Remerciements
Remercier est une variable qui, à des degrés
divers, procure un sentiment de bien être à celui ou à
celle qui en est l'objet. Elle est aussi la plus simple manière de
témoigner sa gratitude à l'endroit de ceux-là qui, dans
un contexte donné, ont pratiqué du bien à son
égard.
Dans le contexte de notre travail de mémoire, nous
adressons nos plus profonds remerciements :
· A Monsieur Jean Emmanuel ELOI, Professeur de Sociologie
urbaine, Directeur du département d'Anthropologie-Sociologie à la
Faculté d'Ethnologie et notre Directeur de Mémoire qui a
apprécié le gros du travail, formulé des critiques et
recommandations et orienté notre documentation pour de meilleures
réflexions;
· A notre ami, Professeur Augustin ANTOINE, Sociologue de
Formation qui, dès le début, en maintes occasions, nous a
entretenu à propos de notre objet d'étude, nous a passé
des documents y relatifs et nous a donné des conseils salutaires;
· A notre camarade de longue date, Monsieur Hérold
JEAN-POIS, Economiste de formation qui en matière de données
statistiques nous a canalisé vers des sources de renseignements;
· A nos amis, MM Nicolas SAINT-VIL et Robert Blanchard
MONTINARD pour leur collaboration;
· Aux Secrétaires Nicolette AVRIL, Minerve Gerty
LOUIS et particulièrement Lourdes Marie JEAN-BAPTISTE qui, grâce
à sa patience et sa dextérité nous a donné une
présentation acceptable;
Nous profitons de la circonstance pour remercier
également :
· Notre mère, Madame Eve Marie CHERY qui pendant
longtemps s'est sacrifiée à nous procurer le
nécessaire;
· Notre frère Mauny DIRENY qui a marqué la
période la plus décisive de notre existence en ce qui concerne
notre formation;
· Madame, Marie Marthe PASCAL qui, par sa
sincérité et son honnêteté n'a pas handicapé
notre évolution sociale.
Enfin à tous ceux qui de loin ou de près ont
contribué à la réalisation de notre mémoire, nous
leur devons nos gratitudes.
Table des matières
Page
Avant-propos
...........................................................................7
Introduction
............................................................................9
Première partie : Cadre
méthodologique....................16
Chapitre I.- Comprendre la problématique
du
tap-tap..............................................................................16
1.1.- Importance et situation de l'Etude
..................................16
1.2.- Objectif
général.................................................................17
1.3.- Objectifs
spécifiques..........................................................17
1.4.- Problématique et
Hypothèse.............................................18
1.5.- Revue de
littérature...........................................................21
1.6.- Approche Méthodologique et Technique
d'enquête....................................................................................23
Deuxième partie: Cadre
conceptuel et
théorique.................................................................................25
Chapitre II.- Approche
théorique....................................45
Chapitre III.- Approche conceptuel /
Définitions.......30
3.1.-Tap-tap............................................................................31
3.2.- Tap-tap
bwafouye..........................................................39
3.3.- Moyens de transport
collectif........................................39
3.4.-
Urbanisation...................................................................39
3.5.- Aire métropolitaine de
Port-au-Prince..........................39
3.6.- Mobilité
quotidienne......................................................40
3.7.- Ville
................................................................................40
3.8.- Planification
Urbaine......................................................41
3.9.- Politique Urbaine
...........................................................41
3.10.- Gestion Urbaine
...........................................................42
3.11.- Services Urbains
............................................................42
3.12.- Croissance Urbaine
.......................................................42
3.13.- Chauffeur de
Tap-tap................................................... 42
3.14.- Usager de
Tap-tap........................................................ 43
3.15.- Capacité
d'accueil.......................................................... 43
3.16.-
Confort...........................................................................43
Troisième Partie: Cadres
épistémologique et
ethnographique...................................................................
43
Chapitre IV.- Port-au-Prince une ville en porte
à
faux..........................................................................................
43
4.1.- La ville son histoire et ses
fonctions...........................................................43
4.1.1.-
Généralités....................................................................43
4.2.- Historique de la ville de
Port-au-Prince.........................47
4.2.1.-Fondation et
contexte....................................................47
4.2.2.-Vers la
suprématie...................................................... 48
4.2.3.-Migration, Structure, Densité et Topographie
sociale........................................................................49
4.3.- Urbanisation de
Port-au-Prince.....................................54
Chapitre V.- Urbanisation et transport en
commun (Le cas de
Port-au-Prince)......................................59
5.1.- L'activité tap-tap dans le système de
fonctionnement
de Port-au-Prince ..........................
..................................67
5.1.1- Tap-tap: Types et
Description....................................... 67
A.-
Taxi.............................................................................
67
B.-
Yole..............................................................................68
C.-
Rachepwèl...................................................................68
D.- Batiman ( Kazèn, Manman zanfan yo, Gwo
bisjòn
)........................................................................69
E.-
Kokorat........................................................................70
5.1.2.- Port-au-Prince et ses
Tap-tap.........................................72
Quatrième partie: Cadre d'analyse
..................................82
Chapitre VI.- Mise en relief du
Bwafouye................ 82 6.1.- Le minibus bwafouye (carrosserie
locale).................... ..82
6.1.1.-Les
structures...............................................................
82
6.1.2.- L'aspect
extérieur....................................................... 84
6.1.3.- L'aspect
intérieur........................................................ 84
6.2.- Les catégories socioprofessionnelles directes
et indirectes du
bwafouye..............................................86
Chapitre VII.- L'imminente disparition du minibus
bwafouye.........................................................88
7.1.- A la recherche des
causes..............................................90
7.2.- L'équation: chauffeurs-chauffeurs de tap-tap
et moyens de transport
collectif.................................90
7.3.- L'avenir du bwafouye selon les
chauffeurs....................95
7.4.- Divergences de vue (tendances du
dépouillement)............................................................
97
7.5.- Analyse et
Perspectives................................................105
Conclusion................................................................................115
Bibliographie............................................................................119
Annexes:
I.-
Questionnaire................................................ 123
II.- Références des dispositions
légales............... 124
III.- Images de certains types de tap-tap..............
127
Avant-propos
Le terme tap-tap, vu son caractère empirique, parce
que venant de la culture populaire, n'a pas trop retenu l'attention des
intellectuels de chez-nous. Ils sont rares ceux-là qui, pour
évoquer la problématique du transport collectif en Haïti ou
à Port-au-Prince, font du terme l'élément clé du
titrage de leur article. De plus, aucun ouvrage scientifique émanant
d'auteur haïtien n'a jamais été consacré au transport
collectif, c'est ce que nous a révélé nos dix
années de recherche documentaire dans le domaine.
Les difficultés éprouvées durant cette
période (1989-1999) sont de tous ordres: les fichiers des
bibliothèques les plus réputées de Port-au-Prince n'ont
presque ni titre ni auteur spécifique sur le transport en Haïti.
L'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique jusqu'au moment
où nous sommes en train de finaliser la rédaction du
mémoire ne dispose pas de données chiffrées sur le
transport qu'il s'agit du collectif, du privé, du piéton voire
des marchandises. Le service de la circulation des véhicules, l'Office
Assurance des Véhicules Contre Tiers et le Ministère des Travaux
publics transport et communications (des Institutions qui devraient être
les plus concernées) en font peu de cas au point qu'elles n'arrivent
pas à s'entendre même sur le parc automobile d'Haïti.
En amont comme en aval, la question du transport collectif
urbain en Haïti, régional ou interrégional; routier,
maritime et aérien reste inexploitée. Pas de compétence,
pas d'institution à pouvoir s'intéresser à une
étude approfondie de la question. Tout ceci a entravé notre
travail de jeune étudiant chercheur inexpérimenté qui
confondait le réel à la réalité. Nous avons
effectivement crû le simple fait d'avoir observé que le "minibus
yole" n'était plus le seul à concurrencer le "minibus
bwafouye» dans le transport collectif que cela eut été
à la base d'une production documentaire, littéraire et
scientifique qui allait nous servir de cadre théorique et conceptuel.
Pourtant, l'originalité de la question semble servir
d'alibi pour nous renvoyer. Beaucoup de données nous ont
été refusées ou du moins n'ont pas été
disponibles.
N'était-ce ces difficultés nous pensons qu'avec
l'aide de nos conseillers, particulièrement de notre directeur de
mémoire, nous aurons mieux fait.
Notre travail n'est qu'un pas de l'ensemble que la
société haïtienne doit faire en direction de ce
véritable problème qu'elle doit chercher à comprendre afin
d'en trouver la solution efficace et appropriée.
Dans ce sens, la société (l'Etat) via
l'université doit aussi investir dans des travaux de recherche sur le
transport afin qu'elle soit en mesure de procurer à sa population de
meilleurs moyens de se déplacer, ce qui impliquera une fusion de
compétences (Ethnologue, Sociologue, Géographe, Urbaniste,
Juriste, Economiste ....) et d'institutions tant publiques que privées.
Ainsi pourra-t-on mettre un frein à l'improvisation et accéder
à la planification du social et de l'économique.
Cela pourrait contribuer à ralentir la migration,
modifier les mentalités et à apporter des innovations dans le
mode de fonctionnement du système de transport collectif. Alors, la
capitale d'Haïti ne sera plus le théâtre des tap-tap
inadaptés et inappropriés face à l'urbanisation de
Port-au-Prince.
INTRODUCTION.-
Port-au-Prince, la capitale de la
République d'Haïti, entre le XXème siècle
finissant et le XXIème naissant, vit dans un encombrement
quasi total qui entrave son développement et la mobilité de ses
habitants qui sont obligés quotidiennement de laisser leur domicile
à destination du centre-ville et des différents centres
d'affaires pour mener leurs activités respectives.
Aussi, sollicitent-ils quotidiennement le service des moyens
de transport collectif - qui dans le culturel haïtien sont synonymes de
tap-tap (lequel traduit: l'immédiateté, la fulgurance) - pour
arriver à destination.
La croissance démographique de la capitale (soit
4.16%, selon l'ALMANACH Statistique 2000 de l'IHSI), responsable en partie de
son encombrement, s'accompagne d'une croissance urbaine laquelle transforme ses
périphéries en de véritables bidonvilles au point que le
sociologue C. Souffrant, dans son ouvrage: Sociologie Prospective, la
qualifie comme étant la ville où l'urbanisation passe par les
bidonvilles.
Des bidonvilles où vivent des femmes et des hommes,
pour la plupart famélique, sans profession, analphabète,
s'adonnant aux « petits commerces», à l'artisanat, au
«travail de factorie» à des services domestiques, à
l'activité de chauffeurs de tap-tap... L'important est de gagner le
pain. Car en bon créole « sak vid pa kanpe».
C'est-à-dire, pour survivre, ces gens, qui en majorité viennent
du monde rural, n'entendent plus revenir d'où ils sont partis avec les
mains vides et le ventre creux.
Il faut de toute façon tirer leur part du
gâteau. Un espoir de bien être que Port-au-Prince n'a jamais
cessé d'alimenter. Et c'est cela qui explique qu'elle est à
l'heure actuelle, en Haïti, l'espace urbain ayant la population la plus
dense 1765 066 habitants (Selon l'IHSI).
Une densité qui fait peur quand on observe le parfait
déséquilibre qui existe entre la qualité du service fourni
par les transporteurs de tap-tap (chauffeurs et/ou propriétaires) et le
besoin de mobilité des usagers de tap-tap. En effet, les usagers de
transport collectif urbain de l'aire métropolitaine voyagent dans
l'incommodité la plus totale. Ils sont quatre à s'asseoir sur un
siège fait pour deux avec les jambes recroquevillées. Et quand
ils n'ont pas cette «chance» ils se sont lamentés, soit
pendant près d'une heure à rester debout tout le long du trajet
avec bien sûr, certaines fois, la colonne vertébrale
repliée; soit à attendre pendant plusieurs heures le passage d'un
autre moyen de transport collectif au sein duquel éventuellement il
prendra place. Cependant, selon le type de moyen de transport collectif et
selon l'urgence du passager, prendre place ne signifie pas toujours être
assis ou l'éventualité de s'asseoir. Si le «minibus
bwafouye», le yole, la camionnette et le kazèn offrent les deux
possibilités (assis et debout), le «rachepwèl» et le
«kokorat» n'offrent que la possibilité de se tenir debout.
Tout le temps que dure le trajet, dans l'enceinte de ces derniers, les usagers
sont non seulement debout mais sont serrés l'un contre l'autre.
D'aucuns imputent la façon dont sont
transportés les usagers à leur résignation, d'autres
avancent que le problème résulte d'une non planification de
l'urbanisation.
Qu'on le veuille ou non, l'évidence laisse
apparaître une flagrante désarticulation entre des structures, due
à la faiblesse de certaines décisions historico-politiques prises
par des acteurs concernés. L'aire métropolitaine de
Port-au-Prince absorbe selon des données tirées de l'Institut
Haïtien des Statistiques plus de 95% de la population du
département de l'Ouest le département le plus peuplé des
neuf (9) départements géographiques du pays. Des projections
effectuées à partir des photographies aériennes
réalisées en 1978 et analysées en 1982 - par la Direction
de l'Aménagement du Territoire et la Protection de l'Environnement et
par le Bureau pour le Développement et la Protection Agricole
(DATPE/BDPA) et en 1985 par l'Agence International de Développement des
Etats-Unis d'Amérique (USAID) - ont permis d'avancer des estimations
statistiques qui laisseraient croire que la population urbaine d'Haïti est
de 30%, et Port-au-Prince à elle seule absorberait 21%.
Aujourd'hui, avoisinant l'effectif de 2 000 000 habitants, la
structure de cette ville fléchit encore d'avantage sous le poids du
chômage, de la délinquance, de l'insalubrité, de
l'insécurité et de la pollution de ses nappes phréatiques.
Selon le document « Haïti indicateurs environnementaux de
base» paru en juin 1993 duquel nous avons tiré le taux de la
population urbaine d'Haïti, 82% des sources alimentant Port-au-Prince
présentent une pollution fécale prononcée.
Une situation hors d'aplomb qui fut longtemps
déjà prévisible mais dont on n'avait rien fait pour
contrebalancer les effets néfastes qui en découleraient. En 1987,
le géographe H. Godart, dans un article paru dans la revue, Conjonction,
intitulée Port-au-Prince: Macrocéphalie urbaine et
organisation spatiale interne, écrit: « De 1950 à
aujourd'hui, rien n'a été fait pour que cette ville millionnaire
puisse croître de façon harmonieuse; les infrastructures ne
peuvent répondre qu'aux besoins d'une population de 100.000
habitants."
Pourtant, d'année en année, - malgré des
efforts déployés dans les domaines bancaire, éducatif,
sanitaire dans des villes de province et malgré la
décentralisation prônée par la Constitution de 1987 -
l'hyper centralité de Port-au-Prince semble se confirmer encore plus,
car, des migrants en nombre imposant continuent à envahir l'aire
métropolitaine. Donc cette structure, de par les surcharges qui
dépassent de loin sa capacité d'absorption, est prête
à craquer.
La crise du logement, caractérisée par
une surenchère des prix et la prolifération d'habitat
précaire et de bidonvilles, ajoutée aux types de tap-tap et
à la situation actuelle de leur mode de fonctionnement dans l'aire
métropolitaine ne sont-ils pas deux des indices manifestes de ce
spectre?
Partout sur le réseau routier du transport à
Port-au-Prince une foule immense de personnes, aux heures de pointe,
espèrent anxieusement prendre place à bord d'un tap-tap. Ils se
bousculent, s'injurient tout en bondissant vers le lieu donnant accès
à l'enceinte du tap-tap. Et le chauffeur ne perd pas son temps à
observer leur calamité; il ne s'en soucie guère. Seulement, il
veut s'assurer que son tap-tap soit bel et bien rempli ou surchargé
d'usagers qu'il espère débarquer au plus vite, afin qu'il ait le
temps de réaliser un autre voyage. Voilà pourquoi souvent il
écourte le circuit légalement proposé. Et, si son calcul
lui permet de percevoir qu'avec l'embouteillage il ne fera pas le voyage dans
le temps escompté, il triple ou quadruple le tarif légal que
l'usager devait lui payer au trajet. Un laisser aller dont les usagers font
les frais, en dépit du fait que le service est de très mauvaise
qualité.
Ce contexte d'évolution fait intervenir sur le
réseau routier des types de véhicules non conçus pour le
transport collectif mais qui, d'une part pour satisfaire le besoin de
mobilité, sont tolérés par les usagers et semblent
s'intégrer de jour en jour dans leurs habitudes et, d'autre part,
permettent aux chauffeurs de transiter de leur statut de chômeur à
celui de chômeur déguisé.
Ce contexte d'évolution a aussi permis
l'intensification de la concurrence qui met le «tap-tap bwafouye»
dans une position assimilable à une sorte de capitulation. Le yole, le
rachepwèl, le kazèn et le kokorat sont les tap-tap concurrents du
"bwafouye" qui doivent tous leur nom à la culture populaire. Si le yole
est le type de tap-tap le plus ancien à concurrencer le bwafouye, la
concurrence des autres ne date que de 8 à 12 ans. A cela, il faut
ajouter des TSNP (tap-tap sans aucun nom populaire). Exception doit être
faite du "Service Plus" et du "Yole bon bagay" qui sont très
récents dans le système de transport collectif de l'aire
métropolitaine. Ces derniers de par leur nouveauté ne feront pas
objets d'analyse dans le cadre de notre étude.
Cependant, il est important de comprendre que dans une
démarche sociologique, on ne peut se permettre de ne pas situer le fait
à étudier par rapport à d'autres faits qui contribuent, au
même degré à la structure d'un système social
donné.
La lente disparition du « Minibus bwafouye», moyen
de transport collectif, dans la circulation automobile est un fait qui a
frappé notre attention, du fait que tout jeune écolier, habitant
les environs de Carrefour à Port-au-Prince on devait chaque jour
utiliser son service pour se rendre à l'école. Pourtant quelques
années plus tard on a dû constater, que en plus du «minibus
yole» et de la camionnette qui existaient longtemps déjà,
l'arrivée sur le réseau routier de Port-au-Prince, d'autres types
de moyens de transport collectif et de deux nouveaux phénomènes:
beaucoup plus d'usagers à l'attente et le non respect par les
chauffeurs de la capacité d'accueil des véhicules destinés
au transport collectif.
A quoi est due cette réalité: archaïsme du
bwafouye, concurrence inappropriée entre moyens de transport collectif
ou urbanisation non planifiée de Port-au-Prince? Telle est la question
à laquelle notre étude s'évertuera à
répondre.
Toutefois, il faut signaler que contrairement aux autres
types de moyens de transport collectif, la carrosserie du bwafouye est de
fabrication locale. En conséquence, elle fait appel à un nombre
incroyable de gens qui pratiquent de petits métiers ou à des
professionnels abandonnés à eux mêmes qui n'ont d'autres
alternatives que celle de continuer à vivre au jour le jour dans
Port-au-Prince, cette ville qui assiste à une augmentation vertigineuse
de sa population et qui, en apparence, comparée aux villes de provinces,
offre de meilleures possibilités de gagner la vie. Le «minibus
bwafouye» permet ainsi, à un large éventail de personnes de
survivre économiquement. Il concilie le culturel et l'économique.
Il encourage l'artisanat et participe à satisfaire le besoin intense de
mobilité de la population Port-au-Princienne.
Alors, il devient pour nous indispensable de chercher
à faire comprendre le devenir du bwafouye eu égard à la
concurrence des autres types de tap-tap, dans le processus d'urbanisation de la
ville de Port-au-Prince dont la croissance urbaine ne fait que
«consommer» au jour le jour encore beaucoup plus de
périphéries.
En vertu des objectifs fixés et hypothèses
élaborées nous comptons faire une approche qui englobe les
différentes dimensions de la problématique du bwafouye dans le
transport collectif à Port-au-Prince.
Pour rendre explicite notre recherche et mettre de la
cohérence dans notre démarche nous avons divisé notre
travail en quatre parties (4) et sept (7) chapitres:
La première partie comprend un chapitre et traite de la
méthodologie c'est-à-dire les procédés que nous
avons utilisés pour élucider notre objet d'étude tout en
dépouillant notre point de vue de départ de ses
subjectivités;
La deuxième partie subdivisée en deux (2)
chapitres est théorique et conceptuelle en ce sens elle permet
d'étaler tout un ensemble d'idées émises par des
compétences dans le domaine du transport, dans celui de l'urbanisation
et aussi dans la question de la ville. Ces idées en raison de
l'autorité intellectuelle et scientifique de leur auteur constituent le
moule dont nous nous sommes servis pour donner la forme nécessaire
à notre point de vue dans le cadre de notre approche
anthropo-sociologique. Dans ce contexte nous passons en revue certaines
théories qui traitent de la question du transport collectif urbain dans
ses rapports avec la ville et nous présentons les théories qui
nous paraissent les plus aptes à expliquer le problème du
transport collectif dans le cas de Port-au-Prince. De plus, nous
définissons des concepts relatifs à notre recherche dans le but
de dissiper toute confusion sémantique.
La troisième partie est consacrée à
l'épistémologie et permet de traiter l'évolution de la
question du transport collectif urbain dans ses rapports avec l'histoire de la
ville. Elle est aussi consacrée à l'ethnographie des
différents types de tap-tap de l'aire métropolitaine. Cette
troisième partie de notre travail comporte deux (2) chapitres.
La quatrième et dernière partie divisée
en deux (2) chapitres est, à proprement parler, le cadre d'analyse de
notre travail. Dans cette partie, les procédés et techniques pour
la réalisation de notre enquête sont évoqués. Nous
en avons profité pour décrire, au prime abord,
systématiquement, le tap-tap bwafouye notre principal objet
d'enquête qui nous a servi d'outil de cueillette de données brutes
dont leur décomposition en leurs éléments les plus
constitutifs nous a permis de saisir et d'expliquer toute la portée du
problème étudié.
PREMIERE PARTIE : CADRE MÉTHODOLOGIQUE
CHAPITRE I.- COMPRENDRE LA PROBLEMATIQUE DU TAP-TAP
1.1.- IMPORTANCE ET SITUATION DE L'ETUDE.
Notre sujet de recherche: « Le tap-tap
bwafouye face à l'urbanisation de
Port-au-Prince » est conçu pour évoquer
la question du transport collectif urbain dans la ville de Port-au-Prince,
capitale de la République d'Haïti, qui fait face depuis des
décennies, à des problèmes d'ordre
sociodémographique. L'aire métropolitaine de cette ville
« absorbait déjà en1990 plus de 75% de la
population des principales villes du pays »1(*). En 1997 l'Institut
Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI) a estimé la
population de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince à 1 556 588
habitants soit 95.02% de la population urbaine du département de
l'Ouest2(*) dans lequel elle
est située. Ce qui laisse présager le scandale que
représente la demande de mobilité quotidienne dans cette ville
qui, en 1987 déjà, connut un déplacement quotidien de 1
070 0003(*) alors qu'elle
franchissait la barre de 1000000 habitants. Une population qui depuis n=a
cessé d'augmenter et qui augmentera encore puisque Port-au-Prince reste
la seule ville d'Haïti dotée de certaines infrastructures proches
de la modernité. Elle incarne en ce sens, le mieux être, le
rêve d'un lendemain meilleur, l'espace de transition de mobilité
sociale. N'ayant pas les infrastructures adéquates pour accueillir les
migrants venus et du monde rural et des villes de provinces, Port-au-Prince
devient le théâtre quotidien de l'insalubrité, de
l'improvisation et de l'incommodité.
C'est dans cet atmosphère qu'évolue le transport
collectif dont les véhicules y afférents (yole, kazèn,
bwafouye, kokorat, rachepwèl...) transportent un nombre d'usagers
nettement au-dessus de leur capacité d'accueil. Qui pis est, la plupart
de ces véhicules à l'instar du kokorat et du rachepwèl, ne
sont pas conçus à de telle fin. Cependant, ils concurrencent
fortement le minibus bwafouye qui lui-même a une touche locale et
garantit en ce sens, un minimum d'emploi à plus d'un. Quoi que
conçu pour le transport collectif d'usager, aux heures de pointe, le
« minibus bwafouye » est aussi inconfortable que les autres.
Ainsi avons nous pensé qu'avec le processus d'urbanisation de Port-au
Prince le « bwafouye » cédera à la
concurrence des autres types de transport collectif de l'aire
métropolitaine.
Nous présumons que notre sujet sera d'un apport capital
pour la littérature du transport collectif urbain haïtien qui
souffre de l'inattention des dirigeants concernés de chez nous. Les
quelques rares documents haïtiens y relatifs produits par de rares
intellectuels haïtiens sont aussi traversés par cette inattention.
Jeter des bases pour une planification de la mobilité
quotidienne dans l'aire métropolitaine eu égard à la
montée vertigineuse de sa population telle est, en résumé,
la finalité vers laquelle tend notre démarche.
Par conséquent, cette démarche, tout en
s'inspirant de l'ensemble des problèmes dont les grandes lignes viennent
d'être évoquées et qui seront approfondies à notre
problématique, aura à montrer clairement, à partir des
objectifs du travail par où devrions-nous passer pour atteindre notre
finalité. C'est dans cette logique que nous avons formulé les
objectifs suivants:
1.2.- OBJECTIF GÉNÉRAL:
Mesurer l'impact de l'urbanisation de Port-au-Prince sur le
devenir du « tap-tap bwafouye ».
1.3.- OBJECTIFS SPÉCIFIQUES:
A) Faire ressortir l'interaction existant entre la ville,
l'urbanisation et le transport collectif;
B) Chercher à faire comprendre le lien entre la ville
de Port-au-Prince, son urbanisation et ses tap-tap;
C) Tenter de déceler la véritable cause du
ralentissement du « tap-tap bwafouye » observé dans
la circulation automobile à
Port-auPrince,particulièrement,sur« l'autoroute »
de Carrefour.
1.4.- PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE
La problématique n'est autre que la démarche
adoptée pour résoudre le problème. Cette démarche
selon A. Gélédan, « passe généralement
par l'adoption d'une grille d'analyse particulière qui va fournir les
outils nécessaires à l'obtention de la réponse
»4(*). Plus explicite
encore et pour répéter M. Beaud disons que « la
problématique c'est l'ensemble construit autour d'une question
principale, des hypothèses de recherche et des lignes d'analyse qui
permettront de traiter le sujet choisi. »4(*)
Le problème du transport collectif, par analogie avec
la fonction des différents types de tap-tap, est lourd de
conséquence pour la ville de Port-au-Prince. Les usagers, sur la quasi
totalité du réseau routier composé de 600
kilomètres de voies dont seulement 240 sont revêtus soit en
béton bitumeux soit en béton hydraulique soit en adoquin5(*)..., restent pendant des heures
bloqués soit à attendre le passage d'un moyen de transport
collectif pouvant les amener à destination, soit à
l'intérieur d'un moyen de transport dans un long embouteillage. Cet
embouteillage imputable à la carence infrastructurelle de Port-au-Prince
est le résultat d'une non-planification laquelle selon le sociologue C.
Souffrant traduit l'incohérence entre la conduite d'une institution et
le mouvement démographique, économique, technologique...
Port-au-Prince en conséquence semble évoluer en marge des normes
d'urbanisme et de circulation. Son parc automobile qui représente
81% de celui de toute la République est inadéquat au besoin de
déplacement ou de mobilité quotidienne. Il suffit de parcourir
le réseau routier aux heures de pointe pour constater
l'inefficacité du système de transport. En effet, les moyens de
transport collectif sont inappropriés, improvisés et
insuffisants. Ils transportent à longueur de journée, un nombre
excessif d'usagers qui voyagent régulièrement dans la plus grande
incommodité sans pourtant atteindre leur destination dans le temps
escompté.
De ce fait le déséquilibre entre la demande de
mobilité et les moyens de transport collectif est pertinent. Tout le
monde constate la paralysie manifeste des déplacements liés
à la division des tâches: déplacements quotidiens des
citadins vers les lieux de travail, vers les établissements scolaires,
vers les centres d'achat. Ce fractionnement de la vie sociale impose de
participer à des transferts quotidiens sous forme de navettes. Des
obligations que le port-au-princien accomplit dans la plus grande
difficulté quand on sait qu'avec l'insécurité et le
«black-out» le fonctionnement de la vie sociale est réduit au
grand maximum à 12 heures d'activités. De cette difficile
situation dépend aussi la fin du phénomène
"bèkfè" (chauffeur de tap-tap
travaillant environ 20 heures par jour).
En conséquence à Port-au-Prince la vie se
bouscule. Des migrants venus tant du monde rural que des villes de province
s'entassent dans des bidonvilles, se déplacent vers les usines de
sous-traitance, gagnent les rues à la recherche du pain quotidien,
convertissent les voies de circulation d'automobile en de véritables
marchés, érigent des tentes partout sur les trottoirs, augmentent
considérablement et simultanément la population et l'effectif des
chômeurs. Tous croient dans un bien être que seule Port-au-Prince,
avec son apparence de modernité, peut leur procurer.
Ainsi se profile l'urbanisation de Port-au-Prince qui se
réalise dans un total déséquilibre à cause
premièrement d'une non-planification et ensuite de la concentration des
différents biens et services dans cette ville. Cela témoigne
d'abord de l'absence de tout projet, ensuite d'une certaine hyper
centralité: deux causes majeures au sous-développement de cette
ville; car selon Y. Bonello « La ville est faite de projets
successifs qui se corrigent progressivement ». Il ne peut y avoir de
visions arrêtées pour une ville. Il faut toujours impliquer
l'inachevé, repenser un projet à partir de nouvelles donnes. En
d'autres mots, la ville ne peut être conçue sans avoir une vision
prospective c'est-à-dire sans penser le futur, sans prévoir ses
délimitations tant au point de vue infrastructurel que superstructurel
sinon elle tombe dans le piège de l'hypercentralisation. Cette
dernière, toujours pour répéter Y.-H Bonello
« conduit à la perte des grands équilibres que sont:
· d'une part, la qualité du vivre ensemble dans
l'espace urbain,
· d'autre part, la dynamique du développement de
la ville ».6(*)
L'évidente réalité à
laquelle est soumise la population port-au-princienne nous pousse à
réfléchir sur les éléments de solutions
appropriées à la demande de mobilité quotidienne dans la
ville de Port-au-Prince. A cet égard nous avons formulé trois (3)
hypothèses:
1- Le « tap-tap bwafouye » moyen de
transport collectif et générateur d'emplois - avec les
problèmes de circulation, ses problèmes de confort et de
capacité d'accueillir un grand nombre d'usagers - ne pourra pas
résister longtemps encore, à la concurrence des autres types de
moyen de transport et à l'assaut des contradictions de la ville de
Port-au-Prince où l'urbanisation n'est pas planifiée.
2- Plus un tap-tap facilite le transport d'un nombre excessif
de passagers au voyage plus il rapporte au chauffeur plus ce tap-tap lui
paraît intéressant.
3- Plus un tap-tap surchargé permet à son
chauffeur de faire du profit moins le chauffeur se soucie du confort des
usagers.
1.5.- REVUE DE LITTERATURE
Nous avons, pendant près de dix ans, cherché
une documentation appropriée à l'orientation de notre
démarche. Dans le contexte haïtien, malheureusement, la question du
transport collectif urbain est abordée superficiellement nous avons eu
recours à la littérature étrangère qui dans le
domaine possède une riche documentation. Aussi avons-nous passé
en revue des textes à caractères théoriques traitant des
aspects du transport collectif urbain liés à la ville et à
l'urbanisation.
Cette investigation documentaire nous a permis:
· de faire une analyse épistémologique du
transport collectif lié à la ville;
· d'avoir une vue d'ensemble sur la problématique
du transport dans les villes.
MERLIN Pierre, dans son ouvrage « Les Transports
Parisiens » a présenté les moyens
de transport comme un corollaire du développement de la ville et un
élément de cohérence entre les différents facteurs
de ce développement dont l'essor industriel en est le principal.
« En l'absence des moyens de transport, écrit-il, au lieu
d'être une métropole Paris serait devenu une juxtaposition de
quartiers sans lien ni hiérarchie »7(*).
REMY Jean et VOYE Lilianne, dans leur oeuvre commune
« La Ville Ordre et Violence » dégagent
l'importance des moyens de transport collectif dans l'urbanisation et leur
rôle régulateur dans la production industrielle. Ils
établissent le lien existant entre les travailleurs, l'usine et le
transport collectif. Le développement des transports collectifs a rendu
possible, selon eux, l'éloignement spatial entre la résidence des
travailleurs et l'usine (espace de contrôle du travail pour un
accroissement de la production horaire). L'usage des moyens de transport, en ce
sens, a contribué à instaurer un calcul sur le temps et
même à exalter le respect. Ainsi l'urbanisation
interfère-t-elle avec l'industrialisation dans la mesure où elle
a été rendue possible par le développement des moyens de
se déplacer qui permettraient de vivre sa vie hors travail dans des
endroits distant des lieux de travail8(*).
Dans l'oeuvre éditée chez ROBBERT LAFFONT en
1976 et intitulée: « Les Transports »,
l'auteur, à partir d'analyse, a fait comprendre que l'urbanisme et
l'urbanisation sont des facteurs corrélés qui ne peuvent se
passer des transports urbains. A son avis, « planifier l'urbanisation
indépendamment des transports urbains peut conduire à un
étranglement de la circulation »9(*).
Une publication des Nations Unies : « Urban
transport development with particular reference to developing
countries » laisse prévoir que le bon fonctionnement de
la ville ne peut se réaliser sans les moyens de transport collectif.
Selon cette publication les moyens de transport collectif sont comme une
béquille pour la ville, un élément de jonction entre les
activités sociales et économiques qui se déroulent dans la
ville, une nécessité pour tous types de travailleurs, une
complémentarité socio-économique et administrative, un
paramètre de l'urbanisation. "Quand les services fournis par le
transport public sont interrompus, les affaires et les services sont
paralysés"10(*).
Cette paralysie des activités ou de la vie urbaine plonge la ville dans
un déséquilibre.
BONELLO Yves-Henri, dans son ouvrage « LA
VILLE » montre qu'en dehors de l'habitat, l'emploi, le commerce
et les activités culturelles; les transports sont aussi comptés
parmi les facteurs d'équilibre de la ville. Ils assurent la
mobilité qui est au centre de la question urbaine et au coeur du
processus d'urbanisation. Une mobilité qui prend la double forme:
« les déplacements dans la ville liés à la
division des tâches et les migrations liées aux cycles de la vie
et à la vie socioprofessionnelle »11(*).
1.6.- APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE ET TECHNIQUE D'ENQUETE
Notre approche se situe dans le champ de la sociologie
urbaine. Dans ce contexte nous sommes partis de la méthode dite:
« méthode de l'étude des
traces »12(*) considérée comme une forme
d'observation différée résidant dans l'analyse de
documents appropriés et de statistiques officielles aptes à nous
procurer des informations nécessaires pour une parfaite
compréhension du transport collectif urbain dans la ville de
Port-au-Prince.
L'observation, à n'en pas douter, dans le cadre de
notre sujet et pour le bon déroulement de notre démarche nous a
servi comme méthode d'orientation ou de construction des
premières idées qui constituent la matière brute à
partir de laquelle nous avons constitué le moule qui donne le profil
convenable à notre étude et qui en quelque sorte fournit les
premiers éléments d'enquête.
On comprend déjà que nous faisons appel à
une troisième méthode il s'agit bien de l'enquête. Ici, la
phase pratique ou expérimentale de notre observation est mise à
l'épreuve. Cela nous a poussé à recourir à d'autres
outils méthodologiques comme l'entretien et le questionnaire. Deux
techniques qui, bien entendu, nous permettent, dans un premier temps, d'aller
sur le terrain interviewer des carrossiers et interroger des chauffeurs dans le
but de déceler leur attitude respective quant à la concurrence
des différents types de tap-tap et leur opinion quant à la
question du transport collectif à Port-au-Prince.
Nous nous sommes entretenus aussi avec des cadres de certaines
institutions qui, à partir de leur perception et du vocabulaire
dégagé de l'ensemble de nos entrevues antérieures avec des
carrossiers et chauffeurs, nous ont permis d'élaborer un questionnaire
à l'intention des chauffeurs. Ceci dit nos véritables
enquêtés ne sont que les chauffeurs; ou en d'autres termes un
échantillon de 48 chauffeurs de tap-tap.
Pour bâtir cet échantillon nous avons choisi la
méthode des quotas. En raison des conditions du déroulement de
l'enquête et estimant que les chauffeurs à interroger sont, pour
la plupart, d'un bas niveau d'instruction nous avons utilisé le
questionnaire « auto-administré »13(*). Dans une certaine mesure
toutes les conditions requises à l'utilisation de ce type de
questionnaire ne sont pas réunies. Cela nous oblige à
procéder à un face à face pour la collecte des
données qui se réalise par des enquêteurs présents
sur le terrain et qui remplissent ce questionnaire selon le dire de chaque
enquêté.
Signalons que l'absence quasi totale de travaux scientifiques
dans le domaine du transport collectif urbain en Haïti,
l'irrégularité et les contradictions des donnés
chiffrées fournies par l'Office Assurance des Véhicules Contre
Tiers (OAVCT) et le Service de la Circulation des Véhicules (SCV), le
« peu d'intérêt » dont nourrit l'IHSI pour les
données en matière de transport collectif urbain tant dans l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince que pour les autres villes d'Haïti
nous empêchent de circonscrire formellement notre recherche dans un
intervalle de temps donné.
DEUXIEME PARTIE: CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL
CHAPITRE II.- APPROCHE THEORIQUE
Port-au-Prince la capitale et la première ville de la
République d'Haïti assiste, depuis des décennies, à
l'augmentation effrénée de sa population. Une situation dont les
villes du monde entier, développées et
sous-développées, affrontent en dépit des problèmes
qui en découlent. Si dans les villes des pays occidentaux cette
augmentation fait l'objet d'une grande planification; dans les villes des pays
du tiers-monde elle semble être livrée à elle même.
Aussi, assiste-on avec cette question d'augmentation de la
population, à l'émergence de nouvelles zones
résidentielles, et ceci d'année en année, dans la
périphérie de Port-au-Prince. Son aire géographique, en
conséquence s'agrandit avec pour corollaire l'allongement de la distance
entre les zones résidentielles et le centre-ville
considéré comme l'espace de concentration des différentes
activités. Ce double phénomène: augmentation de la
population et agrandissement de l'aire géographique de Port-au-Prince
traduit en peu de mots l'urbanisation de la ville de Port-au-Prince. Une
urbanisation qui, pour répéter le sociologue C. Souffrant, est en
porte à faux. C'est-à-dire une urbanisation qui n'est
reposée que sur l'insuffisance agraire du monde rural,
l'instabilité socio-économique des villes de province d'un
côté et, de l'autre côté, sollicitée par des
causes qui engendrent la torsion de la vie sociale à Port-au-Prince.
Cette expression est tout-à-fait significative quant à la
non-planification ou l'informel dans laquelle évolue la ville de
Port-au-Prince et son système de transport collectif.
Ville du tiers-monde, Port-au-Prince est incapable de
satisfaire même les besoins primaires de sa population grandissante. Son
réseau routier, le plus sollicité d'Haïti, compte tenu de
l'importance des activités menées dans cet espace qui
représente aussi bien la capitale politique du pays mais aussi la
capitale économique et financière, accuse des carences
marquées du point de vue de l'état des chaussées et du
niveau de service. Les problèmes de circulation se posent de
façon cruciale, car il n'existe pas d'itinéraire de contournement
de la partie urbaine dense de la capitale. Cela se traduit par des
embouteillages monstres dans les principales artères de la capitale
même en dehors des heures de pointe. Cela est évident, car
Port-au-Prince est devenu la ville où des bidonvilles pullulent et ne
laissent pour tout espace de circulation que des rues de 3 à 4
mètres de larges. De véritables couloirs où des
véhicules ne peuvent circuler que dans un sens mais, où souvent
on voit le contraire.
Dans cette logique, quels sont les angles théoriques
à partir desquels peut-on cerner la problématique du transport
collectif dans la ville de Port-au-Prince?
S. Brouk, évoquant la question de l'urbanisation dans
les villes du tiers-monde et suivant une approche ethno-démographique
avance l'idée que Dans plusieurs pays en voie de développement,
l'afflux de la population rurale vers les villes (particulièrement vers
les grandes villes et, en premier lieu, vers les capitales) est
supérieur à la demande en main d'oeuvre ce qui grossit
l'armée des chômeurs complets et partiels.14(*)
Ce point de vue théorique rencontre en grande partie
celui de J.M. Hoener qui dans une vision économique émit la
théorie suivante: l'exode rural joue un rôle de tout premier ordre
d'autant qu'il a contribué largement au peuplement des villes même
si aujourd'hui, il ne participe plus que pour un tiers seulement à
l'urbanisation du tiers monde.
(...) Souvent cette urbanisation se concentre essentiellement
sur quelques villes, voire sur la capitale (...) qui compte plus de 50% de la
population urbaine.
(...) La concentration de l'urbanisation et donc
l'omniprésence de la ville primatiale, sont sans doute les causes
majeures de l'absence d'un réseau urbain équilibré et
d'une armature urbaine fonctionnelle. D'après la théorie de
l'urbanisation définie par Zipf (1949), la deuxième ville est
deux fois plus petite que la première, la troisième trois fois
plus petite, etc. Or cette loi oublie l'importante exception de Jefferson,
selon laquelle l'existence d'une très grande ville conduit à
l'absence de villes de tailles intermédiaires à côté
de la grande ville, et à la présence de villes de tailles
beaucoup plus restreintes. La rareté des villes moyennes ou secondaires,
qui répondent à une conception fonctionnelle et non pas
quantitative est à la fois la conséquence d'une urbanisation en
partie parasitaire et la cause du sous-développement économique.
Dans le domaine des transports, continue t-il à dire,
le tiers-monde pauvre apparaît particulièrement mal loti en
infrastructure (...) Quant aux routes et aux pistes, la situation est bien
pire. Les ornières, les nids de poules... ou d'autruches, les longues
déviations qui évitent les ponts effondrés ou les digues
détruites, etc. mettent à rude épreuve les camions et les
cars qui sont amortis beaucoup trop vite, d'où un
surenchérissement des coûts de transport (...) De nombreuses
études montrent en effet que le mauvais état des routes et des
pistes en général est le prétexte à des prix de
transport exorbitants, ce qui signifie une extorsion de la rente
foncière quasi usuraire puisque l'essentiel des marchandises
transportées reste agricole15(*).
F. Asher et J. Giard font une approche à la fois
économique, urbanistique et politique de la problématique du
transport collectif urbain liée à l'urbanisation. Leur approche
complète les théories déjà évoquées
qui s'intéressaient beaucoup plus aux aspects démographique et
économique en négligeant, dans une certaine mesure, l'aspect
spatial de l'urbanisation et la véritable implication des transports
dans ce processus. Selon eux: « Le développement des
transports est une exigence essentielle pour assurer et accélérer
la circulation et la reproduction du capital.
Aborder le problème des transports urbains c'est
évoquer une des manifestations les plus criantes de la crise de
l'urbanisation qui, quand elle est accélérée, est grosse
consommatrice d'espace.
En effet l'ensemble des problèmes urbains, les
localisations de diverses activités et des logements impliquent des
problèmes de déplacement. Plus s'accroissent les unités
urbaines en dimension et en complexité, plus s'approfondit la
ségrégation fonctionnelle de l'espace et plus les liaisons
internes prennent de l'importance.
La crise des transports urbains est donc d'abord le produit de
la crise urbaine dans son ensemble. Elle présente une acuité
particulière dans la mesure où la majeure partie des
déplacements dépend du choix de localisation privés alors
que les transports exigent des procès très socialisés.
La solution à la crise généralisée
des transports passe donc nécessairement par une politique d'urbanisme
d'ensemble cohérent et par une importante politique de transport en
commun ».16(*)
Cette interaction dégagée, à travers
l'approche de F. Ascher et J. Giard, entre les politiques d'urbanisme et de
transport, nous permet de comprendre que la ville pour se développer
doit être l'objet d'une planification incluant le court, le moyen et le
long terme à côté des paramètres infra structuraux
et super structuraux. Il n'en reste pas moins vrai que si la révolution
industrielle a imprimé sa marque à la ville, les moyens de
transport ont, de leur côté, contribué grandement à
dynamiser cette impression en la rendant plus manifeste. En conséquence
la combinaison de ces deux phénomènes fait de la ville un espace
de grande mobilité ou de déplacement massif de population. Une
population qui, au fil des années, se renouvelle constamment. En
d'autres termes, la dynamique de la ville ne peut se concevoir en dehors des
moyens de transport collectif urbain qui, à l'instar de l'habitat,
l'emploi, le commerce et les activités culturelles, en assurent aussi
l'équilibre de la ville. Ainsi, penser l'urbanisation
indépendamment des transports collectif c'est contribuer à la
naissance de véritables monstres urbains où la concentration des
activités peut transformer l'espace en question en un hyper centre
d'activités. A ce niveau, nous nous référons à Y.H.
Bonello qui, d'un point de vue théorique présente l'hyper
centralité comme un mal entraînant la perte des grands
équilibres de la ville. Selon sa théorie, le diagnostic de ce
mal permet de dégager clairement les causes symptomatiques qui sont:
· « une gestion inadaptée à
travers des institutions éloignées des réalités, ou
trop sensibles aux pressions
· les mutations et les déséquilibres
engendrent une crise du logement qui frappe les plus démunis
· le mal vivre des jeunes la destruction des milieux de
vie urbains, du tissus social, des solidarités et des systèmes de
régulation ».17(*)
A la lumière de ces théories comment comprendre
la ville de Port-au-Prince (comparée à d'autres villes du monde),
son urbanisation et ses moyens de transport collectif par analogie avec les
différents types de tap-tap et particulièrement le
« tap-tap bwafouye »? En termes de signification, que
charrient les différents types de tap-tap et particulièrement le
« tap-tap bwafouye » dans la ville de Port-au-Prince?
Sont-ils tous une forme de réponse à l'organisation
socio-économique ou de distribution spatiale de la ville de
Port-au-Prince? Qu'adviendra t-il du système de transport collectif dans
la ville de Port-au-Prince si l'urbanisation de Port-au-Prince reste
non-planifiée?
CHAPITRE III.-APPROCHE CONCEPTUELLE/ DEFINITION.
Cette approche est conçue dans l'optique de permettre
à tout un chacun de saisir le sens, la portée et la signification
des différents concepts utilisés dans le cadre de notre
recherche. Nous entendons par là définir des concepts clés
pour éviter les interprétations qui peuvent aller à
l'encontre des nôtres. Car la sociologie, comme toute autre science
« a affaire à des objets construits, contre le sens commun,
les apparences, les explications trompeuses (...) Le donné doit
être soumis à un travail parce que:
· il est infini, chaotique et nécessite un choix
en fonction d'un point de vue,
· il induit en erreur du fait qu'il a été
fondé sur des préjugés,
· il dissimule des relations cachées qu'il a pour
fonction de masquer.
« Il s'avère alors nécessaire de le
déconstruire et de le reconstruire en le situant dans un réseau
conceptuel qui lui restitue son sens caché ou simplement un
sens ».18(*)
Dans ce contexte quel sens ont, pour notre recherche, les concepts: tap-tap,
tap-tap bwafouye, moyen de transport collectif, urbanisation, aire
métropolitaine de Port-au-Prince, mobilité quotidienne, ville,
planification urbaine, gestion urbaine, politique urbaine, services urbains,
croissance urbaine, chauffeurs de tap-tap, usagers de tap-tap, capacité
d'accueil, confort.
3.1.- TAP-TAP
Tap-tap exprime la rapidité avec laquelle une action
est exécutée dans un temps par rapport à la distance. Elle
traduit au niveau de l'abstraction toute idée tendant à activer
le processus normal de tout phénomène et la liaison entre deux
points distincts. Ainsi selon la terminologie haïtienne,
tap-tap est le symbolisme du temps qui, dans sa
course, relie deux extrémités d'un espace quelconque tout en
permettant de confondre la distance à parcourir à la vitesse
utile impensable par sa rapidité. Il est, en ce sens pour la langue
créole, une expression emphatique et, est synonyme de :
Prese-Prese, Mache-Prese, Chocho Trapde. Ce sont des
expressions créoles traduisant : l'extrême rapidité,
vitesse de croisière, vitesse éclair.
La capacité de l'automobile à atteindre cette
fulgurance, cette vitesse, contrairement à la marche à pied ou
à dos d'âne, lui confère la dénomination
tap-tap.
Le sens de ce terme dans le contexte du transport en commun
haïtien, apparemment se situe dans l'historique des moyens de
communication pour relier une région à une autre. L'histoire
montre qu'autrefois l'haïtien, comme tous les peuples, utilisait ses pieds
ou le cheval pour parcourir de longs kilomètres terrestres. Cependant
le temps qu'il fallait disposer pour le trajet était beaucoup moins
grand à cheval qu'à pieds. Avec l'arrivée en Haïti
d'un moyen de transport comme l'automobile, le cheval allait prendre beaucoup
plus de temps à parcourir le même trajet par rapport à
celle-là. Et, il faut, en plus souligner que l'automobile a
succédé à d'autres moyens de transport moins rapide et
moins confortable. Dans un premier temps, le transport à Port-au-Prince
était assuré par des "Buss et Buggys" tirés par des
chevaux. Plus tard en 1896, ces moyens de transport furent concurrencés
par les tramways qui eux-mêmes furent actionnés par la vapeur. Si
ce moyen de transport (les tramways) était préférable aux
"Buss et Buggys" pour sa commodité et sa rapidité, il ne
résista pas longtemps à la concurrence des autobus à
moteur, « dont le premier (...) a été mis en circulation
à Port-au-Prince le 27 mars 1913. » (G. Corvington, 1976, 249)
En effet, sous l'égide de l'automobile le transport public allait
connaître une nouvelle orientation.
« L'Organisation d'une vraie ligne de taxis ne
semble avoir vu le jour qu'en 1928. C'est cette année là, en
effet, que sans doute, après entente, des propriétaires
d'automobile mettent à la disposition du public un certain nombre de
voitures affectées au service du transport des voyageurs de 6 heures du
matin à 6 heures du soir ...
« L'irruption de cette nouvelle organisation sur le
marché du transport urbain fait apparaitre la compétition. On
prévoit déjà le moment où les buss ne seront plus
dans Port-au-Prince qu'un vieux souvenir (...) puisque leur tarif est de cinq
(5) centimes supérieur à celui des autos de la ligne, plus
rapides et plus confortables ». (G. Corvington, 1987, 159)
Le phénomène automobile n'a pas laissé
indifférents des romanciers et poètes de l'époque. Voici
comment Stephen ALEXIS, l'un de ces romanciers, a traduit le
phénomène : « L'automobile est reine maintenant,
écrit-il. D'un train lent, les vieux buss s'en vont. Que sont devenues
les élégantes voitures que tiraient les magnifiques bêtes
racées et piaffantes? Sans gloire, elles achèvent dans une
remise sentant le ranci, ou dans une vieille cour vague leur malheureux destin.
(...) Les fringants chevaux eux-mêmes ont disparus de
la circulation ... » 19(*)
Ce sont en ces termes là que Stephen ALEXIS traduit la
substitution des moyens de transport antérieurs à l'automobile.
Leur lenteur, selon lui, en est une des causes. Donc, c'est cette
réduction par l'automobile du temps mis à relier les mêmes
kilomètres autrefois parcourus à pieds, à dos d'âne,
en buss, buggys et tramways que l'haïtien résume par un simple mot
: tap-tap. Aussi, aucune publication concernant le
transport en commun haïtien ne peut faire l'économie de cette
expression.
Il n'en est pas moins vrai que la motocyclette, elle aussi,
est faite pour vaincre la distance dans un temps très court en ce sens
elle est un tap-tap. Les jours de circulation
difficile (grèves générales, grèves des chauffeurs)
on assiste à un trafic accéléré des motocyclettes
« ECONO ». Ainsi désignées, elles viennent
au secours de non-grévistes qui semblent vaquer normalement à
leur occupation. Du côté du quartier « LA
SALINE » particulièrement sur la diagonale reliant le quai de
Jérémie à la grande route (Boulevard La saline) il est
monnaie courante de trouver des motocyclettes transportant deux (2) à
trois (3) passagers.
C'est un trafic qui tend à se
généraliser, puisque à l'extrémité de la
bretelle de jonction d'avec la Nationale #1 des motocyclistes restent en
« stand by » attendant de potentiels passagers pour le
Boulevard Hailé Sélassié et l'Aéroport
International.
Sur le Boulevard Harry Truman, (au terminus de la rue Joseph
Janvier), ainsi que sur l'autoroute de Delmas à l'entrée de
Delmas 31, le constat est le même. D'aucuns croient que ces
« écono » représentent un défi au fort
embouteillage que connait tout Port-au-Prince aux heures de pointe.
Voilà le spectre d'un nouveau mode de tap-tap
à l'horizon du transport en commun en Haïti.
Évidemment dans beaucoup de villes du tiers-monde la
motocyclette s'installe déjà comme mode de transport urbain. A
Ouagadougou, par exemple, Capitale du Burkina Faso, les deux roues à
moteur sont prédominantes dans le trafic urbain. C'est ce que Laura
Faxas appelle: Asiatisation du transport collectif
urbain dans le contexte de la République Dominicaine. A
son avis « Le phénomène le plus caractéristique
des changements et de la restructuration du système de transport, c'est
l'incorporation massive de motos dans certains itinéraires du
système. On assiste ainsi à une « asiatisation d'une
partie du système ».20(*) Cependant, ce phénomène est selon lui
le résultat du désengagement de l'État dominicain
vis-à-vis de la population urbaine face aux services à
caractères publics qu'il devait lui fournir. Dans le contexte, de la
crise et du désengagement libéral de l'Etat, en tant que garant
des services publics, l'incorporation de motos dans le transport semble
s'étendre à d'autres pays de l'Amérique latine et
d'Afrique, satisfaisant de façon captive une partie de la demande et
n'étant pas un transport de type taxi traditionnel ou en concurrence
avec d'autres moyens de transport. En outre dans le cas dominicain ce type de
transport est devenu pratiquement le seul moyen de transport dans les villes de
taille moyenne ou les villages » 21(*)
Il n'est pas tout à fait facile de prouver que le mot
Atap-tap puise ses origines dans l'histoire du
transport en commun haïtien. Toutefois, le mot en soi, en plus qu'il
exprime l'extrême rapidité d'un moyen de transport, se confond
aussi avec le moyen de transport même. Par ce dernier, on entend
l'ensemble de procédés (mécaniques et techniques) desquels
l'homme s'en sert pour assurer son déplacement d'un point vers un autre
pour atteindre sa destination. Voilà ce qui explique, qu'au lieu de
parler, de taxi, de camionnette ou d'autobus, l'haïtien utilise parfois
l'expression tap-tap.
C'est d'ailleurs, à peu près, le point de vue de
Jean Michel Houry, de Lyonel Paquin, de Christophe Wargny et de Jean Marie
Duval. Selon l'article, publié dans le numéro cent dix neuf (119)
de la revue Conjonction en 1973, Jean Michel Houry
établit une différence entre tap-tap, taxi et Peugeot. Il
présente les taxis comme des voitures privées d'occasion qui
assurent le trafic de passagers sur les diagonales. Celles-ci font partie du
réseau routier desservi par les tap-tap.
« Le réseau est constitué par trois
axes principaux : la route Carrefour-Portail Saint-Joseph, le circuit
Centre-ville - Pétion Ville par Lalue et Delmas et les diagonales, Bois
Verna, Pacot, Turgeau, Saint Gérard et le Centre Ville.
« L'axe Carrefour-Portail Saint Joseph est couvert
par (des) tap-tap; Chacune de ces camionnettes légères,
à carrosserie locale sur châssis généralement
japonais transporte (un nombre) de passagers par jour ouvrable (...).
« Sur l'axe centre ville -Pétion Ville par
Lalue et Delmas le transport est assuré par (des) Peugeot familiales
diesel a neuf (9) ou dix (10) places chacune et par des tap-tap
véhiculant des passagers exclusivement par Delmas ... « Sur
les diagonales, le trafic est assuré par des taxis collectifs, voitures
privées d'occasion ».
A bien comprendre l'article; définir
tap-tap exige qu'on tienne compte, d'abord, de la
qualité du véhicule qui implique: sa morphologie et ses
occupants, ensuite et surtout les voies qu'il emprunte pour desservir des
passagers. Ce sont autant de paramètres qui, pour Jean Michel Houry,
doivent permettre de parler des tap-tap et de les
différencier des taxis et Peugeot qui sont tous à la fois des
moyens de transport. Il va même plus loin, dans sa
différenciation, en montrant que les tap-tap
sont constitués d'une carrosserie locale Aussi ne sont-ils autres, que
des autobus et camionnettes publics comme ceux de Carrefour et de Delmas. Sans
être complaisant ni catégorique disons que c'est peut-être
également, la position de Lyonel Paquin qui a fait la compilation de
1000 slogans dans une brochure intitulée Les tap-taps
haitiens dont la page de couverture met en relief un minibus
bwafouye.
A ce niveau, les approches sont complémentaires. A
lire la brochure illustrée de J. M. Duval et de C. Wargny,
intitulée : En Haïti où les tap-tap roulent pour
Dieu, on constate que ces auteurs ne s'enferment pas seulement
dans le carcan port-au-princien pour parler des tap-tap. Contrairement
à J.M. Houry, ils partent vers les circuits reliant Port-au-Prince aux
villes de provinces.
Alors, ils se placent dans le quartier La saline pour observer
et tenter de décrire le phénomène
tap-tap. « Deux heures du matin,
Port-au-Prince, quartier de la Saline, Bidonville repu de nuit noire (...) La
vie grouillante qu'aucun sommeil n'interrompt jamais se devine, là-bas
derrière la lisière des tap-tap, pullulement autour de
la puanteur des rigoles où achèvent de pourrir mangues ou
papayes. » (C. Wargny, J.M.Duval, 1993)
Une véritable lisière mobile. Les tap-tap
partent pour revenir, quotidiennement, la reconstituer. « Comme
des milliers d'autres un de ces camions-autobus, (...) taille sa route à
grand renfort de Klaxon, comme tous les tap-taps qui labourent les mornes
d'Haïti en tout sens, secouant des passagers entassés,
rudoyés, chavirés et chavirant de leurs banquettes de
bois. » (ibid)
L'approche de Houry rencontre, en un certain point, celle
de Wargny et Duval qui, sans ambages, présente les tap-tap comme un
mariage mécanique et artisanal. Un mariage de deux mondes
différents : celui de l'occident et du régional, du métal
et du bois. Une approche, certes réaliste et partagée mais
restrictive et anachronique du fait que de nos jours tous les véhicules
à moteur, indépendamment de leur structure et dépendant
des conditions socio-économiques de leur propriétaire, se
transforment en véhicules de transport public. Si cette approche
décrit les tap-tap en tenant compte de certains paramètres,
(morphologie et circulation) elle manque beaucoup d'éléments pour
être conceptuelle. Et c'est d'ailleurs à ce niveau que la
différence se fait sentir entre les approches. Celle de Wargny et
Duval, à bien des égards, est allée beaucoup plus loin.
En effet selon eux tous les moyens de transport sont des
tap-tap, une fois que ceux-là permettent de parcourir rapidement,
même de façon relative, la distance voulue.
« Tap... tap... tap... tap... tap... tap: en créole, la
rapidité, la fulgurance, l'immédiateté. Ou presque.
Vitesse certes relative, mais indiscutable, comparée à celle de
la bourrique ou de l'humain livré à ses propres jambes. Tap...
tap... tap... voyage en un clin d'oeil ... » (ibid)
Telle est une approche qui complète la nôtre et
qui traduit bien dans le temps comme dans l'espace haïtien une certaine
réalité du transport en commun. Cependant elle s'enferme dans
une brochure où l'observation semble donner libre cours à
l'imagination. Où le vécu est pris sur le vif et exposé
vulgairement; et où enfin aucune tentative d'analyse n'est
relevée.
Tout cela est pour dire que ces approches ne se limitent
qu'à d'écrire ou à définir le
phénomène à partir de simples observations.
Vu le caractère de notre travail, nous comptons
insérer la nôtre dans un cadre scientifique où les
premières impressions du sens commun - face à des recherches
conduites méthodiquement - ne vont pas constituer une entrave aux
tentatives d'explication du transport en commun comme étant un fait
social. C'est-à-dire comme étant une chose où les hommes
- à quelque niveau que ce soit - ont tous participé,
volontairement, à sa cristallisation sans qu'elle ne soit, pourtant,
revêtue d'aucune marque particulière d'individualisme et où
tous sont soumis aux contraintes qu'elle a générées. Dans
cet ordre d'idées nous retrouvons la pensée de Durkheim pour qui
le fait social est un mélange d'actions de plusieurs individus; actions
qui une fois combinées donnent naissance à un produit nouveau.
« Et comme cette synthèse a lieu en dehors de chacun de nous
(puisqu'il y entre une pluralité de consciences) elle a
nécessairement pour effet de fixer, d'instituer hors de nous de
certaines façons d'agir et de certains jugements qui ne dépendent
pas de chaque volonté particulière prise à
part ». (E. Durkheim, 1937)
Partant de cette considération, le tap-tap peut
être défini comme: une synthèse d'actions
mécaniques, techniques et quelquefois artisanales,
réalisée par des hommes pour réduire le temps de la
distance à parcourir à la vitesse de marche minimale et faciliter
le transport d'un collectif d'hommes qui le préfère aux voyages
à pied et à dos d'âne, pour sa rapidité et son
confort. Aussi s'impose t-il dans l'habitude des hommes qui ne peuvent s'en
passer.
Cela n'est pas moins vrai des tap-tap circulant sur le
réseau de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince qui,
malgré de graves problèmes de circulation et de confort,
s'intègrent dans la vie régulière des
port-au-princiens.
Autrement dit, parler de tap-tap revient à
désigner l'ensemble des moyens de transport collectif qui, empruntant
les différents axes du réseau routier dans des allées et
venues quotidiennes, facilitent le déplacement des habitants de l'aire
métropolitaine tout en leur donnant la possibilité d'arriver
à destination dans un temps relativement rapide.
Puisqu'un fait social, selon Durkheim, doit être
considéré comme une chose, mais pas au même titre que les
choses matérielles qui ne sont analysées que du dehors, les
tap-tap (particulièrement le bwafouye) feront l'objet d'une analyse qui
les embrassera tant dans leur consistance que dans leur fonctionnement aussi
bien que dans leurs relations avec d'autres faits sociaux. Dans ce contexte,
ils sont pour nous un objet de connaissance qui n'est pas naturellement
compénétrable à l'intelligence, donc nous ne pouvons nous
en faire une notion adéquate par un simple procédé mental.
En conséquence, pour que nous arrivions à les comprendre et
à les expliquer nous devons sortir de nous mêmes, « par
voie d'observations et d'expérimentations, en passant progressivement
des caractères les plus immédiatement accessibles aux moins
visibles et aux plus profonds ». (E. Durkheim, 1937)
3.2.- TAP-TAP BWAFOUYE
Moyen de transport collectif dont la carrosserie, faite de
bois est montée sur un châssis de « type
canter-Mitsubishi », et est de fabrication locale. Conçu pour
le transport collectif d'usagers il doit son nom à la matière
première (le bois) qui forme la structure de sa carrosserie. Pour notre
travail, tap-tap bwafouye et minibus bwafouye sont synonymes.
3.3.- MOYENS DE TRANSPORT COLLECTIF
Ensemble de véhicules (automobiles) qui ne sont pas
tous forcément conçus pour le transport collectif d'usagers mais
dont les plaques d'immatriculation portent, respectivement, la mention taxi. Au
nombre de ceux-là on distingue, suivant la terminologie haïtienne;
le minibus bwafouye, le yole, le rachepwèl, le taxi, le kokorat, le
gwobisjon, la camionnette. Tout récemment des syndicats de chauffeurs,
au terme d'un contrat avec le gouvernement haïtien, sont venus apporter
leur note à la nomenclature des tap-tap. Ils désignent leur moyen
de transport du nom de « Service plus » et est
immatriculé location.
3.4.- URBANISATION
Processus d'augmentation croissante de la
population des villes qui résulte tant de la migration que du mouvement
naturel de population et qui est lié à des transformations
infrastructurelles de l'espace des villes.
3.5.- AIRE METROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE
Espace géographique comprenant: Delmas,
Croix-des-missions, Carrefour et Pétion-ville qui sont des zones et
villes avoisinantes à la ville de Port-au-Prince laquelle inclusivement
fait partie de cette aire.
Elle est synonyme de Port-au-Prince ou de la ville de
Port-au-Prince dans le cadre de notre travail.
3.6.- MOBILITE QUOTIDIENNE
Ensemble de déplacements quotidiens des
port-au-princiens, à l'intérieur de l'aire métropolitaine
de Port-au-Prince, vers les différents espaces de la ville, soit en
voiture privée, soit à pieds, soit en tap-tap. Ils se rendent sur
leur lieu de travail, dans les établissements scolaires, sur les centres
d'achats...
3.7.- VILLE
Le dynamisme des facteurs qui structurent la ville entrave
toute définition à tendance axiomatique qui laisserait croire en
un schéma arrêté ou théorique propre à
caractériser de manière générale la ville. Par
contre, différents spécialistes en la matière, sont d'avis
à reconnaitre que toute tentative de définition de la ville ne
doit et ne peut faire l'économie de l'histoire de l'espace
géographique en question. Pour J.P. Lacaze «Une ville n'est pas
autre chose que (...) Le produit de sa propre histoire
matérialisée en formes architecturales». G. Burgel, dans son
oeuvre « la ville aujourd'hui» nous dit que « les villes sont
à la fois le produit et le reflet des sociétés qui les
font naître». Donc, une ville ne peut être
édifiée qu'en référence aux rythmes temporels et
aux différentes actions qui jalonnent sa transformation en tant
qu'espace physique. Les approches de J.P. Lacaze et de G. Burgel loin
d'être contradictoires sont complémentaires et rencontrent
l'approche de Y. H. Bonello pour qui la ville « est au-delà de
toute perspective géographique, sociologique ou historique parce qu'elle
naît des besoins d'interaction entre des êtres, ce qui interdit
toute définition statique et descriptive».
Tout compte fait, pour une bonne compréhension de ce
qu'est la ville, il est préférable de la définir à
partir de sa fonctionnalité plutôt que de son évolution.
Nous nous référons à nouveau à Y. H. Bonello qui
avance que la ville « c'est un lieu de résidence où
siège l'autorité chargée d'arbitrer entre les pouvoirs des
corps sociaux».
3.8.- PLANIFICATION URBAINE
Processus d'organisation de l'espace urbain
tant au point de vue urbanistique, architecturale et économique à
des fins de contrôle de l'urbanisation et de réponses
quasi-adéquates aux besoins de la population des villes. Elle inclut en
ce sens deux modes d'action, c'est-à-dire un ensemble de pratiques
professionnelles tendant à préparer et à exécuter
des décisions. Ces modes d'action sont: la composition urbaine et la
planification stratégique. La première «recherche en
priorité l'harmonie et l'élégance des espaces en creux de
la ville; elle dessine donc ces espaces et fixe des règles pour les
constructions. (...) Pour des opérations plus importantes elle
s'attachera à la définition de règles
générales susceptibles d'assurer la cohérence d'ensemble
du paysage urbain à travers la diversité des projets
architecturaux successifs.» La planification stratégique, pour sa
part, «constitue une étude globale des marchés concernant
les espaces et les services urbains. Elle utilise pour cela des modèles
mathématiques permettant d'évaluer les besoins futurs et de
rechercher les décisions à prendre pour éviter les
pénuries prévisibles. (...) Elle se réfère à
une conception de la ville comme espace privilégié de
l'économie. Elle justifie les décisions qu'elle propose par des
critères d'efficacité et d'utilisation optimales des ressources
financières. Elle renvoie donc à des modes de décision de
type technocratique. (...) Son importance globale dépend beaucoup du
rythme de la croissance démographique et de l'urgence des besoins non
satisfaits." (J.P Lacaze, 1995, 52)
3.9.- POLITIQUE URBAINE
Ensemble de législations visant la gestion des
situations jugées inacceptables dans les villes
(insécurité, délinquance, la désagrégation
urbanistique et architecturale des quartiers, la drogue, le chômage) et
la mise en place des actions correctrices. La plupart du temps, ces
législations prennent surtout en compte le logement et les grands
réseaux d'infrastructures. Cependant d'une manière
générale, le rôle des politiques urbaines consiste à
intervenir pour mieux aménager la ville en fonction des besoins
économiques et sociaux". (J.P Lacaze, 1995, 43)
3.10- GESTION URBAINE
C'est le processus qui fait intervenir la question de savoir
qui doit évaluer les besoins économiques et sociaux de la ville
et celle de la préparation et de l'application des décisions.
Elle implique une prise de position sur le problème de l'exercice du
pouvoir dans le contexte des modes de planification urbaine. Elle fait appel,
de ce fait à l'urbanisme, à la géographie urbaine et
à la science politique et engage directement les acteurs publics dont
leur rôle consiste à fixer les règles du jeu par des Lois
et des Décrets, puis à veiller à leur bonne application en
contrôlant les procédures et en sanctionnant les
irrégularités. Interviennent ensuite des acteurs
spécialisés puis les citoyens.
3.11.- SERVICES URBAINS
Ensemble d'opérations qui accompagnent la production,
qui la préparent, le programment et qui assurent sa
compétitivité et sa distribution dans le public: recherche et
développement, bureaux d'études et de conseils, au sein des
grandes sociétés, ou au bénéfice des petites et
moyennes entreprises, agences de publicité, services après-vente,
direction du suivi de la clientèle, organisme de vente par
correspondance. (Guy Burgel, 1993, 64)
3.12.- CROISSANCE URBAINE
Forte concentration d'hommes et de leurs activités sur
des territoires restreints entrainant ainsi sur des territoires de l'espace
l'étalement et la dispersion périphérique de la ville.
3.13.- CHAUFFEUR DE TAP-TAP
Toute personne qui pour gagner sa vie se retrouve
derrière le volant d'un véhicule dont les plaques
d'immatriculation porte la mention taxi.
3.14.- USAGER DE TAP-TAP
Toute personne qui, pour se rendre sur son lieu
d'activité choisit d'utiliser, plutôt, le service payé d'un
véhicule dont les plaques d'immatriculation porte la mention taxi.
3.15.- CAPACITE D'ACCUEIL
Quantité suffisante et réglementaire d'usagers
qu'un moyen de transport collectif, conçu à cette fin, doit
transporter suivant l'avis du concepteur.
3.16.- CONFORT
L'aisance avec laquelle l'usager doit circuler et s'asseoir
à l'intérieur du moyen de transport collectif sans risque
d'être embarrassé dans ses mouvements.
TROISIEME PARTIE : CADRES EPISTEMOLOGIQUE ET ETHNOGRAPHIQUE
CHAPITRE IV.- PORT-AU-PRINCE : UNE VILLE EN PORTE
A FAUX
Dans un souci de présenter la réalité
à laquelle sont confrontées les théories
évoquées en matière d'urbanisation et de transport
collectif urbain, nous avons élaboré ce chapitre dont l'objet
consiste à partir à la rencontre de Port-au-Prince à
travers le temps, tout en considérant le mode d'organisation
économique, politique et démographique de son espace
comparé à celui d'autres espaces du tiers-monde qualifiés
de villes. Cependant, pour une claire compréhension de
l'exposé, nous partons des généralités sur la
ville.
4.1.- LA VILLE: SON HISTOIRE ET SES FONCTIONS
4.1.1.- GENERALITES
Les temps historiques ont vu l'émergence de la ville
dont la fonction première consistait à rassembler un collectif
d'hommes sur un même espace. C'est d'ailleurs ce qui pousse plusieurs
spécialistes en matière urbaine à considérer la
sédentarisation comme déjà une tendance à
l'édification de la ville. « Pour la Bible et les historiens des
premiers siècles, c'est à Babylone, en Mésopotanie, que
l'on attribua le statut de première ville (...). Elle prend forme au
début du IIème millénaire avant J.C.» (Y.H. Bonello,
1996, 7)
A chaque période des temps historiques la ville
présente ses caractéristiques propres et remplit des fonctions
spécifiques en dehors de son rôle de rassembleur qui sous-tend une
gestion et une vision d'ensemble de la chose collective appelée à
être bénéfique à tous. « La ville capitaliste
est donc, avant d'être le lieu de résidence de la classe dominante
et le siège des pouvoirs politique et religieuse (Antiquité) ou
un lieu de protection et d'échange (Moyen âge), le lieu du
développement de la production capitaliste». Cet aspect d'une
grande importance pour les villes de l'époque contemporaine (la
production capitaliste) apporte selon certains spécialistes de profondes
modifications à la vie citadine au point qu'elle soit
dépouillée, en partie de ses éléments les plus
fondamentaux.
Selon J.P. Lacaze « Les villes d'aujourd'hui... semblent
perdre peu à peu ce qui faisait leur force et leur originalité:
la capacité à rassembler les hommes autour d'idéaux
communs, à produire de la convivialité, de la sociabilité,
de la tolérance, à permettre la coexistence tranquille de destins
individuels contrastés, à protéger, à faire
rêver et à stimuler l'innovation» ( J.P. Lacaze, 1995, 6
)
L'espace de la ville, en ce sens, charrie à sa base
tout un projet de civilité qui rend possible et agréable la
cohabitation d'une communauté d'hommes ayant des aspirations
différentes mais qui, dans le champ des actions respectives, sont
réciproques, complémentaires, interactives et concourent toutes
au bon fonctionnement. De ce fait, l'individualisme devrait se noyer dans le
collectif jusqu'à emprunter sa marque. « La grande ville joue
globalement le rôle d'initiateur et d'accélérateur des
dynamismes collectifs « (G. Burgel, 1993, 73).
Agir sur le comportement humain, est effectivement l'une des
tâches dévolues à la ville qui doit sa naissance non
seulement à la sédentarisation mais surtout à la
familiarisation ou à la domestication (la maîtrise) de certains
éléments de la nature. Deux faits majeurs qui font appel
simultanément au processus d'adaptation et d'éducation et qui
traduisent le passage de la nature à la culture.
En fondant la ville l'homme s'est doté à la
fois d'un espace pouvant lui permettre de prendre sa distance par rapport
à la nature et aussi d'un espace d'expérimentation des
progrès et découvertes de la technologie et de la science.
L'espace de la ville a été le plus propice à la
révolution industrielle: outil de transformation massive de la
matière première.
L'ensemble des biens, produits au moyen de l'industrie sont
quantitativement et qualitativement, loin d'être comparables à la
production découlant, jadis, des méthodes empiriques. Le surplus
de la production engendré par l'industrie a pu, en conséquence,
susciter un mode de gestion impliquant un nombre incalculable de services.
« La ville contemporaine est fille des révolutions industrielles et
tertiaires» écrit G. Burgel. Les fonctions de services et la
méritocratie sont pour l'auteur les clefs de compréhension de la
ville contemporaine.
J.P. LACAZE ingénieur et professeur d'urbanisme, et
G.BURGEL professeur de géographie urbaine sont d'accord pour affirmer
que la réalité des villes ne peut être cernée en
dehors de leur histoire.
« Une ville n'est autre chose que la collection des
objets physiques qui la composent, c'est-à-dire le produit de sa propre
histoire matérialisé en formes architecturales.
« (...) Chacun d'entre nous vit cette ville au
rythme de la quotidienneté la plus immédiate, celui du temps
qu'il fait, des touts petits événements de la vie familiale et
professionnelle, sans souci du temps des historiens et des
économistes.
« La ville ne peut donc se penser sans faire
référence à l'articulation constante de ces rythmes
temporels différents. Et son avenir ne peut être organisé
efficacement que si l'action d'urbanisme sait composer avec ces rythmes par des
méthodes adéquates, bien en phase avec les évolutions
économiques, sociales et culturelles profondes qui déterminent
son destin ».22(*)
La ville comme telle n'a rien d'imprévisible dans son
édification. Elle prend forme à partir des réalisations
concrètes et manifestes résultant de l'action de l'homme qui
chaque jour pour son confort et sa convenance entre en lutte et avec
lui-même et avec la nature. Cette transformation de soi par rapport
à son environnement et vice-versa, va jusqu'à transcender le
temps et stigmatiser l'espace physique. En effet, celui-ci à chaque
période d'innovation voit son statut se renouveler.
Déjà au paléolithique l'homme a eu un
type de questionnement vis-à-vis de l'espace. Et en réponse il a
trouvé le nomadisme, les grottes, le feu, la cueillette. Au
néolithique, la réponse est claire: la sédentarisation et
la familiarisation; l'agriculture est créée, le monde rural est
né. « Pourtant, après des siècles de
civilisation rurale, la ville est devenue cet espace d'innovation et de culture
qui porte un nom de rêve: l'urbanité. »23(*)
Bref ! Qu'est-ce qu'une ville? Notre intention ici n'est
pas de la définir mais de présenter une définition qui
semble bien en accord à notre vision et qui recèle à la
fois une approche prospective et planificatrice; un schéma
théorique. La ville « c'est un lieu de résidence
où siège l'autorité chargée d'arbitrer entre les
pouvoirs des corps sociaux.
On accède au statut urbain lorsqu'il existe sur un
territoire, des groupes exerçant des activités distinctes, les
services n'étant plus assurés par les agriculteurs, mais par des
personnes entretenues grâce au surplus de la
production. »24(*)
Cela sous-entend, que la ville en soi est un espace qui, en
principe, marque la rupture avec l'économie de subsistance et, en
même temps, promeut l'abondance sous toutes les formes: activités,
services, production. Mais, il ne faut pas croire que ce trait
caractériel (l'abondance) soit inhérent, au même
degré, à toutes les villes. En d'autres mots, si dans des
sociétés ces « paramètres de
l'abondance » sont agencés de sorte que la ville soit
conviviale, dans d'autres ils sont en parfaite désarticulation et
réduisent la ville en un lieu de grandes frustrations (chômage,
délinquance, insalubrité, incommodité...). « Les
villes sont à la fois, le produit et le reflet des
sociétés qui les font naître ».25(*)
4.2.- HISTORIQUE DE LA VILLE DE PORT-AU-PRINCE
4.2.1.- FONDATION ET CONTEXTE
Port-au-Prince est créé le 13 juin 1749 sur les
hauteurs du Belair connues alors sous le nom de habitation Randot. Dans ce
contexte, sa fondation remonte à l'époque coloniale et
résulte d'un choix politico-économique de la métropole
française qui était en guerre contre l'Angleterre. Cette nouvelle
ville, bien que côtière, annexée à la plaine du
Cul-de-sac région coloniale prospère, contrairement aux autres
villes côtières comme Miragoane et Petit-Goâve, est
très stratégique, car elle permet un meilleur contrôle de
la partie centrale de la colonie. Cela lui a valu d'être le port
approprié où des navires marchands et la flotte du roi venaient
prendre refuge.
« Dès lors, marchands, commerçants et
planteurs de la plaine, se voient allouer des espaces constructibles dans
l'enceinte de cette ville, construite par les esclaves noirs pour les rares
affranchis et pour les nombreux colons blancs de la région. Peu de
temps après, la capitale de la colonie française de St Domingue
est transférée de Léogane à Port-au-Prince, sur
ordre du roi Louis XV. (...) Elle ne tarde pas à prendre rapidement
de l'essor pour s'imposer comme pôle économique et centre
administratif régional incontesté face aux villes de
Léogane, Miragoane et Petit-Goâve. »26(*)
Les tremblements de terre de 1751, 1766, 1776 et les guerres
de l'indépendance ont modifié à maintes reprises le visage
de la ville de Port-au-Prince sans toutefois détruire sa structure
spatiale initiale qui la caractérise encore aujourd'hui. Ces guerres
qui ont culminé à l'extermination des colons et à la
liberté des esclaves n'ont pas résolu les préjugés
de castes antérieurs à l'indépendance. Les mulâtres
- catégorie socio-historique qui depuis la période coloniale,
revendiquèrent légalité sociale, politique et
économique avec les colons, contrairement à la masse des esclaves
noirs et leurs leaders qui réclamèrent, tout court, la
liberté, se sont emparés du pouvoir économique et
laissèrent le pouvoir politique à l'élite noire.
Port-au-Prince dotée de nouvelles classes dirigeantes, garda la
structure coloniale du mode de fonctionnement des villes
caractérisé par des instances politiques et militaires
spécifiques à chaque région et par les structures
économiques indépendantes.
4.2.2.- VERS LA SUPRÉMATIE
Tant en matière administrative, économique que
politique Port-au-Prince n'a pas toujours eu le monopole du pouvoir. Elle n'a
pas été de tout temps le centre. Cela n'a pas
empêché, cependant, à sa population d'augmenter au fil des
ans. Entre 1749 et 1790, la population de la ville de Port-au-Prince est
estimée à 680027(*) habitants. « En 1830, soit près
d'un siècle après sa création, Port-au-Prince compte
environ 25000 habitants (...). A la fin du 19ème siècle,
près de 70000 individus résident dans cette ville qui ne cesse de
s'étendre ».28(*)
Port-au-Prince devait attendre l'occupation américaine
de 1915 à 1934 pour changer de statut en matières
infrastructurelle, économique et politique. Durant cette
période, elle est embellie avec l'asphaltage de plusieurs de ses rues,
l'aménagement de places publiques, de bâtiments administratifs,
scolaires, d'hôpitaux etc.
« Pour accroître son contrôle
stratégique du pays, l'occupant crée et développe la
centralité économique et la suprématie administrative de
Port-au-Prince. Désormais, la capitale est reliée à tous
les grands centres urbains de province. Ce réseau principal est par la
suite complété par un réseau secondaire devant favoriser
l'acheminement des denrées agricoles depuis les campagnes, où les
américains y développent de grandes plantations de monocultures
pour l'exportation. On voit dès lors, s'amorcer les premiers grands
flux migratoires des provinces vers la capitale. »29(*)
4.2.3.-MIGRATION, STRUCTURE, DENSITÉ ET TOPOGRAPHIE
SOCIALE
Selon une analyse de H. Deronceray l'afflux de la population
de la province vers la capitale s'est brusquement renforcé à
partir de 1920 - 1930. Sept ans plus tard soit 1937, les premières lois
d'urbanismes sont conçues en réponse à cette affluence
embryonnaire. Mais, c'est surtout vers les années 50 qu'on peut
vraiment, démographiquement, affirmer la suprématie de
Port-au-Prince sur les autres villes d'Haïti. Malheureusement cette
suprématie se réalise dans un total déséquilibre
où les structures en place ne répondent à aucune norme
urbanistique. En 1987, le géographe H. Godart écrit:
« de 1950 à aujourd'hui, rien n'a été fait pour
que cette ville millionnaire puisse croître de façon harmonieuse;
les infrastructures ne peuvent répondre qu'aux besoins d'une population
de 100.000 habitants ».30(*)
Plus près de nous, abondant dans le même sens D.
Bazabas écrit: « A la fin des années 50, la capitale
dont la population est estimée à 180.000 habitants, est
déjà structurée suivant le canevas spatial qui
prévaut encore aujourd'hui ».31(*)
Les données en ce sens ne sont pas
contradictoires ; et concourent, plutôt, à faire comprendre
la réalité de l'actuel Port-au-Prince qui en 1999 compte 1 693
993 habitants selon l'IHSI.
De 3.15 kilomètres carrés entre 1749-1790 elle
est passée à 43 km2 en 1970 pour atteindre 60
km2 en 1982 et pour grignoter actuellement dans le désordre
80 kilomètres carrés. Ainsi, Port-au-Prince s'étend
physiquement, pendant que sa densité au sol augmente. De 2.158 habitant
au kilomètre carré elle est passée à
11.627/km2, pour atteindre 13.333h/km2, et pour grignoter
22.000 habitants / km2.32(*)
« La croissance urbaine sans précédent
qui a affecté la capitale depuis 1970 implique des modifications
profondes dans l'organisation de l'espace résidentiel de Port-au-Prince.
(...) Mais l'extension spatiale n'a pas été proportionnelle au
croît démographique, .... L'espace urbain s'est donc
densifié; les vides entre les quartiers ont été
progressivement comblés ou sont en voie de l'être, et les
interstices entre les maisons ont été construits.
« Dans les années 50, les catégories
sociales aisées habitaient les gingerbread de Pacot, Turgeau, Bois
Verna...(100m d'altitude environ). Peu à peu, ces strates de la
population ont migré vers Pétion Ville (Bourdon, Musseau,
Morne-Hercule... quartiers dont l'altitude est comprise entre 150 m et 300 m),
puis au-delà de Pétion-Ville (tête-de-l'eau),
Montagne-noire, Boutiliers, La Boule, Fermathe, secteurs situés entre
600m et 1.300m).
« Les zones occupées par les
catégories sociales aisées s'accroissent exclusivement par
extension spatiale. En effet, les terrains et les villas sont vastes et ces
quartiers, dont la densité est faible, peuvent être
considérés comme saturés.
« Les secteurs de Delmas, de la plaine du Cul-de-sac
et des hauteurs du Morne l'hôpital comprises entre Martissant et
Carrefour sont les zones de croissance et de densification
privilégiées des catégories sociales moyennes. Ces
quartiers, aux rues tracées mais souvent non revêtues, ressemblent
à de vastes chantiers où de nombreuses maisons sont
inachevées ou en construction.
« Les quartiers d'habitat populaire progressent sur
les mornes et cette progression s'accompagne d'une densification des secteurs
déjà urbanisés.
« Quant aux quartiers d'extrême
pauvreté, ils sont essentiellement localisés dans le centre
taudifié et à ses abords, au Nord-Ouest et au Sud de
l'agglomération.
« La zone Nord-Ouest, l'une des plus malsaines de
Port-au-Prince en raison des problèmes de drainage qui l'affectent,
attire un nombre croissant de migrants. 1966/1967 marque le début de
l'extension spatiale sans précédent de cette zone. L'incendie de
la Saline entraîne l'exode de la population touchée par cette
catastrophe et donne naissance au quartier de Brooklyn. Le flux migratoire
s'intensifie, les quartiers déjà existants se densifient et de
nouveaux quartiers naissent: Boston vers 1972, le warf en 1978"33(*), "Cité letènel"
1988, Jalousie 1991...
Ces différentes catégories de couches sociales
habitant dans des zones différentes de Port-au-Prince permettent de se
faire une idée des disparités existant dans cette ville. L'oeuvre
de H. Godart publiée en 1987 n'a pas pu signaler le nouveau
phénomène de non-ségrégation en matière
d'habitat à Port-au-Prince.
En effet, « dans les zones urbanisées de
proche et moyenne périphérie, nous observons un
phénomène intéressant de non ségrégation
spatiale faisant cohabiter l'habitat très précaire et l'habitat
résidentiel haut de gamme. Nous sommes là, confrontés
à deux formes d'aménagements spontanés et/ou non
réglementées qui se partagent les mêmes espaces et qui
produisent les mêmes effets. Les interstices abandonnés et
laissés inoccupés entre les propriétés des classes
aisées, sont remplis par des constructions érigées par les
classes sociales les plus défavorisées. Ainsi, dans cette
agglomération, il n'est pas rare d'observer dans certaines zones
d'urbanisation récente, de somptueuses villas côtoyer des poches
d'habitat précaire et très précaire ».34(*)
Une situation hors d'aplomb, c'est-à-dire ne
respectant aucune norme d'équilibre sociodémographique et
présentant de larges écarts entre les éléments
structurants. Cette situation traduit aussi bien l'incommodité et la
promiscuité humaine dans cette ville où les résidents des
zones défavorisées occupent de minuscules espaces allant de 4
à 6 mètres carrés; espaces dans lesquels on retrouve
souvent plus d'une dizaine de personnes, pour chaque 4 à 6
mètres carrés, à y évoluer. La nuit ils dorment
« à la manière militaire », par
relève, sur et sous des lits. Ils s'adonnent pour la plupart à la
domesticité, aux travaux des factories, et artisanaux, aux petits
commerces. Ils mangent deux ou trois jours sur sept et ceci dans des conditions
non hygiéniques et pas tout à fait nutritives. C'est ce que dans
le langage haïtien on appelle « manger au chien
janbé », c'est-à-dire le lieu où l'on
prépare à manger qui est accessible à tous, même
le chien n'y est pas exempt au point qu'il peut lui arriver de traverser la
nourriture préparée. Leurs vêtements ne leur coûtent
pas trop cher en raison des « pèpè »
(vêtements usagés venus des USA).
Cette déréglementation urbanistique infecte
Port-au-Prince de certains maux sociaux difficiles à traiter comme: la
délinquance, la prostitution, le chômage,
l'insécurité, le vol sous toutes ses formes et
particulièrement sous sa forme la plus violente: le
« phénomène zenglendo ». Cela plonge la ville
dans une instabilité constante qui la rend non conviviale, mais, qui
pourtant ne l'empêche pas de continuer à attirer un flux de
migrants. Ruraux pour la plupart, ces migrants sont délogés par
la misère qui sévit dans le monde rural du fait que l'agriculture
pratiquée ne reste qu'au stade rudimentaire et ne produit même pas
pour la survie. Ils sont venus à Port-au-Prince, grossir le lot des
désespérés qui n'ont aucune instruction, aucune profession
et qui sont obligés malgré tout de manger, de dormir, de se
vêtir, de se déplacer. Ils n'entendent plus retourner vivre la
misère du monde rural. Et en réponse à leur misère
dans la ville de Port-au-Prince ils s'inscrivent dans l'informel. Le kidnapping
en devient une des branches. Du phénomène arounsa, Port-au-Prince
est passée au zenglendo pour arriver au kidnapping. Trois
phénomènes dont l'un des acteurs principal a toujours
été les forces armées. Et cela se comprend, car
« En Haïti, où il s'agit plutôt de villes
préindustrielles et d'agriculture manuelle, le mouvement de la
population des campagnes vers les villes ne répond guère à
une attraction économique réelle. Cette désarticulation
est typique d'une situation de sous développement: l'exode rural n'est
pas articulé aux besoins de main d'oeuvre urbaine.- l'Explosion urbaine
se produit sous l'aiguillon de la misère des campagnes, de la
décomposition des structures agraires, au fur et à mesure que
l'érosion emporte à la mer la terre
cultivable ».35(*)
Ils développent, pour ainsi dire, une culture
d'enracinement et c'est justement la volonté de rester à
Port-au-Prince qui les pousse à construire des taudis et à
habiter dans des bidonvilles sur de minuscules espaces. C. Souffrant dans une
analyse de l'urbanisation de Port-au-Prince montre qu'on ne peut pas
cerner ce processus dans cette ville sans passer par le bidonville qui
est une cité de transition culturelle et surtout qui facilite la
cohabitation de deux types de pauvretés et où toute une
dialectique des aspirations et des frustrations se combinent et se
dégagent. Certes, le rural en migrant à Port-au-Prince nourrit
l'espoir d'une vie meilleure pourtant sur place, face à un semblant de
modernité (voitures de luxe, rue asphaltée,
électricité, télévision, téléphone
maisons en béton armé...) il ressent encore plus fort la
distance qui le sépare de l'urbain (du port-au-princien). Dès
lors il se rend à l'évidence qu'il vivait dans un monde de
rêves, d'illusions mais qu'en dépit de tout, sa réussite
n'est égale qu'à sa résignation.
4.3.- URBANISATION DE PORT-AU-PRINCE
La capitale d'Haïti, en effet, n'est pas
épargnée par le phénomène de l'urbanisation. Elle
est partie prenante du monde sous-développé qui actuellement
compte 57.8% de la population urbaine du monde. A l'instar des autres villes,
du monde sous-développé, elle accueille annuellement, un taux de
migrants ruraux qui grossit l'effectif de sa population. «Depuis plusieurs
années déjà, une tendance très nette se
dégage dans la distribution spatiale de la population urbaine du pays :
les principales villes de province perdent graduellement de leur importance au
profit de Port-au-Prince, la capitale et ses satellites (Carrefour, Delmas, et
Pétion-ville). La population de la ville de Port-au-Prince a connu une
augmentation relative de plus de 50% entre 1980 et 1990...» 36(*)
La superficie de Port-au-Prince s'étend d'année
en année. De nouveaux espaces sont aménagés dans ses
périphéries; mais elle laisse l'impression d'une ville dont
l'agrandissement, en termes de tracée, renvoie à un
« désordre géométrique » en raison des
constructions anarchiques érigées çà et là
et dépourvues des normes les plus élémentaires
d'urbanisme, de sanitation et de confort.
Une telle présentation du schéma urbanistique ou
architectural de Port-au-Prince permet de se faire une idée de la
circulation ambiante à l'intérieur de cette ville qui
représente le centre des activités socio-économiques
d'Haïti. Pour les habitants des villes de province, Port-au-Prince est un
palier entre deux niveaux sociaux, d'altitudes différentes, par
où il faut absolument passer pour accéder à une condition
d'existence plus proche de la modernité. Un coup d'oeil sur le tableau #
1 (P.74) fixera les idées quant à l'importance de Port-au-Prince
en matière démographique:
Tableau # 1
Répartition (en %) de la population des
principales villes du pays
1980 - 2005
Villes
|
ANNÉES
|
1980
|
1985
|
1990
|
1995
|
2000
|
2005
|
Aire Métropolitaine
Port-au-Prince
Carrefour
Delmas
Cap-Haïtien
Gonaïves
Pétion-Ville
Cayes
Saint-Marc
Jérémie
Port-de-Paix
Jacmel
Fort-Liberté
Hinche
|
76.36
47.76
13.75
11.05
6.80
3.65
3.80
3.18
2.78
2.13
1.72
1.49
1.01
0.88
|
77.96
48.00
14.45
11.75
6.38
3.53
3.76
2.96
2.71
1.87
1.61
1.29
0.85
0.85
|
79.32
47.96
15.07
12.44
6.01
3.43
3.84
2.77
2.64
1.65
1.52
1.12
0.72
0.83
|
80.51
47.79
15.68
13.10
5.68
3.33
3.93
2.60
2.58
1.46
1.44
0.97
0.61
0.81
|
81.55
47.50
16.26
13.78
5.40
3.25
4.01
2.45
2.52
1.30
1.37
0.85
0.52
0.79
|
82.40
47.12
16.82
14.43
5.15
3.17
4.09
2.32
2.46
1.16
1.31
0.74
0.85
0.78
|
ENSEMBLE
|
100.00
|
100.00
|
100.00
|
100.00
|
100.00
|
100.00
|
*L'Aire Métropolitaine comprend: Port-au-Prince, Delmas
(y compris Croix des Missions) Carrefour et Pétion-Ville.
(Source : IHSI)
Cela témoigne en partie de l'absence d'infrastructures
routières appropriées dont souffrent l'ensemble de ces villes.
Leur urbanisation se réalise sous le signe du délabrement. Si
à Port-au-Prince l'urbanisation, selon Claude Souffrant, est en porte
à faux, celle des villes de province ne s'accroche qu'à un
traditionalisme rudimentaire qui handicape leur évolution
socio-économique. Du nécessaire au luxe en passant par les
institutions éducatives (écoles, université etc.) tout se
concentre à Port-au-Prince. En conséquence, il devient
indispensable à tout un chacun, digne du nom d'haïtien, d'y faire
un tour et de tenter d'y rester. Cette tentation ne date pas de la
dernière décennie et Port-au-Prince n'est pas, non plus, la seule
ville du monde sous développé à hanter les ruraux et les
résidents d'autres villes de province. «Entre 1950 et 1983, le
nombre de citadins dans les pays de ce type s'est multiplié par 3.7 et
leur part dans la population est passée de 17 à 30%.» (S.
Brouk, 1986, 64). Évidemment ce pourcentage n'est pas
proportionnellement réparti entre les villes des pays
sous-développés. Le grand écart, socio-économique
dont on a fait mention dans les lignes précédentes entre la
capitale d'Haïti et les autres villes, est aussi vrai pour l'ensemble des
capitales du monde sous-développé. « ... Dans certains
pays tels que l'Egypte, (...), Madagascar, le Sénégal, l'Angola,
la Guinée, etc. la capitale compte plus de 50% de la population
urbaine ». (J. M. Hoener, 1995, 53). En effet, les 133
villes d'Haïti accusent des différences notoires en termes
d'effectif de population. Si l'on prend en considération les neuf (9)
principales villes du pays on se rendra à l'évidence de la grande
disparité démographique existant entre Port-au-Prince et les huit
(8) autres grandes villes départementales. Sur ce point Cap
Haïtien la deuxième ville du pays, avec ses 98954 habitants, est de
loin semblable à la seule commune de Port-au-Prince qui compte 846 247
habitants.
La population des autres villes comme les Gonaïves avec
ses 59049 habitants, les Cayes 46075, Jérémie 25869, Port-de-Paix
25453, Jacmel 17202, Hinche 14317 et Fort-Liberté 8622 n'est pas
comparable à celle de la ville de Port-au-Prince. Ces données
provenant de l'Institut Haïtien des Statistiques, pour l'année 1994
permettent d'apprécier, à sa juste valeur, le jugement suivant:
«la massification urbaine ne s'est produite, à un degré
significatif que dans la seule ville de Port-au-Prince». (C. Souffrant,
1995, 41). Ici l'expression « massification urbaine »,
envoie une image monstrueuse, désastreuse et désarticulée
de Port-au-Prince qui, dans ses périphéries, a assisté
à l'émergence de plusieurs villes considérées comme
des espaces circonscrits à son territoire tels : Delmas,
Pétion-Ville, Carrefour, Gressier etc. Aussi parallèlement
à ces villes, ou au coeur même de Port-au-Prince, sont
montés des bidonvilles.
C'est en tenant compte de cette réalité qu'on
estime la population de Port-au-Prince à plus d'un million d'habitants.
Aussi, arrive t-on à confondre les villes périphériques de
Port-au-Prince avec Port-au-Prince même. Il ne faut pas se tromper; les
espaces urbains circonscrits au territoire port-au-princien ne diminuent pas le
nombre d'habitants au sol. Au contraire, ils augmentent l'effectif des
résidents pendant qu'ils réduisent la surface du sol
habité. C'est sans nul doute ce qui porte plus d'un à parler de
la bidonvilisation de Port-au-Prince comme pour faire allusion à son
urbanisation. Une urbanisation qui prend corps dans une ville non
industrialisée et où le transport, en dépit de tout,
assure la liaison des lieux de résidence aux différents points
d'activités socio-économiques: sous-traitance, services publics,
marchés, magasins, écoles etc. Donc le tertiaire (les services),
comme secteur économique comprenant les activités non
productrices est prédominant à Port-au-Prince. Tout cela est
pour insinuer que le transport collectif urbain à Port-au-Prince
n'épouse pas nettement l'axe de la révolution industrielle qui a
donné naissance à l'usine facteur de localisation d'une forte
agglomération et indicateur, par excellence, du milieu urbain dans les
pays occidentaux depuis la fin du 19ème siècle.
Port-au-Prince souffre du mal de sous-développement
marqué par le caractère rudimentaire du système
économique d'Haïti. Le transport, n'en est pas
épargné. A ce niveau il parait difficile de parler
d'interdépendance entre industrialisation, transport en commun et
urbanisation. On ne peut, même, pas encore parler tout-à-fait de
l'ère urbaine. Ce point de vue est partagé tant par des
institutions que par des spécialistes compétents en la
matière. «Haïti est un pays à prédominance
rurale:76% de la population vivait en milieu rural en 1980 contre 70 % en 1990
et selon les prévisions 61% y seront encore en 2005».37(*)
Claude Souffrant nous dit, dans son livre : Sociologie
prospective d'Haïti que «dans les pays urbanisés de
l'occident, le paysannat est devenu minoritaire. Une certaine réduction
des inégalités entre urbains et ruraux s'est opérée
grâce à la production massive de l'énergie
électrique, à l'extension des moyens de transport et
d'information ». (C. Souffrant 1995, 43) S'il est vrai qu'on
constate en Haïti une extension relative des moyens d'information; pour le
reste on a beaucoup de chemin à parcourir. C'est ce qui confère
à Haïti, jusqu'à aujourd'hui 1996, son haut degré de
ruralité.
En conséquence, l'urbanisation en Haïti
ne peut être analysée en dehors de sa ruralité qui traduit
un mode vétuste d'organisation spatiale, sociale et
économique.
En d'autres termes, ce mode d'organisation reste en marge des
progrès techniques qui se réalisent au jour le jour et qui
contribuent au développement planifié du social et de
l'économie. Quand ces progrès ne sont pas implantés,
à temps, dans un espace géographique donné le processus de
transformation de l'espace en question se trouve paralysé au point qu'il
lui devient difficile à emboiter le pas de la scientificité qui
fixe des normes d'existence et de confort. Dans la société
haïtienne, le retard d'applicabilité des normes scientifiques se
situe à presque tous les échelons et entrave son bon
fonctionnement.
Le rural en migrant vers Port-au-Prince ou vers les autres
villes de province ne fait que changer de milieu mais garde la plupart de ses
moeurs susceptibles, avec le temps, de connaitre des modifications
pro-urbain ». Alors, franchir la frontière du monde rural
pour atteindre le monde urbain, dans le cas d'Haïti constitue, pour le
migrant qui, dans la majorité des cas, ne réunit pas les
prérequis nécessaires pour s'adapter à la forme tant soit
peu de modernité des villes, un exercice à la fois
éreintant et atrophiant. «A l'heure de l'explosion urbaine du tiers
monde, la société haïtienne se présente comme une
société rurale en cours d'urbanisation (...) son retard
économique va de pair avec le retard de l'urbanisation». (C.
Souffrant, 1995, 47)
Dans la globalité du fait, l'urbanisation d'Haïti
souffre du retard.
«A l'échelle nationale la proportion de la
population urbaine est passée de 24% en 1980 à environ 30% en
1990.Elle s'est accrue de près de 6% au cours de la dernière
décennie; selon les projections, le taux d'urbanisation atteindra 39%
d'ici l'an 2005.Cet indicateur, comparé aux pays de l'Amérique
Latine est très faible; la moyenne latino-américaine étant
de 72% en 1990.» 38(*)
Cependant à Port-au-Prince, la capitale d'Haïti,
l'urbanisation galope et ceci vertigineusement; car en 1990 déjà,
selon l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), l'aire
métropolitaine dépassait le chiffre de un million (1 000 000) de
résidents. Dans le contexte de l'interface ville-campagne, les
difficultés que connait Port-au-Prince (circulation,
transport-collectif, logement chômage etc.) constituent des indices
d'une société organisée sous le signe de l'archaïsme.
CHAPITRE V.- URBANISATION ET TRANSPORT EN COMMUN
(LE CAS DE PORT-AU-PRINCE)
L'urbanisation et le transport en commun renvoient à
une même réalité qui exprime des formes de mouvement, de la
population humaine, dues à des contraintes d'ordres
démographiques et socio-économiques. Cela signifie, qu'on ne
saurait prendre en compte, seulement le mouvement naturel de population pour
expliquer le concept urbanisation, lequel fait référence à
un processus de transformation spatiale et sociale qui implique une forte
migration d'hommes vers l'espace de la ville où les activités de
production économique sont non-agricoles et ont une plus grande
portée sociale. En ce sens, l'urbanisation oppose la ville à la
campagne, l'industrie à l'agriculture, le mode de vie urbain au mode de
vie rural. Elle prend corps, dans des espaces qui réunissent des
conditions susceptibles d'attirer et de rassembler un nombre
considérables d'hommes. A ces espaces «Statisticiens et
Géographes proposent de multiples définitions et classifications
: Villes, communautés urbaines, agglomérations, conurbations,
métropoles, mégalopoles etc.
« Mais toutes ont en commun d'être des
concentrations de population, vivant essentiellement d'activités
économiques non agricoles». (F. Ascher et J. Giard, 1975,
13)
Le transport en commun est bien une de ces activités.
Ainsi, l'urbanisation, à proprement parler renvoie à un
système dont la structure implique une cohérence entre la ville,
l'industrialisation et le transport en commun.
« Tout développement, de la ville aurait donc
ruiné son caractère en l'absence des moyens de transport. Le
développement des villes est la conséquence de l'essor
industriel, les transports également. Les deux phénomènes
sont interdépendants et il semble abusif de vouloir faire de l'un la
cause de l'autre». (P. Merlin, 1967,76)
De l'avis de plus d'un, ces phénomènes sont
simultanés et requièrent une vision d'ensemble pour une saine
gestion et, de façon prospective, pour une meilleure planification de la
chose sociale. A bien lire Pierre Merlin, on déduira que la
révolution des transports a accompagné la révolution
industrielle qui toutes deux ont assisté, au même moment, le
début du grand mouvement d'urbanisation.
Mais l'industrialisation et l'urbanisation donnèrent
au XIX siècle la première place aux transports en
commun.39(*) Cela peut se
comprendre, car la révolution industrielle a sonné le glas d'un
mode de production qui allait mettre fin à l'ère paysanne,
inaugurant ainsi l'ère urbaine. Dès lors, l'ère du
microfundia, est révolue. Les grands domaines d'exploitations agricoles
sont mécanisés. La production agricole n'eut plus besoin d'un
grand nombre de bras pour mettre en valeur des terres cultivables. Alors la
vapeur et la machine révolutionnèrent la production. «La
grande industrie moderne, selon K. Marx, supplanta la manufacture; la moyenne
bourgeoisie industrielle céda la place aux bourgeois
modernes ». (K. Marx, 1872, 35).
L'émergence de cette bourgeoisie - que Marx, dans le Manifeste du Parti
Communiste, assimile au capitalisme - va creuser d'avantage le fossé
entre la campagne et la ville. «La bourgeoisie a soumis la campagne
à la ville. Elle a créé d'énormes cités;
elle a prodigieusement augmenté la population des villes par rapport
à celle des campagnes, et par là, elle a arraché une
grande partie de la population à l'abrutissement de la vie des champs.
(...)
« La bourgeoisie supprime de plus en plus
l'émiettement (...) de la population. Elle a aggloméré la
population ... » (idem) Cette agglomération eut
été surtout effective, dans un premier temps, autour de l'usine
située au coeur de la ville. «Espace spécifique, l'usine
suppose que se développent des procédures diverses de
contrôle du travail visant à assurer un accroissement de la
production horaire». (J. Rémy, L. Voyé, 1981, 56)
Cependant avec le temps et vu la misère croissante, en milieu rural,
générée par le processus de la mécanisation des
champs, la masse paysanne va se déplacer en direction de la ville pour
se concentrer autour de l'usine. Alors, la concentration humaine va
déborder les alentours de l'usine pour s'étendre à
d'autres aires non trop loin de la ville, mais pas trop proche, non plus, de
l'usine. Cela laissait déjà augurer que: «l'urbanisation
accélérée est grosse consommatrice d'espace» (F.
Asher, J. Giard, 1975,49)
En effet, sous le poids démographique des migrants, la
ville a connu, non loin de ses périphéries, l'émergence de
plusieurs banlieues, les unes les plus éloignées des autres. En
conséquence, l'aire de la ville s'est agrandie avec pour corollaire
l'allongement de la distance entre le lieu de résidence et l'usine. Le
temps à parcourir pour atteindre l'usine devient, en ce sens, plus
grand. Dès lors la régularité de présence au
travail est mise en question. Il fallait trouver le mécanisme,
adéquat et approprié, pouvant rétrécir
l'éloignement entre l'espace industriel et l'espace résidentiel.
« Cet éloignement spatial fut rendu possible par le
développement de transports collectifs (...) allant du train reliant des
villes entre-elles puis celles-ci aux villages s'égrenant le long de ces
lignes, jusqu'au tramway urbain, en passant par les vicinaux desservant
essentiellement les villages. Ainsi, l'urbanisation interfère-t-elle
avec l'industrialisation dans la mesure où elle a été
rendue possible par le développement des moyens de se déplacer,
qui permettrait de vivre sa vie hors travail, dans des endroits distants des
lieux de travail. L'usage de ces moyens de transport est venu à son
tour contribuer à instaurer un calcul sur le temps et même
à exalter le respect». (J. Rémy, L. Voyé, 1981,57)
L'urbanisation et le transport en commun deviennent, pour
ainsi dire, des facteurs qui concourent à la production
socio-économique dans la mesure où elles n'échappent pas
totalement à la politique d'aménagement du territoire qui suppose
le respect des normes d'urbanisme. «Les besoins en matière de
transports, tant publics que privés, conditionnent toujours davantage
les schémas de l'urbanisme (...) Planifier l'urbanisation
indépendamment des transports urbains peut conduire à un
étranglement de la circulation comme cela s'est produit à
l'intérieur des villes grandes et moyennes avec l'apparition de
l'automobile». (Robert Laffont, 1976, 27). En conséquence, si
l'urbanisation est utilisée pour exprimer »la transformation plus
ou moins rapide (...) d'une petite agglomération par suite d'une
augmentation de la population... » (M.Grawitz, 1994,390), il n'en
n'est pas moins vrai qu'elle recèle certains problèmes qui sont
de nos jours de plus en plus manifeste à travers la crise du logement,
celle du transport et surtout la crise de l'emploi. Des crises qui sont loin
d'être résolues entièrement; car le rythme avec lequel la
population mondiale urbaine augmente est si intense que déjà des
études scientifiques s'accordent à reconnaitre que d'ici l'an
2000, elle représenterait 48.2% de la population mondiale.
"L'augmentation drastique de la population mondiale est due à
l'accroissement rapide de la population urbaine durant les trente (30)
dernières années. La population urbaine mondiale s'est accrue de
735 millions en 1950 (29.4% de la population mondiale) à 2 billion en
1985 (39.9% de la population mondiale) et on prévoit qu'elle sera de
2.952 billion en l'an 2000 (48.2% de la population
mondiale) ».40(*)
Une projection peu scandaleuse quand on considère le
poids du tiers-monde dans la balance démographique mondiale. A lui seul,
le tiers-monde compte plus de 50% de la population urbaine du monde. Faut-il,
de ce fait, considérer la rapide accélération de son
urbanisation comme relier à l'industrialisation? De manière
générale, tenant compte du système économique
mondial, on peut répondre par l'affirmative. Le tiers-monde constitue
dans le domaine de l'industrialisation moderne le satellite des pays riches. Il
regroupe des usines d'assemblage ou de sous-traitance qui fabriquent des
produits d'importance grâce à une main-d'oeuvre bon marché
au profit des capitalistes du monde occidental. Il est un monde assujetti
à l'occident capitaliste qui lui fait don d'un « mode de
technique » capable de le basculer davantage dans le
sous-développement. C'est l'exclusivisme moderne, mais pire. Car l'aire
du tiers-monde (avec ses entrepreneurs relais) est contrainte à ne
produire que pour la survie. Toutefois, le peu de technique qu'exige l'usine
de sous-traitance se concentre dans les villes du tiers-monde faisant ainsi
d'elles des centres d'attraction pour l'ensemble des habitants du monde rural
qui jusqu'ici végètent, à cause de la misère
endémique provoquée par un système agricole
archaïque. Ainsi, à l'exemple des grandes villes des pays
occidentaux, les villes du tiers-monde attirent des migrants. Par contre, si
dans les années 1950 la population des villes des pays occidentaux fut
plus élevée que celle des villes du tiers-monde; aujourd'hui, la
tendance est toute autre. En effet, «Au cours de l'année 1950,
60,0% de la population urbaine du monde vivaient dans les pays
développés, à comparer au 39,4% qui vivaient dans les pays
en voie de développement, la tendance s'est renversée au cours
des années 1970. En 1985, 849.1 million de gens (42.2 % de la population
mondiale) vivaient dans les pays développés, à comparer au
1.164 billion ou 57.8 % des pays en voie de développement. Un autre fait
significatif est que plusieurs villes gigantesques sont situées dans les
régions pauvres du monde sous-développés avec un produit
national brut per capita très bas »41(*)
Cette galopante augmentation de la population urbaine,
à l'échelle mondiale, n'est pas sans effet ni sur la circulation
automobile à l'intérieur des villes ni sur le comportement des
usagers qui assistent impuissamment à la montée de la
densité de la population au kilomètre carré. De ce fait,
le transport, particulièrement le transport collectif urbain fonctionne
dans l'encombrement, en entrainant l'insatisfaction chez tous ceux dont les
affaires obligent à respecter une certaine rigueur disciplinaire. Fuir
l'embouteillage des zones de marché, des zones de transactions
financières devient l'une des grandes préoccupations de ces gens
là qui ne peuvent se plier aux exigences du système de transport
collectif qui ne répond pas à leur attente. Dans ce contexte,
l'urbanisation développe l'individualisme chez l'urbain en
privilégiant le transport privé au transport collectif.
«La carence des transports en commun a donc contraint les
travailleurs à utiliser les voitures individuelles même pour des
migrations alternantes (régulières) et sur des axes
fréquentés. (...)
«... en 1950 on comptait une voiture pour huit (8)
habitants, en 1970 une pour quatre (4) et probablement dans les années
1980 une pour deux (2) ou trois (3).» (F. Ascher, J. Giard, 1975, 106)
Le taux croissant de l'automobile privé, en
dépit de tout, n'a pu empêcher au transport collectif de jouer le
rôle qui lui est dévolu. Quoi qu'en nombre inférieur, quand
on le compare à l'effectif de l'automobile privé, le transport
collectif assure la mobilité quotidienne à un pourcentage fort
élevé de voyageurs. « Par exemple, en 1970, la ville de
Mexico avec une population de 8.5 millions d'habitants a eu 650000 voitures
privés et 100000 bus, mais ces bus transportent 6.8 millions de
passagers par jour soit 55% du total, pendant que les automobiles privés
transportent 2.9 millions de passagers soit 24% et 1 million de gens
voyageaient en métro. »42(*)
Tout cela permet de se faire une idée de l'importance
du transport en commun dans le développement des villes qui,
depuis l'avènement de la machine à vapeur, changent de statut et
constituent l'espace privilégié à l'installation des
usines, facteurs d'agglomération par excellence des migrants.
«C'est une nécessité pour les fonctions urbaines et il
facilite l'accès au travail, aussi bien qu'aux lieux de divertissement
et de loisirs. Quand les services fournis par le transport public sont
interrompus, les affaires et les services sont paralysés.»43(*)
Aussi, le transport en commun, vient en aide à
l'industrialisation, au développement social de la ville et à
l'agrandissement de l'aire urbaine en contribuant à raccourcir
l'éloignement qui oppose le lieu du travail au lieu de résidence.
Par là on sous-entend que le transport en commun est en constante
relation avec l'urbanisation dont les tentacules débordent le cadre
continental pour devenir mondial. Néanmoins, cette dernière
épouse les formes du système économique mondial; c'est ce
qui explique sa différence, quant à son rythme, dans les pays
développés par rapport aux pays sous-développés.
D'une certaine manière, l'urbanisation n'est donc pas uniforme. `A
chaque type de société correspond un type fondamental
d'urbanisation, un mode d'occupation et d'organisation de l'espace, ne
connaissant des variantes que selon les formations économiques et
sociales particulières». (F. Asher et J. Giard, 1975,
17)
Évidemment le mode d'occupation et d'organisation de
l'espace exige une planification. Puisque «L'accroissement de la
population urbaine s'est accompagné de contraintes rigoureuses pour les
résidents et les ouvriers et tous ceux-là qui sont
concernés par le développement urbain tels que les planificateurs
urbains, le gouvernement et les municipalités. »44(*), Ce qui veut dire que
l'urbanisation en tant que phénomène résultant surtout des
contraintes sociodémographiques doit être planifiée, ou du
moins ordonnée; de sorte que la ville soit en mesure de répondre
à des difficultés d'ordres socio-économiques. Ici,
« l'idée de planification est l'idée d'ordonner la
réalité selon le principe souhaitable. D'introduire
cohérence entre la conduite d'une institution et le mouvement
démographique, économique, technologique du milieu où elle
est située. » (C. Souffrant1995, 33).
L'idée d'ensemble que sous-tend le concept urbanisation
exige effectivement, la cohérence de tous les facteurs qui entrent en
ligne de compte dans la constitution de la ville, et qui en même temps
sont considérés comme des variables non négligeables, du
fait de leur constant apport dans le développement, tant infrastructurel
que superstructurel, de la ville. Tout cela est pour dire, que le transport en
commun est un des facteurs de l'urbanisation, et aura longtemps encore,
à traverser les routes les plus sinueuses pour contribuer à
l'évolution de la ville du XXI siècle. «Il n'en reste pas
moins vrai que les moyens de transport en commun et les autoroutes
constitueront dans l'avenir à court et moyen terme des axes attractifs
pour le développement de l'urbanisation. (P. Merlin, 1967,
90).
Cette hypothèse n'est pas à démontrer.
Toutefois elle renforce l'idée prospective d'une meilleure organisation
de l'espace urbain eu égard au transport en commun. Alors il est
à se demander: Port-au-Prince est-elle soumise à une urbanisation
qui soit en parfaite harmonie avec son système de transport en
commun?
5.1.- L'ACTIVITE TAP-TAP DANS LE SYSTEME DE
FONCTIONNEMENT DE PORT-AU-PRINCE
5.1.1.- TAP-TAP: TYPES ET DESCRIPTION
Le signifiant tap-tap renvoie à l'automobile qui
transporte collectivement et rapidement des passagers à destination.
Puisqu'en Haïti, selon la coutume, l'automobile ne répond pas
toujours aux exigences du transport en commun, le propriétaire fait
appel (certaines fois) au carrossier, au ferronnier, au peintre, au sculpteur,
et à d'autres artisans. L'ensemble de ces artisans impriment à
l'automobile des touches spéciales qui contribuent à sa valeur
locale et qui la rend adaptable à la réalité
haïtienne. Taxi, bwafouye, kanntè, yole,
rachepwèl, batiman, kokorat, sont des expressions
pour désigner en Haïti des types de transport en commun.
A- TAXI
Telle est la façon dont on désigne des voitures
à quatre portes affectées au transport public au lieu
d'être au service d'un particulier pour ses besoins personnels de
mobilité. Ces voitures sont identifiables premièrement
grâce à leur plaque d'immatriculation portant le label Taxi (label
qu'on retrouve d'ailleurs sur les plaques d'immatriculation de tous les types
de transport en commun) mais ensuite et surtout grâce à un ruban
de couleur rouge suspendu au rétroviseur interne des voitures en
question. Sans ce ruban ces voitures assurent une fonction tout à fait
particulière et privée. Le taxi ne transporte
régulièrement que six passagers lesquels se sont entendus avec le
conducteur qui les achemine, respectivement, là où ils
désirent. Selon l'expression américaine, et contrairement aux
autres modes de transport en commun, le taxi fournit à ses usagers un
service « door to door ». (Voir annexe III #7)
B- YOLE
« YOLE » est le
nom donné aux jolis minibus de quinze (15) passagers venant de
l'étranger, fin prêt, au début des années soixante
dix (1970). Il fait référence à un hommage sentimental
qu'un des premiers propriétaires a voulu rendre à la femme
haïtienne. Toutefois cela n'a pas empêché à la
population d'assimiler « yole »
à une marque d'automobile au point que tous les minibus de ce type,
faisant les différents circuits routier d'Haïti, soient
désignés comme tel. (Voir Annexe III # 2 )
C- RACHEPWÈL
« RACHE
PWÈL » est, le nom donné aux camionnettes
(Pick-up) qui, dépourvues de carrosserie artisanale locale, transportent
des passagers. Les conditions de transport traduisent bien ce nom. Car durant
le trajet, des usagers debout sont bien obligés de s'aligner en se
serrant l'un contre l'autre afin de défier le balancement venant soit
d'un arrêt brusque du véhicule soit des « nids de
poule » de la route. Un moment d'inattention, de n'importe quel
passager, peut lui coûter des cheveux de la tête, car en culbutant
pour retrouver son équilibre, le culbuté attrape n'importe quelle
partie du corps d'un autre passager. La tête n'est pas non plus
épargnée. Aussi, dépourvu de carrosserie, le
véhicule circulant même à la vitesse minimale, expose ses
usagers à la force vive du vent qui va en augmentant selon les caprices
du chauffeur liés à l'état de la chaussée.
Proportionnelle à la vitesse du véhicule, la force du vent
dérange les cheveux des passagers qui arrivent chez eux avec
l'impression d'avoir des cheveux arrachés. Vulgairement et pour
faciliter la communication entre passagers l'expression
« rachepwèl » s'intègre dans
le vocabulaire du transport en commun haïtien. Dans ce sens l'imagination
collective est prolifique. Elle réduit le réel à sa
dimension la plus explicite et ne cesse d'inventer des noms qui, selon toute
vraisemblance, traduit la réalité observée et
vécue. (Voir Annexe III # 3)
D- BATIMAN (Kazèn, Manman zanfan yo,
Gwobisjòn)
Telle est la nouvelle façon de désigner les
autobus (long de 33 pieds, large de 7 pieds 9 pouces et haut de 9 pieds 4
pouces) venus des Etats-Unis d'Amérique et conçus pour
transporter des écoliers. D'où l'écriteau
« School Bus » observé du haut de leur carrosserie.
Ces autobus sont retrouvés sur presque tous les circuits de
Port-au-Prince et sur leur passage, ils ramassent un nombre considérable
d'usagers; contrairement aux yole et bwafouye qui ne peuvent transporter que 25
à 30 passagers maximum et dans des conditions assez embarrassantes. Ils
viennent ainsi au secours de beaucoup d'usagers qui ne voyaient comment arriver
à destination après avoir passé des heures de temps
à attendre un moyen de transport quelconque. D'où l'appellation
sentimentale de « Manman Zanfan Yo »
attribuée à ce moyen de transport par certains
usagers. En se référant à la couleur jaune de la
majorité de ces minibus, les usagers les désignent sous le nom de
« kazèn » (Casernes:
Édifice de couleur jaune logeant autrefois les militaires
haïtiens).
Destinés à transporter confortablement 44
passagers, ces longs autobus à Port-au-Prince transportent plus de
quatre vingt passagers. La réalité l'oblige et impose ses
règles à tous ceux voulant se rendre à leurs
activités. Entassés comme des sardines, à
l'intérieur de ce long fourgon, les passagers des
« tap-tap batiman » vivent à peu
près l'ambiance des voyageurs maritimes qui font la traversée
Port-au-Prince - Jérémie. En effet si on se rend sur le wharf de
cabotage de Port-au-Prince du côté de La
saline, on peut constater que les bateaux en partance pour
Jérémie ont la capacité d'accueillir un grand nombre de
voyageurs. Ils peuvent transporter des centaines, voire des milliers de
passagers. Pour les usagers des tap-tap, le surchargement de ces longs autobus
les rend comparables à un navire. Ainsi les qualifient-ils de
« Batiman ». Ce sont de justes considérations, car
à comparer la capacité d'un camion à celui d'un navire
construit tous deux pour le transport en commun les données seraient
différentes. «Le camion est un moyen de transport à
capacité relativement faible (...) qui fait circuler quelques dizaines
de passagers.
« Le bateau, de son côté, ne souffre
pas de limitations de poids qu'imposent les routes et les ponts. Il peut
transporter des milliers de passagers ... sur des centaines de
kilomètres ».45(*)
Les usagers des tap-tap n'ont donc pas tout à fait
tort en comparant ce moyen de transport à un batiment. Ainsi sur les
circuits du réseau routier, les usagers sont presqu'unanimes à
lui attribuer ces différentes dénominations. (Voir Annexe III #
8)
E- KOKORAT
Une autre expression, traduisant un nouveau mode de transport
en commun commence à s'imposer dans le langage populaire. Il s'agit de :
« kokorat ». En Haïti parler de
« kokorat » revient à évoquer l'existence
d'un invertébré, de la grosseur d'une graine d'haricot, vivant,
sous des détritus qui avoisinent l'humidité. Le nom
évoque, entre autre, une multitude d'invertébrés de
même espèce qui s'adonnent à une activité commune.
La Mission « Up Hold
Democracy » du 19 septembre 1994 menée par
l'ONU, pour réinstaller le président Aristide46(*) dans ses fonctions perdues le
30 septembre 1991 à la suite d'un Putch militaire commandé par
Raoul Cédras le commandant Général A.I des Forces
Armées d'Haïti d'alors - a permis à l'expression
« kokorat » de connaître une sorte de mutation.
Dès lors, elle traduit le mode d'existence animal comparé
à une existence humaine. En effet, à Port-au-Prince, la
misère endémique a poussé des marginaux des quartiers de
La saline et de Cité Soleil à une quête de nourriture dans
les poubelles des GI'S. Et partant, tous les abandonnés, à un
niveau quelconque de la vie sociale, qui partagent une situation de
misère s'apparentent aux
« kokorat ».
Ainsi, considère-t-on des usagers d'un moyen de
transport assujettis à la rigueur de la chaleur qui règne
à l'intérieur d'une carrosserie conçue
préalablement pour transporter des objets / marchandises et construite
à l'aide de « Faber Glas »
ou de « Plywood» enveloppé
d'une tôle de 3/16 de dimension. En ce sens, la carrosserie du
véhicule en question ne répond pas aux conditions normales de
transport des hommes. Pourtant, en Haïti, particulièrement
à Port-au-Prince, on l'a rendue adaptable à cette fin; en
créant arbitrairement des ouvertures dans les façades
latérales, sortes de fenêtres facilitant l'aération, et en
laissant constamment ouverte l'issue arrière destinée, à
l'origine , à rester fermée durant le transport des objets.
Malgré ces étranges modifications cette
carrosserie reste inconfortable au point que durant tout le temps du trajet les
usagers transpirent à grosses gouttes. Des chemises et corsages humides
de transpiration entrainent des remous individuels qui rendent non seulement
bruyante l'atmosphère du trajet mais aussi déconcertent le
passager qui arrive à destination mal en point. D'où le nom de
kokorat attribué à ce moyen de transport. D'aucuns disent que ce
dernier doit surtout son nom à l'issue arrière, l'unique voie de
pénétration et de sortie des passagers. Cette
interprétation fait référence uniquement à
l'appareil génital féminin. Evidemment, le préfixe
« koko » dans kokorat traduit,
vernaculairement parlant, dans la majorité des cas, le sexe de la femme.
Néanmoins on peut se fier aux deux interprétations puisque, sur
le terrain, les usagers s'accordent à les accepter. Elles sont
complémentaires. Comme vous pouvez le déceler, vous même,
« kokorat » est à la fois
synonyme d'un mode d'existence et d'un moyen de transport. (Voir Annexe III #
6)
Alors, « Taxi »,
« bwafouye »,
« yole »,
« rachepwèl »,
« batiman » et
« kokorat » constituent la terminologie
de base du transport en commun haïtien, spécialement des
port-au-princiens qui quotidiennement utilisent le service des
différents types de tap-tap. A remarquer que le mode de carrosserie est
déterminant dans la nomenclature du transport en commun.
5.1.2.- PORT-AU-PRINCE ET SES TAP-TAP
«Dans les pays en développement, là
où une large part de l'accroissement urbain est due à la
migration des populations rurales vers les villes côtières et vers
la capitale qui concentrent un fort pourcentage des activités
économiques, les difficultés sont innombrables du fait que les
endroits où vivent les migrants n'ont pas été
antérieurement aménagés pour les recevoir et de plus les
espaces réservés à l'infrastructure du transport ne sont
pas adéquats. Dans ces villes les distances entre les zones
résidentielles et zones de travail ont augmenté, ce qui implique
un accroissement de la demande de mobilité intra et interurbaine"
47(*)
Tableau #2
Parc de véhicules
circulant dans l'Aire Métropolitaine
Communes
|
Privé
|
Taxis
|
Transport
|
Autre
|
Total
|
Port-au-Prince
Pétion-Ville
Croix-des-Bouquets
Carrefour
|
26,787
5,910
2,326
1,431
|
7,404
446
760
347
|
3,056
409
227
92
|
2,761
5
-
2
|
40,008
6,770
3,313
1,872
|
Aire Métropolitaine
|
36,454
|
8,957
|
3,784
|
2,776
|
51,963
|
Total Haïti
|
40,864
|
12,092
|
4,476
|
2,276
|
60,208
|
*Autres: CC, OI, CD, SE, Police, Officiels
Source: Service de la circulation et du
contrôle des véhicules (Août 1996)
Tableau # 3
Répartition des transactions d'émissions et de
renouvellement pour polices privées, publiques, et de transport par
Agences de province
Exercice 1995 - 1996
AGENCES
|
Polices privées
|
Polices publiques
|
Transport
|
Total
|
%
|
Nbre émis
|
Nbre. Renouvelé
|
Nbre émis
|
Nbre renouvlé
|
Nbre émis
|
Nbre renouvelé
|
Miragoâne
Petit-Goâve
Saint-Marc
Gonaïves
Cap-Haïtien
Fort-Liberté
Port-de-Paix
Jacmel
Cayes
Hinche
Jérémie
|
2919
1724
1177
1052
286
187
149
14
10
5
-
|
224
198
352
474
884
34
113
207
408
83
138
|
1370
414
1118
664
245
213
187
22
7
3
-
|
171
103
452
385
741
84
124
124
286
72
14
|
215
735
1244
235
297
89
68
-
12
14
-
|
149
106
497
272
610
71
97
33
390
64
57
|
5041
3280
4840
3082
3063
678
738
400
1113
241
209
|
22.22
14.46
21.34
13.59
13.50
2.99
3.25
1.76
4.91
1.06
0.92
|
Ensemble
|
7516
|
3115
|
4243
|
2556
|
2909
|
2346
|
22685
|
100.00
|
Source : OAVCT
Rares sont les résidents des villes de province qui
saisissent le sens de la notion : Taxi ou de Service de transport collectif
assurant le trajet d'un point à un autre à l'intérieur de
la ville en question. Le transport collectif urbain, en ce sens, n'a de
signification qu'à Port-au-Prince.
D'ailleurs, en comparant le parc des véhicules
circulant dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince pour
l'année 1996 et certaines données statistiques sur les
transactions d'émission et de renouvellement des polices d'assurance
à travers les différentes villes de provinces, on se rendra
à l'évidence que pour une ville comme le Cap, les polices
publiques et de transports avoisinent l'effectif de 2,000 contrairement
à la seule commune de Port-au-Prince où taxis et transport sont
plus de 10,000.
A remarquer qu'ici, en lieu et place de Port-au-Prince, nous
utilisons l'expression commune de Port-au-Prince. C'est une façon pour
nous de faire ressortir l'énormité de la différence
existant dans le domaine du transport collectif entre la capitale et la
deuxième ville du pays. Généralement parler de
Port-au-Prince (La capitale) sous-entend l'ensemble de ses espaces
périphériques dont l'HISI désigne par l'aire
métropolitaine qui inclut: La Commune de Port-au-Prince proprement
dite, les communes de Pétion-Ville, de Carrefour, de Delmas et de la
Croix des Missions.
Cela signifie que les dix mille (10,000) véhicules
représentent une partie des moyens de transport collectif de
Port-au-Prince. Or, pour le Cap, le chiffre avancé concerne l'ensemble
du Département du Nord composé de 19 communes. Un simple coup
d'oeil sur les tableaux # 2 et 3 permettra à tout un chacun de saisir
les nuances. Il faut toutefois, à quelques exceptions près,
souligner la tendance: que pour les villes de province proches de
Port-au-Prince, contrairement à celles qui lui sont
éloignées, l'OAVCT (office assurance véhicule contre
tiers) enregistre beaucoup plus de véhicules. C'est le cas de Miragoane,
située à 94 km de Port-au-Prince, Saint Marc 96 km, et
Gonaïves 155 km. (Voir tableaux # 2 & 3 P.73).
Le transport collectif à Port-au-Prince, l'un des
indicateurs de développement de la ville, est artisanal. Il reste
bloqué, aux dires d'Eddy André Directeur de la Prévention
Routière Haïtienne (PRH), « au stade d'une ville de 200
000 habitants. En terme spatial, on assiste à un accroissement non
planifié de cette ville et une certaine interpénétration
de population (...) Cette croissance démographique accompagnée
inévitablement d'une extension importante des superficies
occupées par la ville a comme corollaire un accroissement des
déplacements urbains; l'augmentation du taux de motorisation (...).
Cette situation conjuguée avec l'insuffisance du réseau routier
et des services de transport collectif est à l'origine d'une congestion
aiguë du trafic urbain qui a pour conséquences, entre autres la
dégradation des performances énergétiques et une
perturbation d'ordre général des activités des
citadins ».48(*)
On assiste de ce fait à ce qu'il appelle une
déréglementation des transports collectifs.
En effet, contrairement aux axes de routes traditionnellement
empruntées par les chauffeurs de tap-tap, la hausse de la demande de
mobilité et l'embouteillage provoqués par cette hausse forcent
ces chauffeurs à emprunter arbitrairement des voies
réservées autrefois à la circulation privée. Dans
cette optique, des circuits comme : Waney 87, Archachon 32,
Canapé-Vert, Nazon, Delmas 31, Delmas 33, Christ-Roi, Bois Moquette,
Route Frère, Tabarre, Carrefour Marin,
Croix-des-Bouquets...ont vu le jour et viennent faciliter le
déplacement quotidien des habitants des espaces urbains, nouvellement
créés, circonscrits dans l'aire port-au-princienne. Ces voies
ajoutées au réseau routier de Port-au-Prince entrent dans la
catégorie de ce que Jn Michel Houry aurait qualifié de
diagonales; c'est-à-dire des voies qui ne font pas partie des axes
principaux qui débouchent sur le centre ville de Port-au-Prince.
« Notre système de transport fonctionne
depuis longtemps d'après une logique artisanale. (Nous faisons
abstraction de l'initiative d'Anouald - nom du propriétaire de la
compagnie d'autobus qui a fonctionné à la capitale durant les
années 60. Elle a cessé d'exister en l'année 1969 et les
dernières unités ont été vendues en
République Dominicaine - qui avait su établir un réseau de
transport collectif urbain (TCU) en créant des lignes d'autobus
desservant régulièrement les centres commerciaux et les quartiers
résidentiels. Puis, la CONATRA des années 80 était
mort-née). (...) Ce vide a été comblé
anarchiquement par l'implantation des "tap-tap» qui désigne un mode
de transport qui s'est installé sous nos cieux, comme une réponse
aux besoins de transport imposé par l'imprévision de l'Etat
vis-à-vis des changements dans la structure de la ville. Ce type de
transport dont la propriété est atomisée,
c'est-à-dire appartenant à des particuliers et non à des
compagnies ou à l'Etat, ne répond à aucune norme
ergonomique.
« ... Cette forme artisanale de notre (TCU) est une
réponse spontanée à une offre inadaptée aux besoins
de la population et à l'évolution de la ville. »
49(*)
Dès lors, la planification est substituée par
l'improvisation devenue un modèle de fonctionnement populiste
édifié sur les bases d'un État, apparemment
démissionnaire mais qui, au fond, tombe en déconfiture parce
qu'il a, volontairement, privilégié l'arbitraire au
détriment du respect des normes scientifiques et sociales.
Pour se donner bonne conscience cet État ne monopolise
pas l'initiative, il l'abandonne au profit de l'individu qui pour en tirer
certains avantages utilise des moyens de transport qui ne sont pas
adaptés au transport collectif et qui sont complètement
dépourvus des normes les plus élémentaires de confort.
Quand E. André parle de l'implantation anarchique des tap-tap cela a
tout son sens. Les tap-tap, en effet, tous types confondus, se retrouvent
aujourd'hui sur tout le réseau routier de Port-au-Prince;
c'est-à-dire tant sur les axes principaux que sur les diagonales. Ils
transportent toujours un nombre excessif de passagers. D'ailleurs le
surchargement est un des signes caractéristiques du transport collectif
à Port-au-Prince.
Cela peut se comprendre; car cette ville qui en 1996, selon
l'IHSI, comptait plus de 1 500 000 habitants, avait d'après le service
de la circulation des véhicules, un parc automobile évalué
à 51963 véhicules dont seulement 8957 étaient
destinés au transport en commun. Cela signifie, qu'il y a environ dans
l'aire métropolitaine de Port-au-Prince 1 456 986 personnes pour
seulement 8957 véhicules publics. Soit un tap-tap, en moyenne pour 163
passagers, c'est-à-dire, suivant la terminologie du tableau # 2 (page
73) en additionnant les véhicules privés aux véhicules de
transport et « autres » de l'aire métropolitaine,
nous obtenons la somme de 43014 véhicules qui ne sont pas
impliqués dans le transport collectif. En soustrayant cette somme des 1
500 000 habitants de l'aire métropolitaine nous avons le nombre
approximatif des usagers de tap-tap. 163 passagers pour un tap-tap!
L'urbanisation en est-elle responsable? Il suffit de faire le tour de
Port-au-Prince aux heures de pointe pour constater des queues interminables de
passagers qui espèrent prendre place dans un tap-tap pour arriver
à destination.
André Charlier aussi bien que Jean Dellile - dans deux
articles différents publiés dans l'hebdomadaire
Haïti en Marche- ont pu décrire cette
situation. Selon A. Charlier, non seulement les tap-tap ne répondent
pas aux règles du transport collectif urbain(T.C.U) mais aussi ils ne
suffisent pas en nombre pour assurer le transport de l'ensemble des usagers qui
réclament leur service surtout avec les « embouteillages
monstres » qui les empêchent d'aller très vite. Dans ce
contexte, il met en question tout le système du transport à
Port-au-Prince. Ce système fait pitié vu la situation dans
laquelle il se trouve.
« L'état du matériel roulant est
souvent pitoyable. Constamment surchargés, mal entretenus,
réparés à la diable, parce qu'il faut en même temps
payer les échéances et vivre (mal!), les véhicules sont
vite usés jusqu'à la corde. Beaucoup ne passeraient pas la plus
bénigne des inspections, mais circulent quand même, aux risques et
périls de leurs passagers ... et des piétons. Les moteurs
diesel, dont les filtres encrassés ne sont probablement jamais
changés, qui obligent la voiture qui suit à les dépasser
au plus vite, ce qui, dans ces rues étroites créé un
risque non négligeable d'accident. Les portières, très
souvent, ferment mal. On y remédie en embauchant un gosse chargé
de s'en assurer. J'en ai vu un qui fermait la sienne à l'aide d'un bout
de corde.
« L'entassement des passagers est incroyable, et
contribue puissamment à l'usure précoce des voitures. L'on
s'assied à six (6) sur des sièges prévus pour trois
personnes, et les propriétaires, je ne sais pas comment, rajoutent un
banc supplémentaire. Inutile de préciser que c'est très
inconfortable. Si l'on n'a pas la chance d'être parmi les premiers
à monter dans la voiture, il n'y a guère d'espoir de s'asseoir.
Les passagers assis, bien sûr, sont serrés comme sardines en
boite. » 50(*)
Ce tableau présente la réalité du
transport en commun dans la capitale d'Haïti. Si dans le fond il cache
quelque chose, c'est peut-être, l'irresponsabilité de l'Etat
haïtien ou des dirigeants de ce pays qui ont tout fait pour habituer la
population de Port-au-Prince à l'insalubrité et l'inconfort.
Comme le texte d'A. Charlier l'a pu démonter; on est
dans une ville ou la problématique du transport en commun
génère l'individualisme (le sauve qui peut): le conducteur
surcharge le véhicule à son profit, mais au détriment du
propriétaire qui lui exige, pour la journée de travail, trop
d'argent que seuls des passagers entassés dans l'inconfort peuvent lui
garantir le gain. Cette forme d'individualisme constitue un blocage au
développement systématique du transport collectif de la
société haïtienne dont Port-au-Prince semble être la
synthèse.
Georges Anglade, dans l'espace Haïtien, ne l'a t-elle pas
qualifié de République de Port-au-Prince! On est effectivement
dans une "République" où tout semble bloqué. C'est le
point fort de l'article de Jean Dellile qui, succinctement, a assimilé
le blocus (embouteillage de la circulation) au blocage politique du pays. Son
analyse est pertinente, car elle a remis en question le type d'interaction
existant entre les institutions d'État qui, au lieu de faciliter le
décollage d'un changement positif de la ville de Port-au-Prince entrave
de préférence les différents paramètres du
processus de ce changement. Ainsi ce type d'interaction gangrène la vie
collective, tue le citoyen et développe l'égoïsme. La ville
de Port-au-Prince devient, pour ainsi dire, non conviviale. Tout un chacun se
défend ou de préférence, se bat pour être mieux loti
mais au détriment de l'autre. On s'en fou du respect de l'autre.
« Le blocage politique dont il faut absolument
sortir me fait penser au blocus si souvent imposé aux sorties nord et
sud de Port-au-Prince. Certes, Port-au-Prince n'a pas du tout les
infrastructures de la grande ville de plus d'un million et demi d'habitants.
Mais cela n'explique pas tout. Je me souviens avoir attendu plus de deux
heures pour sortir de Port-au-Prince vers le nord à cause de
l'enterrement d'une personnalité. Au début, les chauffeurs
ralentissaient pour voir. Très vite la circulation fut bloquée.
Le phénomène étonnant de l'indiscipline
généralisée des chauffeurs avec surtout les grosses pajero
qui ne pouvaient tolérer que la racaille les gène et,
curieusement alliés de ces "gros nèg» méprisants, les
chauffeurs de tap-tap se faufilant dans tous les interstices. Avec l'absence
de police, je vis bientôt sur la nationale no.1, une file à sa
place, à sa droite dans les bas côtés une autre file, sur
ma gauche bientôt deux autres files qui bouchaient la route aux voitures
d'en face qui, entre temps, avaient fait pareil. Et tout était
bloqué par l'anarchie incroyable due à l'individualisme
effréné de chaque chauffeur ne tolérant aucun
règlement. L'idée que la route est à tous avant
d'être à soi n'effleurait absolument pas l'idée des
chauffeurs uniquement occupés à être plus habiles que le
voisin. Deux heures de perdues pour près de 2000 personnes, soit 4000
heures perdues selon un tarif horaire, et l'économie du pays une fois de
plus gaspillée, sapée à la base par un comportement non
convivial. »51(*)
Alors que l'automobile a été inventée
pour raccourcir la distance et réduire le temps, alors que le temps est
un des paramètres fondamentaux dans le procès de la production
industrielle qui a institué le rendement horaire, Port-au-Prince au
XXème siècle finissant n'arrive pas encore à l'utiliser
à bon escient. Qui pis est, à ce propos, Port-au-Prince semble
même revenir au temps primitif, car la vie nocturne depuis une
décennie n'existe plus. Approximativement, tout ne fonctionne à
Port-au-Prince que durant les 12 premières heures du jour (6.00 Am -
6.00 Pm). Cet intervalle de temps constitue les limites variables de toutes
les activités sociales et économiques de Port-au-Prince. Dans
cette logique, les tap-tap s'y inscrivent et les usagers sont obligés de
se conformer sinon ils courent le risque de voir écouler le temps sans
répondre présent à des rendez-vous d'importance pour leur
survie.
Certes, avec les embouteillages le tap-tap perd sa
signification puisque les usagers n'arrivent pas à effectuer le trajet
dans le délai escompté. Néanmoins, avec la distance qui
augmente-t-il reste un impératif pour eux (les usagers) de
réclamer le service, soit du taxi, soit du yole, soit du batiman, soit
du bwafouye, soit du rachepwèl, soit du kokorat. Le bon ton peut
être l'exige! Cependant, quoique l'embouteillage soit un
phénomène constaté dans presque toutes les grandes villes
(ce qui souvent conduit les dirigeants à prendre des mesures
disciplinaires et à construire d'autres voies comme les HighWay et les
SubWays), à Port-au-Prince l'embouteillage se manifeste par un
arrêt entre 10 à 25 minutes minimum. Parfois cet arrêt
s'étend au delà de 60 minutes. Avec le processus d'urbanisation,
la vitesse moyenne de circulation à Port-au-Prince se situe, aux heures
de pointe, à un kilométrage horaire non encore
déterminé par les services concernés.
Classiquement parlant, Port-au-Prince est en plein dans le
courant de l'urbanisation. Selon l'Institut Haïtien de Statistique et
d'Informatique (IHSI), de 715949 habitants qu'elle comptait en 1980, l'aire
métropolitaine atteignait en 1990, le chiffre de 1 141 400 et d'ici l'an
2000 elle avoisinerait le chiffre de 2 000 000 soit exactement 1 765 066.
52(*)
Ces chiffres ont de quoi faire peur, puisque durant ce laps
de temps rien n'est fait pour doter Port-au-Prince de structures d'accueil
nécessaires pour une telle population. Contrairement aux villes
occidentales son urbanisation ne s'associe pas à l'industrialisation.
Elle se caractérise surtout par un flux de migrants ruraux qui viennent
s'agglomérer dans une ville préindustrielle où les
progrès scientifiques sont à peine visibles. Par contre,
comparée aux villes de province elle apparaît plus proche de la
modernité. Une modernité qui ne voile même pas les traits
primitifs de la société haïtienne beaucoup plus rurale
qu'urbaine. Tout le monde se rend à l'évidence de l'extension
périphérique de cette ville; extension qui paraît
manifeste grâce aux bidonvilles érigés à
proximité de certains quartiers luxueux lesquels tendent chaque jour
à se détacher du centre de Port-au-Prince occupé par le
commerce et les services. L'urbanisation de Port-au-Prince comme a dit C.
Souffrant passe par le bidonville. Phénomène répercutant
et interférant, le bidonville facilite la cohabitation de l'inconfort,
de l'insalubrité et de la pauvreté. Tel est en
résumé le tableau de l'urbanisation de la ville de Port-au-Prince
laquelle se reflète sur le transport en commun encore artisanal.
Suivant ce point de vue, le déplacement des usagers ne
peut être assuré qu'inconfortablement et dans la plus grande
difficulté par les tap-tap. Cependant, le besoin de mobilité
pousse les usagers à se résigner.
« Tout à la fois, on parle et on somnole,
coincés entre hommes et choses, les fesses meurtries, les jambes
recroquevillées, la bouche asséchée par la
poussière qu'aspire la machine ». (C. Wargny et J.M.Duval,
1993)
Voilà ce qui traduit la situation des usagers du
transport collectif haïtien. Ils sont livrés à
eux-mêmes. Tout comme en matière d'urbanisation aucune ne
structure d'intégration ou de socialisation n'est prévue, le
transport collectif ne répond à aucune norme. C'est l'informel
dans le bon sens du terme.
En Haïti, « tout sak pa bon pou youn
bon pou yon lòt ». Grâce à cette
logique du « sauve qui peut », on peut comprendre pourquoi
le malaise des passagers ne nuit pas aux chauffeurs. Tout au contraire, pour
le chauffeur, le surchargement du tap-tap est l'un des paramètres du
profit.
Plus le véhicule transporte un nombre excessif
de passagers par voyage, plus cela rapporte au chauffeur sans égard pour
le poids du véhicule, sa capacité d'accueil et sa capacité
de résister à la surcharge.
Cette seconde hypothèse, dans la mesure où elle
se révèle pertinente, dans le cadre de notre enquête,
permettra de comprendre le sort réservé au minibus
« bwafouye » de carrefour dont la
capacité d'accueil (comparée à celle du
rachepwèl, du kokorat, et du
batiman, mis à part celle de la yole) est
nettement inférieure.
A ce niveau, il s'est avéré indispensable pour
corroborer notre approche de procéder à une étude de
terrain. Grâce à cette dernière nous avions pu
vérifier nos hypothèses de travail; hypothèses
conçues à partir de la problématique du minibus bwafouye
dans le système du transport collectif à Port-au-Prince.
QUATRIEME PARTIE: CADRE D'ANALYSE
CHAPITRE VI.- MISE EN RELIEF DU BWAFOUYE
6.1.-LE MINIBUS "BWAFOUYE" (Carrosserie Locale)
6.1.1.- LES STRUCTURES
Véritable oeuvre d'artisan, la carrosserie locale
adhère au châssis de l'automobile à l'aide de deux (2)
« supports » faits de bois ayant
(12') pieds de longueur et pour dimensions respectives (2" x 4")53(*). Des
« traverses » de bois de mêmes
dimensions que les « supports »
mais longues respectivement de six pieds trois pouces (6'.3")
relient les « Supports » entre
eux. « Supports et traverses »
forment ainsi la base à partir de laquelle le carrossier édifie
la charpente globale de la carrosserie. Tout cela s'adhère au
châssis grâce à des «
boulons » de quatre (4") pouces qui ajustent solidement
les « traverses » disposés
transversalement aux « supports »
et au châssis. Aux extrémités de certaines
« traverses » placées à des
distances irrégulières, sont érigés verticalement
des « poteaux » de cinq pieds dix
pouces (5'.10") de hauteur et de dimension (2" x 3").
De forme hyperbolique, la charpente du toit revêt
à l'intérieur la forme d'un « fond de
bateau » et à l'extérieur celle d'un
« dos d'âne ».
Voilà pourquoi son édification fait appel à une
pièce de bois (2x4) toute particulière du nom de
« Cerceau ». On compte en
moyenne huit (8) « Cerceaux »
dans la charpente du toit. Chaque cerceau est réalisé dans le
respect de la largeur de base du plancher estimé à soixante douze
pouces (72") ou six pieds (6'). Ces cerceaux sont cloués aux
« bwacheval » pièce de
planche couronnant le dessus de la carrosserie et qui fixe les
« poteaux » dans leur vraie
position. La solidité de la charpente globale de la carrosserie du
minibus, est assurée par des éléments de liaison et de
cohésion comme :
Des Clous aux dimensions variables
(allant d'un pouce à quatre pouces) - des
boulons de toute dimension allant d'un pouce et demie
jusqu'à six (6") pouces, - des pièces en fer ayant la forme d'un
L réalisées par des forgerons.
Le plancher estimé à douze pieds
(12') de longueur s'arrête juste en arrière de la cabine du
chauffeur. Tandis que, la charpente du toit se prolonge jusque sur cette
cabine tout en épousant, plus ou moins la forme du dessus de la cabine.
Aux environs de trois pieds (3') de la hauteur sont intercallés, entre
les poteaux verticaux, des bois (2"x3") avec des longueurs respectives de deux
ou trois pieds (2' ou 3').
Globalement la carrosserie a quatre (4) faces.
C'est-à-dire l'observateur doit se placer dans quatre positions
différentes pour pouvoir la décrire. La face se retrouvant juste
en arrière de la cabine du chauffeur est à peine visible.
Tout le squelette de la carrosserie ne peut pas être
visible à un simple observateur. En effet la charpente de bois est
enveloppée extérieurement à l'aide d'une tôle, de
dimension 3/6 ou 3/8, fixée par des clous d'un pouce (1) ou d'un pouce
et demi (1"2).
Même à ce niveau le simple observateur peut se
perdre; car l'éclat métallique de la tôle disparait sous
des couches de peintures de toutes les couleurs.
6.1.2.- L'ASPECT EXTÉRIEUR
A observer superficiellement le minibus bwafouye, sa
carrosserie est peinte, extérieurement de plusieurs couleurs qui servent
souvent de couleurs de fond utilisées à des fins de recevoir des
images symboliques et des messages d'autres couleurs. A part les images, les
messages et les couleurs, la décoration extérieure attire encore:
par les types de fenêtres et de vitres utilisées, par l'unique
porte d'entrée et de sortie placée à droite, par les jeux
de lumière et de réflecteurs qui entourent la carrosserie, par le
porte-charge sculpté et l'échelle enveloppée de plastics
de différentes couleurs, par ses enseignes, enfin par une ferronnerie
artisanale placée juste en avant du minibus et soudée au
châssis en vue de protéger le minibus de certains chocs.
D'où le nom de « défense »
attribuée à cette ferronnerie.
6.1.3.- L'ASPECT INTÉRIEUR
Si pour l'aspect extérieur l'observation va des
couleurs à l'art en passant par la sculpture et la ferronnerie,
l'observation intérieure quant à elle, nous amène à
décrire un espace dont le décor et la circulation n'ont rien
à envier au salon de certaines catégories des classes moyennes
d'Haïti.
Fait de planches à dimensions (1 x 12 x 12), le
plancher du minibus bwafouye a comme surface : soixante seize pieds
carrés six pouces (76.6). Les côtés, aussi que le plafond,
sont couverts soit de plywoods décoratifs, soit de formicas de diverses
couleurs. Des sièges, au nombre de dix, ont une base en ferronnerie,
réalisée avec du fer en cornière de dimension d'un pouce.
Le fond et le dossier de ces sièges sont souples parce qu'ils sont
recouverts d'éponge et d'un épais tapis. A chaque deux (2)
sièges on retrouve légèrement au dessus de la tête
du passager à l'extrême droite ou à l'extrême
gauche, une « sonnette » : type
d'avertisseur signalant au chauffeur l'intention d'un passager de descendre du
minibus. Entre les sièges de droite et de gauche il y a un long
couloir de circulation large de neuf (9) pouces connu sous le nom de
ruelle « Riyèl » dans le
langage du transport public haïtien. Et entre les différents
sièges le confort suggère un espace où les genoux sont
à peine repliés. L'observation de l'intérieur permet de
constater, aussi, l'installation, soit au plafond soit sous le siège
arrière, de deux
« Speakers » de radio qui diffusent tout au
long du trajet de la musique. L'électricité ne fait pas non plus
défaut à l'observation. Beaucoup plus manifeste que la sonnette
on retrouve au plafond quatre (4) à six (6) ampoules de couleurs
variables. Connues sous le nom de « Tèt
Gridap » (dans le Jargon des carrossiers) ces ampoules
éclairent sombrement tout l'intérieur du minibus à la
tombée de la nuit. A ce décor, propriétaires et
carrossiers ajoutent, quelquefois, des miroirs pour des raisons
dépendantes de leur volonté.
Les fenêtres vitrées sont aussi observables du
dedans. Montées dans des glissières (ainsi appelées),
à la manière des «Sliding Windows», ces fenêtres,
suivant le caprice des passagers, se déplacent de la droite vers la
gauche ou de la gauche vers la droite. Dans l'esprit de rendre plus
accueillant l'espace réservé aux passagers, certains
propriétaires placent un horloge dans le minibus, inscrivent des
pensées morales et d'autres propos aux « Panneaux »
tels : bienvenu et au revoir et placardent des images de
saints, de certaines vedettes du monde cinématographique ou musical.
Dans l'enceinte du minibus, enfin, le passager peut se rendre compte qu'entre
la cabine du chauffeur et la carrosserie il existe une
« frontière » délimitée par un espace
vitré où la communication entre passagers et chauffeur est
assurée avec moins de difficulté.
6.2.-LES CATÉGORIES SOCIO-PROFESSIONNELLES DIRECTES ET
INDIRECTES DU BWAFOUYE
A travers la description du bwafouye on a pu dénombrer
différentes tâches qui réclament les interventions: du
carrossier, du peintre, de l'électricien, du ferronnier, de
l'électronicien, du forgeron, du menuisier du sculpteur...Les
matériaux de construction font intervenir : le bûcheron, le
charpentier qui taille des pièces de bois et les transforme à des
fins utiles, le propriétaire de quincaillerie et le propriétaire
d'une « auto parts » (magasins de pièces de
rechange). Mais ils sont tous mis en activité grâce au
propriétaire du minibus bwafouye qui au départ a investi son
argent en achetant des mains du concessionnaire l'automobile appelé
à intégrer le système du transport collectif.
Une fois en circulation, le minibus bwafouye consomme du
carburant acheté dans une pompe à essence propriété
privé d'une tierce personne. Cette dernière utilise le service
de plusieurs pompistes qu'il paie, soit au pourcentage vendu, soit au gallon.
D'autres catégories sociales qui, de façon plus
nuancée, figurent dans la description, doivent leur survie au bwafouye.
Il s'agit : du chauffeur, du chauffeur à droite (ainsi
désigné du fait qu'il est assis à la droite du chauffeur
l'aidant à contrôler la rentrée et la sortie des
passagers), du « laveur d'auto », du dépanneur de
pneu crevé (Kawochoumann), de « l'arrangeur de
batterie » (batriman), du garagiste (mécanicien) et,
quelquefois du « chargeur de tap-tap ».
Il existe une autre catégorie, composée de
ceux-là qui ne sont mêmes pas impliqués dans le
« travail tap-tap » mais qui soutirent des avantages : la
famille du chauffeur, ses enfants, ses parents et ses femmes.
Par ailleurs on retrouve, des « machann
Dlo », « machann Juna », « machann
Sapibon » et, des vendeurs de journaux hebdomadaires qui exploitent
la « circulation tap-tap » pour écouler leurs
marchandises.
Alors, dans ce système, le propriétaire du
« bwafouye » devient l'employeur exclusif.
En résumé, le bwafouye dans le système du
transport en commun haïtien permet d'identifier sept (7) catégories
d'entrepreneurs et de professionnels il s'agit des :
· Investisseurs
(Concessionnaire, propriétaire);
· Artisans (Carrossier,
peintre, ferronnier, forgeron, menuisier, sculpteur, charpentier);
· Commerçants
Propriétaires de quincaillerie, d'auto-parts et de pompe à
essence);
· Techniciens
(garagiste, batrimann, kawotchoumann, électricien,
électronicien);
· Employés
(Chauffeur, chauffeur à droite);
· Manoeuvres (Laveur
d'auto, chargeur de tap-tap, mawoule);
· Débrouilleurs (machann
dlo, machann jina, machann sapibon, machann jounal);
Bien que dans l'ensemble, le transport en commun haïtien
soit une activité du secteur de l'économie informelle, il y a
parmi ces catégories suscitées certaines qui ne s'inscrivent pas
tout à fait dans cette lignée. En effet la catégorie des
investisseurs, particulièrement les concessionnaires, les
propriétaires et les commerçants n'échappent pas
totalement au contrôle de l'État qui, à travers des
institutions comme la DGI, l'OAVCT et le Service de la Circulation, s'impose
dans « l'activité tap-tap ».
Les autres catégories, de par leur existence
liée au minibus bwafouye ou au transport collectif urbain(TCU), tout
court, font partie intégrante de ce secteur qui réfère
à un mode d'organisation sociale où l'Etat se laisse substituer
par une population, en quête de survie, qui déferle sur
Port-au-Prince; la seule ville d'Haïti qui, en apparence, a
l'infrastructure d'accueil des grandes villes millionnaires de l'occident en
matière de population. Ainsi la capitale d'Haïti est
regorgée de gens en âge de travailler auxquels elle ne peut offrir
une autre alternative que celle de l'informel. Donc, à ce niveau le
transport en commun, comme tant d'autres activités du tertiaire offre
à cette population au chômage l'espoir d'un mieux être.
Cependant leur rêve n'ira pas au delà de l'enclavement social, de
leurs frustrations antérieures et de la bidonvilisation.
Le transport collectif devient, en conséquence, le
reflet d'un processus d'urbanisation imprégné de carence d'ordres
infrastructurel et superstructurel dont Port-au-Prince est le miroir.
CHAPITRE VII.- L'IMMINENTE DISPARITION DU MINIBUS
"BWAFOUYE »
L'évidence de nos jours est que, à
Port-au-Prince particulièrement, sur la route de Carrefour le minibus
bwafouye (concurrencé, tout récemment, par le rachepwèl,
le batiman et le kokorat) se fait de moins en moins remarquer dans la
circulation automobile. Rechercher les causes de cette lente disparition,
jusqu'ici, semble ne pas intéresser les institutions officiellement
concernées et connues. Nous voulons parler du Ministère des
Travaux Publics Transport et Communication (TPTC), du Service de la Circulation
des Véhicules (SCV), de l'Office Assurance des Véhicules Contre
Tiers (OAVCT), et du Service de la Signalisation Routière (SSR). A la
rigueur le Ministère de la Culture(MC) et le Ministère des
Affaires Sociales (MAS) pourraient être concernés puisqu'il s'agit
bien d'une originalité haïtienne, d'une oeuvre d'art et d'une
source d'emploi sur le point de disparaître.
Les démarches auprès de certains cadres et
dirigeants de certaines de ces institutions révèlent le manque
d'intérêt que ces institutions nourrissent à propos du
bwafouye. D'ailleurs, dans un document54(*), du Service de la planification au sein du
Ministère des TPTC, nous retrouvons une présentation de
différents types de moyen de transport collectif; présentation
qui ne tient pas tout à fait compte de la terminologie populaire, et
encore moins de l'expression bwafouye. Cependant, le mot "yole" qui
émane de la culture populaire y figure. A ce propos, pour mieux
apprécier notre point de vue, voir tableau #4.
Tableau #4
Capacité normale des types de véhicules de
transport collectifs en service et taux d'occupation moyen
Type de véhicule
|
Capacité
|
Occupation moyenne
|
Taxis «legers»
Peugeot 504 BK
Tap-tap
Yole
Bus carrefour
Autobus
Gros bus
|
5
8
16
18
25
35
55
|
4.3
4.3
13.3
15.9
26.2
19.2
34.6
|
Source : Enquête origine-Destination(MTPTC)
Ce tableau est tout à fait contraire à notre
démarche typologique. Rappelez-vous bien, que tap-tap a une charge
sémantique qui renvoie à tous les types de moyens de transports
dont yole en est un. Dire: « Bus carrefour »,
« Autobus » cela revient au même et peut signifier
soit yole, soit minibus bwafouye, soit gros bus. Ce dernier ne prête pas
à équivoque; car de nos jours, dans le système du
transport collectif urbain(TCU) de l'aire métropolitaine, il est
synonyme de (batiman, gwobisjòn, manman zanfan yo).
Est-ce le fait du hasard, du moins est-ce un désir de
simplification ou la volonté du ministère de ne pas cautionner la
terminologie populaire (en matière de transport en commun) qui a
provoqué ces imprécisions? La réponse à cette
question nous intéresse peu, vu qu'elle n'a aucun lien direct avec
l'objectif de notre travail.
Cependant, nous pouvons avancer que faute des institutions
concernées de produire, dans le domaine du TCU, des documents à
caractère exhaustif et appropriés, complique la tâche de
quelque soit le chercheur. Dans ce contexte, les tentatives d'explication et
d'analyse inhérentes au bwafouye ou à n'importe quel autre type
de tap-tap faisant partie du système de transport collectif à
Port-au-Prince courent le risque d'être subjectives. Pour s'en
démarquer nous allons à l'aide de certains outils
méthodologiques chercher l'explication qui convient le mieux.
7.1- A LA RECHERCHE DES CAUSES
Se basant sur l'objectif général de notre
étude, à savoir: mesurer l'impact de l'urbanisation de
Port-au-Prince sur le devenir du minibus bwafouye; nous avons
confectionné un questionnaire dont l'objectif spécifique consiste
à déceler la véritable cause du ralentissement du
bwafouye, observé, dans la circulation automobile et
particulièrement dans le transport en commun sur l'autoroute de
carrefour.
Nous avons profité de l'élaboration du
questionnaire pour agencer les différents paramètres de nos
objectifs à ceux de nos hypothèses de travail qui, en
résumé, mettent en rapport les variables: tap-tap et
capacité d'accueil. Le questionnaire, ainsi conçu et
rédigé, sera soumis à des chauffeurs de tap-tap lesquels
auront à nous fournir certaines informations dans le cadre de
l'enquête. Ce qui sous-entend, que nous aurons affaire à un
échantillon de chauffeurs. Bien entendu, il ne sera pas facile de camper
cet échantillon vu l'absence d'une base de sondage relative au domaine.
Alors que faire?
7.2- L'EQUATION: CHAUFFEURS - CHAUFFEURS DE TAP-TAP ET MOYEN DE
TRANSPORT COLLECTIF
«Lorsqu'on s'intéresse à une population
restreinte pour laquelle il n'existe pas de base de sondage spécifique,
comme par exemple (...) une catégorie professionnelle
particulière, on peut constituer un échantillon de l'ensemble,
par tirage au sort ou par quota, et ne conserver que ceux qui appartiennent
à la catégorie visée.»(R. Ghiglione et B. Matalon,
1978, 36)
Soulignons en passant que d'après les données
statistiques, provenant des institutions concernées, « le
parc automobile compterait actuellement environ 81,800 véhicules avec un
accroissement moyen annuel de 6% (données de l'OAVCT). Les
données de l'OAVCT sur le parc automobile diffèrent de celles
données par le SCV qui n'a enregistré pour l'année 1996
que 60,208 véhicules. Etant donnée l'inadéquation entre
l'enregistrement des véhicules au SCV et la souscription à une
police d'assurance à l'OAVCT, les chiffres disponibles sont à
prendre avec beaucoup de réserves. L'augmentation du parc automobile de
près de 50% de sa valeur en 1990 entraine une augmentation presque
proportionnelle du trafic métropolitain, donc un niveau de saturation du
réseau.» 55(*)
Tout ceci laisse supposer que la population des chauffeurs
d'Haïti serait, en effectif, très limitée. Encore moins pour
les chauffeurs de transport en commun toutes catégories confondues. N'en
parlons pas de ceux-là qui, à Port-au-Prince,
particulièrement sur le circuit Carrefour-Centre-ville, se convertissent
en chauffeurs professionnels du transport collectif urbain. Si l'on se fie
à la statistique, en dépit de la confusion qui y règne, la
population des chauffeurs de taxis et de transport de la commune de Carrefour
se chiffrerait à 439; soit respectivement, 347 chauffeurs de taxi et 92
chauffeurs de transport. (Voir tableau #2, page 73)
Alors, à partir de ces considérations, tirer de
cette population un échantillon ne présente pas trop de
difficulté. Bref! L'essentiel de l'enquête, à ce niveau,
est de savoir: comment rendre notre sous-population à interroger (notre
échantillon) représentative de l'ensemble de la population
concernée? «La représentativité de
l'échantillon est l'application à cette phase de l'enquête
de la notion générale de validité : un échantillon
valide est celui qui (...) permettra d'extrapoler les résultats
trouvés par l'enquête.» (P. Rongère, 1979,66)
Selon cette définition, on ne peut dès la
constitution de l'échantillon penser qu'elle soit tout-à-fait
représentatif. On s'en assure que plus tard grâce à la
tendance des données recueillies au moment de l'enquête. La
représentativité d'un échantillon, selon Luc Albarello, ne
se limite pas à un nombre d'unités X ou Y
déterminés. Pour utiliser son propre langage, « Cela
dépend »!
« Un échantillon de 1000 personnes, n'est
pas, dans son ensemble plus représentatif qu'un de 600. Il permet
cependant de réaliser beaucoup plus d'analyses et par conséquent
de tester des hypothèses plus fines, des comparaisons plus nombreuses
entre sous échantillons représentatifs.»(L. Albarello,
1995,40)
La constitution de notre échantillon, tout en nous
inspirant des approches de Ghiglione et d'Albarello, fera appel à un
nombre déterminé de chauffeurs de tap-tap qui circulent sur
l'autoroute de carrefour et qui dans l'ensemble représenteront
l'échantillon de la population à interroger. Cette façon
de faire nous permettra de réduire au maximum le risque de biais dans la
cueillette des données. Ainsi constitué, « un tel
échantillon est dit stratifié, les catégories en question
étant les strates. L'échantillon total n'est plus
représentatif, mais chacun des différents strates l'est» (R.
Ghiglione et B. Matalon, 1978,35)
L'échantillon stratifié étant une forme
de la méthode des quotas, le nôtre sera bâti de telle sorte
que nous puissions retrouver en son sein tous les caractères
inhérents à la population. La leçon de Ghiglione en ce
sens est claire. «Dans son principe la méthode des quotas consiste
à obtenir une représentativité suffisante en cherchant
à reproduire, dans l'échantillon, les distributions de certaines
variables importantes, telles que ces distributions existent dans la population
à étudier. Par exemple, si celle-ci comporte autant d'hommes que
de femmes, on fera en sorte qu'il en soit de même dans
l'échantillon; si la population en question comporte 40% d'ouvriers, on
s'efforcera d'avoir 40% dans l'échantillon interrogé, etc.»
(ibid, p.38).
De ce principe, nous allons nous inspirer pour pouvoir
chiffrer notre échantillon. Toutefois, il faut signaler que le parc
automobile de l'aire métropolitaine, selon le Service de la Circulation
des Véhicules (SCV), compte 51963 véhicules ce qui correspond
logiquement à 51963 chauffeurs dont 12746 seraient des professionnels du
volant répartis entre les véhicules dont leur plaque
d'immatriculation porte les labels : TAXI et TRANSPORT.
Quand on fait les mêmes considérations, ces
chauffeurs professionnels sont répartis comme suit:
Commune
|
Chauffeur
|
Professionnel
%
|
Carrefour
|
439
|
3.44
|
Cx-des-bouquets
|
987
|
7.74
|
Pétion-ville
|
855
|
6.70
|
Port-au-Prince
|
10460
|
82.06
|
(cf. tableau #2, P.73)
Voilà en termes d'effectif et de pourcentage la
population des chauffeurs qui pratiquent le métier de chauffeur dans les
communes (Delmas exceptée) qui constituent l'aire métropolitaine
de Port-au-Prince. On ne sait pas trop pourquoi le SCV n'a pas tenu compte de
la commune de Delmas. Cependant on a l'impression que la population des
chauffeurs de Taxi et de Transport de la commune de Delmas est inclue dans
celle de la commune de Port-au-Prince.
Si les chauffeurs de Taxi et de Transport sont tous des
professionnels du volant; ils ne sont pas pourtant tous des chauffeurs de
transport collectif. A Port-au-Prince, seuls ceux-là qui conduisent les
véhicules avec des plaques immatriculées Taxi sont
considérés comme tels.
Dans le cadre de l'enquête ce sont ces
chauffeurs-là qui nous intéressent. De toute façon il ne
faut pas confondre l'ensemble des moyens de transports collectifs ayant la
plaque d'immatriculation Taxi avec le moyen de transport collectif
appelé Taxi.
Au nombre de 8957, soit 17.23% de la population des chauffeurs
de l'aire métropolitaine, soit 70.27% de celle des chauffeurs
professionnels, les chauffeurs de transports collectifs se retrouvent sur tous
les circuits du réseau routier. Dans les différentes communes qui
composent l'aire métropolitaine, tout en tenant compte de l'absence de
la commune de Delmas, ils sont au nombre de:
· 7404 pour la commune de Port-au-Prince,
· 446 pour la commune de Pétion-ville,
· 760 pour la commune de Cx-des-bouquets,
· 347 pour la commune de carrefour.
(cf. tableau #2, P.73)
Quand on revient au principe, susmentionné,
énoncé par Ghiglione et Matalon, camper l'échantillon de
la population des chauffeurs de transport collectif de l'aire
métropolitaine ou de n'importe quelle commune qui la compose est simple.
Ce principe veut que l'échantillon à interroger soit
représentatif, en termes de variables et de pourcentage, de la
population considérée.
A se rappeler qu'il n'existe pas de base de sondage propre
pour les chauffeurs de transport collectif Haïtiens et
particulièrement pour Port-au-Prince. Toutefois sur le circuit
Centre-ville - Carrefour, à partir de nos observations et enquêtes
de terrain, nous avons compris que les chauffeurs de tap-tap peuvent être
divisés en chauffeurs de: bwafouye, yole, rachepwèl, kokorat,
kazèn et tap-tap n'ayant pas encore un nom populaire (TSNP). Nous avons
dans ce contexte interrogé 48 chauffeurs soit 13.83% de la population
des chauffeurs de tap-tap sur le circuit. La fréquence de passage des
différents types de tap-tap durant les heures d'activités sur la
route de Carrefour et surtout leur fréquence d'arrivée à
la fin de la journée de travail en certains points pour le nettoyage et
le plein d'essence sont déterminant dans le degré de
stratification de notre échantillon. Ces 48 chauffeurs interrogés
ont été représentés dans l'ordre suivant:
· 10,42% : pour le bwafouye
· 8,33% : pour le rachepwèl
· 6,25% : pour le kokorat
· 27,08% : pour le yole
· 18,75% : pour le kazèn
· 29,17% : pour le TSNP
L'échantillon bâti de la sorte, nous a conduits
sur la route de Carrefour à sept (7) points de repère
différents, où nous avons rencontré des chauffeurs qui, en
fin de journée de travail, font faire le lavage et/ou le plein de leur
tap-tap. En effet selon une pré-enquête réalisée, en
date du 3 avril 1997, sur le circuit routier
« Carrefour-Centre-ville », les chauffeurs étaient
mieux disposés dans ces endroits là, aux environs de six (6)
heures du soir à répondre à l'interview. Ainsi avons-nous
sélectionné des points de repères situés
premièrement à Diquini 63 au voisinage de la station d'essence
Texaco, deuxièmement à Thorland 67 à la station d'essence
Shell, troisièmement à Brochette 97 non loin de l'église
ST Charles à deux stations d'essence (Shell et Texaco)
quatrièmement à Mariani à la station d'essence ESSO
dénommée Paloma, cinquièmement toujours à Mariani
tout près de l'abattoir, dans le courant d'eau (tisous) concomitant
à la station d'essence Shell du pont de Mariani, sixièmement
entre Bizoton 51 et 53 au "Best Car Wash" et septièmement à
Martissant 23 à la station d'essence ESSO vis-à-vis de Fontamara
27.
Pour les besoins de l'enquête nous avons
sollicité le concours de cinq (5) enquêteurs. A l'aide du
questionnaire auto administré les enquêteurs ont interrogé
48 chauffeurs de tap-tap: cinq (5) à Diquini, douze (12) à
Brochette et, dix neuf (19) à Mariani, deux (2) à Bizoton, deux
(2) à Martissant et huit (8) à Thorland. Pour les mêmes
questions, des informations contradictoires et homogènes ont
été recueillies. Avec des questions fermées, vu les lieux
du déroulement de l'enquête, le questionnaire a été
conçu pour un entretien de moins de cinq minutes par
enquêté.
7.3- L'AVENIR DU BWAFOUYE SELON LES CHAUFFEURS
Avec ce sous-titre nous abordons l'étude de terrain qui
consiste à interroger dans un court entretien des chauffeurs de
transport en commun à Carrefour, sur le devenir du minibus bwafouye eu
égard à la concurrence des autres types de moyens de transports
en commun dans une Port-au-Prince où la demande de mobilité ne
trouve pas une réponse adéquate. La majeure partie de
l'enquête a été menée entre 6 et 9heures du soir.
Et, elle s'est déroulée durant une semaine.
L'aire de Mariani fut pendant toute la durée de
l'enquête l'espace d'observation et d'expérimentation
approprié à l'ensemble de notre démarche. Les chauffeurs
de toutes catégories de tap-tap sont venus en nombre important le soir
faire le plein d'essence et/ou faire le lavage de leur tap-tap. Dans cette aire
trois (3) importants points de repère qui facilitent l'entretien avec
les chauffeurs ont été retenus:
· La station d'essence de Shell du Pont de Mariani
· Le courant d'eau "Tisous" voisin de la station
d'essence de Shell du Pont de Mariani
· La station d'essence ESSO connue sous le nom de Paloma
située à proximité de l'Ecole des " Frères
Juvenat".
L'entretien n'a pas été facile à "Tisous"
vu les problèmes d'éclairage dus à l'absence
d'électricité en général et en particulier au
non-aménagement de l'espace en question à des fins
appropriées. Par contre, dans les stations d'essence le
déroulement de l'enquête ne posait pas de problème
d'éclairage. Dans cette aire, 39.58% de chauffeurs ont été
entretenus. Les autres points de repères très importants sont les
stations d'essence Shell et Texaco situées à Brochette 97,
là, 25 % de chauffeurs sont entretenus. Vient ensuite la station
d'essence Shell située à Thorland 67 ou 16.67% de chauffeurs de
tap-tap ont répondu à nos questions.
Le déroulement de l'enquête à Diquini 63
où 10.42% de chauffeurs sont retenus dans notre échantillon
d'enquêtés est comparable à celui de "Tisous ".
Là, dans ces « car wash »
improvisés n'était-ce la lumière des véhicules de
certains chauffeurs qui, après le lavage, s'apprêtèrent
à partir les enquêteurs auraient eu vraiment du mal à
remplir les questionnaires. Tout compte fait, leur habilité leurs a
permis de surmonter les difficultés imposées par la
réalité du milieu.
A Martissant et à Bizoton les chauffeurs entretenus ne
représentaient que 8.33% de notre échantillon.
180 minutes en moyenne par jour furent consacrées
à l'enquête. Chaque questionnaire à proprement parler n'est
administré au chauffeur pendant environ cinq (5) minutes ce qui donne en
moyenne trente cinq (35) minutes pour sept (7) enquêtés par
jour.
Les enquêteurs ont été surpris de
constater que les enquêtés n'éprouvèrent aucune
gêne à répondre aux questions. Tout au contraire, la
franchise de la plupart des chauffeurs nous a suggéré des
modifications dans certaines questions. Par exemple: à la
première question on aurait dû ajouter: eske wout la twò
piti eske chofè yo pa endisipline, eske machann pa reskonsab. A la
deuxième question on pouvait omettre : kilès ki pote mwens moun
et, la cinquième question devrait être une question ouverte. Une
synthèse des différentes réponses peut en dire beaucoup
plus sur les failles du questionnaire. (Voir Annexe I)
7.4.- DIVERGENCES DE VUE
Le questionnaire auto-administré, soumis à notre
échantillon de chauffeurs de transport collectif, nous a permis de
récolter des réponses qui, en termes de données, vont
être analysées à la lumière des objectifs et
hypothèses du travail. Mais, soit dit en passant, certaines
réponses ont démasqué nos préjugés qui nous
faisaient croire à la perfection de notre observation. En effet dans
notre questionnaire, nous avons négligé des paramètres qui
au cours du déroulement de l'enquête se sont
révélés très pertinents. De l'avis des chauffeurs,
l'embouteillage de la circulation qui handicape le bon fonctionnement de
l'activité tap-tap, ne serait pas seulement une question de
déséquilibre entre la demande de mobilité et
le nombre de véhicule, ce serait aussi le résultat
de l'exiguité de la route, l'indiscipline des chauffeurs et la
volonté des marchandes à étaler leurs marchandises sur
l'axe routier... Quant au type de véhicule pouvant répondre le
mieux à la situation actuelle de la circulation ils sont quasi unanimes
à reconnaitre que seuls les véhicules à grande
capacité d'accueil peuvent équilibrer le rapport:
«taux de mobilité et taux de
tap-tap.» Voilà en résumé le point de
vue des enquêtés que nous tenons à expliciter à
partir du dépouillement de l'enquête. Nous entendons par
là présenter la tendance des réponses des chauffeurs en
ce qui concerne les problèmes de circulation et leur position par
rapport à la concurrence des différents types de tap-tap.
A la question de savoir les causes de l'embouteillage qui,
selon notre enquête, s'orientaient vers «l'augmentation
déréglée» de la population de Port-au-Prince ou de
celle des véhicules, des réponses à plusieurs volets ont
été données à cette première question.
Simultanément 77,08% soit 37 chauffeurs sur 48 accusent la carence en
infrastructure routière d'être responsable de cet état de
fait. De ce pourcentage, 48.65% soit 18 chauffeurs sur 37 croient que
l'indiscipline des chauffeurs contribue aussi à l'embouteillage et
16.21% soit 6 chauffeurs sur 37 imputent la responsabilité à des
marchandes dont leur étalage occupe une bonne partie de la
chaussée. Quant aux paramètres fixés par le questionnaire
à savoir: trop de personnes ou trop d'automobiles dans l'aire
métropolitaine seulement 14.58% croient à l'augmentation de la
population et 8.34% pensent de préférence aux véhicules
qui sont trop nombreuses. (Voir histogramme #1)
Hist #1
(Hist. #1)
TV : Trop de véhicules AP : Augmentation de
population
ECIC: Etalage des marchands - Indiscipline des chauffeurs et
Carence en infrastructures routières
Voulant trouver le type de tap-tap qui serait approprié
à l'augmentation de la demande de mobilité des usagers dans une
Port-au-Prince où la population s'agrandit d'année en
année, nous avons formulé la question numéro deux (2) qui
met en rapport la capacité d'acceuil et les types de
tap-tap: 77.08% des enquêtés révèlent
que le «tap-tap kazèn» (Batiman) est le type qui a la
capacité d'accueillir le plus grand nombre de passagers et 10,42 pensent
que c'est le "Kanntè", 6.25% disent que cela dépend, 4.16%
croient que c'est le « tap-tap yole » et 2.09% pensent
que c'est le "kokorat". (Voir histogramme #2)
(Hist.#2)
Ko:
Kokorat CD: Cela Dépend Ka: Kazèn
Yo: Yole Kan: Kanntè
Voulant confirmer les réponses à la
deuxième question, les questions numéros 3 et 4 sont
élaborées en faisant appel une fois de plus aux types
de tap-tap, à la rentabilité, à l'embouteillage et au
confort, les réponses à la troisième
question dégagent les pourcentages suivants: 61.41% affirment que le
tap-tap kazèn est le seul à pouvoir garantir aux chauffeurs le
gain financier de la journée de travail en dépit des
difficultés d'ordre socio-infrastructurel, 14.59% pensent que cela
dépend, 6.25% croient qu'avec le "Bwafouye" le chauffeur peut tirer
beaucoup plus de profit, 6.25% choisissent au contraire le "Yole", 6.25%
s'abstiennent, 4.16% pensent qu'avec le Kanntè les choses vont mieux et
2.09% voient le taxi comme le plus sûr moyen de tirer du profit.
(Voir histogramme #3)
(Hist. #3)
Ta: Taxi Kan: Kanntè Yo: Yole
Bwa: Bwafouye CD: Cela Dépend Ka: Kazèn
Néanmoins, la quatrième question axée sur
le pourquoi des préférences, nous a amené à
considérer les réponses majoritaires spécifiques de chaque
catégorie de chauffeurs. Ceci est pour pouvoir tirer au clair
l'élément explicatif de la tendance qui laisse apparaître
le "Kazèn" comme le tap-tap avec la plus grande capacité
d'accueil et le plus rentable. 38.46% des chauffeurs "Yole" interrogés
pensent que l'embouteillage ne constitue pas un obstacle au profit que le
conducteur "Kazèn" devait en tirer pendant la journée de travail,
7.69% croient que le "Yole" est le "tap-tap" qui se comporte le mieux face
à l'embouteillage, contrairement à 7.69% qui voient dans le
"Bwafouye" le meilleur tap-tap qui puisse permettre aux chauffeurs de
résister à l'embouteillage, 23.07% s'abstiennent, 23.07%
déclarent que cela dépend.
(Voir histogramme #4)
(Hist. #4)
ENOY: L'Embouteillage N'est pas un Obstacle pour le Yole
ENOB: L'Embouteillage n'est pas un Obstacle pour leBwafouye
Abs : Abstention CD: Cela Dépend
ENOKA: L'Embouteillage N'est pas un Obstacle pour le
Kazèn
Quant aux chauffeurs "Kazèn" (Batiman) 66.66% sont
modestes à penser que cela dépend; c'est-a-dire il y a d'autres
paramètres qui peuvent intervenir pour rendre profitable n'importe quel
type de "tap-tap" en dépit de son inconfort et de l'embouteillage de la
circulation, 11.11% pensent qu'avec le "Yole" le profit est redoutable en
raison de la confiance que les usagers placent dans son confort et 22.23%
s'abstiennent d'attribuer la raison pour laquelle ils ont répondu d'une
façon ou d'une autre à la troisième question.
(Voir histogramme #5)
(Hist.#5)
CoYo: Confort du Yole Abs: Abstention CD: Cela
Dépend
Pour les chauffeurs "Bwafouye", 40% pensent que le
"Kazèn" est un défi à l'embouteillage quand on le compare
au profit tiré durant la journée de travail, 20% pensent qu'il
est rentable à cause de son confort et 40% s'abstiennent de
répondre. (Voir histogramme #6)
(Hist.#6)
CoKa: Confort du Kazèn Abs: Abstention
ENOKa: l'Embouteillage N'est pas un Obstacle pour le
Kazèn
Les chauffeurs de "Rachepwèl" à 75% pensent que
le "Kazèn" est le plus rentable, mais ils sont seulement 25% à
dire que sa rentabilité découle du fait que l'embouteillage ne
constitue pas pour lui un obstacle, 50% s'abstiennent de donner la vraie raison
et 25% croient que le "Yole" est le meilleur et ceci à cause de son
confort. (Voir histogramme #7)
(Hist.#7)
CoYo: Confort du Yole
ENOKA: l'Embouteillage N'est pas un Obstacle pour le
Kazèn
Abs: Abstention
Pour leur part, les chauffeurs de "Kokorat" à 33.33%
pensent que le "Kazèn" permet aux chauffeurs de tirer du profit à
cause de son confort, 33.33% se réfèrent de
préférence au "Bwafouye" et ceci c'est parce qu'il peut
affronter l'embouteillage et les autres 33.33% s'abstiennent. (Voir histogramme
#8)
(Hist.#8) CoKa: Confort du Kazèn
ENOBwa; L'embouteillage n'est pas un Obstacle pour le Bwafouye
Abs: Abstention
Enfin, les chauffeurs de tap-tap n'ayant pas encore un nom
venant de la culture populaire (TSNP) sont à 92.85% unanime à
penser que le "Kazèn" est le tap-tap le plus rentable. Cependant, 21.43%
préfèrent le «tap-tap kazèn » parce que,
selon eux, quand on est conducteur d'un kazèn l'embouteillage de la
circulation n'est pas un obstacle au profit qu'on peut tirer pour la
journée de travail; 64.28% le préfèrent à cause de
son confort et le dernier soit 7.15% s'abstiennent de dévoiler les
raisons de leur préférence et 7.14% croient que dans l'enceinte
du "bwafouye" les usagers se sentent plus à l'aise. (Voir histogramme
#9)
(Hist.#9)
CoBwa: Confort du Bwafouye Abs: Abstention
ENOKa: L'Embouteillage N'est pas un Obstacle pour le
Kazèn
CoKa: Confort du Kazèn
La cinquième et dernière question conçue
pour déceler le sort réservé au «tap-tap
bwafouye» nous conduit à mettre en relation la
conviction des chauffeurs quant à leur choix et le
type de «tap-tap approprié.» 64.58%
ont eux-mêmes choisi d'acheter, à la place du bwafouye, un autre
type, 22.91% déclarent que s'ils ont de l'argent pour se procurer un
véhicule destiné au transport en commun ils achèteront un
bwafouye et 12.50% s'abstiennent de répondre directement à notre
directive en disant: «cela dépend». (Voir histogramme #10)
(Hist.#10)
YL: Yon lòt Bwa: Bwafouye Abs: Abstention
7.4- ANALYSE ET PERSPECTIVES (Recommandations)
Les recherches et les données de l'enquête
font, une fois de plus, ressortir l'inadéquation entre le système
de transport collectif, la demande de mobilité et la mauvaise
organisation de l'espace port-au princien, là où le
désordre devient normatif jusqu'à marquer de son empreinte la
quasi totalité des institutions sociales. Dans ce contexte, les
relations: homme/homme, homme/institutions, homme/société ont le
poids d'une surcharge pesante, dans le bon fonctionnement de l'aire
métropolitaine, et entrainent l'effondrement de l'espace réel
des formes de transactions sociales. En conséquence, la mobilité
sociale, le déplacement, l'échange et la solidarité
deviennent, en peu de mots, synonyme d'une mauvaise éducation qui prive
la société entière de tout projet de bien être
collectif capable de conscientiser le citoyen, freiner le désordre et
ramener l'ordre indispensable au développement de l'humain. Cela
renvoie, ipso facto, à une forme du social où tout se
réalise dans une parfaite harmonisation et dans le respect des normes
établies. «L'ordre peut ainsi être associé à
une rationalité formelle, à une prédominance des normes,
entravant sinon excluant toute fantaisie et tout esprit inventif. Toutefois, il
peut en même temps être associé à la discipline qui
fait la force par opposition au désordonné (...). L'ordre peut
aussi évoquer l'effort entrepris pour instaurer une cohérence
collective» (L. Voyé et J. Rémy, 24,1981)
A ce niveau se pose la problématique
générale du lien entre espace et vie sociale; lien qui
«prend tout son poids à partir du moment où l'on
s'interroge sur la ville» (ibid p.10). En effet, lieu
d'agglomération par excellence, la ville en soi porte le projet du
dynamisme de développement qui fait intervenir des facteurs de liaison
tant sociaux que culturels suivant une rationalité formelle et dans
l'intérêt collectif. C'est ce qui fait défaut à
notre société et les chauffeurs sont d'avis à le
reconnaitre. A Port-au-Prince, le transport en commun, un des facteurs
de liaison indispensable à la structure du dynamisme de
développement de la ville, interagit difficilement avec les autres
facteurs. Ce qui provoque une dislocation dans l'articulation
socio-administrative voire culturelle de Port-au Prince. En ce sens, la
vie sociale à Port-au-Prince se déroule sur fond d'un
«dysfonctionnement dynamique». C'est à dire, tous les facteurs
indispensables à son bon fonctionnement sont en interaction non pas
pour contribuer à une évolution socioculturelle
ordonnée et planifiée, en adéquation au
développement infrastructurel, mais pour freiner sinon anéantir
le progrès dans presque tous les domaines. Ce type de fonctionnement
aléatoire conduit donc à des résultats
cosmétiques, c'est-à- dire éphémères,
apparents et sans grande importance. En conséquence, toutes les
activités se trouvent, dans ce contexte, circonscrites dans ce
«dysfonctionnement dynamique». Nul n'a besoin d'être un
spécialiste dans la question urbaine pour se rendre à
l'évidence.
D'ailleurs le groupe des chauffeurs auprès duquel nous
avons recueillis certaines données appartient à la
catégorie de ceux-là qui dans la société
haïtienne savent écrire à peine leur nom et effectuer les
quatre opérations.
Pourtant à analyser leur point de vue on se rend
compte que Port-au-Prince ne répond pas aux normes du transport
collectif urbain. Les moyens de transport collectif laissent à
désirer. Du minibus bwafouye, en passant par le yole, le
rachepwèl, le kokorat jusqu'au kazèn les chauffeurs admettent
l'inappropriation de ces différents types de transports collectifs.
Contrairement à ce qu'on aurait cru, ils ne pensent
pas que ce soit normal de transporter des passagers, dans l'inconfort et le
non-respect. Ce qui en partie remet en question notre deuxième
hypothèse de travail à savoir que : Plus le
véhicule facilite le transport d'un nombre excessif de passagers
au voyage, plus cela rapporte au chauffeur sans égard pour le
poids du véhicule, sa capacité d'accueil et sa
capacité de résister à la surcharge.
En réalité, le chauffeur de tap-tap est un
professionnel du volant qui gagne quotidiennement sa vie à l'aide du
transport des passagers qui lui paient au trajet. Par conséquent, plus
ils transportent de passagers, plus il gagne, ou du moins plus il lui est
possible de faire des voyages durant la journée, plus son
activité est payante. Malheureusement l'embouteillage de la
circulation ne facilite pas des «voyages tap-tap» (entendons par
là la fulgurance) pouvant lui garantir la rentabilité
espérée. C'est sans nul doute cette dernière qui pousse
les chauffeurs à préférer les tap-tap à grande
capacité d'accueil. Selon eux en dépit des difficultés du
système de transport seuls les véhicules à grande
capacité d'accueil peuvent répondre à leur attente et
satisfaire la demande croissante de mobilité dans l'aire
métropolitaine.
Par contre, au cours de l'enquête, notre bref entretien
avec les chauffeurs fait remarquer que le kokorat et le rachepwèl ne
sont pas trop considérés quoiqu'au niveau de la «conception
», leur capacité d'accueil est très grande comparée
à celle du bwafouye et du yole.
(Voir tableau #5)
Tableau #5
Capacités d'accueil normal et excessif des
différents types de tap-tap
TYPES DE TAP-TAP
|
CAPACITE D'ACCUEIL (Nbr. De passager/type)
|
NORMALE
|
EXCESSIVE
|
Bwafouye
|
20
|
25 - 30
|
Yòl
|
15
|
25 - 28
|
Kokorat
|
*C.A.F
|
35 - 50
|
Rachepwèl
|
#C.A.F
|
28 - 35
|
Kazèn
|
44
|
90 - 100
|
* Conçu à d'autres fins.
# le rachepwèl est le «Pick-up»
dépourvu de carrosserie locale. Quand il en est pourvu, on le
désigne sous le nom de camionette laquelle transporte confortablement 14
passagers
Défiant toutes les normes de confort et de
sécurité le kokorat et le rachepwèl s'inscrivent dans la
logique du désordre institutionnalisé de la ville de
Port-au-Prince et du système socio-économique. Un désordre
caractérisé par:
· l'indiscipline des chauffeurs
qui font des arrêts au beau milieu de la route,
· l'étalage des
marchandises qui occupe la chaussée,
· des tas d'immondices
jetés sur la chaussée au grand mépris du service de
la voirie,
· des matériaux de
construction déposés sur la chaussé par
des particuliers qui ignorent tout des lois de l'urbanisme, lesquelles
n'existent absolument pas pour eux.
· des nids de poule
provoqués par des travaux inachevés de la CAMEP, des
T.P.T.C, de la TELECO
· le non-respect et la carence des panneaux
de signalisation routière;
· l'exiguité des principaux axes de
circulation.
Tous conscients de cet état de fait, les chauffeurs
croient que la surpopulation de l'aire métropolitaine ne pouvait
à elle seule bloquer sinon rendre boiteuse la circulation automobile et
le transport collectif. Cependant peut-on oser croire que leur attitude soit le
signe d'une parfaite connaissance des conflits d'intérêts auxquels
fait face la ville ou le signe d'une claire compréhension des
contradictions de l'espace en question?
De toute façon, l'indiscipline des chauffeurs
dénoncée par des chauffeurs prouve que si la ville de
Port-au-Prince était régie par des normes d'urbanisme, de
transport collectif et de circulation, ils s'en accommoderaient.
Ici, nous ne voulons pas dire que, dans ces domaines
là, il n'ait jamais eu de dispositions légales qui
réglementent le bon fonctionnement de Port-au-Prince. Tout au
contraire, nous en avons recensé des Lois, des Décrets et des
Arrêtés qui sont (malgré leur ancienneté) le
témoignage du souci et de la volonté qu'ont eu des dirigeants,
d'une certaine époque, à prévenir ou à
guérir des maux causés par l'évolution de la situation
sociodémographique de Port-au-Prince. Les plus pertinentes, de ces
dispositions qui se situent dans le cadre du mémoire se trouvent en
annexe II.
Bien entendu, sans chercher à faire connaitre à
fond les détails de ces Lois, Arrêtés et Décrets,
nous pensons que leur actualisation et application ne pouvaient empêcher
des chauffeurs d'avoir une attitude anomique. Cependant, face au consensus
social qui en serait dégagé entre les institutions et la
société, les anomiques se verraient contraints à accepter
le minimum ou à se socialiser. D'où l'importance d'une totale
réorganisation de l'espace port-au-princien en accord à une
législation appropriée.
Là il s'agirait de mettre de l'ordre dans le
désordre qui règne à Port-au-Prince. Ordre indispensable
au bon fonctionnement de la circulation et du transport et, qui ne
peut-être établi que dans la mesure où les chauffeurs et
les différentes instances concernées acceptent à se faire
violence en respectant les limites définies. Cela ne signifie pas qu'il
doit y avoir affrontement physique de part et d'autre. Mais de
préférence un accord sur fond de concessions tenant compte des
différents paramètres sociodémographiques et
économique de l'aire métropolitaine; accord qui par
conséquent aura force de loi à laquelle les chauffeurs de
transport collectif, les usagers et instances concernées auront à
se soumettre. Cette forme d'accord obtenu, malgré soi et pour soi, au
profit de la collectivité, s'apparenterait à ce que L.
Voyé et J. Rémy qualifient de «violence symbolique.»
« Si comme toute violence, celle-ci suppose un
rapport d'imposition et de contrainte, sa qualification de symbolique signifie
qu'il s'agit d'une violence ne passant pas par l'exercice d'une force physique
mais bien d'une violence agissant généralement à partir du
consensus implicite qu'y apportent ceux qui y sont soumis; ce consensus
découle lui même du processus de socialisation, lequel conduit
à considérer comme normales, voire comme naturelles, des
situations qui sont, en fait des constructions sociales. Sans être
d'ordre physique, la violence symbolique a elle aussi pour effet d'imposer une
possibilité et d'exclure les autres, en ce sens que seule la
possibilité retenue est proposée socialement comme allant de soi
et comme valable ». (L. Voyé, J. Rémy, 1981,21)
Cette possibilité à imposer est celle qui fait
défaut à la société haïtienne et au bon
fonctionnement de l'aire métropolitaine. Dès lors l'anarchie
s'impose et est devenue possibilités. Dans ce contexte, toutes les
possibilités sont bonnes. Il suffit qu'elles soient profitables
à une minorité au détriment des autres. Cette logique
traverse tous les domaines et affecte la vie sociale du port-au-princien qui
pour survivre et vaquer à ses occupations s'adapte au
désordonné.
L'usager comme le chauffeur se conforment à l'inconfort
du système de transport. D'un côté c'est le besoin
nécessaire et indispensable de se déplacer, de l'autre le besoin
encore nécessaire et indispensable du «gagne-pain». Deux
besoins pour une seule et même logique: la survie. C'est ce qui explique
que sans le transport collectif, Port-au-Prince serait non conviviale. En
effet, en dépit des difficultés du système de transport
collectif, la demande croissante de mobilité se fait sentir de jour en
jour « il y a, chaque jour environ 1.000.000 de déplacements
motorisés de personnes qui entrent et qui sortent du centre ville, dont
80% en transport collectif.
"(...) Selon les estimations nécessairement
grossières qu'on peut faire le nombre de déplacement pourrait
être multiplié par un coefficient entre 2 à 3 dans les dix
prochaines années. Le système de transport collectif actuel ne
permettra pas d'absorber assez rapidement cette demande.»56(*)
Alors on peut comprendre pourquoi des types de transport comme
le kokorat et le rachepwèl intègrent déjà le
système.
A observer la rapidité de leur fréquence de
passage sur tous les circuits du réseau routier de l'aire
métropolitaine (particulièrement Carrefour) on croirait qu'ils
iraient supplanter le bwafouye qui financièrement coûte plus cher
à son propriétaire et qui, ensuite, en terme de capacité
d'accueil, reçoit moins de passagers quoi que plus confortable. A ce
propos nous avons erré en pensant que:
Le minibus bwafouye, moyen de transport collectif et
générateur d'emplois avec les problèmes de circulation,
ses problèmes de confort, de capacité d'accueillir un grand
nombre de passagers - ne pourra pas résister, longtemps encore, à
la concurrence des autres moyens de transport collectif et à l'assaut
des contradictions de Port-au-Prince où l'urbanisation est
vertigineuse.
Pour une part cette hypothèse semble être vraie.
Cependant, le bwafouye ne va pas disparaitre au profit du kokorat et du
rachepwèl. Il sera certes substitué, lentement, par des modes de
transports plus confortables dont leur capacité d'accueil serait
considérablement grande, comparée à celle des tap-tap
actuels. C'est ce que laisse apparaitre le résultat de l'enquête
menée auprès des chauffeurs. Justement, ces derniers n'entendent
pas laisser tomber le bwafouye parce qu'il est moins confortable que le
kazèn, mais c'est surtout parce qu'il ne répond pas à la
demande de mobilité et prend beaucoup plus de temps à satisfaire
leur attente pécuniaire pour une journée de travail. La
concurrence des tap-tap pour les chauffeurs doit se situer seulement au niveau
du kazèn et du bwafouye. Les autres, particulièrement le kokorat
et le rachepwèl, ne sont pas des moyens commodes, à leur avis,
pour transporter des passagers.
Somme toute, la concurrence entre kazèn et bwafouye est
déloyale quand on sait que le premier est un véhicule d'occasion
importé (de deuxième main comme on dit cheznous) contrairement au
second dont le chassis et l'ensemble des parties mécaniques et
techniques viennent de l'étranger flambant neuf.
Ceci dit, l'autobus kazèn débarque à
Port-au-Prince, la plupart du temps, quand il a fini de parcourir tout le
milléage souhaité par le fabricant. Ainsi à longueur de
journée, au cours du trajet, le kazèn tombe en panne. La
situtation est la même pour le kokorat et le rachepwèl qui une
fois en panne entravent la circulation et paralysent toutes les
activités du jour. Cela n'a pas empêché qu'ils soient
quotidiennement très remaquables sur les circuits du réseau
routier de l'aire métropolitaine.
Beaucoup moins coûteux à l'achat que le bwafouye;
le kazèn, le rachepwèl et le kokorat offrent à des
particuliers la possibilité de se soustraire du lot des chômeurs.
Ce que le Sociologue C. Souffrant qualifie de «grappillage urbain».
A bien comprendre son point de vue cette situation ne saurait être
autrement; puisque: «la croissance démographique et l'expansion
territoriale de cette capitale s'accélèrent. Cette urbanisation
galopante se produit sans industrialisation correspondante, sans demande
industrielle autre que celle de rares industries de sous-traitance (...) Aussi
les vagues d'immigration rurale qui gonfle la population port-au-princienne
ainsi que les promotions successives de bacheliers des écoles
secondaires et des finissants des écoles supérieures
viennent-elles se briser à un marché de l'emploi pratiquement
vide.
"(...) Ce marché haïtien du travail serait mieux
nommé marché du chômage. "(C. Souffrant, 1995, 66)
Telles sont les contradictions de la ville de Port-au-Prince
auxquelles fait face le transport collectif. Le bwafouye, pour ainsi dire, ne
peut à lui seul supporter les assauts de l'urbanisation de
Port-au-Prince. Il se trouve dans sa tâche aidé par d'autres
véhicules à la fois adaptés et inadaptés au
transport collectif et qui en termes technique et mécanique sont
quasiment dysfonctionnels.
En dépit de tout ils participent grandement à la
mobilité qui est d'une extrême importance pour la vie sociale qui
se déroule à l'intérieur de Port-au-Prince. Une
mobilité qui, dans les années à venir comparée avec
le processus d'urbanisation tel qu'il est actuellement à Port-au-Prince,
connaitra une tendance nettement à la hausse. Le contraire serait
préjudiciable. D'ailleurs « (...) la baisse de mobilité
traduit une marginalisation croissante de populations repliées sur leur
domicile ou ce qui en tient lieu. Elle traduit un appauvrissement des
relations sociales et des opportunités de contact qui relèvent
d'une dynamique de progression économique et sociale. Bref, la baisse
de mobilité traduirait un enfermement dans le cercle vicieux de la
pauvreté, ainsi que l'accroissement des inégalités
sociales, phénomènes qui peuvent difficilement être
acceptés comme durables». (X. Godart, 1994, 11).
En conséquence, si Port-au-Prince avec ses
problèmes actuels devrait assister à une baisse de la demande de
mobilité ce serait le signe avant coureur d'une hécatombe
socio-économique.
Cela ne veut pas dire que tout est bien actuellement.
D'ailleurs la façon dont sont transportés les passagers
prépare déjà les consciences à accepter des
catastrophes de tout ordre.
N'est-il pas encore temps de les prévenir? De toute
façon si rien n'est fait pour corriger les failles du système de
transport; le déséquilibre entre la demande de mobilité et
les moyens de transport s'accentuera jusqu'à assister à
l'émergence d'autres types de moyens de transport encore plus
inappropriés que le kokorat et le rachepwèl.
Les classes dirigeantes de ce pays doivent manifester la
volonté réelle de planifier globalement l'urbanisation.
Dans cet ordre d'idées, il faut penser au
réaménagement des espaces urbains de la société
haïtienne à travers une nouvelle politique de peuplement et de
décentralisation. En conséquence, l'urbanisme comme mise au point
de normes d'habitabilité des bâtiments et de distribution spatiale
doit avoir force de loi. L'application de cette nouvelle politique suppose:
Premièrement: La
déconcentration de certaines zones résidentielles, la
création de nouveaux quartiers, la fixation d'un nombre
déterminé d'habitants au kilomètre carré (hab./
km2 ), la redéfinition des conditions d'hébergement
d'une tierce personne en milieu urbain, l'application de la
scientificité dans le domaine de la construction, l'édification
d'espaces commerciaux selon un nombre déterminé de
résidents par zone, l'interdiction formelle aux véhicules
immatriculés privé, organisation internationale, corps
diplomatique, corps consulaire, de pénétrer dans les espaces
commerciaux, l'interdiction aussi formelle à des types de
véhicules publics de circuler dans des espaces réservés
à l'administration et à la récréation,
l'édification de parking publics adjacents à chaque zone
résidentielle et à chaque espace commercial, le blocage
d'accès de l'aire métropolitaine aux tap-tap des villes de
province en établissant des gares routières en dehors de la
périphérie de l'aire métropolitaine,
l'établissement d'une ligne spéciale de tap-tap de liaison entre
les gares routières et les différentes zones
résidentielles de l'aire métropolitaine
Deuxièmement : l'institutionnalisation
des instances des collectivités territoriales prévues par la
Constitution de 1987, la décentralisation de l'autorité de
l'État, la délégation effective du pouvoir d'Etat. De ce
fait, les Municipalités - en liaison avec les directions
régionales du Ministère des Travaux Publics Transports et
Communication, du Service de la Circulation des Véhicules, du Service de
la Signalisation Routière, du Service de l'Office Assurance des
Véhicules Contre-Tiers - feront appliquer dans leur commune respective,
les normes découlant du consensus social en matière d'urbanisme,
de transport collectif et de circulation. Ces normes s'imposeront aux
institutions comme aux citoyens de la République qui respectivement
doivent s'y soumettre.
CONCLUSION.
Il est évident que la capitale d'Haïti,
conçue à la fin du 18è siècle pour accueillir
près de cent mille (100,000) habitants, se trouve aujourd'hui, en
matière de population, comparable aux villes millionnaires de l'occident
urbanisé. A l'instar des capitales du Tiers-monde elle absorbe plus de
50% de la population urbaine du pays. La massification urbaine, en
réalité, comme a dit C. Souffrant, n'est constatée que
dans la seule ville de Port-au-Prince qui compte actuellement plus de 1 500 000
habitants. Cela se comprend, car, comparée aux villes de province elle
apparait plus proche de la modernité; bien que cette modernité ne
voile même pas les traits primitifs de la société
haïtienne plus rurale qu'urbaine. Géographes et Sociologues
haïtiens sont d'avis à le reconnaitre. En effet, le
géographe E. Bernadin en l'année 1991 écrivait
déjà: « La population haïtienne s'est accrue de
1.6% l'an de 1950 à 1971, de 1.4% de 1971 à 1982 date du dernier
recensement.
« Elle se répartit inégalement entre
le milieu rural (72%) et le milieu urbain (27%). Avec les 72% de sa population
qui se concentrent dans les zones rurales Haïti détient le
pourcentage de population rurale parmi les plus élevés du
monde.» (E. Bernadin, 1991,309). C'est sans nul doute ce qui pousse le
sociologue C. Souffrant à parler d'Haïti comme étant «
(...) une société rurale en cours d'urbanisation».
(Souffrant, 1995,47) Contrairement aux villes de l'occident où
l'urbanisation est liée à la structure industrielle et où
la planification est prédominante, Port-au-Prince est plongée
dans une improvisation qui rend la vie sociale aléatoire. L'anarchie, en
conséquence, devient la règle et tout fonctionne arbitrairement
juste pour assurer la survie. C'est dans ce contexte que le transport collectif
évolue. Implanté à Port-au Prince à la fin du XIX
siècle, il fut assuré, dans un premier temps par des buss et
buggys dont des chevaux activaient, par la suite en 1896 par des tramways qui
eux-mêmes ont été actionnés à l'aide de la
vapeur et plus tard, soit le 27 Mars 1913 par l'autobus à traction
mécanique mieux conçu et plus rapide.
Cependant, on devait attendre 1928 pour assister tant soit
peu, dans Port-au Prince à l'organisation d'une vraie ligne de Taxi.
Depuis, les résidents de Port-au-Prince pouvaient se
déplacer plus facilement et atteindre leur destination beaucoup plus
rapide. Une rapidité qui dans le vécu haïtien se
résume par l'expression tap-tap (action accomplie en un clin d'oeil).
L'autobus à moteur devient ainsi synonyme de tap-tap.
Mais aujourd'hui, cette expression tend à perdre sa
vraie signification quand on tient compte de l'embouteillage de la circulation
provoqué par: l'indiscipline des chauffeurs, l'étalage de
marchandises à même la chaussée dans les zones de
marché, des tas d'immondices jetés sur la chaussée et/ou
apportés par des averses, l'occupation des trottoirs par des cahutes, le
dépôt des matériaux de construction sur la chaussée,
les nids de poules créés par les travaux inachevés de la
CAMEP et de la TELECO...
En dépit de tout, comme on peut le remarquer, tap-tap
passe d'une simple expression langagière à un concept qui
renvoie à des types de moyens de transport collectif, circulant dans
Port-au Prince, dont le bwafouye en est un. De l'avis des chauffeurs,
comparativement au rachepwèl et au kokorat, le bwafouye est très
commode, il reçoit plus de passagers que le yole et offre plus de
garantie mécanique que le kazèn.
Si financièrement, le bwafouye coûte plus cher
à son propriétaire, en raison de ses conditions d'importation,
mécanique et surtout de sa carrosserie locale, il n'est pas trop
différent des autres en ce qui concerne la condition dans laquelle il
transporte des usagers. Aux heures de pointe il transporte comme eux un nombre
d'usagers nettement supérieur à sa capacité d'accueil. Des
heures de pointe qui pour les chauffeurs et usagers sont à exploiter
dans toute leur grandeur car depuis plus de dix ans avec le
phénomène de l'insécurité Port-au-Prince ne connait
plus la vie nocturne. Voilà encore un des paramètres du taux de
chômage et de l'embouteillage enregistrés à Port-au-Prince.
La vie sociale est bousculée et coincée, puisque l'intervalle
temps est incorrect. L'usager est obligé de se soumettre au caprice du
chauffeur qui la plupart du temps, pour fuir l'embouteillage et gagner plus
d'argent, ne respecte guère le circuit imposé. D'un air
méchant et sur un ton arrogant, il allègue n'importe quoi pour
refuser aux usagers de monter à bord. L'usager voyage, de ce fait, dans
l'indifférence sociale ou dans la plus grande incommodité. Cela
peut se comprendre, car Port-au-Prince n'a pas les infrastructures pour
accueillir ce déferlement de ruraux qui viennent annuellement grossir sa
population, bidonvilliser ses périphéries, augmenter l'effectif
de ses chômeurs et amplifier sans cesse, à tous les niveaux de la
vie sociale, la gamme des besoins. Ces dernières années, en
effet, pour répondre, d'une part, à la demande croissante de
mobilité, et d'autre part, à l'idée de se soustraire du
lot des chômeurs des particuliers incorporent la motocyclette dans le
système du transport collectif. Ce phénomène
qualifié «Asiatisation», par les spécialistes en
matière de transport, est en pleine expansion à Port-au-Prince
et, se fait à l'insu de toute norme légale. Aussi, Port-au-Prince
assiste, un peu partout, depuis quelques années, à la
transformation de certains circuits privés en circuits de transport
collectif. L'improvisation et l'informel deviennent, pour ainsi dire, les
règles organisationnelles de la société
port-au-princienne.
Dans ce contexte, des problèmes cuisants de
sanitation, de logements, d'électricité, d'eau potable,
d'insalubrité, de circulation et de transport caractérisent la
vie sociale à Port-au-Prince. En d'autres termes, l'aire
métropolitaine qui inclut : Carrefour, Delmas, Pétion-Ville,
Croix des Missions (et pourquoi pas à la limite Gressier et
Léogane) évolue sans aucun plan d'urbanisme et de circulation.
Ainsi, le voyage au moyen de transport collectif à
l'intérieur de Port-au-Prince se réalise en marge des
progrès scientifiques enregistrés dans le domaine de la
technologie automobile et de la circulation. Ce qui renforce d'avantage le
minibus bwafouye, malgré son dépassement, comme moyen de
transport collectif. Néanmoins dans sa conception et sa fabrication, il
amorce, comme pour paraphraser C. Souffrant, une dialectique des aspirations et
des frustrations en participant d'abord au déplacement quotidien de
centaines de milliers d'usagers et ensuite en procurant à un large
éventail de «chômeurs déguisés» le
primum vivere. L'État haïtien, en ce
sens, via les instances concernées, devait se pencher sur la
problématique du bwafouye tout en statuant sur les questions de
l'urbanisation et du transport collectif à Port-au-Prince. Des questions
de grande importance pour le bon fonctionnement et le développement de
la capitale d'Haïti qui ne saurait continuer à évoluer en
marge de la scientificité et d'un consensus social lesquels doivent
déboucher inévitablement sur une législation du social et
du culturel, l'éducation civique de l'homme haïtien et la
socialisation du nouveau port-au-princien.
En conséquence, le système de transport
collectif urbain de l'aire métropolitaine ne sera pas, à cause
de la surpopulation, improvisé et inadapté; mais sera de
préférence agencé à un processus d'urbanisation
planifié où l'aléatoire n'aura plus sa place. Aussi, la
vie sociale de l'aire métropolitaine sera très conviviale parce
que dépourvue de l'aléatoire qui, selon les sociologues L.
Voyé et J. Rémy, traduit l'instant et non la durée. Alors,
le bwafouye, mode de transport collectif «dépassé», ne
sera ni concurrencé par d'autres véhicules non conçus
à cette fin, ni hanté par le spectre d'une substitution
déloyale et inappropriée. Il sera plutôt impliqué,
en dépit de sa capacité d'emploi et de son originalité,
dans un processus de transition ou de changement social qui ne va pas
peut-être lui assurer de continuer à circuler sur les boulevards
du temps qui vont s'élargissant avec le processus d'urbanisation
planifié ou non-planifié.
BIBLIOGRAPHIE
LIVRES
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des données d'enquête», Pratiques et méthodes de
recherche en sciences sociales, Armand colin, Paris, 1995, pages 33-
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informelle et asiatisation-coopérativisation du transport collectif
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18) FRAGNIERE Jean-Pierre, Comment Réussir
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19) HOERNER J. Michel, Le tiers-monde entre la
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20) LACAZE Jean-Paul, La ville et l'urbanisme,
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21) MARX Karl, Manifeste du parti communiste,
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22) MERLIN Pierre, Les transports parisiens (Etude
de géographie économique et sociale), Robbert Laffont, Paris,
1967.
23) REMY Jean et VOYE Lilianne, Ville ordre et
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24) ROBBERT LAFONT, Les transports, Paris, 1976.
25) RONGERE Pierrette, Méthodes des sciences
sociales, Dalloz, Paris, 1979.
26) SOUFFRANT Claude, Sociologie prospective
d'Haïti, CIDIHCA, Canada, 1995
JOURNAUX
1) ANDRE Eddy, «Imaginez Port-au-Prince sans les
embouteillages... la cause de nos malheurs», Le nouvelliste, 15
avril 1996, p.9
2) ANDRE Eddy, «Le plan directeur de la circulation de
Port-au-Prince quel sort?», Le nouvelliste, 4 août 1997,
p.10
3) CHARLIER André, « Au sujet des
transports publics », Haïti en marche vol. IX # 18,
Miami, 14 juin1995, pages 3 & 9.
4) CHARLIER André, « Les transports en
Haïti, route ou cabotage?», Haïti en marche vol. IX #
22, Miami, 12 juillet 1995, pages 3&9.
5) DELLILE Jean, « Blocage et
blocus », Haïti en marche vol. IX # 30, Miami, 12
juillet 1995, pages 1 & 3.
REVUES
1) DERONCERAY Hubert, Les cahiers du CHISS, Presses
Nationales d'Haïti, Port-au-Prince, décembre 1971, pages 9-18.
2) GODART Henri, Port-au-Prince: Macrocéphalie urbaine
et organisation spatiale interne, conjonction # 173, avril 1987, pages
82-108.
3) HOURY J. Michel, «Analyse du réseau de
transport public sur Port-au-Prince», Conjonction # 119,1973,
pages 37-40.
BROCHURES
1) PAQUIN Lyonel, Les tap-tap haïtiens (1000 messages
et slogans), s.l, 1987.
2) WARGNY Christophe et DUVAL J. Marie, En Haïti
où les tap-tap roulent pour Dieu, s. l, 1993.
DOCUMENTS OFFICIELS
1) Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique
(IHSI), Tendances et perspectives de la population d'Haïti au niveau
régional (Département, arrondissement et commune
1980-2005), Haïti, 1992.
2) Institut Haïtien de Statistique et
d'Informatique(IHSI), Indicateurs sociodémographiques,
Port-au-Prince, 1996.
3) Coordination des Unités techniques de Planification
et de Programmation (Ministère des Travaux publics Transport et
Communication) Diagnostic sectoriel, Janvier 1997.
4) UNITED NATIONS, Urban transport development with
particular reference to developing countries, New York, 1989.
ANNEXE I
LE QUESTIONNAIRE
1) Selon ou menm, zafè blokis nan Pòtoprens
espesyalman nan kafou kisa kilakòz :
eske se twòp moun,
oubyen twòp machin
2) Sou wout kafou genyen divès machin trafik : selon ou
menm, kilès ki pote plis moun? Bwafouye
Rachepwèl
Kokorat
Yole
Kazèn( gwo bisjòn)
3) Selon ou menm, kilès nan machin sa yo wou panse
menm lè ou pa fè anpil voyaj kap pèmèt ou fè
plis kòb?
Bwafouye
Rachpwèl
Kokorat Yole
Kazèn( gwo bisjòn)
4) Eske, selon ou menm, pa ta genyen lòt rezon tankou
Blokis pa fè l pè Pasaje santi yo
pi alèz
5) Si w ta genyen pou achte yon machin : ant yon bwafouye, ke
w depanse lajan ou fè, ak yon lòt machin tou fèt tankou sa
nou sot site la yo saw tap chwazi?
Bwafouye
Yon
lòt.
ANNEXE II
REFERENCES
DE
DISPOSITIONS LEGALES
(Lois, Décrets et Arrêtés
réglementant l'urbanisme et la circulation automobile les plus
pertinents retenus dans le cadre de notre travail)
1) La Loi du 29 mai 1963 établissant les
règles spéciales relatives à l'habitation et à
l'aménagement des villes et des campagnes en vue de développer
l'urbanisme, (Publiée dans le moniteur #51 du 6 juin
1963),
2) L'Arrêté du 10 février 1952
établissant les différentes catégories de transport et
organisant sur de nouvelles bases le transport en voiture à
Port-au-Prince, Pétion-Ville, Kenscoff et les environs,
(Publiée dans le moniteur #28 du 24 mars 1952),
3) Le Décret du 27 décembre 1976 instituant
dans le cadre des TPTC un organisme autonome, d'Etudes, de contrôle et de
planification dénommé: « Service Autonome des
Transports » (Publié dans le moniteur #6 du 20 janvier
1977),
4) Le Décret du 2 décembre 1972,
créant un organisme autonome dénommé « Service
d'Entretien Permanent » du réseau national
(Publié dans le moniteur #15 du 13 mars 1972),
5) Le Décret du 23 mars 1976, créant dans
le cadre du département des TPTC un organisme public autonome
dénommé: Service de Signalisation Routier (Publié
dans le moniteur #24 du 29 mars 1976),
6) Le Décret du 25 septembre 1967 créant
l'Office Assurance Contre Tiers et le confiant à un service autonome.
(Publié dans le moniteur #84 du 28 septembre
1967),
7) La Loi du 18 septembre 1953 assurant un contrôle
rigoureux de la circulation des véhicules et accordant la plus large
garantie de sécurité au public (Publiée dans le
moniteur #89 du 26 septembre 1953),
8) La Loi du 17 août 1961 modifiant la loi du 4
décembre 1959 sur l'enregistrement de la circulation des
véhicules (publié dans ce moniteur #81 du 24 août
1961),
9) L'Arrêté du 14 mai 1958 révisant
l'arrêté du 2 août 1955 sur la circulation des
véhicules afin de le mettre plus en harmonie avec les
possibilités des contrevenants (publié dans le moniteur
#62 du 19 mai 1958),
10) Le Décret du 27 septembre 1966
réglementant la délivrance du permis d'apprendre à
conduire et modifiant la législation relative à l'obtention du
permis d'apprendre à conduire (Publié dans le moniteur du
6 octobre 1966),
11) Le Décret du 28 décembre 1978 organisant
et améliorant le système d'inspection des véhicules
(Publié dans le moniteur #1 du 3 janvier 1979),
12) L'Arrêté du 25 septembre 1947 relatif au
tarif des courses des automobiles publiques (Publié dans le
moniteur #95 du 27 octobre 1947).
ANNEXE III
IMAGES
DE
CERTAINS TYPES DE TAP-TAP
* 1 IHSI, tendances et
perspectives de la population d'Haïti au niveau régional
(département, arrondissement et commune 1980-2005), Port-au-Prince,
1992, p.27
* 2 IHSI, Haïti:
Projection de la population totale par arrondissement et par commune,
Port-au-Prince 1997
* 3 Lavalin International,
Plan directeur d'urbanisme de Port-au-Prince (secteur transport),
septembre 1988 p.19
* A. Gélédan,
Economie (l'analyse des documents et la dissertation), Librairie
Classique Eugène, Paris 1986, p.13
* 4 M. Beaud, l'Art de la
thèse, Edition La découverte, Paris, 1997, p.32
* 5 Coordination des
unités techniques de planification et de programmation (MTPTC),
Diagnostic sectoriel, janvier, 1997
* 6 Y.-H Bonello, La
ville, PUF, Paris 1996, p.34, coll. Que sais-je?
* 7 P. Merlin, Les
transports parisiens (Etudes de géographie économique et
sociale), Robbert laffont, Paris, 1967, p.76
* 8 J. Rémy, L.
Voyé, Ville ordre et violence (formes spatiales et transaction
sociale), Presses Universitaire de France, Paris, 1981.
* 9 Robbert Laffont, Les
transports, Paris, 1976, p.27
* 10 United Nations, Urban
transport development with particular reference to developing countries,
New York, 1989, p.5
When public transport services are discontinued, business and
services are paralyzed (traduit par nous)
* 11 Y. Bonello, La
ville, Presses Universitaire de France, Paris 1996,p.63 collection Que
sais-je?
* 12 R. GHIGLIONE et B.
MATALON, Les enquêtes sociologiques (Théories et
pratique), Armand colin, Paris, 1978, p.11
* 13 ibid, p.144
* 14 S. Brouk, Processus
ethno démographique, La population du monde au seuil du XXIe
siècle, Editions Naouka, Moscou 1986, p.64
* 15 J. M Hoener, Le
tiers-monde entre la survie et l'informel, L'Harmattan, Paris 1995,
p.51-98
* 16 F. Asher et J. Giard,
Demain la ville (urbanisme et politique), Editions Sociales, Paris 1975,
p.25, 100
* 17 Y. -H Bonello, Op. Cit,
pp. 33, 34.
* 18 J.P Durand et R. Weil,
Sociologie contemporaine, Vigot, Paris 1978, p.296
* 19 Cité par G.
Corvington, Port-au-Prince au cours des ans (La capitale d'Haïti
sous l'occupation 1922-1934), Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-Prince 1987,
p.164
* 20 L. Faxas,
« Dérèglementation informelle et asiatisation
coopérativisation du transport collectif urbain. Le cas de
Santo-Domingo, République Dominicaine », Les transports
dans les villes du sud (La recherche de solutions durables),
Éditions Kartala, Paris, 1994, p.156
* 21 Idem
* 22) P. LACAZE, p.8
* 23) Y.H. BONELLO, p.4
* 24) ibid, p.5
* 25) G.BURGEL, p.11
* 26) D. BAZABAS, Du
marché de rue en Haïti, l'Harmattan, Paris 1997, p.26
* 27) H. Deronceray, Les
cahiers du CHISS, Presses nationales d'Haïti, décembre 1971,
p.12
* 28) D. BAZABAS, op cit,
p.27
* 29) ibid, p.28
* 30) H. Godart,
Port-au-Prince: macrocéphalie urbaine et organisation spatiale interne,
Conjonction, avril 1987, numéro173, p.84
* 31) D. Bazabas, op cit,
p.31
* 32) Sources combinées
: Deronceray, Godart et Bazabas, op.cit.
* 33) H. Godart, op cit,
p.97-99
* 34) D. Bazabas, op cit,
p.36
* 35) C. Souffrant,
Sociologie prospective, CIDHICA, P.94
* 36 Op.cit, IHSI, p.26
* 37 Op.cit, IHSI, p.17
* 38 Op.cit, IHSI, p.14
* 39 «Cf. P. Merlin,
Les transports parisiens (Étude de géographie
économique et sociale), Robbert Laffont, Paris, 1967, p.9 »
* 40 UNITED NATIONS,
Urban transport development with particular reference to developing
countries, New-York, 1989, p.1The drastic increase in world population is
only surpassed by the rapid growth of urban population in the last 30 years.
The world urban population has grown from 735 million in 1950 (29.4 per cent of
world population) to over 2 billion in 1985 (39.9 per cent of world population)
and is projected to be 2.952 billion by the year 2000 (48.2 percent of world
population) traduit par nous.
* 41) Idem ,While in 1950, 60,0 per
cent of world urban population was living in developed regions, as compared to
39.4 per cent in developing regions, the trend was reversed in the 1970s. In
1985, 849.1 million people (42.2 per cent of world urban population) were
living in developed regions, as compared to 1.164 billion or 57.8 per cent in
developing regions. Another significant fact is that many of the gigantic
cities are located in poor developing countries with a law gross national
product per capita... (traduit par nous)
* 42) For example, in 1970, Mexico
city, with a population of 8.5 million inhabitants, had 650,000 private cars
and about 100,000 buses, but these buses accounted for 6.8 million passengers
daily or 55 per cent of the total, while private automobiles carried 2.9
million passengers or 24 per cent, and 1 million trips were made on the
metro.(Traduit par nous)
* 43) Idem, it is a necessity
for urban functions and it permits access to work, as well as to social
amenities. When public transport services are discontinued, business and
services are paralyzed. (Traduit par nous)
* 44 Ibid, p.1
The growth of urban population has brought with it severe
economic and social constraints to ruban dwellers and commuters and to all
concerned with urban development such as city planners, government and
municipal officials (Traduit par nous)
* 45 A. Charlier, A Les
transports en Haïti, routes ou cabotage?@, Haïti en marche,
vol. IX # 22, Miami, 12 juillet 1995, p.3
* 46 Le prêtre Jean
Bertrand Aristide élu président en décembre 1990 a
passé trois ans en exil après avoir dirigé le pays de
février 1991 à septembre 1991. Il est réinstallé
dans ses fonctions de chef d'État, par une force multinationale le 15
octobre 1994 pour terminer son mandat à la date prévue par la
Constitution le 7 février 1996.
* 47 Op. Cit, United Nations,
p.1
In developing countries, where a large share of urban growth is
due to the migration of rural populations to seaports and capital cities where
most of the economic activities are concentrated, the issues are even more
drastic since most of the migrants are living in areas that have not been
orderly planned and where adequate spaces have not been reserved for transport
infrastructure. In these cities, distances between living and working areas
have lengthened and demand for urban and inter-urban transportation has
increased. (Traduit par nous)
* 48 E. André, AImaginez
Port-au-Prince sans les embouteillages...la cause de nos malheurs@, Le
Nouvelliste, 15 avril 1996, p.9
* 49 Idem
* 50 A. Charlier, A Au sujet
des transports publics@, Haïti en marche, vol. IX #18, Miami, 14 juin
1995, p.9
* 51 J. Dellile,
« Blocage et blocus », Haïti en marche, vol. IX # 30,
Miami, 12 juillet 1995, p.3
* 52 Cf. IHSI, Tendances et
perspectives de la population d'Haïti au niveau régional
(Département, arrondissement et commune 1980-2005), Haïti, 1992
* 53 2"x 4" le chiffre
plaçé avant représente l=épaisseur en pouce et
celui d=après la largeur en pouce
* 54 Coordination des
Unités techniques de Planification et de Programmation (MTPTC),
Diagnostic sectoriel, Janvier 1997, p.29
* 55 Op.cit, Coordination des
Unités techniques et de Programmation (MTPTC), p.15
* 56 E. André,
« Le plan directeur de la circulation de Port-au-Prince quel sort
?», Le Nouvelliste, 4 aout 1997, p.10
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