Université de Genève
Mémoire de Master en études du
développement
Année académique 2006/0
7
Les Français face au changement climatique
:
Paradoxe entre sensibilité avouée et
pratiques
Présenté par :Chloé Zambeaux
Directeur de mémoire : Pascal van Griethuysen
Juré : Francine Pellaud
"To know what is right and not to do it is the worst
cowardice".
Confucius
remerciements
Je tenais à remercier :
Pascal- van
Griethuysen pour m'avoir guidé dans mon travail-
Francine
Pel-l-audpour son intérêt porté sur ma recherche
Jean
Guy Vail-l-ancourt pour m'avoir reçu et fourni des documents bien
util-es
Les personnes interviewées qui m'ont accordé un peu de
l-eur temps
5frla famil-l-e, mes amies et Jonathan pour l-eur soutien
En
fin, toute l-'équipe de l-'IVED pour ces deux années riches en
enseignements
1 Présentation du sujet 3
1.1 Problème de départ 3
1.2 Question de départ 3
2 Problématique 4
2.1 Problème de recherche 4
2.2 Question de recherche 4
2.3 Cadre d'analyse 5
2.4 Cadre méthodologique 11
PARTIE I : ETAT DES LIEUX
3 CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement climatique
(définitions, émissions de
gaz à effet de serre,
politiques) 18
3.1 Qu'est ce que le changement climatique ? 18
3.2 Changement climatique et pratiques individuelles
21
3.3 Quelles sont les conséquences du changement
climatique en France ? 25
3.4 Face aux conséquences annoncées quelle
politique de lutte contre le changement climatique
envisage-t-on en France ? 27
4 CHAPITRE II : Les français face au changement climatique
29
4.1 Perception des problèmes d'environnement : le
changement climatique 29
4.2 Intentions de comportements/comportements
déjà mis en oeuvre : cas du changement climatique_ 35
PARTIE II : ANALYSE DE L'ECART ENTRE SENSIBILITE ET
PRATIQUES
5 CHAPITRE III : L'information et la connaissance comme moyen de
lutte contre le changement climatique? Apport de l'approche évolutive
41
5.1 La nature complexe de la problématique du
changement climatique : approche évolutive 41
5.2 Le traitement du changement climatique par les
médias 45
5.3 Information, connaissance et action 51
6 CHAPITRE IV : Théories du changement de comportement et
de la motivation _____ 55
6.1 Théories du comportement 55
6.2 Théories de la motivation 56
6.3 Théories du changement de comportement et des
résistances 62
7 CHAPITRE V : Analyse des résistances aux changements de
pratiques 65
7.1 Contraintes propres à la nature du
phénomène 65
7.2 Contraintes propres aux contextes 76
7.3 Contraintes propres à l'individu 83
7.4 Comment gère-t-on la dissonance cognitive
provoquée par l'écart sensibilité/pratiques ? 91
7.5 Conclusion du chapitre V 94
CONCLUSION
8 Synthèse de l'analyse et pistes de réponse
à la question : comment favoriser les pratiques
de lutte contre l'effet de serre chez les français. 97
8.1 Quelles conclusions tirer de notre analyse ? 97
8.2 Comment favoriser les pratiques de lutte contre le
changement climatique 100
BIBLIOGRAPHIE 105
ANNEXES
ANNEXE 1 : Emissions mondiales des différents gaz à
effet de serre 110
ANNEXE 2 : Emissions de CO2 suivant le type d'énergie
primaire utilisée 110
ANNEXE 3 : Emission de CO2 selon le type d'alimentation 112
ANNEXE 4 : Exemple d'entretien 113
ANNEXE 5 : Principaux résultats des entretiens 122
INTRODUCTION
C'est au dernier siècle que l'Homme des
sociétés industrielles est devenu, selon l'expression de
Verdnasky une « force géologique planétaire » capable
de se détruire elle-même en altérant les conditions
nécessaires à sa survie. En effet, les humains procèdent
aujourd'hui à une expérience géophysique à grande
échelle en renvoyant chaque année 6 milliards de tonnes
équivalent carbone1 dans l'atmosphère et dans
l'océan : l'équivalent, en quelques siècles, du carbone
organique concentré et accumulé sur des dizaines de millions
d'années dans les couches sédimentaires de la lithosphère.
Ainsi, le changement climatique est en passe de devenir la priorité du
siècle, si l'on en croit le discours des dirigeants, qu'ils soient
hommes politiques ou chefs d'entreprises. Les réunions internationales
sur le sujet se multiplient, les investissements dans la recherche pour faire
face aux conséquences du problème connaissent d'importantes
croissances (séquestration du carbone...) et les médias
s'emparent de plus en plus du sujet. Le changement climatique devient une
affaire d'Etat, une question de responsabilité collective. L'opinion
publique se saisit peu à peu du sujet faisant naître une
conscience collective. C'est parce que nous pensons que chaque individu a sa
part de responsabilité dans le problème global qu'est le
changement climatique que nous avons décidé de nous
intéresser aux comportements individuels. Ce positionnement n'exclu pas
le fait que nous ayons conscience de l'importance d'autres acteurs dans la
lutte contre le changement climatique (gouvernements, entreprises...). Ces
derniers exercent en effet bien souvent des contraintes sur les comportements
individuels. Cependant, nous pensons que la lutte contre l'effet de serre doit
passer obligatoirement par une modification des comportements individuels.
1 Jean Marc Jancovici, « Que pouvons nous
émettre comme CO2 si nous voulons lutter efficacement contre le
réchauffement climatique ? » visualisé le 17/09/07 sur :
http://www.manicore.com/documentation/serre/quota_GES.html
1 Présentation du sujet 1.1
Problème de départ
Depuis quelques années, les médias de masse
(télévision, presse grand public, radio, Internet) relaient
largement les thématiques des problèmes environnementaux globaux
: la question du changement climatique est devenu un sujet « à la
mode ». Il ne se passe plus une semaine sans que l'on parle du changement
climatique dans les journaux télévisés. La presse grand
public se met aussi au « vert » : les sujets sur le changement
climatique, la consommation bio/équitable, les constructions
écologiques... fleurissent dans la presse. Les sites Internet contenant
l'expression « changement climatique » se comptent en millions ! Cela
est sans compter les campagnes d'information et de sensibilisation
menées par des associations de protection de l'environnement toujours
plus nombreuses (notamment Greenpeace au niveau mondial, la Fondation Nicolas
Hulot au niveau de la France).
Cependant, nous émettons l'hypothèse que la
généralisation de l'accès à l'information sur le
problème du changement climatique n'entraîne pas un changement
radical des pratiques quotidiennes1 des Français en faveur de
la lutte contre l'effet de serre. Les Français serait-ils
indifférents aux questions environnementales ?
1.2 Question de départ
Notre question de départ sera donc la suivante :
Comment peut-on expliquer le fait que les Français
ne s'engagent pas, à travers un changement drastique des pratiques
quotidiennes, dans la lutte contre le problème du changement climatique
?
1 Nous employons le terme de « pratiques
individuelles » au sens des agrégations d'actes et de gestes
accomplis par un individu dans son quotidien.
2 Problématique
2.1 Problème de recherche
Un premier élément de réponse à
cette question de départ peut résider dans l'affirmation suivante
: non, les Français ne sont pas indifférents aux questions
environnementales. En effet, plusieurs enquêtes (IFEN 2000; IFEN 2002 ;
ADEME 2005...) menées au cours de ces dernières années sur
la sensibilité écologique des Français font
apparaître que, très majoritairement, ces derniers se disent
très préoccupés par les questions environnementales.
Comment expliquer alors que cette sensibilité ne se traduise pas dans
les pratiques quotidiennes des français ? C'est cette piste que nous
allons explorer dans ce travail de recherche. Si, comme le soulignent les
auteurs de L'équivoque écologique « aujourd'hui
[...] en France comme dans bien d'autres pays, tout le monde ou presque se
prétend écologiste » (Alphaandery, Bitoun et al., 1991,
p.24), ce qui nous intéresse est alors de comprendre les raisons de cet
écart entre sensibilité et pratiques. La compréhension de
ce décalage ou « hiatus » si on reprend l'expression
utilisée par le sociologue Jean Paul Bozonnet1, constitue,
selon nous, un moyen de mettre en lumière les rigidités ou
contraintes qui s'opposent aux changements de pratiques. Dans une perspective
de recherche action, nous pouvons même penser que les résultats de
ce travail pourraient constituer des éléments utiles dans
l'orientation de la politique publique pour la lutte contre le changement
climatique. En effet, le fait de connaître les mécanismes de
résistance des pratiques individuelles face à la lutte contre le
changement climatique, pourrait être intéressant par exemple, dans
le cadre de l'élaboration d'une campagne de sensibilisation. C'est donc
cette perspective qui nous a motivés dans le choix de ce sujet.
2.2 Question de recherche
Cette réflexion générale nous amène
donc à nous poser la question suivante qui sera à la base de ce
mémoire :
1 Jean Paul Bozonnet a notamment écrit un
article sur cet écart entre la conscience écologique des
français et leurs pratiques (« De la conscience écologique
aux pratiques. Pratiques domestiques et politiques environnementales à
la lumière des théories du choix rationnel et des valeurs »,
Toulouse, Actes du colloque Environnement et Politiques, CR23 AISL et
CERTOP-CNRS, 279-287).
Comment peut-on expliquer l'écart entre la
sensibilité et les pratiques des Français face au changement
climatique ?
2.3 Cadre d'analyse
En réponse provisoire à cette question nous
émettons l'hypothèse suivante : il existe un ensemble complexe de
facteurs qui influencent les pratiques individuelles face au changement
climatique. Ces facteurs peuvent provoquer des résistances face au
changement de pratiques, et donc constituer des obstacles à la lutte
contre le changement climatique.
Quelles sont les contraintes qui expliquent que la
préoccupation vis-à-vis du changement climatique ne se traduise
pas dans les pratiques individuelles? Quelles sont ces rigidités qui
empêchent l'émergence de nouveaux types d'action ? Qu'est ce qui,
au contraire, peut motiver les individus à s'engager dans la lutte
contre l'effet de serre ?
2.3.1 Plan de travail
Il est nécessaire pour répondre à ces
questions que nous rappelions dans un premier temps des éléments
qui nous semblent importants pour comprendre dans quel contexte physique, et
institutionnel, le problème du changement climatique évolue en
France (Chapitre 1). Nous pourrons voir ensuite, comment dans ce contexte les
Français réagissent au problème qui est soulevé.
L'analyse de plusieurs études quantitatives1 nous permettra
de mettre en évidence quelles sont leurs sensibilités et leurs
pratiques face au changement climatique (Chapitre 2). Cette analyse nous
amènera à nous demander comment on peut expliquer l'absence de
changements profond dans les pratiques des Français, malgré le
fait que les médias se saisissent du problème et permettent donc,
au plus grand nombre, d'avoir accès à des informations à
ce sujet (Chapitre 3). Nous tenterons ainsi d'expliquer en quoi l'absence d'une
vision complexe du problème entrave la compréhension des
individus du phénomène. Nous verrons aussi que la connaissance
est un facteur nécessaire mais non suffisant pour l'action. Nous ferons
donc appel aux théories du comportement et de la motivation afin de
mettre en évidence les autres facteurs, internes ou externes à
l'individu qui influent sur son comportements (Chapitre 4). Ces théories
constitueront la base de la « grille de lecture » grâce
à laquelle nous procèderons à l'analyse de la série
d'entretiens que nous avons réalisés (Chapitre 5). C'est à
partir de cette analyse que nous pourrons mettre en évidence les
facteurs
1
qui, selon nous, constituent autant de contraintes
empêchant le changement de certaines pratiques quotidiennes. Nous avions
identifié au début de notre analyse (après quelques
lectures et la réalisation des premiers entretiens), différents
types de facteurs, internes où externes aux individus qui avaient une
influence sur leurs comportements face au changement climatique : les valeurs
et perception des normes sociales, la perception de l'efficacité de
l'action, les « contextes » (institutionnel, législatif,
économique, physique), les habitudes, la perception du risque et la
connaissance. Nous expliquerons donc en quoi ces facteurs constituent, selon
nous, des obstacles dans la lutte contre le changement climatique au niveau
individuel. Le schéma suivant propose une représentation
synthétique de ces facteurs.
Connaissance
Valeurs/ perception des normes sociales
Perception du risque
Type de pratiques face au
changement
climatique
SOCIETE
Perception de l'efficacité de l'action
Habitudes
Variables situationnelles/
Cadre
institutionnel/Contextes
2.3.2 Cadre théorique et conceptuel :
Nous allons maintenant expliquer dans quel cadre théorique
s'inscrit notre travail, quelle sera notre approche pour le réaliser.
2.3.2.1 L'environnement un objet nouveau pour les
sciences sociales
L'écologie et les questions environnementales sont
traditionnellement l'affaire des spécialistes en sciences naturelles.
C'est seulement depuis quelques décennies, que les sciences sociales ont
commencé à s'emparer de cette thématique. Si la sociologie
n'était jusque là pas considérée comme discipline
fondamentale pour l'étude des questions environnementales, la prise de
conscience de l'origine anthropique de bon nombre de problèmes
environnementaux a légitimé l'importance des analyses de type
sociologique dans la compréhension de ces problèmes. Le
sociologue Jean Guy Vaillancourt (Vaillancourt, 2007) nous propose de
distinguer trois grandes étapes dans la constitution de la sociologie de
l'environnement dans le contexte Nord Américain. C'est avec
l'écologie humaine qui se développe dans les années 20
à l'université de Chicago que l'environnement commence à
faire l'objet d'une approche humaine et sociale. Les chercheurs étant
à l'origine de cette nouvelle discipline (Robert Park, Roderick
MacKenzie et Ernest Burgess) appliquent les principes de l'écologie
végétale et animale aux communautés humaines vivant en
milieu urbain. Ce courant sera critiqué pour son déterminisme du
milieu urbain sur les milieux sociaux, ce qui favorisera dans les années
30 l'apparition de l'écologie sociale dont l'objet sera à
l'inverse : l'influence des phénomènes sociaux sur
l'environnement. Il faudra attendre le tournant des années 70 pour qu'un
groupe de sociologues qui étaient particulièrement sensible aux
problématique environnementales (Catton, Dunlap, Schnaiberg et Buttel)
créent, aux Etat-Unis, une nouvelle branche de la sociologie : la
sociologie de l'environnement. Il s'agit alors de remettre en cause le
paradigme de l'exceptionnalisme humain qui dominait jusque là les
sciences sociales, et de montrer la dépendance des
sociétés humaines vis-à-vis des écosystèmes.
La troisième étape que distingue Jean-Guy Vaillancourt, l'«
écosociologie », naît à la fin des années 80
(dans le sillage du rapport Bruntland) suite à la prise de conscience
internationale de problèmes environnementaux globaux tels que le trou de
la couche d'ozone, le réchauffement climatique ou la perte de
biodiversité. Cependant, la sociologie de l'environnement à
tendance à rester principalement une affaire des chercheurs Nord
Américain, elle a du mal à se diffuser notamment en Europe et en
France. La connaissance des « valeurs » et des représentations
mais aussi des pratiques environnementales et des attitudes écologiques
est encore très marginales en France ce qui n'est pas sans rapport
avec
une certaine défiance de la sociologie à
l'égard des domaines de la psychologie sociale, dont semblent
plutôt relever ces objets. (Dobré, 2002, p.1 70).
C'est donc dans ce courant de l' « écosociologie
» qui étudie les problèmes globaux que s'inscrira notre
recherche, tout en apportant certains éléments de
réflexion dans des domaines tels que les représentations, la
sensibilité et les pratiques.
2.3.2.2 Un problème qui nécessite une
approche interdisciplinaire et systémique
Les problèmes environnementaux sont, par nature, des
problèmes qui font appel à des approches interdisciplinaires. Par
leurs problématiques souvent complexes, ils convoquent à la fois
les sciences naturelles et physiques (biologie, écologie, chimie,
physique...) pour l'explication à proprement dit des
phénomènes, mais aussi les sciences sociales (sociologie,
psychologie sociale, économie...) pour l'explication des interactions
entre les activités humaines et ces phénomènes. Le recours
à des disciplines complémentaires permet donc d'expliquer les
différentes facettes des problèmes (théories et
méthodes différentes. Etant donné le caractère
interdisciplinaire de ce sujet nous ferons donc appel, tout au long de notre
travail à des théories et concepts développés pas
des sociologues, psychologues sociaux et économistes.
Le changement climatique constitue un bel exemple de cette
nécessité d'interdisciplinarité. Il s'agit de comprendre
la complexité des interactions entre les acteurs, et les contraintes
d'origines naturelles ou anthropiques qui contrôlent la dynamique des
anthroposystèmes (Lévêque, 2003). Une approche
systémique étudiant les principales composantes du
problème et leurs interactions apparaît donc indispensable. Sur ce
point, il nous semble intéressant pour la suite de l'analyse de rappeler
les trois principes généraux fondant les propriétés
d'un système (Lévêque, 2003, p.1 16):
- le principe de dépendance interactive : un
système est composé par un ensemble d'éléments qui
interagissent de telle sorte que le fonctionnement de chacun d'entre eux, voir
leur existence, sont conditionnés par les autres5.
- le principe d'émergence : Les éléments
en interaction qui composent le système forment une entité de
laquelle « émergent » des propriétés nouvelles
par rapport à celles de chacun des éléments. C'est le
principe aristotélicien selon lequel « le tout est plus que la
somme des parties ».
5 Il est important de noter que cette
dépendance interactive ne se limite pas aux éléments d'un
même système. En effet la plupart des systèmes sont des
systèmes ouverts, qui dépendent de leur milieu et exerce une
pression sur celui-ci. Un système n'est donc pas isolé de son
environnement.
- le principe de rétroaction (feed back) = principe
d'effet en retour du tout vers les parties. Boucles permanentes d'interaction.
Le comportement et l'évolution d'un élément
inséré dans un système dépendent du
système.
La nécessité de considérer les
interactions entre plusieurs éléments d'un même
système ou bien entre plusieurs systèmes, nous amène donc
à réfléchir sur la relation que l'individu peut entretenir
avec les autres éléments de la société. Comment
faire pour tenir compte dans notre analyse de l'ensemble des ces interaction
?
2.3.2.3 La nécessité d'un nouveau
paradigme pour l'analyse des pratiques individuelles face au changement
climatique : le paradigme de la théorie de l'individualisme
méthodologique complexe (IMC)
Quelle est la relation entre individus et structures
collectives ? Quelle est la part du social dans la constitution de l'individu ?
Quelle est l'influence de l'individu sur les structures collectives ? Dans quel
sens et dans quelle mesure sommes-nous influencés à travers les
liens sociaux que nous entretenons dans les décisions que nous prenons
envers nous-mêmes et envers les autres ? Ayant conscience des limites
respectives du holisme et de l'individualisme méthodologique6
pour répondre à ces grandes questions sur la place de l'homme
dans la société nous avons choisi un positionnement
intermédiaire celui du paradigme de l'individualisme
méthodologique complexe :
« Dire que l'évolution de cette
société artificielle est le produit des interactions d'individus
déjà constitués hors de la société n'a aucun
sens car nous voyons ici que l'identité des individus change au cours du
jeu social et que leurs téléologies individuelles se constituent
précisément au cours de leur évolution dans un contexte
social. Mais dire que l'évolution de cette société est
dirigée par des régularités qui préexistent aux
interactions des agents n'a pas non plus de sens. [...] L'adoption de nouveaux
principes, de nouvelles valeurs, de nouveaux traits sociaux sont
conditionnées par la métadynamique définie par
l'arrangement des entités sociales existantes, mais chaque individu
porte en lui la possibilité d'introduire l'innovation qui un jour
modifiera de manière significative cette métadynamique
.»
Ainsi, si nous empruntons aux approches de M. Weber et R.
Boudon d'une part, une
représentation de la société
basée sur l'idée que les phénomènes collectifs
doivent être décrits
6 Nous entendons ici les terme « holisme
» et « individualisme » dans le sens que la tradition
sociologique leur à donné. Ainsi nous pouvons définir le
holisme comme un « déterminisme social » (les comportements
sont socialement déterminés). A l'opposé le courant de
l'individualisme méthodologique part du principe qu'il faut analyser les
effets sociaux comme une agrégation d'actions individuelles.
et expliqués à partir des
propriétés et des actions des individus et de leurs interactions
mutuelles, et d'autre part une méthode basée sur la
compréhension et l'explication du sens donné par les individus
à leurs action, nous devons faire attention de ne pas tomber dans un
excès de relativisme. « La vie quotidienne ne peut pas
émerger comme champ autonome, car elle est enfermée dans la
rigidité de l'institution qui tend à reproduire les conditions de
l'action, l'application des normes étant garante de l'ordre social
» (Juan, 2002, p.1 31).
Appliquer cette perspective à notre cas d'étude
revient tout d'abord à reconnaître que les émissions
individuelles de gaz à effet de serre, par leur agrégation, sont
responsables du changement climatique (on ne crée pas ainsi une «
société » supérieure aux individus qui seraient
responsables des émissions, comme c'est bien souvent le cas dans les
discours des individus). Il s'agit donc de reconnaître la
responsabilité de chaque individu dans le phénomène du
changement climatique. Mais adopter le paradigme de l'IMC revient aussi
à reconnaître l'existence d'inerties, de contraintes qui
pèsent sur l'individu et oriente sa sensibilité et ses pratiques
face au changement climatique.
2.4 Cadre méthodologique
Pour l'élaboration de ce travail, nous avons
procédé en premier lieu à une analyse de sources de type
secondaire (ouvrages divers, sites internet, enquêtes. Dans un premier
temps, nous avons réutilisé les résultats d'études
quantitatives sur la sensibilité et les pratiques des Français
vis-à-vis de l'environnement, et d'ouvrages provenant d'une
littérature variée qui pouvait nous éclairer dans
l'explication du décalage entre sensibilité et pratiques. ...).
Nous avons à la fois consulté une littérature provenant
des sciences naturelles (pour la compréhension « physique » du
changement climatique) et des ouvrages provenant des sciences sociales
(principalement : sociologie, psychologie sociale, philosophie).
Néanmoins, il nous est apparu utile de compléter ces
éléments de compréhension par une analyse qualitative
basée sur la réalisation d'entretiens semi directifs. Comme le
souligne la sociologue Michelle Dobré « seules les approches
qualitatives, observations ou entretiens, permettent de reconstituer une
cohérence qui est celle de l'acteur dans l'orientation de son action
» (Dobré, 2002, p.241).
2.4.1 Les enquêtes quantitatives
Nous avons eu recours, dans la première partie de notre
travail (chapitre 2) à l'analyse des résultats de trois
enquêtes menées par des organismes spécialisés.
Voici une brève description de ces enquêtes:
> Sondage EUROBAROMETRE Spécial 217 «
Attitudes des citoyens européens vis-à- vis de l'environnement
». Ce sondage à été commandité par la
Direction générale de l'Environnement de la Commission
européenne. Les interviews ont eu lieu dans les 25 pays de l'Union
Européenne en novembre 2004. Le rapport présentant les
résultats du sondage met en évidence plusieurs points : les
perceptions que les citoyens européens ont de l'environnement, la
question de l'information en matière d'environnement, l'importance de
l'environnement dans le processus décisionnel politique, les solutions
aux problèmes d'environnement et les actions individuelles dans ce
domaine. Les résultats étant présentés par pays
nous avons pu nous servir de ces informations pour étudier l'ensemble de
ces points dans le contexte français, ainsi que pour émettre des
comparaisons avec les résultats obtenus pour d'autres pays ou pour
l'ensemble de l'Union Européene. Ce sondage est intéressant pour
ce travail étant donné que certains items de réponse
proposés font directement référence au changement
climatique.
> Les français et l'environnement : opinions et
attitudes au début 2002. Ce rapport présente l'analyse des
réponses aux questions relatives à l'environnement posées
par Electricité de France (EDF) et par l'Institut français de
l'environnement (IFEN) dans l'enquête permanente du Centre de recherche
pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc) sur les
« Conditions de vie et les aspirations des français »
(enquête annuelle réalisée depuis 1978). Un grand nombre de
sujets sont traités dans cette enquête. Ils sont regroupés
autour des thèmes suivants : la dégradation de l'environnement et
ses conséquences, les efforts attendus pour préserver
l'environnement, les actions collectives ou individuelles dans le but de
préserver l'environnement, les déplacements domicile travail.
Cette enquête nous a permis de faire ressortir un contexte
général quand à la perception et comportements
vis-à-vis de l'environnement en France. Cependant la question du
changement climatique n'est à aucun moment mentionnée dans les
questions ou dans les items proposés, même lorsque les questions
portent sur les problèmes environnementaux !
> L'enquête sur « Les représentations
sociales de l'effet de serre ». Cette enquête sondage est
effectuée de manière annuelle, elle est commanditée par
l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME). Nous
avons analysé les résultats de la sixième vague
d'enquête c'est-à-dire celle réalisée en 2005. Cette
enquête aborde différents aspects de la problématique comme
la perception du phénomène (définition), de ses causes, de
ses conséquences, des solutions pour y remédier... C'est donc les
résultats de cette enquête que nous avons le plus exploité
à travers ce travail.
2.4.2 Les entretiens
Nous avons effectué une série de sept
entretiens7 individuels, de façon à saisir quelles
pouvaient être pour chaque acteur, les raisons de son immobilisme face au
problème du changement climatique. Pour cela, nous avons abordé
plusieurs thèmes relatifs aux perceptions, et aux pratiques
vis-à-vis de la problématique du changement climatique. Les
entretiens ont été effectués par l'intermédiaire de
connaissances, ou bien en porte à porte. Nous avons dans la mesure du
possible essayé de diversifier les profils (age, sexe, origine
socioprofessionnelle, origine géographique...) des interviewés.
Cependant, le nombre restreint d'entretiens ne nous permet pas de
prétendre avoir un échantillon représentatif de la
société française.
Présentation des personnes interviewées
:
Nom*
|
Sexe
|
Age
|
Profession
|
Lieu de résidence
|
Caroline
|
F
|
31
|
Femme au foyer
|
Genève
|
Béatrice
|
F
|
36
|
Gestionnaire pour une centrale d'achat de vêtements
|
Paris, 9ème arrondissement
|
Julien
|
H
|
23
|
Etudiant
|
Genève, originaire du Mans
|
Olivier
|
H
|
49
|
Professeur de français en lycée professionnel,
psychologue
|
Moustier Sainte-Marie
|
Myriam
|
F
|
54
|
Professeur des écoles
|
Rennes
|
Corinne
|
F
|
42
|
Technicienne de surface
|
La Bastidonne
|
Damien
|
H
|
25
|
Etudiant
|
Lyon
|
* Dans un souci d'anonymat le nom des personnes
interviewées a été modifié
Les entretiens ont été enregistrés puis
retranscrits afin de procéder à leur analyse. Il est important de
préciser que toutes les personnes interviewées ont accepté
sans réticence que leurs propos soient enregistrés.
7 Les entretiens ont été
réalisés dans une période de temps s'échelonnant du
05/06/07 au 18/08/07
Les entretiens8 que nous avons réalisés
avaient comme principaux objectifs :
· D'évaluer pour chaque interviewé le
degré de connaissance de la problématique du changement
climatique (mécanisme, causes, conséquences).
· De mettre en évidence quelles sont les
interactions que l'individu perçoit entre son comportement et le
changement climatique (lien entre activité quotidienne et
émission de gaz à effet de serre, question de
responsabilité).
· D'essayer d'appréhender dans quel état
d'esprit l'individu aborde le problème (gravité, peur,
confiance/pessimisme...).
· De montrer quels sont les efforts que l'individu
réalise d'ores et déjà pour limiter ses émissions
de GES, et voir si ces changements de comportements représentent des
contraintes. Questionner sur ceux auxquels il serait prêt à
consentir.
· De comprendre quelles sont les raisons, selon la
personne interviewée, qui expliquent qu'il ou elle n'est pas prêt
à modifier son comportement dans le but de lutter contre l'effet de
serre (mise en évidence des contraintes internes et externes, des
situations de dissonance).
Ces principaux objectifs nous ont permit de mettre en
évidence des thèmes à aborder lors de
nos entretiens.
Nous avons donc formulé pour chacun de ces thèmes une
série de questions
clés. L'ensemble de ces informations est
présenté dans la grille d'entretien suivante
:
8 Pour des exemples d'entretiens se
référer à l'annexe 4.
Objectifs Thèmes Questions
|
Degré de connaissance de la problématique du
changement climatique
|
Mécanismes Causes Conséquences
|
De manière générale qu'est ce qu'il vous
vient à l'esprit quand l'on vous parle de changement climatique ?
Savez-vous ce qu'est l'effet de serre ? Sauriez-vous expliquer
son mécanisme ? Quelles sont selon vous les causes et les
conséquences du changement climatique ? Avez-vous entendu parler du
GIEC/IPCC ?
|
Perception de la relation entre comportement individuel et
changement climatique
|
Lien entre activité quotidienne et émissions
de GES Responsabilité
|
Savez vous lesquelles de vos activités quotidiennes
participent à l'effet de serre ? (thématique du transport, de
l'habitat et de l'alimentation)
Est ce qu'à votre niveau vous vous sentez responsable de
ce problème ?
|
Etat d'esprit
|
Perception de la gravité Peur/confiance/pessimisme
|
Est ce que ce phénomène vous préoccupe,
voire vous fait peur ?
Vous sentez vous confiant face à l'évolution du
phénomène ? Pensez vous que l'on va trouver des solutions ?
|
Comportements et changement de comportements
|
Changement de comportements déjà
entrepris Changement de comportements envisagés Question de la
« contrainte » de ces comportements
|
Depuis que vous avez eu connaissance du problème du
changement climatique avez-vous modifié certaines habitudes,
comportements ?
Seriez-vous prêt à modifier votre consommation
alimentaire en mangeant uniquement des produits locaux ? (Idem avec
thématique des transports et de l'habitat)
Est ce que ces changements de comportements représentent
pour vous des contraintes ?
|
Mise en évidence des contraintes
|
Contraintes internes Contraintes externes Situation de
dissonance cognitive
|
Quelles sont les raisons qui expliquent que vous n'êtes
pas prêt à vous passer de votre voiture/que vous n'êtes
pas prêt à diminuer votre consommation de viande... ?
|
Nous avons procédé à des entretiens semi
directifs dans le sens où nous avons abordé l'ensemble des
thématiques prédéfinies (mises en évidence dans la
grille d'entretien) tout en laissant aux interviewés une certaine
liberté dans la formulation de leurs réponses. Ces questions sont
formulées de façon suffisamment large pour que les
interviewés puissent s'exprimer de manière spontanée.
Cette liberté dans les réponses permet à notre avis de
mieux faire apparaître les représentations. De plus, cette
technique d'entretiens moins « dirigé » nous a permit
d'adapter l'ordre chronologique proposé dans la grille d'entretien en
fonction des réponses des interviewés.
Nous avons procédé à la reformulation de
certaines questions lorsqu'elles nous semblaient avoir mal été
comprises, ainsi qu'a certaines relances pour encourager la personne
interviewée à nous donner davantage de précisions ou
d'explications à propos des réponses formulées. Bien que
l'objectif de ces entretiens ne soit pas d'apporter des informations et de
sensibiliser les interviewés à la problématique du
changement climatique, il nous est apparut nécessaire, dans certains
cas, d'apporter dans la discussion certains éléments de
clarification afin de pouvoir poursuivre l'échange (par exemple
explication de la relation entre les choix d'alimentation et les
émissions de gaz à effet de serre).
Les résultats de ces entretiens sont
présentés dans le dernier chapitre sous la forme d'une analyse
thématique1.
1 Chapitre V : analyse des résistances aux
changements de pratiques.
PARTIE I:
ETAT DES LIEUX
PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement
climatique (définitions, émissions de gaz à effet
de
serre, politiques)
3 CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement
climatique (définitions, émissions de gaz à effet de
serre, politiques)
3.1 Qu'est ce que le changement climatique ?
3.1.1 L'Effet de serre
Voici une explication simplifiée du mécanisme de
l'effet de serre1 : Lorsque le rayonnement solaire atteint
l'atmosphère terrestre, une partie (environ 28,3 %) est directement
réfléchie (renvoyée vers l'espace), par l'air, les nuages
blancs et la surface claire de la Terre. Les rayons qui n'ont pas
été réfléchis vers l'espace sont absorbés
par l'atmosphère (20,7 %) et/ou la surface terrestre (51 %). Cette
partie du rayonnement absorbée par la Terre lui apporte de la chaleur
(énergie), qu'elle restitue à son tour, la nuit notamment et en
hiver, en direction de l'atmosphère sous forme de rayons infrarouges. Ce
rayonnement est alors absorbé en partie par les gaz à effet de
serre. Puis dans un troisième temps, cette chaleur est
réémise dans toutes les directions, notamment vers la Terre. Les
rayonnements qui retournent alors vers la Terre créent l'effet de serre.
La chaleur produite est donc retenue en partie dans l'atmosphère, comme
cela se passe dans une serre. Nous tenons à rappeler que le
phénomène de l'effet de serre est un phénomène
naturel qui permet de préserver une température moyenne sur Terre
d'environ 15 °C, et sans lequel cette température moyenne se
situerait aux alentour de - 18 °C.
1 Cette définition est adaptée de celle
proposée sur Wikipédia, consulté le 20/09/07 sur :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_de_serre
PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement
climatique (définitions, émissions de gaz à effet
de
serre, politiques)
Visualisé le 22/09/2007 sur :
http://www.agirr.org/rubrique.php3?id_rubrique=
On désigne donc par gaz à effet de serre les gaz
absorbant le rayonnement infrarouge émis par la surface de la Terre. On
peut distinguer les gaz à effet de serre « naturels » : la
vapeur d'eau (H2O), le gaz carbonique (CO2), le méthane (CH4), le
protoxyde d'azote (N2O), l'ozone (O3) ; et les gaz artificiels ou «
industriels » : il sont principalement de la famille des halocarbures
(dont les chlorofluocarbures (CFC), aussi responsables de la destruction de
l'ozone stratosphérique : « trou de la couche d'ozone »). Il
est à noter que la durée de vie dans l'atmosphère (temps
de résidence atmosphérique) des gaz à effet de serre varie
énormément : douze ans pour le méthane, une centaine
d'années pour le gaz carbonique et jusqu'à 50 000 ans pour
certains halocarbures. Ceci veut dire que le gaz carbonique produit aujourd'hui
fera encore effet dans un siècle. De plus, le pouvoir de
réchauffement de ces gaz (PRG) n'est pas le même. Par exemple un
kilogramme de méthane produit autant d'effet de serre que vingt-etun
kilogrammes de gaz carbonique.
PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement
climatique (définitions, émissions de gaz à effet
de
serre, politiques)
Durée de résidence et pouvoir de
réchauffement global des différents gaz à effet de serre
:
Gaz
|
Durée de résidence (années) PRG
|
CO2
|
100 à 200
|
1
|
CH4
|
15
|
21
|
NO2
|
120
|
310
|
HCFC-22 12
|
1,300
|
CF4
|
50 000
|
6,500
|
SF6
|
3 200
|
23,900
|
CFC-12
|
102
|
6500
|
Source : GIEC 1995 ; visualisé le 20/09/2007 sur :
http://www.amisdelaterre.org/1-Qu-est-ce-que-l-effet-de-serre.html
Si l'on regarde quels sont les gaz à effet de serre qui
participent le plus à l'effet de serre d'origine anthropique, on obtient
la répartition suivante : l'effet de serre dû à l'Homme est
engendré à 55 % par le gaz carbonique, à 15 % par le
méthane, à 15 % par les halocarbures, à 15% par l'ozone
troposphérique et à 5% par le protoxyde d'azote. En 2005, les
émissions françaises de gaz à effet de serre
s'élevaient à 554,1 millions de tonnes équivalent CO2 en
2005. Ces émissions étaient constituées dans une grande
majorité de CO2 (70,9%) de NO2 (14,6%) et de CH4 (1 1,6%).Nous verrons
dans la suite de ce chapitre de quelles activités humaines proviennent
ces gaz à effet de serre.
3.1.2 Le changement climatique
On peut définir le changement climatique comme «
une modification durable (de la décennie au million d'années) des
paramètres statistiques (paramètres moyens, variabilité)
du climat global de la Terre ou des ses divers climats régionaux. Ces
changements peuvent être dus à des processus intrinsèques
à la Terre, à des forces extérieures ou, plus
récemment, aux activités humaines »1. Nous nous
intéresserons à la partie anthropique de ce
phénomène, c'est à dire à l'impact des
émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine dans le
changement climatique. Le développement des sociétés
occidentales et leur survie sont basés sur la consommation
d'énergie fossile. Or, en brûlant du charbon ou du pétrole
l'homme émet des quantités de CO2 tellement importantes (6
milliard de tonnes équivalent carbone2) que cela
1 Définition visualisée le 10/07/2007
sur :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Changement_climatique
2 Jean Marc Jancovici, « Que pouvons nous émettre
comme CO2 si nous voulons lutter efficacement contre le réchauffement
climatique ? » visualisé le 17/09/07 sur :
http://www.manicore.com/documentation/serre/quota_GES.html
PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement
climatique (définitions, émissions de gaz à effet
de
serre, politiques)
provoque un déséquilibre dans le cycle naturel
du carbone : les végétaux et les océans qui jouent le
rôle de « puits » de carbone ne peuvent pas absorber cet
excédant anthropique. De plus le développement intensif
d'élevages de ruminants a pour conséquence le rejet d'importantes
quantités de méthane. Ce surplus d'émissions se retrouve
donc dans l'atmosphère, change sa composition, ce qui entraîne une
accélération du phénomène naturel d'effet de serre.
Cette accélération a pour conséquence une
élévation de la température moyenne à la surface du
globe. Enfin nous tenions à insister sur le fait que les dimensions
spatiales et temporelles du changement climatique en font un
phénomène sans précédant : des actions au niveau
local (pratiques individuelles) ont une incidence au niveau global
(augmentation de la température moyenne à la surface du globe),
et les répercussions de ces actions sont différées dans le
temps (comme nous l'avons dit précédemment certains gaz à
effet de serre ont une durée de vie allant jusqu'à 50 000 ans).
Les conséquences des émissions actuelles (et passées !) de
gaz à effet de serre par les pays industriel sont donc
différées dans le temps et dans l'espace.
En résumé, nous pouvons dire que les
émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine provoquent,
via l'augmentation de l'effet de serre, un changement climatique ou
réchauffement climatique :
3.2 Changement climatique et pratiques individuelles
Nous constatons qu'une très grande partie des pratiques
quotidiennes ont une influence sur le changement climatique. Le fonctionnement
des sociétés occidentales repose en effet, sur la consommation
d'énergies fossiles. Tout au long de la journée un individu va
donc consommer certaines quantités d'énergie, de manière
directe c'est-à-dire en brûlant directement des combustibles
fossiles (par exemple en utilisant une voiture pour se rendre sur son lieu de
travail...), ou de manière indirecte c'est-à-dire en consommant
des biens et des services dont la production nécessite l'utilisation
d'énergie fossile (en utilisant des appareils électriques, en
consommant des produits alimentaires ou des biens matériels ...). Cette
consommation au
PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement
climatique (définitions, émissions de gaz à effet
de
serre, politiques)
quotidien d'énergie fossile a pour corollaire le rejet
d'émissions de CO2 dans l'atmosphère. Conformément
à l'usage nous avons choisi de classer les différentes pratiques
individuelles quotidiennes ayant un impact sur le changement climatique en
quatre pôles :
Consommation de
biens et de
services
matériels
Alimentation
Transport
Habitat
Par exemple, selon le mode de transport qu'un individu utilise
(voiture/vélo), l'impact sur le changement climatique sera
différent. Nous reviendrons dans la suite de ce chapitre sur les
représentations de ces différents pôles en France.
3.2.1 Quelques ordres de grandeurs sur les
émissions anthropiques de CO2 :
Pour nous donner un ordre d'idée Jean-Marc
Jancovici1 estime que si nous voulons lutter efficacement contre le
réchauffement climatique les émissions mondiales annuelles de CO2
ne devaient pas dépasser 3 Gt par an, soit la quantité de CO2 que
les puits peuvent absorber. Si l'on réparti équitablement ces 3
Gt à l'ensemble des 6 milliards d'individus qui peuplent notre
planète on obtient un droit d'émission de 500 kg
équivalent carbone par personne et par an. Un Français
émet en moyenne 2,2 tonnes de CO2 pas an soit environ 4 fois plus que ce
quota de 500 kg. Ces chiffres montrent bien qu'une diminution radicale des
comportements vis-à- vis de la consommation d'énergie
s'avère nécessaire si l'on veut lutter contre le changement
climatique.
1
www.manicore.com
PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement
climatique (définitions, émissions de gaz à effet
de
serre, politiques)
3.2.2 D'où viennent les gaz à effet de
serre produits par l'Homme ?
Le gaz carbonique est essentiellement dû à la
combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) dans
l'industrie (fabrication de ciment), et à la déforestation (qui
réduit les puis de carbone) ; le méthane provient de
l'élevage des ruminants, de la culture du riz, des décharges
d'ordures, de la combustion de bois (ex. brûlis) et des exploitations
pétrolières et gazières ; le protoxyde d'azote vient des
engrais azotés et de divers procédés chimiques ; les
halocarbures sont utilisé comme gaz propulseurs dans les bombes
aérosols, comme gaz réfrigérants (climatiseurs). Ils sont
émis aussi par diverses industries (mousses plastiques, composants
d'ordinateurs); enfin, l'ozone provient indirectement de la combustion
d'hydrocarbures ou autres polluants : certains polluants locaux (hydrocarbures,
oxydes d'azote), réagissent sous l'effet du soleil pour produire l'ozone
troposphérique.
3.2.3 Quels sont en France les secteurs d'activité
qui contribuent le plus au changement climatique ?
Répartition des émissions de gaz à effet
de serre en France par secteur d'activité :
Visualisé le 12/05/07 sur :
http://www.effet-de-serre.gouv.fr/images/medias/Evolutionsecteur.JPG
Une première lecture de ce schéma nous montre
que, en France, le secteur qui émet le plus de gaz à effet de
serre est celui des transports (26%). Il est suivi par trois autres secteurs
qui contribuent à peu prêt dans les mêmes proportions aux
émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit de l'agriculture,
des bâtiments, et de l'industrie. Comme dans l'ensemble des pays
PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement
climatique (définitions, émissions de gaz à effet
de
serre, politiques)
industrialisés, la part des émissions des
transports est supérieure à la moyenne mondiale. Les
bâtiments sont aussi de gros consommateur d'énergie (chauffage)
mais il est à noter que si la production d'électricité en
France n'était pas basée sur le nucléaire ce secteur
serait largement supérieur aux 19% qu'il représente
aujourd'hui1. En effet avec 78%2 de la production
d'électricité d'origine nucléaire, la France est le pays
le plus nucléarisé au monde par rapport au nombre d'habitant !
3.2.4 Quelle est la responsabilité des
ménages dans les émissions de gaz à effet de serre en
France?
Un Français émet en moyenne 2,2 tonnes
d'équivalent carbone chaque année, tout gaz confondu, et en
prenant en compte le puit constitué par la gestion des surfaces
forestière en France. Comme nous l'avons dit il serait nécessaire
d'arriver à un maximum de 500 kg eqCO2 par personne pour lutter
efficacement contre le changement climatique.
Répartition des émissions de CO2 par
ménage :
Usages privés de l'énergie 7,8
tonnes/ménage
|
Fabrication et transport des produits et services 8,6
tonnes/ménage
|
|
|
Source : MIES (Mission Interministérielle de l'Effet de
Serre), visualisé le 10/06/07 sur :
http://www.rac-f.org/article.php3?id_article=463
1 Cf. Annexe 2 : Emission de CO2 suivant le type
d'énergie primaire utilisée
2
http://www.sortirdunucleaire.org
(visualisé le 19/09/07)
PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement
climatique (définitions, émissions de gaz à effet
de
serre, politiques)
Nous pouvons résumer le graphique ci-dessus de la
manière suivante : lorsqu'il se déplace, qu'il se chauffe, qu'il
utilise de l'électricité, qu'il consomme des biens et services,
un individu participe au rejet de CO2 dans l'atmosphère.
Quelques débats ont eu lieu autour de la question :
jusqu'où peut on attribuer la responsabilité des émissions
indirectes (ex. émissions liés à la fabrication des
produits) aux individus ? Etant donné que l'individu est le consommateur
final des produits fabriqués, et qu'il à la possibilité de
limiter ou choisir entre différents produits ayant
nécessité plus ou moins d'émissions de gaz à effet
de serre, nous partons du principe qu'il est possible d'imputer aux individus
l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre qu'ils
engendrent de manière directe ou de manière indirecte.
3.3 Quelles sont les conséquences du changement
climatique en France ?
Avec une augmentation de 0,9 °C/siècle, la France
s'est réchauffée plus vite que la moyenne du globe. Cet
écart risque de continuer si l'on en croit les simulations faites pour
le XXIe siècle par Météo France qui montrent
que la hausse des températures dans le pays risque d'être plus
importante que la moyenne du globe. Ces simulations concluent à une
augmentation de la température en toutes saisons, une augmentation des
pluies en hiver, une diminution en été et une réduction du
contenu en eau des sols sauf en hiver. Tout cela devrait s'accompagner d'une
augmentation des fréquences de canicules (températures
supérieures à 35 °C) et des épisodes de chaleur
(températures supérieures à 30 °C pendant dix jours
consécutifs). Les conséquences attendues sur les
différents milieux et sur les secteurs de l'économie seront
variables suivant l'ampleur, l'intensité et le rythme du changement
climatique : même une faible augmentation de la température peut
avoir des impacts sur l'environnement.
Voici une brève présentation des principaux
impacts du changement climatique en France Nous avons identifié ces
impacts en nous basant sur une étude de la Mission
Interministérielle de l'Effet de Serre1 ainsi que sur un
rapport de l'Institut Français de l'Environnement2. Au niveau
environnemental le changement climatique aura pour conséquence :
1 IFEN (Institut Français de
l'Environnement), Le changement climatique in L'environnement en
France, Les synthèses, Edition 2006, p. 297-309.
2 MIES (Mission interministérielle de
l'Effet de Serre) MATE (Ministère de l'Aménagement du territoire
et de l'Environnement, Impact potentiels du changement climatique en France au
XXI siècle, Seconde Ed. 2000, 128 p.
PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement
climatique (définitions, émissions de gaz à effet
de
serre, politiques)
> L'avancée de la mer sur les terres :
l'élévation du niveau de la mer provoquerait l'inondation
permanente des espaces côtiers aujourd'hui à peine ou
incomplètement émergés. En Métropole, les
régions les plus concernées sont les espaces deltaïques de
la Camargue ainsi que les rivages à lagunes du Languedoc et du Nord.
> La diminution de l'enneigement :
L'élévation de la température entraînerait
également une nette diminution (de 20 à 30 %) de la durée
de l'enneigement dans les Alpes à basse altitude (1 500 m). Les
modélisations réalisées par Météo France sur
la Métropole montrent qu'un réchauffement de 2 °C par
rapport à la période 1980-1990 aurait des effets marqués
en moyenne montagne. À 1 500 m d'altitude, la durée d'enneigement
passerait de 5 à 4 mois dans les Alpes du Nord et de 3 à 2 mois
dans les Alpes du Sud et les Pyrénées. Un réchauffement
plus important affecterait aussi les Hautes-Alpes. Dans le cas d'un
réchauffement supérieur à 3 °C, la plupart des
glaciers français disparaîtraient, à l'exception des plus
hauts glaciers du massif du Mont-Blanc qui se réduiraient fortement.
> Une perte de biodiversité animale et
végétale : Outre-mer, la hausse des températures des
eaux marines pourrait être néfaste aux coraux, beaucoup d'entre
eux ne survivent pas au-delà de 29-30 °C. Sur la forêt,
plusieurs impacts sont attendus : modification de la production et disparition
de certaines essences, amplification de l'impact des parasites thermophiles,
apparition de nouvelles maladies et réduction du stock de carbone de la
biomasse.
> L'accroissement de la fréquence et de
l'intensité des événements extrêmes :
inondations, canicules, tempêtes, cyclones, sécheresse, feux
de forêt, avalanches, mouvements de terrain... Des canicules du type de
2003 sont susceptibles d'être cinq fois plus fréquentes en France
au cours du XXIe siècle.
Les impacts du changement climatique ne se limitent pas à
l'environnement naturel. Les populations et les activités humaines ne
seront pas épargnées :
> Impacts sur la santé humaine : En France
métropolitaine, les effets dus au stress thermique (ex. mortalité
estivale pour cause de canicule) auront plus d'impacts que le
développement des maladies à vecteur.
> De manière indirecte le changement climatique aura
un impact sur l'économie française en
général. En France, deux secteurs paraissent
particulièrement vulnérables aux impacts du changement
climatique, il s'agit du secteur agricole et du secteur
PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement
climatique (définitions, émissions de gaz à effet
de
serre, politiques)
touristique. Même si les scénarios
d'évolution du climat restent imprécis nous pouvons affirmer que
les activités touristiques vont être affectées par les
conséquences du changement climatique. Les impacts auront des
conséquences variables selon les régions, certaines verront leur
pouvoir attractif augmenter (c'est le cas de la façade Ouest et des
zones côtières en période hivernale : augmentation des
températures) alors que d'autres en subiront les conséquences
(stations de ski : diminution de l'enneigement). Il en est de même pour
la production agricole : un réchauffement de 2 °C demanderait un
déplacement des cultures de 180 km vers le Nord. Les agriculteurs
devront donc faire preuve d'une adaptation à ces changements (apprendre
à cultiver une espèce différente ne se fait pas du jour au
lendemain !)
A la vue de ces différents points nous pouvons nous
rendre compte que les modes de vie de la majorité des français ne
sont pas menacés, à court terme, par les conséquences du
changement climatique.
3.4 Face aux conséquences annoncées quelle
politique de lutte contre le changement climatique envisage-t-on en France ?
Au niveau de la politique internationale il faut noter que la
France a ratifié la Convention Cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques (1992) ainsi que le protocole de Kyoto (1997).
L'engagement que la France doit respecter dans le cadre du protocole de Kyoto
consiste d'ici 2008-2012 à stabiliser les émissions de gaz
à effet de serre au niveau des émissions de 1990 (année de
base). Cependant la France s'est fixé des objectifs plus ambitieux au
niveau national. En effet la mise en place du Plan Climat 2004 prévoit
d'aller au-delà d'une stabilisation des émissions : il lance le
défi d'une division par quatre des émissions de gaz à
effet de serre à l'horizon 2050. Les objectifs phares de ce plan sont :
atteindre 5,75 % d'incorporation des biocarburants dans les carburants d'ici
2010, soit une multiplication par 5 ; renforcer le crédit d'impôt
sur les équipements performants de 25 à 40 % ; favoriser
l'exemplarité de l'État dans le domaine de la construction et de
la réhabilitation de logements aidés ; respecter les vitesses
autorisées ; utiliser les étiquettes d'énergie pour les
véhicules neufs ; utiliser de manière raisonnable la
climatisation. Toutes ces actions sont censées s'accompagner de
campagnes de sensibilisation de manière continue, dans le but de
favoriser les modifications des comportements.
PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement
climatique (définitions, émissions de gaz à effet
de
serre, politiques)
Arrivé à ce point, on peut se demander si cette
politique a déjà un impact sur l'opinion la sensibilité
des Français face au changement climatique. Les préoccupations du
grand public vis-à-vis de l'effet de serre sont elles importantes ? Les
perceptions ou représentations sociales de l'effet de serre ont-elles
connues des évolutions ces dernières années ? Sont-elles
influencées par certaines variables sociodémographique
(principalement : âge, sexe, niveau d'étude) ? Quel est
l'état de la connaissance des français sur le sujet ? Pour
répondre à ces questions nous allons dans le chapitre suivant
nous intéresser aux comportements des Français face au changement
climatique (sensibilité et pratiques individuelles).
4 CHAPITRE II : Les français face au changement
climatique
Dans un article récent de Natures Sciences et
Société, les sociologues Patrick PerettiWattel et Béatrice
Hammer soulignent à juste titre qu'une « vraie »
compréhension des représentations profanes constitue une
condition indispensable à la promotion de la lutte contre l'effet de
serre (Peretti-Wattel et Hammer, 2006).
Dans cette optique et pour tenter de répondre aux
questions posées en fin du chapitre précédant nous avons
procédé à l'analyse des résultats de trois
enquêtes (Sondage EUROBAROMETRE Spécial 217 « Attitudes des
citoyens européens vis-à-vis de l'environnement » ; Les
Français et l'environnement : opinions et attitudes au début
2002, EDF/IFEN ; « Les représentations sociales de l'effet de serre
» ,l'ADEME)1 menées par des organismes
spécialisés, afin d'en ressortir les éléments qui
nous paraissaient particulièrement intéressants. Ce chapitre sera
donc principalement consacré à la description des
résultats des enquêtes. Nous avons cependant intégré
quelques réflexions qui constitueront les premières pistes
d'analyse de notre question de recherche.
4.1 Perception des problèmes d'environnement :
le changement climatique
4.1.1 Le changement climatique : un
phénomène pas si préoccupant... Les
problèmes d'environnement ne sont pas ceux qui préoccupent le
plus les Français :
seulement 14% des enquêtés estiment que
l'environnement est l'un des deux sujets qui les préoccupe le plus, ce
sujet arrive en 7° position après l'insécurité, les
maladies graves, le chômage, la drogue, la pauvreté en France et
la pauvreté dans le monde (IFEN-EDFCREDOC, 2002). Malgré cela, on
peut dire que l'écologie est une préoccupation de l'ensemble de
la population : neuf personnes sur dix se disent « assez » ou «
très » sensibles aux questions environnementales. 35% des
enquêtés se disent très sensible aux problèmes
environnementaux. Le recoupement de résultats a montré que cette
forte sensibilité n'était pas seulement déclarative,
qu'elle s'appuyait sur des engagements concrets de comportements (achat de
produits non alimentaire respectant l'environnement, trie des
déchets...) surtout chez les personnes se disant très sensibles
(IFEN-EDF-CREDOC, 2002).
1 Cf. p.14 - 15.
Si l'on s'intéresse maintenant plus
particulièrement au problème de l'effet de serre on constate
qu'en 2005, seulement 22 % des français le considéraient comme le
problème d'environnement le plus préoccupant. L'effet de serre
arrivait ainsi en troisième position dans la liste des
préoccupations, derrière la pollution de l'eau (23%) et celle de
l'air (21%). Il faut cependant noter que parmi les personnes dotées d'un
diplôme de l'enseignement supérieur le « problème de
l'effet de serre » vient au premier rang des choix (3 0%) avant la
pollution de l'air (22%) ou de l'eau (2 1%) (ADEME-RCB-ISL, 2005).
On observe des résultats plutôt similaires dans
le sondage dans le sondage sur les Attitudes des Européens à
l'égard de l'environnement (TNS Opinion & Social, 2005). Lorsque les
Européens sont invités à citer les cinq principaux
problèmes d'environnement qui les préoccupent, on constate alors
que le changement climatique fait partie des quatre priorités qui se
détachent nettement (45% des personnes interrogées sont
préoccupées par le problème du changement climatique) avec
la pollution de l'eau (47%), les catastrophes causées par l'Homme (46%)
et la pollution de l'air (45%). Mais ces perceptions varient suivant les pays
« le changement climatique » est ainsi bien plus souvent
mentionné dans les pays de l'Union européenne des 15 (47%) que
dans les nouveaux Etats membres (34%). En fait le « changement climatique
» est la préoccupation principale des citoyens de l'ancienne UE1 5.
Cependant les Français paraissent bien moins préoccupés
que d'autres habitants de l'Europe des 15 : seulement 42% des Français
interrogés considéraient le problème du changement
climatique parmi les cinq problèmes environnementaux les plus
préoccupants alors qu'ils sont 68 % des suédois. En France, le
problème remportant le pourcentage le plus élevé de
préoccupation est celui des catastrophes causées par l'Homme (les
marées noires ou les accidents industriels). On voit ici comment
certaines catastrophes écologiques au niveau national ont pu marquer les
esprits et expliquer en partie le caractère secondaire du
réchauffement climatique dans les inquiétudes écologiques
des français: par exemple la marée noire de l'Erika en
décembre 1999 ou bien la catastrophe de l'usine AZF en septembre
2001.
On peut noter ici quelques variations des résultats
selon certaines variables sociodémographiques : les hommes semblent
nettement plus préoccupés que les femmes par la question du
« changement climatique » (49% contre 41% des femmes), de même
le degré de préoccupation pour le changement climatique augmente
avec le niveau d'étude (49% chez
les personnes qui ont quitté les études
après 20 ans contre 39% pour les personnes ayant arrêté les
études avant 15 ans (TNS Opinion & Social, 2005).
Si pour U. Beck, sociologue allemand auteur de La
société du risque, s'inquiéter des risques
écologiques est un luxe que seules peuvent se permettre les
catégories aisées et éduquées, ceci ne se constate
pas dans les faits. Ainsi cette thèse est contredite par les
études empiriques qui montrent que les craintes à l'égard
de toute une gamme de risques sont plus fréquentes parmi ceux dont les
niveaux de diplôme et de revenu sont le moins élevés. En ce
qui concerne l'effet de serre, on peut se rendre compte que ce sont les plus
démunis qui en craignent le plus souvent les conséquences (P.
Perreti-Wattel, B.Hammer, 2006).
De plus en plus de Français semblent être
convaincus que l'effet de serre est une certitude pour la plupart des
scientifiques, cependant pour un quart, l'effet de serre reste une
hypothèse controversée (32% en 2000 contre 25% en 2005)
(ADEME-RCB-ISL, 2005).
4.1.2 ... et mal compris !
4.1.2.1 Définition de l'effet de serre
En proposant une question ouverte sur la définition de
l'effet de serre, l'enquête annuelle « les représentations
sociales de l'effet de serre » (ADEME-RCB-ISL, 2005) a permis d'apporter
beaucoup d'éléments de compréhension sur les
mécanismes de perception social de ce problème. Le regroupement
des réponses selon leur contenu sémantique a en effet rendu
possible la création de catégories qui mettent en évidence
les principales représentations possibles du phénomène
:
> A la question, en quoi consiste selon vous l'effet de
serre, 25% des personnes interrogées évoquent les
phénomènes de pollution. C'est ici l'effet direct de la chaleur
qui est incriminé : la pollution est un mécanisme de production
de chaleur qui contribue à réchauffer directement
l'atmosphère dans laquelle nous vivons.
> Un autre quart des répondants lie explicitement
l'augmentation de l'effet de serre à la dégradation de la couche
d'ozone : la couche d'ozone ne protège plus la terre du rayonnement
solaire donc la terre se réchauffe. Cette confusion est
particulièrement présente chez les personnes très
diplômées.
> Seulement 14% de l'échantillon faisait
référence à l'accumulation de gaz, au CO2. Sans pour
autant affirmer que les personnes qui composent cette catégorie
possèdent une représentation scientifique du
phénomène, il s'agit des représentations qui se
rapprochent le plus du réel.
> Enfin, 13% des enquêtés décrivent
« l'effet de serre » comme un état de chaleur ou un
réchauffement sans en indiquer la cause.
Il est important de noter que le nombre de personnes ne
pouvant pas répondre à cette question a considérablement
diminué : cela représentait 19% des personnes interrogées
en 2005 contre 30% 2000. Peut être peut on imputer cette évolution
à la médiatisation croissante du phénomène : de
plus en plus de personnes peuvent avoir une représentation cognitive du
phénomène.
On peut tenter d'expliquer ces problèmes de
connaissance du phénomène de l'effet de serre en rappelant qu'une
représentation sociale est une forme de connaissance socialement
élaborée et partagée, qui permet à chacun de
s'inscrire dans son environnement, de lui donner du sens, pour s'orienter et
guider ses actes (Jodelet, 1989). Cette connaissance est ancrée dans
l'expérience, en même temps elle lui donne sens, elle obéit
à une logique propre, distincte de la pensée savante. Tout cela
produit de nouvelles associations d'idées qui peuvent être
complètement détachées de la réalité
physique des phénomènes mais qui font sens pour l'individu. Par
exemple rapprochement entre l'effet de serre et la couche d'ozone peut
s'expliquer par le fait que le problème de la couche d'ozone a
été médiatisé en premier : on pense donc le neuf
avec l'ancien en faisant des rapprochements qui font sens (Perreti-Wattel P.,
Hammer B., 2006). De plus, on peut émettre l'hypothèse que
l'utilisation dans les journaux télévisés d'images de
fumées d'usines, pots d'échappements, déchets qui
brûlent peut conduire au raccourci fait entre la chaleur émise et
l'effet de serre, tout en ignorant le rôle des gaz à effet de
serre. Plus généralement, il faut noter que la nature même
de l'effet de serre ne facilite pas sa perception : « Global climate
change is far removed from direct experience. Temperature and rainfall
variations and weather extremes of various types can be experienced, global
warming cannot. People concept of global warming comes from a jumble of
experiential data and from existing «cultural» and «mental»
models » (Bord R.J., Fischer A., O'Connor R.E., 1998).
4.1.2.2 Causes
La destruction des forêts, les activités
industrielles, les transports viennent toujours en tête des
activités perçues comme les causes premières de l'effet de
serre. A l'inverse, l'agriculture, l'élevage ou l'activité
volcanique sont perçus par une majorité de l'échantillon
comme de faibles contributeurs. Plus de la moitié des Français
considère que les voitures et les raffineries de pétrole
participent beaucoup à l'effet de serre, ils sont quatre sur dix
à en penser de même pour les avions, les bombes aérosols et
le nucléaire, trois sur dix pour le chauffage au fioul, et un sur dix
pour les réfrigérateurs et l'élevage de bovins.
On observe encore ici les confusions mentionnées plus
haut : les trois quart des personnes interrogées considèrent que
les bombes aérosols contribuent beaucoup ou assez à l'effet de
serre. Cependant, on peut souligner une évolution de la prise de
conscience du public en ce qui concerne la responsabilité du chauffage
des bâtiments dans les causes de l'effet de serre (39% en 2000 contre 64%
en 2005).
A partir des résultats de l'enquête
Baromètre Environnement EDF-R&D 2004 sur la perception des causes de
l'effet de serre Patrick Peretti-Wattel et Béatrice Hammer ont mis en
évidence l'existence de quatre profils Perreti-Wattel P., Hammer B.,
2006) :
> Le premier profil regroupe les enquêtés qui
estiment que les causes de l'effet de serre sont en grande partie dues aux
activités industrielles (centrales nucléaires, raffinerie de
pétrole) et qui sont plus souvent des femmes, moins
diplômées que le reste de l'échantillon et dont le conjoint
est agriculteur ou employé (32%).
> Le second ceux estiment qu'il y a peu ou pas de causes (3
0%).
> Le troisième profil réunit les
enquêtés qui estiment le plus souvent que toutes les causes
proposées contribuent beaucoup à l'émission de gaz
à effet de serre, sauf les centrales nucléaires. Les hommes, les
âges intermédiaires et surtout les diplômés sont
surreprésentés dans cette catégorie (2 8%).
> Le dernier profil correspond aux enquêtés qui
optent le plus souvent pour la non
réponse. Il s'agit en
général de femmes de personnes jeunes et peu
diplômées (10%).
Voici toujours selon de même sondage le pourcentage de
personnes pensant que qui pensent que les causes suivantes contribuent beaucoup
à l'effet de serre : raffinerie de pétrole 58%, bombes
aérosols 41%, avions 41%, centrales nucléaires 35%, voitures 34%,
chauffage au fioul 27%, réfrigérateur 9%, élevage de
bovins 10%.
4.1.2.3 Conséquences
Lorsque l'on demande aux personnes interrogées quels
sont selon eux les risques qui seront présent à l'avenir dans les
endroits où ils habitent, les réponses qui viennent en tête
sont le « risque d'une instabilité plus grande du climat »
(81% pensent que ce risque sera très ou assez important), le «
risque de tempête » (70%) et le « risque de vagues de canicules
plus nombreuses » (70%) (ADEME-RCB-ISL, 2002).
Pour 41% de la population ce sont avant tout les «
générations futures » qui auront à subir les
conséquences des problèmes d'environnement, pour 36% ce sont les
« hommes qui vivent aujourd'hui, et pour 6% seulement ce sont « les
autres espèces vivantes » (IFEN-EDFCREDOC, 2002). On peut qualifier
cette vision d'anthropocentrique : dans la réalité se sont les
autres espèces vivantes qui ont le plus souffert des premières
conséquences du changement climatique. De plus, le fait de penser que ce
sont davantage les générations futures qui seront victimes de la
dégradation de l'environnement, peut expliquer en partie l'attentisme
des personnes qui ne se sentent pas concernées directement.
4.1.3 Un problème d'information ?
Les Français sont parmi les Européens qui se
sentent le moins bien informés sur les questions liées à
l'environnement. Un peut moins d'un Français sur deux (46%) se sent bien
ou très bien informé sur ces questions, contre 78% chez les
danois. La France se situe ainsi en 23ème position sur
l'ensemble des 25 pays de l'UE (TNS Opinion & Social, 2005). Nous pouvons
noter sur ce point que :
Les hommes (57%) se disent mieux informés que les
femmes (51%) sur les questions environnementales.
Le niveau d'éducation et l'information sont,
logiquement, directement liés : 62% des personnes ayant
étudié jusqu'à l'âge de 20 ans au moins se disent
bien informées contre 46% des personnes n'ayant pas poursuivi leurs
études au-delà de l'âge de 15 ans.
Les citoyens européens qui disent qu'ils font souvent
des efforts pour prendre soin de l'environnement se sentent mieux
informés sur les questions environnementales : 63% contre 52% des
personnes qui disent qu'elles font parfois des efforts.
62% des Français aimeraient en connaître davantage
sur les solutions aux problèmes
d'environnement, seulement 17%
souhaiteraient en savoir davantage sur les problèmes
d'environnement eux même, enfin 17% indiquent qu'ils
souhaiteraient en savoir davantage à la fois sur les problèmes et
sur les solutions.
Lorsque l'on demande aux Européens quelles sont les
cinq questions pour lesquelles ils estiment manquer d'information, ils sont
seulement 26% à citer la question du changement climatique (22% des
Français) qui arrive donc en septième position alors qu'on l'a vu
le manque de connaissances sur le sujet est du à un manque
d'informations ! La question la plus citée par les Français est
celle de l'impact sur notre santé de produits chimiques utilisés
dans les produits de tous les jours.
Lorsque l'on demande aux français en qui ils font le
plus confiance à propos des questions environnementales, on constate que
ce sont les scientifiques qui viennent en tête suivis des associations
environnementales puis les associations de consommateurs. En revanche les
Français sont ceux qui accordent le moins de confiance dans les
informations véhiculées par la télévision.
Cependant, lorsque l'on demande aux Français de citer leurs trois
principales sources d'information sur l'environnement ce sont les «
journaux télévisés » (65%) qui arrivent en
tête, suivis par « les films et les reportages à la
télévision » (49%) puis par les journaux (47%) (TNS Opinion
& Social, 2005). On constate ainsi une certaine contradiction entre la
faible confiance accordée à la télévision sur ce
thème est le fait que ca soit la principale source d'information.
4.2 Intentions de comportements/comportements
déjà mis en oeuvre : cas du changement climatique
4.2.1 Quelles solutions au problème du changement
climatique ?
Les trois quarts des Français ont conscience qu'un
changement important de nos modes de vie
sera nécessaire pour empêcher l'augmentation de
l'effet de serre. Cette opinion domine les idées que le progrès
technique permettra de trouver des solutions pour empêcher l'augmentation
de l'effet de serre (12%), ou qu'il n'y a rien à faire, que le
réchauffement de l'atmosphère est inévitable
(ADEME-RCB-ISL, 2005).
On constate tout de même que les Français sont
relativement réticents à l'adoption de mesures
visant à
lutter contre l'effet de serre qui remettraient en question une liberté
(mesures
restrictives : seuls 53% sont favorables à abaisser la
limite sur route à 110 km/heure, 40% à
interdire la climatisation dans les voitures...), ils sont
davantage favorables à des mesures positives (qui ne remettent pas en
causes leur liberté, voir qui leur donne plus de droits par exemple le
fait de consentir des prêts à taux intéressants pour
acquérir des logements plus économes en énergie, 89%) ou
à celles qui ne touchent qu'une partie de la population (limiter la
vitesse des automobiles dès leur fabrication en usine (77%) ou encore
taxer les véhicules qui consomment beaucoup d'énergie
(63%))(ADEME-RCB-ISL, 2005).
Au niveau des comportements privés, on constate que ce
sont les économies d'énergie liées au transport
(utilisation des transports en commun, des voitures économes en
carburant) qui selon l'opinion sont le plus efficaces pour réduire les
émissions de gaz à effet de serre. L'efficacité d'une
meilleur isolation des logements est ici largement sous estimée.
Plus de la moitié des Français pensent que
l'augmentation d'une prise de conscience générale sur
l'environnement pourrait résoudre efficacement les problèmes
d'environnement (5 5%, soit 10 points de plus que la moyenne européenne)
(TNS Opinion & Social, 2005).
4.2.2 Quels sont les niveaux d'actions les plus
adaptés à la protection de l'environnement?
Les citoyens français pensent que c'est l'Union
européenne qui constitue le niveau le plus
approprié pour prendre des décisions pour
protéger l'environnement (3 7%), viennent ensuite les gouvernements
régionaux (34%, +12 points par rapport à la moyenne
européenne) (TNS Opinion & Social, 2005). Sur ce point nous n'avons
pas trouvé de données spécifiques à la lutte contre
le changement climatique.
4.2.3 Niveau individuel : quels sont les effort
consentis, quels sont ceux envisageables ?
Pour mesurer la capacité d'effort des français
à protéger l'environnement l'enquête « Les
Français et l'environnement : opinions et attitudes au
début 2002 » a proposé de mettre en évidence quels
seraient les sacrifices consentis pour protéger l'environnement à
partir de certains indicateurs. On obtient ainsi les résultats suivants
(IFEN-EDF-CREDOC, 2002):
- 44% de la population se dit prête à accepter un
ralentissement économique pour protéger l'environnement.
- 37% des personnes consentiraient à moins de confort
- 28 % accepteraient un niveau de vie plus faible - 8 %
admettraient une augmentation du chômage
La population, dans sa plus grande partie, n'est donc pas
prête à sacrifier les fruits de la croissance ni son confort
personnel et son niveau de vie pour la cause environnementale. 41% des
personnes interrogées refusent toute idée de sacrifice pour
préserver l'environnement alors que seulement 18% sont prêts
à consentir à tous ces sacrifices : la population est encore loin
de se montrer profondément motivée.
Il existe un lien entre la déclaration de
sensibilité aux problèmes d'environnement et le fait d'accepter
de faire des sacrifices pour le préserver. Par exemple 34% des personnes
qui se disent très sensibles aux problèmes d'environnement sont
prêtes à accepter un niveau de vie plus faible dans le but de le
protéger alors qu'elles ne sont que 17% chez les personnes qui se disent
peu ou pas du tout sensibles aux problèmes de l'environnement. Ceci est
valable pour les autres types de sacrifices. Mais il faut noter que ce lien
n'est pas systématique : alors que l'on a vu que neuf personnes sur dix
se déclarent « assez » ou « très sensibles aux
questions environnementales 62% seulement se disent prêt à payer
plus cher (10% de plus) des « produits verts » qui respectent
l'environnement. Parmi les personnes qui se disent prêtes à
acheter plus cher des produits préservant l'environnement seulement la
moitié d'entre elles (53%) a régulièrement acheté
en 2001 des produits issus de l'agriculture biologique. Là encore, on
voit que les déclarations ne correspondent pas aux comportements
effectifs.
Lorsque l'on demande aux Français les actions qu'ils
font ou seraient prêts à faire dans le but d'économiser de
l'énergie, on constate qu'une grande majorité déclare
déjà prendre des douches plutôt que des bains, trier ses
déchets et éteindre les appareils en veille. Une partie des non
négligeables des enquêtés déclarent qu'ils
pourraient facilement équiper leur logement en lampes basse consommation
et baisser la température de leurs logements de deux ou trois
degrés en hiver : ces changement de comportement pourraient constituer
des économies considérables d'énergie ! En revanche,
l'utilisation des transports en commun reste difficilement envisageable voir
impossible pour la moitié des enquêtés, alors qu'on l'a vu
plus haut elle est considérée comme la solution la plus efficace.
(ADEME-RCB-ISL, 2005)
Il serait intéressant ici de savoir pourquoi les
enquêtés ne peuvent pas se passer de leur voiture : réel
manque d'infrastructure, manque d'informations sur celle-ci, ou perte de
confort inenvisageable ?
Si l'on laisse les interviewés formuler librement les
actions ou comportements qu'ils seraient prêts à adopter, dans la
vie de tous les jours pour contribuer à éviter l'effet de serre,
on voit que les réponses qui arrivent en tête sont la limitation
de l'usage des voitures (pour les trajets courts...), le tri des
déchets, les économies d'énergie, l'utilisation de
voitures moins polluantes (GPL, électriques...), l'utilisation des
transports en commun, ne plus utiliser d'aérosols(ADEME-RCB-ISL,
2005).
Les données produites par l'ensemble de ces
enquêtes mettent donc en évidence l'existence d'écart entre
les déclarations générales et les comportements effectifs,
d'où l'importance d'insérer des questions permettant de
vérifier les déclarations.
Le tableau présenté sur la page suivante
résume les résultats de ces enquêtes qui nous semblent
significatifs dans le cadre de notre travail. Il est important de souligner que
la grande majorité des sondages que nous avons étudié font
appel à des questions fermées (excepté le questionnaire
sur « Les représentation sociales de l'effet de serre ») qui
ne permettent pas de saisir l'ensemble des logiques sociales et cognitives se
cachant derrière les résultats. La réalisation
d'entretiens qualitatifs, dans le cadre de notre recherche, nous a donc
semblé indispensable pour mettre en évidence ces processus
sociocognitifs.
Présentation des principaux résultats des
enquêtes officielles
Nom de l'enquête
|
Principaux résultats
|
|
·
|
Les Français paraissent moins préoccupés par
le changement climatique que la moyenne européenne
|
Sondage EUROBAROMETRE Spécial 217
|
·
|
Les Français sont parmi les européen qui se sentent
le moins bien informé vis-à-vis du changement climatique
|
"Attitudes des citoyens vis-à-vis
de l'environnement »
|
·
|
Les Français sont relativement optimisme face aux
problèmes environnementaux : plus de la moitié pense que
l'augmentation d'une prise de conscience permettrait de résoudre
efficacement les problèmes environnementaux.
|
|
·
|
Les problèmes environnementaux ne sont pas ceux qui
préoccupent les Français
|
|
·
|
La grande majorité des français se disent sensibles
aux problèmes d'écologie
|
Les français et l'environnement : opinions
et
|
·
|
La majorité des Français ne sont pas prêt
à sacrifier la croissance et leur confort personnel pour la cause
|
attitudes au début 2002
|
|
environnementale
|
|
·
|
Même s'il existe un lien entre sensibilité
environnementale et pratiques environnementales, on observe un décalage
entre les déclarations générales et les comportements
effectifs
|
|
·
|
Pour les Français le problème de l'effet de serre
n'est pas le problème d'environnement le plus important
|
|
·
|
Un quart des Français considère l'effet de serre
comme une hypothèse scientifiquement controversée
|
Enquête sur "Les représentations sociales
de
|
·
|
L'effet de serre est un phénomène mal compris
(mécanisme, causes, conséquences)
|
l'effet de serre"
|
·
|
Les Français ont conscience qu'un changement important de
nos modes de vie sera nécessaire pour lutter contre l'effet de serre
|
|
·
|
Les Français sont relativement réticents à
l'adoption de mesures visant à lutter contre l'effet de serre
|
PARTIE II ~
ANALYSE DE L'ECART
ENTRE SENSIBILITE ET
PRATIQUES
" Mon dieu, je me demande
vraiment pourquoi nous avons un temps pareil ! "
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
5 CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement climatique? Apport de l'approche
évolutive
Pourquoi l'accès à l'information sur le
problème du changement climatique n'entraîne t'elle pas une
modification en profondeur des comportements individuels ?
La question du changement climatique est pourtant devenu un
sujet « à la mode » dans les médias de masse
(télévision, presse grand public, radio) : selon une étude
de Martine Tabeaud portant sur l'année 2004-2005, le quotidien Le Monde
consacrait chaque semaine un à quatre article sur cette
thématique. Aujourd'hui il suffit de suivre les journaux
télévisés pour nous rendre compte que la thématique
est traitée quasi quotidiennement.
Nous allons voir dans ce troisième chapitre de quelle
manière la problématique sur le changement climatique fait appel
à des connaissances complexes, qui nécessitent un changement de
paradigme. Nous nous demanderons si l'information véhiculée par
les journaux télévisés permet la transmission de cette
connaissance complexe. Ceci nous amènera à voir que la
connaissance n'est pas forcement suffisante à l'adoption d'un
comportement favorable à la lutte contre le changement climatique.
5.1 La nature complexe de la problématique du
changement climatique : approche évolutive
Nous émettons ici l'hypothèse qu'un changement
de paradigme est nécessaire pour appréhender les questions
relatives au changement climatique. La vision mécaniste de la
réalité constitue, en effet, un obstacle à la
compréhension de cette problématique, nous allons voir
pourquoi.
5.1.1 Un nécessaire changement de paradigme.
Vision évolutive versus mécaniste; Vision complexe versus
réductionniste
Tout d'abord nous allons essayer de comprendre les enjeux du
passage d'une vision
mécanique à une vision évolutive.
En opposition à la vision atemporelle et
réductrice (chaque élément n'existe que de
manière
isolée) du monde proposé par le paradigme
mécaniste, la philosophie pragmatique propose
une vision
évolutive du monde qui permet d'intégrer les notions
d'évolution diachronique
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
(évolution des phénomènes dans le temps) et
synchronique (co-évolution des phénomènes : interaction
des éléments entre eux)1.
L'analyse des phénomènes dans la durée
rend compte de leur continuité et de leur évolution dans le
temps. Sans cette perspective qui met en évidence l'existence d'une
continuité temporelle, l'explication de problèmes à partir
des seuls éléments du présent peut se
révéler insuffisante pour leur compréhension. De
même, avoir une vision qui exclut le futur peut se révéler
problématique quand on essaye de comprendre des phénomènes
ayant des répercussions à long terme ou ayant une
temporalité différée entre causes et conséquences.
A l'opposé du paradigme mécaniste qui propose une vision atomiste
de la réalité, dans laquelle les éléments sont
compris et étudiés de manière isolée, de tout
environnement, l'approche évolutive propose une approche relationnelle,
caractérisée par la complexité des
phénomènes et de leurs interactions. La plupart des savoirs qui
sont mobilisés pour analyser des problèmes ont été
construit à partir d'une vision mécaniste de la
réalité qui sépare les savoirs en disciplines. Comme le
souligne Edgard Morin, célèbre pour ces écrits sur la
complexité, cette « pensée simplifiante » est
très problématique quand l'on s'intéresse à des
phénomènes globaux qui nécessite différents niveau
d'explication : « Il y a inéquation de plus en plus ample,
profonde et grave entre, d'une part, nos savoirs disjoints, morcelés,
compartimentés et, d'autre part, des réalités ou
problèmes de plus en plus polydisciplinaires, transversaux,
multidimensionnelles, transnationaux, globaux, planétaire »
(Morin, 2000, p.36). L'analyse de phénomènes globaux passe
donc par la mise en lumière des interactions et des
interdépendances qui existent entre plusieurs éléments.
Une approche évolutive permet cela notamment grâce à
l'utilisation d'outils d'analyse tels que l'approche systémique (analyse
qui envisage les éléments non pas isolément mais
globalement, en tant que partie intégrante d'un ensemble dont les
différents composants sont dans une relation de dépendance
réciproque2), ou celui de la causalité circulaire et
cumulative3.
Nous allons voir maintenant pourquoi ce changement de paradigme
nous apparaît indispensable pour aborder la problématique du
changement climatique.
1 Pascal Van Griethuysen, Une vision évolutive
des relations entre nature, science et société, extrait de Pour
une approche évolutive de la précaution, Revue européenne
des sciences sociales, 62, p.36-50.
2 Cf. définition de l'analyse systémique
Le Petit Larousse 2007.
3 Rolf Stepacher, Le paradigme des
interdépendances circulaires à l'intérieur d'un
système de causation cumulative.
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
5.1.2 Pourquoi un changement de paradigme est il
nécessaire à la compréhension du processus du changement
climatique ?
« On peut dire que ce qui est complexe relève
d'une part de monde empirique, de l'incertitude, de l'incapacité
d'être certain de tout, de formuler une loi, de concevoir un ordre absolu
». (Morin, 2005, p.10)
Par sa nature même le problème du changement
climatique fait appel à :
> Des phénomènes physiques complexes,
difficiles à comprendre pour des non spécialistes (la "science
des changements climatiques" fait elle même référence
à différentes disciplines très "pointues"). De plus, le
changement climatique est caractérisé par l'incertitude quant aux
causes et surtout quant aux conséquences qu'il implique. Même si
la communauté scientifique s'accorde sur le fait de reconnaître la
part anthropique des changements climatiques, il est impossible d'en donner un
pourcentage exact à l'intérieur du changement climatique «
naturel ». De même que les modélisations
réalisées pour mesurer les conséquences comportent une
certaine marge d'erreur. Cette gestion de l'incertitude apparaît
impossible à travers le paradigme mécaniste dans lequel les
sciences « exactes » avaient réponse à tout. Seule une
approche favorisant la gestion des incertitudes permettra de considérer
la problématique du changement climatique dans toute sa
complexité car « connaître et penser, ce n'est pas arriver
à une vérité absolument certaine, c'est dialoguer avec
l'incertitude » (Morin, 1999, p.66).
> Des systèmes d'interactions complexes entre
l'Homme et le système climatique. Il s'agit là de comprendre par
quels mécanismes l'Homme contribue au changement climatique. Nous
pouvons représenter cette interaction Homme/changement climatique en
utilisant le système de causalité circulaire suivant :
Emissions de gaz à effet de serre
Principalement
CO2, CH4, N2O
HFC
ACTIVITEES
HUMAINES
Causalité
circulaire
entre
activités
anthropique
et
changement
climatique
BOULEVERSEMENT
DU
SYSTÈME
NATUREL
DE
RÉGULATION
DU
CLIMAT
Changement des condition de vie sur Terre
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
S'il est aujourd'hui communément accepté que la
nature anthropique du changement climatique, se fait via l'émission de
gaz à effet de serre dans l'atmosphère, un autre degré de
complexité intervient lorsque l'on essaye d'identifier d'où
proviennent ces émissions de gaz à effet de serre. Il nous semble
particulièrement intéressant d'analyser ces émissions
à l'échelle des ménages. Les émissions sont le plus
souvent identifiées grâce à des catégories
générales (énergie, industrie, agriculture...) qui ne
permettent pas à l'individu de mesurer sa responsabilité dans le
total des émissions. Or nous l'avons vu dans le Chapitre I, il est
possible de représenter de manière graphique les émissions
de CO2 par ménage. Ce type d'exercice permet de se rendre compte que la
plupart des activités domestiques contribuent au changement climatique
(on croit souvent qu'au niveau individuel il n'est possible d'agir que sur les
transports, or ce graphique nous montre que nos choix d'alimentation et plus
généralement de consommation ont un impact tout aussi important).
La compréhension des impacts des comportements individuels dans
l'émission de gaz à effet de serre sous entend donc le fait
d'intégrer une logique par secteur. Nous pouvons d'ailleurs constater
que la logique de comportement est différente selon les secteurs,
autrement dit une personne faisant des efforts, par exemple dans l'usage de
l'énergie au niveau des transport (utilisation de transport en
communs...) n'en fera peut être pas du tout quant aux économies
d'énergie au niveau de l'habitat. Il s'avère en effet difficile
d'avoir un comportement cohérent sur l'ensemble des actions qui ont un
impact sur le changement climatique. On peut par exemple faire preuve de bonne
volonté en achetant toute l'année des produits issus de
l'agriculture biologique, en faisant des économies d'énergie au
niveau de l'habitat mais un seul voyage en avion à l'autre bout de la
planète laissera ces efforts insignifiants si l'on résonne en
quantité de CO2 évité.
> Une temporalité longue et différée.
En effet, seule une vision à long terme dans le passé comme dans
le futur permet de se rendre compte avec quelle rapidité se font ces
bouleversements anthropiques du climat. Une vision tournée vers l'avenir
permet d'envisager les conséquences dont les principaux coûts
seront à supporter par les générations futures.
> Une analyse à échelle planétaire. Il
est difficile d'appréhender le fait que c'est le système Terre
qui est touché dans sa totalité, que les conséquences de
ce bouleversement se feront ressentir de manière différente selon
la situation géographique dans laquelle l'on se trouve, et ceci
indépendamment de la responsabilité dans les émissions de
CO2. Jusqu'à maintenant les problèmes
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
écologiques auxquels l'on devait faire face
étaient le plus souvent de nature locale et donc plus facilement
analysables car les causes et conséquences étaient visibles
à la même échelle. Il est donc nécessaire pour
comprendre la problématique du changement climatique de raisonner
à partir d'une échelle globale.
Adopter une vision complexe s'avère donc indispensable
pour comprendre les causes, les conséquences, et les enjeux de l'action
anthropique sur le climat. Toute simplification peut s'avérer
problématique : « Essayer de simplifier ce qui, par nature, n'est
pas simple, risque d'aggraver la confusion et les malentendus et, en fin de
compte, de nuire à la crédibilité »1.
Les principaux vecteurs actuels de la connaissance
(système scolaire et médias de masse) permettent ils cette vision
de la complexité de la problématique du changement climatique ?
Si nous nous référons aux travaux menés en science de
l'éducation il apparaît que le système scolaire actuel ne
permet pas la gestion de la complexité2. Nous avons dans ce
travail décidé de nous concentrer sur l'approche proposée
par les médias (les travaux étant beaucoup moins nombreux sur
cette thématique que ceux sur les systèmes scolaires). Nous nous
sommes demandé, si le traitement de l'information sur le changement
climatique par les médias, permettait la gestion de la complexité
inhérente à cette problématique.
5.2 Le traitement du changement climatique par les
médias
« L ''information sur le changement climatique est
incomplète à la télévision; la
méconnaissance du grand public sur les causes et conséquences de
ce phénomène empêche la mobilisation des citoyens ; nous,
citoyens, ne faisons pas le lien entre notre mode de vie et les
conséquences sur le changement climatique, d'où notre absence de
responsabilisation »3
Nous avons choisi de nous intéresser à la
diffusion de l'information relative au changement
climatique par les
journaux télévisés4, car ce sont chaque soir,
plus de quinze millions de
spectateurs qui suivent ce que Michel Serres,
philosophe français, nommait "la prière de
1 UNESCO (1997) Eduquer pour un Avenir Viable : une
vision transdisciplinaire pour l'action concertée, Conférence
Internationale, Thessalonique, èd.Unesco et le Gouvernement de la
Grèce, p.22.
2 Cf. travaux d'Edgar Morin, Francine Pellaud.
3 Extrait du rapport officiel du panel de citoyens
suite à la conférence de citoyens « changements climatiques
et citoyenneté », 9 et 10 février 2002, visualisé le
15/01/07 sur :
http://www.ecologie.gouv.fr/IMG/pdf/20020221-rapport-citoyens-cht-climatique.pdf
4
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
l'Occident", soit six fois plus que la totalité des
lecteurs de quotidiens nationaux et des auditeurs d radios1.
De quelle manière l'information y est-elle
abordée, et quels problèmes cela pose t-il? Répondre
à ces questions nous aidera à mieux comprendre d'où vient
le problème de connaissance des français face au changement
climatique que nous avons relevé dans le chapitre
précédant.
5.2.1 La difficulté à transmettre un sujet
complexe : l'exigence de rapidité
Pour rester accrocheurs, les journaux
télévisés se sont eux aussi engagés dans la course
du "toujours plus, toujours plus vite". Ainsi sont traités, dans chaque
journal télévisé, une vingtaine de sujet en seulement
quarante minutes2. Peut-on aborder la thématique du
changement climatique dans des délais si cours ? La diffusion quasi
quotidienne de sujets directement ou indirectement liés à la
problématique du changement climatique démontre, que
l'expérience n'est pas impossible. La question est alors de savoir
comment la problématique est traitée, quels sont les aspects
abordés, avec quels degrés de complexité. S'il est
évident, qu'à travers un sujet de deux minutes, il parait
impossible de faire le tour de la question du changement climatique, un sujet
bien fait peut tout de même apporter des informations clés
à la compréhension de la problématique. De même si
aucun effort de clarification n'est fait cela peut s'avérer au contraire
très confus, voir compromettre radicalement la compréhension de
ce phénomène complexe. Pour expliciter cela nous avons pris
l'exemple du traitement de l'information relative à la réunion du
GIEC3 (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution
du climat), dans des journaux télévisé de vingt heure sur
TF1 et France 2.
Le journal de TF1 est ouvert par la présentatrice qui
annonce que se tient ces jours ci une « réunion très
importante sur les problèmes d'environnement et de changement climatique
». Elle poursuit en disant que «le développement
économique et le travail de l'Homme, tout cela à des
conséquences indéniables sur le réchauffement de la
planète ». Arrive l'interview d'un
1 Chiffres cités dans Jean-Claude Renard «
Un autre journal télé est-il possible ? » visualisé
le 15/01/2007 sur:
http://www.politis.fr/article774.html
2 Ces données sont tiré de l'article
« toujours plus court... » visualisé le 10/01/2007sur:
http://www.monde-diplomatique.fr/2005/12/ENDEWELD/13035
Nous parlons ici des JT de France 2 et TF1 qui sont ceux qui
récoltent le plus d'audimat en France
3 Ce rassemblement du GIEC a réuni du 27
janvier au 2 février plus de 500 expert du Climat à Paris
(UNESCO) pour valider le résumé à l'intention des
décideurs du 4 ème rapport d'évaluation.
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
scientifique participant à la réunion du GIEC
qui mène des travaux de recherche dans l'analyse des couches glaciaires,
son intervention se limite à la phrase suivante : « On a
constaté dans le passé des variations extrêmement rapides
de l'ordre de plus dix degrés en quelques décennies. Cela nous
amène à nous poser la question sur la stabilité du climat
et son évolution future ». Suite à cette interview le
correspondant termine le sujet en affirmant que le groupe d'expert sur le
climat établi « un lien de plus en plus probable entre le
réchauffement climatique et les activités humaine ».
Nous nous rendons compte, qu'un sujet tel que celui-ci, ne permet pas un
traitement de l'information, et bien au contraire renforce
l'incompréhension du phénomène qui serait dû aux
« activités économique » et au « travail de
l'homme » (il n'est pas fait référence aux émissions
de gaz à effet de serre). A cela s'ajoute le choix inapproprié du
passage de l'intervention du scientifique, qui peut largement laisser sous
entendre, que de tels bouleversements climatiques ont déjà eu
lieu, et que celui que nous vivons aujourd'hui peut être d'origine
naturel. Le doute quand à l'origine anthropique du changement climatique
persiste donc, et il est renforcé par la dernière phrase du
correspondant. Le lendemain le journal télévisé de France
2 proposait également un sujet sur la réunion du GIEC, et plus
généralement sur le changement climatique dans lequel l'approche
est radicalement différente. Il est clairement exprimé que les
scientifiques s'accordent sur « deux certitudes : oui il y à
réchauffement climatique, oui l'homme en est responsable ».
Cette information est suivie d'un documentaire présentant
l'évolution des émissions de gaz à effet de serre, leur
provenance par secteur d'activité, le fonctionnement de l'effet de
serre, tout en s'appuyant sur des schémas et graphiques. Un effort a
donc été effectué quand à la vulgarisation de
l'information tout en gardant essayant de présenter les grandes
interrelations (Homme/gaz à effet de serre/changement climatique).
Notre but ici n'est pas de juger la qualité d'un
journal télévisé par rapport à l'autre, mais bien
de montrer que le traitement de la même information peut se faire de
manière radicalement différente. Dans les deux cas, nous voyons
que l'exigence de rapidité est incompatible avec une approche complexe
du problème. Nous pouvons aussi nous interroger sur la place
occupée par le sujet sur le changement climatique au sein de la
vingtaine de sujets traités dans un journal
télévisé. En effet, on peut penser que l'ordre de
traitement des sujets peut avoir une importance non négligeable dans
leur "assimilation" par le téléspectateur. On peut se demander
ainsi lequel des sujets sur le changement climatique ou celui de la
"disparition du petit Julien" va le plus marquer le
téléspectateur. Nous n'avons pas trouvé sur ce point des
travaux qui permettrai une quelconque conclusion. Mais si l'on émet
l'hypothèse que le
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
téléspectateur est davantage sensible aux sujets
contenant une part d'affectif, alors le changement climatique risque
d'être oublié en quelques secondes. Le traitement du sujet du
changement climatique exige donc chez les journalistes d'être rigoureux
quant au contenu scientifique de l'information, tout en faisant preuve d'effort
de vulgarisation d'une information scientifique: « [...] le
problème des changements climatiques constitue un thème qui
cumule les possibilités de confusion et de malentendus, et face au
journaliste, le chercheur n'est pas sans ressentir quelque inquiétude
»1.
Il apparaît tout aussi important de souligner que,
très peu des sujets traités lors des journaux
télévisés, mettent en évidence lesquelles de nos
actions quotidiennes participent à l'émission de gaz à
effet de serre. Ceci peut expliquer en partie l'absence d'une prise de
conscience de responsabilité personnelle chez l'individu, et donc une
absence de changement de comportement. Nous allons tenter d'expliquer cette
absence de remise en cause des comportements individuels dans les journaux
télévisés.
5.2.2 La difficulté à aborder la question
du changement des comportements : le filtre sélectif des
médias
Si l'on analyse l'approche faite de la problématique du
changement climatique dans les journaux télévisés, nous
constatons que la question des comportements individuels est rarement
évoquée. La plupart des sujets sont consacrés à
l'étude des conséquences du changement climatique (sujet sur la
faune et la flore qui sont menacés...). Le tableau suivant montre ainsi
qu'en 2005, la part des visuels2 consacrés au traitement des
conséquences du changement climatique dans les journaux
télévisés de TF1 et France 2 est nettement
supérieure à celle consacré aux causes du
phénomène.
Evolution des visuels consacrés aux causes et aux
conséquences du changement climatique :
Sur les deux chaînes
|
1997
|
2005
|
Evolution
|
Visuels conséquences
|
26.7%
|
43%
|
+ 20.3 pts
|
Visuels causes
|
37.1%
|
23.4%
|
- 13.7 pts
|
Base
|
105
|
389
|
|
1 «Effet de serre, changement climatique et
perception médiatique» visualisé le 15/01/07 sur:
http://www.cnrs.fr/Cnrspresse/n394/html/n394a16.htm
2 Les catégories `visuels
conséquences' regroupe entre autres toutes les images liées
à la nature (soleil, tempêtes, inondations, fonte des glaces,
infographies liées aux conséquences, etc.) ; et la
catégorie visuel causes agglomère les images relatives aux
émetteurs (voiture, usines, habitats privées, images de ville et
urbanisme, etc.).
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
J. B. Comby1 De plus lorsque les causes sont
traitées, c'est majoritairement grâce à une analyse qui
part des émissions de gaz à effet de serre par pays, ou bien par
secteur d'activité. Pourquoi la responsabilité individuelle est
elle beaucoup moins abordée? Nous pouvons émettre ici
l'hypothèse que, étant donné le fait que les chaînes
de télévisions sont principalement financées par la
publicité, elles n'ont pas une liberté totale quand à la
manière d'aborder cette problématique. De façon plus
générale on voit que parler de la diminution de la consommation
reste encore tabou à la télévision. On
préfèrera aborder le problème en discutant des
potentialités des nouvelles technologies, des économies
d'énergie qui pourrait être réalisées... mais le
mode de vie occidental dans son ensemble n'est jamais remis en question. Si
l'on prend l'exemple de la relation économie/changement climatique on
peut constater que les journaux télévisés traitent le
changement climatique comme un problème pour l'économie (on peut
citer l'exemple des sujets sur le manque à gagner de certaines stations
de ski cette saison) alors qu'il serait tout aussi nécessaire d'inverser
la perspective afin de voir comment notre système économique est
un problème dans la lutte contre le changement climatique.
5.2.3 La difficulté à aborder le long terme
l'incertain, l'invisible: Le sensationnel ou besoin
d'actualité
Comme les banlieues n'existent que lorsqu'elles s'enflamment,
le changement climatique n'existe que lorsque se tiennent des
conférences internationales, ou aujourd'hui lorsque les
conséquences s'en font ressentir (tempêtes, manque
d'enneigement...). Le choix des sujets abordés dans les journaux
télévisés est en grande partie fonction de leur "pouvoir
sensationnel". Un sujet étant à la fois "percutant", pouvant
être illustré par des images chocs, en lien avec
l'actualité, concernant l'échelle locale, aura toutes les chances
de se voir attribuer une place dans le journal télévisé.
Ceci explique pourquoi le changement climatique est abordé soit à
partir de l'actualité des grandes conférences (protocole de
Kyoto, réunion du GIEC) soit à partir de conséquence
"tragique" (la mort par noyade d'un ours). Il est difficile pour les journaux
télévisé de concilier la lenteur avec laquelle se font
ressentir les conséquences du changement climatique et cette exigence de
sensationnel. Le graphique
1 COMBY J.B., (25 et 26 juin). « Contribution
à une sociologie de la construction politique et médiatique des
enjeux liés au changement climatique », Toulouse, Actes du colloque
Environnement et Politiques CR23 AISL et CERTOP-CNRS, 325-336.
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
suivant illustre ce « besoin d'actualité » qui
conditionne le traitement de la question du changement climatique dans les
journaux télévisés.
20
18
16
14
12
10
4
8
6
2
0
Conférence de Kyoto
La médiatisation du changement climatique dans les 2T de
TF1 et F2
Sommet deLaHaye
Sommet de Johannesburg
Canicule
entrée en vigueur du protocole de Kyoto
Katrina + conférence de Montréal
J. B. Comby1
En outre, aborder la complexité du problème
nécessiterait un raisonnement à long terme sur des faits pas
encore tous visibles, et irait donc contre cette politique des journaux
télévisé (nous n'avons pas d'images des changements
futurs). De plus, nous pouvons penser que le catastrophisme paniquant ou
naïf alimenté les médias à propos d'autres sujets
(attentats du 11 septembre, crise de la vache folle, de la grippe aviaire...) a
habitué les spectateurs à l'annonce d'une "fin du monde", ce qui
les rends aujourd'hui beaucoup plus passif devant l'annonce des potentielles
conséquences du changement climatique. Or, on sait que tout comme
l'espérance, la peur est nécessaire au passage à l'action:
"L'espérance est une condition du tout agir puisqu'il
présuppose qu'il est possible d'aboutir à quelque chose et qu'il
parie de le faire dans le cas présent"[...] "celle (la peur) qui invite
à agir [ ...] qui dans un cas déterminé motive quelqu'un
à la faire sienne comme sa propre crainte et à la transformer en
devoir d'agir [ ...] " (Jonas, 1990, p.421) Encore aujourd'hui les
médias accordent une importance démesurée à la
capacité de la technologie à résoudre le problème
(sujets sur les biocarburants, sur le stockage de C02...), a travers des sujets
certes plus « croustillants » que des explications plus complexes sur
la perturbation du cycle du carbone.
1 COMBY J.B., (25 et 26 juin). « Contribution
à une sociologie de la construction politique et médiatique des
enjeux liés au changement climatique », Toulouse, Actes du colloque
Environnement et Politiques CR23 AISL et CERTOP-CNRS, 325-336.
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
Nous voyons donc que certaines exigences propres aux journaux
télévisés et de manière plus générale
aux médias posent problème dans la transmission de l'information
sur le changement climatique. Tout comme celui du système scolaire, le
fonctionnement des médias reste problématique quand il s'agit de
transmettre des d'informations complexes. Cependant, il semblerait que de plus
en plus d'effort soient fait dans la vulgarisation de ces informations
(clarté de la présentation, schémas explicatifs,
illustrations par des exemples concrets...). Mais la transmission d'une
information suffit elle à son assimilation sous forme de connaissance?
Nous allons tenter de répondre à cette question dans la suite de
ce travail.
5.3 Information, connaissance et action
L'individu qui reçoit une information sur le changement
climatique, par exemple grâce aux journaux
télévisés, va-t-il la transformer obligatoirement en
connaissance? La connaissance de la problématique du changement
climatique est-elle le seul facteur pourrait influencer l'adoption d'un
comportement en faveur de la lutte contre le changement climatique?
5.3.1 De l'information à la
connaissance
Une première chose est la transmission de
l'information, et comme nous l'avons vu celle-ci peut s'avérer difficile
dans le cas du changement climatique, une deuxième étape est la
transformation de cette information en connaissance. Assimilons-nous toutes les
informations que nous recevons? Bien évidement non:« il est
illusoire de croire que « montrer », voire « démontrer
», « expliquer », « faire lire » ou « projeter
» grâce à l'une des multiples possibilités qu'offrent
les nouvelles technologies suffit pour que l'apprenant, enfant ou adulte,
s'approprie réellement un savoir »1.
Nos connaissances préalables, sont parfois des
obstacles à « l'assimilation » de nouvelles
informations:"[...] toute nouvelle information est confronté au
réseau de conceptions de l'individu qui va l'accepter ou pas : apprendre
c'est transformer ses conceptions "2. Comme l'explique
André Giordan l'information reçue par un individu va être
confrontée à son réseau de conceptions, autrement dit son
système de penser, avant d'être soit assimilée, soit
déformée, soit rejetée. Le réseau de conceptions
correspond à notre manière de raisonner, de percevoir le monde,
tout ce qui nous à construit: notre environnement affectif et
familial,
1 Francine Pellaud, «Le développement durable : d'un
concept complexe à la vie quotidienne », Les sciences de
l'éducation pour l'ère nouvelle, vol. 35, janvier 2002, p.4.
2 André Giordan, Apprendre! Berlin, (1998)
2002.
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
naturel et géographique, religieux ou mystique,
philosophique et politique, professionnel, notre réseau de
référence (notions, concepts, valeurs), nos modes de
raisonnements implicites (paradigmes, modèles) ou explicites
(logico-mathèmatiques), notre réseau sémantique
(production de sens), enfin les signifiants que nous utilisons (linguistiques,
iconiques, symboliques)1. Les réseaux de conceptions
préalables agissent donc comme un « filtre réducteur »:
une nouvelle information reçut pourra soit être rejetée,
soit déformée, ou bien elle permettra la transformation des
conceptions ce qui aboutira à la construction d'une nouvelle grille
d'analyse (filtre réducteur) à partir duquel seront
analysées les prochaines informations que recevra l'individu. Dans cette
optique, il est aisément compréhensible qu'un bon nombre
d'individus qui reçoivent des informations sur le changement climatique
par le biais des journaux télévisés, ne transforment pas
celle-ci en connaissance (dans le cas ou par exemple leur grille d'analyse est
en partie constitué par la croyance en la capacité du
progrès technologique à résoudre tout les
problèmes).
La transformation d'une information en connaissance, dans le
cas où les conceptions préalables ne sont pas favorables à
cette information, passe par la déconstruction de ces conceptions.
Autrement dit, si un individu assimile le changement climatique à la
seule hausse des températures, il ne comprendra pas l'information
donnée par le journal télévisé à propos du
lien entre les inondations à répétition et le changement
climatique. Pour que cet individu comprenne le lien entre le
phénomène d'inondation et celui du réchauffement
climatique, il faudrait l'amener devant les limites de son raisonnement et lui
en proposer un autre qui lui
1 Francine Pellaud,Richard-Emmanuel Eastes,
André Giordan, « Un modèle pour comprendre l'apprendre : Le
modèle allostérique », Gymnasium Helveticum, janvier
2005.
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
paraisse plus adéquat
(déconstruction-reconstruction). On voit bien ici la difficulté
que peut rencontrer un média pour stimuler ce processus de
déconstruction-reconstruction: un journal télévisé
est suivi par des individus ayant tous des systèmes de conceptions
uniques. Cependant, une étude des conceptions relatives au changement
climatique nous permettrai peut être de dégager des grandes
catégories de conceptions, et ainsi de cibler les informations
nécessaires à la déconstruction de celles qui
s'avèrent fausse.
« L'information ne suffit pas pour modifier un comportement.
La dynamique de groupe est importante, comme celle de l'apprentissage : changer
c'est apprendre »
5.3.2 Les différentes formes de connaissance
nécessaire à l'action
Une recherche en psychologie sociale menée par Florian
G. Kaiser et Urs Kurher1 met en évidence que ce n'est pas la
masse de connaissance qui détermine le comportement, mais l'interaction
entre différentes formes de connaissance : « Before someone can
act, he or she must know how things should be, and what can be done. While the
first form of knowledge is composed of declarative environmental knowledge, the
second consists of procedural (i.e. action-related) knowledge. The third form
of knowledge, effectiveness knowledge, is particularly relevant when behavior
is instrumental in optimising a person 's cost-benefit ratio
»2 . Prenons l'exemple de l'utilisation de la voiture en
lien avec le changement climatique: une forme de connaissance abstraite du
système (declarative knowledge) sera la connaissance du lien entre les
émissions de CO2 dû à l'utilisation de la voiture, l'effet
de serre, et le changement climatique. Le savoir agir proche de la pratique
(procedural knowledge) s'illustrera par la décision d'utiliser moins la
voiture. Enfin, les connaissances en matière d'efficience (effectiveness
knowledge) pourraient être la capacité à choisir de se
déplacer grâce aux transports en communs, ou grâce à
une voiture roulant au biogaz, à partir de l'évaluation en termes
d'efficience écologique de ces deux moyens de transport.
Cependant, nous pensons que dans certains cas, la
présence d'une, voire de toutes ces formes de connaissance, ne suffisent
pas à l'adoption d'un comportement écologique, en l'occurrence
d'un comportement favorable à la lutte contre le changement
climatique.
1 F. G. Kaiser, «Ecological Behavior's Dependency
on Different Forms of Knowledge», Applied Psychology: An international
review», 2003, 52 (4), 598-613
2 Ibid., p.600
PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance
comme moyen de lutte contre le changement
climatique? Apport de l'approche
évolutive
5.3.3 La connaissance un facteur nécessaire mais
non suffisant pour l'action
Pourquoi un individu qui à des éléments
de connaissance complexe à propos de la problématique du
changement climatique (declarative, procedural, effectiveness), et qui à
donc connaissance des risques encourus, n'adopte-t-il pas un comportement en
faveur de la lutte contre le changement climatique ?
« [...] apprendre à raisonner avec la
complexité, comprendre les enjeux du développement durable et la
place que chaque individu occupe dans la réussite de ce processus ne
sont pas des garanties pour un passage à l'action
»1.
Il semblerait que la connaissance ne soit pas le seul facteur
influençant l'adoption d'un comportement favorable à la lutte
contre le changement climatique.
J. J. Wittezeale souligne même que si nous attachons
dans notre culture beaucoup d'importance à la prise de conscience
celle-ci suit en général, le changement de comportement
plutôt que de le précéder. De plus une étude
menée par le CRIOC sur les « Logiques d'attitudes et de
comportements à l'égard de la consommation d'énergie
» a démontré qu'il n'existait pas de lien univoque entre le
niveau d'information et un comportement favorable aux économies
d'énergie.
C'est dans le but de la mise en évidence de l'existence
d'autres facteurs influençant les comportements que nous nous somme
intéressé aux théories du comportement et à celles
de la motivation.
1 Francine Pellaud, «Le développement
durable : d'un concept complexe à la vie quotidienne », Les
sciences de l'éducation pour l'ère nouvelle, vol. 35, janvier
2002, p.5
6 CHAPITRE IV : Théories du changement de
comportement et de la motivation
Nous venons de voir que la connaissance n'est pas un facteur
suffisant pour comprendre nos comportements face au changement climatique :
quels sont les autres facteurs qui influencent nos motivations et donc nos
comportements face à ce phénomène ? Ce chapitre à
pour but de donner quelques apports théoriques qui nous permettront par
la suite de mettre en évidence les obstacles aux changements de
pratiques en faveur de la lutte contre le changement climatique. Nous allons
donc nous intéresser aux théories qui permettent de comprendre
comment se forment nos comportements : théorie du comportement, de la
motivation et du changement de comportement.
6.1 Théories du comportement
Voici une définition commune du terme comportement :
« Manière de se comporter, de se conduire ; ensemble des
réactions d'un individu ; conduite. Ensemble des réactions,
observables objectivement, d'un organisme qui agit en réponses aux
stimulations venues de son milieu intérieur ou du milieu
extérieur »1. Ce qui nous intéresse ici est
donc de mettre en évidence quelles sont ces « stimulations ».
La conduite humaine étant un phénomène complexe nous
savons que ces stimulations peuvent revêtir des formes très
différentes :
« La conduite a une forme concrète
extérieure, directement observable, mais cette forme externe se rattache
d'une manière complexe, d'une part, à tous les
éléments de la situation dans laquelle elle prend un sens final
et aussi à des éléments intrasubjectifs des niveaux
biologiques, affectifs, social et culturel qui interviennent, ceci en
interaction, pour donner différentes significations dont
l'intégration donnera le sens final. Car, le sens final, il ne faut pas
l'oublier, est un construit, c'est-à-dire quelque chose qui
résulte de la rencontre d'éléments divers provenant de
l'acteur lui- même comme de la situation » (MUCHIELLI, 2006 (1981),
p.16-17).
Les comportements se forment donc à divers niveaux,
à partir d'éléments internes à l'individu ou
extérieurs à lui. Nous parlons ici de différents niveaux
(internes/externes) mais il est important de rappeler les liens qu'ils
entretiennent entre eux. Nous pouvons pour cela nous référer au
principe de la causalité circulaire et cumulative. Ainsi, les
éléments que l'on pourrait croire interne à l'individu
peuvent être des éléments sociaux internalisés. Par
exemple un besoin aussi naturel que celui de manger est socialement
conditionné, ce qui explique
1 Définition issue du dictionnaire Larousse
l'habitude des Français de manger plus de viande qu'il
n'est nécessaire. De même chaque individu a une influence sur son
milieu. Il peut ainsi influencer le groupe en exposant ses valeurs
personnelles.
Une autre piste pour comprendre les origines des comportements
humains est à chercher du coté de l'étude des facteurs qui
motivent les comportements. C'est dans ce sens que nous nous sommes
intéressés aux théories de la motivation.
6.2 Théories de la motivation
6.2.1 Tentative de définition
Les définitions suivantes nous aident à mieux
cerner ce que nous entendons par le concept de motivation :
« Ensemble des motifs qui expliquent un acte,
processus physiologique et psychologique responsable du déclenchement,
de la poursuite et de la cessation d'un comportement » (Dictionnaire
Larousse)
« Le concept de motivation représente le
construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces
internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction,
l'intensité et la persistance du comportement ». (Vallerand,
1993)
« Un besoin ou un désir qui sert à
dynamiser le comportement ou à l'orienter vers un but ». (Myers,
1998)
« Des stimuli externes perçus comme pouvant
assouvir un besoin suscitent et dirigent des comportements ». (C.Hull,
1943)
A la lecture de ces définitions, nous pouvons nous
rendre compte que le concept de motivation est un concept complexe qui fait
référence à de nombreuses théories. Chaque
théorie de la motivation apportant sa propre définition du
concept. Le but ici n'est pas ici de présenter et de départager
l'ensemble des théories de la motivation mais d'en donner un
aperçu global afin de mettre en évidence les facteurs
déterminant de la motivation. Pour ce faire, nous nous sommes
principalement référés à l'ouvrage de F.
Fenouillet, La Motivation, qui nous semblait avoir l'avantage de
présenter ces théories de manière synthétique.
6.2.2 Les différents types de motivations :
classifications
La conduite humaine possède différents niveaux de
profondeur, et les moteurs de ces
conduites ne sont pas uniques. On ne peut
que très rarement faire référence à une cause
directe déterminant une conduite1. Une chose
est certaine, nous n'agissons pas par hasard mais suivant des motivations. Ces
motivations peuvent se trouver au niveau de l'inconscient (par exemple
j'enlève ma main d'un objet brûlant) ou du conscient (je suis
conscient que je vais au travailler tous les matins dans le but d'avoir un
salaire). Elles peuvent être rationnelles ou irrationnelles.
Une distinction qui nous est apparue intéressante
à relever pour la suite de notre analyse (Chapitre V), est celle faite
entre les motivations dites intrinsèques et les motivations dites
extrinsèques. Une motivation est « intrinsèque » quand
elle est déterminée par le plaisir et le sentiment d'autonomie.
Le comportement est dans ce cas motivé uniquement par
l'intérêt et le plaisir que le sujet trouve dans la pratique de
l'activité, sans attendre de récompense extrinsèques
à l'activité ni à chercher à éviter un
quelconque sentiment de culpabilité. On dit d'une motivation qu'elle est
extrinsèque quand une personne n'est pas essentiellement
intéressée par l'activité en soi. Dans ce deuxième
cas de figure, le sujet agit dans l'intention d'obtenir une conséquence
qui se trouve en dehors de l'activité même. Le sujet cherche par
exemple à recevoir une récompense à éviter de se
sentir coupable, à gagner l'approbation...
« Une activité qui est pratiquée pour
elle-même, pour son contenu est dite intrinsèquement
motivée, tandis qu'une activité qui est pratiquée pour ses
effets est dite extrinsèquement motivée
»2.
Outre ces quelques classifications, nous avons
décidé de nous intéresser de manière plus
approfondie aux sources de motivations, c'est-à-dire aux
éléments qui vont avoir une influence sur la motivation et donc
sur les pratiques individuelles. En effet, la mise en évidence de ces
éléments, nous permettra ensuite de répondre de
manière plus précise à la question : quels sont les
éléments qui influencent nos actions face au changement
climatique ?
Nous avons choisi de regrouper les différentes sources
de motivation sous forme de quatre catégories qui mettent en
évidence les différents niveaux entrant en jeux dans la formation
des comportements : le niveau biologique, le niveau affectif, le niveau
socioculturel et celui des contraintes externes (normes sociales et variables
situationnelles). Il est important de noter qu'une même motivation peut
résulter d'une combinaison de sources.
1 Cf. principe de la causalité circulaire.
2 Piche S., « Précurseurs motivationnels
des performances sportives et scolaire », Université de Laval,
2003.
6.2.2.1 Niveau biologique (besoins et instincts)
:
Une première approche des sources de motivation est
celle des conceptions innéistes et biologiques des motivations. Ces
approches reposent principalement sur deux concepts celui de besoins et celui
d'instinct. L'accent est mit sur les facteurs internes inscris dès la
naissance dans l'individu. Nous allons redéfinir ces concepts et voir de
quelle manière ils peuvent influencer les motivations.
> Les instincts :
« Un comportement instinctif est donc un comportement
relativement stéréotypé, commun à toute une
espèce animale susceptible d'une faible adaptation sinon d'aucune, et
qui se déclenche d'une manière automatique lorsque d'une part,
l'organisme est dans un certain état de préparation et qu'il
rencontre un signal déclencheur spécifique dans son
environnement. » (MUCHIELLI 2006 (1981), p.23)
Il n'a à pas un accord des théoriciens ayant
travaillé sur ce concept quant à une liste exhaustive des
instincts. Si on cite le plus souvent l'instinct de conservation, sexuel,
d'agression, de possession, de domination, maternel... il n'existe pas une
liste exhaustive et univoque de la totalité des instincts. Les instincts
sont, dans les faits, canalisés par les règles et normes des
niveaux psychologique et socioculturel.
> Les besoins :
Nous pouvons dire en premier lieu que la motivation
apparaît lorsqu'il est nécessaire de satisfaire un besoin. Le
concept de besoin renvoie à trois idées : celle de
nécessité vitale, l'idée de tension qui cherche la
satisfaction qui apporte un retour à l'équilibre, et
l'idée de catégorie spécifique d'objets satisfacteurs vers
laquelle est orienté la tension (par exemple celle des besoins
sociaux).
On peut définir le concept de besoin comme :
« Un état de tension insatisfaisant lié
à une nécessité (biologique, psychologique, sociologique)
existentielle, orienté vers une catégorie d'objets satisfacteurs
qui poussent l'individu à rechercher un équilibre plus
satisfaisant par l'atteinte d'objets appartenant à un certain exemple
». (Muchielli, 2006 (1981), p.25)
Il existe différents types de besoins. Les besoins
physiologique : faim, soif, désir d'échapper à la
douleur... Chez les humains ces motivations de bases que l'on pourrait
qualifier d'inné et primaires sont modifiées et
transformées par des influences sociales et culturels : par exemple on
accepte de ne plus manger pour ressembler à son idole (anorexie) ou bien
encore on
accepte la douleur à travers des rites culturels... Il
existe d'autres motivations ayant une base biologique sans pour autant
être nécessaires à la survie immédiate de
l'organisme. Nous pouvons citer par exemple le sexe, le soin parental et
l'agression. De même que pour les besoins physiologiques ces besoins
biologiques ne sont pas exempts d'influence sociale et se traduiront donc
à travers des comportements différents selon le contexte
socioculturel. Les besoins psychologiques quand eux, sont largement
déterminés des contacts socio affectifs. Nous pouvons citer par
exemple le besoin d'estime de soi, d'accomplissement, de pouvoir, de
reconnaissance, d'acceptation, d'intimité, de communiquer... Enfin,
l'état sociologique de la société ambiante conditionne
directement les besoins sociologiques que l'on peut aussi qualifier de
besoins secondaires: besoin d'information de confort, de détente.
Contrairement à cette conception qui met en avant les
facteurs biologiques et instinctifs de l'homme, les conceptions suivantes des
motivations mettent l'accent sur l'influence du milieu, que ce soit à
travers la présence d'un système de valeurs sociales, de normes
sociales...
6.2.2.2 Niveau psychologique et socioculturel : le
concept d'attitude
« A sa naissance l'homme n'est qu'une tabula rasa. Ce
sont les expériences qui vont écrire cette page vierge et le
façonner. » (Muchielli, 2006 (1981), p.47).
Le concept d'attitude a vu naissance dans les travaux
de psychologie sociale. On peut le définir comme un ensemble de
dispositions internes et durables par rapport à un objet. C'est un
état d'esprit, une prédisposition générale
psychologique envers quelque chose.
« Une attitude est donc une orientation
générale de la manière d'être face à certains
éléments du monde. C'est l'expression dynamique d'un principe
affectif profond et inconscient (ou valeur) acquis à travers la
succession ou la répétition d'expérience de la vie. Une
attitude prédispose à percevoir et à agir d'une certaine
manière » (MUCHIELLI, 2006 (1981), p. 72)
C'est cette prédisposition qui va orienter dans un
certain sens toutes les interactions avec l'objet en question. Ce concept
regroupe les notions de valeurs, croyances et opinions. Si en psychologie
sociale ces composantes ne sont pas étudiées
séparément, il nous semblait plus pertinent pour ce travail
d'étudier chacune de ces composantes pour elle même en gardant
à l'esprit qu'elles font partie d'un tout qui représente une
tendance à l'action.
6.2.2.3 Niveau affectif : les émotions
Les émotions jouent aussi un rôle important dans
la motivation d'un comportement. Ainsi l'amour, la peur donneront lieu à
des comportements bien distincts. De manière plus générale
on peut dire que chaque individu à un « passé affectif
» qui oriente ses motivations et comportements. Ainsi, tout individu
rencontre des situations qui vont le marquer. Ces situations laissent des
traces affectives indélébiles qui orientent sa perception du
monde, ses attitudes et ses réactions ultérieures. Celles ci
déterminent les niveaux des motivations anthropologiques, culturelles et
individuelles Ces traces affectives peuvent se formuler sous forme de
règle ou de croyances, elles sous tendent alors toutes les conduites, et
constituent ce que l'on pourrait nommer des « règles de vie »
(Muchielli, 2006 (1981), p.52-54).
6.2.2.4 Les sources externes : variables situationnelles
et normes sociales
Certaines sources externes à l'organisme peuvent nous
motiver ou influencer notre comportement et éventuellement devenir des
motivations internes. L'existence de contraintes environnementales peuvent
orienter les comportements, souvent les individus eux-même ignorent
l'influence de ces contraintes externes sur leur propre comportement. Ces
sources externes de motivation peuvent donc prendre la forme de contextes
physiques (infrastructure adaptée) ou de contextes sociaux et/ou moraux
(normes sociales, cadre juridique...).
> Les normes sociales
« Dans toute société existent des
modèles culturels de conduite qui prescrivent « des manières
d'agir, de penser et de sentir » (Durkheim), jugées acceptables par
le groupe. Ces modèles, inspirés par les valeurs dominantes de la
société, se concrétisent dans un ensemble de normes de
comportement dont le respect est assuré par un système de
sanctions. Ces normes ont un caractère impératif pour les
individus mais elles varient selon les sociétés » (Etienne,
1997, p.221)
Les normes sociales représentent, à la fois ce
que l'individu pense que les autres ou la société attends de lui,
ainsi que la motivation de se conformer à ces attentes. Les normes
sociales définissent donc un cadre aux comportements socialement
acceptables. Les normes s'accompagnent d'un système de sanctions qui
peuvent prendre la forme de prescriptions explicites, à travers les
lois, ou bien implicite à travers les « usages » et les «
moeurs »1. Elles
1 « Depuis William Summer (Folkaws, 1906), il est
classique de distinguer les simples « usages » (manière de
s'habiller, règles de politesse...) des « moeurs » qui,
représentant des impératifs moraux (mode d'exercice
légitime de la sexualité par exemple), entraîneraient une
réprobation plus forte et des sanctions plus sévères
» (ETIENNE Jean, 1997, p.222).
peuvent être positive, par exemple le jeune homme qui
cède sa place à la personne âgée reçoit de
manière implicite (usages et moeurs) ou explicite (droit) l'approbation
du groupe, ou négative (réprobation morale, sanction
pénale), une personne qui dépasse la limite de vitesse risque une
peine pénale.
> Le contexte physique/ variables situationnelles
Le contexte dans lequel se déroule l'action d'un individu
influe sur ses motivations : si le contexte est favorable à l'action
alors celle-ci sera plus facile à entreprendre.
Un exemple de contexte peut être le contexte
économique : celui-ci peut largement motiver ou démotiver une
action donnée. Par exemple dans notre cas de figure la situation
économique d'un individu et le contexte dans lequel elle s'inscrit peut
déterminer l'achat ou non de panneaux solaire. L'éventail des
actions individuelles est donc, en parti, déterminé par des
variables issues du contexte économique.
Un autre exemple peut être celui du contexte physique.
Par exemple la présence ou non d'infrastructures favorables à
l'action (réseau de transport en commun, présence d'un point de
tri des déchets à proximité...) motivera positivement ou
négativement l'action.
Les obstacles à certaines pratiques sont donc à
aller chercher dans des déterminants internes à l'individu, mais
il ne faut pas négliger le rôle des sources externes qui peuvent
constituer d'importantes sources de motivation, ou bien au contraire être
source d'obstacles à un comportement donné. Nous retiendrons que
tous ces déterminants (internes ou externes) forment un ensemble
complexe, interconnecté. Le schéma résume le cadre
théorique que nous venons d'exposer, et à partir duquel nous
allons analyser les comportements face au changement climatique
Niveau
Psychologique et
socioculturel
Comportement
Facteurs externes
Niveau affectif Niveau biologique
Nous nous efforcerons donc de mettre en évidence, dans le
chapitre suivant, comment ces différents niveaux de motivation influent
nos comportements face au changement climatique.
6.3 Théories du changement de comportement et des
résistances
En nous intéressant aux pratiques individuelles face au
changement climatique nous en sommes venus à nous demander pourquoi les
individus ne modifient pas leurs comportements face à ce
phénomène. Les théories du changement de comportement
peuvent nous donner quelques premiers éléments de réponse.
Il s'agit donc de comprendre la démarche avec laquelle un individu va
modifier ses actions.
6.3.1 Les conditions nécessaires au changement de
comportement
Quelles sont les conditions préalables à
l'adoption d'un comportement donné ? A travers leurs travaux les
chercheurs de The Health Communication Unit (THCU) on mit en évidence
l'existence de huit conditions préalables pour qu'une personne adopte un
comportement donné1 :
1. La personne a fermement l'intention d'adopter le comportement
(ou s'y est engagée).
2. Il n'y a pas de contraintes (barrières)
environnementales rendant le comportement impossible.
1 Hershfield L.,. Chirrey S,. Thesenvitz J. Chandran U
Changement de comportements: un cadre d'application, 06/2004 (2000)
visualisé le 15/02/07 sur :
http://www.thcu.ca/infoandresources/publications/changementdecomportementsv4.1.f.november11.2005.pdf
3. La personne a les habiletés nécessaires
à l'adoption du comportement voulu.
4. La personne croit que les avantages (bienfaits,
résultats positifs escomptés) se rattachant à l'adoption
du comportement l'emportent sur les désavantages (coûts,
résultats négatifs prévus).
5. La personne ressent davantage une pression sociale à
l'égard de l'adoption du comportement qu'à l'égard de la
non-adoption de celui-ci.
6. La personne considère que le comportement correspond
à l'image qu'elle a d'elle-même et qu'il respecte ses principes
personnels.
7. La réaction émotive de la personne à
l'égard du comportement est plus positive que négative.
8. La personne est confiante de pouvoir adopter le
comportement dans différentes circonstances (c.-à-d. qu'elle se
perçoit comme étant assez efficace pour adopter le
comportement).
Si les trois premières conditions sont jugées
« nécessaire et suffisante » pour adopter un comportement, les
cinq autres ont un effet sur l'intensité et l'orientation de
l'intention. Nous reviendrons sur cette grille d'analyse lorsque nous
traiterons des résistances face au changement de comportement dans le
chapitre suivant.
6.3.2 Le changement de comportement : un
processus
Tout individu qui passe à travers un changement majeur
vivra, à une intensité variable, le processus suivant :
Situation actuelle
dégel
Transition
regel
Situation
désirée
Symptômes de la transition :
Frustration
Confusion
Stress
Critiques et conflits
Nostalgie pour les bons vieux jours
Source : Carl Lemieux1
1 Schéma issu de la présentation power
point du 20 juin 2007 « Comment faire face à la résistance
au changement », Rendez vous international sur les applications du
développement durable, Sherbrooke.
Un système qui change doit être «
dégelé », déstabilisé, puis passer par une
période de transition avant d'être « regelé vers une
situation désirée ».Cette période de transition est
constituée de différents états. Pour qu'un changement de
comportement survienne, il faut que l'individu donne un sens et comprenne les
enjeux du changement, il peut être nécessaire de créer une
« burning Platform » c'est-à-dire un sentiment d'urgence. Il
est nécessaire que l'individu puisse donner une vision à ce
changement afin de se projeter, de voir à quelle situation aboutira ses
efforts. Enfin si le changement de comportement est soutenu par l'environnement
(personnes proches...) il sera plus facile à adopter.
6.3.3 Les résistances au changement
Ex.: Les habitudes, la satisfaction des besoins,
la préférence pour la
stabilité, l'identification à la situation
actuelle...
Ne
veulent pas
(liée à la personnalité)
Ex.: Les moyens fournis pour intégrer le
changement, le manque de compétences, la cohérence actuelle du
système, les rôles et responsabilités, ...
Ex.: La qualité de
l'information/messages, des attentes non explicites, le manque de respect des
personnes, le temps (pour digérer), la crédibilité de
l'agent de changement...
Ne peuvent pas
(liée à l'environnement)
Ne comprennent pas
(liée aux modes d'implantation)
Source : Carl Lemieux1
Cette représentation graphique montre que la
résistance au changement peut s'expliquer en grande partie par des
problème de compréhension, ensuite par des problème des
contraintes externes qui font que l'individu n'a pas la possibilité de
modifier son comportement, et dans un partie bien moindre par un manque de
volonté de changer. Il est ici nécessaire de rappeler que tout
processus de changement implique un certain nombre de résistance
à celui-ci.
Nous allons donc essayer de mettre en évidence dans le
chapitre suivant qu'elles sont les résistances au changement de
comportements face au défi que constitue la lutte contre le changement
climatique.
7 CHAPITRE V : Analyse des résistances aux
changements de pratiques
Nous avons vu que la connaissance d'un problème n'est
pas le seul facteur qui influe les comportements dans la lutte contre celui-ci
: il ne suffit pas d'avoir une représentation réaliste du
problème du changement climatique pour changer radicalement de
comportement et lutter contre. Nous allons, dans ce chapitre, analyser les
différents facteurs qui peuvent expliquer que les préoccupations
vis-à-vis du changement climatique ne se traduisent pas dans les
pratiques. Cette analyse repose sur la lecture de divers ouvrages qui nous ont
fourni des éléments de réponses théoriques, mais
aussi sur la réalisation d'une série d'entretiens qualitatifs
grâce auxquels nous illustrerons nos propos. Nous avons classé ces
facteurs selon qu'ils soient propres à la nature du
phénomène du changement climatique, qu'ils fassent
référence aux contextes (normatif, moral, physique) ou bien
qu'ils soient propres aux l' individus1.
7.1 Contraintes propres à la nature du
phénomène
7.1.1 Le changement climatique un risque
nouveau
« [...] l'humanité n 'a jamais eu à
connaître un défi climatique comparable aux changements qui
s'annoncent à l'orée du XXIe siècle »
(D. Bourg, 2001, p.41).
En accélérant le processus naturel d'effet de
serre, la civilisation actuelle fait face à un risque d'un type nouveau
: le changement climatique. Nous n'avons encore jamais affronté un
problème semblable à celui-ci. Nous n'avons donc pas
d'expériences passées qui pourraient nous guider quant aux
pratiques à adopter pour y faire face. Notre absence de recul explique
peut-être notre manque de prise au sérieux du problème.
Nous avons besoin de temps pour nous faire à l'idée que nous
pouvons perturber les grands cycles naturels. Le risque est alors que la
médiatisation du problème passe pour un « effet de mode
».
Caroline
« [...] on en parle quand même globalement
assez récemment. Ca fait pas si longtemps que le sujet comme je vous le
disais qui est une tendance à la mode...mais y'a encore que deux ou
trois ans...on en parlait pas plus que ça. »
« A un moment donné il y avait eu un
débat sur le fait que le changement
climatique soit un
phénomène scientifiquement prouvé. Est-ce que vous
1 Il faut noter qu'un même facteur peut faire
référence à plusieurs catégories à la
fois.
maintenant, vous êtes convaincu du fait que le
changement climatique soit un phénomène scientifiquement
prouvé ou est- ce que vous en doutez ?
Béatrice
Euh...je pense que c'est difficile de savoir si c'est
causé par l'homme ou si c'est un cycle normal. Parce que j'ai des vagues
souvenirs de ce que j'ai pu lire quand j'était gamine sur la
préhistoire ou des choses comme ça et ces changements
d'ère où on est passé à des moments où il
faisait très froid et des périodes où ça s'est
réchauffé, peut-être qu'on est dans une phase comme
ça mais je sais pas vraiment, j'arrive pas vraiment à savoir si
on est la cause de ça ou si c'est une mode. C'est-à-dire que tout
d'un coup on s'est dit « oh beh tiens on va essayer de faire que les gens
s'intéressent à l'écologie, un peu comme les concerts
qu'il y a eu il y a pas très longtemps [Earth Concert] euh... c'est
bien, c'est très très bien mais au bout d'un moment, ça
n'engage que moi, on arrive plus à savoir si c'est vrai, si c'est
une mode ou si il y a des plus gros intérêts derrière...
»
Cependant, la difficulté à appréhender le
phénomène ne tient pas uniquement à sa nouveauté
mais aussi à sa nature complexe.
7.1.2 La difficulté à appréhender un
phénomène complexe
« Elle [la conscience écologique] est une
vision « holographique » de l'ensemble des savoirs auquel les enfants
et les étudiants ne sont pas habitués » (J Van Cauter,
2003, p.110).
7.1.2.1 Un phénomène difficile à se
représenter
Comme nous l'avons vu dans la partie précédente,
les études quantitatives sur la perception de l'effet de serre montrent
qu'il existe un vrai problème de connaissance de la part du grand public
sur le changement climatique. La réalisation d'une série
d'entretiens nous a permis de confirmer cette idée. Sur l'ensemble des
personnes interrogées, une seule avait une représentation proche
de la réalité du phénomène. De même, nous
avons constaté que changement climatique et trou de la couche d'ozone
sont systématiquement confondus.
« De manière générale j'aurais
aimé que tu me parles du changement climatique, à quoi ça
te fait penser ?
Myriam
Euh, couche d'ozone, pollutions, les glaces polaires qui
fondent, euh, augmentation des océans, fonte des glaces, changement de
climat dans les régions et dans les pays, voila... »
Le phénomène d'effet de serre reste très mal
compris :
« Je ne sais pas si tu as entendu parler du
mécanisme de l'effet de serre, est ce que tu as à peu prês
compris comment ca fonctionnait ?
Olivier
|
Alors pas vraiment parce que je suis pas scientifique du
tout, je suis littéraire, euh
Tu arriverais à l'expliquer ou pas du tout ?
Non je ne serai pas l'expliquer comme un scientifique, moi
ce que j'ai compris c'est qu'on a un peu comme une cloche de verre sur la
tête et que donc nos gaz d'échappement plus il y en a, des
fumées nocives rejetant du CO2 et plus ...bon ça nous retombe un
peu sur la tête quoi, et ça détruit un peu la couche
d'ozone puisque qu'on en parle beaucoup voilà... »
|
|
|
A la question générale « j'aurais
aimé que vous me parliez du changement climatique » l'ensemble des
personnes interviewées (excepté le mieux informé)
évoquent les conséquences du changement climatique et non les
causes :
« De manière très
générale j'aurai aimé que vous me disiez ce que
représente pour vous le changement climatique ce qui vous vient à
l'esprit quand on parle de changement climatique ?
Béatrice
La première chose qui me vient à l'esprit,
c'est les saisons qui correspondent plus trop, les souvenirs que j 'ai de
gamine c'est que l'été il faisait beau l'automne il faisait moins
beau l'hiver il faisait froid, le printemps...et maintenant l'été
est en plein mois d'avril, le mois de juillet c'est une horreur et il n'y a
plus d'hiver. »
En effet, les individus interrogés ont davantage de
peine à se représenter les causes du changement climatique que
les conséquences, ce qui peut expliquer en partie la difficulté
à comprendre l'impact de nos activités sur le changement
climatique.
7.1.2.2 La difficulté à comprendre l'impact
de nos activités quotidiennes
De manière générale, les individus
interviewés n'arrivent pas à mettre en relation leurs pratiques
quotidiennes (excepté l'usage de la voiture) et leur impact sur le
changement climatique. On peut donc supposer qu'un premier obstacle à la
lutte « individuelle » contre le changement climatique réside
dans le fait que nous n'avons pas conscience qu'une grande partie de nos
pratiques quotidiennes ont un impact sur l'effet de serre. La prise de
conscience de la responsabilité vis-à-vis du problème en
est compromise, ainsi que la capacité à voir quelles sont les
actions envisageables pour lutter contre le changement climatique au niveau
individuel.
« Tu parlais des actions individuelles, quotidiennes,
selon toi quelles sont tes actions quotidiennes qui ont le plus d'impact sur le
changement climatique ?
Myriam
|
La voiture, parce que c'est ça qui pollue beaucoup,
euh... autrement je crois pas que je fasse grand-chose pour l'environnement,
à part ne pas jeter n'importe où... non non franchement je crois
pas que j'influe, j'apprends aux élèves quand même tout
ça aussi, je leur dis qu'il faut se préoccuper de l'environnement
et que...donc quand même c'est eux (rires) mais bon c'est une infime...
»
|
|
|
Seule une personne fait le lien avec la consommation
d'énergie (électricité), le changement climatique et
l'énergie étant pourtant deux problématiques très
reliées.
« Ok, à ton niveau est ce que tu sais
lesquelles de tes activités quotidiennes contribuent à l'effet de
serre ?
Julien
[...] oui le simple usage de l'électricité,
j'imagine qu'y a... quand on utilise l'électricité... ouais
ça participe au réchauffement climatique, peut-être d'une
manière un peu moindre mais quand même quoi, donc tout ça
après c'est des choses auxquelles je fais attention mais qui sont
finalement tellement ancrées dans nos manières de vivre que c'est
difficile de s'en détacher donc voilà... »
Nous voyons donc qu'un autre obstacle à la lutte contre
l'effet de serre réside dans un problème de connaissance.
Cependant, la médiatisation du problème est telle, que
malgré les difficultés de représentation et de
compréhension du changement climatique la majorité des personnes
sont convaincues de son existence.
« Maintenant pour vous c'est quelque chose de
scientifiquement prouvé, que les scientifiques sont tous d'accord pour
dire qu'il y a un changement climatique est ce que vous avez encore un doute
là-dessus ?
Caroline
Je sais qu'il y a eu beaucoup de débats il y a
encore quelque temps... euh je les lisais aussi comme ça...où
tout le monde n'était pas d'accord...mais j'ai l'impression maintenant
de plus en plus que les gens se mettent d'accord par rapport à
ça. »
Si la majorité des personnes sont convaincues de
l'existence du changement climatique, nous pouvons alors nous demander si
l'inertie face au problème ne réside pas dans le fait que nous
n'y croyons pas vraiment.
7.1.3 Pourquoi ne croyons nous pas à la
catastrophe annoncée ?
7.1.3.1 Controverse et incertitude
« Nous sommes confrontés à une
situation originale et neuve au regard de l'histoire. Dans une telle
incertitude comment distinguer entre risques objectifs et perceptions
délirantes, entre acquis scientifiques et rumeurs infondées ?
» (D. Bourg, 2001, p.120).
Nous venons de souligner le fait que la majorité des
français se disent convaincus de l'existence du changement climatique.
Il n'en reste pas moins qu'un quart d'entre eux continue d'être
sceptiques sur la question, et pense que le changement climatique est une
hypothèse sur laquelle les scientifiques ne sont pas tous d'accord. Lors
des entretiens que nous avons réalisés, le manque d'information
au sujet de la communauté scientifique qui étudie le changement
climatique nous est apparu flagrant : seule une personne a évoqué
les résultats du GIEC ou IPCC en anglais. Pourtant les résultats
de « la réunion de l'IPCC » qui a eu lieu en début
d'année 2007 ont largement été relayés par les
médias grand public, notamment par les journaux
télévisés. Nous émettons ici l'hypothèse que
la difficulté à admettre le consensus scientifique autour de la
responsabilité humaine du changement climatique peut s'expliquer par
l'histoire jusqu'alors controversée du phénomène. En
effet, si la communauté scientifique est, depuis plusieurs
décennies, unanime à déclarer l'existence du changement
climatique et la responsabilité humaine dans le phénomène,
les médias ont fait naître sur le sujet beaucoup de controverses
qui n'avaient pas lieu d'être. Il est donc difficile pour le grand public
d'admettre avec certitude l'origine anthropique du changement climatique
après avoir entendu pendant des années de faux débats sur
le sujet.
« A un moment donné il y avait eu un
débat sur le fait que le changement climatique soit un
phénomène scientifiquement prouvé. Est-ce que vous
maintenant, vous êtes convaincue du fait que le changement climatique
soit un phénomène scientifiquement prouvé ou est ce que
vous en doutez ?
Béatrice
Euh...je pense que c'est difficile de savoir si c'est
causé par l'homme ou si c'est un cycle normal. Parce que j'ai des vagues
souvenirs de ce que j'ai pu lire quand j'était gamine sur la
préhistoire ou des choses comme ca et ces changements d'ère
où on est passé à des moments où il faisait
très froid et des périodes où ca c'est
réchauffé, peut être qu'on est dans une phase comme ca mais
je sais pas vraiment, j'arrive pas vraiment à savoir si on est la cause
de ca ou si c'est une mode. C'est-à-dire que tout d'un coup on c'est dit
« oh beh tiens on va essayer de faire que les gens s'intéressent
à l'écologie, un peu comme les concerts qu'il y a eu il y a pas
très longtemps [earth concert] euh... c'est bien, c'est très
trés bien mais au bout d'un moment, ca n'engage que moi, on arrive plus
à savoir si c'est vrai, si c'est une mode ou si il y a des plus gros
intérêts derrière... »
7.1.3.2 Catastrophisme ; rôle de la
peur
« C'est parce que la catastrophe constitue un destin
détestable dont nous devons dire que nous n'en voulons pas qu'il faut
garder les yeux fixés sur elle, sans jamais la perdre de vue. »
(J-P Dupuis, 2002, p.84)
Craignons-nous le changement climatique ? Le discours des
médias et des politiques sur le sujet est-il trop ou pas assez
catastrophiste ? Avons-nous besoin d'avoir peur pour réagir ?
A la question « au niveau mondial, qu'est-ce qui vous
inquiète le plus pour l'environnement ? Le « réchauffement
de l'atmosphère » arrive seulement en neuvième position. Le
changement climatique n'est donc pas le problème environnemental qui
préoccupe le plus les français. Ces derniers s'inquiètent
par exemple davantage pour la question des centrales nucléaires. Nous
trouvons intéressant de noter qu'aux yeux des français le risque
induit par les centrales nucléaires, qui n'est pas pourtant
scientifiquement prouvé (les probabilités qu'un accident se
produise, existent peut être, mais sont faibles), est plus
inquiétant que ceux induis par le changement climatique alors que ce
problème représente aujourd'hui une certitude scientifique. Les
discours de plusieurs interviewés nous ont confirmé le fait que
de manière générale les français ne craignent pas
le changement climatique :
« Est-ce que face à l'évolution du
phénomène, vous vous sentez plutôt confiante, vous pensez
que l'on va trouver des solutions ? Quand on en parle, ça vous fait
plutôt peur ?
Pour être franche ça ne m'angoisse pas
énormément. J'ai pas le temps.
Caroline
Béatrice
Je ne sais pas par exemple si vous voyez un reportage sur
les inondations...etc. ?
Oui bien sur c'est angoissant, sur le moment c'est
prenant, en tout cas c'est intéressant, c'est prenant. De là a
m'angoisser complètement... peut-être que je ne me rends pas
compte... parce que on en a parlé, quand même globalement assez
récemment. »
« Et est-ce que vous êtes confiante face
à l'évolution du phénomène, est-ce que d'en parler
cela vous fait peur ?
Non ça ne m'angoisse pas [...] »
Nous pouvons donc émettre l'hypothèse selon
laquelle, la difficulté de mobilisation de l'opinion publique face au
changement climatique, s'explique en partie par le fait que le
phénomène ne fait pas peur. Or, « [...] pour percevoir
concrètement les dangers cette opinion parait avoir besoin de crises
graves, [...], ou l'épreuve d'une expérience personnelle directe
» (J. Van Cauter 2003, p.78-79). Il reste cependant difficile de
départager le débat sur le rôle du
catastrophisme et de la peur dans le discours des
médias et des politiques. Doit-on accuser ces acteurs de ne pas
être assez « alarmistes », « catastrophistes » sur le
sujet. Nicolas Van Rauglaudre nous rappel le sur ce point que :
« Certains penseurs et acteurs prennent le parti
selon lequel seule la peur peut être un mobile suffisant pour penser le
futur. Si la peur peut être un bon aiguillon, elle n'est pas une bonne
pédagogue. Le vrai moteur est le « désir de
développement ». Avoir envie de développer la
Planète, d'offrir à nos enfants des raisons d'espérer,
travailler pour faire comprendre que rien n'est inéluctable (sous
prétexte que certaines puissances semblent inaccessibles), appelle
à une métamorphose des mentalités pour soutenir
l'idée réaliste d'un avenir durable. » (J. Van Cauter,
2003, p.11)
Dans le cas du changement climatique, la catastrophe nous
parait impossible tant qu'elle ne s'est pas produite. La perspective de la
catastrophe ne nous émeut pas, elle nous laisse indifférent. Si
l'on sait les choses peut être ne les croyons nous pas...
7.1.3.3 Nous savons les choses mais nous ne les croyons
pas
« Admettons que nous soyons certains, ou presque, que
la catastrophe est devant nous, comme le lapsus des théoriciens de la
précaution le donne à penser. Le problème est que nous ne
le croyons pas. Nous ne croyons pas ce que nous savons. Le défi qui est
lancé à la prudence n'est pas le manque de connaissance sur
l'inscription de la catastrophe dans l'avenir, mais le fait que cette
inscription n'est pas crédible » (J-P Dupuis, 2002, p.142).
« Nous tenons la catastrophe pour impossible dans le
même temps où les données dont nous disposons nous la font
tenir pour vraisemblable et même certaine ou quasi certaine. [...] Ce
n'est pas l'incertitude, scientifique ou non, qui est l'obstacle, c'est
l'impossibilité de croire que le pire va arriver. [...] La situation
présente nous montre que l'annonce des catastrophes ne produit aucun
changement sensible, ni dans nos manières de faire, ni dans nos
manières de penser. Même lorsqu'ils sont informés, les
peuples ne croient pas ce qu'ils savent» (J-P Dupuis, 2002,
p.142-143).
Dans son ouvrage Pour un catastrophisme
éclairé, J-P Dupuis a développé la
thèse selon laquelle nous ne réagissons pas devant les
catastrophes annoncées non pas parce que nous n'avons pas les
connaissances qui permettent de les prédire, mais parce que nous n'y
croyons pas. En effet, dans le cas du changement climatique la
communauté scientifique nous a fourni des données fiables qui
permettent de prédire la catastrophe à venir. De même, bon
nombre de personnes pourtant bien informées sur le sujet ne changent pas
pour autant leur comportement. Ceci s'expliquerait-il comme le laisse à
penser Dupuis par le fait que nous ne croyons pas au changement climatique ?
Ceci est possible car comme il l'explique, on ne croit pas
à la catastrophe dans la mesure ou on ne peut pas imaginer que le pire
puisse arriver avant de l'avoir expérimenté. En complément
de la thèse de Dupuis, nous pouvons penser que nous ne croyons pas ce
que nous savons parce que nous croyons seulement ce que nous voulons croire.
Nous pensons que dans le cas du changement climatique, notre immobilisme n'est
pas seulement dû au fait que la catastrophe annoncée ne nous
apparaît pas comme crédible mais au fait que nous
préférons, consciemment ou non ne pas y croire. La question que
nous devons nous poser est alors, quels sont les facteurs qui expliquent que
nous préférons ne pas croire au changement climatique ? Nous
allons donner des éléments de réponse à cette
question dans la suite de cette analyse.
7.1.4 La temporalité et la globalité du
phénomène comme obstacle
« Voilà donc que nous apparaissons
désormais responsables, ou du moins corresponsables, d'une action
collective dont les développements et les effets nous sont largement
inconnus ; voilà que se trouve brisé le cercle de
proximité qui m'obligeait seulement à l'égard du proche et
du prochain, et distendu le lien de simultanéité qui me faisait
comptable des effets immédiats, ou à tout le moins voisin, des
actes que je posais aujourd'hui. » (F. Ost, 1995, p.267)
Deux caractéristiques propres au
phénomène constituent selon nous un obstacle à la lutte
contre le changement climatique : il s'agit de sa temporalité et de sa
globalité. En effet, pour comprendre l'écart entre conscience
écologique et pratiques individuelles, il faut garder à l'esprit
que les conséquences du changement climatique sont
différées dans le temps et dans l'espace. C'est-à-dire que
les personnes qui bénéficient aujourd'hui de la
possibilité d'émettre des gaz à effet de serre ne sont pas
nécessairement celles qui devront en assumer les coûts : les
émission rejetées aujourd'hui participent à un
phénomène global qui s'inscrit à longue échelle
dans le temps et dont les conséquences seront différentes selon
où l'on se situe sur la planète (nous pensons ici
particulièrement au habitants insulaires qui seront les premières
victimes de la montée du niveau de la mer).
7.1.4.1 La difficulté à gérer le
long terme dans une société de
l'instantanéité
La mise en place d'une lutte efficace contre le changement
climatique sous entend l'adoption d'une vision à long terme du
problème. Or, il semblerait que ce type de vision ne soit pas celle avec
laquelle nous composons en règle générale dans les
sociétés occidentales :
« Elles [la réflexion et l'action
écologique] sont par excellence aux antipodes d'un système
économique de productivité et d'efficacité qui s'actualise
dans l'instant et qui se sert de la fausse durée technologique pour se
justifier rationnellement. » (J. Van Cauter, 2003, p.108).
Comment le « développement durable » peut-il
être la nouvelle valeur de sociétés qui vivent dans
l'immédiateté ? Comme le souligne Van Cauter et Rauglaudre la
première difficulté se situe dans la « divergence de forme
de temps », c'est-à-dire dans la différence entre les
représentations du temps des individus selon leur intérêt
immédiat, et la vision long terme nécessaire pour aller dans la
direction d'un « développement durable ». Dans notre cas, le
problème réside donc dans le fait qu'une grande majorité
des individus n'estiment pas être affectés par les
conséquences du changement climatique dans le temps présent et
que les logiques de l'individualisme (nous reviendrons sur ce thème plus
loin dans l'analyse) font qu'ils ne se soucient pas du temps futur. Si, il
n'est aujourd'hui plus politiquement correct de dire que nous n'avons pas
à nous soucier des générations futures ce qui importe est
que nous, nous ne subissions pas les conséquences du changement
climatique :
Myriam
« Si je pense égoïstement je me dis que
moi j'y serais pas, mais je pense qu'on va vers... que la terre va quand
même changer, ya des projections, ya des images qui me viennent ou l'eau
a envahi telle région mais ça sera dans plusieurs euh... peut
être dans un millier d'années (rires) on y sera plus (rires). Mais
justement, il faut quand même se préoccuper des
générations à venir. »
Caroline « On sait que c'est bien, mais ça nous
touche pas directement, pour l'instant. »
Il n'existe donc pas de système de récompenses
et de sanctions immédiates vis-à-vis de la lutte contre le
changement climatique. Quand nous émettons des gaz à effet de
serre, nous n'en payons pas les conséquences aujourd'hui, et si nous
décidons de nous investir dans la lutte contre le changement climatique,
les récompenses sont elles aussi invisibles dans le présent
à cause de l'inertie du phénomène (nous n'avons pas la
satisfaction que peut procurer par exemple les résultats de la
dépollution d'un site après une marée noire). Il s'agit
donc d'intégrer ou plutôt « réintégrer »
le temps long (passé comme futur) dans nos visions du monde, alors que
nous vivons dans une société qui « n'a pas le temps »
qui se focalise dans l'immédiat, et dont les logiques sont des logiques
à court terme.
7.1.4.2 Individuel versus global
Tout comme la dimension temporelle, la dimension
planétaire des risques écologiques n'est
pas ancrée
dans les mentalités de l'ensemble de la population. Cela est du, nous
l'avons vu, au
manque d'une approche complexe du problème. Les
individus ont du mal à percevoir
comment leurs pratiques individuelles (niveau local) peuvent
influer sur le niveau global. Ainsi, il est plus facile de motiver des
personnes à lutter contre des problèmes écologiques
d'échelle locale (pollution des sols, d'une rivière...) que
d'échelle globale. Cette échelle planétaire ou globale est
souvent le domaine de l'environnement « invisible », que l'homme a du
mal à appréhender de manière quotidienne
(Lévèque, 2003, p.122). De plus, nous verrons plus tard que la
globalité du phénomène pose problème en ce qui
concerne les questions de responsabilité.
A ces difficultés d'appréhender la
temporalité et la globalité du phénomène s'ajoute
la difficulté à gérer un phénomène qui est
invisible et incertain.
7.1.5 Comment gérer l'invisible et
l'incertain
7.1.5.1 Un problème « invisible
»
« [...] un risque invisible est plus facilement
nié, ou au contraire dramatisé. En outre, parce que ces risques
échappent à nos sens, la science devient le médiateur
nécessaire pour les appréhender : elle seule a les instruments
pour les mesurer »
« La « déplétion » de la
couche d'ozone, le réchauffement climatique dû à l'effet de
serre anthropogénique, la pollution radioactive, l'accumulation de
contaminants divers dans les graisses animales, l'acidification des terres et
de l'atmosphère, la fragilisation des sols, la pollution due aux pots
d'échappements eux-mêmes... : tous ces grands problèmes qui
se posent à l'échelle mondiale, ne sont guère accessibles
aux sens ou à l'expérience immédiate » (D.
Bourg, 2001, p.1 12).
La crise environnementale provoquée par le changement
climatique reste un phénomène peu perceptible par nos sens. Que
ce soit les causes du problème ou ses conséquences, nous restons
en effet largement dans le domaine de « l'invisible ». Notre
expérience personnelle ne nous permet pas d'identifier le
phénomène, de même il est impossible de mesurer ce
phénomène spontanément. Ainsi, nos émissions
quotidiennes de gaz à effet de serre passent inaperçues,
excepté peut être celles de nos pots d'échappement. En
effet, les émissions contenues, par exemple, dans notre consommation
alimentaire ne sont pas « visibles » (quand je mange 1 kg de fruits
et légumes, je ne vois pas les 150 grammes de gaz à effet de
serre qui ont été nécessaires pour qu'ils arrivent dans
mon assiette). De même, nous ne souffrons pas quotidiennement du
problème du changement climatique. Il apparaît donc difficile de
se préoccuper de quelque chose que l'on ne voit pas, que l'on ne sent
pas. C'est pourquoi les
médias parlent du changement climatique quand ils ont
l'impression que le phénomène se « concrétise »
: canicules, manque d'enneigement...
Un autre point qui parait aller à l'encontre de la lutte
individuelle contre le changement climatique réside dans
l'imprévisibilité exacte du phénomène.
7.1.5.2 Des risques « incertains »
Il n'est pas question ici, de remettre en cause les certitudes
scientifiques au sujet de l'existence du problème du changement
climatique. Nous entendons par « risques incertains » les «
zones d'ombre » qui persistent autour du problème. En effet,
même si les scientifiques élaborent des scénarios de plus
en plus pointus sur les conséquences du changement climatique, une part
d'incertitude demeure. On ne peut pas répondre par exemple, avec
certitude, à la question de savoir de combien la température
moyenne augmentera si les émissions de gaz à effet de serre se
stabilisent au niveau actuel. La communauté scientifique peut, sur ce
point, nous donner des ordres de grandeur, mais il reste impossible de
prévoir avec exactitude les conséquences du changement
climatique. Or il semblerait que nos sociétés ne soient plus
habituées à gérer l'incertitude. Les progrès de la
science nous ont habitués à vivre dans un monde de plus en plus
« certain ». Les sociétés industrielles ont ainsi du
mal à intégrer le principe de précaution selon lequel ;
« face à des menaces graves, qualifiées
d'irréversibles, dans le domaine de l'environnement, on ne doit pas
attendre d'avoir acquis une certitude scientifique pour agir » (D. Bourg,
2001, p.145). Ce principe préconise donc, face à un
problème grave, de ne pas attendre d'être en possession de la
totalité de certitudes scientifiques sur ce problème pour passer
à l'action. Ce problème se reflète dans le discours de
certains des interviewés qui reconnaissent que s'ils étaient plus
directement menacés ou si les scientifiques faisaient preuve de
certitudes plus alarmistes, ils seraient davantage enclins à modifier
leurs comportements.
Caroline
|
« Et si on vous disait que les conséquences
allaient venir beaucoup plus rapidement, ça serait peut être plus
angoissant à ce moment là ?
Bien sûr, ouais c'est comme tous les sujets... si tout
d'un coup on nous dit plus précisément ce qui va se passer, et se
passer plus vite... bien sûr c'est flippant. En plus, on tient à
notre planète comme tout le monde, mais là je me rends pas non
plus tellement compte de toutes les conséquences que ça va
engendrer...je vous ai cité comme ça quelques exemples... mais
est-ce que moi ça va me toucher réellement dans ma vie ? et
est-ce que je me rends compte oui... déjà de tout manière
ce qui se passe avec toutes ces inondations et tout ça c'est horrible
parce que je sais qu'il y a des gens qui périssent dedans. Bien
sûr qu'on est touché mais y'a tellement de choses d'horribles dans
ce monde. »
|
|
|
7.2 Contraintes propres aux contextes
Selon J-P Bozonnet1 les deux modes de
d'intervention de l'Etat sont l'introduction de contraintes et celle de
ressources supplémentaires dans le paradigme de l'action. L'Etat peut
ainsi rendre les contextes d'action davantage favorable aux changements de
comportement. Pour cela, les pouvoirs publics peuvent introduire des
contraintes d'ordre financier (taxes sur les carburants), mais aussi des
contraintes sur l'aménagement du territoire (= contexte physique) ou en
bien encore utiliser l'appareil législatif (= contexte normatif), afin
de donner à chaque individu l'assurance que les autres s'engageront
aussi dans la lutte contre l'effet de serre. Son action peut aussi passer par
l'introduction de nouvelles ressources d'ordre financier (réduction
d'impôts, subvention à l'achat de technologies moins polluantes)
ou bien concernant l'aménagement du territoire (pistes cyclables). Le
rôle des pouvoirs publics est sans précédent étant
donné qu'aujourd'hui, la plupart des pratiques environnementales
domestiques, sont plus ou moins dépendantes des contextes dans
lesquelles elles se déroulent (par exemple, on ne peut pas se rendre au
travail en bus si la commune ou l'on habite n'est pas dotée d'un
réseau de transport urbain). Nous allons donc voir comment aujourd'hui
les contextes normatifs, moraux et physiques représentent, sous certains
aspects des contraintes aux changements de comportements en faveur de la lutte
contre le changement climatique.
7.2.1 Contexte normatif et moral : des normes et des
valeurs peu
favorables à la lutte contre le changement
climatique.
7.2.1.1 Des normes peu contraignantes
Il existe quelques normes, sous forme de lois, qui visent
à lutter contre l'effet de serre, comme par exemple le fait d'imposer
des normes à respecter au niveau de la consommation des appareils
électriques lors de leur construction... Cependant, ces normes restent
très marginales et surtout, elles ne concernent pas directement les
pratiques individuelles. En effet, il est difficile de penser une loi qui, par
exemple, fixerait un taux d'émission annuel de gaz à effet de
serre, par personne, à ne pas dépasser : il est très
difficile voir impossible de contrôler les émissions individuelles
de gaz à effet de serre. On pourrait, par exemple, penser à la
1 BOZONNET Jean-Paul, (25 et 26 juin 2007). «
De la conscience écologique aux pratiques. Pratiques domestiques et
politiques environnementales à la lumière des théories du
choix rationnel et des valeurs », Toulouse, Actes du colloque
Environnement et Politiques, CR23 AISL et CERTOP-CNRS, 279-287.
création d'un kilométrage de voyage en avion
à ne pas dépasser, mais ce type de mesure serait pris comme une
atteinte aux libertés individuelles. Il nous semble donc, que le
système législatif a peu de marge de manoeuvre pour lutter contre
les émissions individuelles de gaz à effet de serre. Il convient
alors, de nous intéresser au rôle des normes implicites (usages et
moeurs) dans la lutte contre le changement climatique.
Tout comme les lois, les normes morales du type
réprobation nous apparaissent quasi inexistantes et d'impact modeste.
Par exemple, le fait de conduire une Ferrari n'est pas réprimée
négativement bien au contraire, de multiples signes (compliments sur la
voiture, regard envieux...) provenant d'autres individus feront que cette
personne se sentira valorisée par son action. Des explications sont donc
à chercher dans nos systèmes de valeurs.
7.2.1.2 Des valeurs contradictoires
Si les français se disent en majorité, soucieux
des problèmes d'environnement et du changement climatique, il nous est
apparu que ces valeurs « écologistes » rentrent largement en
conflit avec d'autres types de valeurs. Dans le cas qui nous intéresse,
nous avons identifié certaines valeurs, partagées par une grande
partie de la population, qui nous semble aller à l'encontre de la lutte
individuelle contre l'effet de serre. Bien entendu cette liste n'est pas
exhaustive :
· les valeurs individualistes : le « moi d'abord
» (nous développerons ce point plus en détail par la
suite).
· les valeurs matérialistes : « le toujours
plus » la reconnaissance sociale d'une personne se fait en grande partie
par rapport à ses acquisitions de biens matériels (voiture, tenue
vestimentaire...), le confort est assimilé à l'acquisition de
biens matériels.
· la valorisation de la vitesse : «le toujours
aller plus vite ».
· la valorisation des nouvelles technologies
indépendamment de leur impact sur l'environnement.
· le goût pour l' « exotisme » de
manière générale : le « toujours plus loin »
(par exemple partir en voyage dans des îles lointaines est plus
valorisé que de faire du tourisme rural en France)
·
...
Il est donc tout à fait possible que le système
de valeur d'un même individu soit composé, à la
fois de
valeurs allant dans le sens de la lutte contre le changement climatique
(respect de la
nature, souci des générations futures...), mais
aussi de valeur constituant des obstacles à cette
lutte (valeurs que nous venons de lister). Voici un exemple
de contradiction dans le discours d'un interviewé qui, d'un coté
est d'accord pour dire que le problème du changement climatique est
préoccupant, et de l'autre partage les valeurs suivantes :
«Plus on roule vite, plus on consomme d'essence,
et donc plus les rejets de CO2 sont importants. Par exemple si on roulait
à 110 km/h plutôt que 130 on participerait moins au changement
climatique. Est ce que vous, sachant ça, ça vous
dérangerait que l'on limite la vitesse sur autoroute à 110 ?
Caroline
[...] rires, oui je trouve que déjà on peut
pas rouler assez vite. Parce que j'ai un mari qui conduit très bien et
assez vite et c'est vrai que moi j'ai l'habitude et j'aime bien... autant je
comprends en ville, je trouve que les gens roulent trop vite en ville et c'est
dangereux parce qu'il y a des piétons, donc ça en ville je serai
assez stricte. Mais sur autoroute non...je sais pour la planète... mais
égoïstement ça m'embêterait...
Parce que c'est un gain de temps de rouler plus vite.
Oui, c'est une perte de temps pour moi de rouler à
110. Du coup on gagne du temps, déjà on en a pas beaucoup les
week-ends, et moi perdre du temps en voiture c'est un des trucs qui me rend
folle.
[...] moi je l'ai [un jet privé] pris qu'une fois
dans la vie mais de voir, mais c'est un truc euh... [admiration] c'est
incroyable ça veut dire vous arrivez donc déjà vous
attendez pas vous passez à la douane tout seul, vous posez vos valises
on s'occupe de tout, vous rentrez dans l'avion, il décolle. Vous
atterrissez deux heures plus tard par exemple pour aller à... à
coté...pas à Madrid mais à... bref n'importe où que
ce soit. Vous atterrissez et ils ont la voiture à coté et ils
repartent donc ça veut dire : zéro perte de temps.
L'individu doit donc gérer ces contradictions internes,
nous verrons de quelle manière il peut le faire dans la dernière
partie de ce chapitre qui est consacré aux situations de dissonance.
7.2.2 Les failles du système législatif
face à la gestion du problème : le climat un bien collectif et la
question de la responsabilité
De manière globale, on peut dire que le système
législatif français n'incite guère les individus à
s'engager dans la lutte contre le changement climatique. Dans certain cas, et
comme l'illustrent les propos suivants ce contexte peut même constituer
une réelle contrainte aux changements de comportement.
Dans le Sud on sait que c'est intéressant de
mettre des panneaux solaires, pourquoi vous ne l'avez pas fait ? Vous
n'étiez pas assez informé ? parce-que ça coûte trop
cher ?
Corinne
|
Non ...parce qu'à l'époque...je vois ma
fille eux voulaient le mettre. Mais dans le site du Luberon à la Motte
d'Aigue on leur interdit un grand panneau solaire.
Par ce que ça défigure...
Voilà, c'est pourtant curieux, on est en 2007, et
on leur a déconseillé d'abord, puis interdit ensuite de mettre un
panneau solaire parce que ça détériore le paysage. C'est
grave, on surveille l'image visuelle et on pense pas...y a du travail à
faire. C'est bien que nous on soit informés, mais à mon avis
faudrait déjà que les hommes politiques fassent en
sorte...
De créer un cadre favorable...
Voila, qu'on y travaille dessus et qu'on mette en place
quelque chose de sérieux [...]
|
|
|
|
Si, nous l'espérons, ces propos restent anecdotiques
nous avons de manière plus générale constaté deux
failles dans le système législatif. Il s'agit de son
incapacité à poser des règles de gestion d'un bien
collectif, le climat, auquel est liée la difficulté à
gérer la question de la responsabilité.
7.2.2.1 Le climat : un bien collectif
« Imaginons, explique Hardin, une prairie ouverte
à tous. On peut s'attendre à ce que chaque berger essaie
d'élever autant d'animaux que possible sur la prairie commune.
Guère de problème tant que leur nombre ne porte pas atteinte aux
capacités de régénération de la ressource en herbe.
Arrive cependant un point où celle-ci vient à se raréfier.
Chaque berger s'en rend compte et peut même s'en inquiéter. Mais
individuellement, il ne peut modifier cette situation. Au contraire, en tant
que « berger rationnel », il a tout intérêt à
augmenter le nombre de têtes de bétail qu'il conduit à la
pâture : en toute hypothèse, son bénéfice reste
supérieur à la fraction du désavantage qu'il supporte du
fait de la détérioration accrue de la ressource collective. On
entre ainsi dans la tragédie infernale de la tragédie des biens
communs : chacun est enfermé dans un système qui le conduit
à accroître son troupeau sans limite dans un contexte de
ressources limitées. Et bientôt s'impose la conclusion : la
liberté des biens communs conduit à la ruine de tous. [...] Dans
une telle situation, tout se passe comme si la rationalité poussait
chacun à adopter le comportement du « passager clandestin »
(free rider) qui cherche à maximiser son intérêt sur le
compte d'autrui. » (Ost, 1995, p.130)
Nous pouvons considérer le climat comme un bien
collectif (il n'existe pas de propriétaires du climat), une des
caractéristiques des biens collectifs étant la privatisation des
bénéfices et la socialisation des coûts. Or, plusieurs
auteurs comme G. Hardin (1968) et Olson (1966) ont démontré que
les biens collectifs sont soumis à la logique du « free-ride »
: « en l'absence de contrainte, la conduite la plus rationnelle pour un
individu est de profiter de ce bien en se dispensant des sacrifices pour
l'entretenir ». Au niveau individuel, cette logique veut donc que les
français ne s'engagent pas dans la lutte contre le changement
climatique. Si un
individu s'engage dans cette lutte ses « sacrifices
» profiteront à l'humanité dans son ensemble, mais il n'est
pas assuré que les autres « terriens » consentent les
mêmes sacrifices. Ainsi, on retrouve dans les discours cette idée
de volonté d'action à condition que les autres (citoyens,
entreprises, Etats) agissent dans la même direction.
Le problème se trouve donc dans le fait que les
sociétés capitalistes ne savent plus gérer les biens
communs. Dans le but de prévenir la « tragédie des biens
communs », Hardin proposait comme solution la réglementation
politique et l'appropriation privée. Ceci nous amène à
rappeler, comme nous l'avons évoqué plus haut, la faiblesse des
lois qui régissent la limitation des émissions individuelles de
gaz à effet de serre (il n'existe pas de législation propre
à la limitation des émissions individuelles de gaz à effet
de serre). La règlementation politique apparaît donc insuffisante
pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Reste
la deuxième option, celle de l'appropriation privée. Sur ce
point, on peut dire que la naissance de marchés de carbone à
échelle international constitue un premier pas vers la privatisation des
quotas d'émissions de CO2. Cependant, l'application de ce système
au niveau individuel semble quasi impossible. S'il était possible
d'envisager de fixer un quota d'émissions de gaz à effet de serre
par habitant (par exemple 500 tonnes de CO2 par personne si l'on suit le
raisonnement de J-M Jancovici selon lequel ce niveau est le maximum que l'on
puisse émettre tout en ...), mais le problème qui se pose ensuite
est : comment vérifier que telle ou telle personne ne dépasse pas
son quota ? La responsabilisation face au problème du changement
climatique ne semble donc pas trouver de réponse dans la privatisation
du climat à travers un système de quotas individuels
d'émissions de gaz à effet de serre.
7.2.2.2 La question de la responsabilité : la
difficulté à gérer un problème partagé
« Quel sacrifice consentir dans le présent, et
à quelle hauteur, au nom d'un futur incertain ? Quel poids accorder aux
générations futures ? ». (Bourg, 2001, p.149)
La question de la responsabilité est au coeur du
questionnement sur les raisons de notre immobilisme face au changement
climatique. Réagir face à ce problème, nécessite un
débat de société ou une réflexion personnelle sur
les questions posées par D. Bourg et de manière
générale sur des questions d'ordre morale comme : quels sont les
risques que l'on peut tolérer et ceux qui sont intolérables ? Qui
est responsable des émissions de gaz à effet de serre ? Envers
qui somme-nous responsables ? ...
Rejet et délégation de la responsabilité
:
« Comment engager des responsabilités et
imposer des solutions dès lors que, de toute évidence, l'effet de
serre résulte de l'action cumulative de centaines de millions de
comportements individuels non délibérés ? »
(Ost, 1995, p.265).
Si la plupart des interviewés considèrent que
nous sommes tous responsables du changement climatique, il est
intéressant de noter qu'ils ne paraissent pas assumer cette
responsabilité. Nous avons pu constater dans leurs discours, qu'ils
rejettent la responsabilité sur d'autres entités, en particulier
sur le politique :
Julien
« Beh en fait faudrait qu'y ait un changement
politique mais qui influe...qui soit pas uniquement politique, qui soit
plutôt justement ce déclic qui influe sur les mentalités
qui face comprendre à l'ensemble de tous les acteurs quels qu'ils soient
que c'est l'enjeu majeur de nos sociétés et donc au final que
ça soit juste le starter quoi, et qu'après tous, toutes les
associations, tous les acteurs économiques puissent en même temps
essayer de faire quelque chose mais que ça soit plus uniquement
politique. »
Olivier
|
« [...] mais quand à moi-même à
part les maigres petites modifications de bon sens que je citais tout à
l'heure je me sens plutôt démuni parce que en tant que citoyen
lambda on a pas les moyens pour réagir vraiment... c'est une sorte de
délégation à nos femmes et hommes politiques au niveau
international, en espérant que comme il y avait eu la conférence
de Kyoto je crois enfin etc. voila disons espérons que ça porte
ses fruits et qu'il y en ait d'autres »
|
|
|
Myriam
|
« [...] moi je crois plus à essayer de
convaincre les gens de voter pour untel ou untel pour changer quelque chose
dans notre société... c'est pas les gens comme ça
individuellement qui peuvent faire grand-chose, il peuvent mais je pense qu'il
faudrait mieux quand même élire ou faire en sorte qu'il y ait des
gens au gouvernement qui se préoccupent plus de l'écologie...
»
|
|
|
|
Tout parait valable pour ne pas assumer notre
responsabilité individuelle dans le changement climatique. Les
français accusent ainsi ceux qui « polluent plus »,
c'est-à-dire les grandes industries, un voisin qui possède un
4x4, ou bien encore les pays « en développement »
Myriam
|
« Voilà, je pense que si tout le monde s'y
mettait un peu, enfin je pense que dans les pays occidentaux et les pays
développés on a conscience de ça, plus que dans les pays
qui sont moins développés, ils ont tellement besoin de produire
qu'ils se préoccupent pas de la pollution. »
|
|
|
|
Sommes-nous donc irresponsables face au problème du
changement climatique ? Si nous considérons « qu'être
irresponsable, c'est exercer un pouvoir sans assumer les obligations
correspondantes » (Ost, 1995, p.269) alors nous pouvons dire qu'en effet
nous sommes irresponsables face à ce problème.
Une responsabilité envers qui ?
Lorsque l'on parle des conséquences du changement
climatique, très rapidement, nous évoquons les
générations futures, étant donné que celles-ci
seront davantage victime du problème du changement climatique que les
générations actuelles. Mais le sentiment de responsabilité
envers les générations futures est-il communément
accepté ? Lors d'une conférence à laquelle j 'ai
assisté, un universitaire soutenait l'argumentation selon laquelle, du
fait qu'elles ne sont pas encore nées, les générations
futures n'ont aucun droit à faire valoir. Ceci remet donc en question la
nécessité de la lutte contre le changement climatique,
étant donné que ce problème ne remet pas directement en
cause notre survie et que celle des générations futures n'a pas
d'importance. Or, d'autres auteurs comme H. Jonas, proposent une vision
différente en affirmant le droit à la vie des
générations futures au nom d'une « obligation de l'avenir
» d'une « éthique du future ». Il semblerait que cette
deuxième vision d'une obligation envers les générations
futures soit plus communément acceptée par l'opinion. Cependant,
on peut souligner que s'il est facile d'adopter ce point de vue plus «
politiquement correct » que le premier, là encore cette valeur n'a
pas un grand pouvoir d'influence sur nos actions. Tout comme le fait que nous
ne vérifions pas quelles ont été les conditions sociales
de production de nos achats (travail d'enfants...), nous ne
réfléchissons pas aux conséquences que peuvent avoir nos
pratiques quotidiennes sur la survie des générations futures. Ce
paradoxe va même chez certaines personne interviewées
jusqu'à affirmer d'une part, qu'il est nécessaire de penser aux
générations futures (« Et puis après c'est sûr
dès qu'on a des enfants... bien sûr...on est concernés
») mais que d'autre part, bien qu'elles aient conscience des impacts de
certaines de leurs pratiques, elles affirment qu'elles ne sont pas prêtes
à en changer (« Ca m'embêterait beaucoup de plus pouvoir
le [l'avion] prendre. Non ça m'embêterait, franchement non, je
suis tout à fait consciente que ça détruit peut-être
la planète mais c'est très dur d'avoir goûté et de
changer après »). Les valeurs individualistes, dont nous
parlerons un peu plus loin dans l'analyse et qui sont au coeur de nos
sociétés occidentales peuvent peut être nous
éclairer sur ce paradoxe.
7.2.3 Le contexte physique : les
infrastructures
Nous avons pu constater à travers les entretiens
réalisés que de nombreux comportements en faveur de la lutte
contre le changement climatique ne sont tous simplement pas
réalisés car ils ne dépendent de facteurs externes qui
font déficience. C'est le cas du manque d'éléments
d'infrastructure tel que les réseaux de transport en commun. Ainsi, des
personnes qui
accepteraient de changer de pratique afin de limiter leur
impact sur le changement climatique ne peuvent pas le faire tout simplement car
le contexte rend ces pratiques impossible.
Olivier
« [...] je déplore vraiment que surtout en
zone rurale on ai pas de moyens de transport collectifs qui éviteraient
qu'on se retrouve obligé de prendre sa voiture individuelle mais
malheureusement le petit village ou j'habite nous n'avons même pas une
ligne de car qui nous dessert ».
7.3 Contraintes propres à l'individu
7.3.1 Le syndrome de la « goutte d'eau
»1
Face au caractère global du phénomène,
bon nombre d'individus se sentent impuissants. Ils voient alors de
manière négative l'impact que pourrait avoir une action
individuelle sur le changement climatique : ils ne sont que des « gouttes
d'eau dans l'océan ».
Olivier
|
« [...] mais quant à moi-même à
part les maigres petites modification de bon sens que je citais tout à
l'heure je me sens plutôt démuni parce que en tant que citoyen
lambda on a pas les moyens pour réagir vraiment... c'est une sorte de
délégation à nos femmes et hommes politiques au niveau
international, en espérant que comme il y avait eu la conférence
de Kyoto je crois enfin etc. voila disons espérons que ça porte
ses fruits et qu'il y en ai d'autres. »
|
|
|
Julien
|
« [...] J'aimerais pouvoir faire en sorte d'influer
sur ce changement de mentalité et d'être un acteur d'un
espèce de renouveau mais je dirais que je suis mal à l'aise par
rapport à ça de pouvoir rien faire, d'être impuissant,
d'être impuissant de pas pouvoir faire changer les choses mais en plus
d'en être un des responsables [...]»
|
|
|
|
D'une part, nous pouvons expliquer ce sentiment d'impuissance
par le manque d'une vision complexe du phénomène : si un individu
ne comprend pas de quelle manière il a un impact sur le changement
climatique, il est clair qu'il ne verra pas en quoi une modification de son
comportement individuel peut participer à un changement plus
général. Mais d'autre part nous remarquons que l'argument «
ce que je fais ne changera pas les choses » participe largement à
un processus de déresponsabilisation que nous expliciterons davantage
à travers le concept de dissonance cognitive. Le schéma suivant
résume les principales raisons qui peuvent conduire à un
processus de déresponsabilisation.
1 Francine Pellaud, (2000). L'utilisation des
conceptions du public lors de la diffusion d'un concept complexe, celui de
développement durable, dans le cadre d'un projet en
muséologie, Genève, Université de Genève,
Faculté de Psychologie et des Sciences de l'éducation, 454 p.
7.3.2 L'individualisme comme valeur centrale des
sociétés modernes
« Tout se passe comme si l'attention que chacun
porte à son propre devenir, et qui nourrit sa sensibilité face
aux risques nouveaux qui semblent l'assaillir, entravait toute forme de
réponse collective à ces mêmes risques » (Bourg,
2001, p.65)
7.3.2.1 L'individualisme moderne : un obstacle à
la lutte contre le changement climatique
Nous entendons par individualisme l'idéologie selon
laquelle, dans nos sociétés, l'individu est devenu « LA
» valeur par excellence. L'intérêt individuel prime alors sur
l'intérêt collectif. Est-il alors possible d'agir dans le sens de
l'intérêt collectif que représente la lutte contre le
changement climatique quand, dans un même temps, cette lutte peut porter
atteinte à notre vision des intérêts individuels ?
Il semblerait que la plupart de nos actions soient
guidées par notre l'intérêt individuel. Nous pouvons
constater ce phénomène quand il s'agit d'approuver des mesures
pour lutter contre le changement climatique :
« L'intérêt écologique d'une
telle décision [augmentation des taxes sur l'essence], le fait qu'elle
puisse inciter chacun de nous à restreindre l'usage des transports
individuels et pousser les constructeurs à se soucier avant tout de
l'optimisation énergétique des véhicules, disparaît
devant les égoïsmes individuels et les soupçons à
l'encontre de l 'Etat, considéré comme acteur parmi d'autres et
non comme l'expression de l'intérêt général »
(Bourg, 2001, p.63).
Nous pourrions résumer l'état d'esprit de
l'opinion face aux efforts à consentir pour apporter des solutions au
changement climatique de la manière suivante : « la lutte contre le
changement climatique, oui, mais à conditions que mes
intérêts personnels ne soient pas remis en cause ». Comme le
souligne M. Dobré « il n'y a pas [...] de raison d'imaginer qu'un
individu soucieux avant tout de son intérêt autolimite son confort
et son bien-être au nom des générations futures [...]
» (Dobré, 2002, p.186,). Or, nous le savons, diminuer nos
émissions de gaz à effet de serre de manière à
lutter efficacement contre le changement climatique implique un changement plus
ou moins radical de mode de vie. Ce changement est généralement
perçu comme une atteinte aux libertés individuelles, une perte de
confort ... choses auxquelles les français ne paraissent pas prêts
à renoncer. Cet esprit individualiste des sociétés
industrielles constitue donc un obstacle radical à la diffusion de
pratiques favorables à la lutte contre le changement climatique.
Si d'un coté nous pouvons interpréter
l'immobilisme des pratiques face au changement climatique comme le
résultat d'une réflexion individualiste, l'adoption de pratiques
en faveur de la lutte contre le changement climatique n'est pas pour autant
à interpréter comme le résultat d'un souci de protection
de l'environnement. Prenons l'exemple de la consommation issue de l'agriculture
biologique : on consomme moins BIO pour préserver l'environnement que
pour préserver sa santé, ou avoir le plaisir de manger des
aliments plus goûteux.
Il faut cependant garder à l'esprit qu'individualisme et
conscience environnementale ne sont pas antinomiques :
« [...] la conscience environnementale peut aussi
être liée à l'égoïsme. Elle est accrue
lorsqu'un individu se sent menacé par des risques environnementaux ou
lorsque qu'il juge que des efforts de protection pourront lui apporter des
bénéfices. Par contre, s'il évalue que de tels efforts
peuvent entraîner des coûts indésirables pour
lui-même, sa conscience verte peut s'estomper. » (Gendron,
2007).
De manière générale on retrouve des
traces de cet esprit individualiste dans les motivations de nos actions. Il
n'est pas ainsi étonnant de constater que face au changement climatique
l'action rationnelle en finalité l'emporte sur l'action rationnelle en
valeur.
7.3.2.2 Face au changement climatique l'action
rationnelle en finalité l'emporte sur l'action rationnelle en
valeur
Devant le problème du changement climatique, il est
possible pour un individu d'adopter deux types d'actions rationnelles :
l'action rationnelle en valeur ( « je suis préoccupé par la
survie des générations futures donc je participe à la
lutte contre le changement climatique ») ou l'action rationnelle en
finalité (« je suis préoccupé par la survie des
générations futures, mais si je m'engage dans la lutte contre le
changement climatique les coûts de cet engagement seront
supérieurs aux bénéfices que j'en tirerai »). Il nous
semble que c'est davantage à ce deuxième type de
rationalité (en finalité) que les acteurs ont recours quand il
s'agit de prendre une décision quand aux pratiques à adopter face
à ce problème du changement climatique. J- P. Bozonnet
précise que de manière générale « l'engagement
dans les pratiques environnementales est proportionnel au coût de ces
pratiques pour l'usager. Il est d'autant plus grand que les valeurs
écologiques se superposent à l'intérêt individuel,
et d'autant plus faible qu'elles s'en écartent. Ainsi les consommateurs
chercheront spontanément à réduire leur consommation
d'essence, mais pas nécessairement à substituer le train à
l'automobile ». L'intérêt économique parait être
une source de motivation très importante des pratiques en règle
générale. Ceci explique que, bon nombre d'individus ne sont pas
incités à adopter certaines pratiques qui contribuent à la
lutte contre le changement climatique (achat de produit BIO, installation de
chauffe-eau solaire, avion moins cher que le train...) étant
donné leur surcoût financier. A l'inverse, ce sera la perspective
d'un gain économique qui pourra inciter ces personnes à adopter
des pratiques moins émettrices de gaz à effet de serre :
installations de lampes basses consommation, économie
d'électricité... De manière générale, nous
pouvons mettre en évidence l'incapacité du système de
marché à motiver les pratiques dans le sens de la lutte contre le
changement climatique. La motivation des pratiques par l'intérêt
économique (action rationnelle en finalité) explique donc en
partie l'écart sensibilité/pratiques : un individu est davantage
motivé par la finalité de son action (gain économique) que
par les valeurs qui pourraient l'influencer.
7.3.3 Notre dépendance aux technologies
polluantes
« Il est aussi difficile de se défendre
contre la généralisation du monopole que contre l'extension de la
pollution. [...] La défense contre le monopole est encore plus difficile
si l'on prend en compte les facteurs suivants. D'une part la
société est d'ores et déjà encombrée
d'autoroutes, d'écoles et d'hôpitaux ; de l'autre, la
capacité innée que l'homme a de poser des
actes indépendants est paralysée depuis si longtemps qu'elle
semble s'être atrophiée ; enfin les solutions offrant une autre
possibilité, pour être simple, semblent devoir être hors de
portée de l'imagination. Il est difficile de se débarrasser du
monopole lorsqu'il a gelé la forme du monde physique,
sclérosé le comportement et mutilé l'imagination. Quand on
découvre le monopole radical, il est en général trop tard.
» (Y. Illich, La Convivialité, p.85-86)
7.3.3.1 Notre dépendance vis-à-vis des
processus technologiques
« Il est indéniable que nous devenons
progressivement les prisonniers des processus que nous avons
déclenchés nous-mêmes ». (H. Jonas, 1990).
« L'expérience a prouvé que les
développements déclenchés à chaque fois par l'agir
technologique afin de réaliser des buts à court terme ont
tendance à se rendre autonomes, c'est-à-dire à
acquérir leur propre dynamique contraignante, une inertie autonome, en
vertu de laquelle ils ne sont pas seulement irréversibles [...], mais
qu'ils poussent également en avant et qu'ils débordent le vouloir
et la planification de ceux qui agissent. » (H. Jonas, 1990)
Comme le souligne ici H. Jonas, il semblerait que la
technologie, bien qu'étant le fruit du travail de l'Homme, exerce
après un certain temps une contrainte sur celui-ci. Par exemple, nous
sommes aujourd'hui, dans nos modes de vie quotidiens, dépendant de
l'utilisation de l'électricité, des appareils
électroménagers, des transports... Notre dépendance
vis-à-vis de ces technologies polluantes (émettrices de gaz
à effet de serre) peut ainsi expliquer notre immobilisme
vis-à-vis du changement climatique.
Julien
« [...] j'utilise ma voiture, et elle m'est bien
utile donc je vais pas cracher dessus, sinon d'autres choses... oui le simple
usage de l'électricité, j'imagine qu'y a...quand on utilise
l'électricité...ouais ça participe au réchauffement
climatique, peut être d'une manière un peu moindre mais quand
même quoi, donc tout ça après c'est des choses auxquelles
je fais attention mais qui sont finalement tellement ancrés dans nos
manières de vivre que c'est difficile de s 'en détacher donc
voila [...] Tu peux pas faire autrement parce que voila, tu vis comme ça
depuis des années et bon tu peux toujours changer radicalement mais
disons que ta vie est tellement codé par rapport à toutes sortes
de choses qui sont polluantes que beh ... moi je me sens impuissant même
par rapport à moi-même »
En effet renoncer à l'utilisation de certaines de ces
technologies reviendrait à changer en profondeur nos modes de vie, chose
à laquelle nous ne semblons pas prêts. Prenons l'exemple de la
voiture...
7.3.3.2 L'exemple de la voiture
« Championne du mensonge et de l'aveuglement, elle
[l'automobile privée]
réussit à donner
d'elle-même une image en tout point contraire à la
réalité :
l'image est faite de mobilité, d'autonomie,
d'indépendance ; la réalité, d'encombrement et de
dépendance radicale vis-à-vis des servitudes de la route et des
comportements des autres » (Dupuy, 2002, p.61).
La voiture a une emprise sur nos vies quotidiennes dont peu
d'individus ont conscience. L'Homme « industriel » est aujourd'hui
dépendant, aliéné, face aux transports et plus
particulièrement face à la voiture individuelle. Cet outil qui
permet d'abolir l'espace et le temps a façonné les
sociétés occidentales. L'ensemble de la vie quotidienne est
construite autour de l'utilisation de la voiture : aménagement du
territoire de plus en plus « étalé » (division de
l'espace en zone de travail, habitat, loisir de plus en plus
éloignée les unes des autres), voiture comme « outil de
travail » (la possession d'une voiture est une condition requise pour bon
nombre de recrutements à un emploi), voiture comme « outil de
loisir » (il suffit de voir les embouteillages au moments des vacances
scolaires)... Nous somme donc dépendants de cet outil si bien que, dans
les années soixante dix, « le français moyen consacrait plus
de quatre heures par jour à sa voiture, soit qu'il se
déplaçât d'un point à un autre dans son habitacle,
soit qu'il la bichonnât de ses propres mains, soit surtout, qu'il
travaillât dans des usines ou des bureaux afin d'obtenir les ressources
nécessaires à son acquisition, à son entretien. [...] la
situation présente est sans doute pire que celle d'il y a vingt ans
» (Dupuy, 2002, p.36).
Il n'est pas évident de se détacher des
dépendances à ces technologies polluantes car cela implique de
lutter contre des contraintes « internes » (perte du « confort
» de l'utilisation de la voiture...). Mais la contrainte peut aussi
être « extérieure » à l'individu (si il n'existe
pas de réseaux de transports en communs l'individu se voit obligé
de recourir à l'utilisation de la voiture individuelle) :
« La plupart des « usages », comme par
exemple celui de la voiture individuelle, sont
hétérodéterminés. Le choix « personnel »
de l'utilisation de la voiture n'arrive qu'au bout d'une longue chaîne de
déterminations qui demandent à être analysée »
(M. Dobré, 2002, p.101).
7.3.4 La consommation comme religion des
sociétés modernes
« Alors que l'individualité est une valeur
centrale de nos sociétés, « maintenir un style de vie
individuel contre le courant devient de plus en plus difficile »
». (M. Dobré, 2002, p. 14,)
7.3.4.1 Le monopole de la consommation sur le
quotidien
Les français se sont engagés depuis
l'après guerre dans une course à la consommation sans
précédent. « Toujours plus » tel pourrait être le
slogan de ce mouvement qui n'est pas sans conséquence sur
l'environnement. En ce qui concerne le changement climatique, la consommation
de biens marchands, en quantité toujours grandissante, sous-entend une
augmentation des émissions de gaz à effet de serre (via
l'utilisation en grande quantité d'énergies fossiles), chaque
objet consommé ayant nécessité, lors de sa production de
sa distribution et de son usage, une certaine quantité d'énergie.
La « surconsommation » apparaît donc comme un frein à la
lutte contre le changement climatique. Dans L'écologie au quotidien,
Michelle Dobré démontre que ce mode de vie basé sur la
consommation marchande s'autoentretient si bien qu'en réalité, le
nombre d'options pour des modes de vie effectivement réalisables est
limités (Dobré, 2002, p.24). Il faut ici rappeler les
capacités de la publicité à nous créer de nouveaux
besoins et à nous garder dans un état d'insatisfaction
permanent.
7.3.4.2 Des besoins basés sur la satisfaction
marchande
« Plus les « options » proposées
aux consommateurs-individus se diversifient et se multiplient, moins les «
choix » réels de vivre autrement lorsqu'on le décide sont
réalisables ». (Dobré, 2002 p.9)
Keynes distingue deux catégories de besoins : «
[...] les besoins qui ont un caractère absolu en ce sens que nous les
éprouvons quelle que soit la situation de nos semblables, et ceux qui
possèdent un caractère relatif en ce que nous ne les ressentons
que si leur assouvissement nous place au-dessus de nos semblables ou nous donne
l'impression de leur être supérieur. Les besoins de cette seconde
catégorie, ceux qui correspondent à un désir de
supériorité, sont peut-être tout à fait insatiables,
car ils sont d'autant plus élevés que le niveau
général de satisfaction est lui-même
élevé» (Dobré, 2002, p.60). La logique marchande que
nous venons d'évoquer repose donc sur l'entretien de ce deuxième
type de besoins : les besoins relatifs. Il est donc important de rappeler que
nous ne définissons pas librement nos besoins (ceux-ci sont
créés par la publicité, par notre environnement : ce que
possèdent les autres...) et que nous consommons des marchandises et des
signes (la marchandise que nous consommons peut être autant un objet dont
on use qu'un signe que l'on arbore). La lutte contre le changement climatique
doit donc passer par une redéfinition des besoins et de leurs modes de
satisfaction.
7.3.4.3 Peu de place pour les « résistants
ordinaires »
Il convient donc de se demander si au milieu d'une
société où tout nous incite à posséder
toujours plus, à rechercher toujours mieux, qu'est-ce qui peut pousser
les individus à abandonner certains conforts par décision
volontaire ? Pour répondre à cette question M. Dobré
(Dobré, 2002) a développé le concept de «
résistance ordinaire ». Elle entend par ces termes«
l'opposition modeste et peu héroïque à la logique contraire
au monde social et civil et à ses valeurs » (Dobré, 2002,
p.10) qui passe par des « actes privés, menés sans
décision préalables, qui ignorent leur caractère politique
et ne se définissent pas comme tels, ne dérogeant pas
nécessairement à la loi, mais plutôt à la norme
instituée par un modèle culturel hégémonique »
(Dobré, 2002, p. 316). Nous pouvons donc considérer la lutte
individuelle contre le changement climatique comme un exemple de
résistance ordinaire. Ainsi, le choix de renoncer à l'utilisation
de la voiture motivé par la volonté de ne pas participer au
changement climatique est une pratique de résistance ordinaire. Ce type
de pratique est-il courant chez les français ? Il semblerait que non. En
effet, nous l'avons déjà vu, les pratiques individuelles visant
à lutter contre le changement climatique sont très faibles en
France. Il existe bien quelques « résistants ordinaires »
(dans chacun de ses numéros le journal La décroissance dresse un
portrait de l'un d'eux) mais ils représentent qu'une très faible
partie de la population française. Nous pouvons expliquer que les «
résistants ordinaires » sont une « espèce rare »
en France par l'analyse de la dépendance des personnes face au «
système » (dépendance aux systèmes techniques et
marchand dans la vie quotidienne). Les « capacités d'action »,
si l'on reprend le terme utilisé par M. Dobré sont donc largement
déterminées par le système dans lequel nous vivons :
« même en s'appuyant sur un ensemble de valeurs constitué et
cohérent, il ne va pas de soit que l'on puisse poursuivre des choix de
vie individuels à l'écart des sentiers battus de la
société marchande » (Dobré, 2002, p.10). Le
changement de mode de vie que sous entend la lutte contre le changement
climatique relève donc d'une véritable bataille contre les
structures existantes (infrastructures, systèmes de valeurs...). Ces
obstacles à l'autonomisation des pratiques individuelles expliquent que,
bien souvent, les militants écologistes suivent des modes de vie qui ne
sont guère en rapport avec leurs valeurs. Ceci nous amène
à nous poser une question plus globale : de quelle manière les
français arrivent-ils à concilier des valeurs en faveur de la
lutte contre le changement climatique et des pratiques bien souvent
opposées à ces valeurs ? Le concept de dissonance nous donne
quelques éléments de réponse à cette question.
7.4 Comment gère-t-on la dissonance cognitive
provoquée par l'écart sensibilité/pratiques ?
Les valeurs du système peuvent ne pas être
toutes compatibles. Dans les sociétés complexes, il existe
même des contradictions entre certaines valeurs sociales, contradictions
internalisées par les individus. Ce fait génère, d'une
part, des conflits internes chez les acteurs sociaux, conflits internes qui
déclenchent des troubles de l'identité s'exprimant diversement
». (Muchielli, 2006 (1981), p.76).
7.4.1 Le concept de dissonance cognitive
Le concept de dissonance cognitive a été
élaboré dans les années 1950 par le sociopsychologue
américain L. Festinger. Ce concept permet d'expliquer comment un
individu peu gérer les états de tension provoqués par
l'association de deux cognitions (idées, opinions, comportements)
incompatibles entre elles. Les termes de « dissonance cognitive »
désigne en effet un état de tension désagréable
dû à la présence simultanée de deux cognitions
(idées, opinions, comportements) psychologiquement inconsistantes. Le
postulat de base de ce concept est, que les individus aspirent à
éliminer les faits de pensée ou les faits comportementaux
présents en eux et qui sont contradictoires. En s'appuyant sur la
théorie de la consistance et sur la théorie de la rationalisation
des conduites, il s'agit d'étudier comment les sujets tentent de
réduire cette dissonance en changeant d'opinion par exemple. Cette
théorie considère que deux éléments de cognition
(perceptions, attitudes propositionnelles ou comportements) sont en rapport ou
pas (un lien pertinent les relie ou non). Deux cognitions liées sont
soit consonantes (ou cohérentes) soit dissonantes (incohérentes).
Elles sont dites consonantes si l'une entraîne ou supporte l'autre. A
l'inverse, deux cognitions sont dites dissonantes si l'une entraîne ou
supporte le contraire de l'autre. On peut considérer par exemple le fait
d'être à la fois très sensible à la lutte contre le
changement climatique et parcourir 100 km en voiture chaque jour pour se rendre
au travail comme deux éléments dissonants chez une même
personne. Cette situation de dissonance va provoquer chez le sujet une tension
qui le conduira à rechercher une solution pour la diminuer. Deux
solutions s'offrent alors à lui : il peut soit réduire la
dissonance tout en conservant ses attitudes et comportements (stratégie
de rationalisation) en ajoutant des éléments consonants ou en
minimisant l'importance des éléments dissonants, soit il
décide de modifier l'un des éléments dissonant en
changeant de comportement ou d'attitude (par exemple en décidant de se
rendre au travail en transport en commun) sachant qu'en règle
générale l'élément le moins résistant au
changement est l'attitude.
7.4.2 Pourquoi la connaissance du problème du
changement climatique peut provoquer une situation de dissonances chez les
individus et comment y remédient-ils ?
En remettant en cause les modes de vie, la prise de conscience
du problème du changement
climatique provoque chez bien des individus une situation de
dissonance cognitive. En effet, les individus qui prennent conscience du
problème se trouvent dans une situation ou s'oppose des valeurs en
faveur de la protection de l'environnement et donc en faveur de la lutte contre
le changement climatique et des pratiques qui vont dans le sens inverse de
cette lutte (ex. utilisation de l'avion...). Dans ce cas, plusieurs choix
s'offrent alors à l'individu pour réduire cet état de
tension interne. Voici les principales réactions qui selon nous
relèvent d'une stratégie de réduction de la dissonance que
nous avons pu constater lors des entretiens que nous avons
réalisés :
· Le « rejet ou délégation de la
responsabilité » : nous l'avons expliqué plus haut le rejet
de la responsabilité sur d'autres entités (politiques, pays
« en développement »...) est une attitude très courante
chez les individus interviewés. Cette attitude participe selon nous
à la recherche de la réduction de la situation de dissonance
cognitive. En effet, le fait de rejeter sur les autres la responsabilité
du problème du changement climatique a pour effet de
déculpabiliser les individus et donc de réduire cette dissonance
: « c'est l'affaire des politiques, je n'y peux rien ».
· L' « oubli » du problème : une autre
stratégie de réduction de la dissonance consiste à «
oublier » le problème du changement climatique. En effet, les
personnes interviewées avouent ne pas y penser tous les jours, ne pas
être angoissées par le problème. Cet « oubli »
revient donc à supprimer l'un des éléments dissonants (la
prise de conscience du problème) ce qui à pour conséquence
l'annulation de la situation de dissonance. Dans certains cas, il ne s'agira
pas d'un « oubli » total du problème mais de la minimisation
de son importance, en pensant pas exemple que le problème n'est pas si
urgent étant donné que nous n'en subissons pas les
conséquences annoncées.
· La consommation « verte » et autres
modifications « non radicales » des pratiques... : certains individus
procèdent cependant à quelques changements dans leurs pratiques
individuelles. Certaines de ces pratiques sont misent en oeuvre pour « se
donner bonne conscience » (ex. : « j'ai acheté des lampes
basses consommation donc le problème est réglé, je peux
continuer à vivre comme avant »). Les slogans publicitaires comme
« roulez vert » ou « voyageons en avion et protégeons le
climat » ont une importance non négligeable dans ce
processus de « déculpabilisation ». Ainsi,
nous pensons que l'un des risques des campagnes de sensibilisation sur le
changement climatique, actuellement mis à l'oeuvre, est de donner une
batterie de « petits gestes » (ne pas laisser les appareils en
veille...) qui une fois appliqués peuvent d'une certaine manière
condamner la naissance d'une vraie réflexion sur nos modes de vie qui
est pourtant nécessaire si l'on veut lutter efficacement contre le
changement climatique. En effet, les modifications « en surface » des
pratiques on un effet « déculpabilisateur » qui tue dans
l'oeuf une réflexion plus profonde.
· La modification radicale des comportements : Si aucune
des personnes que nous avons
interviewées n'a radicalement changé de
comportement suite à la prise de conscience du problème du
changement climatique, nous voulions tout de même montrer qu'une solution
qui s'offre aux individus pour annuler la situation de tension interne est
d'adapter complètement leurs comportements à leurs valeurs. Dans
ce cas, un changement de mode de vie beaucoup plus radical s'impose. C'est la
raison pour laquelle cette option est largement minoritaire par rapport aux
autres. En effet, elle demande beaucoup plus d'effort, de « sacrifices
» personnels que les précédentes. Nous l'avons d'ailleurs
mentionné dans l'analyse, même les individus dotés de
valeurs « pro environnementales » sont bien souvent contraints de
continuer leurs modes de vie habituels (les contraintes viennent alors de
l'extérieur). Pourtant, c'est bien cette dernière option d'une
modification radicale des comportements que nous devons adopter si nous voulons
lutter efficacement contre le changement climatique.
Nous allons maintenant étudier, plus en détail,
un exemple qui sous couvert d'outil de lutte contre le changement climatique
constitue avant tout, selon nous, une stratégie de réduction de
la dissonance cognitive provoqué par l'écart
valeurs/pratiques.
7.4.3 La compensation volontaire des émissions
de CO2 : outil de lutte
contre le changement climatique ou stratégie
d'évitement ?
Les systèmes de compensation volontaire des
émissions de CO2 sont-ils des moyens efficaces de lutte contre le
changement climatique au niveau individuel ?
D'après une étude de l'ADEME
réalisée en novembre 2006, 31 structures offrant des services de
compensation des émissions de CO2 ont vu le jour à travers le
monde ces dernières années. Dans le sillage des marchés
internationaux et nationaux de CO2, ces structures proposent la compensation de
gaz à effet de serre pour les particuliers. Ce système correspond
à la réduction des gaz à effet de serre
atmosphériques d'une quantité équivalente à celle
que l'on a émise par une activité telle que le transport, le
chauffage... Cette réduction se fait via le
financement de projets qui ont pour but d'éviter ou de
séquestrer des émissions équivalentes. Le calcul du
montant à payer se fait donc sur la base du coût moyen de
l'émission de la tonne de CO2 (ou kilo selon les organismes) de carbone
évité par l'ensemble des projets. Nous avons ainsi calculé
que la tonne de CO2 coûte de 14 à 24 euros selon le prestataire
choisi. Notre thèse est ici la suivante : les systèmes de
compensation constituent davantage, des objets permettant de réduire la
situation de dissonance, ou sentiment de culpabilité, provoqué
par l'écart valeurs/pratiques chez les individus qui y on recourt, que
des outils efficaces de lutte contre le changement climatique. En effet, suite
à l'analyse des trois principaux systèmes de compensation en
France (Action Carbone, Climat Mundi et CO2 solidaire). Voici ce que nous avons
observé :
- Ces systèmes ne sont pas forcément efficaces d'un
point de vu physique : l'équilibre
entre quantité achetées et quantités
évitées n'est pas toujours respecté (par exemple les
projets de reforestation d'Action Carbonne sont de « fausses bonnes
solutions » étant donné que la reforestation permet
seulement de stocker des émission de CO2 qui seront un jour au l'autre
réémis : mort de l'arbre, feux de forêt...), et dans
certains cas, en particulier lorsque les projets viennent satisfaire de
nouveaux besoins (électrification dans un village ou il n'y avait pas
jusqu'alors l'électricité) on peut parler d'effet rebond.
- Selon le discours soutenu par les différents organismes
de compensation on peut dire
que les systèmes de compensation volontaires
constituent réellement une stratégie de réduction de la
dissonance cognitive. On peut ainsi constater que le discours de Climat Mundi
est particulièrement « déculpabilisateur », «
déresponsabilisateur » :
« Il est temps de penser au climat devenez neutre en
CO2 » ; La compensation « c'est une nouvelle façon de limiter
votre contribution au réchauffement climatique, en chargeant quelqu'un
de diminuer à votre place la partie de vos émissions de CO2 que
vous ne pouvez pas réduire vous-même, ou pas tout de suite, ou
dont la réduction vous coûterait trop cher » ; « en
compensant la totalité de mes émissions de CO2, je peux ainsi
annuler totalement mon impact sur le réchauffement climatique, et
devenir ainsi « neutre en CO2 » ou « zéro CO2 ».
C'est bon pour la planète, et c'est bon pour moi et tous les enfants du
monde ! »1.
7.5 Conclusion du chapitre V
Nous pouvons conclure de cette analyse que les facteurs qui
peuvent expliquer l'immobilisme
des français face au changement
climatique sont très nombreux. Il ne s'agit donc pas
1 Extraits du discours tenu par Climat Mundi sur son
site internet.
uniquement d'un manque de connaissance du problème.
Nous savons que ces facteurs peuvent prendre la forme de contraintes internes
à l'individu (ex. le fait de préférer les voyages
lointains au tourisme rural) mais il ne faut pas négliger la
présence de contraintes externes (ex. absence de réseau de
transport urbain) qui peuvent décourager des individus pourtant
très sensibles au problème du changement climatique. Il nous est
impossible de dire quel facteur a le plus d'influence sur les comportements
face au changement climatique. Le manque de connaissance sur le problème
étant très général, nous avons vu qu'une grande
majorité des français se heurtent à des problèmes
cognitifs en ce qui concerne la représentation du changement climatique
de ses causes, de ses conséquences... Ce problème de manque de
compréhension nous parait donc être le premier obstacle à
la prise de conscience de la réalité du problème et donc
à la lutte individuelle contre le changement climatique. Cependant, en
interviewant des personnes ayant des représentations plus proches de la
réalité du phénomène, nous nous somme rendus compte
à quel point les facteurs expliquant leur immobilisme (qui dans ce cas
là ne s'explique plus par un défaut de connaissance) peuvent
être variés. Système de normes et de valeurs,
caractéristiques propres au phénomène (nouveauté,
invisibilité...), pressions de la société... nombreuses
peuvent être les contraintes qui une fois qu'elles ont exercé leur
influence sur les comportements expliquent que les français ne
s'engagent pas, de manière globale, dans une lutte individuelle contre
le changement climatique.
CONCLUSION
8 Synthèse de l'analyse et pistes de
réponse à la question : comment favoriser les pratiques de lutte
contre l'effet de serre chez les français.
Cette conclusion fera l'objet tout d'abord d'un rappel des
principaux résultats de notre travail d'analyse, mais elle sera aussi
l'occasion de donner des éléments de réflexion sur les
perspectives à explorer pour augmenter les pratiques individuelles en
faveur de la lutte contre le changement climatique.
8.1 Quelles conclusions tirer de notre analyse
?
Rappelons tout d'abord les deux principales questions sur
lesquelles portait ce travail de recherche :
Question de départ
|
Comment peut-on expliquer cette passivité des
français face au problème du changement climatique ?
|
|
|
Question de recherche
|
Comment peut-on expliquer l'écart entre la
sensibilité et les pratiques des français face au changement
climatique ?
|
L'analyse développée nous a permit d'apporter
des éléments de réponse à ces deux questions. Nous
avons ainsi tout constaté que si les Français se disent sensibles
au problème du changement climatique cette sensibilité ne se
reflète pas dans les pratiques. Nous avons vu que cet écart entre
sensibilité et pratiques peut s'expliquer d'une part, par le fait que
malgré la médiatisation croissante de la thématique du
changement climatique, il existe un problème important de connaissance
de ce phénomène dans l'opinion publique. D'autre part, nous avons
mis en évidence l'existence d'autres facteurs, internes ou externes aux
individus, qui constituent des contraintes, des obstacles au changement de
comportement en faveur de la lutte contre le changement climatique. Le tableau
suivant représente de manière synthétique l'ensemble de
ces facteurs que nous avons pu mettre en évidence tout au long de ce
travail de recherche. Nous avons repris la classification
développée dans le dernier chapitre qui met en évidence
pour chaque facteur identifié à quel niveau il se situe (nature
du phénomène, contextes et individu) et donné quelques
illustrations de la manière dont ils influent les comportements. La
lecture de ce tableau met en évidence le fait que tous ces facteurs
conduisent à une inertie des comportements ainsi que, bien
souvent, à des situations de dissonance cognitive.
Les résultats de ce travail nous ont conduits à
nous poser la question suivante : quels sont les moyens dont disposent les
pouvoirs publics, mais aussi les autres acteurs de la société
française (associations, médias, entreprises), pour favoriser les
pratiques de lutte contre le changement climatique ? Nous avons donc
décidé d'évoquer en deuxième partie de cette
conclusion les perspectives d'action qui peuvent être
développé dans ce sens.
Contexte moral
Connaissance
Individualisme
Contexte physique
Un phénomène
incertain, invisible
Contexte normatif
Syndrome de la
goutte d'eau
Un phénomène
différé dans
le
temps et dans
l'espace
Complexité du
phénomène
Nouveauté du
phénomène
Confort des
habitudes
Absence de repères pour l'action
Absence de législation pénalisant les comportements
qui participent au changement climatique
Absence de sanctions morale
Absence de solidarité entre les
générations
actuelles, vis-à-vis des générations futurs
et des autres formes de vie sur Terre
Manque de prise au sérieux du problème
Possibilité de tomber dans les extrêmes du
catastrophisme ou du négationnisme
Incapacité à prendre en compte le long terme dans
des systèmes qui privilégient l'immédiateté
Contradiction dans le système législatif
Les contradictions à l'intérieur des
systèmes de valeur empêche l'émergence de comportements
alternatifs
Dans certains cas, absence d'un contexte physique
(infrastructures) favorisant des changements de comportement (en particulier
dans les zones rurales)
Le manque de connaissance sur le problème (nature du
problème, causes, conséquences) constitue une barrière
pour une réelle prise de conscience des enjeux du problème
Impossibilité de créer une gestion collective du
problème: les coûts sont individuels et les
bénéfices collectifs
Incapacité à imaginer des comportements alternatif.
Le changement à un coût. Facilitée procuré par les
habitudes.
Difficulté à intégrer des connaissances
complexes Difficulté à médiatiser la complexité
Difficulté à appréhender l'incertain et
l'invisible Le phénomène peut être sujet à
controverse
La globalité du phénomène
La question de la responsabilité est diluée
Dépendance vis-à-vis des technologies polluantes
Dévalorisation de la capacité des actions
individuelles
8.2 Comment favoriser les pratiques de lutte contre le
changement climatique
Il n'existe pas, à notre connaissance, de solution
miracle qui inciterait les Français à s'engager dans la lutte
contre l'effet de serre. Pourtant, selon nous, les pouvoirs publics peuvent
largement contribuer à créer une nouvelle orientation des
comportements individuels. Nous pensons qu'il existe trois axes
complémentaires d'action pour les pouvoirs publics. Il s'agit d'informer
et sensibiliser l'opinion, de créer un contexte favorable pour le
développement d'actions individuelles en faveur de la lutte contre
l'effet de serre, et de réussir à provoquer l'engagement des
citoyens grâce à des techniques de « manipulation ».
8.2.1 Informer, sensibiliser et communiquer
Nous avons vu que les français ont des
représentations du changement climatique souvent bien loin de la
réalité du phénomène. Informer et sensibiliser la
population reste donc un grand défi pour provoquer une réelle
prise de conscience autour des enjeux du problème. Cependant la
communication autour du phénomène ne doit pas se faire de
n'importe quelle manière. Des nouvelles formes de communication doivent
être trouvées, afin d'intégrer la complexité,
élément indispensable pour saisir les interactions autour du
problème du changement climatique. Des études
complémentaires sur les perceptions du changement climatique par le
grand public doivent être réalisées. En effet, une
communication efficace sur le changement climatique doit partir des
représentations initiales qu'en on les français. Seule une bonne
compréhension de leur système de compréhension permettra
de lutter contre les idées fausse, ou de combler les lacunes au niveau
des connaissances. Il est aussi très important de véhiculer des
messages « positifs ». En effet, un excès de catastrophisme
dans l'information risque d'avoir des effets contraires à ceux attendus,
il risque de paralyser toute initiative de changement de comportement (la
partie étant perdue d'avance). Les campagnes de sensibilisation doivent
mettre l'accent sur la responsabilisation (non la moralisation) des citoyens,
en montrant que chacun d'entre nous à sa part de responsabilité
dans le problème du changement climatique et peut donc faire quelque
chose à son échelle. Cependant, ce travail de responsabilisation
ne doit pas se transformer en discours moralisateur. Enfin, les campagnes de
sensibilisation peuvent constituer une scène pour la valorisation de
nouvelles valeurs, ou nouveaux modes de vie, allant dans le sens de la lutte
contre le changement climatique (les techniques utilisée en
publicité peuvent ici être reprises). Il est en effet
nécessaire de créer une nouvelle citoyenneté
qui tienne compte du caractère global des relations que nous entretenons
avec l'ensemble de la vie actuelle et futur.
8.2.2 Créer des conditions favorables aux
changements de
comportement
Nous l'avons vu, un travail de sensibilisation et d'information
peut conduire à l'émergence de
nouveaux types de comportements, mais encore faut-il que
ceux-ci puissent se développer dans un cadre favorable. Un second axe
d'action des pouvoirs publics est donc, d'anticiper les résistances aux
changements de comportements. En effet, il est important de ne pas minimiser
ces résistances, mais au contraire de mieux les connaître afin de
pouvoir composer avec celles-ci, et de les combattre. Pour cela les pouvoirs
publics peuvent jouer sur les contextes. Créer des contextes normatifs,
moraux et physiques favorables à la lutte contre le changement
climatique apparaît donc indispensable.
8.2.3 Provoquer l'engagement des citoyens
Comment faire en sorte que les gens changent de pratiques ?
Comment permettre et stimuler
des changements de comportements nécessaires à la
diminution des émissions de gaz à effet de serre ?
Si nous pensons que les campagnes de sensibilisation
permettent une prise de conscience qui se traduit ensuite dans les
comportements, il faut garder à l'esprit que, bien souvent, la prise de
conscience suit le comportement plutôt que de le précéder.
La théorie de l'engagement de Kiesler, qui a été reprise
et enrichie par R. V. Joule et J. L. Beauvois nous donne des pistes à
explorer si l'on souhaite orienter les individus dans la lutte contre le
changement climatique. Selon ces auteurs persuader, convaincre et
responsabiliser ne sont par les meilleurs moyens pour amener les gens à
faire quelque chose. Dans le cas qui nous intéresse, les campagnes de
sensibilisation ne sont pas dépourvu d'utilité mais le fait que
les français soient convaincus de l'urgence d'agir ne suffira pas
à modifier leurs comportements (on peut être convaincu de la
nécessité de faire des économies d'énergie, et se
comporter comme si on ne l'était pas en laissant, par exemple, la
lumière allumée). Il s'agit alors de trouver des techniques de
manipulation des comportements afin de créer, chez les individus, des
motivations intrinsèques, de leur donner l'impression d'être
« automotivé ». La technique développée dans la
théorie de l'engagement repose sur le lien qui unit traditionnellement
les idées et les actes. Il ne s'agit plus cette fois de peser sur les
idées pour modifier les comportements, mais de peser sur les
comportements pour modifier les idées. Dans La soumission librement
consentie Joule et Beauvois démontrent de quelle manière il
est possible de conduire les gens à faire de
leur plein gré ce que l'on attend d'eux. Pour cela, ils
s'appuient sur un nouvel outils : la communication engageante. Plusieurs
expériences1 reposant sur cette technique de «
manipulation » ont montré des résultats très
intéressants. Ceci nous laisse à penser qu'il existe de
réelles possibilités, en utilisant ce type d'outils, pour engager
les Français dans la voie de la lutte contre le changement climatique
L'ensemble des acteurs de la société
française (politiques, entreprises, médias et associations) ont
donc le pouvoir de faire évoluer les comportements des citoyens face au
changement climatique. Leurs devoirs est d'actualiser, dés maintenant,
cet ensemble de possibilités car on le sait « le futur sera
l'actualisation des potentialités qu'ici dans le présent nous
réaliserons. » (Joël Van Cauter, 2003, p.12).
1 Nous pouvons citer l'exemple de la campagne de
sensibilisation des ménages à la protection de l'environnement et
à la maîtrise de l'énergie menée dans la commune de
Beausset en 2002.
BIBLIOGRAPHIE
ALPHAANDERY Pierre, BITOUN Pierre, DUPONT Yves, (1991).
L'équivoque écologique, Paris, La Découverte,
Essais, 277 p.
ALPHANDERY Pierre, BITOUN Pierre, DUPONT Yves (N° 651, 1
mars 1991). La sensibilité écologique en France,
Problèmes politiques et sociaux, 70 p.
BORD Richard J., FISHER Ann, E. O'CONNOR Robert (1998).
«Public perceptions of global warming: United States and international
perspectives», Climate Research, 75-84 p.
BOUDON Raymond. La logique du social, Paris, Hachette,
Pluriel.
BOUDON Raymond, DEMEULENAERE Pierre, VIALE Riccardo (dir.),
(2001). L'explication des normes sociales, Paris, Presses
Universitaires de France, Sociologies, 278 p.
BOUDON Raymond, FILLIEULE Renaud (2002 (1969)). Les
méthodes en sociologie, Paris, Presses Universitaires
Françaises, Que sais-je?, 125 p.
BOURG Dominique, SCHLEGEL Jean-Louis (2001). Parer aux
risques de demain. Le principe de précaution, Paris, Seuil, 185
p.
BOZONNET Jean-Paul, (25 et 26 juin 2007). « De la
conscience écologique aux pratiques. Pratiques domestiques et politiques
environnementales à la lumière des théories du choix
rationnel et des valeurs », Toulouse, Actes du colloque Environnement et
Politiques, CR23 AISL et CERTOP-CNRS, 279-287.
BOZONNET Jean-Paul, Le "verdissement" de l'opinion publique,
Science Humaine, Hors- Série n°49, 50-53.
CHAUVEAU Loïc, (2004). Petit atlas des risques
écologiques, Montréal, Larousse, Petite encyclopédie,
128 p.
COMBY Jean-Baptiste, (25 et 26 juin). « Contribution
à une sociologie de la construction politique et médiatique des
enjeux liés au changement climatique », Toulouse, Actes du colloque
Environnement et Politiques CR23 AISL et CERTOP-CNRS, 325-336.
COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES. L'opinion
européenne et les questions énergétiques en 1987,
Bruxelles.
COMMISSION-EUROPEENNE, (avril 2005). EUROBAROMETRE
Spécial 217 Attitudes des citoyens européens vis-à-vis
de l'environnement, Sondage commandité par la Direction
générale de l'Environnement et coordonné par la Direction
générale Presse et communication, 53 p.
DENHEZ Frédéric, (2007 (2005)). Atlas de la
menace climatique. Le réchauffement de l'atmosphère: enjeu
numéro un de notre siècle, Paris, Autrement, Atlas/Monde, 79
p.
DENHEZ Frédéric, (2005). Atlas du
réchauffement climatique. Un risque majeur pour la planète,
Paris, Autrement, Atlas/Monde, 79 p.
DE YOUNG Raymond, (2000). «Expanding and Evaluating Motives
for Environmentally Responsible Behavior», Journal of Social
Issues, 509-526 p.
DOBRE Michelle, (2002). L'écologie au quotidien.
Eléments pour une théorie sociologique de la résistance
ordinaire, Paris, L'Harmattan, Sociologie et environnement, 348 p.
DUCLOS Denis, (1989). La peur et le savoir. La
société face à la science, la technique et leurs
dangers, Paris, La Découverte, Sciences et sociétés,
307 p.
DUNLAP Riley E., VAN LIERE Ken D., MERTIG Angela G., JONES
Robert Emmet (2000). «Measuring Endorsement of the New Ecological
Paradigm: A Revised NEP Scale», Journal of Social Issues, 425-442
p.
DUPONT Yves (dir.), (2003). Dictionnaire des risques,
Paris, Armand Colin, 421 p.
DUPUY Jean-Pierre, (2002). Pour un catastrophisme
éclairé ; Quand l'impossible est certain, Paris, Seuil,
Collection La couleur des idées, 215 p.
ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK Jean-Pierre, ROUX
Jean-Pierre (1997). Dictionnaire de sociologie, Paris, Hatier,
Initial, 351 p.
FENOUILLET Fabien, (2003). La motivation, Paris, Dunoc,
Les topos, p.
FESTINGER Léon, (1964). Conflict, Decision, and
dissonance, Stanford, Stanford University Press, California.
GENDRON Corinne, VAILLANCOURT Jean-Guy (dir.), (2007).
Environnement et sciences sociales, Laval, Presses Universitaires de
Laval, Sociologie contemporaine, 429 p.
GIORDAN André, Apprendre !, Débats, Belin,
1998
GUAY Louis, HAMEL Pierre, VAILLANCOURT Jean-Guy, (2005).
Mouvement sociaux et changements institutionnels. L'action collective
à l'ère de la mondialisation, Québec, Presses de
l'Université du Québec, Géographie contemporaine, 420
p.
HERSHFIELD L., CHIRREY S., THESENVITZ J., CHANDRAN U.,
(01/06/2004). «Changement de comportement : un cadre d'application »,
visualisé le 02/03/1007) sur :
http://www.thcu.ca/infoandresources/publications/changementdecomportementsv4.1.f.novem
ber1 1 .2005.pdf
IFEN (Institut Français de l'Environnement), (2000).
La sensibilité écologique des Français, TEC &
DOC, Les dossiers, 187 p.
IFEN (Institut Français de l'Environnement), (2002).
Les français et l'environnent : opinions et attitudes au
début 2002, Etudes et travaux n°39.
JONAS Hans, (1990 (1979)). Le principe de
responsabilité, Paris, Edition du Cerf.
JOULE Robert-Vincent, BEAUVOIS Jean-Léon, (1998).
La soumission librement consentie. Comment amener les gens à faire
librement ce qu'ils doivent faire, Paris, Presses Universitaires de
France, 214 p.
JOULE Robert-Vincent, BEAUVOIS Jean-Léon, (2002).
Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes
gens, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 286 p.
JUAN Salvador, LE GALL Didier (2002). Conditions et genres de
vie. Chronique d'une autre France, Paris, L'Harmattan, Sociologie et
environnement, 433 p.
KAISER Florian G., (2003). «Ecological Behavior's Dependency
on Different Forms of Knowledge», Applied Psychology : An
international review, 598-613 p.
KALAORA Bernard, (1998). Au-delà de la nature
l'environnement. L'observation sociale de l'environnement, Paris,
L'Harmattan, Collection "Environnement", 1999.
KAPLAN Stephen, (2000). «Human Nature and Environmentally
Responsible Behavior», Journal of Social Issues, 491-508 p.
KAISER Florian G., (2003). «Ecological Behavior's Dependency
on Different Forms of Knowledge», in Applied Psychology: An
international review», 52 (4), 598-613.
LEVEQUE Christian, VAN DER LEEUW Sander (2003). Quelles
natures voulons-nous? Pour une approche socio-écologique du champ de
l'environnement, Paris, Elsevier, Collection environnement, 324 p.
McKENZIE-MOHR Doug, (2000). «Promoting Sustainable Behavior:
An Introduction to Community-Based Social Marketing», Journal of
Social Issues, 543-554 p.
MORIN Edgar, La tête bien faite, 1999, Seuil.
MORIN Edgar, (2000 (1999)). Les sept savoirs
nécessaires à l'éducation du futur, Paris, Seuil, 129
p.
MORIN Edgar, (2005 (1990)). Introduction à la
pensée complexe, Paris, Seuil, Collection Essais, 158 p.
MUCHIELLI Alex, (2006 (1981)). Les motivations, Paris,
Presses Universitaires de France, Que sais-je?, 127 p.
NEUBERG Marc (dir.). Théorie de l'action. Textes
majeurs de la philosophie analytique de l'action, Liège, Mardaga,
Philosophie et Langage, 315 p.
OCDE, (1989). Instruments économiques pour la
protection de l'environnement, Paris, 150 p.
OST François, (1995). La nature hors la loi.
L'écologie à l'épreuve du droit, Paris, La
découverte, Textes à l'appui. Série écologie et
société, 346 p.
PELLAUD Francine, EASTES Richard-Emmanuel, GIORDAN André,
(janvier 2005). « Un modèle pour comprendre l'apprendre : Le
modèle allostérique », Gymnasium Helveticum.
PELLAUD Francine, 2003. «Conceptions, paradigmes, valeurs,
et développement durable».
PELLAUD Francine, (janvier 2002). «Le développement
durable : d'un concept complexe à la vie quotidienne », Les
sciences de l'éducation pour l'ère nouvelle, vol. 35.
PELLAUD Francine, (2000). L'utilisation des conceptions du
public lors de la diffusion d'un concept complexe, celui de
développement durable, dans le cadre d'un projet en
muséologie, Genève, Université de Genève,
Faculté de Psychologie et des Sciences de l'éducation, 454 p.
PERETTI-WATTEL Patrick, HAMMER Béatrice,
(octobre/décembre 2006). « Les représentations profanes de
l'effet de serre », Nature, Sciences et Société,
353-364 p.
PILLET Gonzague, (1993). Economie écologique.
Introduction à l'économie de l'environnement et des ressources
naturelles, Genève, Georg, 233p.
PNUE, Futerra. Communiquer sur le développement
durable. Comment produire des campagnes publiques efficaces,
téléchargé sur :
http://www.unep.fr/pc/sustain/advertising/events_specifics/Communicating_Sustainability_F
R.htm
POITOU Jean-Pierre, 1974. Dissonance cognitive. Paris,
Armand Colin, Coll. ; 125 p.
RABOURDIN Sabine, 2002. La société face au
changement climatique : une indifférence durable ?,
Mémoire.
RUDOLF Florence, (1998). L'environnement, une construction
sociale, Pratiques et discours sur l'environnement en Allemagne et en
France, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, Maison des
Sciences et de l'Homme de Strasbourg, n°25, 184 p.
STEPPACHER Rolf, "Le paradigme des interdépendances
circulaires à l'intérieur d'un système de causation
cumulative".
STERN Paul C., (2000). «Toward a Coherant Theory of
Environmentally Significant Behavior», Journal of Social Issues,
407-424 p.
TESSIER Robert, VAILLANCOURT Jean-Guy (dir.), et al.,
(1996). La recherche sociale en environnement, Nouveaux paradigmes,
Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 174
p.
TOSSEL André (dir.), (1985). Les logiques de l'agir
dans la modernité, Paris, Diffusion Les Belles Lettres, Annales
Littéraires de l'Université de Besançon, 291 p.
VAN GRIETHUYSEN Pascal, « Une vision évolutive des
relations entre nature, science et société, extrait de Pour une
approche évolutive de la précaution », Revue
européenne des sciences sociales, 62, p.36-50
VAN CAUTER Joël, DE RAUGLAUDRE Nicolas, (2003).
Apprivoiser le temps. Approche plurielle sur le temps et le
développement durable, Paris, Charles Léopold Mayer, 158
p.
VIVIEN Franck-Dominique, (1994). Economie et
écologie, Paris, La Découverte, Repères, 121 p.
« Décryptage des systèmes de négoce
d'émission de gaz à effet de serre (tCO2eq) » in Energie
et Développement Durable Magazine, numéro 14,
octobre-novembre 2006, p.18-28.
Dossier « Ecologie de la sensibilisation à
l'engagement », La Revue Durable, (n°23, décembre,
janvier, février 2006-2007).
Sondage EUROBAROMETRE Spécial 217 « Attitudes des
citoyens européens vis-à-vis de l'environnement ».
Commandité par la Direction générale de l'Environnement de
la Commission européenne, avril 2005.
« Le carbone actif. Les gaz à effet de serre passent
à table », L'usine à GES, n°23 juin 2006
visualisé le 10/07/07 sur :
http://www.rac-f.org/IMG/pdf/usineaGES.pdf
Principaux sites internet :
www.ademe.fr
Site internet de l'Agence de l'Environnement et de la
Maîtrise de l'Energie (ADEME).
www.effet-de-serre.gouv.fr
Site internet de la Mission Interministérielle de l'Effet
de Serre (MIES)
www.ipcc.ch
Site internet du Groupe d'Expert Intergouvernemental sur
l'Evolution du Climat (GIEC, ou IPCC en anglais)
www.ifen.fr
Site internet de l'Institut Français de l'Environnement
(IFEN).
www.manicore.com
Site internet de Jean-Marc Jancovici, expert dans le domaine du
changement climatique.
www.mycarbonfootprint.eu/fr/carboncalculator1.asp
Site internet sur lequel on peut calculer la réduction
de gaz à effet de serre duent à certains changement de
comportement dans nos activités quotidiennes. Ex : Faites sécher
vos vêtements à l'air libre au lieu de les mettre au
sèche-linge et économisez environ 280 kg de CO2 par an.
www.rac-f.org
Site internet du Réseau action Climat France qui rassemble
des associations qui participent à la lutte contre les changements
climatiques.
ANNEXES
ANNEXE 1 : Emissions mondiales des différents
gaz à effet de serre.
Emissions mondiales pour les divers gaz à effet de serre
en 2000 (excepté l'ozone), en millions de tonnes équivalent
carbone (PRG à 100 ans) :
Source : GIEC. Les gaz hors CO2 lié à l'usage de
l'énergie représentent environ 1/3 du problème.
ANNEXE 2 : Emissions de CO2 suivant le type
d'énergie primaire utilisée
Emissions de CO2 en g/ kWh (analyse du cycle de
vie)
|
charbon
|
800 à 1050 suivant technologie
|
cycle combiné à gaz
|
430
|
nucléaire
|
6
|
hydraulique
|
4
|
biomasse bois
|
1500 sans replantation
|
photovoltaïque
|
60 à 150
|
Eolien
|
3 à 22
|
Source :
http://www.manicore.com/documentation/centrale
serre.html (visualisé le 15/09/2007)
ANNEXE 3 : Emission de CO2 selon le type
d'alimentation
Source :
http://www.manicore.com/documentation/serre/assiette.html
(visualisé le 10/08/07)
ANNEXE 4 : Exemple d'entretien
Caroline a 31 ans, elle est marié, de
nationalité française et vit à Genève. Titulaire
d'un MBA elle élève actuellement son enfant.
Quand on vous parle de changement climatique qu'est ce
qu'il vous vient a l'esprit d'une façon très
générale ?
Réchauffement de la planète Y'a autre chose
?
Euh... ben tout ce que ca engendre toute les catastrophes
naturelles que ca peut engendrer, l'effondrement des glaciers, comme les
situations géographiques qui pourraient disparaître euh...je suis
pas calée... j 'essaye de me souvenir dans des émissions en plus
on voit beaucoup d'émissions en ce moment... donc on sait aussi que
c'est une des grandes préoccupations mondiale, planétaire.
Est-ce que vous avez entendu parler de l'effet de serre ?
Oui j'en ai entendu parler récemment justement avec les
télés débats politiques Est-ce que vous connaissez
le mécanisme de l'effet de serre ?
Non je sais pas. Je sais que ca existe. J'en ai entendu parler
mais vous dire après plus théoriquement par A + B comment ca
fonctionne... mais j 'en ai entendu parler récemment d'ailleurs avant je
connaissais pas du tout... donc c'est récent.
Et au niveau des causes du changement climatique est ce
que vous arrivez a peu près a distinguer quelles sont les causes ?
Alors les causes. Pourquoi la planète se
réchauffe ? Peut être pollution est ce que ca joue je sais pas,
mais je sais que ca c'est aussi une des grandes préoccupations. Quand on
voit le mois de juillet qu'on a. C'est les saisons qui sont surtout
chamboulées. Hein avant quand on parle avec des personnes plus
âgées elle disait avant y avait un vrai printemps,
été, automne, maintenant on a des mois qui sont plus chauds en
avril qu'au mois de juillet. Ca même déjà de ma
génération ca m'impressionne de voir a quel point maintenant on
peut plus compter sur les saisons pour savoir comment s'habiller. On a plus
d'été déjà depuis quelques temps, on a des
canicules, on a aussi plus vraiment de juste milieu, soit il fait très
froid soit il fait très chaud. Donc je sais que c'est une grande
préoccupation.
Et donc dans les pollutions vous savez c'est des
pollutions qui viennent d'où ?
Ben des voitures essentiellement, des machines aussi... par
rapport aussi aux engrais j 'ai cru comprendre dans l'agriculture aussi ya des
dysfonctionnements c'est aussi pour ca qu'on a beaucoup de maladies qu'on avait
peut être pas avant, la grippe aviaire tout ca. Je sais que la
planète est un peu sans dessus dessous. Après tout ce qui est
technique... euh... c'est dur. Je sais que la mer est beaucoup plus
polluée qu'avant, ya beaucoup aussi d'espèces animales qui
disparaissent du fait du changement climatique, ca je sais que je l'avais vu...
vous dire lesquelles je me souviens plus trop. Ouais on pollue
trop on utilise trop de machines, j'imagine...on utilise trop
d'énergie euh justement ils parlaient beaucoup aussi de l'énergie
qu'il fallait plus utiliser... euh faut que vous m'aidiez la...
Le nucléaire ?
Voila ! Ya des énergies à utiliser, d'autres
moins.
Et les conséquences ? Vous m'aviez dis qu'il y
avait les glaciers qui fondaient... les saisons qui se
déréglaient, sur les animaux... est ce que vous en voyez d'autres
?
Sûrement si j'y réfléchissais oui... mais
la comme ca a froid... euh oui y'en a sûrement pleins d'autres...Ca c'est
ce qui me vient comme ca a priori... Je sais aussi sur l'alimentation... sur le
fait par exemple, ya des produits qui sont sensés pousser à une
telle période mais du fait que la saison est
déréglée par exemple si il y a beaucoup plus de pluie, la
on a eu beaucoup de pluie ce mois de juillet donc ya aussi beaucoup
d'inondations...ca je l'ai pas dis mais bon... beaucoup de pluie... euh je sais
plus si c'est du maïs ou du blé, enfin bref, quel que soit
l'aliment...ca euh les agriculteurs ont de plus en plus peut être de mal
a faire pousser leurs fruits et leurs légumes correctement. Et les feux
aussi... les incendies... ça on en parle quand on regarde la
télé, mais même vous lisez n'importe quel journal, c'est
systématique o voit inondations dans tel pays, on voit...ou même
en FRANCE énormément, les feux aussi, on parle beaucoup de ca :
d'incendies et d'inondations, choses peut être dont on parlait moins, ca
se produisait moins avant.
Et on dit que c'est la conséquence du
réchauffement climatique ca aussi ou... ?
Est-ce que c'est forcement le changement climatique euh...je sais
que les saisons, les inondations... oui ! Y'en a beaucoup qui ont dis que c'est
du aussi aux perturbations climatiques aussi.
Maintenant, pour vous c'est quelque chose de
scientifiquement prouvé, que les scientifiques sont tous d'accords pour
dire qu'l y a un changement climatique est ce que vous avez encore un doute la
dessus ? qu'on ne sait pas très bien ?
Je sais qu'il y a eu beaucoup de débats il y a encore
quelque temps... euh je les lisais aussi comme ça...où tout le
monde n'était pas d'accord... mais j 'ai l'impression maintenant de plus
en plus que les gens se mettent d'accord par rapport a ça.
Donc vous vous n 'en doutez pas ?
Qu'il y a un changement climatique ? non moi je pense qu'il y en
a un... ouais. C'est mon père que vous auriez dû interviewer...il
est calé la dessus.
Non mais après je n'interview pas que des gens
calés...ce n'est pas ça qui est le plus intéressant...ce
qui est intéressant c'est de comprendre les comportements de tout le
monde donc pas juste les spécialistes... Et vous avez entendu parler
de l 'IPCC ou du GIEC ?
Non ca ne me dis rien...
Et est ce que face a l'évolution du
phénomène vous vous sentez plutôt confiante ou... vous
pensez que l'on va trouver des solutions, quand on e parle ca vous fait
plutôt peur ?
Pour être franche ca ne m'angoisse pas
énormément. J'ai pas le temps.
Je ne sais pas par exemple si vous voyez un reportage sur
les inondations... etc. ?
Oui bien sur c'est angoissant, sur le moment c'est prenant, en
tout cas c'est intéressant, c'est prenant. De là a m'angoisser
complètement... peut-être que je ne me rends pas compte... parce
que on en parle quand même globalement assez récemment. Ca fait
pas si longtemps que le sujet comme je vous le disais qui est une tendance
à la mode... mais y'a encore que deux ou trois ans...on en parlait pas
plus que ça. Donc tout d'un coup pour être affolée, il
faudrait que cela soit sur plus longue échelle, que peut être je
m'informe plus parce que c'est vrai que je ne suis pas non plus très
très informée. Et puis après c'est sûr dès
qu'on a des enfants... bien sûr...on est concernés même si
nous peut être on sera pas... euh... forcement... mis en danger par
ça. Nous, je suis pas sûre peut être les
générations à venir...ça de toute manière
c'est préoccupant bien sûr... ben oui puisque j 'ai un enfant ben
ca préoccupe bien sûr. Mais si j'y pense tout les jours, non, j'y
pense pas tous les jours.
Et si on vous disait que les conséquences allaient
venir beaucoup plus rapidement, ca serait peut être plus angoissant
à ce moment là ?
Bien sûr ouais c'est comme tous les sujets... si tout
d'un coup on nous dit plus précisément ce qui va se passer, et se
passer plus vite... bien sûr c'est flippant. En plus on tient a notre
planète comme tout le monde mais la je me rends pas non plus tellement
compte de toutes les conséquences que ca va engendrer...je vous ai
cité comme ca quelques exemples... mais est ce que moi ca va me toucher
réellement dans ma vie ? et est ce que je me rends compte oui...
déjà de tout manière ce qui se passe avec toutes ces
inondations et tout ca c'est horrible parce que je sais qu'il y a des gens qui
périssent dedans. Bien sûr qu'on est touché mais y'a
tellement de choses d'horribles dans ce monde.
Mais vous pensez que l'on va trouver une solution ? Vous
êtes confiante ?
Je sais que récemment les américains ont
décidé de faire un effort de leur coté aussi, les chinois
aussi pour euh... ouais en ce moment ya pas mal de gens qui sont
mobilisés pour donc je pense que aussi euh ben avec le président
Sarkozy, je pense que ils sont tous euh... je sais que pour le G8
dernièrement ils ont en ont quand même pas mal parlé aussi,
enfin c'est ce qu'ils ont dis que justement les Etats-Unis ont dis qu'ils
allaient réduire leur énergie de je sais plus combien euh oui je
sais que c'est d'actualité et que tout le monde y compris je crois, si
mes souvenirs sont bons, les chinois ont décidé... euh peut
être que je dis n'importe quoi...je sais pas. Mais j 'ai crû
comprendre que les gens prenaient conscience en tout cas du danger donc qu'il y
en avait un et qu'ils allaient faire en sorte que les comportements allaient
changer. Hein. Je sais plus, encore récemment là j 'ai vu que une
ville a été la plus propre, ca vient vraiment, je sais plus
quelle ville avec la plus propre du monde actuellement, une grande ville qui
fait en sorte d'être euh de devenir une ville des plus propre au monde
donc euh qui se met pleins de défis, c'est une grande ville je sais plus
laquelle... euh ben voila... euh je crois que c'est... euh ah ben mince je l'ai
vu hier à la télé. C'est pour dire qu'on en parle tout les
jours et qu'on le voit, et que maintenant la propreté, enfin tout
ça ca devient vraiment une euh... ouais les gens en parle beaucoup ca
c'est sûr...
Et au niveau de la responsabilité vous avez
l'impression que c'est plutôt... enfin est-ce que vous vous sentez
responsable du phénomène ? Ou est-ce que c'est par exemple
plutôt au gouvernement de faire quelque chose ?
Ben oui ya le gouvernement ca c'est sûr. Et puis peut
être nous en effet il faut trier, il faut faire des choses que je fais
pas forcément qu'il faudrait faire. Prenons la voiture, ça nous
on la prends pas trop donc euh je culpabilise pas ou prendre des voitures moins
polluantes mais euh dans ce cas la y'a d'autres débats... euh oui voila
[se rappelle de la ville] ya telle ville où ils allaient juger...la euh
je crois que c'est a Londres, est ce que c'est pas Londres où ils vont
juger, il va y avoir des appareils pour juger la pollution que va
émettre chaque véhicule et que si votre véhicule pollue
trop par rapport
aux normes qui vont être établies vous aurez des
amendes. Donc forcément alors c'est bien d'un coté pour euh
justement ce dont on parle la planète etcetera, mais de l'autre c'est
évidemment les personnes les moins euh aisées qui vont être
pénalisées parce qu'ils auront peut être pas les moyens
d'acheter une voiture euh plus performante donc plus chère etc. donc ca
c'était le débat. Je crois que c'était Londres... sauf
erreur. Si je me trompe pas.
Et donc c'est individuel aussi ? Par exemple vous à
votre échelle est-ce que vous avez l`impression que vous contribuez
beaucoup à l'effet de serre, au changement climatique ?
Non je vois pas ce que je contribue là non. Pour
être franche.
Et par exemple dans vos activités quotidiennes vous
ne voyez pas celles qui peuvent avoir un impact justement sur le changement
climatique?
Ben oui c'est ce que je disais prendre la voiture ca c'est un
des plus... mais d'autres choses... d'ailleurs le vélo est très
à la mode aussi [rires] euh... franchement je sais pas ce que je
pourrais changer euh ouais y'a surement pleins de choses de tri dont vous
parlez... d'ailleurs quand on achète une nouvelle cuisine j 'en sais
quelque chose puisque je suis en plein dedans et ca c'est moi qui l'est faites,
maintenant ils vous vendent des poubelles exprès pour trier vos... donc
vous êtes obligé maintenant de faire le tri. Maintenant c'est
intégré donc obligé de faire le tri. Chose que...Je suis
allée voir une amie a New York récemment, pareil le tri pour
elle... maintenant elle a appris ça et c'est devenu une... alors qu'elle
le faisait pas avant quand elle était à Genève y'a encore
deux ans mais maintenant ca fait parti de son comportement, ouais c'est une
habitude. Donc euh moi quand je suis arrivée chez elle, j 'ai pas fait
le tri alors... fallait que je fasse le tri quoi.
Et pour vous faire le tri c'est plutôt une
contrainte ?
Je crois que ca doit être une habitude, oui au
début ca dit être chiant parce que... moi je suis pas
habituée du tout a faire du tri hein. Mais à savoir si peut
être une fois qu'on a pris l'habitude c'est plus une contrainte. Je pense
que je le ferais par la suite quand je vais déménager.
Et puis ce que je disais moins d'arbres, moins de choses aussi
parce qu'on construit trop, Y'a ca aussi. Beaucoup trop d'infrastructures,
d'ailleurs beaucoup de paysages maintenant sont euh ruinés par toutes
ces constructions. Moi je prends des exemples quand je pars à la
montagne y'a encore quelques années euh y'avait de l'espace de verdure,
y'avait les chalets de construits à échelle humaine euh bien
construits. Maintenant c'est des grosses machines, c'est des buildings en
montagne euh y'a plus de verdure ca devient carrément des villes en
montagne pour prendre l'exemple de CRAMP au hasard. [rire]. Et il y a beaucoup
de paysages dans le monde qui sont complètement défigurés
par le fait que l'Homme construit trop parce qu'il y a aussi de plus en plus
euh pour moi le danger c'est pas seulement le réchauffement de la
planète mais c'est la surpopulation, c'est le fait que la population
croît a une vitesse incroyable et ca mon père l'a
étudié et c'est hallucinant, c'est ...euh...de nouveaux les
chiffres, je retiens pas les chiffres, mais je sais que depuis qu'elle a
doublé enfin euh la on en arrive à je sais plus combien de
milliards... mais la population est trop grande par rapport à la Terre
et donc du coup ca engendre aussi pleins de problèmes. Et ca pour moi,
ca ça va être un des gros problèmes qui va arriver quoi, la
surpopulation.
Vous vous n'utilisez pas beaucoup la voiture ?
Non seulement le week-end. Mais c'est aussi parce que c'est
Genève donc petite ville égal maison pas loin du travail et puis
du coup à pied. Donc mon mari par exemple va au travail à pied,
si on habitait Paris beh ça serait autre chose. Ca c'est un luxe de
Genève. Et on utilise les transports en commun.
Et ça ne vous dérange pas d'utiliser les
transports en communs ? Non c'est pratique.
Vous ne voyez pas ça comme une contrainte ?
Non, moi j'ai le permis mais je ne conduis pas. Et c'est
très bien desservi à Genève, et c'est pratique, en plus
j'habite au centre ville, et puis je marche sans problème.
D'accord. Plus on roule vite, plus on consomme
d'essence et donc plus les rejets de CO2 sont importants. Par exemple si on
roulait à 110 km/h plutôt que 130 on participeraient moins au
changement climatique. Es ce que vous, sachant ça, ça vous
dérangerai que l'on limite la vitesse sur autoroute à 110 ?
[...] rires, oui je trouve que déjà on peut pas
rouler assez vite. Parce que j'ai un mari qui conduit très bien et assez
vite et c'est vrai que moi j'ai l'habitude et j'aime bien... autant je comprend
en ville, je trouve que les gens roulent trop vite en ville et c'est dangereux
parce qu'il y a des piétons, donc ça en ville je serai assez
stricte. Mais sur autoroute non...je sais pour la planète... mais
égoïstement ça m'embêterai...
Parce que c'est un gain de temps de rouler plus vite.
Oui, c'est une perte de temps pour moi de rouler à 110. Du
coup on gagne du temps, déjà on en à pas beaucoup les
week-end, et moi perdre du temps en voiture c'est un des trucs qui me rend
folle.
Et vous avez la climatisation dans votre voiture ?
Oui, mais ça ça m'embête pas de l'enlever
parce que je supporte pas l'air conditionné Et est-ce que vous
prenez souvent l'avion ?
Surtout mon mari mais moi aussi. Ah oui ca on prend souvent
l'avion.
En fait c'est le moyen de transport qui pollue le plus.
Par exemple pour un voyage transatlantique les quantités de gaz à
effet de serre qui sont émises par personnes représentent
à peu près ce qu'on émet pendant toute une année
avec un mode de vie normal.
Ca m'embêterais beaucoup de plus pouvoir le prendre...
[rires] ah ouais ca c'est clair ! Mais même en sachant ca serait une
grosse tare pour moi... énorme. Parce que déjà on fait des
affaires à l'étranger. Même business hein. Mon mari aussi
beaucoup mais même moi avec lui donc du coup si on pouvait plus voyager
on pourrait plus travailler. Donc pour nous c'est un outil de travail, c'est
pas seulement le plaisir mais de travail essentiel.. .euh... ensuite euh alors
si y'a une chose que j'aime dans la vie c'est voyager, découvrir des
pays nouveaux, bouger et Genève et donc ca serait pour moi... c'est
comme si vous m'enleviez un de mes plus grands bonheurs de ma vie.
Et si on vous disait que l'on taxait les voyages en
avion...
Mais la me dire qu'il faut encore payer pour prendre
l'avion... d'un coté je pourrais le comprendre mais est ce que le fait
qu'on paye plus... mais c'est pas juste par rapport aux gens qui sont moins
aisés...et qui du coup ne pourront plus se payer les quelques voyages
qu'ils se font... ouais c'est pas juste... c'est pas toujours par faire payer
les gens qu'on résout les problèmes.
En Europe les compagnies aériennes comme Easyjet
sont moins chères...
A par exemple pour Paris moi je prends le train, jamais
l'avion. C'est plus pratique. La je vais aller à Barcelone en
août, je vais prendre Easyjet...ya le coté moins cher surtout
quand on le prendre bien à l'avance... bien sûr que ça
joue. On est pas...euh...on roule pas sur l'or non plus, ça ca joue. Et
puis euh voila, pour des cours vols je trouve que c'est bien, pas pour des plus
longs, pour des cours comme ca en Europe, Barcelone... c'est bien. J'ai pas
pris souvent hein donc je sais pas trop mais je sais que c'est bien. C'est
pratique, c'est économique.
Je vois pas trop aussi comment aller à Barcelone si je
prends pas l'avion. Oui je peux prendre le bateau, le train...ca met trois
jours pour y aller, je reste une journée et je reviens. [rires] Ca
c'était y'a longtemps. Non ca m'embêterais, franchement non je
suis tout à fait consciente que ca détruit peut- être la
planète mais c'est très dur d'avoir goûté et de
changer après. Je sais pas si vous vous rendez compte ce que vous
dîtes. Vous vous rendez compte déjà le luxe que c'est de se
dire euh... bon et puis mon mari c'est encore pire parce que lui euh...on a
goûté un luxe parce que euh...il travaille avec des clients qui
sont encore euh... c'est un autre monde... très fortunés et donc
j 'ai eu la chance pour mon jeune âge et dans ma vie d'avoir
été dans ma vie dans un... enfin eux ils le font aussi avec ses
hommes d'affaires parce que c'est des gens qui travaillent
énormément et qui voyagent beaucoup, ils ont des jets
privés hein...et mais bon moi je l'ai pris qu'une fois dans la vie mais
de voir mais c'est un truc euh... [admiration] c'est incroyable ca veut dire
vous arrivez donc déjà vous attendez pas vous passez à la
douane tout seul, vous posez vos valises on s'occupe de tout, vous rentrez dans
l'avion, il décolle. Vous atterrissez deux heures plus tard par exemple
pour aller à... à coté... à pas à Madrid
mais à... bref n'importe où que ce soit. Vous atterrissez et ils
ont la voiture à coté et ils repartent donc ca veut dire :
zéro perte de temps. Et pour eux le temps c'est vraiment de l'argent. Et
c'est une économie de temps, et c'est vrai que c'est une
facilité... c'est euh hallucinant, c'est presque trop hein je dis pas.
Et donc si là vous me disiez que là pour aller aux Etats-Unis je
devais au lieu de prendre mon avion et de mettre 6 ou 7 heures, ca va me faire
trois jours parce qu'il faudra que je prenne le train, le bateau...ah ca
m'embêterais beaucoup de revenir en arrière par rapport à
ça. Quand on a goûté le luxe de la technologie.
Alors mais pas pour moi mais pour mon mari ca serait une perte
aussi point de vue financier, pour son travail. Et pour les gens dont je vous
ai parlé... eux ca serait carrément le drame. [rires] parce que
eux c'est un outil de travail et c'est même pas parce que euh... bon ben
bien sûr ils ont l'argent pour hein...je suis d'accord mais sans
ça ca leur fait gagner beaucoup en travail, en argent... tout ça,
en business. C'est pas très écologique [rires] ce que je suis en
train de dire. Oui mais ca c'est un retour en arrière qui
m'embêterais le plus.
Ils y a aussi le volet alimentation, faîtes vous le
lien entre alimentation et effet de serre ? Non pas vraiment
[Explications]
Alors ça ca me dérange mais alors pas du tout. Ca
je changerais mon comportement sans problème, sur l'alimentation.
Et ne plus manger des ananas, ou tout ca ?
Ca c'est pas grave j'aime pas ca ! [rires] non alors ca c'est
quelque chose ou je pourrais faire un effort, l'alimentation. Ca si om me
disais il faut maintenant acheter pour le bénéfice, pour le bien
être de la planète vous devez manger tels aliments à telles
périodes, vous achetez localement, vous devez faire ça,
ça, ça...ça je m'y contraindrais sans problème. Non
ca je suis pas difficile pour ca. Non je crois
que c'est vraiment le transport qui serait peut-être sujet
à... non mais l'alimentation ca y'a pas de soucis. Non et puis les
agriculteurs c'est... non ça ca me touche en plus... c'est un peu
personnel quoi.
Es ce que malgré leur surcout vous mangez des
produits BIO...
Bio c'est bien, dès que je peux je mange bio. Enfin c'est
pas agréable de devoir payer plus... mais je le fais.
Et ca c'est plus pour la santé ?
Ca c'est pour la santé ouais bien sûr. Et puis et
puis c'est une habi...et puis oui j 'ai entendu beaucoup de bien dessus...
.donc euh...et puis si ca peut être mieux pour la planète ben y'a
pas de soucis. Ca c'est quelque chose que je ferais facilement. C'est pas une
contrainte pour moi. Et en plus c'est vrai qu'il y a beaucoup d'aliments bio
qui sont bien meilleurs au goût, les carottes surtout.
Et dans l'alimentation il y a aussi le fait de manger de
la viande...
Ca mon mari c'est une catastrophe, il est carnivore... [rires]
il mange rien d'autre. Moi pas du tout. Si on me demandais de réduire
mon alimentation en viande, pas de soucis, pas de problèmes... Non ca
l'alimentation je suis cool, donc déjà j'aime tout...je suis pas
difficile euh par contre c'est vrai que j'aime bien prendre des bons
produits... .mais bio je sais que c'est quand même des bons produits en
général donc euh c'est sain.
D'accord. Il y a aussi le volet de l'habitation, par
exemple le fait d'utiliser du chauffage, de faire fonctionner des appareils
électroménagers nécessite de l'énergie et donc
émet des gaz à effet de serre. Comme vous venez d'acheter une
maison es ce qu'on vous as par exemple renseigné sur son isolation ?
Oui, je sais qu'il y a des normes en Suisse pour
l'électricité et tout, donc nous bien sure on va être en
règle. Maintenant tout ce qui est consommation d'énergie euh...si
je peux éviter de mettre le chauffage je le ferai parce que
déjà je trouve c'est pas très sain une maison
surchauffée encore plus les chambres. Et tous ce qui est
électroménagers, c'est vrai que là on vient d'acheter une
cuisine et je me suis pas dis... j 'ai plus regardé le design [rires]
que combien d'énergie elle consomme, c'est terrible. Mais on a pas
porté mon intérêt en me disant si vous prenez tel machine
elle sera peut être moins joli mais ca sera plus...on ne m'a pas dit non
plus. Non j'avoue je me suis pas posé plus de question que ca. Par
contre si on me disait il faut... à moins que la machine soit horrible
et qu'elle face un bruit atroce, ca m'embêterai ca m'embetterai pas trop.
Toujours moins que le transport [rires]
Et par exemple le fait de mettre des panneaux solaires on
vous en a pas parlé ? Non, c'est pour quoi ca ?
[explication du fonctionnement des panneaux solaires
photovoltaïques et thermiques]Es ce que vous pourriez être
intéressée pour en installer ?
Beh oui si ca peut vraiment aider.
Même si il y a un investissement de départ
?
Oui pourquoi pas, ca je pourrait le faire, il y pas de
problèmes. Si c'est dans le budget oui. C'est vraiment les transports ou
je suis catégorique, le reste je suis cool [...].
Et justement, est ce que vous avez des idées sur
les raisons qui expliqueraient que les gens ne réagissent pas au
problème du changement climatique ? Est ce que vous pensez que c'est du
à un manque de prise de conscience, ou bien qu'il existe des contraintes
trop fortes ?
Je crois qu'il y a beaucoup de... beh moi j'en suis l'exemple,
beaucoup de manque de prise de conscience. On nous en parle depuis pas si
longtemps que ca, tout d'un coup c'est le sujet dont tout le monde parle, la
grande frayeur du moment. Ca aurait du être crescendo, ca nous tombe
dessus, on parle que de ca, on voit ca partout, donc forcement y a un moment
ou...et puis on est pas si bien informé que ca non plus, surtout les
gens qui sont occupés n'ont pas forcement le temps de s'informer. Y a un
manque de temps aussi. Et c'est pas si facile que ca de changer des habitudes,
que des gens nous disent... c'est pas tout de dire les problèmes,
après il faut aussi...
Qu'on disent aux gens qu'est ce qu'ils pourraient changer
?
Beh oui, un peut plus d'information. Et puis c'est vrai que
les gens sont tellement débordés par leurs problèmes
quotidiens que les problèmes un peut globaux beh il on moins le temps de
s'occuper de tout ca. Y a des familles nombreuses ou tellement de chose
à s'occuper que...
Ca les touchent pas directement.
Voila ca les touchent pas directement c'est sûre. On
sais que c'est bien, mais ca nous touche pas directement, pour l'instant. Peut
être des gens qui ont subi des catastrophes dues à ca ils vont
réagir plus vite, sûrement. Mais nous dans notre petit
Genève privilégié on se rend moins compte c'est
sûre. Mais si tout d'un coup on dit il faut faire ca ca ca, ca devient
urgent, ouai bien sûre moi je le ferai.
Vous avez l'impression qu'on est pas assez alarmiste
?
Bon, c'est bien d'être alarmiste mais après faut
que les Hommes d'Etats... après c'est aussi des structures qui doivent
être mise en place. Donc faut que des lois soit crées, le
changement se fait pas non plus du jour au lendemain. Je sais pas c'est peut
être par referendum...il faut que des lois passent pour changer certaines
attitudes peut être. Comme on disait pour les panneaux solaires, si y en
a qui le font et d'autres qui le font pas...je sais pas. Faut être un peu
plus concret.
C'est donc l 'Etat qui doit impulser ce changement
?
Ah beh oui, je pense que c'est l'Etat en premier. L'Etat et
les médias, parce que les médias jouent beaucoup dans nos
sociétés. Et puis petit à petit les gens... mais ca se
fait pas... c'est long je pense de faire changer tous ces gens, ces millions de
personnes, d'habitudes. Et puis dire, pour que la planète aille mieux il
faudrait faire ca, faire si. Etre plus théorique, pédagogique,
que les gens comprennent bien. Par exemple pour des gens comme moi, qui n'ai
pas le temps de m'informer non plus énormément, on sais pas trop
ce qui faut faire, on nous alarme mais on nous dis pas trop les choses,
concrètement ce qu'on devrai faire. Oui c'est un manque de
pédagogie peut être.
Si vous ne vous êtes pas plus informé c'est
pas manque de temps.
Oui manque de temps. Manque de temps parce que je regarde peu
la télé, et puis je lis peu depuis que j 'ai le petit qui prend
beaucoup de temps. Mais par contre j 'en ai beaucoup entendu parlé
malgré le fait que...
Ca ne vous a pas donné envie d'aller rechercher
encore plus d'informations.
Non ca ne m'a pas forcement... ouai parce qu'il y a encore pas si
longtemps que ca il y avait beaucoup de débats ou les gens
n'étaient pas d'accord. Et c'est quand même assez récent,
tout d'un coup...
En fait la communauté scientifique est d'accord
depuis relativement longtemps. C'est les médias qui ont joué ce
rôle de controverse en allant cherché à chaque foi le
scientifique qui fait exception, qui n'est pas d'accord.
Mais faudrait qu'on explique un peu plus les
conséquences et tout ca. Peut être qu'on l'explique mais moi je
suis pas si au courant que ca. D'ailleurs quand vous m'avez appelé je
vous ai tout de suite dis olala je suis pas très consciente de tout ca,
je suis pas très informée. C'est pas bien je sais mais
voilà c'est comme ca...je sais les grande lignes.
Es ce que vous avez vu le film d 'Al Gore, Une
vérité qui dérange ?
Non, j 'en ai entendu parler. Mais je le lourait avec plaisir. Et
peut être que si je vois un film qui touche ca pourrait me faire
réagir.
Le fait de parler de ce sujet ca vous donne envie de vous
renseigner davantage ?
Oui, bien sure, si je sais où aller, quoi lire. C'est
toujours pareil dans toutes les informations qu'on peut trouver n'importe
où, il faut trier les bonnes et les mauvaises, donc je sais qu'il y a
des livres spécialisés que mon père lit, je crois que
c'est Science et Vie, là je sais que c'est assez bien.
Annexe 5 : Principaux résultats des
entretiens
Nom Thèmes
|
Caroline
|
Degré de connaissance de la problématique du
changement climatique
|
CC = tout ce que ca engendre (conséquences)
Effet de serre = impossibilité à donner une
explication des mécanismes
Causes = pollutions (voitures, machines, engrais)
Conséquences = fonte des glaciers, perturbation des
saisons, inondations, feux
A conscience de ne pas être très informée sur
le sujet = pas de réelle prise de conscience
|
Perception de la relation entre comportement individuel et
CC
|
Cause = anthropique mais difficulté à voir relation
entre comportement quotidien et CC : uniquement par rapport à la voiture
Responsabilité = gouvernement doit impulser le changement
|
Etat d'esprit
|
CC ne l'angoisse pas énormément (manque de temps,
information récente)
Ne se sent pas directement menacée par les
conséquences du CC : ce sont les générations futures qui
peut être seront concernées.
|
Comportements et changements de comportements
|
Aucun changement de comportement entrepris depuis
réceptions des informations
Peu de changements de comportement envisageable : n'est pas
favorable à la diminution de la vitesse sur autoroute (= perte de
temps), n'envisage pas de ne plus prendre l'avion (perte de confort, de temps,
financière)
Changement envisageable au niveau de l'alimentation : peut
consommer BIO même si plus cher
Changer de comportement = contrainte (« le tri c'est chiant
») puis devient une habitude
|
Mise en évidence des contraintes
|
Contraintes internes : changer de comportement = perte de temps,
de confort, d'argent
= retour en arrière « c'est dur d'avoir
goûté et de changer après » (voyages)
|
|
Myriam
|
Degré de connaissance de la problématique du
changement climatique
|
CC = fonte des glaces, pollution, couche d'ozone
Effet de serre = trou de la couche d'ozone, « bouclier
» due aux pollutions humaines (usines, couper les forêts) Causes =
pollutions
Conséquences = fonte des glaces, montée du niveau
des océans, perturbation des saisons, canicules
|
Perception de la relation entre comportement individuel
et changement climatique
|
Causes = anthropiques mais difficulté à voir
relation entre comportement quotidien et CC : uniquement par rapport à
la voiture Responsabilité = tout le monde est responsable ; les pays en
développement le sont particulièrement car « ils ont
tellement besoin de produire qu'ils se préoccupent pas de la pollution
».
Le changement passera par le niveau politique : c'est à
l'Etat de prendre des mesures, importance de notre pouvoir d'électeur
|
Etat d'esprit
|
Ne se sent pas directement menacée par le CC (« moi
j'y serais pas ». Mais il faut se préoccuper des
générations à venir.
Syndrome de la goutte d'eau : « c'est pas les gens
individuellement qui peuvent faire grand-chose », c'est aux pouvoirs
politique de prendre les choses en main
|
Comportements et changements de comportements
|
Utilise le parking relais, consomme certains produits BIO
N'envisage pas de changement de comportements sans incitation de
l'Etat.
|
Mise en évidence des contraintes
|
Contrainte externe = pas prête à assumer le
surcoût des produits respectueux de l'environnement (« j'essaye
d'avoir au moindre coût).
Contrainte interne = syndrome de la goutte d'eau, fois dans les
pouvoirs publiques pour changer les comportements individuels. Manque
d'information 121
|
|
|
|
Julien
|
Degré de connaissance de la problématique du
changement climatique
|
CC = Cause humaines, capacité de l'Homme à changer
son environnement
Effet de serre = Phénomène naturel qui retient les
gaz dans l'atmosphère et qui est accéléré par le
rejet de CO2, confusion avec le trou de la couche d'ozone
Causes = rejet de CO2 de l'industrie et du trafic automobile
Conséquences = montée du niveau de la mer, impact
sur la faune, augmentation des catastrophes naturelles
|
Perception de la relation entre comportement individuel
et changement climatique
|
Pratiques individuelle lié au CC : utilisation de la
voiture, consommation de l'électricité, consommation en
général (« tout ce que je consomme vient de l'industrie qui
pollue »).
Ne voit pas le lien entre CC et volet alimentation
Responsabilité = tout le monde est responsable
Les politiques doivent provoquer le « déclic qui
permettra un changement de valeurs »
|
Etat d'esprit
|
Peu optimiste face au problème, doute de la
capacité et de la volonté des politiques à faire changer
les choses, de même « la société s'accommode
très bien du problème »
Se sens très concerné, aimerai pouvoir faire
quelque chose à son échelle mais pour l'instant sentiment
d'impuissance, de ne pas pouvoir faire changer les choses (cf. Syndrome de la
goutte d'eau)
Responsabilité : tout le monde est responsable
|
Comportements et changements de comportements
|
Changement de comportements déjà entrepris : pour
l'instant n'a pas changé drastiquement ses pratiques mais fait attention
à l'utilisation de l'électricité, diminution de l'usage de
la voiture
Changement de comportements envisagé : est favorable
à la diminution de vitesse sur autoroute
|
Mise en évidence des contraintes
|
Contrainte interne : « c'est difficile de se détacher
de ses habitudes »
Contraintes externes : manque d'infrastructure (de réseau
de transport en commun), surcoût des technologies non polluantes (ex.
avion moins cher que train, surcoût du BIO)
|
|
Béatrice
|
Degré de connaissance de la problématique du
CC
|
CC = dérèglement des saisons
Effet de serre = les gaz « d'échappement ou des
usines » provoquent un réchauffement climatique Causes = Homme en
général qui émet des pollutions diverses
Conséquences = dérèglement des saisons,
fonte des glaces, feux, perturbation des écosystèmes Confusion
avec les CFC
|
Perception de la relation entre comportement individuel
et changement climatique
|
Pratiques individuelle lié au CC : utilisation de la
voiture Responsabilité : tout le monde est responsable
|
Etat d'esprit
|
Difficulté à voir si le CC est un
phénomène scientifiquement prouvé ou un effet de mode.
CC ne l'angoisse pas
Pense qu'on n'arrivera pas à « éduquer les
gens » (égoïsme) ; la prise de conscience actuelle n'est que
« superficielle »
|
Mise en évidence des contraintes
|
Contrainte externe = pas prête à assumer le
surcoût des produits respectueux de l'environnement (« si
effectivement le tee shirt qui vient de Chine il coute trois fois moins cher ou
quatre foi moins cher je vais avoir un petit peu de mal »)
|
Corinne
|
Degré de connaissance de la problématique du
CC
|
CC = perturbation des températures, pollutions, mal
à respirer
Effet de serre = ne peut pas expliquer le mécanisme
Causes = pollution, consommation d'électricité,
nucléaire, usines, changement de vie des gens Conséquences =
perturbation des températures, pollutions, les gens sont plus
énervés, fonte des glaciers
|
Perception de la relation entre comportement individuel
et changement climatique
|
Pratiques individuelle lié au CC : voiture, ne voyait pas
relation avec alimentation
Responsabilité : tout le monde est responsable +
responsabilité du gouvernement (doit avoir une action davantage
coercitive)
|
Etat d'esprit
|
Pessimiste par rapport à la « tournure que prennent
les choses » : « éviter je pense pas que cela soit possible,
il faut limiter » « c'est très inquiétant »
Ce sont les générations futures qui en subiront les
conséquences : « On l'a su trop tard »
|
Comportements et changements de comportements
|
Changement de comportements déjà entrepris :
commence à consommer des produits BIO et des produits respectueux de
l'environnement (produits d'entretiens), achète local, achète
produits de saison
Changement de comportement envisagé : pense pouvoir faire
davantage à sa consommation alimentaire
|
Mise en évidence des contraintes
|
Contrainte interne : « fainéantise » (pour
remplacer voiture par vélo), « c'est dur de penser à tout
», « on en parle et on oublie » Contrainte externe = absence de
réseau de transport en commun pour se rendre sur ses lieux de travail,
législation (ex. Interdiction de poser un panneau solaire)
|
|
Olivier
|
Degré de connaissance de la problématique du
CC
|
CC = ne le perçoit pas directement, couche d'ozone, essaye
de change de comportements (économie d'eau, d'électricité)
Effet de serre = cloche de verre qui retient nos gaz d'échappement
(CO2), détruit la couche d'ozone
Causes = Homme en général qui émet des
pollutions diverses
Conséquences = dérèglement des saisons,
fonte des glaces, augmentation du niveau de la mer
|
Perception de la relation entre comportement individuel
et changement climatique
|
Pratiques individuelle lié au CC : utilisation de la
voiture, alimentation
Responsabilité : tout le monde est responsable mais
délégation de notre responsabilité aux politiques
internationales
|
Etat d'esprit
|
Confiant face au CC, il y à une prise de conscience
Syndrome de la goutte d'eau (« je me sens démunit
») mais en même temps « c'est les petites gouttes d'eau qui
font les grandes rivières »
|
Comportements et changements de comportements
|
Changement de comportements déjà entrepris : ne
consomme pas de produits hors saison, essaye de consommer des produits locaux
Vacances pour découvrir les « terroirs locaux »
|
Mise en évidence des contraintes Contrainte externe =
absence de réseau de transport en commun
|