Consommation d'électricité et croissance dans l'uemoa : une analyse en termes de causalité( Télécharger le fichier original )par Idrissa Yaya DIANDY Université Cheikh Anta Diop de Dakar - D.E.A Economie, Spécialité Macroéconomie Appliquée, option Economie Internationale 2007 |
2.2. CONSOMMATION D'ÉLECTRICITÉ ET REVENU : QUELQUES RÉSULTATS EMPIRIQUES2.2.1 Des travaux empiriques récents La littérature a toujours donné des résultats controversés quant à la relation entre la consommation d'énergie et la croissance économique. Cette situation pourrait être attribuée aux différences de structures institutionnelles et de politiques suivies par les pays, mais aussi aux différences méthodologiques. Les tests de Granger et Sim, qui ont été largement utilisés dans beaucoup de recherches pour voir la causalité, ont subi des critiques majeures car les données peuvent souffrir d'instabilité temporelle. Aussi, la plupart des études ont supposé que les données utilisées sont stationnaires et, de ce fait, ont adopté des techniques d'estimation inappropriées. La question centrale aujourd'hui est de savoir si la consommation d'électricité stimule, retarde ou est neutre vis-à-vis de la croissance économique. Certains soutiennent que l'utilisation d'énergie moderne est un préalable au progrès économique, social et technologique dans la mesure où elle complète le travail et le capital dans le processus de production (Ebohon, 1996 ; Templet, 1999). Pour les partisans de cette hypothèse, une déficience dans la fourniture d'énergie électrique peut limiter la croissance économique et le progrès technologique. Ils croient que l'électricité a été une source majeure d'amélioration du niveau de vie des pays avancés et a joué un rôle crucial dans l'avancement technologique et scientifique de ces pays (Rosenberg, 1998). Même dans des pays en développement, il a été découvert que l'accès à l'électricité est associé à l'amélioration de la santé et du niveau d'éducation des pauvres (IEA, 2002). D'autres par contre affirment que le rôle de l'énergie est minime ou est neutre par rapport à la croissance économique. Cela parce ce que le coût de l'énergie est très faible par rapport au PIB et ainsi, la consommation d'énergie n'est pas susceptible d'avoir un impact significatif sur la croissance de la production. De plus, ils soutiennent qu'au fur et à mesure qu'une économie se développe, sa structure de production va plus se situer dans le secteur tertiaire qui est moins intensif en énergie, comparé au secteur industriel (Ghali et l'EL-Saka, 2004). Ceci peut, cependant, ne pas être vrai pour le secteur de l'électricité, comme le prouve l'expérience des Etats-Unis où l'économie est devenue simultanément moins vorace en énergie, mais plus intensive en électricité (Rosenberg, 1998). Les hypothèses contrastantes ci-dessus ont poussé beaucoup de chercheurs à s'interroger sur la direction de la causalité entre la consommation d'électricité et le développement économique. Les résultats empiriques sont très variés, reflétant des hypothèses divergentes avec une causalité pouvant être bi ou unidirectionnel (Jumbe, 2004; Wolde-Rufael, 2004; Ghali and El-Saka, 2004). Ainsi, Yang (2000) a trouvé une causalité bidirectionnelle entre la consommation d'électricité et la croissance économique pour Taiwan, ainsi que Morimoto et Hope (2004) pour le Sri Lanka, Glauser et Lia (1997) pour la Corée du Sud et le Singapour. Une causalité allant de la croissance économique à la consommation d'électricité a été trouvée pour l'Inde (Ghosh, 2002), pour l'Australie par Narayan et Smyth (2005) et par Fatai et al (2004) et pour les Etats-Unis (Thoma, 2004). En revanche, Shiu et Lam (2004) ont trouvé que pour la Chine, c'est la consommation d'électricité qui cause la croissance économique, de même que Wolde-Rufael (2004) pour Shanghai18(*). 2.2.2 Cas spécifiques pour l'Afrique subsaharienne · Cointégration, modèle à correction d'erreurs et causalité. Depuis quelques temps, les travaux de ce type abondent combinant cointégration, modèle à correction d'erreurs et causalité. Signalons trois études concernant l'Afrique subsaharienne. La première est celle de Ebohon O. (1996) sur la Tanzanie et le Nigeria. Utilisant le test classique de Granger, cet auteur trouve une causalité bidirectionnelle entre la croissance économique et la consommation d'énergie pour ces deux pays. La deuxième étude plus récente concerne le Malawi et a été réalisée par Jumbe C. (2004). S'appuyant sur la méthodologie de Engle et Granger de la cointégration et la causalité au sens de Granger, son analyse a abouti à la conclusion selon laquelle, d'une part, il y a une causalité bidirectionnelle entre les consommations d'électricité et le PIB et d'autre part, il existe une causalité unidirectionnelle du PIB non agricole vers les consommations d'électricité. Dans une étude récente, Ambapour S. et Massampa C.19(*) (2005) utilisent la cointégration et le modèle à correction d'erreur pour étudier la relation de cause à effet entre la croissance économique et la consommation d'énergie électrique au Congo. La méthodologie adoptée est une approche en trois étapes. La première étape consiste à vérifier les propriétés des séries chronologiques (stationnarité et ordre d'intégration) de la croissance économique et de la consommation d'énergie à l'aide des tests de racine unitaire de Dickey-Fuller et Phillips-Perron. La deuxième utilise la théorie de la cointégration développée par Engle et Granger pour examiner les relations à long terme entre la croissance économique et la consommation d'énergie. Cet examen est fait en adoptant l'approche multivariée de Johansen fondée sur le maximum de vraisemblance. Enfin dans la troisième étape, le test de causalité de Granger dans le cadre d'un modèle à correction d'erreur est effectué pour déterminer la direction de la causalité entre la croissance économique et la consommation d'énergie. Les résultats des tests de cointégration indiquent qu'il existe une relation à long terme entre la croissance économique et la consommation d'énergie. Le test de causalité de Granger révèle l'existence d'une causalité unidirectionnelle du PIB vers la consommation d'énergie. Ces résultats contradictoires ont des implications importantes en matière de politique énergétique. Si c'est la consommation d'électricité qui cause la croissance économique, la réduction de la consommation de l'électricité pourrait mener à une baisse de la croissance économique (Asafu-Adjaye, 2000). Au contraire, si c'est la croissance économique qui détermine le niveau de consommation d'électricité, cela implique que des politiques d'économie d'énergie électrique peuvent être mises en oeuvre sans ralentir la croissance économique. En outre, s'il y a aucune causalité qui ne fonctionne dans les deux sens, la réduction de la consommation d'électricité ne devrait pas affecter le revenu et les politiques d'économie d'énergie peuvent ne pas affecter la croissance économique (Asafu-Adjaye, 2000 ; Jumbe, 2004). Enfin, s'il y a une causalité bidirectionnelle, la croissance économique peut exiger plus d'électricité tandis qu'une augmentation de la consommation d'électricité peut accélérer la croissance économique : la consommation d'électricité et la croissance économique se complètent et les mesures d'économie d'énergie peuvent négativement affecter la croissance économique. La diversité des résultats empiriques, ainsi que le rôle important qu'a joué la consommation d'électricité dans le développement économique, rendent nécessaire non seulement davantage de recherches mais également de nouvelles méthodes pour examiner le rapport entre la consommation d'électricité et la croissance économique. · Une expérience sur 17 pays africains sur données de panel (Yemane Wolde-Rufael, 2006.) Nous avons porté notre choix sur cette étude empirique, parce ce que tenant sur un échantillon de pays africains, mais aussi pour l'originalité de la méthodologie utilisée. Dans ce papier, Yemane Wolde-Rufael20(*) se propose de tester la relation de long terme entre la consommation d'électricité par habitant et le produit intérieur brut réel (PIB) par habitant pour 17 pays africains sur la période 1971-2000, en utilisant un test de cointégration nouvellement développé et proposé par Pesaran et al (2001) ainsi qu'une version modifiée du test de causalité de Granger dû à Toda et à Yamamoto (1995). L'approche proposée par Pesaran et al (2001) peut être appliquée aux études dont l'échantillon est de petite taille, comme c'est le cas pour la présente étude avec 31 observations pour chaque pays. L'approche est basée sur l'évaluation d'un modèle à correction d'erreur dynamique et teste si vraiment les variables retardées sont statistiquement significatives. Le test consiste en évaluer le modèle à correction d'erreur sans restriction suivant (UECM21(*)) considérant chaque variable à son tour comme une variable dépendante. Avec le logarithme du PIB par habitant, le logarithme de la consommation d'électricité mesuré en kWh par habitant. Les résultats empiriques montrent qu'il y a une relation de cointégration entre la consommation d'électricité par habitant et le PIB par habitant pour seulement 9 pays. Ainsi, pour 5 pays (République du Congo, Gabon, Nigeria, Afrique du Sud et Zimbabwe), il y a une relation de long terme quand le PIB a été employé comme variable dépendante, alors qu'il y a une relation de long terme pour 4 pays (Bénin, Cameroun, Maroc et Zambie) quand la consommation d'électricité par habitant a été employée comme variable dépendante. Pour 6 pays il y a une causalité unidirectionnelle fonctionnant du PIB à la consommation d'électricité et un résultat opposé pour 3 pays. Enfin, une causalité bidirectionnelle est trouvée pour 3 pays. · Cas des pays de l'UEMOA (Kane, 2009) Kane Chérif Sidy (2009), en se fondant aussi sur l'économétrie des données de panel hétérogènes non stationnaires cherche à déterminer les variables explicatives de l'intensité énergétique du produit intérieur brut dans l'UEMOA. En outre, il procède à une application du test de causalité au sens de Granger dans un modèle de panel hétérogène en s'appuyant sur les travaux de Hurlin (2008). L'intérêt de transposer la causalité sur les panels réside en la détermination des délais. Pour des retards d'un et de deux ans, il n'y a pas de causalité qui existe entre la richesse et la consommation d'électricité par tête. Par contre, lorsqu'il considère un retard de trois ans, l'hypothèse de non causalité est rejetée, ce qui veut dire qu'il existe au moins un pays de l'UEMOA dans lequel le revenu par tête cause la consommation d'électricité. Le tableau 7 résume quelques travaux effectués en Afrique subsaharienne ainsi que les résultats auxquels ils ont abouti. Tableau 7 : Causalité entre consommation d'électricité et revenu : cas spécifiques pour l'Afrique subsaharienne
Source : Auteur Ainsi la plupart des recherches et études concernant notre champ d'application ont eu pour objet principal de répondre à la question posée par Masih et Masih (1998) : « Does economic growth take precedence over energy use, or can energy use itself be a stimulus for economic growth via the indirect channels of effective aggregate demand and human capital, improved efficiency and technological progress ? ». En d'autres termes : · le PIB est-il la cause de la consommation d'énergie électrique : CKWh = f(PIB) ? · la consommation d'énergie est-elle la cause du PIB : PIB = f(CKWh) ? À ces deux cas, qui constituent nos hypothèses de travail, on peut ajouter deux autres situations souvent rencontrées : · l'existence d'une causalité bidirectionnelle entre le PIB et la consommation d'énergie électrique ; · l'indépendance des deux variables. * 18 Voir Yemane Wolde-Rufael, (2006), « Electricity consumption and economic growth: a time series experience for 17 African countries », Energy Policy 34 (2006) 1106-1114. * 19 Ambapour, S., Massamba, C. (2005) : Croissance économique et consommation d'énergie au Congo : une analyse en termes de causalité, BAMSI-Brazaville. * 20 Yemane Wolde-Rufael, 2006, « Electricity consumption and economic growth: a time series experience for 17 African countries », Energy Policy 34 (2006) 1106-1114. * 21 Unrestricted error correction model |
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