Le petit vendeur indépendant existe-t-il?
Après ces découvertes, il semblerait que le
petit vendeur indépendant soit juste un mythe et qui plus est bien
dépassé. En e et, les personnes auxquelles étaient
destinés les emplacements ne semblent plus tout à fait
correspondre au pro l de petites gens en situation précaire à qui
voulait s'adresser la Prefeitu ra.
« Moi je loue ici. On est plusieurs
à louer à un propriétaire.
Et ce propriétaire il n'a que ce box ou il en a
d'autres?
Il en a d'autres.
Ici, dans le camelodromo ou dehors?
Non, non, ici dans Uruguaiana. »
(André, 23 ans - Vendeur dans la quadra C depuis 2 ans -
Gérant - Entretien réalisé en janvier 2008)
Mais le camelot est-il réellement ce vendeur
isolé en marge du système. Lors d'une discussion avec Felipe, on
se rend compte que bien avant le Camelódromo, le système de
réseau que l'on a découvert à Uruguaiana existait depuis
longtemps.
« Parce que là ma mère, elle sait
déjà comment administrer. Elle a déjà eu de
nombreuses boutiques. On travaillait dans la rue, et on avait 10, 15 personnes
qui travaillaient pour nous. Alors qu'est ce qu'il se passe? On sait
déjà travailler avec un grand nombre de fonctionnaires. Alors
c'était... non pas plus facile, mais disons que les choses se sont
faites plus tranquillement pour pouvoir organiser »
(Felipe - Coordinateur à l'UNIO - Entretien
réalisé en septembre 2008)
Figure 18
Evolution des types de vendeurs de rue suivant la tranche
d'âge
Figure 19
Evolution des types de vendeurs de rue suivant le niveau d
'étude
Par ailleurs, au delà de ce constat sur l'organisation
en réseau déjà présente avant même
l'existence du Camelódromo, qui permet à toute une
catégorie de ces vendeurs de devenir de grands directeurs de ~ rmes de
vente, multipliant les point de commerce, d'autres faits viennent
démontrer qu'une catégorie importante de ces vendeurs de rue ne
correspond plus du tout ces personnes au statut précaire décrits
par la Prefeitura. Les travaux des chercheurs Jorge Luiz teles et Hildete
Pereira de Mello12 mettent en évidence que depuis 1985, la
crise que connut le Brésil a contraint de nombreux travailleurs, issus
de diverses classes sociales à se tourner vers le commerce informel.
Ainsi on constate que c'est la classe jeune de 25 à 35 ans la
première concernée par le commerce informel, et non les
pères de famille quadragénaires, qui cependant les suivent de
près. De plus, d'autres statistiques démontrent que le commerce
informel ne touche plus uniquement que les classes peu scolarisées. Le
second graphique joint montre que depuis 1993 les « 9-1 1 ans
d'études », issus de l'ensino médio
(équivalent du collège) ont dépassé ceux de niveau
inférieur; les « 1 -4ans d'étude » qui n'ont pas
achevé l'ensino fundamental (école primaire). La
majorité dominante restant les travailleurs sortis de l'école
primaire qui entrent par la suite dans le monde du travail. Le problème
de ces données est qu'elles datent de plus d'une dizaine
d'années, et la situation a forcément évolué
depuis. Cependant j'ai e ectivement rencontré de nombreux cas de
vendeurs, généralement employés dans un box, qui
travaillaient a n de ~ nancer leurs études. Ce cas semble de plus en
plus fréquent et Naercio Aquino Menezes-Filho soulignait lors d'une
étude en 200113 que depuis 1988, le pourcentage
d'étudiants travaillant et étudiants en même temps
était en constante augmentation, arrivant à 41% en 2001
14. On constate alors que les catégories dé nies par
la chambre des vereadores en 1992 pour être vendeur de rue sont loin
d'être actuellement appliquées.
Alors que la Prefeitura souhaitait créer un lieu de
travail qui ne serait que temporaire, le résultat obtenu est exactement
l'inverse, et les camelots ont non seulement créé un
système qui les a ancré dans les lieux, mais ont aussi
répondu à une demande de la ville formelle, qui dépend
maintenant en partie de ce système. Cela dit une telle intention
paraissait impossible à appliquer. En e et, elle se basait sur un
cliché totalement faussé du camelot, en évolution depuis
ces 15 dernières années, et qui en arrivant dans le
Camelódromo, a reproduit en tout point un système
déjà établi. Le fait de les sédentariser a permis
à la ville d'avoir l'impression qu'elle résolvait un
problème, et a donné aux camelots un certain confort et une
1 2 Pereira de Melo Hildete et Teles Jorge Luiz,
Serviços e informalidade: o comercio ambulante do Rio de
Janeiro, Rio de Janeiro, Texto para discussao n°773 publié par
l'IPEA, décembre 2000.
1 3 Aquino Menezes-Filho Naercio, A Evolução da
Educação no Brasil e seu Impacto no Mercado de Trabalho,
São Paulo, Departamento de Economia - Universidade de São Paulo,
mars 2001.
1 4 Ibidp.38
sécurité dans leur travail.
On ne peut cependant s'empêcher de se dire que le
succès du Camelódromo n'aurait pas été le
même si sa vocation de lieu de passage temporaire avait été
appliquée. En e et, l'investissement des camelots n'aurait pas eu lieu
de cette façon s'ils n'y voyaient pas un intérêt plus
important. Pour que cela fonctionne il aurait fallu un investissement bien plus
important de la part de la Prefeitura, qui aurait dans ce cas gardé le
contrôle, mais investi bien plus d'argent.
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