Tap-tap bwafouye face a l'urbanisation de port-au-prince( Télécharger le fichier original )par Theuriet DIRENY Université d'état d'Haiti - Licence Anthropo-Sociologie 2000 |
4.1.- LA VILLE: SON HISTOIRE ET SES FONCTIONS4.1.1.- GENERALITES Les temps historiques ont vu l'émergence de la ville dont la fonction première consistait à rassembler un collectif d'hommes sur un même espace. C'est d'ailleurs ce qui pousse plusieurs spécialistes en matière urbaine à considérer la sédentarisation comme déjà une tendance à l'édification de la ville. « Pour la Bible et les historiens des premiers siècles, c'est à Babylone, en Mésopotanie, que l'on attribua le statut de première ville (...). Elle prend forme au début du IIème millénaire avant J.C.» (Y.H. Bonello, 1996, 7) A chaque période des temps historiques la ville présente ses caractéristiques propres et remplit des fonctions spécifiques en dehors de son rôle de rassembleur qui sous-tend une gestion et une vision d'ensemble de la chose collective appelée à être bénéfique à tous. « La ville capitaliste est donc, avant d'être le lieu de résidence de la classe dominante et le siège des pouvoirs politique et religieuse (Antiquité) ou un lieu de protection et d'échange (Moyen âge), le lieu du développement de la production capitaliste». Cet aspect d'une grande importance pour les villes de l'époque contemporaine (la production capitaliste) apporte selon certains spécialistes de profondes modifications à la vie citadine au point qu'elle soit dépouillée, en partie de ses éléments les plus fondamentaux. Selon J.P. Lacaze « Les villes d'aujourd'hui... semblent perdre peu à peu ce qui faisait leur force et leur originalité: la capacité à rassembler les hommes autour d'idéaux communs, à produire de la convivialité, de la sociabilité, de la tolérance, à permettre la coexistence tranquille de destins individuels contrastés, à protéger, à faire rêver et à stimuler l'innovation» ( J.P. Lacaze, 1995, 6 ) L'espace de la ville, en ce sens, charrie à sa base tout un projet de civilité qui rend possible et agréable la cohabitation d'une communauté d'hommes ayant des aspirations différentes mais qui, dans le champ des actions respectives, sont réciproques, complémentaires, interactives et concourent toutes au bon fonctionnement. De ce fait, l'individualisme devrait se noyer dans le collectif jusqu'à emprunter sa marque. « La grande ville joue globalement le rôle d'initiateur et d'accélérateur des dynamismes collectifs « (G. Burgel, 1993, 73). Agir sur le comportement humain, est effectivement l'une des tâches dévolues à la ville qui doit sa naissance non seulement à la sédentarisation mais surtout à la familiarisation ou à la domestication (la maîtrise) de certains éléments de la nature. Deux faits majeurs qui font appel simultanément au processus d'adaptation et d'éducation et qui traduisent le passage de la nature à la culture. En fondant la ville l'homme s'est doté à la fois d'un espace pouvant lui permettre de prendre sa distance par rapport à la nature et aussi d'un espace d'expérimentation des progrès et découvertes de la technologie et de la science. L'espace de la ville a été le plus propice à la révolution industrielle: outil de transformation massive de la matière première.
L'ensemble des biens, produits au moyen de l'industrie sont quantitativement et qualitativement, loin d'être comparables à la production découlant, jadis, des méthodes empiriques. Le surplus de la production engendré par l'industrie a pu, en conséquence, susciter un mode de gestion impliquant un nombre incalculable de services. « La ville contemporaine est fille des révolutions industrielles et tertiaires» écrit G. Burgel. Les fonctions de services et la méritocratie sont pour l'auteur les clefs de compréhension de la ville contemporaine. J.P. LACAZE ingénieur et professeur d'urbanisme, et G.BURGEL professeur de géographie urbaine sont d'accord pour affirmer que la réalité des villes ne peut être cernée en dehors de leur histoire. « Une ville n'est autre chose que la collection des objets physiques qui la composent, c'est-à-dire le produit de sa propre histoire matérialisé en formes architecturales. « (...) Chacun d'entre nous vit cette ville au rythme de la quotidienneté la plus immédiate, celui du temps qu'il fait, des touts petits événements de la vie familiale et professionnelle, sans souci du temps des historiens et des économistes. « La ville ne peut donc se penser sans faire référence à l'articulation constante de ces rythmes temporels différents. Et son avenir ne peut être organisé efficacement que si l'action d'urbanisme sait composer avec ces rythmes par des méthodes adéquates, bien en phase avec les évolutions économiques, sociales et culturelles profondes qui déterminent son destin ».22(*) La ville comme telle n'a rien d'imprévisible dans son édification. Elle prend forme à partir des réalisations concrètes et manifestes résultant de l'action de l'homme qui chaque jour pour son confort et sa convenance entre en lutte et avec lui-même et avec la nature. Cette transformation de soi par rapport à son environnement et vice-versa, va jusqu'à transcender le temps et stigmatiser l'espace physique. En effet, celui-ci à chaque période d'innovation voit son statut se renouveler. Déjà au paléolithique l'homme a eu un type de questionnement vis-à-vis de l'espace. Et en réponse il a trouvé le nomadisme, les grottes, le feu, la cueillette. Au néolithique, la réponse est claire: la sédentarisation et la familiarisation; l'agriculture est créée, le monde rural est né. « Pourtant, après des siècles de civilisation rurale, la ville est devenue cet espace d'innovation et de culture qui porte un nom de rêve: l'urbanité. »23(*) Bref ! Qu'est-ce qu'une ville? Notre intention ici n'est pas de la définir mais de présenter une définition qui semble bien en accord à notre vision et qui recèle à la fois une approche prospective et planificatrice; un schéma théorique. La ville « c'est un lieu de résidence où siège l'autorité chargée d'arbitrer entre les pouvoirs des corps sociaux. On accède au statut urbain lorsqu'il existe sur un territoire, des groupes exerçant des activités distinctes, les services n'étant plus assurés par les agriculteurs, mais par des personnes entretenues grâce au surplus de la production. »24(*) Cela sous-entend, que la ville en soi est un espace qui, en principe, marque la rupture avec l'économie de subsistance et, en même temps, promeut l'abondance sous toutes les formes: activités, services, production. Mais, il ne faut pas croire que ce trait caractériel (l'abondance) soit inhérent, au même degré, à toutes les villes. En d'autres mots, si dans des sociétés ces « paramètres de l'abondance » sont agencés de sorte que la ville soit conviviale, dans d'autres ils sont en parfaite désarticulation et réduisent la ville en un lieu de grandes frustrations (chômage, délinquance, insalubrité, incommodité...). « Les villes sont à la fois, le produit et le reflet des sociétés qui les font naître ».25(*) 4.2.- HISTORIQUE DE LA VILLE DE PORT-AU-PRINCE
4.2.1.- FONDATION ET CONTEXTE Port-au-Prince est créé le 13 juin 1749 sur les hauteurs du Belair connues alors sous le nom de habitation Randot. Dans ce contexte, sa fondation remonte à l'époque coloniale et résulte d'un choix politico-économique de la métropole française qui était en guerre contre l'Angleterre. Cette nouvelle ville, bien que côtière, annexée à la plaine du Cul-de-sac région coloniale prospère, contrairement aux autres villes côtières comme Miragoane et Petit-Goâve, est très stratégique, car elle permet un meilleur contrôle de la partie centrale de la colonie. Cela lui a valu d'être le port approprié où des navires marchands et la flotte du roi venaient prendre refuge. « Dès lors, marchands, commerçants et planteurs de la plaine, se voient allouer des espaces constructibles dans l'enceinte de cette ville, construite par les esclaves noirs pour les rares affranchis et pour les nombreux colons blancs de la région. Peu de temps après, la capitale de la colonie française de St Domingue est transférée de Léogane à Port-au-Prince, sur ordre du roi Louis XV. (...) Elle ne tarde pas à prendre rapidement de l'essor pour s'imposer comme pôle économique et centre administratif régional incontesté face aux villes de Léogane, Miragoane et Petit-Goâve. »26(*) Les tremblements de terre de 1751, 1766, 1776 et les guerres de l'indépendance ont modifié à maintes reprises le visage de la ville de Port-au-Prince sans toutefois détruire sa structure spatiale initiale qui la caractérise encore aujourd'hui. Ces guerres qui ont culminé à l'extermination des colons et à la liberté des esclaves n'ont pas résolu les préjugés de castes antérieurs à l'indépendance. Les mulâtres - catégorie socio-historique qui depuis la période coloniale, revendiquèrent légalité sociale, politique et économique avec les colons, contrairement à la masse des esclaves noirs et leurs leaders qui réclamèrent, tout court, la liberté, se sont emparés du pouvoir économique et laissèrent le pouvoir politique à l'élite noire. Port-au-Prince dotée de nouvelles classes dirigeantes, garda la structure coloniale du mode de fonctionnement des villes caractérisé par des instances politiques et militaires spécifiques à chaque région et par les structures économiques indépendantes. 4.2.2.- VERS LA SUPRÉMATIE Tant en matière administrative, économique que politique Port-au-Prince n'a pas toujours eu le monopole du pouvoir. Elle n'a pas été de tout temps le centre. Cela n'a pas empêché, cependant, à sa population d'augmenter au fil des ans. Entre 1749 et 1790, la population de la ville de Port-au-Prince est estimée à 680027(*) habitants. « En 1830, soit près d'un siècle après sa création, Port-au-Prince compte environ 25000 habitants (...). A la fin du 19ème siècle, près de 70000 individus résident dans cette ville qui ne cesse de s'étendre ».28(*) Port-au-Prince devait attendre l'occupation américaine de 1915 à 1934 pour changer de statut en matières infrastructurelle, économique et politique. Durant cette période, elle est embellie avec l'asphaltage de plusieurs de ses rues, l'aménagement de places publiques, de bâtiments administratifs, scolaires, d'hôpitaux etc. « Pour accroître son contrôle stratégique du pays, l'occupant crée et développe la centralité économique et la suprématie administrative de Port-au-Prince. Désormais, la capitale est reliée à tous les grands centres urbains de province. Ce réseau principal est par la suite complété par un réseau secondaire devant favoriser l'acheminement des denrées agricoles depuis les campagnes, où les américains y développent de grandes plantations de monocultures pour l'exportation. On voit dès lors, s'amorcer les premiers grands flux migratoires des provinces vers la capitale. »29(*) 4.2.3.-MIGRATION, STRUCTURE, DENSITÉ ET TOPOGRAPHIE SOCIALE Selon une analyse de H. Deronceray l'afflux de la population de la province vers la capitale s'est brusquement renforcé à partir de 1920 - 1930. Sept ans plus tard soit 1937, les premières lois d'urbanismes sont conçues en réponse à cette affluence embryonnaire. Mais, c'est surtout vers les années 50 qu'on peut vraiment, démographiquement, affirmer la suprématie de Port-au-Prince sur les autres villes d'Haïti. Malheureusement cette suprématie se réalise dans un total déséquilibre où les structures en place ne répondent à aucune norme urbanistique. En 1987, le géographe H. Godart écrit: « de 1950 à aujourd'hui, rien n'a été fait pour que cette ville millionnaire puisse croître de façon harmonieuse; les infrastructures ne peuvent répondre qu'aux besoins d'une population de 100.000 habitants ».30(*) Plus près de nous, abondant dans le même sens D. Bazabas écrit: « A la fin des années 50, la capitale dont la population est estimée à 180.000 habitants, est déjà structurée suivant le canevas spatial qui prévaut encore aujourd'hui ».31(*) Les données en ce sens ne sont pas contradictoires ; et concourent, plutôt, à faire comprendre la réalité de l'actuel Port-au-Prince qui en 1999 compte 1 693 993 habitants selon l'IHSI. De 3.15 kilomètres carrés entre 1749-1790 elle est passée à 43 km2 en 1970 pour atteindre 60 km2 en 1982 et pour grignoter actuellement dans le désordre 80 kilomètres carrés. Ainsi, Port-au-Prince s'étend physiquement, pendant que sa densité au sol augmente. De 2.158 habitant au kilomètre carré elle est passée à 11.627/km2, pour atteindre 13.333h/km2, et pour grignoter 22.000 habitants / km2.32(*) « La croissance urbaine sans précédent qui a affecté la capitale depuis 1970 implique des modifications profondes dans l'organisation de l'espace résidentiel de Port-au-Prince. (...) Mais l'extension spatiale n'a pas été proportionnelle au croît démographique, .... L'espace urbain s'est donc densifié; les vides entre les quartiers ont été progressivement comblés ou sont en voie de l'être, et les interstices entre les maisons ont été construits. « Dans les années 50, les catégories sociales aisées habitaient les gingerbread de Pacot, Turgeau, Bois Verna...(100m d'altitude environ). Peu à peu, ces strates de la population ont migré vers Pétion Ville (Bourdon, Musseau, Morne-Hercule... quartiers dont l'altitude est comprise entre 150 m et 300 m), puis au-delà de Pétion-Ville (tête-de-l'eau), Montagne-noire, Boutiliers, La Boule, Fermathe, secteurs situés entre 600m et 1.300m). « Les zones occupées par les catégories sociales aisées s'accroissent exclusivement par extension spatiale. En effet, les terrains et les villas sont vastes et ces quartiers, dont la densité est faible, peuvent être considérés comme saturés. « Les secteurs de Delmas, de la plaine du Cul-de-sac et des hauteurs du Morne l'hôpital comprises entre Martissant et Carrefour sont les zones de croissance et de densification privilégiées des catégories sociales moyennes. Ces quartiers, aux rues tracées mais souvent non revêtues, ressemblent à de vastes chantiers où de nombreuses maisons sont inachevées ou en construction. « Les quartiers d'habitat populaire progressent sur les mornes et cette progression s'accompagne d'une densification des secteurs déjà urbanisés. « Quant aux quartiers d'extrême pauvreté, ils sont essentiellement localisés dans le centre taudifié et à ses abords, au Nord-Ouest et au Sud de l'agglomération. « La zone Nord-Ouest, l'une des plus malsaines de Port-au-Prince en raison des problèmes de drainage qui l'affectent, attire un nombre croissant de migrants. 1966/1967 marque le début de l'extension spatiale sans précédent de cette zone. L'incendie de la Saline entraîne l'exode de la population touchée par cette catastrophe et donne naissance au quartier de Brooklyn. Le flux migratoire s'intensifie, les quartiers déjà existants se densifient et de nouveaux quartiers naissent: Boston vers 1972, le warf en 1978"33(*), "Cité letènel" 1988, Jalousie 1991... Ces différentes catégories de couches sociales habitant dans des zones différentes de Port-au-Prince permettent de se faire une idée des disparités existant dans cette ville. L'oeuvre de H. Godart publiée en 1987 n'a pas pu signaler le nouveau phénomène de non-ségrégation en matière d'habitat à Port-au-Prince. En effet, « dans les zones urbanisées de proche et moyenne périphérie, nous observons un phénomène intéressant de non ségrégation spatiale faisant cohabiter l'habitat très précaire et l'habitat résidentiel haut de gamme. Nous sommes là, confrontés à deux formes d'aménagements spontanés et/ou non réglementées qui se partagent les mêmes espaces et qui produisent les mêmes effets. Les interstices abandonnés et laissés inoccupés entre les propriétés des classes aisées, sont remplis par des constructions érigées par les classes sociales les plus défavorisées. Ainsi, dans cette agglomération, il n'est pas rare d'observer dans certaines zones d'urbanisation récente, de somptueuses villas côtoyer des poches d'habitat précaire et très précaire ».34(*)
Une situation hors d'aplomb, c'est-à-dire ne respectant aucune norme d'équilibre sociodémographique et présentant de larges écarts entre les éléments structurants. Cette situation traduit aussi bien l'incommodité et la promiscuité humaine dans cette ville où les résidents des zones défavorisées occupent de minuscules espaces allant de 4 à 6 mètres carrés; espaces dans lesquels on retrouve souvent plus d'une dizaine de personnes, pour chaque 4 à 6 mètres carrés, à y évoluer. La nuit ils dorment « à la manière militaire », par relève, sur et sous des lits. Ils s'adonnent pour la plupart à la domesticité, aux travaux des factories, et artisanaux, aux petits commerces. Ils mangent deux ou trois jours sur sept et ceci dans des conditions non hygiéniques et pas tout à fait nutritives. C'est ce que dans le langage haïtien on appelle « manger au chien janbé », c'est-à-dire le lieu où l'on prépare à manger qui est accessible à tous, même le chien n'y est pas exempt au point qu'il peut lui arriver de traverser la nourriture préparée. Leurs vêtements ne leur coûtent pas trop cher en raison des « pèpè » (vêtements usagés venus des USA). Cette déréglementation urbanistique infecte Port-au-Prince de certains maux sociaux difficiles à traiter comme: la délinquance, la prostitution, le chômage, l'insécurité, le vol sous toutes ses formes et particulièrement sous sa forme la plus violente: le « phénomène zenglendo ». Cela plonge la ville dans une instabilité constante qui la rend non conviviale, mais, qui pourtant ne l'empêche pas de continuer à attirer un flux de migrants. Ruraux pour la plupart, ces migrants sont délogés par la misère qui sévit dans le monde rural du fait que l'agriculture pratiquée ne reste qu'au stade rudimentaire et ne produit même pas pour la survie. Ils sont venus à Port-au-Prince, grossir le lot des désespérés qui n'ont aucune instruction, aucune profession et qui sont obligés malgré tout de manger, de dormir, de se vêtir, de se déplacer. Ils n'entendent plus retourner vivre la misère du monde rural. Et en réponse à leur misère dans la ville de Port-au-Prince ils s'inscrivent dans l'informel. Le kidnapping en devient une des branches. Du phénomène arounsa, Port-au-Prince est passée au zenglendo pour arriver au kidnapping. Trois phénomènes dont l'un des acteurs principal a toujours été les forces armées. Et cela se comprend, car « En Haïti, où il s'agit plutôt de villes préindustrielles et d'agriculture manuelle, le mouvement de la population des campagnes vers les villes ne répond guère à une attraction économique réelle. Cette désarticulation est typique d'une situation de sous développement: l'exode rural n'est pas articulé aux besoins de main d'oeuvre urbaine.- l'Explosion urbaine se produit sous l'aiguillon de la misère des campagnes, de la décomposition des structures agraires, au fur et à mesure que l'érosion emporte à la mer la terre cultivable ».35(*) Ils développent, pour ainsi dire, une culture d'enracinement et c'est justement la volonté de rester à Port-au-Prince qui les pousse à construire des taudis et à habiter dans des bidonvilles sur de minuscules espaces. C. Souffrant dans une analyse de l'urbanisation de Port-au-Prince montre qu'on ne peut pas cerner ce processus dans cette ville sans passer par le bidonville qui est une cité de transition culturelle et surtout qui facilite la cohabitation de deux types de pauvretés et où toute une dialectique des aspirations et des frustrations se combinent et se dégagent. Certes, le rural en migrant à Port-au-Prince nourrit l'espoir d'une vie meilleure pourtant sur place, face à un semblant de modernité (voitures de luxe, rue asphaltée, électricité, télévision, téléphone maisons en béton armé...) il ressent encore plus fort la distance qui le sépare de l'urbain (du port-au-princien). Dès lors il se rend à l'évidence qu'il vivait dans un monde de rêves, d'illusions mais qu'en dépit de tout, sa réussite n'est égale qu'à sa résignation. 4.3.- URBANISATION DE PORT-AU-PRINCE La capitale d'Haïti, en effet, n'est pas épargnée par le phénomène de l'urbanisation. Elle est partie prenante du monde sous-développé qui actuellement compte 57.8% de la population urbaine du monde. A l'instar des autres villes, du monde sous-développé, elle accueille annuellement, un taux de migrants ruraux qui grossit l'effectif de sa population. «Depuis plusieurs années déjà, une tendance très nette se dégage dans la distribution spatiale de la population urbaine du pays : les principales villes de province perdent graduellement de leur importance au profit de Port-au-Prince, la capitale et ses satellites (Carrefour, Delmas, et Pétion-ville). La population de la ville de Port-au-Prince a connu une augmentation relative de plus de 50% entre 1980 et 1990...» 36(*) La superficie de Port-au-Prince s'étend d'année en année. De nouveaux espaces sont aménagés dans ses périphéries; mais elle laisse l'impression d'une ville dont l'agrandissement, en termes de tracée, renvoie à un « désordre géométrique » en raison des constructions anarchiques érigées çà et là et dépourvues des normes les plus élémentaires d'urbanisme, de sanitation et de confort. Une telle présentation du schéma urbanistique ou architectural de Port-au-Prince permet de se faire une idée de la circulation ambiante à l'intérieur de cette ville qui représente le centre des activités socio-économiques d'Haïti. Pour les habitants des villes de province, Port-au-Prince est un palier entre deux niveaux sociaux, d'altitudes différentes, par où il faut absolument passer pour accéder à une condition d'existence plus proche de la modernité. Un coup d'oeil sur le tableau # 1 (P.74) fixera les idées quant à l'importance de Port-au-Prince en matière démographique: Tableau # 1 Répartition (en %) de la population des principales villes du pays 1980 - 2005
*L'Aire Métropolitaine comprend: Port-au-Prince, Delmas (y compris Croix des Missions) Carrefour et Pétion-Ville. (Source : IHSI) Cela témoigne en partie de l'absence d'infrastructures routières appropriées dont souffrent l'ensemble de ces villes. Leur urbanisation se réalise sous le signe du délabrement. Si à Port-au-Prince l'urbanisation, selon Claude Souffrant, est en porte à faux, celle des villes de province ne s'accroche qu'à un traditionalisme rudimentaire qui handicape leur évolution socio-économique. Du nécessaire au luxe en passant par les institutions éducatives (écoles, université etc.) tout se concentre à Port-au-Prince. En conséquence, il devient indispensable à tout un chacun, digne du nom d'haïtien, d'y faire un tour et de tenter d'y rester. Cette tentation ne date pas de la dernière décennie et Port-au-Prince n'est pas, non plus, la seule ville du monde sous développé à hanter les ruraux et les résidents d'autres villes de province. «Entre 1950 et 1983, le nombre de citadins dans les pays de ce type s'est multiplié par 3.7 et leur part dans la population est passée de 17 à 30%.» (S. Brouk, 1986, 64). Évidemment ce pourcentage n'est pas proportionnellement réparti entre les villes des pays sous-développés. Le grand écart, socio-économique dont on a fait mention dans les lignes précédentes entre la capitale d'Haïti et les autres villes, est aussi vrai pour l'ensemble des capitales du monde sous-développé. « ... Dans certains pays tels que l'Egypte, (...), Madagascar, le Sénégal, l'Angola, la Guinée, etc. la capitale compte plus de 50% de la population urbaine ». (J. M. Hoener, 1995, 53). En effet, les 133 villes d'Haïti accusent des différences notoires en termes d'effectif de population. Si l'on prend en considération les neuf (9) principales villes du pays on se rendra à l'évidence de la grande disparité démographique existant entre Port-au-Prince et les huit (8) autres grandes villes départementales. Sur ce point Cap Haïtien la deuxième ville du pays, avec ses 98954 habitants, est de loin semblable à la seule commune de Port-au-Prince qui compte 846 247 habitants. La population des autres villes comme les Gonaïves avec ses 59049 habitants, les Cayes 46075, Jérémie 25869, Port-de-Paix 25453, Jacmel 17202, Hinche 14317 et Fort-Liberté 8622 n'est pas comparable à celle de la ville de Port-au-Prince. Ces données provenant de l'Institut Haïtien des Statistiques, pour l'année 1994 permettent d'apprécier, à sa juste valeur, le jugement suivant: «la massification urbaine ne s'est produite, à un degré significatif que dans la seule ville de Port-au-Prince». (C. Souffrant, 1995, 41). Ici l'expression « massification urbaine », envoie une image monstrueuse, désastreuse et désarticulée de Port-au-Prince qui, dans ses périphéries, a assisté à l'émergence de plusieurs villes considérées comme des espaces circonscrits à son territoire tels : Delmas, Pétion-Ville, Carrefour, Gressier etc. Aussi parallèlement à ces villes, ou au coeur même de Port-au-Prince, sont montés des bidonvilles. C'est en tenant compte de cette réalité qu'on estime la population de Port-au-Prince à plus d'un million d'habitants. Aussi, arrive t-on à confondre les villes périphériques de Port-au-Prince avec Port-au-Prince même. Il ne faut pas se tromper; les espaces urbains circonscrits au territoire port-au-princien ne diminuent pas le nombre d'habitants au sol. Au contraire, ils augmentent l'effectif des résidents pendant qu'ils réduisent la surface du sol habité. C'est sans nul doute ce qui porte plus d'un à parler de la bidonvilisation de Port-au-Prince comme pour faire allusion à son urbanisation. Une urbanisation qui prend corps dans une ville non industrialisée et où le transport, en dépit de tout, assure la liaison des lieux de résidence aux différents points d'activités socio-économiques: sous-traitance, services publics, marchés, magasins, écoles etc. Donc le tertiaire (les services), comme secteur économique comprenant les activités non productrices est prédominant à Port-au-Prince. Tout cela est pour insinuer que le transport collectif urbain à Port-au-Prince n'épouse pas nettement l'axe de la révolution industrielle qui a donné naissance à l'usine facteur de localisation d'une forte agglomération et indicateur, par excellence, du milieu urbain dans les pays occidentaux depuis la fin du 19ème siècle. Port-au-Prince souffre du mal de sous-développement marqué par le caractère rudimentaire du système économique d'Haïti. Le transport, n'en est pas épargné. A ce niveau il parait difficile de parler d'interdépendance entre industrialisation, transport en commun et urbanisation. On ne peut, même, pas encore parler tout-à-fait de l'ère urbaine. Ce point de vue est partagé tant par des institutions que par des spécialistes compétents en la matière. «Haïti est un pays à prédominance rurale:76% de la population vivait en milieu rural en 1980 contre 70 % en 1990 et selon les prévisions 61% y seront encore en 2005».37(*) Claude Souffrant nous dit, dans son livre : Sociologie prospective d'Haïti que «dans les pays urbanisés de l'occident, le paysannat est devenu minoritaire. Une certaine réduction des inégalités entre urbains et ruraux s'est opérée grâce à la production massive de l'énergie électrique, à l'extension des moyens de transport et d'information ». (C. Souffrant 1995, 43) S'il est vrai qu'on constate en Haïti une extension relative des moyens d'information; pour le reste on a beaucoup de chemin à parcourir. C'est ce qui confère à Haïti, jusqu'à aujourd'hui 1996, son haut degré de ruralité.
En conséquence, l'urbanisation en Haïti ne peut être analysée en dehors de sa ruralité qui traduit un mode vétuste d'organisation spatiale, sociale et économique. En d'autres termes, ce mode d'organisation reste en marge des progrès techniques qui se réalisent au jour le jour et qui contribuent au développement planifié du social et de l'économie. Quand ces progrès ne sont pas implantés, à temps, dans un espace géographique donné le processus de transformation de l'espace en question se trouve paralysé au point qu'il lui devient difficile à emboiter le pas de la scientificité qui fixe des normes d'existence et de confort. Dans la société haïtienne, le retard d'applicabilité des normes scientifiques se situe à presque tous les échelons et entrave son bon fonctionnement. Le rural en migrant vers Port-au-Prince ou vers les autres villes de province ne fait que changer de milieu mais garde la plupart de ses moeurs susceptibles, avec le temps, de connaitre des modifications pro-urbain ». Alors, franchir la frontière du monde rural pour atteindre le monde urbain, dans le cas d'Haïti constitue, pour le migrant qui, dans la majorité des cas, ne réunit pas les prérequis nécessaires pour s'adapter à la forme tant soit peu de modernité des villes, un exercice à la fois éreintant et atrophiant. «A l'heure de l'explosion urbaine du tiers monde, la société haïtienne se présente comme une société rurale en cours d'urbanisation (...) son retard économique va de pair avec le retard de l'urbanisation». (C. Souffrant, 1995, 47) Dans la globalité du fait, l'urbanisation d'Haïti souffre du retard. «A l'échelle nationale la proportion de la population urbaine est passée de 24% en 1980 à environ 30% en 1990.Elle s'est accrue de près de 6% au cours de la dernière décennie; selon les projections, le taux d'urbanisation atteindra 39% d'ici l'an 2005.Cet indicateur, comparé aux pays de l'Amérique Latine est très faible; la moyenne latino-américaine étant de 72% en 1990.» 38(*) Cependant à Port-au-Prince, la capitale d'Haïti, l'urbanisation galope et ceci vertigineusement; car en 1990 déjà, selon l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), l'aire métropolitaine dépassait le chiffre de un million (1 000 000) de résidents. Dans le contexte de l'interface ville-campagne, les difficultés que connait Port-au-Prince (circulation, transport-collectif, logement chômage etc.) constituent des indices d'une société organisée sous le signe de l'archaïsme. CHAPITRE V.- URBANISATION ET TRANSPORT EN COMMUN (LE CAS DE PORT-AU-PRINCE) L'urbanisation et le transport en commun renvoient à une même réalité qui exprime des formes de mouvement, de la population humaine, dues à des contraintes d'ordres démographiques et socio-économiques. Cela signifie, qu'on ne saurait prendre en compte, seulement le mouvement naturel de population pour expliquer le concept urbanisation, lequel fait référence à un processus de transformation spatiale et sociale qui implique une forte migration d'hommes vers l'espace de la ville où les activités de production économique sont non-agricoles et ont une plus grande portée sociale. En ce sens, l'urbanisation oppose la ville à la campagne, l'industrie à l'agriculture, le mode de vie urbain au mode de vie rural. Elle prend corps, dans des espaces qui réunissent des conditions susceptibles d'attirer et de rassembler un nombre considérables d'hommes. A ces espaces «Statisticiens et Géographes proposent de multiples définitions et classifications : Villes, communautés urbaines, agglomérations, conurbations, métropoles, mégalopoles etc. « Mais toutes ont en commun d'être des concentrations de population, vivant essentiellement d'activités économiques non agricoles». (F. Ascher et J. Giard, 1975, 13)
Le transport en commun est bien une de ces activités. Ainsi, l'urbanisation, à proprement parler renvoie à un système dont la structure implique une cohérence entre la ville, l'industrialisation et le transport en commun. « Tout développement, de la ville aurait donc ruiné son caractère en l'absence des moyens de transport. Le développement des villes est la conséquence de l'essor industriel, les transports également. Les deux phénomènes sont interdépendants et il semble abusif de vouloir faire de l'un la cause de l'autre». (P. Merlin, 1967,76) De l'avis de plus d'un, ces phénomènes sont simultanés et requièrent une vision d'ensemble pour une saine gestion et, de façon prospective, pour une meilleure planification de la chose sociale. A bien lire Pierre Merlin, on déduira que la révolution des transports a accompagné la révolution industrielle qui toutes deux ont assisté, au même moment, le début du grand mouvement d'urbanisation. Mais l'industrialisation et l'urbanisation donnèrent au XIX siècle la première place aux transports en commun.39(*) Cela peut se comprendre, car la révolution industrielle a sonné le glas d'un mode de production qui allait mettre fin à l'ère paysanne, inaugurant ainsi l'ère urbaine. Dès lors, l'ère du microfundia, est révolue. Les grands domaines d'exploitations agricoles sont mécanisés. La production agricole n'eut plus besoin d'un grand nombre de bras pour mettre en valeur des terres cultivables. Alors la vapeur et la machine révolutionnèrent la production. «La grande industrie moderne, selon K. Marx, supplanta la manufacture; la moyenne bourgeoisie industrielle céda la place aux bourgeois modernes ». (K. Marx, 1872, 35). L'émergence de cette bourgeoisie - que Marx, dans le Manifeste du Parti Communiste, assimile au capitalisme - va creuser d'avantage le fossé entre la campagne et la ville. «La bourgeoisie a soumis la campagne à la ville. Elle a créé d'énormes cités; elle a prodigieusement augmenté la population des villes par rapport à celle des campagnes, et par là, elle a arraché une grande partie de la population à l'abrutissement de la vie des champs. (...) « La bourgeoisie supprime de plus en plus l'émiettement (...) de la population. Elle a aggloméré la population ... » (idem) Cette agglomération eut été surtout effective, dans un premier temps, autour de l'usine située au coeur de la ville. «Espace spécifique, l'usine suppose que se développent des procédures diverses de contrôle du travail visant à assurer un accroissement de la production horaire». (J. Rémy, L. Voyé, 1981, 56) Cependant avec le temps et vu la misère croissante, en milieu rural, générée par le processus de la mécanisation des champs, la masse paysanne va se déplacer en direction de la ville pour se concentrer autour de l'usine. Alors, la concentration humaine va déborder les alentours de l'usine pour s'étendre à d'autres aires non trop loin de la ville, mais pas trop proche, non plus, de l'usine. Cela laissait déjà augurer que: «l'urbanisation accélérée est grosse consommatrice d'espace» (F. Asher, J. Giard, 1975,49) En effet, sous le poids démographique des migrants, la ville a connu, non loin de ses périphéries, l'émergence de plusieurs banlieues, les unes les plus éloignées des autres. En conséquence, l'aire de la ville s'est agrandie avec pour corollaire l'allongement de la distance entre le lieu de résidence et l'usine. Le temps à parcourir pour atteindre l'usine devient, en ce sens, plus grand. Dès lors la régularité de présence au travail est mise en question. Il fallait trouver le mécanisme, adéquat et approprié, pouvant rétrécir l'éloignement entre l'espace industriel et l'espace résidentiel. « Cet éloignement spatial fut rendu possible par le développement de transports collectifs (...) allant du train reliant des villes entre-elles puis celles-ci aux villages s'égrenant le long de ces lignes, jusqu'au tramway urbain, en passant par les vicinaux desservant essentiellement les villages. Ainsi, l'urbanisation interfère-t-elle avec l'industrialisation dans la mesure où elle a été rendue possible par le développement des moyens de se déplacer, qui permettrait de vivre sa vie hors travail, dans des endroits distants des lieux de travail. L'usage de ces moyens de transport est venu à son tour contribuer à instaurer un calcul sur le temps et même à exalter le respect». (J. Rémy, L. Voyé, 1981,57) L'urbanisation et le transport en commun deviennent, pour ainsi dire, des facteurs qui concourent à la production socio-économique dans la mesure où elles n'échappent pas totalement à la politique d'aménagement du territoire qui suppose le respect des normes d'urbanisme. «Les besoins en matière de transports, tant publics que privés, conditionnent toujours davantage les schémas de l'urbanisme (...) Planifier l'urbanisation indépendamment des transports urbains peut conduire à un étranglement de la circulation comme cela s'est produit à l'intérieur des villes grandes et moyennes avec l'apparition de l'automobile». (Robert Laffont, 1976, 27). En conséquence, si l'urbanisation est utilisée pour exprimer »la transformation plus ou moins rapide (...) d'une petite agglomération par suite d'une augmentation de la population... » (M.Grawitz, 1994,390), il n'en n'est pas moins vrai qu'elle recèle certains problèmes qui sont de nos jours de plus en plus manifeste à travers la crise du logement, celle du transport et surtout la crise de l'emploi. Des crises qui sont loin d'être résolues entièrement; car le rythme avec lequel la population mondiale urbaine augmente est si intense que déjà des études scientifiques s'accordent à reconnaitre que d'ici l'an 2000, elle représenterait 48.2% de la population mondiale. "L'augmentation drastique de la population mondiale est due à l'accroissement rapide de la population urbaine durant les trente (30) dernières années. La population urbaine mondiale s'est accrue de 735 millions en 1950 (29.4% de la population mondiale) à 2 billion en 1985 (39.9% de la population mondiale) et on prévoit qu'elle sera de 2.952 billion en l'an 2000 (48.2% de la population mondiale) ».40(*) Une projection peu scandaleuse quand on considère le poids du tiers-monde dans la balance démographique mondiale. A lui seul, le tiers-monde compte plus de 50% de la population urbaine du monde. Faut-il, de ce fait, considérer la rapide accélération de son urbanisation comme relier à l'industrialisation? De manière générale, tenant compte du système économique mondial, on peut répondre par l'affirmative. Le tiers-monde constitue dans le domaine de l'industrialisation moderne le satellite des pays riches. Il regroupe des usines d'assemblage ou de sous-traitance qui fabriquent des produits d'importance grâce à une main-d'oeuvre bon marché au profit des capitalistes du monde occidental. Il est un monde assujetti à l'occident capitaliste qui lui fait don d'un « mode de technique » capable de le basculer davantage dans le sous-développement. C'est l'exclusivisme moderne, mais pire. Car l'aire du tiers-monde (avec ses entrepreneurs relais) est contrainte à ne produire que pour la survie. Toutefois, le peu de technique qu'exige l'usine de sous-traitance se concentre dans les villes du tiers-monde faisant ainsi d'elles des centres d'attraction pour l'ensemble des habitants du monde rural qui jusqu'ici végètent, à cause de la misère endémique provoquée par un système agricole archaïque. Ainsi, à l'exemple des grandes villes des pays occidentaux, les villes du tiers-monde attirent des migrants. Par contre, si dans les années 1950 la population des villes des pays occidentaux fut plus élevée que celle des villes du tiers-monde; aujourd'hui, la tendance est toute autre. En effet, «Au cours de l'année 1950, 60,0% de la population urbaine du monde vivaient dans les pays développés, à comparer au 39,4% qui vivaient dans les pays en voie de développement, la tendance s'est renversée au cours des années 1970. En 1985, 849.1 million de gens (42.2 % de la population mondiale) vivaient dans les pays développés, à comparer au 1.164 billion ou 57.8 % des pays en voie de développement. Un autre fait significatif est que plusieurs villes gigantesques sont situées dans les régions pauvres du monde sous-développés avec un produit national brut per capita très bas »41(*) Cette galopante augmentation de la population urbaine, à l'échelle mondiale, n'est pas sans effet ni sur la circulation automobile à l'intérieur des villes ni sur le comportement des usagers qui assistent impuissamment à la montée de la densité de la population au kilomètre carré. De ce fait, le transport, particulièrement le transport collectif urbain fonctionne dans l'encombrement, en entrainant l'insatisfaction chez tous ceux dont les affaires obligent à respecter une certaine rigueur disciplinaire. Fuir l'embouteillage des zones de marché, des zones de transactions financières devient l'une des grandes préoccupations de ces gens là qui ne peuvent se plier aux exigences du système de transport collectif qui ne répond pas à leur attente. Dans ce contexte, l'urbanisation développe l'individualisme chez l'urbain en privilégiant le transport privé au transport collectif. «La carence des transports en commun a donc contraint les travailleurs à utiliser les voitures individuelles même pour des migrations alternantes (régulières) et sur des axes fréquentés. (...) «... en 1950 on comptait une voiture pour huit (8) habitants, en 1970 une pour quatre (4) et probablement dans les années 1980 une pour deux (2) ou trois (3).» (F. Ascher, J. Giard, 1975, 106) Le taux croissant de l'automobile privé, en dépit de tout, n'a pu empêcher au transport collectif de jouer le rôle qui lui est dévolu. Quoi qu'en nombre inférieur, quand on le compare à l'effectif de l'automobile privé, le transport collectif assure la mobilité quotidienne à un pourcentage fort élevé de voyageurs. « Par exemple, en 1970, la ville de Mexico avec une population de 8.5 millions d'habitants a eu 650000 voitures privés et 100000 bus, mais ces bus transportent 6.8 millions de passagers par jour soit 55% du total, pendant que les automobiles privés transportent 2.9 millions de passagers soit 24% et 1 million de gens voyageaient en métro. »42(*) Tout cela permet de se faire une idée de l'importance du transport en commun dans le développement des villes qui, depuis l'avènement de la machine à vapeur, changent de statut et constituent l'espace privilégié à l'installation des usines, facteurs d'agglomération par excellence des migrants. «C'est une nécessité pour les fonctions urbaines et il facilite l'accès au travail, aussi bien qu'aux lieux de divertissement et de loisirs. Quand les services fournis par le transport public sont interrompus, les affaires et les services sont paralysés.»43(*) Aussi, le transport en commun, vient en aide à l'industrialisation, au développement social de la ville et à l'agrandissement de l'aire urbaine en contribuant à raccourcir l'éloignement qui oppose le lieu du travail au lieu de résidence. Par là on sous-entend que le transport en commun est en constante relation avec l'urbanisation dont les tentacules débordent le cadre continental pour devenir mondial. Néanmoins, cette dernière épouse les formes du système économique mondial; c'est ce qui explique sa différence, quant à son rythme, dans les pays développés par rapport aux pays sous-développés. D'une certaine manière, l'urbanisation n'est donc pas uniforme. `A chaque type de société correspond un type fondamental d'urbanisation, un mode d'occupation et d'organisation de l'espace, ne connaissant des variantes que selon les formations économiques et sociales particulières». (F. Asher et J. Giard, 1975, 17) Évidemment le mode d'occupation et d'organisation de l'espace exige une planification. Puisque «L'accroissement de la population urbaine s'est accompagné de contraintes rigoureuses pour les résidents et les ouvriers et tous ceux-là qui sont concernés par le développement urbain tels que les planificateurs urbains, le gouvernement et les municipalités. »44(*), Ce qui veut dire que l'urbanisation en tant que phénomène résultant surtout des contraintes sociodémographiques doit être planifiée, ou du moins ordonnée; de sorte que la ville soit en mesure de répondre à des difficultés d'ordres socio-économiques. Ici, « l'idée de planification est l'idée d'ordonner la réalité selon le principe souhaitable. D'introduire cohérence entre la conduite d'une institution et le mouvement démographique, économique, technologique du milieu où elle est située. » (C. Souffrant1995, 33). L'idée d'ensemble que sous-tend le concept urbanisation exige effectivement, la cohérence de tous les facteurs qui entrent en ligne de compte dans la constitution de la ville, et qui en même temps sont considérés comme des variables non négligeables, du fait de leur constant apport dans le développement, tant infrastructurel que superstructurel, de la ville. Tout cela est pour dire, que le transport en commun est un des facteurs de l'urbanisation, et aura longtemps encore, à traverser les routes les plus sinueuses pour contribuer à l'évolution de la ville du XXI siècle. «Il n'en reste pas moins vrai que les moyens de transport en commun et les autoroutes constitueront dans l'avenir à court et moyen terme des axes attractifs pour le développement de l'urbanisation. (P. Merlin, 1967, 90). Cette hypothèse n'est pas à démontrer. Toutefois elle renforce l'idée prospective d'une meilleure organisation de l'espace urbain eu égard au transport en commun. Alors il est à se demander: Port-au-Prince est-elle soumise à une urbanisation qui soit en parfaite harmonie avec son système de transport en commun? 5.1.- L'ACTIVITE TAP-TAP DANS LE SYSTEME DE FONCTIONNEMENT DE PORT-AU-PRINCE 5.1.1.- TAP-TAP: TYPES ET DESCRIPTION Le signifiant tap-tap renvoie à l'automobile qui transporte collectivement et rapidement des passagers à destination. Puisqu'en Haïti, selon la coutume, l'automobile ne répond pas toujours aux exigences du transport en commun, le propriétaire fait appel (certaines fois) au carrossier, au ferronnier, au peintre, au sculpteur, et à d'autres artisans. L'ensemble de ces artisans impriment à l'automobile des touches spéciales qui contribuent à sa valeur locale et qui la rend adaptable à la réalité haïtienne. Taxi, bwafouye, kanntè, yole, rachepwèl, batiman, kokorat, sont des expressions pour désigner en Haïti des types de transport en commun.
Une autre expression, traduisant un nouveau mode de transport en commun commence à s'imposer dans le langage populaire. Il s'agit de : « kokorat ». En Haïti parler de « kokorat » revient à évoquer l'existence d'un invertébré, de la grosseur d'une graine d'haricot, vivant, sous des détritus qui avoisinent l'humidité. Le nom évoque, entre autre, une multitude d'invertébrés de même espèce qui s'adonnent à une activité commune. La Mission « Up Hold Democracy » du 19 septembre 1994 menée par l'ONU, pour réinstaller le président Aristide46(*) dans ses fonctions perdues le 30 septembre 1991 à la suite d'un Putch militaire commandé par Raoul Cédras le commandant Général A.I des Forces Armées d'Haïti d'alors - a permis à l'expression « kokorat » de connaître une sorte de mutation. Dès lors, elle traduit le mode d'existence animal comparé à une existence humaine. En effet, à Port-au-Prince, la misère endémique a poussé des marginaux des quartiers de La saline et de Cité Soleil à une quête de nourriture dans les poubelles des GI'S. Et partant, tous les abandonnés, à un niveau quelconque de la vie sociale, qui partagent une situation de misère s'apparentent aux « kokorat ». Ainsi, considère-t-on des usagers d'un moyen de transport assujettis à la rigueur de la chaleur qui règne à l'intérieur d'une carrosserie conçue préalablement pour transporter des objets / marchandises et construite à l'aide de « Faber Glas » ou de « Plywood» enveloppé d'une tôle de 3/16 de dimension. En ce sens, la carrosserie du véhicule en question ne répond pas aux conditions normales de transport des hommes. Pourtant, en Haïti, particulièrement à Port-au-Prince, on l'a rendue adaptable à cette fin; en créant arbitrairement des ouvertures dans les façades latérales, sortes de fenêtres facilitant l'aération, et en laissant constamment ouverte l'issue arrière destinée, à l'origine , à rester fermée durant le transport des objets. Malgré ces étranges modifications cette carrosserie reste inconfortable au point que durant tout le temps du trajet les usagers transpirent à grosses gouttes. Des chemises et corsages humides de transpiration entrainent des remous individuels qui rendent non seulement bruyante l'atmosphère du trajet mais aussi déconcertent le passager qui arrive à destination mal en point. D'où le nom de kokorat attribué à ce moyen de transport. D'aucuns disent que ce dernier doit surtout son nom à l'issue arrière, l'unique voie de pénétration et de sortie des passagers. Cette interprétation fait référence uniquement à l'appareil génital féminin. Evidemment, le préfixe « koko » dans kokorat traduit, vernaculairement parlant, dans la majorité des cas, le sexe de la femme. Néanmoins on peut se fier aux deux interprétations puisque, sur le terrain, les usagers s'accordent à les accepter. Elles sont complémentaires. Comme vous pouvez le déceler, vous même, « kokorat » est à la fois synonyme d'un mode d'existence et d'un moyen de transport. (Voir Annexe III # 6) Alors, « Taxi », « bwafouye », « yole », « rachepwèl », « batiman » et « kokorat » constituent la terminologie de base du transport en commun haïtien, spécialement des port-au-princiens qui quotidiennement utilisent le service des différents types de tap-tap. A remarquer que le mode de carrosserie est déterminant dans la nomenclature du transport en commun. 5.1.2.- PORT-AU-PRINCE ET SES TAP-TAP «Dans les pays en développement, là où une large part de l'accroissement urbain est due à la migration des populations rurales vers les villes côtières et vers la capitale qui concentrent un fort pourcentage des activités économiques, les difficultés sont innombrables du fait que les endroits où vivent les migrants n'ont pas été antérieurement aménagés pour les recevoir et de plus les espaces réservés à l'infrastructure du transport ne sont pas adéquats. Dans ces villes les distances entre les zones résidentielles et zones de travail ont augmenté, ce qui implique un accroissement de la demande de mobilité intra et interurbaine" 47(*) Tableau #2 Parc de véhicules circulant dans l'Aire Métropolitaine
*Autres: CC, OI, CD, SE, Police, Officiels Source: Service de la circulation et du contrôle des véhicules (Août 1996) Tableau # 3Répartition des transactions d'émissions et de renouvellement pour polices privées, publiques, et de transport par Agences de province Exercice 1995 - 1996
Source : OAVCT Rares sont les résidents des villes de province qui saisissent le sens de la notion : Taxi ou de Service de transport collectif assurant le trajet d'un point à un autre à l'intérieur de la ville en question. Le transport collectif urbain, en ce sens, n'a de signification qu'à Port-au-Prince. D'ailleurs, en comparant le parc des véhicules circulant dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince pour l'année 1996 et certaines données statistiques sur les transactions d'émission et de renouvellement des polices d'assurance à travers les différentes villes de provinces, on se rendra à l'évidence que pour une ville comme le Cap, les polices publiques et de transports avoisinent l'effectif de 2,000 contrairement à la seule commune de Port-au-Prince où taxis et transport sont plus de 10,000. A remarquer qu'ici, en lieu et place de Port-au-Prince, nous utilisons l'expression commune de Port-au-Prince. C'est une façon pour nous de faire ressortir l'énormité de la différence existant dans le domaine du transport collectif entre la capitale et la deuxième ville du pays. Généralement parler de Port-au-Prince (La capitale) sous-entend l'ensemble de ses espaces périphériques dont l'HISI désigne par l'aire métropolitaine qui inclut: La Commune de Port-au-Prince proprement dite, les communes de Pétion-Ville, de Carrefour, de Delmas et de la Croix des Missions. Cela signifie que les dix mille (10,000) véhicules représentent une partie des moyens de transport collectif de Port-au-Prince. Or, pour le Cap, le chiffre avancé concerne l'ensemble du Département du Nord composé de 19 communes. Un simple coup d'oeil sur les tableaux # 2 et 3 permettra à tout un chacun de saisir les nuances. Il faut toutefois, à quelques exceptions près, souligner la tendance: que pour les villes de province proches de Port-au-Prince, contrairement à celles qui lui sont éloignées, l'OAVCT (office assurance véhicule contre tiers) enregistre beaucoup plus de véhicules. C'est le cas de Miragoane, située à 94 km de Port-au-Prince, Saint Marc 96 km, et Gonaïves 155 km. (Voir tableaux # 2 & 3 P.73). Le transport collectif à Port-au-Prince, l'un des indicateurs de développement de la ville, est artisanal. Il reste bloqué, aux dires d'Eddy André Directeur de la Prévention Routière Haïtienne (PRH), « au stade d'une ville de 200 000 habitants. En terme spatial, on assiste à un accroissement non planifié de cette ville et une certaine interpénétration de population (...) Cette croissance démographique accompagnée inévitablement d'une extension importante des superficies occupées par la ville a comme corollaire un accroissement des déplacements urbains; l'augmentation du taux de motorisation (...). Cette situation conjuguée avec l'insuffisance du réseau routier et des services de transport collectif est à l'origine d'une congestion aiguë du trafic urbain qui a pour conséquences, entre autres la dégradation des performances énergétiques et une perturbation d'ordre général des activités des citadins ».48(*) On assiste de ce fait à ce qu'il appelle une déréglementation des transports collectifs. En effet, contrairement aux axes de routes traditionnellement empruntées par les chauffeurs de tap-tap, la hausse de la demande de mobilité et l'embouteillage provoqués par cette hausse forcent ces chauffeurs à emprunter arbitrairement des voies réservées autrefois à la circulation privée. Dans cette optique, des circuits comme : Waney 87, Archachon 32, Canapé-Vert, Nazon, Delmas 31, Delmas 33, Christ-Roi, Bois Moquette, Route Frère, Tabarre, Carrefour Marin, Croix-des-Bouquets...ont vu le jour et viennent faciliter le déplacement quotidien des habitants des espaces urbains, nouvellement créés, circonscrits dans l'aire port-au-princienne. Ces voies ajoutées au réseau routier de Port-au-Prince entrent dans la catégorie de ce que Jn Michel Houry aurait qualifié de diagonales; c'est-à-dire des voies qui ne font pas partie des axes principaux qui débouchent sur le centre ville de Port-au-Prince.
« Notre système de transport fonctionne depuis longtemps d'après une logique artisanale. (Nous faisons abstraction de l'initiative d'Anouald - nom du propriétaire de la compagnie d'autobus qui a fonctionné à la capitale durant les années 60. Elle a cessé d'exister en l'année 1969 et les dernières unités ont été vendues en République Dominicaine - qui avait su établir un réseau de transport collectif urbain (TCU) en créant des lignes d'autobus desservant régulièrement les centres commerciaux et les quartiers résidentiels. Puis, la CONATRA des années 80 était mort-née). (...) Ce vide a été comblé anarchiquement par l'implantation des "tap-tap» qui désigne un mode de transport qui s'est installé sous nos cieux, comme une réponse aux besoins de transport imposé par l'imprévision de l'Etat vis-à-vis des changements dans la structure de la ville. Ce type de transport dont la propriété est atomisée, c'est-à-dire appartenant à des particuliers et non à des compagnies ou à l'Etat, ne répond à aucune norme ergonomique. « ... Cette forme artisanale de notre (TCU) est une réponse spontanée à une offre inadaptée aux besoins de la population et à l'évolution de la ville. » 49(*) Dès lors, la planification est substituée par l'improvisation devenue un modèle de fonctionnement populiste édifié sur les bases d'un État, apparemment démissionnaire mais qui, au fond, tombe en déconfiture parce qu'il a, volontairement, privilégié l'arbitraire au détriment du respect des normes scientifiques et sociales. Pour se donner bonne conscience cet État ne monopolise pas l'initiative, il l'abandonne au profit de l'individu qui pour en tirer certains avantages utilise des moyens de transport qui ne sont pas adaptés au transport collectif et qui sont complètement dépourvus des normes les plus élémentaires de confort. Quand E. André parle de l'implantation anarchique des tap-tap cela a tout son sens. Les tap-tap, en effet, tous types confondus, se retrouvent aujourd'hui sur tout le réseau routier de Port-au-Prince; c'est-à-dire tant sur les axes principaux que sur les diagonales. Ils transportent toujours un nombre excessif de passagers. D'ailleurs le surchargement est un des signes caractéristiques du transport collectif à Port-au-Prince. Cela peut se comprendre; car cette ville qui en 1996, selon l'IHSI, comptait plus de 1 500 000 habitants, avait d'après le service de la circulation des véhicules, un parc automobile évalué à 51963 véhicules dont seulement 8957 étaient destinés au transport en commun. Cela signifie, qu'il y a environ dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince 1 456 986 personnes pour seulement 8957 véhicules publics. Soit un tap-tap, en moyenne pour 163 passagers, c'est-à-dire, suivant la terminologie du tableau # 2 (page 73) en additionnant les véhicules privés aux véhicules de transport et « autres » de l'aire métropolitaine, nous obtenons la somme de 43014 véhicules qui ne sont pas impliqués dans le transport collectif. En soustrayant cette somme des 1 500 000 habitants de l'aire métropolitaine nous avons le nombre approximatif des usagers de tap-tap. 163 passagers pour un tap-tap! L'urbanisation en est-elle responsable? Il suffit de faire le tour de Port-au-Prince aux heures de pointe pour constater des queues interminables de passagers qui espèrent prendre place dans un tap-tap pour arriver à destination. André Charlier aussi bien que Jean Dellile - dans deux articles différents publiés dans l'hebdomadaire Haïti en Marche- ont pu décrire cette situation. Selon A. Charlier, non seulement les tap-tap ne répondent pas aux règles du transport collectif urbain(T.C.U) mais aussi ils ne suffisent pas en nombre pour assurer le transport de l'ensemble des usagers qui réclament leur service surtout avec les « embouteillages monstres » qui les empêchent d'aller très vite. Dans ce contexte, il met en question tout le système du transport à Port-au-Prince. Ce système fait pitié vu la situation dans laquelle il se trouve. « L'état du matériel roulant est souvent pitoyable. Constamment surchargés, mal entretenus, réparés à la diable, parce qu'il faut en même temps payer les échéances et vivre (mal!), les véhicules sont vite usés jusqu'à la corde. Beaucoup ne passeraient pas la plus bénigne des inspections, mais circulent quand même, aux risques et périls de leurs passagers ... et des piétons. Les moteurs diesel, dont les filtres encrassés ne sont probablement jamais changés, qui obligent la voiture qui suit à les dépasser au plus vite, ce qui, dans ces rues étroites créé un risque non négligeable d'accident. Les portières, très souvent, ferment mal. On y remédie en embauchant un gosse chargé de s'en assurer. J'en ai vu un qui fermait la sienne à l'aide d'un bout de corde. « L'entassement des passagers est incroyable, et contribue puissamment à l'usure précoce des voitures. L'on s'assied à six (6) sur des sièges prévus pour trois personnes, et les propriétaires, je ne sais pas comment, rajoutent un banc supplémentaire. Inutile de préciser que c'est très inconfortable. Si l'on n'a pas la chance d'être parmi les premiers à monter dans la voiture, il n'y a guère d'espoir de s'asseoir. Les passagers assis, bien sûr, sont serrés comme sardines en boite. » 50(*) Ce tableau présente la réalité du transport en commun dans la capitale d'Haïti. Si dans le fond il cache quelque chose, c'est peut-être, l'irresponsabilité de l'Etat haïtien ou des dirigeants de ce pays qui ont tout fait pour habituer la population de Port-au-Prince à l'insalubrité et l'inconfort. Comme le texte d'A. Charlier l'a pu démonter; on est dans une ville ou la problématique du transport en commun génère l'individualisme (le sauve qui peut): le conducteur surcharge le véhicule à son profit, mais au détriment du propriétaire qui lui exige, pour la journée de travail, trop d'argent que seuls des passagers entassés dans l'inconfort peuvent lui garantir le gain. Cette forme d'individualisme constitue un blocage au développement systématique du transport collectif de la société haïtienne dont Port-au-Prince semble être la synthèse. Georges Anglade, dans l'espace Haïtien, ne l'a t-elle pas qualifié de République de Port-au-Prince! On est effectivement dans une "République" où tout semble bloqué. C'est le point fort de l'article de Jean Dellile qui, succinctement, a assimilé le blocus (embouteillage de la circulation) au blocage politique du pays. Son analyse est pertinente, car elle a remis en question le type d'interaction existant entre les institutions d'État qui, au lieu de faciliter le décollage d'un changement positif de la ville de Port-au-Prince entrave de préférence les différents paramètres du processus de ce changement. Ainsi ce type d'interaction gangrène la vie collective, tue le citoyen et développe l'égoïsme. La ville de Port-au-Prince devient, pour ainsi dire, non conviviale. Tout un chacun se défend ou de préférence, se bat pour être mieux loti mais au détriment de l'autre. On s'en fou du respect de l'autre. « Le blocage politique dont il faut absolument sortir me fait penser au blocus si souvent imposé aux sorties nord et sud de Port-au-Prince. Certes, Port-au-Prince n'a pas du tout les infrastructures de la grande ville de plus d'un million et demi d'habitants. Mais cela n'explique pas tout. Je me souviens avoir attendu plus de deux heures pour sortir de Port-au-Prince vers le nord à cause de l'enterrement d'une personnalité. Au début, les chauffeurs ralentissaient pour voir. Très vite la circulation fut bloquée. Le phénomène étonnant de l'indiscipline généralisée des chauffeurs avec surtout les grosses pajero qui ne pouvaient tolérer que la racaille les gène et, curieusement alliés de ces "gros nèg» méprisants, les chauffeurs de tap-tap se faufilant dans tous les interstices. Avec l'absence de police, je vis bientôt sur la nationale no.1, une file à sa place, à sa droite dans les bas côtés une autre file, sur ma gauche bientôt deux autres files qui bouchaient la route aux voitures d'en face qui, entre temps, avaient fait pareil. Et tout était bloqué par l'anarchie incroyable due à l'individualisme effréné de chaque chauffeur ne tolérant aucun règlement. L'idée que la route est à tous avant d'être à soi n'effleurait absolument pas l'idée des chauffeurs uniquement occupés à être plus habiles que le voisin. Deux heures de perdues pour près de 2000 personnes, soit 4000 heures perdues selon un tarif horaire, et l'économie du pays une fois de plus gaspillée, sapée à la base par un comportement non convivial. »51(*) Alors que l'automobile a été inventée pour raccourcir la distance et réduire le temps, alors que le temps est un des paramètres fondamentaux dans le procès de la production industrielle qui a institué le rendement horaire, Port-au-Prince au XXème siècle finissant n'arrive pas encore à l'utiliser à bon escient. Qui pis est, à ce propos, Port-au-Prince semble même revenir au temps primitif, car la vie nocturne depuis une décennie n'existe plus. Approximativement, tout ne fonctionne à Port-au-Prince que durant les 12 premières heures du jour (6.00 Am - 6.00 Pm). Cet intervalle de temps constitue les limites variables de toutes les activités sociales et économiques de Port-au-Prince. Dans cette logique, les tap-tap s'y inscrivent et les usagers sont obligés de se conformer sinon ils courent le risque de voir écouler le temps sans répondre présent à des rendez-vous d'importance pour leur survie. Certes, avec les embouteillages le tap-tap perd sa signification puisque les usagers n'arrivent pas à effectuer le trajet dans le délai escompté. Néanmoins, avec la distance qui augmente-t-il reste un impératif pour eux (les usagers) de réclamer le service, soit du taxi, soit du yole, soit du batiman, soit du bwafouye, soit du rachepwèl, soit du kokorat. Le bon ton peut être l'exige! Cependant, quoique l'embouteillage soit un phénomène constaté dans presque toutes les grandes villes (ce qui souvent conduit les dirigeants à prendre des mesures disciplinaires et à construire d'autres voies comme les HighWay et les SubWays), à Port-au-Prince l'embouteillage se manifeste par un arrêt entre 10 à 25 minutes minimum. Parfois cet arrêt s'étend au delà de 60 minutes. Avec le processus d'urbanisation, la vitesse moyenne de circulation à Port-au-Prince se situe, aux heures de pointe, à un kilométrage horaire non encore déterminé par les services concernés. Classiquement parlant, Port-au-Prince est en plein dans le courant de l'urbanisation. Selon l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), de 715949 habitants qu'elle comptait en 1980, l'aire métropolitaine atteignait en 1990, le chiffre de 1 141 400 et d'ici l'an 2000 elle avoisinerait le chiffre de 2 000 000 soit exactement 1 765 066. 52(*) Ces chiffres ont de quoi faire peur, puisque durant ce laps de temps rien n'est fait pour doter Port-au-Prince de structures d'accueil nécessaires pour une telle population. Contrairement aux villes occidentales son urbanisation ne s'associe pas à l'industrialisation. Elle se caractérise surtout par un flux de migrants ruraux qui viennent s'agglomérer dans une ville préindustrielle où les progrès scientifiques sont à peine visibles. Par contre, comparée aux villes de province elle apparaît plus proche de la modernité. Une modernité qui ne voile même pas les traits primitifs de la société haïtienne beaucoup plus rurale qu'urbaine. Tout le monde se rend à l'évidence de l'extension périphérique de cette ville; extension qui paraît manifeste grâce aux bidonvilles érigés à proximité de certains quartiers luxueux lesquels tendent chaque jour à se détacher du centre de Port-au-Prince occupé par le commerce et les services. L'urbanisation de Port-au-Prince comme a dit C. Souffrant passe par le bidonville. Phénomène répercutant et interférant, le bidonville facilite la cohabitation de l'inconfort, de l'insalubrité et de la pauvreté. Tel est en résumé le tableau de l'urbanisation de la ville de Port-au-Prince laquelle se reflète sur le transport en commun encore artisanal. Suivant ce point de vue, le déplacement des usagers ne peut être assuré qu'inconfortablement et dans la plus grande difficulté par les tap-tap. Cependant, le besoin de mobilité pousse les usagers à se résigner. « Tout à la fois, on parle et on somnole, coincés entre hommes et choses, les fesses meurtries, les jambes recroquevillées, la bouche asséchée par la poussière qu'aspire la machine ». (C. Wargny et J.M.Duval, 1993) Voilà ce qui traduit la situation des usagers du transport collectif haïtien. Ils sont livrés à eux-mêmes. Tout comme en matière d'urbanisation aucune ne structure d'intégration ou de socialisation n'est prévue, le transport collectif ne répond à aucune norme. C'est l'informel dans le bon sens du terme. En Haïti, « tout sak pa bon pou youn bon pou yon lòt ». Grâce à cette logique du « sauve qui peut », on peut comprendre pourquoi le malaise des passagers ne nuit pas aux chauffeurs. Tout au contraire, pour le chauffeur, le surchargement du tap-tap est l'un des paramètres du profit. Plus le véhicule transporte un nombre excessif de passagers par voyage, plus cela rapporte au chauffeur sans égard pour le poids du véhicule, sa capacité d'accueil et sa capacité de résister à la surcharge. Cette seconde hypothèse, dans la mesure où elle se révèle pertinente, dans le cadre de notre enquête, permettra de comprendre le sort réservé au minibus « bwafouye » de carrefour dont la capacité d'accueil (comparée à celle du rachepwèl, du kokorat, et du batiman, mis à part celle de la yole) est nettement inférieure. A ce niveau, il s'est avéré indispensable pour corroborer notre approche de procéder à une étude de terrain. Grâce à cette dernière nous avions pu vérifier nos hypothèses de travail; hypothèses conçues à partir de la problématique du minibus bwafouye dans le système du transport collectif à Port-au-Prince. QUATRIEME PARTIE: CADRE D'ANALYSE CHAPITRE VI.- MISE EN RELIEF DU BWAFOUYE 6.1.-LE MINIBUS "BWAFOUYE" (Carrosserie Locale) 6.1.1.- LES STRUCTURES Véritable oeuvre d'artisan, la carrosserie locale adhère au châssis de l'automobile à l'aide de deux (2) « supports » faits de bois ayant (12') pieds de longueur et pour dimensions respectives (2" x 4")53(*). Des « traverses » de bois de mêmes dimensions que les « supports » mais longues respectivement de six pieds trois pouces (6'.3") relient les « Supports » entre eux. « Supports et traverses » forment ainsi la base à partir de laquelle le carrossier édifie la charpente globale de la carrosserie. Tout cela s'adhère au châssis grâce à des « boulons » de quatre (4") pouces qui ajustent solidement les « traverses » disposés transversalement aux « supports » et au châssis. Aux extrémités de certaines « traverses » placées à des distances irrégulières, sont érigés verticalement des « poteaux » de cinq pieds dix pouces (5'.10") de hauteur et de dimension (2" x 3"). De forme hyperbolique, la charpente du toit revêt à l'intérieur la forme d'un « fond de bateau » et à l'extérieur celle d'un « dos d'âne ». Voilà pourquoi son édification fait appel à une pièce de bois (2x4) toute particulière du nom de « Cerceau ». On compte en moyenne huit (8) « Cerceaux » dans la charpente du toit. Chaque cerceau est réalisé dans le respect de la largeur de base du plancher estimé à soixante douze pouces (72") ou six pieds (6'). Ces cerceaux sont cloués aux « bwacheval » pièce de planche couronnant le dessus de la carrosserie et qui fixe les « poteaux » dans leur vraie position. La solidité de la charpente globale de la carrosserie du minibus, est assurée par des éléments de liaison et de cohésion comme : Des Clous aux dimensions variables (allant d'un pouce à quatre pouces) - des boulons de toute dimension allant d'un pouce et demie jusqu'à six (6") pouces, - des pièces en fer ayant la forme d'un L réalisées par des forgerons. Le plancher estimé à douze pieds (12') de longueur s'arrête juste en arrière de la cabine du chauffeur. Tandis que, la charpente du toit se prolonge jusque sur cette cabine tout en épousant, plus ou moins la forme du dessus de la cabine. Aux environs de trois pieds (3') de la hauteur sont intercallés, entre les poteaux verticaux, des bois (2"x3") avec des longueurs respectives de deux ou trois pieds (2' ou 3'). Globalement la carrosserie a quatre (4) faces. C'est-à-dire l'observateur doit se placer dans quatre positions différentes pour pouvoir la décrire. La face se retrouvant juste en arrière de la cabine du chauffeur est à peine visible. Tout le squelette de la carrosserie ne peut pas être visible à un simple observateur. En effet la charpente de bois est enveloppée extérieurement à l'aide d'une tôle, de dimension 3/6 ou 3/8, fixée par des clous d'un pouce (1) ou d'un pouce et demi (1"2). Même à ce niveau le simple observateur peut se perdre; car l'éclat métallique de la tôle disparait sous des couches de peintures de toutes les couleurs. 6.1.2.- L'ASPECT EXTÉRIEUR A observer superficiellement le minibus bwafouye, sa carrosserie est peinte, extérieurement de plusieurs couleurs qui servent souvent de couleurs de fond utilisées à des fins de recevoir des images symboliques et des messages d'autres couleurs. A part les images, les messages et les couleurs, la décoration extérieure attire encore: par les types de fenêtres et de vitres utilisées, par l'unique porte d'entrée et de sortie placée à droite, par les jeux de lumière et de réflecteurs qui entourent la carrosserie, par le porte-charge sculpté et l'échelle enveloppée de plastics de différentes couleurs, par ses enseignes, enfin par une ferronnerie artisanale placée juste en avant du minibus et soudée au châssis en vue de protéger le minibus de certains chocs. D'où le nom de « défense » attribuée à cette ferronnerie. 6.1.3.- L'ASPECT INTÉRIEUR Si pour l'aspect extérieur l'observation va des couleurs à l'art en passant par la sculpture et la ferronnerie, l'observation intérieure quant à elle, nous amène à décrire un espace dont le décor et la circulation n'ont rien à envier au salon de certaines catégories des classes moyennes d'Haïti. Fait de planches à dimensions (1 x 12 x 12), le plancher du minibus bwafouye a comme surface : soixante seize pieds carrés six pouces (76.6). Les côtés, aussi que le plafond, sont couverts soit de plywoods décoratifs, soit de formicas de diverses couleurs. Des sièges, au nombre de dix, ont une base en ferronnerie, réalisée avec du fer en cornière de dimension d'un pouce. Le fond et le dossier de ces sièges sont souples parce qu'ils sont recouverts d'éponge et d'un épais tapis. A chaque deux (2) sièges on retrouve légèrement au dessus de la tête du passager à l'extrême droite ou à l'extrême gauche, une « sonnette » : type d'avertisseur signalant au chauffeur l'intention d'un passager de descendre du minibus. Entre les sièges de droite et de gauche il y a un long couloir de circulation large de neuf (9) pouces connu sous le nom de ruelle « Riyèl » dans le langage du transport public haïtien. Et entre les différents sièges le confort suggère un espace où les genoux sont à peine repliés. L'observation de l'intérieur permet de constater, aussi, l'installation, soit au plafond soit sous le siège arrière, de deux « Speakers » de radio qui diffusent tout au long du trajet de la musique. L'électricité ne fait pas non plus défaut à l'observation. Beaucoup plus manifeste que la sonnette on retrouve au plafond quatre (4) à six (6) ampoules de couleurs variables. Connues sous le nom de « Tèt Gridap » (dans le Jargon des carrossiers) ces ampoules éclairent sombrement tout l'intérieur du minibus à la tombée de la nuit. A ce décor, propriétaires et carrossiers ajoutent, quelquefois, des miroirs pour des raisons dépendantes de leur volonté. Les fenêtres vitrées sont aussi observables du dedans. Montées dans des glissières (ainsi appelées), à la manière des «Sliding Windows», ces fenêtres, suivant le caprice des passagers, se déplacent de la droite vers la gauche ou de la gauche vers la droite. Dans l'esprit de rendre plus accueillant l'espace réservé aux passagers, certains propriétaires placent un horloge dans le minibus, inscrivent des pensées morales et d'autres propos aux « Panneaux » tels : bienvenu et au revoir et placardent des images de saints, de certaines vedettes du monde cinématographique ou musical. Dans l'enceinte du minibus, enfin, le passager peut se rendre compte qu'entre la cabine du chauffeur et la carrosserie il existe une « frontière » délimitée par un espace vitré où la communication entre passagers et chauffeur est assurée avec moins de difficulté. 6.2.-LES CATÉGORIES SOCIO-PROFESSIONNELLES DIRECTES ET INDIRECTES DU BWAFOUYE A travers la description du bwafouye on a pu dénombrer différentes tâches qui réclament les interventions: du carrossier, du peintre, de l'électricien, du ferronnier, de l'électronicien, du forgeron, du menuisier du sculpteur...Les matériaux de construction font intervenir : le bûcheron, le charpentier qui taille des pièces de bois et les transforme à des fins utiles, le propriétaire de quincaillerie et le propriétaire d'une « auto parts » (magasins de pièces de rechange). Mais ils sont tous mis en activité grâce au propriétaire du minibus bwafouye qui au départ a investi son argent en achetant des mains du concessionnaire l'automobile appelé à intégrer le système du transport collectif. Une fois en circulation, le minibus bwafouye consomme du carburant acheté dans une pompe à essence propriété privé d'une tierce personne. Cette dernière utilise le service de plusieurs pompistes qu'il paie, soit au pourcentage vendu, soit au gallon. D'autres catégories sociales qui, de façon plus nuancée, figurent dans la description, doivent leur survie au bwafouye. Il s'agit : du chauffeur, du chauffeur à droite (ainsi désigné du fait qu'il est assis à la droite du chauffeur l'aidant à contrôler la rentrée et la sortie des passagers), du « laveur d'auto », du dépanneur de pneu crevé (Kawochoumann), de « l'arrangeur de batterie » (batriman), du garagiste (mécanicien) et, quelquefois du « chargeur de tap-tap ». Il existe une autre catégorie, composée de ceux-là qui ne sont mêmes pas impliqués dans le « travail tap-tap » mais qui soutirent des avantages : la famille du chauffeur, ses enfants, ses parents et ses femmes. Par ailleurs on retrouve, des « machann Dlo », « machann Juna », « machann Sapibon » et, des vendeurs de journaux hebdomadaires qui exploitent la « circulation tap-tap » pour écouler leurs marchandises. Alors, dans ce système, le propriétaire du « bwafouye » devient l'employeur exclusif. En résumé, le bwafouye dans le système du transport en commun haïtien permet d'identifier sept (7) catégories d'entrepreneurs et de professionnels il s'agit des :
Bien que dans l'ensemble, le transport en commun haïtien soit une activité du secteur de l'économie informelle, il y a parmi ces catégories suscitées certaines qui ne s'inscrivent pas tout à fait dans cette lignée. En effet la catégorie des investisseurs, particulièrement les concessionnaires, les propriétaires et les commerçants n'échappent pas totalement au contrôle de l'État qui, à travers des institutions comme la DGI, l'OAVCT et le Service de la Circulation, s'impose dans « l'activité tap-tap ». Les autres catégories, de par leur existence liée au minibus bwafouye ou au transport collectif urbain(TCU), tout court, font partie intégrante de ce secteur qui réfère à un mode d'organisation sociale où l'Etat se laisse substituer par une population, en quête de survie, qui déferle sur Port-au-Prince; la seule ville d'Haïti qui, en apparence, a l'infrastructure d'accueil des grandes villes millionnaires de l'occident en matière de population. Ainsi la capitale d'Haïti est regorgée de gens en âge de travailler auxquels elle ne peut offrir une autre alternative que celle de l'informel. Donc, à ce niveau le transport en commun, comme tant d'autres activités du tertiaire offre à cette population au chômage l'espoir d'un mieux être. Cependant leur rêve n'ira pas au delà de l'enclavement social, de leurs frustrations antérieures et de la bidonvilisation. Le transport collectif devient, en conséquence, le reflet d'un processus d'urbanisation imprégné de carence d'ordres infrastructurel et superstructurel dont Port-au-Prince est le miroir. CHAPITRE VII.- L'IMMINENTE DISPARITION DU MINIBUS "BWAFOUYE » L'évidence de nos jours est que, à Port-au-Prince particulièrement, sur la route de Carrefour le minibus bwafouye (concurrencé, tout récemment, par le rachepwèl, le batiman et le kokorat) se fait de moins en moins remarquer dans la circulation automobile. Rechercher les causes de cette lente disparition, jusqu'ici, semble ne pas intéresser les institutions officiellement concernées et connues. Nous voulons parler du Ministère des Travaux Publics Transport et Communication (TPTC), du Service de la Circulation des Véhicules (SCV), de l'Office Assurance des Véhicules Contre Tiers (OAVCT), et du Service de la Signalisation Routière (SSR). A la rigueur le Ministère de la Culture(MC) et le Ministère des Affaires Sociales (MAS) pourraient être concernés puisqu'il s'agit bien d'une originalité haïtienne, d'une oeuvre d'art et d'une source d'emploi sur le point de disparaître. Les démarches auprès de certains cadres et dirigeants de certaines de ces institutions révèlent le manque d'intérêt que ces institutions nourrissent à propos du bwafouye. D'ailleurs, dans un document54(*), du Service de la planification au sein du Ministère des TPTC, nous retrouvons une présentation de différents types de moyen de transport collectif; présentation qui ne tient pas tout à fait compte de la terminologie populaire, et encore moins de l'expression bwafouye. Cependant, le mot "yole" qui émane de la culture populaire y figure. A ce propos, pour mieux apprécier notre point de vue, voir tableau #4. Tableau #4 Capacité normale des types de véhicules de transport collectifs en service et taux d'occupation moyen
Source : Enquête origine-Destination(MTPTC) Ce tableau est tout à fait contraire à notre démarche typologique. Rappelez-vous bien, que tap-tap a une charge sémantique qui renvoie à tous les types de moyens de transports dont yole en est un. Dire: « Bus carrefour », « Autobus » cela revient au même et peut signifier soit yole, soit minibus bwafouye, soit gros bus. Ce dernier ne prête pas à équivoque; car de nos jours, dans le système du transport collectif urbain(TCU) de l'aire métropolitaine, il est synonyme de (batiman, gwobisjòn, manman zanfan yo). Est-ce le fait du hasard, du moins est-ce un désir de simplification ou la volonté du ministère de ne pas cautionner la terminologie populaire (en matière de transport en commun) qui a provoqué ces imprécisions? La réponse à cette question nous intéresse peu, vu qu'elle n'a aucun lien direct avec l'objectif de notre travail. Cependant, nous pouvons avancer que faute des institutions concernées de produire, dans le domaine du TCU, des documents à caractère exhaustif et appropriés, complique la tâche de quelque soit le chercheur. Dans ce contexte, les tentatives d'explication et d'analyse inhérentes au bwafouye ou à n'importe quel autre type de tap-tap faisant partie du système de transport collectif à Port-au-Prince courent le risque d'être subjectives. Pour s'en démarquer nous allons à l'aide de certains outils méthodologiques chercher l'explication qui convient le mieux.
Se basant sur l'objectif général de notre étude, à savoir: mesurer l'impact de l'urbanisation de Port-au-Prince sur le devenir du minibus bwafouye; nous avons confectionné un questionnaire dont l'objectif spécifique consiste à déceler la véritable cause du ralentissement du bwafouye, observé, dans la circulation automobile et particulièrement dans le transport en commun sur l'autoroute de carrefour. Nous avons profité de l'élaboration du questionnaire pour agencer les différents paramètres de nos objectifs à ceux de nos hypothèses de travail qui, en résumé, mettent en rapport les variables: tap-tap et capacité d'accueil. Le questionnaire, ainsi conçu et rédigé, sera soumis à des chauffeurs de tap-tap lesquels auront à nous fournir certaines informations dans le cadre de l'enquête. Ce qui sous-entend, que nous aurons affaire à un échantillon de chauffeurs. Bien entendu, il ne sera pas facile de camper cet échantillon vu l'absence d'une base de sondage relative au domaine. Alors que faire?
«Lorsqu'on s'intéresse à une population restreinte pour laquelle il n'existe pas de base de sondage spécifique, comme par exemple (...) une catégorie professionnelle particulière, on peut constituer un échantillon de l'ensemble, par tirage au sort ou par quota, et ne conserver que ceux qui appartiennent à la catégorie visée.»(R. Ghiglione et B. Matalon, 1978, 36) Soulignons en passant que d'après les données statistiques, provenant des institutions concernées, « le parc automobile compterait actuellement environ 81,800 véhicules avec un accroissement moyen annuel de 6% (données de l'OAVCT). Les données de l'OAVCT sur le parc automobile diffèrent de celles données par le SCV qui n'a enregistré pour l'année 1996 que 60,208 véhicules. Etant donnée l'inadéquation entre l'enregistrement des véhicules au SCV et la souscription à une police d'assurance à l'OAVCT, les chiffres disponibles sont à prendre avec beaucoup de réserves. L'augmentation du parc automobile de près de 50% de sa valeur en 1990 entraine une augmentation presque proportionnelle du trafic métropolitain, donc un niveau de saturation du réseau.» 55(*) Tout ceci laisse supposer que la population des chauffeurs d'Haïti serait, en effectif, très limitée. Encore moins pour les chauffeurs de transport en commun toutes catégories confondues. N'en parlons pas de ceux-là qui, à Port-au-Prince, particulièrement sur le circuit Carrefour-Centre-ville, se convertissent en chauffeurs professionnels du transport collectif urbain. Si l'on se fie à la statistique, en dépit de la confusion qui y règne, la population des chauffeurs de taxis et de transport de la commune de Carrefour se chiffrerait à 439; soit respectivement, 347 chauffeurs de taxi et 92 chauffeurs de transport. (Voir tableau #2, page 73) Alors, à partir de ces considérations, tirer de cette population un échantillon ne présente pas trop de difficulté. Bref! L'essentiel de l'enquête, à ce niveau, est de savoir: comment rendre notre sous-population à interroger (notre échantillon) représentative de l'ensemble de la population concernée? «La représentativité de l'échantillon est l'application à cette phase de l'enquête de la notion générale de validité : un échantillon valide est celui qui (...) permettra d'extrapoler les résultats trouvés par l'enquête.» (P. Rongère, 1979,66) Selon cette définition, on ne peut dès la constitution de l'échantillon penser qu'elle soit tout-à-fait représentatif. On s'en assure que plus tard grâce à la tendance des données recueillies au moment de l'enquête. La représentativité d'un échantillon, selon Luc Albarello, ne se limite pas à un nombre d'unités X ou Y déterminés. Pour utiliser son propre langage, « Cela dépend »! « Un échantillon de 1000 personnes, n'est pas, dans son ensemble plus représentatif qu'un de 600. Il permet cependant de réaliser beaucoup plus d'analyses et par conséquent de tester des hypothèses plus fines, des comparaisons plus nombreuses entre sous échantillons représentatifs.»(L. Albarello, 1995,40) La constitution de notre échantillon, tout en nous inspirant des approches de Ghiglione et d'Albarello, fera appel à un nombre déterminé de chauffeurs de tap-tap qui circulent sur l'autoroute de carrefour et qui dans l'ensemble représenteront l'échantillon de la population à interroger. Cette façon de faire nous permettra de réduire au maximum le risque de biais dans la cueillette des données. Ainsi constitué, « un tel échantillon est dit stratifié, les catégories en question étant les strates. L'échantillon total n'est plus représentatif, mais chacun des différents strates l'est» (R. Ghiglione et B. Matalon, 1978,35) L'échantillon stratifié étant une forme de la méthode des quotas, le nôtre sera bâti de telle sorte que nous puissions retrouver en son sein tous les caractères inhérents à la population. La leçon de Ghiglione en ce sens est claire. «Dans son principe la méthode des quotas consiste à obtenir une représentativité suffisante en cherchant à reproduire, dans l'échantillon, les distributions de certaines variables importantes, telles que ces distributions existent dans la population à étudier. Par exemple, si celle-ci comporte autant d'hommes que de femmes, on fera en sorte qu'il en soit de même dans l'échantillon; si la population en question comporte 40% d'ouvriers, on s'efforcera d'avoir 40% dans l'échantillon interrogé, etc.» (ibid, p.38). De ce principe, nous allons nous inspirer pour pouvoir chiffrer notre échantillon. Toutefois, il faut signaler que le parc automobile de l'aire métropolitaine, selon le Service de la Circulation des Véhicules (SCV), compte 51963 véhicules ce qui correspond logiquement à 51963 chauffeurs dont 12746 seraient des professionnels du volant répartis entre les véhicules dont leur plaque d'immatriculation porte les labels : TAXI et TRANSPORT. Quand on fait les mêmes considérations, ces chauffeurs professionnels sont répartis comme suit:
(cf. tableau #2, P.73) Voilà en termes d'effectif et de pourcentage la population des chauffeurs qui pratiquent le métier de chauffeur dans les communes (Delmas exceptée) qui constituent l'aire métropolitaine de Port-au-Prince. On ne sait pas trop pourquoi le SCV n'a pas tenu compte de la commune de Delmas. Cependant on a l'impression que la population des chauffeurs de Taxi et de Transport de la commune de Delmas est inclue dans celle de la commune de Port-au-Prince.
Si les chauffeurs de Taxi et de Transport sont tous des professionnels du volant; ils ne sont pas pourtant tous des chauffeurs de transport collectif. A Port-au-Prince, seuls ceux-là qui conduisent les véhicules avec des plaques immatriculées Taxi sont considérés comme tels. Dans le cadre de l'enquête ce sont ces chauffeurs-là qui nous intéressent. De toute façon il ne faut pas confondre l'ensemble des moyens de transports collectifs ayant la plaque d'immatriculation Taxi avec le moyen de transport collectif appelé Taxi. Au nombre de 8957, soit 17.23% de la population des chauffeurs de l'aire métropolitaine, soit 70.27% de celle des chauffeurs professionnels, les chauffeurs de transports collectifs se retrouvent sur tous les circuits du réseau routier. Dans les différentes communes qui composent l'aire métropolitaine, tout en tenant compte de l'absence de la commune de Delmas, ils sont au nombre de: · 7404 pour la commune de Port-au-Prince, · 446 pour la commune de Pétion-ville, · 760 pour la commune de Cx-des-bouquets, · 347 pour la commune de carrefour. (cf. tableau #2, P.73) Quand on revient au principe, susmentionné, énoncé par Ghiglione et Matalon, camper l'échantillon de la population des chauffeurs de transport collectif de l'aire métropolitaine ou de n'importe quelle commune qui la compose est simple. Ce principe veut que l'échantillon à interroger soit représentatif, en termes de variables et de pourcentage, de la population considérée. A se rappeler qu'il n'existe pas de base de sondage propre pour les chauffeurs de transport collectif Haïtiens et particulièrement pour Port-au-Prince. Toutefois sur le circuit Centre-ville - Carrefour, à partir de nos observations et enquêtes de terrain, nous avons compris que les chauffeurs de tap-tap peuvent être divisés en chauffeurs de: bwafouye, yole, rachepwèl, kokorat, kazèn et tap-tap n'ayant pas encore un nom populaire (TSNP). Nous avons dans ce contexte interrogé 48 chauffeurs soit 13.83% de la population des chauffeurs de tap-tap sur le circuit. La fréquence de passage des différents types de tap-tap durant les heures d'activités sur la route de Carrefour et surtout leur fréquence d'arrivée à la fin de la journée de travail en certains points pour le nettoyage et le plein d'essence sont déterminant dans le degré de stratification de notre échantillon. Ces 48 chauffeurs interrogés ont été représentés dans l'ordre suivant: · 10,42% : pour le bwafouye · 8,33% : pour le rachepwèl · 6,25% : pour le kokorat · 27,08% : pour le yole · 18,75% : pour le kazèn · 29,17% : pour le TSNP L'échantillon bâti de la sorte, nous a conduits sur la route de Carrefour à sept (7) points de repère différents, où nous avons rencontré des chauffeurs qui, en fin de journée de travail, font faire le lavage et/ou le plein de leur tap-tap. En effet selon une pré-enquête réalisée, en date du 3 avril 1997, sur le circuit routier « Carrefour-Centre-ville », les chauffeurs étaient mieux disposés dans ces endroits là, aux environs de six (6) heures du soir à répondre à l'interview. Ainsi avons-nous sélectionné des points de repères situés premièrement à Diquini 63 au voisinage de la station d'essence Texaco, deuxièmement à Thorland 67 à la station d'essence Shell, troisièmement à Brochette 97 non loin de l'église ST Charles à deux stations d'essence (Shell et Texaco) quatrièmement à Mariani à la station d'essence ESSO dénommée Paloma, cinquièmement toujours à Mariani tout près de l'abattoir, dans le courant d'eau (tisous) concomitant à la station d'essence Shell du pont de Mariani, sixièmement entre Bizoton 51 et 53 au "Best Car Wash" et septièmement à Martissant 23 à la station d'essence ESSO vis-à-vis de Fontamara 27. Pour les besoins de l'enquête nous avons sollicité le concours de cinq (5) enquêteurs. A l'aide du questionnaire auto administré les enquêteurs ont interrogé 48 chauffeurs de tap-tap: cinq (5) à Diquini, douze (12) à Brochette et, dix neuf (19) à Mariani, deux (2) à Bizoton, deux (2) à Martissant et huit (8) à Thorland. Pour les mêmes questions, des informations contradictoires et homogènes ont été recueillies. Avec des questions fermées, vu les lieux du déroulement de l'enquête, le questionnaire a été conçu pour un entretien de moins de cinq minutes par enquêté.
Avec ce sous-titre nous abordons l'étude de terrain qui consiste à interroger dans un court entretien des chauffeurs de transport en commun à Carrefour, sur le devenir du minibus bwafouye eu égard à la concurrence des autres types de moyens de transports en commun dans une Port-au-Prince où la demande de mobilité ne trouve pas une réponse adéquate. La majeure partie de l'enquête a été menée entre 6 et 9heures du soir. Et, elle s'est déroulée durant une semaine. L'aire de Mariani fut pendant toute la durée de l'enquête l'espace d'observation et d'expérimentation approprié à l'ensemble de notre démarche. Les chauffeurs de toutes catégories de tap-tap sont venus en nombre important le soir faire le plein d'essence et/ou faire le lavage de leur tap-tap. Dans cette aire trois (3) importants points de repère qui facilitent l'entretien avec les chauffeurs ont été retenus: · La station d'essence de Shell du Pont de Mariani · Le courant d'eau "Tisous" voisin de la station d'essence de Shell du Pont de Mariani · La station d'essence ESSO connue sous le nom de Paloma située à proximité de l'Ecole des " Frères Juvenat". L'entretien n'a pas été facile à "Tisous" vu les problèmes d'éclairage dus à l'absence d'électricité en général et en particulier au non-aménagement de l'espace en question à des fins appropriées. Par contre, dans les stations d'essence le déroulement de l'enquête ne posait pas de problème d'éclairage. Dans cette aire, 39.58% de chauffeurs ont été entretenus. Les autres points de repères très importants sont les stations d'essence Shell et Texaco situées à Brochette 97, là, 25 % de chauffeurs sont entretenus. Vient ensuite la station d'essence Shell située à Thorland 67 ou 16.67% de chauffeurs de tap-tap ont répondu à nos questions. Le déroulement de l'enquête à Diquini 63 où 10.42% de chauffeurs sont retenus dans notre échantillon d'enquêtés est comparable à celui de "Tisous ". Là, dans ces « car wash » improvisés n'était-ce la lumière des véhicules de certains chauffeurs qui, après le lavage, s'apprêtèrent à partir les enquêteurs auraient eu vraiment du mal à remplir les questionnaires. Tout compte fait, leur habilité leurs a permis de surmonter les difficultés imposées par la réalité du milieu. A Martissant et à Bizoton les chauffeurs entretenus ne représentaient que 8.33% de notre échantillon. 180 minutes en moyenne par jour furent consacrées à l'enquête. Chaque questionnaire à proprement parler n'est administré au chauffeur pendant environ cinq (5) minutes ce qui donne en moyenne trente cinq (35) minutes pour sept (7) enquêtés par jour. Les enquêteurs ont été surpris de constater que les enquêtés n'éprouvèrent aucune gêne à répondre aux questions. Tout au contraire, la franchise de la plupart des chauffeurs nous a suggéré des modifications dans certaines questions. Par exemple: à la première question on aurait dû ajouter: eske wout la twò piti eske chofè yo pa endisipline, eske machann pa reskonsab. A la deuxième question on pouvait omettre : kilès ki pote mwens moun et, la cinquième question devrait être une question ouverte. Une synthèse des différentes réponses peut en dire beaucoup plus sur les failles du questionnaire. (Voir Annexe I) 7.4.- DIVERGENCES DE VUE Le questionnaire auto-administré, soumis à notre échantillon de chauffeurs de transport collectif, nous a permis de récolter des réponses qui, en termes de données, vont être analysées à la lumière des objectifs et hypothèses du travail. Mais, soit dit en passant, certaines réponses ont démasqué nos préjugés qui nous faisaient croire à la perfection de notre observation. En effet dans notre questionnaire, nous avons négligé des paramètres qui au cours du déroulement de l'enquête se sont révélés très pertinents. De l'avis des chauffeurs, l'embouteillage de la circulation qui handicape le bon fonctionnement de l'activité tap-tap, ne serait pas seulement une question de déséquilibre entre la demande de mobilité et le nombre de véhicule, ce serait aussi le résultat de l'exiguité de la route, l'indiscipline des chauffeurs et la volonté des marchandes à étaler leurs marchandises sur l'axe routier... Quant au type de véhicule pouvant répondre le mieux à la situation actuelle de la circulation ils sont quasi unanimes à reconnaitre que seuls les véhicules à grande capacité d'accueil peuvent équilibrer le rapport: «taux de mobilité et taux de tap-tap.» Voilà en résumé le point de vue des enquêtés que nous tenons à expliciter à partir du dépouillement de l'enquête. Nous entendons par là présenter la tendance des réponses des chauffeurs en ce qui concerne les problèmes de circulation et leur position par rapport à la concurrence des différents types de tap-tap. A la question de savoir les causes de l'embouteillage qui, selon notre enquête, s'orientaient vers «l'augmentation déréglée» de la population de Port-au-Prince ou de celle des véhicules, des réponses à plusieurs volets ont été données à cette première question. Simultanément 77,08% soit 37 chauffeurs sur 48 accusent la carence en infrastructure routière d'être responsable de cet état de fait. De ce pourcentage, 48.65% soit 18 chauffeurs sur 37 croient que l'indiscipline des chauffeurs contribue aussi à l'embouteillage et 16.21% soit 6 chauffeurs sur 37 imputent la responsabilité à des marchandes dont leur étalage occupe une bonne partie de la chaussée. Quant aux paramètres fixés par le questionnaire à savoir: trop de personnes ou trop d'automobiles dans l'aire métropolitaine seulement 14.58% croient à l'augmentation de la population et 8.34% pensent de préférence aux véhicules qui sont trop nombreuses. (Voir histogramme #1) Hist #1 (Hist. #1) TV : Trop de véhicules AP : Augmentation de population ECIC: Etalage des marchands - Indiscipline des chauffeurs et Carence en infrastructures routières Voulant trouver le type de tap-tap qui serait approprié à l'augmentation de la demande de mobilité des usagers dans une Port-au-Prince où la population s'agrandit d'année en année, nous avons formulé la question numéro deux (2) qui met en rapport la capacité d'acceuil et les types de tap-tap: 77.08% des enquêtés révèlent que le «tap-tap kazèn» (Batiman) est le type qui a la capacité d'accueillir le plus grand nombre de passagers et 10,42 pensent que c'est le "Kanntè", 6.25% disent que cela dépend, 4.16% croient que c'est le « tap-tap yole » et 2.09% pensent que c'est le "kokorat". (Voir histogramme #2) (Hist.#2) Ko: Kokorat CD: Cela Dépend Ka: Kazèn Yo: Yole Kan: Kanntè Voulant confirmer les réponses à la deuxième question, les questions numéros 3 et 4 sont élaborées en faisant appel une fois de plus aux types de tap-tap, à la rentabilité, à l'embouteillage et au confort, les réponses à la troisième question dégagent les pourcentages suivants: 61.41% affirment que le tap-tap kazèn est le seul à pouvoir garantir aux chauffeurs le gain financier de la journée de travail en dépit des difficultés d'ordre socio-infrastructurel, 14.59% pensent que cela dépend, 6.25% croient qu'avec le "Bwafouye" le chauffeur peut tirer beaucoup plus de profit, 6.25% choisissent au contraire le "Yole", 6.25% s'abstiennent, 4.16% pensent qu'avec le Kanntè les choses vont mieux et 2.09% voient le taxi comme le plus sûr moyen de tirer du profit. (Voir histogramme #3) (Hist. #3) Ta: Taxi Kan: Kanntè Yo: Yole Bwa: Bwafouye CD: Cela Dépend Ka: Kazèn Néanmoins, la quatrième question axée sur le pourquoi des préférences, nous a amené à considérer les réponses majoritaires spécifiques de chaque catégorie de chauffeurs. Ceci est pour pouvoir tirer au clair l'élément explicatif de la tendance qui laisse apparaître le "Kazèn" comme le tap-tap avec la plus grande capacité d'accueil et le plus rentable. 38.46% des chauffeurs "Yole" interrogés pensent que l'embouteillage ne constitue pas un obstacle au profit que le conducteur "Kazèn" devait en tirer pendant la journée de travail, 7.69% croient que le "Yole" est le "tap-tap" qui se comporte le mieux face à l'embouteillage, contrairement à 7.69% qui voient dans le "Bwafouye" le meilleur tap-tap qui puisse permettre aux chauffeurs de résister à l'embouteillage, 23.07% s'abstiennent, 23.07% déclarent que cela dépend. (Voir histogramme #4) (Hist. #4) ENOY: L'Embouteillage N'est pas un Obstacle pour le Yole ENOB: L'Embouteillage n'est pas un Obstacle pour leBwafouye Abs : Abstention CD: Cela Dépend ENOKA: L'Embouteillage N'est pas un Obstacle pour le Kazèn Quant aux chauffeurs "Kazèn" (Batiman) 66.66% sont modestes à penser que cela dépend; c'est-a-dire il y a d'autres paramètres qui peuvent intervenir pour rendre profitable n'importe quel type de "tap-tap" en dépit de son inconfort et de l'embouteillage de la circulation, 11.11% pensent qu'avec le "Yole" le profit est redoutable en raison de la confiance que les usagers placent dans son confort et 22.23% s'abstiennent d'attribuer la raison pour laquelle ils ont répondu d'une façon ou d'une autre à la troisième question. (Voir histogramme #5) (Hist.#5) CoYo: Confort du Yole Abs: Abstention CD: Cela Dépend Pour les chauffeurs "Bwafouye", 40% pensent que le "Kazèn" est un défi à l'embouteillage quand on le compare au profit tiré durant la journée de travail, 20% pensent qu'il est rentable à cause de son confort et 40% s'abstiennent de répondre. (Voir histogramme #6)
(Hist.#6) CoKa: Confort du Kazèn Abs: Abstention ENOKa: l'Embouteillage N'est pas un Obstacle pour le Kazèn Les chauffeurs de "Rachepwèl" à 75% pensent que le "Kazèn" est le plus rentable, mais ils sont seulement 25% à dire que sa rentabilité découle du fait que l'embouteillage ne constitue pas pour lui un obstacle, 50% s'abstiennent de donner la vraie raison et 25% croient que le "Yole" est le meilleur et ceci à cause de son confort. (Voir histogramme #7) (Hist.#7) CoYo: Confort du Yole ENOKA: l'Embouteillage N'est pas un Obstacle pour le Kazèn Abs: Abstention
Pour leur part, les chauffeurs de "Kokorat" à 33.33% pensent que le "Kazèn" permet aux chauffeurs de tirer du profit à cause de son confort, 33.33% se réfèrent de préférence au "Bwafouye" et ceci c'est parce qu'il peut affronter l'embouteillage et les autres 33.33% s'abstiennent. (Voir histogramme #8)
(Hist.#8) CoKa: Confort du Kazèn ENOBwa; L'embouteillage n'est pas un Obstacle pour le Bwafouye Abs: Abstention Enfin, les chauffeurs de tap-tap n'ayant pas encore un nom venant de la culture populaire (TSNP) sont à 92.85% unanime à penser que le "Kazèn" est le tap-tap le plus rentable. Cependant, 21.43% préfèrent le «tap-tap kazèn » parce que, selon eux, quand on est conducteur d'un kazèn l'embouteillage de la circulation n'est pas un obstacle au profit qu'on peut tirer pour la journée de travail; 64.28% le préfèrent à cause de son confort et le dernier soit 7.15% s'abstiennent de dévoiler les raisons de leur préférence et 7.14% croient que dans l'enceinte du "bwafouye" les usagers se sentent plus à l'aise. (Voir histogramme #9) (Hist.#9) CoBwa: Confort du Bwafouye Abs: Abstention ENOKa: L'Embouteillage N'est pas un Obstacle pour le Kazèn CoKa: Confort du Kazèn La cinquième et dernière question conçue pour déceler le sort réservé au «tap-tap bwafouye» nous conduit à mettre en relation la conviction des chauffeurs quant à leur choix et le type de «tap-tap approprié.» 64.58% ont eux-mêmes choisi d'acheter, à la place du bwafouye, un autre type, 22.91% déclarent que s'ils ont de l'argent pour se procurer un véhicule destiné au transport en commun ils achèteront un bwafouye et 12.50% s'abstiennent de répondre directement à notre directive en disant: «cela dépend». (Voir histogramme #10) (Hist.#10) YL: Yon lòt Bwa: Bwafouye Abs: Abstention
Les recherches et les données de l'enquête font, une fois de plus, ressortir l'inadéquation entre le système de transport collectif, la demande de mobilité et la mauvaise organisation de l'espace port-au princien, là où le désordre devient normatif jusqu'à marquer de son empreinte la quasi totalité des institutions sociales. Dans ce contexte, les relations: homme/homme, homme/institutions, homme/société ont le poids d'une surcharge pesante, dans le bon fonctionnement de l'aire métropolitaine, et entrainent l'effondrement de l'espace réel des formes de transactions sociales. En conséquence, la mobilité sociale, le déplacement, l'échange et la solidarité deviennent, en peu de mots, synonyme d'une mauvaise éducation qui prive la société entière de tout projet de bien être collectif capable de conscientiser le citoyen, freiner le désordre et ramener l'ordre indispensable au développement de l'humain. Cela renvoie, ipso facto, à une forme du social où tout se réalise dans une parfaite harmonisation et dans le respect des normes établies. «L'ordre peut ainsi être associé à une rationalité formelle, à une prédominance des normes, entravant sinon excluant toute fantaisie et tout esprit inventif. Toutefois, il peut en même temps être associé à la discipline qui fait la force par opposition au désordonné (...). L'ordre peut aussi évoquer l'effort entrepris pour instaurer une cohérence collective» (L. Voyé et J. Rémy, 24,1981) A ce niveau se pose la problématique générale du lien entre espace et vie sociale; lien qui «prend tout son poids à partir du moment où l'on s'interroge sur la ville» (ibid p.10). En effet, lieu d'agglomération par excellence, la ville en soi porte le projet du dynamisme de développement qui fait intervenir des facteurs de liaison tant sociaux que culturels suivant une rationalité formelle et dans l'intérêt collectif. C'est ce qui fait défaut à notre société et les chauffeurs sont d'avis à le reconnaitre. A Port-au-Prince, le transport en commun, un des facteurs de liaison indispensable à la structure du dynamisme de développement de la ville, interagit difficilement avec les autres facteurs. Ce qui provoque une dislocation dans l'articulation socio-administrative voire culturelle de Port-au Prince. En ce sens, la vie sociale à Port-au-Prince se déroule sur fond d'un «dysfonctionnement dynamique». C'est à dire, tous les facteurs indispensables à son bon fonctionnement sont en interaction non pas pour contribuer à une évolution socioculturelle ordonnée et planifiée, en adéquation au développement infrastructurel, mais pour freiner sinon anéantir le progrès dans presque tous les domaines. Ce type de fonctionnement aléatoire conduit donc à des résultats cosmétiques, c'est-à- dire éphémères, apparents et sans grande importance. En conséquence, toutes les activités se trouvent, dans ce contexte, circonscrites dans ce «dysfonctionnement dynamique». Nul n'a besoin d'être un spécialiste dans la question urbaine pour se rendre à l'évidence. D'ailleurs le groupe des chauffeurs auprès duquel nous avons recueillis certaines données appartient à la catégorie de ceux-là qui dans la société haïtienne savent écrire à peine leur nom et effectuer les quatre opérations. Pourtant à analyser leur point de vue on se rend compte que Port-au-Prince ne répond pas aux normes du transport collectif urbain. Les moyens de transport collectif laissent à désirer. Du minibus bwafouye, en passant par le yole, le rachepwèl, le kokorat jusqu'au kazèn les chauffeurs admettent l'inappropriation de ces différents types de transports collectifs. Contrairement à ce qu'on aurait cru, ils ne pensent pas que ce soit normal de transporter des passagers, dans l'inconfort et le non-respect. Ce qui en partie remet en question notre deuxième hypothèse de travail à savoir que : Plus le véhicule facilite le transport d'un nombre excessif de passagers au voyage, plus cela rapporte au chauffeur sans égard pour le poids du véhicule, sa capacité d'accueil et sa capacité de résister à la surcharge. En réalité, le chauffeur de tap-tap est un professionnel du volant qui gagne quotidiennement sa vie à l'aide du transport des passagers qui lui paient au trajet. Par conséquent, plus ils transportent de passagers, plus il gagne, ou du moins plus il lui est possible de faire des voyages durant la journée, plus son activité est payante. Malheureusement l'embouteillage de la circulation ne facilite pas des «voyages tap-tap» (entendons par là la fulgurance) pouvant lui garantir la rentabilité espérée. C'est sans nul doute cette dernière qui pousse les chauffeurs à préférer les tap-tap à grande capacité d'accueil. Selon eux en dépit des difficultés du système de transport seuls les véhicules à grande capacité d'accueil peuvent répondre à leur attente et satisfaire la demande croissante de mobilité dans l'aire métropolitaine. Par contre, au cours de l'enquête, notre bref entretien avec les chauffeurs fait remarquer que le kokorat et le rachepwèl ne sont pas trop considérés quoiqu'au niveau de la «conception », leur capacité d'accueil est très grande comparée à celle du bwafouye et du yole. (Voir tableau #5) Tableau #5 Capacités d'accueil normal et excessif des différents types de tap-tap
* Conçu à d'autres fins. # le rachepwèl est le «Pick-up» dépourvu de carrosserie locale. Quand il en est pourvu, on le désigne sous le nom de camionette laquelle transporte confortablement 14 passagers
Défiant toutes les normes de confort et de sécurité le kokorat et le rachepwèl s'inscrivent dans la logique du désordre institutionnalisé de la ville de Port-au-Prince et du système socio-économique. Un désordre caractérisé par: · l'indiscipline des chauffeurs qui font des arrêts au beau milieu de la route, · l'étalage des marchandises qui occupe la chaussée, · des tas d'immondices jetés sur la chaussée au grand mépris du service de la voirie, · des matériaux de construction déposés sur la chaussé par des particuliers qui ignorent tout des lois de l'urbanisme, lesquelles n'existent absolument pas pour eux. · des nids de poule provoqués par des travaux inachevés de la CAMEP, des T.P.T.C, de la TELECO · le non-respect et la carence des panneaux de signalisation routière; · l'exiguité des principaux axes de circulation. Tous conscients de cet état de fait, les chauffeurs croient que la surpopulation de l'aire métropolitaine ne pouvait à elle seule bloquer sinon rendre boiteuse la circulation automobile et le transport collectif. Cependant peut-on oser croire que leur attitude soit le signe d'une parfaite connaissance des conflits d'intérêts auxquels fait face la ville ou le signe d'une claire compréhension des contradictions de l'espace en question? De toute façon, l'indiscipline des chauffeurs dénoncée par des chauffeurs prouve que si la ville de Port-au-Prince était régie par des normes d'urbanisme, de transport collectif et de circulation, ils s'en accommoderaient. Ici, nous ne voulons pas dire que, dans ces domaines là, il n'ait jamais eu de dispositions légales qui réglementent le bon fonctionnement de Port-au-Prince. Tout au contraire, nous en avons recensé des Lois, des Décrets et des Arrêtés qui sont (malgré leur ancienneté) le témoignage du souci et de la volonté qu'ont eu des dirigeants, d'une certaine époque, à prévenir ou à guérir des maux causés par l'évolution de la situation sociodémographique de Port-au-Prince. Les plus pertinentes, de ces dispositions qui se situent dans le cadre du mémoire se trouvent en annexe II. Bien entendu, sans chercher à faire connaitre à fond les détails de ces Lois, Arrêtés et Décrets, nous pensons que leur actualisation et application ne pouvaient empêcher des chauffeurs d'avoir une attitude anomique. Cependant, face au consensus social qui en serait dégagé entre les institutions et la société, les anomiques se verraient contraints à accepter le minimum ou à se socialiser. D'où l'importance d'une totale réorganisation de l'espace port-au-princien en accord à une législation appropriée. Là il s'agirait de mettre de l'ordre dans le désordre qui règne à Port-au-Prince. Ordre indispensable au bon fonctionnement de la circulation et du transport et, qui ne peut-être établi que dans la mesure où les chauffeurs et les différentes instances concernées acceptent à se faire violence en respectant les limites définies. Cela ne signifie pas qu'il doit y avoir affrontement physique de part et d'autre. Mais de préférence un accord sur fond de concessions tenant compte des différents paramètres sociodémographiques et économique de l'aire métropolitaine; accord qui par conséquent aura force de loi à laquelle les chauffeurs de transport collectif, les usagers et instances concernées auront à se soumettre. Cette forme d'accord obtenu, malgré soi et pour soi, au profit de la collectivité, s'apparenterait à ce que L. Voyé et J. Rémy qualifient de «violence symbolique.» « Si comme toute violence, celle-ci suppose un rapport d'imposition et de contrainte, sa qualification de symbolique signifie qu'il s'agit d'une violence ne passant pas par l'exercice d'une force physique mais bien d'une violence agissant généralement à partir du consensus implicite qu'y apportent ceux qui y sont soumis; ce consensus découle lui même du processus de socialisation, lequel conduit à considérer comme normales, voire comme naturelles, des situations qui sont, en fait des constructions sociales. Sans être d'ordre physique, la violence symbolique a elle aussi pour effet d'imposer une possibilité et d'exclure les autres, en ce sens que seule la possibilité retenue est proposée socialement comme allant de soi et comme valable ». (L. Voyé, J. Rémy, 1981,21) Cette possibilité à imposer est celle qui fait défaut à la société haïtienne et au bon fonctionnement de l'aire métropolitaine. Dès lors l'anarchie s'impose et est devenue possibilités. Dans ce contexte, toutes les possibilités sont bonnes. Il suffit qu'elles soient profitables à une minorité au détriment des autres. Cette logique traverse tous les domaines et affecte la vie sociale du port-au-princien qui pour survivre et vaquer à ses occupations s'adapte au désordonné. L'usager comme le chauffeur se conforment à l'inconfort du système de transport. D'un côté c'est le besoin nécessaire et indispensable de se déplacer, de l'autre le besoin encore nécessaire et indispensable du «gagne-pain». Deux besoins pour une seule et même logique: la survie. C'est ce qui explique que sans le transport collectif, Port-au-Prince serait non conviviale. En effet, en dépit des difficultés du système de transport collectif, la demande croissante de mobilité se fait sentir de jour en jour « il y a, chaque jour environ 1.000.000 de déplacements motorisés de personnes qui entrent et qui sortent du centre ville, dont 80% en transport collectif. "(...) Selon les estimations nécessairement grossières qu'on peut faire le nombre de déplacement pourrait être multiplié par un coefficient entre 2 à 3 dans les dix prochaines années. Le système de transport collectif actuel ne permettra pas d'absorber assez rapidement cette demande.»56(*) Alors on peut comprendre pourquoi des types de transport comme le kokorat et le rachepwèl intègrent déjà le système. A observer la rapidité de leur fréquence de passage sur tous les circuits du réseau routier de l'aire métropolitaine (particulièrement Carrefour) on croirait qu'ils iraient supplanter le bwafouye qui financièrement coûte plus cher à son propriétaire et qui, ensuite, en terme de capacité d'accueil, reçoit moins de passagers quoi que plus confortable. A ce propos nous avons erré en pensant que: Le minibus bwafouye, moyen de transport collectif et générateur d'emplois avec les problèmes de circulation, ses problèmes de confort, de capacité d'accueillir un grand nombre de passagers - ne pourra pas résister, longtemps encore, à la concurrence des autres moyens de transport collectif et à l'assaut des contradictions de Port-au-Prince où l'urbanisation est vertigineuse. Pour une part cette hypothèse semble être vraie. Cependant, le bwafouye ne va pas disparaitre au profit du kokorat et du rachepwèl. Il sera certes substitué, lentement, par des modes de transports plus confortables dont leur capacité d'accueil serait considérablement grande, comparée à celle des tap-tap actuels. C'est ce que laisse apparaitre le résultat de l'enquête menée auprès des chauffeurs. Justement, ces derniers n'entendent pas laisser tomber le bwafouye parce qu'il est moins confortable que le kazèn, mais c'est surtout parce qu'il ne répond pas à la demande de mobilité et prend beaucoup plus de temps à satisfaire leur attente pécuniaire pour une journée de travail. La concurrence des tap-tap pour les chauffeurs doit se situer seulement au niveau du kazèn et du bwafouye. Les autres, particulièrement le kokorat et le rachepwèl, ne sont pas des moyens commodes, à leur avis, pour transporter des passagers. Somme toute, la concurrence entre kazèn et bwafouye est déloyale quand on sait que le premier est un véhicule d'occasion importé (de deuxième main comme on dit cheznous) contrairement au second dont le chassis et l'ensemble des parties mécaniques et techniques viennent de l'étranger flambant neuf. Ceci dit, l'autobus kazèn débarque à Port-au-Prince, la plupart du temps, quand il a fini de parcourir tout le milléage souhaité par le fabricant. Ainsi à longueur de journée, au cours du trajet, le kazèn tombe en panne. La situtation est la même pour le kokorat et le rachepwèl qui une fois en panne entravent la circulation et paralysent toutes les activités du jour. Cela n'a pas empêché qu'ils soient quotidiennement très remaquables sur les circuits du réseau routier de l'aire métropolitaine. Beaucoup moins coûteux à l'achat que le bwafouye; le kazèn, le rachepwèl et le kokorat offrent à des particuliers la possibilité de se soustraire du lot des chômeurs. Ce que le Sociologue C. Souffrant qualifie de «grappillage urbain». A bien comprendre son point de vue cette situation ne saurait être autrement; puisque: «la croissance démographique et l'expansion territoriale de cette capitale s'accélèrent. Cette urbanisation galopante se produit sans industrialisation correspondante, sans demande industrielle autre que celle de rares industries de sous-traitance (...) Aussi les vagues d'immigration rurale qui gonfle la population port-au-princienne ainsi que les promotions successives de bacheliers des écoles secondaires et des finissants des écoles supérieures viennent-elles se briser à un marché de l'emploi pratiquement vide. "(...) Ce marché haïtien du travail serait mieux nommé marché du chômage. "(C. Souffrant, 1995, 66) Telles sont les contradictions de la ville de Port-au-Prince auxquelles fait face le transport collectif. Le bwafouye, pour ainsi dire, ne peut à lui seul supporter les assauts de l'urbanisation de Port-au-Prince. Il se trouve dans sa tâche aidé par d'autres véhicules à la fois adaptés et inadaptés au transport collectif et qui en termes technique et mécanique sont quasiment dysfonctionnels. En dépit de tout ils participent grandement à la mobilité qui est d'une extrême importance pour la vie sociale qui se déroule à l'intérieur de Port-au-Prince. Une mobilité qui, dans les années à venir comparée avec le processus d'urbanisation tel qu'il est actuellement à Port-au-Prince, connaitra une tendance nettement à la hausse. Le contraire serait préjudiciable. D'ailleurs « (...) la baisse de mobilité traduit une marginalisation croissante de populations repliées sur leur domicile ou ce qui en tient lieu. Elle traduit un appauvrissement des relations sociales et des opportunités de contact qui relèvent d'une dynamique de progression économique et sociale. Bref, la baisse de mobilité traduirait un enfermement dans le cercle vicieux de la pauvreté, ainsi que l'accroissement des inégalités sociales, phénomènes qui peuvent difficilement être acceptés comme durables». (X. Godart, 1994, 11). En conséquence, si Port-au-Prince avec ses problèmes actuels devrait assister à une baisse de la demande de mobilité ce serait le signe avant coureur d'une hécatombe socio-économique. Cela ne veut pas dire que tout est bien actuellement. D'ailleurs la façon dont sont transportés les passagers prépare déjà les consciences à accepter des catastrophes de tout ordre. N'est-il pas encore temps de les prévenir? De toute façon si rien n'est fait pour corriger les failles du système de transport; le déséquilibre entre la demande de mobilité et les moyens de transport s'accentuera jusqu'à assister à l'émergence d'autres types de moyens de transport encore plus inappropriés que le kokorat et le rachepwèl. Les classes dirigeantes de ce pays doivent manifester la volonté réelle de planifier globalement l'urbanisation. Dans cet ordre d'idées, il faut penser au réaménagement des espaces urbains de la société haïtienne à travers une nouvelle politique de peuplement et de décentralisation. En conséquence, l'urbanisme comme mise au point de normes d'habitabilité des bâtiments et de distribution spatiale doit avoir force de loi. L'application de cette nouvelle politique suppose: Premièrement: La déconcentration de certaines zones résidentielles, la création de nouveaux quartiers, la fixation d'un nombre déterminé d'habitants au kilomètre carré (hab./ km2 ), la redéfinition des conditions d'hébergement d'une tierce personne en milieu urbain, l'application de la scientificité dans le domaine de la construction, l'édification d'espaces commerciaux selon un nombre déterminé de résidents par zone, l'interdiction formelle aux véhicules immatriculés privé, organisation internationale, corps diplomatique, corps consulaire, de pénétrer dans les espaces commerciaux, l'interdiction aussi formelle à des types de véhicules publics de circuler dans des espaces réservés à l'administration et à la récréation, l'édification de parking publics adjacents à chaque zone résidentielle et à chaque espace commercial, le blocage d'accès de l'aire métropolitaine aux tap-tap des villes de province en établissant des gares routières en dehors de la périphérie de l'aire métropolitaine, l'établissement d'une ligne spéciale de tap-tap de liaison entre les gares routières et les différentes zones résidentielles de l'aire métropolitaine Deuxièmement : l'institutionnalisation des instances des collectivités territoriales prévues par la Constitution de 1987, la décentralisation de l'autorité de l'État, la délégation effective du pouvoir d'Etat. De ce fait, les Municipalités - en liaison avec les directions régionales du Ministère des Travaux Publics Transports et Communication, du Service de la Circulation des Véhicules, du Service de la Signalisation Routière, du Service de l'Office Assurance des Véhicules Contre-Tiers - feront appliquer dans leur commune respective, les normes découlant du consensus social en matière d'urbanisme, de transport collectif et de circulation. Ces normes s'imposeront aux institutions comme aux citoyens de la République qui respectivement doivent s'y soumettre. CONCLUSION. Il est évident que la capitale d'Haïti, conçue à la fin du 18è siècle pour accueillir près de cent mille (100,000) habitants, se trouve aujourd'hui, en matière de population, comparable aux villes millionnaires de l'occident urbanisé. A l'instar des capitales du Tiers-monde elle absorbe plus de 50% de la population urbaine du pays. La massification urbaine, en réalité, comme a dit C. Souffrant, n'est constatée que dans la seule ville de Port-au-Prince qui compte actuellement plus de 1 500 000 habitants. Cela se comprend, car, comparée aux villes de province elle apparait plus proche de la modernité; bien que cette modernité ne voile même pas les traits primitifs de la société haïtienne plus rurale qu'urbaine. Géographes et Sociologues haïtiens sont d'avis à le reconnaitre. En effet, le géographe E. Bernadin en l'année 1991 écrivait déjà: « La population haïtienne s'est accrue de 1.6% l'an de 1950 à 1971, de 1.4% de 1971 à 1982 date du dernier recensement. « Elle se répartit inégalement entre le milieu rural (72%) et le milieu urbain (27%). Avec les 72% de sa population qui se concentrent dans les zones rurales Haïti détient le pourcentage de population rurale parmi les plus élevés du monde.» (E. Bernadin, 1991,309). C'est sans nul doute ce qui pousse le sociologue C. Souffrant à parler d'Haïti comme étant « (...) une société rurale en cours d'urbanisation». (Souffrant, 1995,47) Contrairement aux villes de l'occident où l'urbanisation est liée à la structure industrielle et où la planification est prédominante, Port-au-Prince est plongée dans une improvisation qui rend la vie sociale aléatoire. L'anarchie, en conséquence, devient la règle et tout fonctionne arbitrairement juste pour assurer la survie. C'est dans ce contexte que le transport collectif évolue. Implanté à Port-au Prince à la fin du XIX siècle, il fut assuré, dans un premier temps par des buss et buggys dont des chevaux activaient, par la suite en 1896 par des tramways qui eux-mêmes ont été actionnés à l'aide de la vapeur et plus tard, soit le 27 Mars 1913 par l'autobus à traction mécanique mieux conçu et plus rapide. Cependant, on devait attendre 1928 pour assister tant soit peu, dans Port-au Prince à l'organisation d'une vraie ligne de Taxi. Depuis, les résidents de Port-au-Prince pouvaient se déplacer plus facilement et atteindre leur destination beaucoup plus rapide. Une rapidité qui dans le vécu haïtien se résume par l'expression tap-tap (action accomplie en un clin d'oeil). L'autobus à moteur devient ainsi synonyme de tap-tap. Mais aujourd'hui, cette expression tend à perdre sa vraie signification quand on tient compte de l'embouteillage de la circulation provoqué par: l'indiscipline des chauffeurs, l'étalage de marchandises à même la chaussée dans les zones de marché, des tas d'immondices jetés sur la chaussée et/ou apportés par des averses, l'occupation des trottoirs par des cahutes, le dépôt des matériaux de construction sur la chaussée, les nids de poules créés par les travaux inachevés de la CAMEP et de la TELECO... En dépit de tout, comme on peut le remarquer, tap-tap passe d'une simple expression langagière à un concept qui renvoie à des types de moyens de transport collectif, circulant dans Port-au Prince, dont le bwafouye en est un. De l'avis des chauffeurs, comparativement au rachepwèl et au kokorat, le bwafouye est très commode, il reçoit plus de passagers que le yole et offre plus de garantie mécanique que le kazèn. Si financièrement, le bwafouye coûte plus cher à son propriétaire, en raison de ses conditions d'importation, mécanique et surtout de sa carrosserie locale, il n'est pas trop différent des autres en ce qui concerne la condition dans laquelle il transporte des usagers. Aux heures de pointe il transporte comme eux un nombre d'usagers nettement supérieur à sa capacité d'accueil. Des heures de pointe qui pour les chauffeurs et usagers sont à exploiter dans toute leur grandeur car depuis plus de dix ans avec le phénomène de l'insécurité Port-au-Prince ne connait plus la vie nocturne. Voilà encore un des paramètres du taux de chômage et de l'embouteillage enregistrés à Port-au-Prince. La vie sociale est bousculée et coincée, puisque l'intervalle temps est incorrect. L'usager est obligé de se soumettre au caprice du chauffeur qui la plupart du temps, pour fuir l'embouteillage et gagner plus d'argent, ne respecte guère le circuit imposé. D'un air méchant et sur un ton arrogant, il allègue n'importe quoi pour refuser aux usagers de monter à bord. L'usager voyage, de ce fait, dans l'indifférence sociale ou dans la plus grande incommodité. Cela peut se comprendre, car Port-au-Prince n'a pas les infrastructures pour accueillir ce déferlement de ruraux qui viennent annuellement grossir sa population, bidonvilliser ses périphéries, augmenter l'effectif de ses chômeurs et amplifier sans cesse, à tous les niveaux de la vie sociale, la gamme des besoins. Ces dernières années, en effet, pour répondre, d'une part, à la demande croissante de mobilité, et d'autre part, à l'idée de se soustraire du lot des chômeurs des particuliers incorporent la motocyclette dans le système du transport collectif. Ce phénomène qualifié «Asiatisation», par les spécialistes en matière de transport, est en pleine expansion à Port-au-Prince et, se fait à l'insu de toute norme légale. Aussi, Port-au-Prince assiste, un peu partout, depuis quelques années, à la transformation de certains circuits privés en circuits de transport collectif. L'improvisation et l'informel deviennent, pour ainsi dire, les règles organisationnelles de la société port-au-princienne. Dans ce contexte, des problèmes cuisants de sanitation, de logements, d'électricité, d'eau potable, d'insalubrité, de circulation et de transport caractérisent la vie sociale à Port-au-Prince. En d'autres termes, l'aire métropolitaine qui inclut : Carrefour, Delmas, Pétion-Ville, Croix des Missions (et pourquoi pas à la limite Gressier et Léogane) évolue sans aucun plan d'urbanisme et de circulation. Ainsi, le voyage au moyen de transport collectif à l'intérieur de Port-au-Prince se réalise en marge des progrès scientifiques enregistrés dans le domaine de la technologie automobile et de la circulation. Ce qui renforce d'avantage le minibus bwafouye, malgré son dépassement, comme moyen de transport collectif. Néanmoins dans sa conception et sa fabrication, il amorce, comme pour paraphraser C. Souffrant, une dialectique des aspirations et des frustrations en participant d'abord au déplacement quotidien de centaines de milliers d'usagers et ensuite en procurant à un large éventail de «chômeurs déguisés» le primum vivere. L'État haïtien, en ce sens, via les instances concernées, devait se pencher sur la problématique du bwafouye tout en statuant sur les questions de l'urbanisation et du transport collectif à Port-au-Prince. Des questions de grande importance pour le bon fonctionnement et le développement de la capitale d'Haïti qui ne saurait continuer à évoluer en marge de la scientificité et d'un consensus social lesquels doivent déboucher inévitablement sur une législation du social et du culturel, l'éducation civique de l'homme haïtien et la socialisation du nouveau port-au-princien. En conséquence, le système de transport collectif urbain de l'aire métropolitaine ne sera pas, à cause de la surpopulation, improvisé et inadapté; mais sera de préférence agencé à un processus d'urbanisation planifié où l'aléatoire n'aura plus sa place. Aussi, la vie sociale de l'aire métropolitaine sera très conviviale parce que dépourvue de l'aléatoire qui, selon les sociologues L. Voyé et J. Rémy, traduit l'instant et non la durée. Alors, le bwafouye, mode de transport collectif «dépassé», ne sera ni concurrencé par d'autres véhicules non conçus à cette fin, ni hanté par le spectre d'une substitution déloyale et inappropriée. Il sera plutôt impliqué, en dépit de sa capacité d'emploi et de son originalité, dans un processus de transition ou de changement social qui ne va pas peut-être lui assurer de continuer à circuler sur les boulevards du temps qui vont s'élargissant avec le processus d'urbanisation planifié ou non-planifié. * 22) P. LACAZE, p.8 * 23) Y.H. BONELLO, p.4 * 24) ibid, p.5 * 25) G.BURGEL, p.11 * 26) D. BAZABAS, Du marché de rue en Haïti, l'Harmattan, Paris 1997, p.26 * 27) H. Deronceray, Les cahiers du CHISS, Presses nationales d'Haïti, décembre 1971, p.12 * 28) D. BAZABAS, op cit, p.27 * 29) ibid, p.28 * 30) H. Godart, Port-au-Prince: macrocéphalie urbaine et organisation spatiale interne, Conjonction, avril 1987, numéro173, p.84 * 31) D. Bazabas, op cit, p.31 * 32) Sources combinées : Deronceray, Godart et Bazabas, op.cit. * 33) H. Godart, op cit, p.97-99 * 34) D. Bazabas, op cit, p.36 * 35) C. Souffrant, Sociologie prospective, CIDHICA, P.94 * 36 Op.cit, IHSI, p.26 * 37 Op.cit, IHSI, p.17 * 38 Op.cit, IHSI, p.14 * 39 «Cf. P. Merlin, Les transports parisiens (Étude de géographie économique et sociale), Robbert Laffont, Paris, 1967, p.9 » * 40 UNITED NATIONS, Urban transport development with particular reference to developing countries, New-York, 1989, p.1The drastic increase in world population is only surpassed by the rapid growth of urban population in the last 30 years. The world urban population has grown from 735 million in 1950 (29.4 per cent of world population) to over 2 billion in 1985 (39.9 per cent of world population) and is projected to be 2.952 billion by the year 2000 (48.2 percent of world population) traduit par nous. * 41) Idem ,While in 1950, 60,0 per cent of world urban population was living in developed regions, as compared to 39.4 per cent in developing regions, the trend was reversed in the 1970s. In 1985, 849.1 million people (42.2 per cent of world urban population) were living in developed regions, as compared to 1.164 billion or 57.8 per cent in developing regions. Another significant fact is that many of the gigantic cities are located in poor developing countries with a law gross national product per capita... (traduit par nous) * 42) For example, in 1970, Mexico city, with a population of 8.5 million inhabitants, had 650,000 private cars and about 100,000 buses, but these buses accounted for 6.8 million passengers daily or 55 per cent of the total, while private automobiles carried 2.9 million passengers or 24 per cent, and 1 million trips were made on the metro.(Traduit par nous) * 43) Idem, it is a necessity for urban functions and it permits access to work, as well as to social amenities. When public transport services are discontinued, business and services are paralyzed. (Traduit par nous) * 44 Ibid, p.1 The growth of urban population has brought with it severe economic and social constraints to ruban dwellers and commuters and to all concerned with urban development such as city planners, government and municipal officials (Traduit par nous)
* 46 Le prêtre Jean Bertrand Aristide élu président en décembre 1990 a passé trois ans en exil après avoir dirigé le pays de février 1991 à septembre 1991. Il est réinstallé dans ses fonctions de chef d'État, par une force multinationale le 15 octobre 1994 pour terminer son mandat à la date prévue par la Constitution le 7 février 1996. * 47 Op. Cit, United Nations, p.1 In developing countries, where a large share of urban growth is due to the migration of rural populations to seaports and capital cities where most of the economic activities are concentrated, the issues are even more drastic since most of the migrants are living in areas that have not been orderly planned and where adequate spaces have not been reserved for transport infrastructure. In these cities, distances between living and working areas have lengthened and demand for urban and inter-urban transportation has increased. (Traduit par nous) * 48 E. André, AImaginez Port-au-Prince sans les embouteillages...la cause de nos malheurs@, Le Nouvelliste, 15 avril 1996, p.9 * 49 Idem * 50 A. Charlier, A Au sujet des transports publics@, Haïti en marche, vol. IX #18, Miami, 14 juin 1995, p.9 * 51 J. Dellile, « Blocage et blocus », Haïti en marche, vol. IX # 30, Miami, 12 juillet 1995, p.3 * 52 Cf. IHSI, Tendances et perspectives de la population d'Haïti au niveau régional (Département, arrondissement et commune 1980-2005), Haïti, 1992 * 53 2"x 4" le chiffre plaçé avant représente l=épaisseur en pouce et celui d=après la largeur en pouce * 54 Coordination des Unités techniques de Planification et de Programmation (MTPTC), Diagnostic sectoriel, Janvier 1997, p.29 * 55 Op.cit, Coordination des Unités techniques et de Programmation (MTPTC), p.15 * 56 E. André, « Le plan directeur de la circulation de Port-au-Prince quel sort ?», Le Nouvelliste, 4 aout 1997, p.10 |
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