B/ Causes socioculturelles
Au-delà de l'insuffisance de ressources
économiques, se trouvent non seulement la dégradation de la
solidarité traditionnelle (causes sociologiques) mais aussi l'influence
d'une culture occidentale qui crée de fait de nouveaux besoins et incite
à la cupidité (causes culturelles).
A travers la diversité culturelle qui décrit la
société béninoise, l'enfant est perçu comme le
«bénéfice» du père ou de la famille
élargie et reste l'enjeu fondamental des comportements matrimoniaux. La
richesse d'une famille sans enfants et même la monogamie à
certains endroits sont considérées comme un signe de
pauvreté, l'enfant constituant «l'assurance vieillesse» des
parents.
Auparavant, parce qu'une famille était pauvre ou qu'un
enfant devenait orphelin, il était courant dans les
sociétés africaines, de l'envoyer vivre dans un autre
ménage. De même, lorsqu'un enfant était trop
indiscipliné, le père le confiait à l'un de ses parents
qui se chargeait de son éducation. Le placement s'effectuait donc dans
l'intérêt de l'enfant. Mais de nos jours, avec l'effritement de la
solidarité organique, la dégradation des valeurs traditionnelles
et la désagrégation des structures traditionnelles, le fait
d'envoyer un enfant dans un autre foyer ou de l'accueillir n'a plus pour
objectif premier de servir l'intérêt de l'enfant.
Malheureusement, depuis quelques années, la pratique de
placement des enfants a connu une dérive grave qui a introduit une
distorsion dangereuse pour la sécurité et l'avenir même des
enfants victimes d'une exploitation sans pareille, à l'occasion du
travail en milieu domestique ou dans le petit commerce. Il est plutôt
question d'une transaction dans laquelle l'enfant sert de marchandise. L'enfant
est donc traité comme un étranger dans la famille d'accueil et
soumis à des travaux qui dépassent sa force, ses capacités
de réflexion et d'action.
Par ailleurs, l'envie de ressembler et de copier les
occidentaux a créé des comportements nouveaux, parfois
incompatibles aux réalités locales (causes culturelles). L'esprit
des adultes s'est mis au service du mal pour traquer, tromper et exploiter des
êtres faibles qui autrefois étaient protégés et
adulés. La recherche du gain facile pousse certaines personnes cupides
et malhonnêtes (trafiquants et intermédiaires) à tromper
les enfants et leurs parents par des manoeuvres frauduleuses. Ils se font
domestiques ou dans des carrières de pierres (Abeokuta au
Nigéria) ou dans des plantations (Côte d'Ivoire). Les parents, en
laissant ainsi partir leurs enfants ont une vision culturelle positive du
déplacement16.
En effet, par ignorance du danger que court leur enfant loin
d'eux, ils les laissent partir avec des inconnus qui leur font de fausses
promesses. Les trafiquants gagnent leur confiance en se faisant passer pour de
généreux bienfaiteurs, en leur faisant des dons en nature ou en
leur faisant la promesse de scolariser leur enfant, de leur apprendre un
métier ou de les initier au commerce. Les parents et leurs enfants sont
donc convaincus que le déplacement est une migration temporaire qui va
générer une promotion économique et sociale de l'enfant et
de la famille. Ils ignorent donc les dangers et la vraie nature du trafic.
Selon les leaders communautaires, il existe dans presque tous
les groupes socioculturels du Bénin une tradition de migration. Ainsi,
les Goun de Porto-Novo et ses environs, ont l'habitude de migrer vers les
grandes villes du Bénin, en Côte d'Ivoire, au Gabon, au Congo. Les
Ifè de Bantè allaient au Ghana. Aujourd'hui, ils s'orientent
comme les Ani de Bassila et les Taneka de Copargo, tant vers les principales
villes du pays que vers le Nigéria et le Togo.
Au sein du groupe socioculturel Wémè, presque
chaque famille a déjà envoyé au moins une fois son enfant
au Nigéria. Chez les Sahouè de Bopa, les Mina de Grand Popo, les
Watchi de Comè et les Fon de Za-Kpota, la migration est beaucoup plus
orientée vers Cotonou, la Côte d'Ivoire, le Nigéria. Chez
les Batombu au nord du Bénin, le phénomène n'est pas
très perceptible. A Banikoara et à Gogounou, par exemple, les
populations voyagent beaucoup plus pour des raisons de mariage et de formation
(étude et artisanat). Par contre, cette région reçoit les
Gourmantché du Burkina-Faso, les kotocoli du Togo, les jeunes de
l'Atacora, de Tchaourou qui travaillent dans le secteur agricole et quelques
Peulh pour des raisons de pâturage17.
16 UNICEF : Etude Nationale sur la traite des
enfants, novembre 2007, p. 33.
17 UNICEF :
Etude Nationale sur la traite des enfants, novembre 2007, p. 33.
On peut citer également d'autres causes qui
relèvent aussi bien des populations elles-mêmes que du manque de
responsabilité des gouvernants. L'éducation inadaptée et
peu attrayante offerte aux enfants favorise la déperdition scolaire. De
même, le manque d'infrastructures scolaires entraîne le faible taux
de scolarisation au Bénin.
Ainsi, les trafiquants profitent de la crise du système
éducatif, de la mauvaise qualité de l'enseignement et du manque
de matériels éducatifs pour établir un empire de migration
bien établi.
Comme ce phénomène a des causes,
indéniablement, il a des effets sur toutes les couches de la
société. En effet, les conséquences se manifestent au
niveau des enfants, des parents et de la nation.
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