Consommation d'électricité et croissance dans l'uemoa : une analyse en termes de causalité( Télécharger le fichier original )par Idrissa Yaya DIANDY Université Cheikh Anta Diop de Dakar - D.E.A Economie, Spécialité Macroéconomie Appliquée, option Economie Internationale 2007 |
1.2. LA DIMENSION ÉNERGÉTIQUE DE LA PAUVRETÉ1.2.1. La pauvreté énergétique : une dimension souvent méconnue de la pauvreté L'énergie, dans un contexte de développement, nécessite que soit pleinement compris le rôle qu'elle joue dans de développement d'un pays et l'amélioration des conditions de vie des populations pauvres. En effet l'énergie moderne, particulièrement l'électricité, influence profondément le bien-être des individus, que ce soit à travers l'accès à l'eau, la productivité agricole, la santé, l'éducation, la création d'emploi ou la durabilité environnementale (UEMOA, CEDEAO, 2006). Cependant, en 2002 encore, 1,6 milliards d'individus vivant dans les Pays en Développement (PED) n'ont pas accès à des services énergétiques modernes fiables et abordables (électricité, butane, etc.), alors que 89% de la population en Afrique subsaharienne consomme de la biomasse traditionnelle pour cuire ses aliments et se chauffer (AIE, 2002). Ils payent un prix élevé pour bénéficier d'une énergie de substitution de mauvaise qualité et d'efficacité médiocre (essentiellement la biomasse), alors que le poste de dépenses réservé à l'énergie représente dans certains pays plus d'un tiers du budget d'un ménage. La pauvreté énergétique peut être ainsi définie comme étant l'absence de choix suffisants permettant un accès à des services énergétiques modernes adéquats, abordables, fiables, efficaces et durables en termes environnementaux en vue de soutenir le développement économique et humain (Reddy, 200016(*)). Encadré 3 : Définition de la notion de service énergétique La notion de services énergétiques (ou énergie utile) est utilisée pour décrire les usages finaux que l'apport d'énergie permet. Ces services représentent le dernier maillon de la « chaîne énergétique » (voir figure 2). Cette notion considère la fourniture du service final et la satisfaction des besoins humains, plutôt que la source d'énergie ou les technologies de production, de transport et de distribution utilisée. Source : UEMOA, 2006. La pauvreté énergétique interagissant avec d'autres manifestations de la pauvreté, il est dès lors essentiel d'explorer les nombreuses problématiques qui l'entourent, y compris ses implications sur la croissance. 1.2.2. La forte corrélation entre énergie et développement humain Pour illustrer concrètement les zones géographiques où la pauvreté énergétique s'exprime le plus fortement, plusieurs études (Modi, 2004) ont comparé la relation entre la consommation énergétique (Kj/habitant) et le niveau de développement humain (IDH), mettant ainsi en lumière la corrélation qui existerait entre ces deux variables. Concernant la situation en Afrique de l'Ouest, la majeure partie des États appartiennent à la catégorie des Pays les Moins Avancés (PMA), une situation qui se reflète également dans des niveaux de consommations d'énergie par habitant parmi les plus faibles de la planète : en moyenne, ils consomment 88 kWh d'électricité par habitant et par an (Enerdata 2005), à comparer par exemple aux 350 kWh pour l'Asie de l'Est. L'analyse statistique présentée par le graphique 4 démontre la forte corrélation entre le niveau de développement humain (IDH) et la consommation énergétique dans les pays de l'UEMOA et de la sous-région. Graphique 4 : Consommation d'énergie et IDH (2003) Source : UEMOA-CEDEAO, Livre Blanc pour une Politique Régionale sur l'accès au Services Energétiques, janvier 2006. Cette faiblesse des niveaux de consommation se conjugue avec une grande inefficacité des modes de consommation et de production. Ainsi, pour générer une unité de richesse nationale (1000 $ US), l'Afrique consomme 0,787 tonne équivalent pétrole (tep) alors que les pays de l'OCDE ont besoin de quatre fois moins avec seulement 0,19 tep. Le très important recours aux énergies traditionnelles - 67% de dépendance à la biomasse pour l'Afrique et environ 80% pour les pays de l'UEMOA - en est une des explications essentielles, sans qu'il faille pour autant négliger la faible efficacité énergétique moyenne du secteur industriel ou de la climatisation des bâtiments dans les capitales. Cette forte dépendance à la biomasse résulte pour l'essentiel d'une incapacité économique des populations concernées à avoir recours à des énergies modernes : la faiblesse des revenus monétaires conduit à consommer beaucoup plus d'énergie par unité de valeur ajoutée que dans les pays développés. Les surconsommations induites conduisent à des conséquences néfastes sur l'environnement (érosion des sols, désertification, etc.). Cette absence de sources d'énergie modernes vient ainsi renforcer la spirale de la pauvreté. Sur la base de ces éléments, il apparaît clairement qu'un large accès à des services énergétiques abordables et de qualité pour l'industrie, le secteur des services et pour les populations est susceptible d'induire des changements considérables dans les conditions de vie de ces derniers, tout en contribuant à l'atteinte des OMD dans l'UEMOA. 1.2.3. Le rôle des services énergétiques modernes dans l'atteinte des OMD Si l'énergie n'est pas prise en compte en tant que telle parmi les Objectifs du Millénaire pour le Développement, la contribution des services énergétiques modernes à l'atteinte de ces objectifs est désormais largement reconnue. Notons tout d'abord que l'accent est mis (en ce qui concerne les liens entre l'énergie et les OMD) sur les services énergétiques, et donc les besoins d'usage, et non uniquement sur les questions d'infrastructure. Comme Reddy (2000) l'a souligné, ce dont se soucie le consommateur ou l'utilisateur final, c'est le service que va lui apporter l'énergie. Le défi consiste maintenant à transformer les quantités d'énergie en services susceptibles de contribuer à l'atteinte des OMD, et considérer comment l'économie dans son ensemble peut en bénéficier. Figure 2 : Chaîne énergétique Source : UEMOA-CEDEAO, Livre Blanc pour une Politique Régionale sur l'accès au Services Energétiques, janvier 2006. Bien que l'influence de l'énergie sur la croissance économique et le développement humain soit désormais clairement comprise, il n'en demeure pas moins qu'une compréhension chiffrée de ces liens commence seulement à émerger dans les pays d'Afrique subsaharienne, comme l'a bien souligné l'équipe du Projet du Millénaire avec l'appui de l'Université Columbia (Modi, 200417(*)). * 16 Voir Livre Blanc pour une Politique Régionale sur l'accès au Services Energétiques, UEMOA-CEDEAO, janvier 2006. * 17 Modi, V. (2004) : «Energy services for the poor, (Commissioned paper for the Millennium Project Task Force 1)». Earth Institute and Department of Mechanical Engineering Columbia University (USA). |
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