elles ne pourront pas révéler aux membres de leur famille, seulement quand elles n?auront plus le choix. Dès qu?il y a un soupçon dans la famille, la seule solution pour ces femmes, c?est de bouger. Ainsi, dans la gestion de l?information, le dire ou le taire de la séropositivité engendre en quelque sorte un climat de secret et de peur d?un côté mais aussi, une notion de mobilité de l?autre quand les membres de la famille soupçonnent quelque chose.

«Tu sais chez moi c'est très simple, dès que je remarque que je suis entrain de perdre du poids je me déplace c'est aussi simple que cela. Les gens aiment trop jacasser dans le coin, Moi je n'aime pas cela.» (Lydia)

Donc, pour ces femmes, le rapport au risque consiste à la protection de soi en évitant d?attraper toutes infections. Le rapport au risque est d?abord pour elles lié à la sexualité tout comme la transmission de VIH/SIDA. Pour elles, il faut d?abord régler la question de la sexualité et ensuite, s?occuper de son bien etre. En évitant tout rapport, elles pourront se protéger elles et en même temps protéger l?autre.

Ces femmes souhaiteraient pouvoir parler de leur séropositivité au sein de leur famille, mais cela est pour elle impossible. Elles reparlent encore de la stigmatisation et de la discrimination qu?elles pourront subir mais aussi de la honte et du malheur qu?elles pourront apporter au sein de la famille. Elles savent qu?en choisissant de ne pas dire leur séropositivité elles pourraient peut etre sans le vouloir s?auto-exclure.

«Je sais que je parle peut etre à tort, mais à chaque fois que j'ai ma mère au téléphone, je n'ose pas lui dire que je suis séropositive. C'est plus fort que moi. En plus, j'ai un cousin ici à Poitiers, il sait que je suis enceinte mais pas que je suis séropositive. Je ne pourrais jamais le lui dire d'autant plus qu'il savait que je me prostituais pour vivre et qu' en tant qu'étudiante je ne valais rien. Comment pourrais-je dire à celui-ci que je suis séropositive et qu'il l'accepte sans me juger. Je sens déjà le regard accusateur. C'est impossible. Malgré le fait qu'il a duré en France, on reste quand meme africain avec nos grandes cultures. Peut être que je me trompe qu'en lui disant ça pourrait se passer autrement, mais je n'ai pas encore

Enfin je verrais bien.» (Fatoumata)

Conclusion

La séropositivité chez les femmes migrantes multiplie encore les difficultés auxquelles elles sont confrontées et renforce aussi leur précarité sociale et leur solitude. Cela est dû au manque de confiance que les femmes migrantes n?arrivent pas à trouver au sein de la communauté dans laquelle elles vivent.

Pour cela, les femmes se tournent plus vers les personnes étrangères à leur environnement c'est-à-dire, vers les associations, les assistantes sociales etc. Ceci reste un appui fondamental dans leur lutte contre la maladie. Le VIH/SIDA reste encore au sein de la communauté migrante une maladie qui stigmatise les personnes atteintes.

Dans les discours des femmes interviewées, la perception que les femmes ont du VIH/SIDA est un sentiment de gêne et de honte. Les représentations sociales négatives de la maladie au sein de la communauté ne font que renforcer ce sentiment d?exclusion et de malheur. La séropositivité pousse les femmes à trouver plusieurs stratégies afin de se protéger contre la stigmatisation qui existe au sein de la communauté.

Dans le discours des acteurs de la prévention, l?utilisation du préservatif est le premier moyen des réductions des risques de transmission. Mais pour les femmes migrantes interviewées, le préservatif ne fait pas partie des moyen de prévention qu?elles utilisent.

Pour elles, une fois la séropositivité sue, il faut trouver un moyen de se protéger de la "méchanceté" des autres. Ces différents moyens de prévention passent par le secret : dire ou pas sa séropositivité, si la séropositivité commence à se savoir au sein de la communauté les femmes deviennent de plus en plus mobiles.

Les liens qu?elles tissent sont superficiels au sein de leur communauté. Elles font plus confiance aux étrangers qu?aux membres de leur famille. Ainsi, les types de relations entretenues montrent comment les personnes séropositives se comportent face aux autres et les raisons qu?elles avancent afin de dire ou taire sa séropositivité dans un milieu social ou un autre.

Actuellement, les trois femmes interviewées ne vivent plus à Poitiers. Elles ont toutes cherché à déménager afin de vivre dans une communauté qui ne douterait pas de leur sérologie.

Ce travail effectué, m?a permis de comprendre les différents comportements des femmes migrantes face au VIH/SIDA mais aussi la manière dont les acteurs de la prévention mènent le combat pour la lutte contre le VIH/SIDA à Poitiers. Chaque acteur a sa manière d?appréhender la maladie et de la combattre.

Malgré la faiblesse de mon échantillon, cette étude se présente comme un travail explorateur sur la question des femmes migrantes et du VIH/sida au sein de la communauté migrante. L?intérêt de ce travail c?est de mettre en avant la réaction des individus c'est-à-dire de la personne séropositive face aux autres au sein de la communauté dans laquelle elles vivent.

Cette étude constituera une base sur laquelle pourra s?édifier mon prochain travail de recherche. L?objectif de ce travail serait d?analyser le rôle des associations dans la lutte contre le VIH/SIDA avec l?exemple de l?association des Femmes de Guinée pour la lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le SIDA (ASFEGMASSI). La pertinence de cette recherche se situe au niveau des interactions des personnes et des institutions. Le choix méthodologique se portera sur l?observation, sur l?analyse du discours des personnes séropositives mais aussi des acteurs de la lutte contre le VIH/SIDA en Guinée. Cette recherche aura pour but de répondre à la problématique suivante : Comment les membres de l?association ASFEGMASSI tentent de lutter contrer le VIH/SIDA ? Quelle analyse peut- on faire du comportement des acteurs face à la maladie ?

Bibliographie :

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Annexes

Table des annexes

Annexe 1 : Grille d?entretien auprès des acteurs de la prévention Annexe 2 : Grille d?entretien auprès des femmes migrantes

Annexe 3 : Résumé des entretiens auprès des acteurs de la prévention Annexe 4 : Résumé des entretiens auprès des femmes migrantes

Annexe 5 : Données épidémiologiques sur le VIH/SIDA en 2008 en France Annexe 6 : Tableau file active des patients du réseau ville hôpital de Poitiers

Annexe 1 : Grille d'entretien (Acteurs de la prévention)

1. Présentation de la structure

Qui sont les migrants ? Comment les contacter ? Moyenne d?age des personnes ? Quelles actions concrètes menez-vous? Les données épidémiologiques montrent que les femmes migrantes sont autant exposées et touchées par le virus ? Les modes de contaminations de ces femmes ? Pour vous, comprendre les femmes migrantes il faut d?abord faire un travail sur les vulnérabilités tant socioéconomique que psychologique?

2. SIDA et normalisation

Comment les femmes perçoivent-elles la séropositivité? Rapports aux risques et protection de soi, que pensent ces femmes? Que pensez-vous des nouveaux traitements ? Que pensez-vous du SIDA comme construction sociale ?

3. Gestion de l'information

Annonce de séropositivité, les femmes le disent-elles? A qui le plus souvent ? Ont-elles un besoin de confidentialité, de secret ? Aujourd?hui, est-ce toujours un sujet tabou au sein de la société? Pourquoi ?

4. Formes de préventions

Comment faire de l?information sur la transmission du VIH auprès des femmes migrantes? Les différentes formes de préventions (dépistage, information, préservatifs)? Laquelle des préventions est la plus utilisées? Matériaux proposés pour la prévention ? Prise en charge des malades ? Pensez-vous qu?il y a une situation de risques dans le contexte de la mobilité ? Estce que la langue est une barrière contre la prévention ? Le rôle des associations dans cette lutte ? Quelle est votre programme des réductions des risques ? Pensez-vous que pour réduire les risques il faut adopter un certain discours auprès des migrants en général?

5. Mot de la fin

Le travail que j?envisage de faire est une étude des représentations et des rapports sociaux autour de l?infection du VIH/SIDA chez les femmes migrantes, cela vous fais pensez à quoi ? Avez-vous d?autres choses à rajouter ?

Annexe 2 : Grille d'entretien (Femmes migrantes)

1. Présentation de la personne

Age, nationalité, situation matrimoniale, niveau d?instruction, profession.

2. Représentations du VIH/SIDA

Depuis quand êtes-vous séropositive ? Qu?est ce que le VIH/SIDA pour vous ? Y a t?il eu un changement dans votre vie depuis l?annonce de votre séropositivité (comportement vis-à-vis des autres) ? Que pensez-vous des nouveaux traitements ?

3. Gestion de l'information

Qui de votre entourage est au courant de votre séropositivité ?

4. Forme de préventions

Quelles sont les différentes formes de préventions que vous utilisez pour réduire les risques de contamination ? Pensez-vous qu?il y a une bonne information auprès de la population migrante, que vous êtes bien informé ? Est-ce que la mobilité a accentué votre vulnérabilité ?

5. Mot de la fin

Avez-vous d?autres choses à rajouter ?

Annexe 3 : Résumé des entretiens auprès des acteurs de la
prévention

Cinq entretiens ont eu lieu avec les acteurs de la prévention dans le cadre de mes recherches. L?entretien avec Mme Maïté Duballet coordinatrice du RVH a eu lieu le Lundi 18 Janvier au sein même du RVH. Le second entretien avec Mr Michel Berthier pédiatre au CHU de Poitiers a eu lieu le Mercredi 20 Janvier dans son bureau au CHU. Le troisième entretien avec la coordinatrice de l?association VIMA a eu lieu le Mercredi 27 Janvier au sein de l?association. Le quatrième entretien avec Magalie Cathalifaud coordinatrice bénévole du Collectif l?Abri a eu lieu le Jeudi 25 Février au sein du local de Médecin Du Monde. Et enfin le dernier entretien avec Mathilde référent sur l?action auprès des personnes migrantes qui sont dans la Vienne a eu lieu le 29 Mars dans son bureau au sein de l?association Aides.

Les personnes reçues par les acteurs de la prévention ont du mal à exprimer leur séropositivité. Méme si elles savent que le secret sera tenu et qu?elles ne seront pas jugées, (ces femmes insistent beaucoup sur leur anonymat) il leur faut toujours du temps pour en parler. Pour les acteurs de la prévention, la migration crée pour ces femmes une sorte de réinsertion sociale. Il faut apprendre à vivre dans le pays d?accueil. C?est aussi un facteur de vulnérabilité sociale et économique. Il y a une précarité qui se développe une fois que ces femmes quittent leur pays d?origine. Les personnes rencontrées sont au courant de la maladie, elles savent ce que c?est. Sauf que la connaissance sur les modes de transmission sont un peu flou. Mais selon le niveau d?instruction il y a différente perception de la maladie. Le plus souvent, ces femmes, ne savent pas qui les a contaminée, elles se posent la question si la contamination n?a pas eu lieu dans le pays d?origine. Les femmes expriment une difficulté à négocier des rapports protégés au sein de leur couple. Pour elles le VIH/sida ne donnent pas envie de créer un foyer. Les femmes sont toutes conscientes de leurs responsabilités. Elles ne sont pas en colères mais dans une prise de conscience de ne pas a leur tour contaminer.

Annexe 4 : Résumé des entretiens auprès des femmes migrantes

Le début des entretiens fut très difficile pour les femmes interviewées. C?était une première pour elles d?en parler avec une personne issu de la méme communauté qu?elles. Elles ont insisté sur leur anonymat dans le mémoire mais aussi une fois que les entretiens seront terminés.

Le VIH/SIDA, chez les femmes migrantes est une chose très douloureuse et difficile a assumer au sein de leur communauté. Il est inenvisageable pour elles d?en parler au sein du milieu où elles vivent. Quand elles en parlent c?est toujours avec des personnes étrangères.

Pour elles le fait d?avoir migré et d?apprendre leur séropositivité en France est une grande chance. Dans le sens où elles ont pu accéder à des soins médicaux mais aussi avoir à faire a des personnes qui ne les jugeaient pas (membres d?associations). Elles trouvent que le système de santé en France est fait de telle sorte qu?avec un peu «de chance» ont peut accéder aux soins gratuitement. Mais cela reste le parcours du combattant. Ces femmes, en parlent très brièvement.

Pour elles une fois la séropositivité connue elles ne se préoccupent pas trop de leur accès aux soins, elles savent que c?est primordial pour leur survie mais ce n?est pas une priorité. Elles cherchent à connaitre l?origine de leur contamination et ensuite comment faire pour que cela ne se sache pas au sein de la communauté.

En conclusion ces femmes expliquent qu?il faut faire un gros travail sur la séropositivité au sein de la population migrante, afin que les personnes séropositives ne cachent plus leur sérologie. Certes il y a beaucoup de campagnes mises en place afin de banaliser le VIH/SIDA. Mais cela n?est pas suffisant, il faut aller à la source du «problème». Que le migrant atteint puisse enfin parler de sa maladie sans culpabiliser et se retrouver exclu de sa communauté.

Annexe 5 : Données épidémiologiques sur le VIH/sida en 2008 en

France

Annexe 6 : Tableau file active des patients du Réseau Ville Hôpital
de Poitiers (2009)

PAYS

NOMBRE

FEMMES

HOMMES

CAMEROUN

29

20

9

GUINEE

17

10

7

COTE D'IVOIRE

10

7

3

CONGO

8

5

3

BURKINA FASO

7

5

2

RWANDA

4

 

4

GABON

3

2

1

GUYANA

2

2

 

REP CENTRAFRICAINE

2

2

 

AFRIQUE DU SUD

2

1

1

DJIBOUTI

2

2

 

ETHIOPIE

2

2

 

KENYA

2

1

1

TUNISIE

1

 

1

MAROC

1

 

1

HAITI

1

1

 

BURUNDI

1

 

1

COMORES

1

 

1

TCHAD

1

 

1

TOGO

1

 

1

SOUS TOTAL

97

60

37

GEORGIE

5

1

4

Portugal

3

 

3

GRANDE BRETAGNE

2

 

2

Espagne

1

 

1

ARMENIE

1

1

 

TURQUIE

1

1

 

SOUS TOTAL

13

3

10

TOTAL

110

63

47

Table des matières

Remerciements 2

Sommaire 3

1. Liste des sigles et abréviations 4

1. Les termes utilisés 5

Introduction 7

Première partie : 10

Cadre théorique, Problématique, et Méthodologie de la Recherche 10

I : L?état de la question 11

1. La construction des représentations 13

2. Les représentations sociales du VIH/SIDA 14

3. Les séropositifs étrangers en France 17

5. Les femmes migrantes face au VIH un «cumul de vulnérabilités» 21

6. La migration féminine 24

7. Lien migration et VIH/SIDA 25

8. Les acteurs de la lutte contre le VIH/SIDA à Poitiers 29

II : Problématique 30

1. Objectifs de la recherche 32

2. Hypothèse de Recherche 33

III : Méthodologie de recherche 34

1. Le travail de terrain 34

2. La population cible 35

3. La documentation 35

4. Les observations 36

5. Les entretiens 37

6. Les difficultés rencontrées 38

Deuxième partie : 39

Analyse et Interprétation Des Résultats. 39

I : Présentation des personnes interviewées 40

1. Les acteurs de la prévention 40

2. Les femmes migrantes 43

II : Trajectoire des femmes séropositives 44

1. Les malheurs de Fatoumata 44

2. L?ascension et la chute de Mary 45

3. Lydia et les papiers 47

4. Analyse 48

III : Perception du VIH/SIDA 51

1. Trouver la source d'infection 52

2. Le VIH/SIDA une maladie qui ne se dit pas 53

3. Analyse 56

IV : Rapport au risque et protection de soi 59

1. Les moyens de préventions 60

1. La gestion de l'information 62

2. Analyse 64

Conclusion 66

Bibliographie : 68

Annexes 71

Table des annexes 72

Annexe 1 : Grille d?entretien (Acteurs de la prévention) 73

Annexe 2 : Grille d?entretien (Femmes migrantes) 75

Annexe 3 : Résumé des entretiens auprès des acteurs de la prévention 76

Annexe 4 : Résumé des entretiens auprès des femmes migrantes 77

Annexe 5 : Données épidémiologiques sur le VIH/sida en 2008 en France 78

Annexe 6 : Tableau file active des patients du Réseau Ville Hôpital de Poitiers (2009)

82

Table des matières 83

Millimono Jeanne Finda

Date de soutenance : Le 1er Juillet 2010 Master 1 Migrations internationales

Les femmes migrantes et le VIH/sida à Poitiers

Résumé :

La plus grande vulnérabilité des femmes vis-à-vis du VIH est due à des facteurs physiologiques et biologiques mais également à des pressions sociales, culturelles et économiques qui ne leur permettent pas d?assurer leur prévention.

Les études montrent qu?il y a maintenant une féminisation de la maladie. La notion de représentation sociale de la maladie est un facteur très important dans la communauté migrante. La connotation négative de la maladie, fait que les personnes séropositives cachent leur sérologie aux membres de leur communauté. Ces femmes cherchent constamment des stratégies qui leurs permettront de vivre avec leur maladie au sein de leur famille. Mais comment ces femmes gèrent-elles leur séropositivité au sein de leur communauté ? La séropositivité est une chose difficile à vivre. Quelle sont les conséquences de la séropositivité sur la vie de ces femmes ? Quelle place accordent-elles à la prévention et aux acteurs de la prévention ? Ce mémoire, à travers le témoignage des femmes cherche à faire une analyse des rapports sociaux autour de l?infection du VIH/SIDA.

Mots clés : Femmes, Migrantes, VIH/SIDA, Prévention, Représentations Sociales.






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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus