UNIVERSITÉ DE PROVENCE
DÉPARTEMENT SCIENCES DE L'ÉDUCATION
LICENCE: Option Sécurité Routière
Les nouvelles technologies et le
développement
de la voiture « intelligente»
|
AUTEUR : Dominique ESTANDIÉ
Cédric ROZAIN
Sous la direction de Richard ALOISIO
Année Universitaire 2008/2009
Ile de la Réunion
Sommaire
Introduction P 3
1. Qu'est-ce qu'une voiture intelligente ? P 4
2. Engagement des constructeurs P 4
2.1. La recherche P 4
2.2. Les stratégies déployées P 5
3. Constat P 8
4. Questionnement P 8
4. Les comportements vis-à-vis des nouvelles technologies
P 9
5. L'auto-évaluation des risques P 10
6. L'homéostasie du risque P 11
Conclusion P 13
Bibliographie/Webographie P 14
Introduction
Au quotidien, nous dépendons tous des moyens de
transport. Toutefois, l'augmentation du trafic routier génère de
graves problèmes de société : encombrement du
réseau routier et des zones urbaines, pollution et problèmes de
santé publique, gaspillage d'énergie et, par-dessus tout, de
nombreux accidents. Chaque année, quelque 40 000 morts sur les routes
européennes sont recensés. Bien plus encore sont blessés.
Heureusement, les technologies avancées d'information et de
communication (TIC) peuvent désormais être incorporées
à bord de systèmes pour des véhicules
intelligents et offrir des solutions nouvelles aux problèmes de
transport. Ces systèmes de haute technologie peuvent :
· aider les conducteurs à éviter un
accident,
· fournir aux conducteurs des informations en temps
réel sur le trafic et leur permettre d'éviter les
embouteillages,
· trouver l'itinéraire le plus rapide pour n'importe
quel déplacement,
· optimiser les performances du moteur de leur
véhicule et en améliorer ainsi le rendement
énergétique,
· surveiller l'état du conducteur : vigilance,
alcool, drogue, médicaments.
Les avantages sont multiples et en perpétuelle
évolution. Des études ont été menées par la
Commission Européenne et ont démontré par exemple, que si
0,6 % des voitures étaient équipées de systèmes
d'aide aux trajectoires et aux dépassements, 1500 accidents seraient
évités. Il s'agirait donc prioritairement d'améliorer la
sécurité routière en assistant le conducteur par
l'information et l'aide à la conduite mais également de
rationaliser l'usage du carburant par une moindre consommation et une
optimisation des temps de circulation.
De ces voitures intelligentes, nous devrions avoir une baisse
significative des accidents dans les prochaines années mais
influencent-elles le comportement du conducteur ? Celui-ci est-il toujours en
mesure d'intégrer ces nouvelles technologies dans sa conduite sans
développer de nouveaux risques ? Pour tenter de répondre, nous
nous intéresserons à divers points de vue. Nous essayerons de
définir ce qu'est une voiture dite "intelligente". Ensuite, nous verrons
les engagements pris par les constructeurs ainsi que leurs stratégies
puis pour finir nous tenterons de comprendre ce que de tels systèmes
peuvent occasionner chez le conducteur (homéostasie sensorielle).
1. Qu'est ce qu'une voiture intelligente ?
Les définitions varient quelque peu d'un constructeur
ou d'un expert à l'autre. Chacun s'accorde sur des dominateurs communs :
usage croissant des technologies de l'information et de la communication,
systèmes préventifs des accidents et des incidents ; prise en
compte du développement durable au niveau de la conception, de l'usage
et du recyclage. Concrètement, les automobilistes disposent et
disposeront encore plus de systèmes embarqués contribuant
à la sécurité, à la propreté, à
l'information sur l'état du véhicule et de ses fonctions comme
sur l'environnement de la circulation. Clairement, le conducteur sera donc plus
assisté, gérera mieux ses temps de trajets et consommera moins.
Et non, la voiture de demain ne volera pas.
2. Engagement des constructeurs
2.1. La recherche
Les bureaux d'études de constructeurs, et plus
largement les laboratoires indépendants, intensifient la recherche et le
développement dans ces directions depuis plusieurs années, et le
marché commence à voir apparaître ces véhicules dits
"intelligents". L'électronique embarquée se
généralise et devient de plus en plus performante en même
temps que se complexifie et se heurte aux problèmes de poids, et
naturellement aux problèmes de coût. Le temps où l'on
pouvait se dépanner sur le bord de la route avec un fil de fer ou un
bout de chatterton est désormais révolu, ou réservé
aux amateurs de voiture de collection du siècle dernier.
Malgré leur potentiel, la plupart des systèmes
intelligents ne sont pas encore commercialisés. En outre, les
véhicules de systèmes de nouvelles générations se
limitent essentiellement aux véhicules haut de gamme, ce qui
représente un pourcentage restreint du marché. De plus, la
situation extrêmement concurrentielle du secteur automobile crée
des conditions peu favorables au développement de ces
systèmes.
Voyons maintenant les aspects du véhicule intelligent
qui sont abordés par les grands groupes industriels de l'automobile,
constructeur comme équipementiers. Ils n'oeuvrent pas forcément
dans le même sens ni à la même vitesse, mais ils proposent
tous des solutions "intelligentes". Les TICS (Technologies de l'Information et
de Communication) sont au centre des dispositifs à l'étude ou
déjà proposées par certaines
marques. Les automobiles sont dotées de capteurs
permettant d'informer son conducteur, d'un problème ou d'un risque
inhérent au véhicule ou à son environnement.
Les systèmes indiquant une défaillance
mécanique, ou tout simplement un outil d'éclairage ou de ceinture
de sécurité, existent depuis près de 20 ans, mais ils sont
à présent prolongés par des capteurs capables de
renseigner sur les conditions de circulation ou les obstacles potentiels. Ces
systèmes profitent de l'évolution des technologies sans fil et du
maillage satellitaire (GPS notamment) pour alerter le conducteur.
Ainsi, l'université de Sarrebruck participe à
l'initiative européenne sur ce terrain de
télécommunication et met au point un système
baptisé "Prevent" intégrant le Wifi, un GPS et un micro
processeur, qui devrait par sa simplicité et son coût, banaliser
rapidement l'équipement des modèles des grands constructeurs
impliqués également dans ce programme : Daimler, Mercedes, BMW,
Volkswagen, PSA et Renault.
2.2. Stratégies déployées.
2.3. La plupart des constructeurs s'allient autour de projets de
recherche1.
· On retrouve Daimler-Mercedes aux côtés de
Général Motors, Ford, Toyota, et Honda dans le projet V.S.C
(Véhicule Safety Communication).
· Toyota, Nissan, Honda, Mitsubishi et Yamaha dans le
projet ITS (Intelligent Transportation Système).
· Daimler Mercedes, BMW, Volkswagen (Audi), GM (Opel),
Renault, Fiat, Honda avec NEC et Philips pour le projet Car 2 Car.
· Daimler Mercedes, BMW, Volkswagen associée
à NEC, Siemens et l'institut Fraunhauter dans le projet Vetwork on
Wheels.
Les technologies de nature et d'origine différentes
devront donc cohabiter pour se traduire fonctionnellement en signaux visuels
et/ou sonores d'alertes, et en système de ralentissement ou
d'immobilisation du véhicule automatiquement, comme les radars
anticollisions.
1 Sources : sites Internet des constructeurs, sites Internet
présentant des essais de voiture (par exemple :
www.autoweb-france. com).
L'une des limites de la cohabitation et de l'échange
d'information entre variables et sources, au-delà des aspects techniques
et financiers, réside dans la difficulté d'harmonisation les
différents langages (langues, symboles, unités de mesures...)
sujet sur lequel, le projet « Car 2 Car » se penche en
particulier.
Il est difficile de connaître le montant des
investissements consentis en ces domaines par les industriels, mais selon la
Consumer Electronic Association, le marché de la technologie
embarquée représente 100 milliards d'euros aux USA. Les
applications que le consommateur peut dès à présent
trouver sur un véhicule commercialisé, mais rappelons-le, encore
souvent dans le haut de gamme, se résume aux capteurs sonores et/ou
visuels, tel que :
· L'A.I.D.E (Adaptative Integrated Driver-véhicle
interfacE) qui offre une aide à la navigation dérivée des
systèmes issue de l'aviation, notamment par l'affichage des
données sur le pare-brise, ce qui permet au conducteur de ne pas quitter
la route des yeux.
· Les caméras "intelligentes" qui fixent les
lignes blanches des routes (comme le LKAS sur la Honda Accord
équipé du système ADAS capable de stabiliser la vitesse en
fonction de l'espace entre le véhicule et de freiner automatiquement en
cas de danger), ou qui couvrent les angles morts par exemple. Elles sont
à présent, pour certaines, dotées de système
infrarouge autorisant la vision nocturne.
· Les phares, à longue portée, quelles que
soient les conditions de visibilité qui se vulgarisent (comme sur la
Fiat Multipla équipée du système ICAR permettant une
vision à 400 mètres, de jour comme de nuit et par tout temps).
· Les systèmes de réduction de consommation
et de pollution et plus largement l'utilisation des énergies
hybrides.
Des constructeurs parviennent même à réunir
les différentes applications, tel que :
· Mercedes, qui allie sécurité active et
passive avec propreté grâce à une combinaison
ultrasophistiquée de capteurs récepteurs et de mode de gestion de
la consommation et des rejets d'émission de gaz.
· Général Motors, qui intègre dans
son système V2V la capacité de détection de
véhicule arrêté en bord de route, de risque de collision,
de freinage d'urgence, de
changement de file et d'alerte d'obstacle dans les angles
morts, de zones de travaux, de carrefours dangereux et de présence de
véhicules prioritaires.
Les marques du groupe (Opel, Saab, Chevrolet, et Cadillac)
devraient en être équipées à l'horizon 2010. Ford,
et plus particulièrement Volvo, sont également très
avancés dans ce domaine.
Volkswagen, sacré "constructeur automobile le plus
innovant de l'année" en 2007 par le très respecté COA
(Centre Of Automotive) installé à Cologne en Allemagne. Le Passat
CC est par exemple doté d'une multitude de technologie comme :
· Lane Assist qui surveille la trajectoire.
· DCC qui gère le châssis et la direction.
· Park Assist qui contrôle la distance entre
véhicules et aide au stationnement.
· Pyrobrake qui déclenche un freinage d'urgence
ultra rapide et puissant.
· AKTIV qui combine l'ensemble et gère les capteurs,
épaulé par Carbox, qui pilote le dispositif de communication.
Volkswagen supplante ainsi les Japonais habituellement
maîtres de la démocratisation des technologies, mais Toyota offre
cependant des solutions très voisines.
Citons enfin, les manufacturiers de pneumatiques, tel Michelin
ou Pirelli qui commercialisent des pneus haute résistance, capable de
rouler dégonfles (système UHP et Run flat de Pirelli par exemple)
et d'informer par des capteurs, sur la pression ou l'état d'un pneu.
L'électronique embarquée nous prend le volant :
Moteurs électriques, alertes anticollision, visions de nuit. Toutes ces
technologies nous éloignent peu à peu du volant tout en voulant
nous protéger.
Tout système améliorant la perception du
conducteur que ça soit pour lui d'augmenter le champ de vision (danger
à l'avant, obstacle à l'arrière lorsqu'on recule) ou
encore mieux dans des conditions difficiles (pluie, neige, brouillard) ou lors
de moments d'inattention (manipulation du cellulaire ou de la radio,
somnolence) s'avère primordial pour améliorer la
sécurité routière.
3. Constat
Nous constatons donc que les grands constructeurs ainsi que
les équipementiers oeuvrent tous à rendre la route plus
sûre, plus facile et plus propre. Même si nous ne sommes pas
rentrés dans les détails de chaque système, nous
comprenons nettement leur utilité. Certes, ces nouvelles technologies
sont intégrées sur des modèles hauts de gamme, mais
tendent à se banaliser sur toutes les marques et sur toutes les
séries, petites ou grosses cylindrées.
Depuis ces dernières années, le conducteur est
donc de plus en plus secondé par sa machine « intelligente ».
Toutefois, le développement de ces véhicules n'est pas sans poser
de questions sur le comportement du pilote et ses nouvelles stratégies
déployées pour être maître de sa machine.
L'électronique embarquée nous prend le volant : Moteurs
électriques, alertes anti-collision, visions de nuit. Toutes ces
technologies nous éloignent peu à peu du volant tout en voulant
nous protéger.
4.
Questionnement
Dans cette course à la voiture autonome, un autre
problème majeur est l'acceptation d'une telle technologie par les
utilisateurs. Les gens voudront-ils vraiment donner tout le contrôle
à une machine ? Cette dernière devra donc évidemment avoir
fait ses preuves. La voiture sans conducteur est-elle un rêve ou peut-on
l'imaginer dans un avenir proche ? Pour le moment, il n'existe pas de
systèmes suffisamment fiables et à un coût acceptable pour
rendre la conduite entièrement automatisée. De plus de tels
systèmes changeraient totalement la donne en termes de
responsabilités juridiques puisqu'une part de responsabilité
pourrait revenir au constructeur si son système électronique
embarqué est en cause. Si cette technologie apporte du confort et des
économies d'énergie elle peut-être aussi
génératrice de gros désagréments. Toute rupture de
pièces peut-être a l'origine de problèmes et c'est
là un aléa incontournable, dû à la fatalité
ou à la négligence d'entretien. Un informaticien qui
conçoit les calculateurs de ces véhicules, bien assis sur son
fauteuil devant son programmateur. Il n'a pas souvent conscience des dangers
qu'il fait encourir aux autres... Ainsi, des interfaces mal conçues
peuvent-elles être à l'origine de surcharge d'informations et
sources de nouveaux risques ?
Une voiture trop intelligente ne rendrait-elle pas son
conducteur aveugle par un excès de confiance en ces systèmes ?
Nous pouvons nous demander jusqu'où peut aller cette confiance. De plus,
de tels systèmes sont-ils compréhensibles pour tous ?
L'acceptabilité sociale des nouveaux systèmes
est l'une des questions centrales pour le développement de la voiture
intelligente. Le conducteur devient de plus en plus passif, laissant place
à un pilotage robotisé et le plaisir de conduire, d'être
maître de son véhicule disparaît peu à peu. Nous
arrivons alors à la problématique suivante :
Une voiture trop intelligente ne dispense-t-elle pas de
l'être ?
5. Les comportements vis-à-vis des nouvelles
technologies
Une semblable volonté de contrôle individuel se
retrouve dans tous les domaines de l'automobile. Désormais, grâce
à l'électronique, on sait faire des dispositifs qui peuvent soit
fournir des informations supplémentaires (amplification de la vision,
informations sur le trafic, navigation et guidage), soit agir directement sur
le véhicule (régulation des inter- distances, radar
anti-collision, limiteurs de vitesse, anti-démarrage en cas
d'alcoolémie illégale). Or, les réactions du public
à ces innovations sont assez homogènes : la quasi-
totalité des automobilistes réclame davantage d'informations et
d'assistance, une majorité serait favorable au principe de certaines
contraintes ou limitations, mais bien peu d'entre eux seraient prêts
à les accepter sur leur propre véhicule dans la mesure où
cela en entraverait la libre utilisation.
Le même type d'attitude se retrouve face à la
réglementation. On la voudrait à son service (informer, guider,
protéger les autres), mais en restant libre de «
l'interpréter » le cas échéant. Les groupes de
pression très influents, que constituent les automobiles clubs,
concourent à ce mode de pensée, en défendant notamment la
modulation des limitations de vitesses, selon les lieux voire selon les
véhicules. Ils utilisent des arguments de bon sens mais
démagogiques, et s'appuient - de même que les médias - sur
les témoignages de pilotes de course, qui en effet savent conduire mais
ne peuvent pas être des modèles pour la collectivité.
Parallèlement, la politique des constructeurs
automobiles va vers l'amélioration du confort et des performances, au
nom du goût du public et de l'impitoyable concurrence internationale.
Mais réclamer une limitation de puissance des véhicules à
la construction, par exemple, passe pour une attaque assassine contre
l'industrie nationale et l'emploi ! Les réactions de la presse
spécialisée face aux limiteurs de vitesses et boîtes noires
sont éloquentes...
Parmi les facteurs connus pour être très
influents sur le comportement des conducteurs, et donc sur la
sécurité, il y a la façon dont le conducteur
perçoit les risques, qu'ils soient généraux ou
particuliers, ou le danger, et comment il réagit à ceux-ci quand
il conduit. Par exemple, la recherche a défini l'importance à la
fois des aptitudes à la perception du danger et du comportement à
la prise de risque par rapport à l'implication dans les accidents
(Quimby et Watts, 1981). En effet, certains modèles de comportement du
conducteur, comme la théorie de l'homéostasie du risque (Wilde,
1982), suggèrent que la perception du risque par les conducteurs est
l'un des facteurs essentiels pour la détermination des taux d'accident.
Certaines mesures de sécurité, comme le port de la ceinture de
sécurité, se compensent par le comportement plus risqué
des conducteurs qui, par exemple, conduisent plus vite.
6. L'auto-évaluation des
risques
Sur la route, les conducteurs estiment que leur liberté
consiste à apprécier eux- mêmes les risques encourus. Ils
revendiquent la possibilité de faire, personnellement, une analyse
intelligente des situations. La libre appréciation et la faculté
d'adaptation aux conditions concrètes de la circulation s'opposeraient
à une application aveugle de la réglementation : pourquoi
respecter une limitation de vitesse quand on juge qu'il n'y a pas de danger ?
Le fondement de l'insécurité repose sur ces arbitrages
individuels. Et un tel discours passe très bien : il défend
l'intelligence par rapport à l'arbitraire de la réglementation.
Ce genre d'argument est utilisé face à la limitation de vitesse
mais aussi, dans une moindre mesure, vis-à-vis de l'alcool : on se juge
capable d'estimer pour soi- même la quantité d'alcool compatible
avec la conduite. Si un consensus se dégage de plus en plus sur les
dangers que font courir la vitesse et l'alcool, à l'échelon
individuel les bonnes intentions disparaissent en raison du filtre de
l'appréciation personnelle : « La vitesse est certainement
dangereuse, mais moi je sais quand je peux aller vite ! ».
7. L'homéostasie du risque
Selon la théorie de J.G. Wilde (1982), chacun se
fixerait un niveau préférentiel de risque,
considéré comme raisonnablement faible, qu'il ne conviendrait pas
de dépasser mais en dessous duquel il serait inutile de descendre - un
peu comme la valeur que l'on affiche à son thermostat. En dessous de
cette valeur, un comportement hyper-prudent serait du gaspillage, en termes de
mobilité et de vitesse. Ce « modèle » expliquerait
pourquoi certaines mesures n'ont pas eu les effets escomptés.
Améliorer le revêtement et le marquage, par exemple,
entraîne le plus souvent un accroissement des vitesses si d'autres
mesures d'accompagnement ne sont pas prises. Et le taux d'accident varie peu,
ou en tout cas, pas autant que ce que l'on aurait pu espérer.
De même, on observe une tendance à la
compensation des risques avec la multiplication des équipements de
sécurité sur les voitures. C'est ce qui s'est passé avec
la ceinture de sécurité, facultative à ses débuts :
les études ont montré que les véhicules
équipés étaient plus souvent impliqués dans des
accidents, et que c'étaient les usagers les plus vulnérables qui
en faisaient les frais. Ce phénomène s'est renouvelé avec
les pneus cloutés qui permettaient de rouler plus vite sur la neige et
la glace. Ou encore avec l'ABS, un système merveilleux qui peut
réduire jusqu'à 30 % des accidents en choc arrière sur sol
mouillé : Il permet de conserver le contrôle des véhicules,
même en cas de freinage en courbe, mais il semble augmenter l'implication
de ces véhicules sur chaussée sèche, sans doute parce
qu'ils ont nourri chez les conducteurs un sentiment de confiance excessif et
donc probablement autorisé des vitesses plus élevées.
Nul besoin pour cela de croire à la théorie
psychologique de l'homéostasie du risque : Plus de
sécurité objective, réduit les conséquences d'un
comportement de prise de risque. C'est donc malheureusement un comportement
rationnel d'automobiliste pressé que d'accroître sa vitesse
lorsque la probabilité ou les conséquences d'un éventuel
accident sont réduites.
Les chercheurs ne sont pas responsables de la politique de
sécurité routière. Leur fonction les amène à
étudier puis à proposer des solutions techniques destinées
à améliorer le système de circulation, que ce soit au
niveau de l'ergonomie des véhicules, des aides à la conduite, de
la conception ou de l'aménagement des réseaux, voire de la
réglementation. Ils ont aussi un rôle important dans
l'évolution des méthodes pédagogiques (formation initiale
des conducteurs, éducation à la sécurité
routière dès l'école primaire...).
En France, contrairement à l'Allemagne, la voiture est
plutôt investie comme objet de plaisir (80 % des Français disent
aimer conduire), qui sert aussi à afficher un comportement sportif et
ludique. Finalement, les conducteurs ne sont pas prêts à sacrifier
ce plaisir pour quelques accidents en moins, alors qu'ils estiment leur risque
individuel suffisamment maîtrisé et raisonnablement bas. Ce
comportement est comparable à celui du tabac ; on court un risque, on en
fait courir un aux autres, mais on trouve toutes sortes d'arguments pour le
minimiser (je n'avale pas la fumée) plutôt que de se priver d'un
plaisir.
Toutefois, l'amélioration des véhicules reste
ambivalente. L'évolution technique a bien sûr
entraîné une amélioration notable de la
sécurité : pour des conditions de choc comparables, la
probabilité de décès ou de blessure grave lors d'une
collision a diminué au cours des vingt dernières années
(Broughton, 2003), du fait de l'évolution de la conception des
véhicules et de leurs équipements. Mais parallèlement,
l'augmentation lente et continue, sur le long terme, des vitesses
pratiquées n'est pas sans lien avec l'évolution des
caractéristiques techniques des véhicules. D'autre part,
certaines améliorations techniques visant a priori l'amélioration
de la sécurité contribuent surtout à favoriser la
réduction des temps de parcours, car les gains de sécurité
escomptés sont parfois consommés sous forme d'augmentation de
vitesse. Stanton et Pinto (2000) montrent qu'un système
améliorant la perception de l'environnement en conduite nocturne (des
images captées par caméra infrarouge sont projetées sur le
pare-brise et ainsi superposées à la scène que voit le
conducteur), favorise l'augmentation des vitesses.
On voit donc que l'évolution de ces nouvelles
technologies ne peut être considérée comme
nécessairement positive : les recherches qui viennent d'être
évoquées montrent que la conduite automobile ne peut être
appréhendée sans l'importance des comportements. Naturellement,
cette théorie de l'homéostasie du risque a une part de
vérité : les progrès en matière de
sécurité sur les infrastructures ou les véhicules sont
toujours en partie contrebalancés par un changement de comportement des
usagers, mais le solde est globalement positif si l'on considère
l'évolution de ces trente dernières années. Il est
évident que ces techniques permettent l'amélioration de la
sécurité, et même en tenant compte des rétroactions
comportementales éventuelles, les accidents ont nettement diminué
grâce à ces progrès.
Conclusion
Un conducteur de plus en plus assisté pour un trajet
plus sûr, plus propre et plus performant, tel est le sens de l'initiative
européenne et des efforts des constructeurs comme nous venons de le
voir. Et nous ne sommes qu'au commencement de cette révolution.
Les coûts sont encore très élevés
et la fiabilité incertaine. Il faudra encore quelques années
avant de parler de généralisation accessible à tous, mais
il est vrai que tout cela progresse très vite.
Dans un trafic mondial qui ne cesse de grossir chaque jour, et
dans un contexte de pétrole désormais cher, la voiture
intelligente se justifie pleinement, mais s'il est possible d'imaginer de
parvenir à des automobiles 100 % propres un jour, il est plus hasardeux
de penser qu'elles seront 100 % sûres.
Le problème majeur se trouve en effet entre le
siège et le volant : Le conducteur ! Il peut disposer de la voiture la
plus intelligente possible cela ne veut pas dire qu'il conduira intelligemment
!
Le facteur humain paraît difficilement réductible
à zéro. Sauf à imaginer que ce conducteur n'ait plus du
tout à se préoccuper de la conduite et de la maîtrise de sa
voiture. Étape ultime de la technologie automobile du XXIe siècle
ou science-fiction ?
Voiture sans accident : Y a-t-il encore un pilote dans l'auto
? La voiture sans accident, c'est pour 2020 ? nous promettent les constructeurs
Volvo et Nissan. En attendant, le passé est soldé, le
présent nous échappe, le futur est déjà en marche,
au plus grand bénéfice de la sécurité, beaucoup
moins à celui du plaisir de conduire.
Bibliographie
BARJONNET P. E., CAUZARD J.-P. 1987. « Styles de vie et
comportements sociaux à l'égard du risque. Perceptions
différentielles des risques » Arcueil. INRETS. BARJONNET P. E.
MOUNIER E. 1989. « Modèles sociaux d'usage du corps et prise de
risque automobile » Arcueil. INRETS.
JESSOR R. 1990. « Relation théorique et
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KILLIAS M.. 1985. « La ceinture de
sécurité : une étude sur l'effet des lois et des sanctions
» Ed. Déviance et Société.
LE BRETON D. 1995. Que sais-je ? « La sociologie du
risque » Paris. PUF. PERETTI-WATEL P. 2000. « Sociologie du
risque » Paris. ED. Colin.
Revues :
REDING V. « La voiture intelligente sera-t-elle plus
sûre ? » L'évolution des systèmes technologiques
d'aide à la conduite et leur impact sur la sécurité
routière. Périodique mensuel « Sécurité
routière », N°120, Septembre 2000.
SAAD F. « Prise de risque ou non perception du
danger » Recherche Transports Sécurité. 1988.
Webographie
www.automobilemag.com
www.psa.fr
www.securiteconso.org
www.renault.com
www.volvocars.com
www.euro-innovation.org
www2.securiteroutiere.gouv.fr
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