FACULTÉ DES LETTRES, LANGUES
ET SCIENCES HUMAINES
Université de Pau et des Pays de
l'Adour
Département de Géographie
AGENTS GÉOGRAPHIQUES
et
SOCIÉTÉ LIBERTAIRE
Mémoire de D.E.A.
présenté et soutenu par
GONET - BOISSON Gérard
Dirigé par
Monsieur BERDOULAY Vincent
Professeur de Géographie à
l'U.P.P.A.
Juin 2000
Le savant du jour n'est que l'ignorant
du lendemain.
Élisée Reclus
Je dédie ce travail personnel à
:
Madame Kerboul, Professeur de
français de mes années de collège, sans qui - j'en suis,
chaque jour, plus convaincu - je n'aurais pu reprendre des études
universitaires après un intermède de plus de vingt années
d'activité professionnelle. Que sa tâche de pédagogue
tenace et efficace soit ici reconnue et appréciée.
Je remercie tout particulièrement :
Monsieur Berdoulay Vincent pour sa
réflexion et ses connaissances.
RÉSUMÉ
La géographie libertaire impulsée par les
militants anarchistes français Élisée Reclus et russe
Pierre Kropotkine à la fin du XIXe siècle et au
début du XXe, constitue une branche encore mineure de la
géographie universitaire. Cependant, en ces temps d'incertitudes
idéologiques, la redécouverte de leurs positionnements
scientifiques et de leurs propositions d'organisation socio-spatiale des
sociétés humaines permet, au regard des concepts
développés par cette école de pensée radicale, de
redonner espoir à l'individu défini comme agent
géographique initiateur et maître de ses projets et de son
épanouissement au sein de la collectivité humaine.
Mots clés :
Géographie libertaire, épistémologie,
histoire de la géographie, méthode synthétique,
Élisée Reclus, Pierre Kropotkine.
RESUMEN : AGENTES GEOGRÁFICOS Y
SOCIEDAD LIBERTARIA.
La geografía libertaria impulsada por los militantes
anarquistas francés Eliseo Reclús y ruso Pedro Kropotkín a
finales del siglo XIX y principios del siglo XX constituye una rama,
todavía menor, de la geografía universitaria. Sin embargo, en
estos tiempos de incertidumbres ideológicas, el redescubrimiento de sus
posiciones científicas y de sus proposiciones de organización
socio-espaciales de las sociedades humanas permiten, respecto a los conceptos
fomentados por esta escuela de pensamiento radical, dar de nuevo esperanzas al
indivíduo definido como agente geográfico iniciador y
dueño de sus proyectos y de su plenitud.
Geografía libertaria, epistemología,
historía de la geografía, metodo sintetico, Éliseo Reclus,
Pedro Kropotkín.
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ABSTRACT : GEOGRAPHICAL AGENTS AND LIBERTARIAN SOCIETY.
The libertarian geography impelled by the anarchistic
militants French Elisee Reclus and Russian Pierre Kropotkine at the end of
XIX°century and the beginning of the XX° century, constitutes a still
minor branchof the university geography. However, in these times of
ideological uncertainties, the rediscovery of their scientific positionings and
their proposals of socio-space organization of the human societies allow, the
glance concepts developed by this radical school of thought, to give again hope
with the individual defined as initiating geographical agent and Master of its
projects and its blooming within the human community.
Libertarian geography, epistemology, history of the
geography, method synthetic, Elisee Reclus, Pierre Kropotkine.
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Introduction :
Doit-on continuer à opposer individus et
société ? A l'efficacité gestionnaire et
régulatrice de l'une devrait se soumettre les aspirations et les buts
des autres. Cependant, les conflits actuels, souvent liés à la
fragmentation économico-politique et culturo-religieuse du monde
liés à une désaffection croissante des individus aux
règles politiques des régimes dirigeants nous invitent à
une étude renouvelée de la diversité des façons de
concevoir l'occupation et l'utilisation humaines sur la face de la terre, ainsi
que des moyens de les atteindre.
Notre réflexion veut s'inscrire dans le courant de la
géographie dite critique. L'" intérêt émancipatoire
"1(*) de la
géographie anarchiste (ou libertaire) est omniprésent. Tant dans
les moyens que dans les fins qu'elle veut susciter dans l'organisation des
sociétés et donc dans la distribution et la répartition
humaine à la surface de la planète, elle préconise le
poids " fondamental de l'individu " dans les schèmes de l'organisation
spatiale.
L'interrogation majeure, ou problématique centrale, qui
découle de cette réalité sémantique, veut se
poursuivre par une interpellation théorique (géographique) face
à une certaine forclusion des idées de cette "philosophie
"sociale particulière concernant plus particulièrement les
propositions d'organisation et de répartition des hommes et de leurs
institutions :
Comment la pensée géographique
libertaire a-t-elle conceptualisé les rapports à
l'altérité entre l'être individuel (ou agent
géographique) et le collectif (ou société humaine) dans
une perspective historique, et comment a-t-elle tenté de projeter un
modèle sociétal cohérent à l'échelle
mondiale ? Quels outils la méthodologie libertaire a-t-elle
élaboré, pour construire son corpus théorique ? Est-elle
à la source d'une conception spatiale différente des lieux
humanisés ? Les lieux d'expression démocratique de la
société libertaire imaginée reposent-ils sur une
perception différenciée de l'épanouissement social et
politique de l'agent géographique ? En terme d'analyse spatiale, la
pensée libertaire engendre-t-elle une inscription sculpturale
différente dans la structure des réseaux engendrés par les
types de relation inter et intra humaines qu'elle préconise ?
L'organisation sociétale préconisée par ces
géographes libertaires se traduit-elle par une lecture
différenciée de l'espace géographique ? La part incongrue
réservée dans les ouvrages géographiques à la
géographie libertaire, nous incite, de par notre statut de chercheur qui
veut que tout essai théorique est du ressort du domaine scientifique, de
faire une lecture spatialisée des rapports de l'homme à la nature
et des hommes entre eux afin de participer à la validité (ou
à la non validité) de la pertinence de l'approche libertaire de
l'espace en terme de stratégie alternative à la gestion des
sociétés humaines. La prise de conscience récente et
progressive de la dimension planétaire des enjeux sociaux et
environnementaux implique que soient revus les grands courants intellectuels de
la modernité.
Sans les détailler, nous devons au préalable
exposer les principes de base d'une société libertaire telle
qu'elle a été suggérée par les différents
penseurs du mouvement anarchiste. L'abord de ce point nous amènera
à dépasser le cadre réflexif de la politologie classique
en ne considérant plus l'anarchisme comme une idéologie
singulière, mais aussi et peut-être surtout, comme une
méthode (une méthodologie ?) permettant une réflexion
pertinente sur les moyens et les fins en matière de politique.
Si Élisée Reclus (1830-1905) est reconnu comme
le plus grand géographe français libertaire, nous devons
cependant puiser nos références à d'autres sources. Le
contexte épistémologique et théorique de la fin du
dix-neuvième siècle, nous incite à élargir nos
terrains d'investigations. Pour ces raisons, nous baserons notre
réflexion sur les travaux d'Élisée Reclus, mais aussi ceux
de Kropotkine (1842-1921), et de Godwin (1756-1836), sans oublier les militants
actuels et bien sûr les travaux scientifiques. Cette présentation
des principes méthodologiques de l'anarchisme constituera le premier
volet de notre travail de recherche.
Dans le cadre de notre recherche et dans la lignée de
la géographie critique, en premier lieu l'agent géographique
doit être plus précisément défini. Pour cela
diverses approches sont nécessaires pour argumenter.
A la lecture des principaux écrits anarchistes
effectuée dans le cadre de notre recherche, il en ressort que le sens
commun des libertaires conçoit l'agent géographique comme
l'être humain, le détenteur de deux savoirs dont celui-ci mesure
la réalité et le poids : le savoir hérité de ses
ancêtres, et le savoir constitué par son action quotidienne
à la surface de la terre et qu'il ajoute à celui
hérité. C'est la prise en compte de ses deux paramètres
qui transforme l'individu en agent géographique dans la mesure où
le savoir et l'action ainsi mises en synergie alimentent son regard
porté sur son environnement terrestre et lui permet de répondre
aux questions inhérentes au sens et au rôle de sa présence
sur l'interface de la terre. La différenciation entre l'individu et
l'agent géographique est soulignée par le fait que ses souhaits
d'action issus de cette réflexion préalable débouchent
fatalement sur le terrain social et influencent directement son rôle de
marqueur terrestre. Le problème du rapport de l'Homme à
l'environnement terrestre est ici valorisé, non à travers son
degré de liberté ou de soumission vis à vis d'un
déterminisme géographique, mais plutôt vis à vis
d'un déterminisme humain : quelle part de l'individuel la
société est-elle prête à admettre, à utiliser
et à valoriser comme élément organisateur de
l'humanité ?
Si le bagage scientifique du dix-neuvième siècle
manque de précision conceptuelle, Élisée Reclus n'y
échappe pas ; néanmoins il appréhende la fonction
particulièrement géographique de l'homme à la surface de
la terre. Il détecte déjà que l'occupation et
l'utilisation humaines sont régies par des règles que l'homme a
lui-même établies au cours des âges grâce à
l'évolution de l'espèce humaine.
L'autre différenciation entre l'agent et l'individu est
purement étymologique. Un agent est celui qui agit, qui transmet une
action. Si la définition paraît claire et est fréquemment
utilisée en géographie physique (ne parle-t-on pas d'agent
d'érosion en citant l'eau, par exemple) elle peut aussi permettre une
clarification sémantique en géographie humaine. Agent semble plus
pertinent qu'acteur, couramment admis en géographie économique
par exemple, au regard des définitions données par les
dictionnaires. Si cet avis peut sembler a priori subjectif, une comparaison des
définitions données par le " Petit Robert ", dictionnaire de
langue française reconnu, et " Les Mots de la Géographie ",
dictionnaire critique de géographie concernant les mots acteur, agent,
sujet et individu mérite notre attention.
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Etude sémantique comparative
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Petit Robert
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Mots de la Géographie
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Acteur
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Artiste dont la profession est de jouer un rôle
à la scène ou à l'écran ; personne qui prend une
part active, joue un rôle important.
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Celui qui agit (les acteurs agissent sur l'espace selon
leurs moyens et leurs stratégies...)
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Agent
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L'être qui agit, qui transmet une action
(opposé à patient, qui subit l'action)
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Celui qui agit, terme un peu désuet...de nos jours
on parlerait plutôt d'acteurs...
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Sujet
|
1° sens : personne soumise à une
autorité souveraine.
2° sens : être individuel, personne
considérée comme le support d'une action, d'une influence.
3° sens : être vivant soumis à
l'observation.
|
1° sens : qui est sous. Soumis, dépendant:
on est sujet du seigneur ou de l'Etat...
2° sens : depuis Kant, le sujet est aussi celui qui
parle, qui agit. De cette manière, comme être connaissant, il
s'oppose à l'objet, qui lui est extérieur mais qui lui va
être soumis.
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Individu
|
1° sens : tout être formant une unité
distincte dans une classification.
2° sens : corps organisé vivant d'une
existence propre et qui ne saurait être divisé sans être
détruit.
3° sens : unité élémentaire
dont se composent les sociétés.
|
Personne, être humain, quel qu'en soient le sexe,
l'âge, la nationalité, le métier, mais le terme est peu
employé car il a une vague connotation
péjorative...
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La synonymie accordée par R.Brunet aux mots
acteur et agent ne se prête pas à la
clarification sémantique du langage géographique. Par contre, Le
Petit Robert apporte lui, une précision, il élimine du mot
agent la notion de simulacre incluse dans le mot acteur. La
part d'initiative issue de l'individu est admise de fait et est surtout
considérée comme l'élément moteur de l'action.
La définition de l'individu est, elle,
très nettement mathématique (par trop comptable) et très
éloignée d'une définition reclusienne qui considère
l'être humain comme d'essence sociale. En cela, le choix de l'emploi du
concept d'agent géographique se démarque très nettement de
la branche individualiste du mouvement anarchiste. Élisée Reclus,
anarchiste en même temps que géographe marque ainsi sa nette
préférence pour l'être social. Même si le terme
d'agent géographique est peu utilisé dans ses oeuvres, il en
mentionne toutefois le sens particulier dans l'un de ses premiers ouvrages
géographiques majeurs, sens que nous adopterons maintenant dans le cadre
de notre recherche.
"L'homme, cet " être raisonnable " qui aime tant
à vanter son libre arbitre, ne peut néanmoins se rendre
indépendant des climats et des conditions physiques de la contrée
qu'il habite. Notre liberté, dans nos rapports avec la Terre, consiste
à en reconnaître les lois pour y conformer notre existence.
Quelque soit la relative facilité d'allures que nous ont conquise notre
intelligence et notre volonté propre, nous n'en restons pas moins des
produits de la planète attachés à sa surface comme
d'imperceptibles animalcules, nous sommes emportés dans tous ses
mouvements et nous dépendons de toutes ses lois... Après avoir
été longtemps pour le globe de simples produits à peine
conscients, nous devenons des agents 2(*) de plus en plus actifs dans son histoire."
3(*)
Cette citation, loin de sembler souscrire à la
pensée de Montesquieu4(*) qui attribue une influence majeure d'un
élément naturel sur les sociétés humaines,
Élisée Reclus, tout au long de son oeuvre de géographe et
en particulier dans L'homme et la terre, met en valeur les
interactions constantes entre les éléments naturels (" le
milieu statique " 5(*))
et les éléments humains (" le milieu dynamique " 6(*) ) ainsi que la
complexité du milieu géographique7(*) et souhaite que les peuples conscients de ces
réalités spatiales puissent finalement devenir les agents de leur
propre organisation et répartition à la surface de la terre.
Un autre emploi du vocable agent peut
être mentionné. Dans un article intitulé " L'homme et la
nature - De l'action humaine sur la géographie physique " 8(*), Élisée Reclus
utilise cette expression dans le sens que nous avons précédemment
défini :
" Délivrés, grâce à
l'intervention insensée de l'homme, des oiseaux qui leur faisaient la
guerre, les tribus des insectes, fourmis, termites, sauterelles, s'accroissent
en nombre de manière à devenir, elles aussi, de véritables
agents géographiques." 9(*)
Cette vision " reclusienne " de l'agent géographique
s'inscrit, nous semble-t-il, de surcroît dans la réflexion
suscitée par le couple géographe Pinchemel depuis presque une
décennie. " La face de la terre : éléments de
géographie " mentionne dès les premières pages de leur
ouvrage que :
" L'homme est agent géographique quand il
défriche, draine, cultive, construit, substitue au milieu naturel, un
milieu artificiel qu'il serait plus satisfaisant d'appeler " humain ".
10(*)
Ces volitions humaines constituent
le premier élément fondamental du triptyque de la pensée
des Pinchemel : le " savoir ".
Le deuxième volet, qui est le résultat direct,
la conséquence spatiale de " l'être qui agit "11(*) suscite la curiosité du
géographe, car en effet :
" L'action géographique des hommes
entraîne l'inscription de traces, de lignes, de surfaces, de volumes, les
uns visibles : routes, champs, bâtiments, d'autres non directement
perceptibles : trames communales, frontière des Etats, flux de
relations. Points, lignes, surfaces, volumes sont, au sens le plus fort, une
écriture géographique ". 12(*)
Le propos du présent mémoire est de
déchiffrer justement cette écriture géographique d'une
société aux messages culturels particuliers, la
société libertaire. Si comme toutes les sociétés,
la société libertaire a son écriture, c'est à sa
traduction factuelle sur le support terraqué que notre recherche va
s'attacher. Elle devra mettre en évidence l'" indissociabilité
"13(*) du savoir et de
l'action avec la pensée (troisième volet du triptyque), en
l'occurrence la pensée libertaire.
Une précision doit, ici, être soulignée. A
la différence de Philippe Pinchemel, dans l'entretien qu'il a
donné à la revue Historiens et Géographes,
Reclus, ne fait aucune différence entre " agents géographiques
réels " (les architectes, investisseurs par exemple) et les "
consommateurs " de milieu " (les citoyens en l'occurrence). D'ailleurs
Pinchemel, précise de lui-même :
" (...) nous (les
citoyens) avons le droit, d'abord, de
connaître dans quelles conditions s'élaborent ces transformations
géographiques qui ont des répercussions sur notre vie quotidienne
; et nous avons le droit aussi de protester et d'intervenir, en montrant les
mauvaises utilisations du sol, les mauvaises décisions, les
conséquences des mauvaises décisions. C'est en cela que
l'éducation géographique est capitale : ouvrir à
l'intelligibilité du Monde, à toutes les échelles.
" 14(*)
Reclus à n'en pas douter aurait souscrit à ce
propos.
Une dernière justification de l'usage
préférentielle du concept d'agent géographique au
lieu et place d'acteur géographique repose sur une
réflexion épistémologique. La science sociale,
dont la géographie est une composante, a tendance à construire
son corps théorique à partir de concepts globalisants. Le poids
de l'analyse statistique prise ces dernières années dans la
géographie corrobore cette vision. Si elle a certes permis de
révéler des phénomènes jusque là
soupçonnés, elle a, aussi tendance, par les nombreux indicateurs
qu'elle utilise, à favoriser le regroupement au détriment de
l'unité. Selon Desrosières, la notion même de moyenne
statistique remplit cette fonction :
" du moment qu'elle exprime une valeur qui n'appartient
pas à un élément isolé, elle confirme l'existence
du groupe en tant que réalité supra-individuelle ".
15(*)
Rarement le niveau théorique d'observation du champ
géographique se fixe sur l'individu. L'unité semble une valeur
trop unique pour être théorisable. Même si la sociologie ou
la géographie, lors d'utilisation d'outils de terrains particuliers
comme le questionnaire ou l'entretien, semblent justement se concentrer sur le
rôle et le poids de l'individuel dans la détermination et la
compréhension d'un phénomène sociologique ou
géographique, les résultats de ces investigations se concluent le
plus souvent sur l'élaboration de règles générales
sensées être appliquées sur d'autres groupes humains ou sur
d'autres espaces. Sans prétendre à un retour empiriste de la
science qui ne satisfait plus la géographie ou toute science digne de ce
nom, une tentative d'élaboration d'une grille de lecture plus fine peut
se concevoir.
Là réside l'interrogation majeure de ce travail
: peut-on conceptualiser une théorie opérationnelle, - car cela
reste le but essentiel de la recherche en science -, à partir de la plus
petite unité de mesure offerte sur le terrain géographique
symbolisée par l'agent géographique ? La part revendicative de
l'individu est de plus en plus prégnante dans nos sociétés
globalisées et globalisantes. Ce niveau d'analyse du champ
géographique a déjà été
suggéré par des géographes, en particulier les
géographes libertaires, sans que leurs analyses aient été
incorporées dans le corps théorique des sciences sociales
enseignées aujourd'hui. Cette ré-actualisation de ce niveau
d'analyse mérite que l'on s'y attarde de nouveau et tels sont la
motivation et l'enjeu de ce travail de recherche entrepris cette
année.
D'ailleurs, le terme d'agent géographique s'incorpore
tout à fait, nous semble-t-il, dans l'actualité du discours
théorique de la géographie d'aujourd'hui et du discours
aménagiste en particulier. Les instances gouvernementales n'ont-elles
pas préconisé dans leurs orientations futures qu'elles entendent
donner à la politique d'aménagement du territoire quatre
priorités, dont :
" celle du partenariat et de la mise en oeuvre de la
démocratie participative "? 16(*)
Cette volonté d'inclure les " Français " aux
décisions concernant l'aménagement de leur cadre de vie
répond à une forte demande " citoyenne " de mieux
équilibrer les processus de décisions. Ceux-ci doivent :
" accroître l'association des citoyens (...)
grâce à des procédures de délibération
". 17(*)
ou encore :
" la consultation directe des habitants ".
18(*)
La définition sémantique des termes agents,
acteurs et individus énoncée, la deuxième partie de notre
travail portera, à partir des écrits scientifiques et militants
des théoriciens libertaires d'hier et d'aujourd'hui, à traduire
en termes géographiques les rouages institutionnels
préconisés par ces derniers. Cette grille de lecture purement
géographique des écrits libertaires, au-delà d'apporter
une contribution théorique à la géographie dite critique,
permettra surtout une confrontation directe avec les apports scientifiques de
la géographie actuelle :
- La théorie de la formation socio-spatiale dans sa
tentative de définir des niveaux de configuration spatiales
résultants de formes de gestion ou de pouvoir spécifiques, sera
sollicitée et peut-être enrichie ;
- L'analyse spatiale, branche de la science
géographique en plein développement ces dernières
années sera, elle aussi, mise à contribution pour nous aider
à mieux comprendre et mieux traduire en termes d'organisation spatiale
la pensée géographique libertaire.
En effet, les projets fédéralistes ou
communalistes libertaires reposent sur une recomposition totale de l'espace
humain. Les rapports sociaux, économiques, politiques de la
société libertaire diffèrent radicalement de ceux
existants aujourd'hui ou ayant existé, il y a encore peu, dans une
certaine partie de l'Europe hier. Les motivations de l'action libertaire qui
reposent sur les deux principes fondamentaux de liberté et
d'égalité économique et sociale, impliquent des refus
institutionnels précis : refus de l'État, refus de la logique du
profit par exemple. Ces considérations propres à la pensée
libertaire entraînent un débat sur la validation des concepts
"d'optima individuels et collectifs " : le rôle et la place de l'individu
- de l'agent géographique dans le cadre de notre étude - dans
l'organisation de la société humaine est remis en question chaque
jour un peu plus, et la réflexion libertaire à ce sujet a le
mérite d'exister. Cette exigence d'égalité et de
liberté des anarchistes débouchent sur un ensemble de projets.
Les concepts de " libre association ", " d'autogestion " trouvent leurs
applications dans les projets fédéralistes de la pensée
anarchiste.
Cet ensemble de lectures et de traductions
géographiques nous amène à l'hypothèse centrale de
notre travail : la plausibilité de la méthodologie libertaire ne
nécessite-t-elle pas l'existence préalable d'espaces "
émancipatoires " ? Lieux, pôles, réseaux où la
culture et la formation du jugement politique de chaque agent
géographique puisse se construire et se développer. La
préoccupation de la formation continue des individus pour parvenir
à une société composée d'" êtres raisonnables
" pour reprendre ici une expression d'Élisée Reclus, confirme que
les auteurs libertaires sont soucieux d'atteindre ce stade d'évolution
intellectuelle le plus rapidement possible avant d'envisager tout espoir de
révolution sociale. Face à ce besoin d'expression de la
paidéïa19(*) , nous devons nous demander, en tant que
chercheur, si ce concept est opératoire. En quoi peut-il être
différent de la notion d'espace public, utilisé par les
théoriciens de la démocratie ; et, surtout qu'apporte-t-il de
supplémentaire et en fin de compte de décisif en terme de
stratégie ? Enfin, dans une préoccupation purement
géographique, son existence opératoire inscrit-elle de nouveaux
schémas d'occupation et d'utilisation de l'espace terrestre de la part
de la société humaine ? Ce sont, sûrement les
réponses à ces questions importantes qui font
l'intérêt de cette recherche. Des réponses qui empruntent
aujourd'hui au domaine de l'utopie, son moteur, mais qui demain, par la
réflexion démontreront peut-être sa congruence au
réel.
Chapitre 1
La géographie libertaire : une lecture de
l'espace fondamentalement globale.
1.1 - Les méthodes scientifiques de Kropotkine,
géographe et anarchiste.
Si l'anarchie n'est que l'une des composantes des
différents mouvements sociaux à vocation " émancipatoire "
qui ont émergé à l'aube de la révolution
industrielle, il est néanmoins intéressant de connaître son
positionnement au sein des divers courants de pensée scientifique. Nous
allons tenter de déterminer les raisons de son attitude propre
vis-à-vis des divers courants de son époque. Cette partie va
mettre, plus particulièrement, en évidence le refus de la
méthode dialectique dans le cadre d'une recherche scientifique de la
part des théoriciens anarchistes de la Géographie et
révéler la vision originale de ceux-ci pour appuyer leurs
conclusions. Notre étude veut permettre l'amorce une réflexion
originale à partir d'un cadre historique et
épistémologique précis, celui de la naissance des sciences
sociales.
La publication récente d'un ouvrage de réflexion
sur la pensée sociale d'Élisée Reclus20(*) a suscité de nombreux
débats entre universitaires dans la presse libertaire21(*) : géographes et
sociologues français ont analysé et contesté certains
points de l'argumentation de l'auteur, professeur de sociologie dans une
université américaine. Au delà de l'aspect
polémique qu'ils ont parfois pris, les points de divergence portaient
sur le positionnement théorique des premiers penseurs anarchistes dans
le champ des sciences sociales naissantes. Ces interrogations ont trouvé
récemment un prolongement au cours du colloque international
organisé à Toulouse au mois d'octobre dernier22(*). Ce débat, non clos
entre chercheurs, va alimenter notre propre réflexion. Une attention
particulière va être portée sur la démarche
scientifique des géographes anarchistes les plus renommés que
sont Kropotkine et Reclus23(*).
Une recommandation méthodologique s'impose : la prise
en compte du vocabulaire scientifique de l'époque. Une évaluation
contextuelle précise doit éviter aux analyses
géographiques que nous pouvons faire aujourd'hui de ces textes anciens,
de s'égarer sur le sens et la signification réels des
démarches méthodologiques des scientifiques de la fin du
siècle dernier. La richesse du vocabulaire scientifique actuel,
très largement supérieure à celle d'hier, doit nous
imposer une prudence d'interprétation. Cette attitude de respect de la
sémantique utilisée, va guider notre tentative de lecture des
écrits de Kropotkine ou de Reclus dans le cadre de ce travail de
recherche. Aux reproches possibles d'une prise de position
épistémologique non clairement explicitée ou d'une
interprétation subjective en vue d'un prosélytisme
inavoué, nous voulons privilégier l'émergence de pistes
de réflexions sous-jacentes contenues dans les textes de ces
scientifiques à partir de leur propre vocabulaire et ceci en respectant
le prisme scientifique de l'époque. La maîtrise de la philosophie
anarchiste nous sera ici d'un grand secours.
1.1.1 Le refus de la méthode dialectique de
Kropotkine.
Des théoriciens anarchistes en même temps
géographes, nous allons commencer par l'étude du positionnement
scientifique de Kropotkine. Plus connu de nos jours comme théoricien de
l'anarchisme, Kropotkine (1842 - 1921) fut néanmoins un géographe
réputé. L'ensemble de son oeuvre révèle une
approche globale des choses.
La lecture attentive de son ouvrage La science moderne et
l'anarchie écrit en 1913, c'est-à-dire au soir de sa vie
militante, mais qui demeure incontournable sur le plan théorique, ainsi
que celle de deux articles moins connus, vont nous servir d'arguments
démonstratifs de sa conception globalisante de la science
géographique à peine naissante puis d'arguments explicatifs de
son positionnement scientifique propre.
En 1893, dans un article intitulé L'enseignement de
la physiographie publié dans la revue anglaise Geographical
Journal 24(*),
Kropotkine élargissant le concept et la discipline proposés par
Huxley, qui définit la physiographie comme une sorte de science
naturelle complète, adopte purement et simplement la géographie
comme seule science globale même s'il conserve une nette
prédominance pour l'aspect géo-physique.
Déjà en 1885, dans un article pédagogique
intitulé : Ce que doit être la géographie 25(*), à ma connaissance
pas encore traduit en français, il précise que :
" La géographie doit démontrer que le
développement de chaque nationalité est la conséquence de
plusieurs grandes lois naturelles, imposées par les caractères
physiques et ethniques de la région concernée...".
26(*)
L'influence du déterminisme prégnant de
l'époque est ici plus que sous-jacent, cependant, toujours dans le
même article, l'anarchiste mentionne que la géographie doit
englober :
" quatre grandes branches de la connaissance, suffisamment
larges...mais toutes intimement connectées entre elles. Trois de ces
branches - orogénèse, climatologie, zoo et phytogéographie
27(*) -
correspondantes à ce que l'on nomme aujourd'hui comme géographie
physique ; tandis que la quatrième, qui inclut une partie de
l'ethnologie se nomme la géographie politique ".
28(*)
Kropotkine pressent que de cette prise en compte globale des
champs scientifiques abordés puisse :
" naître beaucoup de spécialités,
certaines intimement liées avec l'histoire, la philologie (...) et
d'autres avec les sciences physiques." 29(*)
Son souci de maintenir l'unité disciplinaire de la
géographie est rappelé par cette phrase qui se présente
sous forme de conclusion à la fin du chapitre de l'article de 1885 :
" mais l'authentique obligation de la géographie
est de regrouper et de combiner dans un cadre vivant tous les
éléments isolés de ce vaste champ de connaissances : le
représenter comme un ensemble harmonieux, dont les parties sont les
conséquences de quelques principes généraux et sont unies
entre elles par leurs mutuelles relations." 30(*)
L'entr'aide en 1906, Champs, usines et
ateliers en 191031(*), La science moderne et l'anarchie en 1913
32(*) sont publiés
sous forme initiale d'articles dans la revue pluridisciplinaire anglaise
Nineteen Century, aux côtés d'articles de
géographie physique.
Ses travaux sur La grande révolution : 1789 - 1793
le font considérer comme un historien ; ses recherches sur
l'entraide dans les communautés animales le rapproche des biologistes ;
ses écrits de propagande en font un essayiste et un politologue de renom
; son oeuvre ultime : L'éthique le lie avec la philosophie.
" Kropotkine est tout cela mais ce qui fait
indiscutablement le lien, c'est son approche géographique, son souci
constant de localiser, de spatialiser les phénomènes,
d'établir concrètement le lien entre l'homme et la nature.
Là où les marxistes échouent à force d'historicisme
absolu, de moulinette dialecticienne et de déterminisme
géographique posé comme condition préalable 33(*), Kropotkine réussit une
approche inter-relationnelle." 34(*)
La conception globalisante de la géographie mise en
relief par ces citations, n'en fait pas toutefois une originalité
épistémologique majeure. Kropotkine n'est, en quelque sorte,
qu'un héritier et un adepte du reniement du caractère
métaphysique impulsé par les divers penseurs du Siècle des
Lumières. En effet, sous l'impulsion des philosophes anglais et
français35(*) du
milieu et de la fin du dix-huitième siècle, le désir
d'englober toutes les connaissances humaines en un seul système
général - le système de la Nature - modifie,
indubitablement la façon de penser et construire la science. Nous devons
rappeler que le contexte scientifique de la fin du dix-neuvième
siècle n'est en rien comparable à celui d'aujourd'hui36(*). Le souci d'un discours
théorique et le besoin de conceptualisation est moins courant ou
valorisant qu'aujourd'hui. Ce préalable nous impose une circonspection
et une exactitude épistémologique et méthodologique
vigilante. Néanmoins, Kropotkine, beaucoup plus clairement que Reclus, a
précisé sa démarche scientifique dès 189837(*). Cette présence de
conceptualisation chez le géographe russe émane en grande partie,
selon nous, de l'absence de contraintes éditoriales, au contraire de
celles imposées à Reclus par son éditeur38(*), et de ce fait procure
à Kropotkine une plus grande liberté de plume. Elle lui permet de
construire, librement, hors de contrainte d'un champ académique trop
précis, une grille de lecture dans laquelle les théories
anarchistes et les théories géographiques sont toujours
associées.
Sa volonté d'établir un cadre "
politico-scientifique " à ses recherches :
" donner une base scientifique à l'anarchisme par
l'étude des tendances apparentes dans la société qui
puissent indiquer son évolution ultérieure . "
39(*),
n'est pas aussi incongrue qu'elle puisse paraître,
aujourd'hui où le champ de la réflexion
épistémologique aborde celui des idées politiques. La
géographie dite " radicale ou critique ", par l'intermédiaire de
Richard Peet 40(*) en
1977, a permis une redécouverte de Kropotkine.
De surcroît, plusieurs décennies de recherches
géographiques et politiques conforte Kropotkine dans ce sentiment
méthodologique :
" (...) j'en arrivai peu à peu à comprendre
que l'anarchisme représente autre chose qu'un simple mode d'action,
autre chose que la simple conception d'une société libre ; mais
qu'il fait partie d'une philosophie naturelle et sociale, dont le
développement devait se faire par des méthodes tout à fait
différentes des méthodes métaphysiques ou dialectiques,
employées jusqu'ici dans les sciences sociologiques.
Je voyais qu'elle devait être construite par les
mêmes méthodes que les sciences naturelles ; non pas, cependant,
comme l'entend Spencer 41(*), en s'appuyant sur le fondement glissant de simples
analogies, mais sur la base solide de l'induction appliquée aux
institutions humaines...". 42(*)
Et quelques dix années plus tard, il donnait une
explication plus détaillée :
"J'essaie de montrer que notre conception de l'Anarchie
représente une conséquence nécessaire du grand
réveil général des sciences naturelles qui se produisit
pendant le dix-neuvième siècle. (...) Amené ainsi à
étudier sérieusement les remarquables découvertes de ces
années, j'arrivai à un double résultat. Je voyais d'une
part, comment - toujours grâce à la méthode inductive - de
nouvelles découvertes d'une immense importance pour
l'interprétation de la Nature étaient venues s'ajouter à
celles du passé et comment une étude plus approfondie des grandes
découvertes (...) tout en posant de nouvelles questions d'une immense
portée philosophique, jetait un jour nouveau sur les découvertes
précédentes, et ouvrait de nouveaux horizons à la science.
Et là où certains savants, trop impatients, ou trop imbus
peut-être de leur éducation première, voulaient voir une
"faillite de la science", je voyais seulement un fait normal, très
familier aux mathématiciens, le passage d'une première
approximation aux suivantes.". 43(*)
Que peuvent nous inspirer ces citations ? Une première
évidence révèle que Kropotkine ne dissocie en aucun cas le
domaine naturel du domaine social dans sa grille d'analyse de l'organisation de
l'espace. L'influence du siècle des Lumières, dans sa vision
rationnelle des choses, est ici encore indéniable : l'homme est un
élément constitutif au même titre que le
végétal ou l'animal de la Nature. Succède un
deuxième aspect qui démontre que la démarche de Kropotkine
n'est pas idiographique. Cependant comme tout anarchiste, il se méfie de
l'immuabilité des lois, quelles soient politiques ou scientifiques. Si
la science arrive à démontrer l'existence de certains rapports
entre divers phénomènes, rapports qu'on nomme " une loi "
(physique ou autre), Kropotkine rappelle que :
" Après quoi une masse de travailleurs se met
à étudier en détail les applications de cette loi. Mais
bientôt, à mesure que les faits s'accumulent par leurs recherches,
ces travailleurs découvrent que la loi qu'ils étudient n'est
qu'une " première approximation " : que les faits qu'il s'agit
d'expliquer sont beaucoup plus compliqués qu'ils ne semblaient
être. (De cette manière, alors, on réussit à
arriver à une seconde et une troisième
approximation, qui répondirent, bien mieux que la première,
aux mouvements réels..." . 44(*)
1.1.2 Inscription dans une philosophie
synthétique.
Cette volonté de construire une méthodologie
scientifique basée sur la connaissance rationnelle, et non plus sur des
logiques " métaphysiques " qui ne lui conviennent pas en tant que
chercheur et anarchiste, conduit Kropotkine à l'adoption d'une
méthode basée sur l'élaboration et la confrontation
incessante de l'expérimentation. Face à la tendance des
encyclopédistes à remplacer " l'inspiration d'en-haut
"45(*), nettement
métaphysique, par une
" loi universelle " de la Nature ou un "
impératif catégorique " 46(*), tout aussi :
"...incompréhensibles et
nébuleux...". 47(*)
amène Kropotkine à s'interroger sur la
pertinence méthodologique des scientifiques de son époque :
" On voit ainsi que les penseurs du dix-huitième
siècle ne changeaient pas de méthode, lorsqu'ils passaient du
monde des étoiles au monde des réactions chimiques, ou bien,
(...) au développement des formes économiques et politiques de la
société, à l'évolution des religions et ainsi de
suite. La méthode restait toujours la même. A toutes les branches
des sciences ils appliquaient toujours la méthode inductive. "
48(*)
Le rejet des formules métaphysiques de la part d'un
anarchiste n'est pas pour surprendre. Une explication du rejet de la
méthode dialectique de la part du théoricien russe peut ici nous
servir de préambule introductif à sa propre conception
méthodologique, que nous détaillerons plus avant.
Les généralisations scientifiques issues de la
méthode dialectique étaient, selon lui :
" (...) basées au fond, sur des assertions bien
naïves, pareilles à celles que faisaient quelques Grecs de
l'antiquité, lorsqu'ils affirmaient que les planètes devaient
courir dans l'espace le long de cercles, parce que le cercle est la plus
parfaite des courbes. Seulement, la naïveté de ces affirmations et
l'absence de preuves étaient voilées, par des raisonnements
vagues et des paroles nébuleuses, ainsi que par un style nuageux et
grotesquement lourd (...) Enfin, toutes ces généralisations
étaient rédigées dans des formes si abstraites et si
nuageuses - telle " la thèse, l'antithèse et la synthèse "
de Hegel - qu'elles laissaient pleine liberté à l'arbitraire
complet lorsque l'on voulait en tirer des conclusions pratiques. "
49(*)
La dialectique de type hégélien que l'on peut
appeler la " théorie de la contradiction permanente "50(*) considère qu'un
état de choses, du seul fait de son existence, suscite sa propre
contradiction, que de cette lutte surgit une nouvelle réalité qui
suscite à nouveau sa négation, et ainsi de suite. Reprenant la
terminologie hégélienne, la dialectique marxiste définit
ce processus par la thèse, l'antithèse et la synthèse ;
cette dernière devenant une thèse, etc. Kropotkine l'explicite
lui-même ainsi :
"(...) lorsqu'on vient dire à un anarchiste que,
d'après Hegel, " toute évolution représente une
thèse, une antithèse et une synthèse, " ou bien que " le
Droit a pour but l'installation de la Justice, qui représente la
substantialisation matérielle de l'Idée Suprême ",
l'anarchiste, lui aussi, hausse les épaules et se demande : " Comment
est-il possible, qu'au milieu de l'épanouissement actuel des sciences
naturelles il se trouve encore des antiques qui continuent à croire en
ces " palabres " ? des êtres arriérés qui parlent le
langage du sauvage primitif lorsqu'il " anthromorphisait " la nature et se la
représentait comme une chose qui est gouvernée par des
êtres aux apparences humaines ? " 51(*)
Cet ordre d'idées aussi abstrait et cette
schématisation aussi outrancière des réalités,
selon les anarchistes, devient difficilement assimilable pour quiconque
désire précisément rester sur le plan réel et
concret comme Kropotkine. Le moins que nous puissions en dire, c'est que tout
cela reste à prouver. Prouver qu'une situation sociale puisse dans sa
totalité se ramener à une thèse ; prouver qu'une
thèse crée une antithèse et ne puisse en avoir plusieurs ;
prouver que les conflits thèse-antithèse se résorbent
nécessairement en une synthèse ; prouver enfin qu'une telle
dialectique est scientifiquement valable. Au reste, aux yeux de Kropotkine,
cette dialectique résiste mal à une sérieuse et
générale confrontation avec l'histoire :
(...) Aucune des découvertes du dix-neuvième
siècle - en mécanique, en astronomie, en physique, en chimie, en
biologie, en psychologie, en anthropologie, - n'a été faite par
la méthode dialectique. Toutes ont été faites par la
méthode inductive - la seule méthode scientifique."
52(*)
Les erreurs économiques de certains socialistes de son
époque, dues pour l'essentiel dans leur prédilection pour la
méthode dialectique voire métaphysique pour certains, lui font
préférer l'étude des faits réels de la vie
économique des nations.
Avant d'aborder sa conception de la science, il est
nécessaire d'esquisser sa vision des choses, de l'organisation du monde
; son positionnement, en tant que chercheur et militant anarchiste, dans le
mouvement intellectuel de son siècle.
Une nouvelle fois, son ouvrage La science moderne et
l'anarchie va nous fournir les réponses souhaitées, et ce
d'une manière on ne peut plus explicite. Le chapitre VIII commence
d'emblée par poser la question essentielle :
" Quelle position occupe donc l'Anarchie dans le grand
mouvement intellectuel du dix-neuvième siècle ? "
(...) L'anarchie est une conception de l'univers,
basée sur une interprétation mécanique
53(*) des
phénomènes, qui embrasse toute la nature, y compris la vie des
sociétés. Sa méthode est celle des sciences naturelles ;
et par cette méthode, toute conclusion scientifique doit être
vérifiée. Sa tendance, c'est de fonder une philosophie
synthétique qui comprendrait tous les faits de la Nature - y compris la
vie des sociétés humaines et leurs problèmes
économiques, politiques et moraux. "
Selon Kropotkine, la philosophie synthétique doit
constituer :
"(...) un résumé systématique,
unifié, raisonné de tout notre savoir."
54(*)
Cette philosophie doit expliquer par phases successives ( du
simple au compliqué ) les principes fondamentaux de la vie de l'univers
et offrir une clé de lecture pour la compréhension de l'ensemble
de la nature. Elle est ainsi censée fournir un outil de recherche
favorable à la découverte de nouveaux rapports entre les divers
phénomènes pour déboucher sur l'énoncé de
lois naturelles. A titre d'exemple l'évolution, selon
Kropotkine, pourrait être reconnue comme une loi générale
du développement des sociétés. L'intérêt de
cette philosophie doit permettre scientifiquement de mettre en évidence
:
" non seulement la négation d'une force qui
gouvernerait l'univers ; non seulement la négation de l'âme
immortelle ou d'une force vitale spéciale ; mais aussi à nier le
gouvernement par l'homme ( l'Etat ). L'application de la philosophie
synthétique, en ce qui concerne l'étude de l'organisation des
sociétés humaines, doit amener, indubitablement, à
prévoir l'Anarchie." 55(*)
Le parti pris naturaliste et mécaniste de Kropotkine
pour justifier sa démarche, ne l'empêche nullement, bien au
contraire, d'appliquer la méthode inductive-déductive aux
sciences sociologiques et historiques.
" En étudiant de près les progrès
récents des sciences naturelles et en reconnaissant dans chaque nouvelle
découverte une nouvelle application de la méthode inductive, je
voyais en même temps, comment les idées anarchistes
formulées par Godwin et Proudhon et développées par leurs
continuateurs, représentaient aussi l'application de cette même
méthode aux sciences qui étudient la vie des
sociétés humaines. (...) je tâchais d'indiquer, comment et
pourquoi la philosophie de l'Anarchie trouve sa place toute marquée dans
les tentatives récentes d'élaborer la philosophie
synthétique, c'est-à-dire, la compréhension de l'Univers
dans son ensemble ". 56(*)
Cantonner cette démarche kropotkinienne à une
vision " classique " d'une géographie qui privilégie la
description des faits pour atteindre l'explication, nous semble participer
à la forclusion du champ de recherche libertaire du corps universitaire.
L'approche de Kropotkine dépasse la simple observation analytique d'un
espace donné par des collectes d'informations naturelles et humaines
variées ; il va plus loin que la détection de liaisons entre
phénomènes et l'explication des répartitions par une
recherche des causalités directes de l'espace concerné. Il ne se
contente pas de " cataloguer " des travaux, son but est aussi
nomothéthique. Kropotkine est victime, nous semble-t-il, de la
pauvreté conceptuelle des champs scientifiques de son époque.
Toutefois, il explicite, en appendice de son ouvrage sur la science, le champ
opératoire de sa démarche qu'il nomme d'ailleurs lui-même
inductive-déductive :
" Elle consiste en ceci :
1° Par l'observation et l'expérience on
cherche à acquérir une connaissance des faits qui concernent le
sujet étudié.
2° On discute ces faits, et l'on cherche s'ils
conduisent (verbe latin : inducere) à une généralisation
(c'est-à-dire une affirmation générale concernant un grand
nombre ou une large division de faits), ou à une hypothèse qui
permette d'unir ou d'englober les faits observés. (Par exemple,
après avoir observé beaucoup de faits concernant les mouvements
des planètes, Képler fit une généralisation et une
hypothèse, en supposant que toutes les planètes se meuvent autour
du soleil le long d'ellipses, dont le soleil occupe un des foyers).
3° De l'hypothèse faite (ou des
hypothèses faites) on déduit des conséquences
(déductions : du verbe deducere) qui permettent de prédire, de
prévoir de nouveaux faits ; ceux-ci doivent être vrais, si
l'hypothèse est juste.
4° On compare ces déductions avec les faits
observés, mentionnés au paragraphe 1. Si c'est nécessaire,
on fait de nouvelles observations ou de nouvelles expériences, pour
constater si l'hypothèse est d'accord avec les faits observés ou
obtenus dans les expériences. Et l'on rejette, ou l'on modifie son
hypothèse jusqu'à ce que l'on ait trouvé une qui s'accorde
avec l'état actuel de nos connaissances. (Ainsi, de l'hypothèse
de Képler on déduit les positions que chacune des planètes
doit occuper à tel instant, dans son mouvement autour du soleil, et l'on
compare les positions calculées avec les positions réelles.
Puisqu'elles sont d'accord, l'hypothèse se confirme. En outre, on
calcule aussi les vitesses de marche des planètes résultant de
l'hypothèse, pour les comparer avec les faits). Quant aux
différences minimes que l'on constate, on en recherche de nouveau les
causes par la même méthode inductive.
5° Enfin, une hypothèse est
considérée comme une loi, lorsqu'elle a été
confirmée dans une masse de cas, et lorsqu'on a trouvé le
pourquoi, la cause, c'est-à-dire un fait encore plus
général du fait établi par induction. (Pour les
planètes, l'hypothèse de Képler fut acceptée comme
une loi - un rapport permanent, lorsqu'elle fut confirmée pendant des
siècles, et que le fait, encore plus général, de la
gravitation universelle lui apporta une première explication).
Cette méthode est la méthode de toutes les
sciences exactes ". 57(*)
Cette digression " pédagogique ", voulue par le
géographe russe dans le but express de faciliter la compréhension
de ses " lecteurs ouvriers ", nous permet d'avancer quelques pistes de
réflexion utiles au débat épistémologique
engagé autour des premiers géographes libertaires tout en
émettant deux raisons qui semblent présider à l'oubli des
contributions théoriques des géographes libertaires de la part de
leurs pairs scientifiques.
* La première réside dans la pauvreté
sémantique du vocabulaire conceptuel de la science géographique
naissante. Si nous pouvions tenter une traduction contemporaine des termes
usités par Kropotkine, serait-ce une interprétation impropre de
définir :
1° - que la méthode inductive-déductive
décrite précédemment par Kropotkine est proche de celle
préconisée dans les ouvrages de base58(*) du cursus universitaire de
géographie et qui se trouve dénommée sous
l'intitulé de méthode hypothético-déductive ? La
démarche inductive comprenant une simple observation analytique d'une
aire ou d'un phénomène donné par une collecte de
données variées (milieu naturel et humain), suivie d'un
classement voire d'une cartographie des morphologies de répartition des
observations faites et pouvant aboutir à une détection des
liaisons entre phénomènes et explication des répartitions
par recherche des causalités directes dans l'aire d'étude
n'englobe-t-elle pas, dans les propos de Kropotkine, le choix d'une
problématique et des faits à observer59(*), la formulation
d'hypothèses de travail, un souci constant de confrontation des
hypothèses et de la réalité observée et une
conclusion par rejet, non-rejet ou modification des hypothèses et de la
théorie (les généralisations de Kropotkine) les soutenant
? ;
2° - que la philosophie synthétique dont se
réclame Kropotkine est très moderne et annonce, dans la
conception et dans la formulation qu'il en donne en termes de combinaisons, les
travaux sur les systèmes amorcés dans les années 1970. Les
quatre concepts fondamentaux de la démarche systémique que sont
l'interaction, la globalité, l'organisation et la complexité ne
sont-ils pas sous-jacents dans les termes mêmes de Kropotkine ?
* La deuxième réside dans une volonté de
maintenir en termes "nébuleux ou nuageux", pour reprendre le vocabulaire
de Kropotkine, le positionnement scientifique des premiers géographes
anarchistes dans une démarche et une approche qu'il a clairement
réfutées. Et ceci, autant de la part de représentants du
courant de la géographie radicale ou critique - ce qui est peu
remarquable au vu de la domination du courant marxiste dans cette branche de la
géographie - que de représentants actuels de la mouvance
libertaire au sein du corps universitaire.
1 - Le géographe Robert Galois, directeur de la revue
Antipode, et auteur d'un article sur le géographe russe dans
l'ouvrage de Breibart, affirme que celui-ci s'inspire du :
" processus antinomial de Proudhon (...)Qu'il voyait
l'histoire en fonction d'une série d'éléments ou de forces
opposées ou contradictoires, comme réaction et révolution,
liberté et autorité. La tendance et la contre-tendance,
correspondent à la thèse et à l'antithèse, mais -
voilà le point important - ne peuvent en aucun cas être une
synthèse ; à la place, il existe seulement "un équilibre
dynamique entre des forces éternellement opposées. "
60(*)
2 - Lors du colloque de Toulouse sur l'avenir de
l'anarchisme, le sociologue René Lourau61(*) nous précise que Kropotkine retient des faits
réels :
" les séries et non les substances ; qu'il
recherche les combinaisons d'éléments dans un esprit plus logique
que métaphysique afin de découvrir dans la nature une
série de rapports, de relations qui favoriseraient la
compréhension des faits naturels mais aussi sociaux."
62(*)
Le but apparent de Lourau semble dissocier le positionnement
scientifique du géographe anarchiste de la méthode dialectique de
type hégélien en le rapprochant de la dialectique dite
sérielle de Proudhon. Au vu des positionnements scientifiques de
Kropotkine que nous avons mis en valeur dans cette première partie de
notre travail, cette intention, si elle paraît louable, elle n'en demeure
pas moins incomplète et donc inexacte.
Il ressort de ce que nous venons de discuter,
l'interprétation personnelle suivante :
Kropotkine professe une philosophie matérialiste,
basée sur une conception du monde rigoureusement mécanique.
Jugeant que la philosophie ne peut ignorer les découvertes
récentes, il explique que la science, enfin débarrassée
d'une conception autoritaire qui suppose l'existence d'un Dieu créateur
et organisateur du monde, et enrichie des connaissances nouvelles concernant la
nature, la matière, l'évolution des espèces ou des
organismes sociaux, permet l'élaboration d'une philosophie, où le
progrès est l'oeuvre d'une évolution " mécanique ou
naturelle ".63(*) La prise
en compte globale des phénomènes naturels d'essence non
autoritaire doit permettre la construction d'une philosophie sociale nouvelle.
Déjà Bakounine avait, avant lui, énoncé que le
socialisme était une conséquence directe et logique de la
conception matérialiste de l'univers.64(*)
Il nous semble, aussi, au regard des observations ci-dessus
mentionnées, que Kropotkine a une vision moderne de la science en
privilégiant les relations dynamiques et inter-relationnelles des choses
et qu'il se dote d'un outil méthodologique encore d'actualité
avec la méthode hypothético-déductive.
Le reproche que l'on peut formuler, à ce stade de notre
travail, est le manque de démonstrations géographiques de cette
démarche. Ses livres de géographie révèlent peu
cette orientation : le thème de ses découvertes sur l'orographie
asiatique ou la glaciation quaternaire continentale est plus du ressort d'une
géographie physique classique. Son activité militante
mouvementée y contribue sans aucun doute pour une large part. Son
influence théorique sera plus notable pour ses congénères
géographes et anarchistes contemporains. C'est sur quoi la suite de
notre travail va se pencher, en abordant l'étude d'un autre grand
géographe anarchiste qu'est Élisée Reclus.
1.2 - Le positionnement épistémologique et
scientifique de Reclus.
L'étude de la pensée géographique de
Reclus doit procéder de la même prudence méthodologique et
sémantique que celle utilisée lors de l'étude des textes
de Kropotkine. Vouloir attribuer quelque terminologie contemporaine aux propos
de Reclus constitue, à n'en pas douter en terme de démarche
scientifique, à valider un anachronisme épistémologique.
L'oeuvre du géographe libertaire doit être appréciée
en rapport avec son temps, avec les idées et les problématiques
de son époque. Notre tentative de lecture des textes de Reclus va tenir
compte de ce préalable contextuel, sans toutefois nous interdire
d'émettre quelques pistes de réflexion quant au contenu et au
positionnement scientifique de ce géographe.
1.2.1 La géographie d'Élisée
Reclus.
Les trois oeuvres géographiques majeures
d'Élisée Reclus65(*) (1830 - 1905) sont :
1 - les deux tomes de La Terre, description des
phénomènes de la vie du globe intitulés et
publiés respectivement : volume 1 : Les continents, 1868 et
volume 2 : Les océans, l'atmosphère, la vie, 1869. Ces
tomes rencontrent un succès immédiat. L'auteur veille
personnellement à une réédition moins onéreuse afin
de rendre son ouvrage accessible à un très large public.
"Les raisons de ce succès s'expliquent à la
fois par la qualité scientifique des informations et par la
clarté de leur exposition". 66(*)
Le géographe américain Marsh (1801 - 1882),
auteur du remarqué Man and Nature publié en 1864, que
d'ailleurs Élisée Reclus fait connaître en Europe,
relève que :
" ses descriptions du visage de la nature et de l'action
visible des forces physiques...forment un commentaire ininterrompu des
principes géographiques." 67(*)
2 - La publication des dix-neuf volumes, de 1876 à 1894
de la Nouvelle Géographie Universelle, représente
près de 18.000 pages et plus de 4.000 cartes. La maison d'édition
Hachette lui fait signer un contrat où il est précisément
mentionné :
" que l'auteur s'engage à être très
réservé sur toutes les questions religieuses, sociales et
politiques ". 68(*)
Parallèlement à son activité militante,
il s'occupe de la correction des mémoires de Bakounine, de
l'édition des articles d'un autre grand géographe, Pierre
Kropotkine, anarchiste comme lui. Ils se rencontrent en 1877, dans leur pays
d'exil commun (la Suisse) et deviennent amis. Reclus consacre cependant la plus
grande partie de son temps à la rédaction de la Nouvelle
Géographie Universelle. Dix-neuf volumes sortiront jusqu'en 1894,
travail titanesque. Il visite de nombreuses bibliothèques
européennes, consulte des ouvrages étrangers puisqu'il lit et
parle huit ou neuf idiomes ; il prend des notes, s'entoure d'un réseau
de collaborateurs fiables et dévoués, dont Kropotkine. Tous les
jours durant ces deux décennies, il écrit ses pages de
géographie. Il veille, par contrat avec Hachette, que les chapitres
qu'il envoie régulièrement à Paris soient publiés
en fascicules qui coûtent trois ou quatre sous. En effet,
" il tient beaucoup à être lu par le plus
grand nombre de lecteurs et il se soucie toujours du prix de ses ouvrages.
Cette formule lui paraît adaptée aux petits budgets".
69(*)
Contrairement aux affirmations de certains géographes
contemporains 70(*) la
Nouvelle Géographie Universelle (NGU) connaît un
énorme succès dès sa parution. Ses qualités
littéraire et scientifique sont saluées autant par les lecteurs
que par les géographes. Patrick Geddes souligne qu' Élisée
Reclus :
" réintroduit la géographie dans la
littérature " 71(*) ;
Gary Dunbar, avance que :
" la NGU va représenter l'autorité ultime en
géographie pour toute une génération " et constitue
: " la plus grande prouesse d'écriture individuelle dans l'histoire
de la géographie ". 72(*) ;
Jean Brunhes et Paul Girardin remarquent qu'il :
" fait entrer, en face du milieu physique le milieu
humain, fixer des divisions qui sont des nations, des groupements qui sont des
peuples, des centres de cristallisation qui sont des villes, et imprimer
à l'ensemble un mouvement, qui est l'histoire." 73(*)
3 - Enfin parait de 1905 à 1908, après sa mort
74(*), les six volumes de
L'homme et la terre comptant près de 4.000 pages.
Présenter ici un résumé de cette somme de
réflexions constitue une gageure que nous allons tenter de relever.
S'appuyant sur une connaissance approfondie du déroulement des
événements historiques au cours des différentes
périodes ( les deux premiers tomes sont consacrés à
l'histoire ancienne, les tomes III et IV au Moyen Age et aux Temps modernes),
Élisée Reclus projette de construire une théorie de la
production sociale de l'espace en montrant le rôle des conditions
géographiques dans les évolutions successives des
sociétés humaines. Les deux derniers tomes constituent, au vu des
différents thèmes abordés, un véritable
traité de géographie humaine. Élisée Reclus examine
successivement les formes de répartition de la population, les processus
de peuplement, l'urbanisation, l'agriculture et les formes de
propriété foncière, l'industrie et le commerce, le fait
religieux et la science, l'éducation et le progrès, le tout
appuyé sur de nombreuses cartes.
Cette présentation succincte de la trame
rédactionnelle de L'homme et la terre nous oblige, en tant que
chercheur, à cerner le positionnement épistémologique
d'Élisée Reclus. Nous devons aussi déterminer sa
démarche scientifique, définir sa méthodologie et essayer
d'envisager son approche géographique. Notre tâche s'en trouvera
certainement facilitée par le fait, que, souligne fort justement Paul
Reclus, son neveu, L'homme et la terre est le seul ouvrage
géographique dont Élisée Reclus ait pu faire état
librement de sa pensée et exposer globalement sa grille
d'analyse.75(*)
1.2.2 Les conceptions scientifiques d'Élisée
Reclus.
1 - Le positionnement épistémologique
C'est à travers l'énumération, faite
précédemment, de ses oeuvres géographiques que le
positionnement épistémologique d'Élisée Reclus,
apparaît le mieux. Loin de se limiter à une géographie
purement descriptive du milieu physique, Élisée Reclus
défend l'unicité de la science géographique en abordant
aussi les champs de la géographie humaine. S'échappant du cadre
étroit de la géographie du vivant, de la biogéographie des
siècles précédents, la conception géographique de
Reclus s'intègre dans l'orientation scientifique naissante du XIX°
siècle. La problématique centrale de la géographie n'est
plus la faune ou la flore mais bien le groupe social. L'homme et la
société occupent désormais cette place première,
ils gèrent le milieu dans lequel ils se situent, en utilisent les
ressources, en ont une perception, comme cadre de vie et territoire. De plus,
l'analyse de Reclus se distingue par une approche géographique
basée sur l'étude des relations existant entre les
sociétés et leur cadre physique dans leurs dimensions à la
fois temporelles et spatiales. Sa géographie se définit
résolument comme une science sociale76(*). Selon Rodolphe de Koninck, il serait d'ailleurs,
même si cela peut être mis en cause :
" Le premier à avoir employé l'expression de
géographie sociale (...) et surtout : celui qui reste le
véritable père de la géographie critique
moderne." 77(*)
Lacoste Yves souligne, de son côté, que le
fondement principal de la géographie d'Élisée Reclus,
repose sur la prise en compte de la " géographie de l'histoire
"78(*) et que :
" C'est ce que l'on appellerait aujourd'hui de la "
géo-histoire " (...) Pour Reclus, l'histoire est globale (histoire
économique et sociale), et surtout, pour lui, c'est non seulement le
passé lointain, mais aussi le passé tout récent et ce qui
est en train de se passer." 79(*)
Le positionnement épistémologique repose donc
sur l'unicité de la science géographique par la construction
d'une géographie sociale globale. 80(*)
2 - La démarche scientifique
Les fondements essentiels de sa démarche scientifique
se caractérisent par l'appréhension de la complexité de
l'organisation spatiale et par l'étude des interrelations liant la
société et le milieu physique. Reclus relève que tout est
transformation, en raison d'un gigantesque phénomène
provoqué par le développement de l'industrie moderne et de la
science. Il reste conscient que ce processus n'est pas linéaire mais
plutôt contradictoire, dirons-nous, puisqu'il souligne en de nombreuses
fois, nous prouvant ainsi que cette idée est pour lui fondamentale, que
:
" Le fait général est que toute modification
si importante qu'elle soit, s'accomplit par adjonction au progrès, de
régrès correspondants ." 82(*)
Il a comme souci principal de montrer comment le rôle
déterminant de la nature dans l'organisation spatiale des hommes aux
stades primitifs de la civilisation, va peu à peu disparaître,
grâce aux progrès de celle-ci, en conférant à
l'homme une meilleure maîtrise du milieu, lui permettant de le modeler et
de s'en affranchir :
" La géographie n'est pas chose immuable, elle se
fait, se refait tous les jours ; à chaque instant, elle se modifie par
l'action de l'homme " 83(*)
La démarche scientifique du géographe libertaire
montre à l'évidence, par son assimilation de la complexité
dans l'élaboration de sa théorie de la production sociale de
l'espace, sa vision globale inscrite dans une perspective proche du
positivisme.
3 - La méthodologie préconisée
La méthodologie reclusienne consiste à
appréhender le monde par l'étude des phénomènes
combinant de multiples facteurs. Selon lui, le géographe doit être
capable de déceler et d'expliciter les interrelations d'une situation
donnée. Le refus du déterminisme est clairement affiché en
niant le rôle explicatif d'un seul facteur (physique ou humain) dans la
compréhension des phénomènes spatiaux. Reclus s'attarde
à l'appréhension du monde dans sa complexité :
" Même là où l'influence (du milieu)
se manifeste d'une manière absolument prépondérante dans
les destinées matérielles et morales d'une société
humaine, elle ne s'entremêle pas moins à une foule d'autres
incitatifs, concomitants ou contraires dans leurs effets. Le milieu est
toujours infiniment complexe, et l'homme est par conséquent
sollicité par des milieux de forces diverses qui se meuvent en tous
sens, s'ajoutent les unes aux autres, celles-ci directement, celles-là
suivant des angles plus ou moins obliques, ou contrariant mutuellement leur
action." 84(*)
La grille d'analyse de Reclus se fonde sur la formulation du
concept de milieu. La fonction intégratrice et dynamique qu'il donne au
concept de milieu lui permet de comprendre le monde, non comme une
juxtaposition d'éléments indépendants les uns des autres,
mais comme un ensemble vivant par le jeu constant d'interrelations. Pour cela
Reclus se base sur l'étude de la mésologie85(*) ou " science des milieux ".
" L'inégalité des traits planétaires
a fait la diversité de l'histoire humaine et chacun de ces traits a
déterminé son événement correspondant au milieu de
l'infinie variété des choses.86(*)(...) Tel est le principe fondamental de la
mésologie ou " science des milieux ". "
Élisée Reclus, dans aucun de ses écrits
n'emploie le mot écologie. Pourtant il est un contemporain de Haeckel
(1834 - 1919) et il connaît ses théories87(*). Nous pouvons en
déduire, à ce stade du mémoire et en accord avec Philippe
Pelletier, qu'Élisée Reclus dédaigne sciemment l'usage de
ce mot. La raison en est son orientation divergente par rapport à celle
de l'écologie. En effet, il privilégie la voie de la
"géographie sociale" comme il le dit lui-même.
Élisée Reclus donne une double dimension à son concept de
milieu :
" Au milieu-espace, caractérisé par les
mille phénomènes extérieurs, il faut ajouter le
milieu-temps avec ses transformations incessantes, ses répercussions
sans fins". 88(*)
Il complète sa compréhension en distinguant un
milieu statique et un milieu dynamique :
" Il y a pourtant une distinction bien nette à
marquer entre les faits de la nature89(*), ceux que l'on ne saurait éviter, et les
autres appartenant à un monde artificiel 90(*), que l'on peut fuir ou
complètement ignorer. " 91(*)
En des termes plus actuels, la saisie du monde dans sa
dimension synchronique (le milieu-espace) et dans sa dimension diachronique (le
milieu-temps) permet à Élisée Reclus de prendre en compte
le système d'interrelations complexes du premier et aussi
l'évolution historique du second. Il mesure bien que :
" Ce deuxième milieu dynamique, ajouté au
milieu statique primitif, constitue un ensemble d'influences dans lequel il est
toujours difficile, souvent impossible, de reconnaître les forces
prépondérantes, d'autant plus que l'importance respective de ces
forces premières ou secondes, purement géographiques ou
déjà historiques, varie suivant les peuples et les siècles
" 92(*)
Une étude fine du concept de milieu englobant les plans
spatiaux et temporels de sa dimension constitue, à nos yeux, le
fondement de la méthodologie utilisée par Élisée
Reclus dans L'homme et la terre. La position systémique semble
apparaître plus évidente maintenant que nous mesurons les
dimensions spatiales et temporelles du milieu tel qu'il a été
défini par Élisée Reclus. Avec Paul Boino93(*), nous nous permettons
d'indiquer que le géographe libertaire anticipe en annonçant la
théorie des systèmes. Élisée Reclus semble nous
proposer un systémisme ouvert. C'est-à-dire une vision du monde
en relation permanente avec son milieu. Un système "monde" qui
échange de l'énergie, de la matière et des informations
qui sont utilisés dans le maintien de sa propre organisation contre la
dégradation qu'exerce le temps au contraire du système
fermé totalement coupé de l'extérieur. La conception
"systémique" de Reclus prend en compte l'interaction permanente entre la
société humaine et le milieu. Il envisage aussi que l'un peut
modifier l'autre et qu'il se trouve lui-même modifier en retour. Le
système décrit dans ces deux dimensions - synchronique et
diachronique avec leurs visions statique et dynamique d'un ensemble complexe -
échange de l'énergie, sous forme d'informations, avec son
environnement. En tant que phénomène, le milieu a tendance
à évoluer incessamment au gré des nécessités
internes et des stimulations externes. En tant qu'organisation, il revêt
une certaine constance, propriété indispensable pour maintenir et
stabiliser les interactions entre ses différentes composantes ainsi
qu'avec l'extérieur. En terme de systémique, les deux
propriétés du système - ou du milieu - sont réunies
pour permettre son évolution interne et sa pérennité.
Cette capacité à conjuguer inertie et dynamique , tout en
permettant conjointement l'évolution et la reproduction ressemble
à l'homéostasie des systèmes 94(*).
4 - L'approche géographique
Face aux accusations répétées de science
pré-scientifique, d'essence purement descriptive, à
finalité idiographique et manquant de conceptualisation 95(*) faites à la
géographie libertaire, il n'en demeure pas moins que :
"(...) le premier véritable représentant
d'une géographie critique à caractère
émancipatoire, qui cherche à déceler ce qui (...) brime la
marche de l'homme vers une plus grande liberté, fut le géographe
français E. Reclus." 96(*) ;
que la géographie reclusienne nous semble,
plutôt, affirmer une conception hypothético-déductive qui
s'inscrit dans une perspective nomothétique de la géographie : il
énonce trois ordres de faits, que l'on peut appeler lois. Comme le
remarque Philippe Pelletier97(*), nous pouvons convenir qu'Élisée Reclus
a une approche synthétique de la géographie, à l'image des
anarchistes. Cette recherche de la synthèse repose sur l'existence de
deux pôles antinomiques (le progrès et le "régrès")
et, en opposition à la dialectique marxiste, elle n'en postule pas leur
destruction mais leur rééquilibrage dynamique. Il mélange
des données historiques aux faits sociologiques, il superpose des
analyses géopolitiques à des réalités ethnologiques
ou anthropologiques pour mieux valoriser sa recherche de l'harmonie terrestre
par une meilleure maîtrise du temps et de l'espace par les hommes. Il est
intéressant d'observer l'intitulé des titres de la trilogie
géographique de Reclus. Le premier observe une géographie
physique essentiellement descriptive, le deuxième représente une
géographie régionale à l'échelle mondiale, enfin le
dernier est bien une géographie " sociale ". L'itinéraire
scientifique initié avec La Terre et qui se clôt par la
prédominance de l'homme reflète, à nos yeux,
l'évolution de sa pensée géographique. Il a une vision
dualiste des choses :
" Il n'est pas un événement qui ne soit
double, à la fois un phénomène de mort et un
phénomène de renouveau, c'est-à-dire la résultante
d'évolutions de décadence et de progrès".
98(*)
Il récuse la vision linéaire du progrès,
il transforme la figure plane de Vico, pour définir une vision en
spirale à géométrie variable99(*) dont les spires
s'élargissent lors des cycles de progrès et se
rétrécissent lors de périodes de retour vers la
barbarie.100(*)
Tout du moins, pouvons nous convenir comme Béatrice
Giblin, qu'il préconise une géographie "globale ".101(*)
Nous pensons avoir, dans ce chapitre, démontré
et mis en valeur l'approche d'une géographie "globalisante" de la part,
tout autant de Kropotkine que de Reclus, les deux premiers géographes
libertaires de renom qui nous ont servi de référence dans le
cadre du présent mémoire. Ce positionnement nous semble moderne
venant de la part de deux sommités ignorées par le monde
universitaire de leur époque.
1.3 - Les "lois" reclusiennes de la
compréhension du monde.
1.3.1 - La lutte des classes ou la critique de la
domination
" La " lutte des classes ", la recherche de
l'équilibre et la décision souveraine de l'individu, tels sont
les trois ordres de faits que nous révèle l'étude de la
géographie sociale et qui, dans le chaos des choses, se montrent assez
constants pour qu'on puisse leur donner le nom de " lois ". " 102(*)
Son ouvrage politique L'évolution, la
révolution et l'idéal anarchique103(*) et ses brochures
militantes L'anarchie , A mon frère le paysan , Du sentiment de la
nature dans les sociétés modernes104(*) entre autres,
vont nous servir de référentiel complémentaire
pour dégager l'essentiel du concept de lutte de classe
énoncé par Élisée Reclus.
L'existence des classes sociales, déjà
démontrée par d'autres auteurs et popularisée par
Marx105(*), repose pour
Reclus sur l'inégalité sociale causée par la domination du
système économique sur le pouvoir politique. Il observe que la
capacité du capital à traverser les frontières
d'État et de nationalité lui donne un grand avantage sur le
pouvoir politique.
"Le pouvoir des rois et des empereurs est limité,
celui de la richesse ne l'est point." 106(*)
S'il remarque d'autre part, que le pouvoir politique est
pérennisé par l'État moderne et la bureaucratie
inhérente, entraînant avec lui un système de
hiérarchie sexuelle enraciné dans la famille patriarcale et un
système d'oppression ethnique découlant du racisme, c'est surtout
le capital qui fait l'objet de son attention. Il affirme que c'est celui-ci qui
demeure l'obstacle majeur de l'émancipation sociale. Pour sa
démonstration, il étudie en détail l'évolution des
formes de propriété contribuant ainsi à l'enrichissement
de la théorie anarchiste sur la propriété. Comme d'autres
précurseurs (Godwin107(*)) ou théoriciens (Proudhon108(*)) de l'anarchisme, il
dévoile l'existence de formes anciennes d'appropriation fort
différentes des formes de " propriété " actuelles. Il
rejoint les analyses de Kropotkine109(*) en affirmant que les anciennes
sociétés liaient la possession à l'usage, et n'avaient
aucun concept de " propriété privée " individuelle ou
collective ; que la forme la plus ancienne d'appropriation fut suivie d'un
système de possession par la communauté dans son ensemble.
Même la propriété collective, ne le satisfait pas :
" C'est déjà une limitation du droit
primitif de labour appartenant à tous". 110(*)
La forme la plus ancienne reste la plus proche de ce que
Reclus propose pour le futur, c'est-à-dire la distribution selon le
besoin ou, comme il le dit, fondée sur la solidarité humaine et
intercommunautaire. Il fait la distinction entre les formes de
propriété et possession, et sur la distinction entre les formes
de propriété qui sont du "vol" et celles qui expriment la
"liberté". Pour lui, c'est le maintien du type d'appropriation
privée des moyens de production qui est facteur
d'inégalité sociale. Il attribue l'échec des hommes
à se reproduire adéquatement à l'égoïsme de
l'abondance111(*), et
présente le phénomène comme un exemple de la façon
dont, dans un système capitaliste, la poursuite des
intérêts personnels entre en conflit avec le bien
général.112(*) Pour lui :
" perpétuer la morale de la résignation de
la prétendue " loi naturelle " de l'existence d'une classe pauvre est
non seulement un crime collectif commis par les possédants mais surtout
une absurdité puisque aujourd'hui les produits disponibles
dépassent les nécessités de la consommation ".
113(*)
En ce domaine, il anticipe les thèses
économiques du socialisme distributiste de Jacques Duboin des
années 1930114(*). Il mesure aussi les conséquences de la
domination du pouvoir économique engendrées par l'exploitation de
la nature en prévenant des graves risques encourus sur la
bio-diversité et l'équilibre écologique. L'autre aspect
de sa démonstration se dirige sur le terrain éthique, partageant
en cela la vue de Godwin sur la non pertinence de la justification des classes
:
" Rien dans la nature humaine, rien dans la loi naturelle,
pour autant que l'on puisse parler de l'une ou de l'autre, ne justifie les
inégalités sociales. Aucun privilège n'est
mérité, il n'est dû qu'à un simple concours de
circonstances." 115(*)
Elisée Reclus argumente que le pouvoir
économique détruit la possibilité d'épanouissement
de l'être humain. Nonobstant, il remarque que la division croissante du
travail, en dépit de ses aspects cruels et destructeurs, apporte une
nette contribution au progrès, non seulement en augmentant la richesse
de la société, mais également en permettant la :
" participation d'un nombre d'ouvriers de plus en plus
grand à la science de la mécanique et à toutes les
connaissances qui s'y rattachent : électricité, chimie, travail
des métaux ". 116(*)
Au lieu de souhaiter la suppression de ce processus, il pense,
comme Bakounine, Kropotkine et d'autres théoriciens anarchistes, que le
but de la société doit être plutôt d'étendre
ce processus pour qu'il en résulte finalement :
" une synthèse des travaux intellectuels et manuels
dans laquelle la science devienne active ". 117(*)
Les solutions préconisées par Reclus pour
résoudre cette inégalité sociale, repose sur
l'éducation et le savoir118(*) et la prise en compte de la liberté de
l'homme, pour non seulement opposer une force suffisante pour :
" détruire le pouvoir despotique des personnes et
des choses et l'accaparement personnel des produits du travail collectif
". 119(*)
mais pour construire, par l'association des travailleurs et
par l'esprit de grève des systèmes d'entraide permettant
l'arrivée de la révolution sociale :
" Nous comprenons que la vie est impossible sans
groupement social. Isolés, nous ne pouvons rien, tandis que par l'union
intime nous pouvons transformer le monde. Nous nous associons les uns aux
autres en hommes libres et égaux, travaillant à une oeuvre
commune et réglant nos rapports mutuels par la justice et la
bienveillance réciproque ". 120(*)
Que penser de cet "ordre de fait" de lutte de classe
développé par Reclus ? A l'évidence, comme le souligne la
note de Marx, d'autres scientifiques et théoriciens du socialisme tels
Guizot, Augustin Thierry ou De Girardin ont démontré
l'affrontement existant entre les bourgeois et l'aristocratie durant la
Révolution française. Puis plus tard, vers les années
1830, après la révolte des Canuts à Lyon, la prise en
compte de l'opposition entre bourgeois et prolétaires prend un
caractère plus nettement politique. En cela, Élisée Reclus
n'a pas innové avec l'usage du concept de lutte de classe.
N'oublions pas que déjà un autre anarchiste
célèbre, Proudhon a mis en évidence la lutte au sein de la
société entre la classe qui possède et celle qui ne
possède pas et l'a théorisée. 121(*)
1.3.2 La recherche de l'équilibre.
Ce second état de fait ne correspond pas, lui non plus,
à une innovation particulière de la part de Reclus. Les travaux
de Darwin en biologie ou de Le Play en sociologie ont porté sur ce point
; des révolutionnaires comme Marx, Bakounine voire Kropotkine, à
travers leurs oeuvres politiques, ont recherché ce point
d'équilibre. Toutefois nous devons reconnaître sa vision originale
sur ce processus. Si la recherche de l'équilibre, pour Reclus est un
processus constant (et non un but) pour comprendre l'évolution de
l'humanité dans son ensemble, il n'est pas cependant
déterminé par un équilibre de forces opposées,
comme le conçoit Proudhon, ni par la disparition de l'une d'entre elles
au profit d'une situation nouvelle comme Hegel. Non, il essaie plutôt de
montrer que l'histoire comprend à la fois des avancées et des
régressions, ce qui l'amène à penser que chaque
événement possède à la fois un aspect positif et un
aspect négatif .La recherche de l'équilibre consiste, pour lui,
à préserver le côté positif et à lui
permettre de continuer à se développer, tout en rejetant le
moment négatif. C'est le sens original de la perception de cette loi,
qui nous semble-t-il, le différencie des auteurs
précédemment cités ; à une situation antinomique
donnée, il envisage comme débouché possible à
l'état précis de Proudhon, à la situation nouvelle de
Hegel, plutôt une troisième possibilité : une position
d'équilibre relatif entre les éléments en présence.
C'est ce qu'il tente d'accomplir, par exemple, lorsqu'il recommande d'utiliser
au maximum les avancées positives de la science et de la technologie
à des fins progressistes telles l'accroissement des connaissances, de la
liberté, tout en rejetant de ces aspects toutes tentatives
d'enrégimentation ou de domination. La perspective de Reclus participe
d'un équilibrage permanent entre d'un côté le souci de
justice, d'égalité économique et politique,
d'accroissement de connaissance et, de l'autre côté le besoin de
solidarité sociale, d'entraide, de respect et de liberté. Clark
John précise que :
" Selon Reclus, il y a effectivement une harmonie et un
équilibre dans la nature, mais ils opèrent selon une tendance au
désordre et au déséquilibre. " 121(*)
La citation suivante vient appuyer cette perception possible :
"...lorsque les plantes ou les animaux, y compris les
humains, quittent leur habitat natif et pénètrent un nouvel
environnement, l'harmonie de la nature est temporairement
perturbée." 122(*)
Dans son ouvrage politique Élisée Reclus ne
cite-t-il pas cette remarque ? :
" L'influence du milieu, morale et intellectuelle,
s'exerce constamment sur la société dans son ensemble aussi bien
sur les hommes avides de domination que sur la foule résignée des
asservis volontaires, et en vertu de cette influence les oscillations qui se
font de part et d'autre, des deux côtés de l'axe, ne s'en
écartent jamais que faiblement. Toutefois, et c'est là encore un
enseignement de l'histoire contemporaine, cet axe lui-même se
déplace incessamment par l'effet des mille et mille changements partiels
survenus dans les cerveaux humains. C'est à l'individu lui-même,
c'est-à-dire à la cellule primordiale de la société
qu'il faut en revenir pour trouver les causes de la transformation
générale avec ses mille alternatives suivant les temps et les
lieux." 123(*)
L'équilibre de la nature serait donc un
équilibre d'ordre et de désordre. Et le célèbre
aphorisme d' Élisée Reclus selon lequel :
" L'anarchie est la plus haute expression de l'ordre
". 124(*)
ne serait-il pas la résultante de cet état de
fait ?
1.3.3 La décision souveraine de l'individu.
L'unité de base de l'humanité est l'homme,
l'être humain individuel. Presque tous les individus vivent en
société, mais la société n'est rien de plus qu'une
somme d'individus, et son seul but est de leur permettre une vie
épanouie. Voilà en une phrase le volet éthique de la
grille d'interprétation de la société et de l'histoire des
anarchistes et que défend Reclus lorsqu'il expose le rôle
primordial de l'individu dans l'étude de sa géographie sociale.
Cet homme ne peut être considéré comme une abstraction
impersonnelle identique dans le temps et l'espace terrestre. Son argumentation
est, en quelque sorte sur le terrain philosophique, le rejet pur et simple du
raisonnement de Rousseau qui veut que les libertés individuelles soient
représentées et respectées par et à travers une
volonté générale125(*). Pour Reclus, l'être humain est avant tout un
être de raison et dans le même temps, un être social, et sur
ce constat élémentaire, il ne peut, selon lui, que constituer le
noyau central de toute société humaine. En cela, il peut
être comparé à Godwin qui en 1793 affirme :
" L'idée de "volonté générale"
de Rousseau est une absurdité, qui justifie toutes les tyrannies. Il n'y
a que des volontés individuelles qui, sur tel ou tel point peuvent et
doivent s'entendre (...) Seuls ont une réalité concrète
les individus, dans leurs passions, dans leurs besoins, dans leur raison. C'est
pourquoi le meilleur système serait celui qui confierait le plus de
pouvoir au noyau le plus étroit, le plus proche de l'individu."
126(*)
Élisée Reclus, exprime lui-même cette
pensée sous cette forme :
" Notre idéal comporte donc pour tout homme la
pleine et absolue liberté d'exprimer sa pensée en toutes choses,
science, politique, morale, sans autre réserve que celle de son respect
pour autrui ; il comporte également pour chacun le droit d'agir à
son gré, de " faire ce qu'il veut ", tout en associant naturellement sa
volonté à celles des autres hommes dans toutes les oeuvres
collectives : sa liberté propre ne se trouve point limitée par
cette union, mais elle grandit au contraire, grâce à la force de
la volonté commune." 127(*)
La réalisation sociale humaine est perçue comme
un facteur constitutif du progrès social. Á la conception de
l'individualité et donc de la liberté humaine, il soutend
l'existence de rapport de solidarité et de sentiment d'appartenance
à une même communauté humaine. L'épanouissement
individuel que la société doit à l'être humain doit
être un processus social dans lequel :
" (...) le progrès de l'individu se confond avec
celui de la société, unie par une force de solidarité de
plus en plus intime." 128(*)
Cette conception éthique de la place de l'individuel
dans le schème général d'explication de l'organisation
spatiale des sociétés humaines aboutit, sur le terrain politique,
à un rejet de la division entre les sphères publiques et
privées comme deux domaines autonomes129(*). Le point central de l'organisation sociale ne doit
plus être une entité abstraite, mais l'individu concret avec ses
besoins, ses désirs, ses devoirs. Cette reconnaissance du poids de
l'individu, doit permettre la construction et l'établissement d'un
système politique "fédéraliste", seul aux yeux de Reclus,
capable de respecter et de valoriser la finalité de l'homme à
l'épanouissement personnel et collectif.
Nous pourrions, sans aucun doute, développer les
différentes facettes du concept de la " décision souveraine
de l'individu " en opérant une lecture plus approfondie de l'oeuvre
gigantesque d' Élisée Reclus. Mais, au delà du temps
nécessaire à une telle tâche, le thème central de ce
travail de recherche, consiste plus à aborder de façon globale
les multiples visages de la pensée géographique libertaire
qu'à une étude fouillée de chaque concept utilisé,
même si nous convenons que ce travail devra être entrepris quelque
jour. Cependant, au contraire des deux lois précédentes,
l'annonce de ce troisième état de fait, semble novateur de la
part de Reclus. En effet, une des interrogations initiales du présent
mémoire - à savoir si le poids des agents géographiques
participe à la construction des processus sociaux dans la pensée
géographique libertaire est reconnu - trouve ici quelques
éléments de réponse intéressants. Des auteurs
contemporains d'Élisée Reclus, qu'ils soient géographes ou
bien représentants d'autres branches scientifiques, bien peu, semblent
avoir accordé dans leurs ouvrages respectifs une telle reconnaissance au
rôle des agents géographiques dans les divers processus de
construction sociale.
L'apport scientifique de Reclus à la science
géographique ne se limite pas à la seule valorisation de ce
concept de la décision souveraine de l'individu, il est
complété, nous semble-t-il, par une méthodologie
renouvelée, qui valorise la coexistence entre ces trois lois. A
la " dialectique sérielle " de Proudhon et à la " dialectique
matérialiste " de Marx, qui chacune aspire à construire une
certaine foi dans la capacité à maîtriser et à
conformer le monde à nos désirs, au sens de la
réalité physique pour les uns - les scientifiques -, de la
réalité sociale pour les autres - les révolutionnaires,
Reclus propose une synthèse où il est fait cas des limites de nos
pouvoirs. Le progrès et à plus forte raison le "
régrès " pouvant amener à ce que nos techniques engendrent
des effets imprévisibles et indésirables, que la
complexité du vivant, et plus généralement de la
biosphère créent des catastrophes écologiques, et
surtout, de l'instable " balancement autour de son axe d'équilibre "
des événements sociaux et des situations historiques :
" Conséquence nécessaire du
dédoublement des corps sociaux (...), l'équilibre rompu
d'individu à individu, de classe à classe, se balance constamment
autour de son axe de repos : le viol de la justice crie toujours vengeance
(...). Ceux qui commandent cherchent à rester les maîtres tandis
que les asservis font effort pour reconquérir leur liberté, puis
entraînés par l'énergie de leur élan tentent de
reconstituer le pouvoir à leur profit (...). Ou bien les opprimés
se soumettent, ayant épuisé leur force de résistance : ils
meurent lentement et s'éteignent, n'ayant plus l'initiative qui fait la
vie ; ou bien c'est la revendication des hommes libres qui l'emportent et, dans
le chaos des événements, on peut discerner de véritables
révolutions (...) dues à la compréhension plus nette des
conditions du milieu et à l'énergie des initiatives
individuelles." 130(*)
Chapitre 2 -
La traduction spatiale de la géographie
libertaire.
2.1 - Aspects libertaires du rôle de l'agent
géographique.
C'est la thématique de l'être avec autrui, de
l'individu avec la société dans leurs conséquences
spatialisées. Notre propos va s'attacher à sortir du domaine
strictement philosophique pour s'attarder plus particulièrement sur les
conséquences spatiales d'une conception sociale centrée sur le
respect et la mise en exergue du rôle actif de l'individu dans un projet
collectif de société. L'objectif de cette deuxième partie
est donc, dans un premier temps, de mesurer le degré de liberté
de l'agent géographique, tel qu'il est théorisé par les
libertaires. Elle s'appuie pour ce faire sur la définition des concepts
" d'optimum individuel " et " d'optimum collectif " émergeants de
l'apparente antinomie entre les deux entités que sont l'agent
géographique et la société. Le deuxième temps de
cette partie va procéder d'une lecture spatialisée de deux outils
spécifiques élaborés par les théoriciens
anarchistes que sont le fédéralisme et le municipalisme
libertaires.
2.1.1 Définition et contenu du concept "d'optimum
individuel "
" Chaque individualité nous paraît être
le centre de l'univers, et chacune a les mêmes droits à son
développement intégral, sans intervention d'un pouvoir qui la
dirige, la morigène ou la châtie."
clame Élisée Reclus, tant dans ses ouvrages de
géographie que dans ses écrits propagandistes de l'anarchie.
C'est autour de ce principe de base que repose la philosophie
libertaire. Cette conception de la place de l'agent géographique dans
l'espace sociétaire est déjà mentionné par le
philosophe anglais Godwin. L'influence de sa pensée est restée
faible sur les premiers théoriciens anarchistes. Bakounine ne le cite
jamais et a sans doute ignoré jusqu'à son existence. Proudhon ne
le connaît que comme l'inspirateur d'Owen131(*). Kropotkine est le premier
à en parler élogieusement, il y consacre d'ailleurs un chapitre
de son ultime ouvrage132(*). Même si aucun document ne le certifie
immanquablement, nous pouvons en déduire que Reclus, par
l'intermédiaire de son ami et compagnon Kropotkine, a assimilé
les écrits de Godwin, pour preuve cette citation du philosophe anglais :
" Chaque homme doit demeurer son propre centre, et
consulter son propre entendement. Chaque homme doit sentir en lui-même
son autonomie que les principes de justice et de vérité lui
permettent de revendiquer, sans qu'il soit obligé hypocritement de les
adapter aux particularités de sa situation et aux erreurs des autres.
" 133(*)
Cette volonté unanime de la part des anarchistes, de
toutes tendances confondues - individualistes, anarcho-syndicalistes ou
socialistes libertaires - de constituer le fondement de la réflexion
sociale autour du principe inaliénable de la liberté de
l'individu, va nous servir, dans le cadre de notre recherche, à
construire un corpus théorique traduisant au mieux le dilemme politique
du rapport de l'individu avec la société dans ses traductions
spatiales.
Nonobstant, cette préoccupation n'est aucunement
propre aux théoriciens anarchistes, elle s'inscrit dans la
continuité philosophique de la pensée humaine. Elle est une
traduction, sous une forme plus sociale, du questionnement que Jean-Jacques
Rousseau pose en tête de son étude " Du contrat social ou
principes du droit politique " :
" L'homme est né libre et partout il est dans les
fers. Tel se croit le maître des autres qui ne laisse pas d'être
plus esclave qu'eux. Comment ce changement s'est - il fait ? Je l'ignore.
Qu'est-ce qui peut le rendre légitime ? Je crois pouvoir résoudre
cette question. " 134(*)
En suite de quoi Rousseau affirme que, bien entendu, ce
changement n'est pas légitime puisqu'il n'est pas la conséquence
d'un contrat librement conclu, mais la résultante d'un abus de force.
Le propos de notre travail de recherche ne porte en aucun
cas sur l'étude historique des raisons de l'avènement d'une
société basée sur l'oppression et l'exploitation de
l'homme par l'homme. Des théoriciens anarchistes ont abordé cet
aspect de la question et ont avancé de multiples hypothèses :
dans le domaine social et économique, dans l'établissement des
hiérarchies, l'appropriation des richesses et la constitution des
classes ; dans le domaine psychologique, le complexe de soumission et son
corollaire l'instinct de domination jouèrent, chacun à des
degrés différents, des rôles déterminants135(*). Les aspects moraux et
éducatifs, définis par les anarchistes, qui se doivent, à
leurs yeux, de participer à l'émergence d'esprits conscients et
rationnels en vue de l'avènement d'une société libertaire,
ne sont pas, non plus, développés ici. Ceci constitue,
peut-être, un axe de recherche non négligeable, mais, dans
l'optique de ce travail de recherche de Géographie, ce sont les
conséquences spatiales de la philosophie libertaire qui sont
privilégiées.
L'appréhension de la pensée libertaire va nous
servir de référent dans notre tentative de lecture des
inscriptions sculpturales que peuvent déterminer le rôle majeur
des agents géographiques tels qu'ils sont conçus par cette
école politique sur l'interface terrestre. Mesurer le degré de
liberté accordé à l'individu dans le projet collectif de
société va nous aider à comprendre la conception spatiale
différenciée des lieux humanisés par les libertaires.
Cette place centrale du rôle individuel de l'homme dans
le projet collectif de société libertaire nous autorise, du moins
nous le nous permettons, à énoncer deux concepts
opérationnels : le concept d'optimum
individuel et le concept d'optimum
collectif. Ces deux notions nous semblent constituer le squelette
organique de cette théorie sociale. La recherche permanente de
l'épanouissement individuel et de la solidarité collective, n'est
aucunement entendue de manière dialectique. Pour les anarchistes, au
contraire, la réalisation de l'un ne va pas sans l'avènement de
l'autre, et réciproquement. La finalité est d'atteindre le point
d'équilibre entre ces deux composantes d'une humanité
socialisée.
En définissant et en situant ainsi l'homme dans ses
rapports à l'espace, nous sommes conscients de ne poser, en
réalité, qu'un aspect de la problématique de la
liberté. Car si, effectivement, l'homme est la donnée
fondamentale du problème, il convient, de ce fait, de le situer
immédiatement par rapport à l'autre réalité, celle
de la société. Il peut sembler qu'entre ces deux entités,
l'homme d'une part et la société de l'autre, existe une
contradiction voire une antinomie. La richesse de la pensée anarchiste
révèle, du moins sur cette problématique précise,
toute sa richesse et sa pertinence au vu de l'évolution des
désirs actuels de la " société citoyenne "136(*). Loin de déduire un
quelconque caractère irréductible ; d'afficher que le
problème social soit sans solution acceptable pour l'individu ; de
refuser que l'organisation sociale soit un obstacle insurmontable à une
libération suffisante de la personnalité individuelle, les
anarchistes, au contraire, ont affirmé la nécessaire
interdépendance de ces deux entités. En effet, pour eux, la
contradiction individu - société ne peut être
considéré comme irréductible que dans l'absolu et sur le
seul plan théorique. Dans la réalité, tout au contraire,
individu et société sont deux entités
complémentaires et inséparables, l'individu n'étant devenu
une " personne humaine " que grâce à la vie sociétaire, et
l'individu dégagé de tout rapport avec le social ou à
l'état pur n'étant qu'une vue de l'esprit. Il est donc permis de
dire que, loin d'être, par définition, l'ennemi de l'individu, la
société est une condition de sa libération et que c'est
uniquement par la pratique de la solidarité que l'homme parvient
à se libérer de certaines contraintes et à franchir
certaines limites que la nature semble rendre invincibles ou insurmontables :
" La liberté est pleine et entière quand
l'individu, émancipé de toutes tutelles et de toute domination, a
la possibilité de construire et d'entretenir des relations volontaires
avec les autres... Par ailleurs, puisque les individus sont des êtres
sociaux, la liberté n'est pas le refus de toutes les contraintes. Pour
s'organiser avec les autres, l'individu doit prendre des engagements,
établir des arrangements et les respecter." 137(*)
L'idée que l'individu jouisse d'un espace privé
où user librement de la raison et des passions et soit soustrait
à l'intervention de qui que ce soit, nous semble apparaître, de
manière féconde et récurrente chez les auteurs
anarchistes. Le principe énoncé ainsi, est appelé à
régir la conduite de la société envers l'individu et
à en être le fondement, en terme de stratégie alternative
à la gestion des sociétés humaines.
Bakounine, fonde le principe positif de la liberté (ou
degré de liberté) sur l'égalité et la
solidarité collectives :
" Enfin l'homme isolé ne peut avoir la conscience
de sa liberté. Etre libre, pour l'homme, signifie être reconnu et
considéré et traité comme tel par un autre homme, par tous
les hommes qui l'entourent. "
Et il ajoute :
" Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les
êtres humains qui m'entourent, hommes et femmes, sont également
libres. La liberté d'autrui, loin d'être une limite ou la
négation de ma liberté, en est au contraire la condition
nécessaire et la confirmation. Je ne deviens libre vraiment que par la
liberté des autres... Ma liberté personnelle ainsi
confirmée par la liberté de tout le monde s'étend à
l'infini. " 138(*)
Ces paragraphes connus peuvent paraître banals pour des
anarchistes, mais ils synthétisent bien l'imbrication essentielle
à la théorie anarchiste, de l'égalité et de la
liberté sources de l'espace politique dans lequel la diversité
des agents géographiques trouvent leur possible sociabilité et
épanouissement. La liberté devenant ainsi un :
" produit de l'activité sociale de l'homme. "
139(*)
Cette conception philosophique et politique du respect de
l'individu dans une organisation sociale de plus en plus complexe, n'est pas
l'apanage des théoriciens libertaires. John Stuart Mill (1806 - 1876),
dans l'introduction de son livre sur La liberté, proclame, lui aussi, un
principe ressemblant :
" ...le seul objet qui autorise les hommes,
individuellement ou collectivement, à troubler la liberté
d'action d'aucun de leurs semblables, est la protection de soi-même. La
seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user
de force contre un de ses membres est de l'empêcher de nuire aux
autres...La seule partie de la conduite de l'individu pour laquelle il soit
justiciable de la société, est ce qui concerne les autres. Pour
ce qui n'intéresse que lui, son indépendance est, de droit,
absolue. Sur lui-même, sur son corps et sur son esprit, l'individu est
souverain. " 140(*)
La défense et la sauvegarde obstinée de
l'individu entendu comme noyau primaire du potentiel humain définit
l'action politique de base des anarchistes. L'identité n'est pas
collective, mais bien individuelle. Malgré la complexité de la
réalité sociale qui s'étend à tout le champ des
possibles, chaque être humain est différent. Ce point reste une
constante de la philosophie et de la propagande anarchiste :
" L'unité de base de l'humanité est l'homme,
l'être humain individuel. Presque tous les individus vivent en
société, mais la société n'est rien de plus qu'une
somme d'individus, et son seul but est de leur permettre une vie
épanouie. Les anarchistes ne croient pas que les hommes aient des droits
naturels, et cela s'applique à chacun : aucun individu ne peut se
réclamer d'un droit pour agir ni pour interdire à un autre
d'agir. Il n'y a pas de volonté générale, pas de norme
sociale à laquelle on doive se soumettre. Nous sommes égaux, non
identiques. La compétition et l'entraide, l'agressivité et la
tendresse, l'intolérance et la tolérance, la violence et la
douceur, l'autorité et la révolte sont toutes des formes
naturelles de comportement social, mais certaines favorisent et d'autres
entravent l'épanouissement de la vie individuelle. Les anarchistes
croient que le meilleur moyen de garantir cet épanouissement est
d'accorder une liberté égale à chaque membre de la
société. " 141(*)
C'est cette recherche constante, de la part des anarchistes,
d'un modèle social prenant en compte le rôle central de l'agent
géographique qui nous autorise à conceptualiser cette
théorie sociale sous le nom d'optimum individuel. Pour détenir
une part de validité, ce concept se doit d'être
opérationnel en termes de stratégie sociale. L'existence d'une
sphère d'autonomie doit alimenter cette opérationnalité.
Si la philosophie morale a pour hypothèse fondamentale que les hommes
sont responsables de leurs actions, et si comme Kant l'a fait
remarquer142(*), il
découle nécessairement de cette hypothèse que les hommes
sont libres du point de vue métaphysique, c'est-à-dire que, dans
un certain sens, ils sont capables de décider de leurs actes, il est
nécessaire de trouver l'outil adéquat de cette formation à
la sphère d'autonomie. Ceci sera plus amplement développé
dans la partie consacrée aux " espaces émancipatoires ".
2.1.2 Définition et contenu du concept "d'optimum
collectif "
L'agent géographique, au vu du concept " d'optimum
individuel " tel qu'il a été explicité
précédemment, constitue pour ainsi dire le moyen vital du projet
social anarchiste ; l'avènement d'une société libertaire
constituant, elle, la fin de la proposition libertaire.
A la différence de la plupart des théories
sociales, dans le projet anarchiste, l'individu n'est pas
considéré en fonction de la masse, ne devient pas un agent
abstrait ou anonyme soumis à un système
décrété souverainement juste. Au contraire, il existe
comme entité propre. Ayant ainsi pleinement reconnu la
réalité de l'agent géographique, le socialisme libertaire
reconnaît en même temps sa dignité foncière. Il reste
cependant que la contradiction individu - société, si elle n'est
pas absolue, est un fait de toute première importance. Car si la
société est effectivement la condition essentielle du
développement de l'homme, elle lui impose en même temps des
règles et des contraintes qui peuvent constituer, pour l'individu, des
obstacles à sa réalisation ou même engendrer des formes
d'oppression étouffantes.
L'existence de ces deux principes, l'individuel et le
collectif, pose le problème de l'indépendance (ou du degré
de liberté) de l'individu. Celui-ci en effet, dans une
société de plus en plus complexe, paraît devoir être
progressivement privé de sa liberté d'action. Cependant loin de
conclure que l'organisation sociale peut devenir l'ennemie de la liberté
individuelle, voire que la société peut être contre
l'individu, la manière libertaire considère conjointement
l'entité individuelle et le rôle éminemment social de
l'agent géographique :
" De tous les êtres vivant sur cette terre, l'homme
est à la fois le plus social et le plus individualiste."
143(*)
C'est cette prise en compte de l'antinomie apparente entre
individu et société dans le corpus théorique de la science
sociale des anarchistes, qui nous incite à impliquer ce fait, dans la
définition du concept " d'optima collectif ".
En effet, les anarchistes144(*) prétendent que :
- le principe social ne peut être opposé au
principe de liberté individuelle ;
- le problème de la liberté est dans la
société même ;
- par la pratique de l'association et de la
solidarité, l'organisation sociale est la condition de la liberté
de l'individu ;
- l'homme est un être social. La sociabilité est
indissociable de la nature humaine originelle.
Pour la recherche géographique, la conception
anarchiste des rapports entre l'individuel et le collectif ouvre un champ
d'investigation novateur puisque l'inscription d'éléments
structurants constitués par les actions irremplaçables de chaque
agent géographique conduit à une prise de conscience du poids des
actes sociaux en termes d'écritures spatiales. L'appréhension
dans sa globalité des impacts spatiaux imaginé et
réalisé par l'individu et la société libertaires,
dans les sphères privées et collectives, doit intéresser
le géographe s'il veut mieux comprendre l'organisation spatiale des
sociétés humaines en général. N'est-il pas
communément admis que tout système humain, fut-il anarchiste,
implique une inscription spatiale propre ?
L'incorporation de l'étude des localisations des divers
objets géographiques et des interactions entre ces mêmes objets
découlant du projet sociétal libertaire doit permettre de mieux
repérer, comprendre et expliquer les rapports entre la
société et l'espace terrestre. En effet, pour les
géographes, l'espace terrestre est défini tant par ses
qualités physiques propres, que par l'action humaine actuelle,
héritée ou imaginée qui le façonne.
Elle peut, de même, contribuer à l'enrichissement
théorique de la géographie historique qui s'intéresse aux
formes d'organisation des communautés humaines par une étude des
relations entre communautés, pouvoirs et territoires. A notre
connaissance, peu d'ouvrages géographiques ou ethnologiques ont
consacré des études spécifiques sur les formes
d'organisation du territoire issues de société sans
Etat145(*). Le volet
consacré à ce type de sociétés par
Trochet146(*) n'aborde
que celles issues selon les règles de la parenté.147(*)
Notre étude n'a pas la prétention de combler
cette apparente lacune, mais au-delà de l'esquisse spatiale que nous
voulons dessiner de l'organisation humaine prônée par les tenants
de la géographie libertaire, nous pouvons espérer que d'autres
chercheurs se lancent dans cette direction.
Nous allons bâtir notre concept " d'optimum collectif "
à partir des réflexions de philosophes qui nous paraissent avoir
apporté une contribution majeure à la définition du
rôle de l'individu dans la gestion collective des sociétés
humaines. La thématique des rapports individu - société a
déjà été abordé par les anciens (Aristote,
Platon, etc), mais ici nous allons favorisé la vision des
modernes148(*). Le choix
de ces philosophes (Kant, Hobbes, Weber, Rousseau) est, ou peut
apparaître, arbitraire mais le cadre de notre travail de recherche ne
permet pas d'aller puiser et comparer d'autres analyses traitant de ce
thème. Cependant, par la mise en perspective de ces contributions
philosophiques nous voulons, sur la base des divers concepts construits par
ceux-ci - raison d'État, groupement politique, volonté
générale, violence légitime - proposer une autre
conception politico-philosophique du rapport individu-société.
Notre construction conceptuelle va pour cela s'inspirer des
écrits de Godwin. Non seulement cette partie veut tenter de mettre en
évidence en quoi les analyses de cet auteur correspondent aux
déductions sociales des anarchistes en débouchant sur
l'élaboration d'un outil méthodologique cohérent parce que
valorisant cette même articulation entre l'individuel et le collectif par
une adéquation entre les moyens et la fin., mais aussi contribuer
à l'enrichissement théorique de la géographie historique,
participer à l'émergence de pistes de recherches
géographiques plus fructueuses dans la compréhension des formes
d'organisation spatiale des communautés humaines à la surface de
la terre.
Les tendances apparemment antagonistes entre l'individu et la
collectivité est loin de contribuer, pour les anarchistes, le
tiraillement inconciliable que les théoriciens d'autres sciences
sociales veulent y voir. Là où pour Hobbes, le concept d' "
état de nature ", identifié à la " guerre de chacun contre
chacun "149(*) impose
l'institution d'une souveraineté absolue disposant de tous les droits
envers ses sujets comme condition de l'unité et de la paix civile de la
société. Il est contraint d'admettre qu'il en découle une
restriction de la liberté individuelle (" incommodité ") et la
juge minime en comparaison :
" Des misères et des calamités affreuses qui
accompagnent soit une guerre civile, soit l'état inorganisé d'une
humanité sans maîtres, qui ignore la sujétion des lois et
le pouvoir coercitif capable d'arrêter le bras qui s'apprêtait
à la rapine ou à la vengeance. " 150(*) ;
pour Weber, la société qui ne repose pas moins
sur le conflit que sur la coopération se constitue et se perpétue
qu'à travers l'intégration des forces antagonistes. Processus
assuré par l'organe de direction du " groupement politique
"151(*). Selon Weber, la
politique est donc l'activité de contrainte par laquelle les gouvernants
imposent leur volonté aux gouvernés. Elle se ramène
essentiellement à la détention du pouvoir et à la violence
physique, qui en est le moyen propre. Toujours, d'après lui, tout
pouvoir revendique pour lui-même le monopole de la violence
légitime :
" Comme tous les groupements politiques qui l'ont
précédé historiquement, l'État consiste en un
rapport de domination de l'homme sur l'homme fondé sur le moyen de la
violence légitime (c'est-à-dire sur la violence qui est
considérée comme légitime). L'État ne peut donc
exister qu'à la condition que les hommes dominés se soumettent
à l'autorité revendiquée chaque fois par les dominateurs.
" 152(*)
D'où, selon l'aveu même de l'auteur, du
rôle particulier dévolu à l'État :
" " Tout Etat est fondé sur la force ", disait un
jour Trotski à Brest-Litovsk. En effet, cela est vrai. S'il n'existait
que des structures sociales d'où toute violence serait absente, le
concept d'Etat aurait alors disparu et il ne subsisterait que ce qu'on appelle,
au sens propre du terme, l' " anarchie ". La violence n'est évidemment
pas l'unique moyen normal de l'Etat - cela ne fait aucun doute -, mais elle est
son moyen spécifique... Depuis toujours les groupements politiques les
plus divers - à commencer par la parentèle - ont tous tenu la
violence physique pour le moyen normal du pouvoir. Par contre il faut concevoir
l'État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les
limites d'un territoire déterminé - la notion de territoire
étant une de ses caractéristiques -, revendique avec
succès pour son propre compte le monopole de la violence physique. Ce
qui est en effet le propre de notre époque, c'est qu'elle n'accorde
à tous les autres groupements, ou aux individus, le droit de faire appel
à la violence que dans la mesure où l'État le
tolère : celui-ci passe donc pour l'unique source du " droit " à
la violence. Par conséquent, nous entendrons par politique l'ensemble
des efforts que l'on fait en vue de participer au pouvoir ou d'influencer la
répartition du pouvoir, soit entre les Etats, soit entre les divers
groupes à l'intérieur d'un même Etat. "
153(*) ;
pour Kant, même s'il accorde que la liberté
individuelle constitue la valeur morale et politique suprême :
" La liberté en tant qu'homme dont on peut formuler
le principe pour la constitution d'une communauté de la manière
suivante : personne ne peut me contraindre à être heureux à
sa manière (c'est-à-dire à la manière dont il
conçoit le bien-être des autres hommes) ; par contre, chacun peut
chercher son bonheur de la manière qui lui paraît bonne, à
condition de ne pas porter préjudice à la liberté qu'a
autrui de poursuivre une fin semblable (c'est-à-dire de ne pas porter
préjudice au droit d'autrui), liberté qui peut coexister avec la
liberté de chacun grâce à une possible loi universelle.
" 154(*),
nous devons prendre en compte qu'il incorpore cette
définition de la liberté à l'intérieur d'un
argumentaire très précis concernant les principes constitutifs de
l'état civil que sont la liberté de l'homme,
l'égalité du sujet, l'autonomie du citoyen. C'est dans le cadre
juridique d'une république universelle que Kant, après avoir
précisément fait la distinction entre la citoyenneté
passive et active155(*),
permet à chaque individu d'exister réellement dans sa
dignité d'humain. Selon les anarchistes, ce passage législatif de
l'individu au citoyen - aspect commun des penseurs modernes -, contraint Kant,
à limiter la portée de la liberté fondamentale et de la
dignité foncière de l'individu dans le cadre trop étroit
de la République. Toutefois si la définition et le rôle
kantien de l'individu font apparaître ce philosophe aux yeux des
anarchistes comme l'un des plus sympathiques, de fait, il diffère
cependant de la conclusion formulée par Spinoza qui y voit la
disparition prochaine de l'État 156(*), en formulant que c'est une république
universelle, qui permet à chaque individu d'exister réellement
dans sa dignité d'humain.
Nous appuyant sur les analyses des textes de Godwin
effectuées par Thévenet Alain, psychologue de formation et
préparant actuellement un doctorat de philosophie à partir de
l'oeuvre de cet auteur, nous pouvons affirmer qu'en effet Godwin se
démarque radicalement des analyses pré-citées, dans la
mesure où il précise que :
" L'antinomie individu-collectivité est commune
à tous les anarchistes (et à tous les théoriciens
politiques). A l'évidence, Godwin tire du côté de
l'individu là ou Bakounine s'adresse au peuple. C'est une divergence qui
a son importance. Pour Godwin, les individus ne peuvent réellement
coopérer que dans le calme qui permet à chacun de cultiver sa
sphère propre, et par le canal, essentiellement de la raison. Les
émotions ont un effet d'entraînement mais risquent, de ce fait,
d'exercer un pouvoir. Pour Bakounine, influencé peut-être
malgré lui par la pensée hégélienne, cette
coopération n'existe que dans le mouvement et, à la limite, c'est
le peuple qui donne aux individus qui le composent leur réalité.
Plus qu'une divergence absolue, il s'agit peut-être d'une
pondération différente, car Godwin a aussi, et dans le même
temps, une conscience profonde de la sociabilité immanente à la
condition humaine. " 157(*),
en révélant que :
" Le point central de l'organisation sociale ne serait pas
une entité abstraite, à la manière de la "
république universelle " qu'imagine Kant, mais l'individu concret, ses
besoins, ses désirs, ses devoirs. Cet individu a besoin de sa
sphère personnelle, et a le droit d'exiger qu'on la respecte.
C'est d'ailleurs le seul droit qu'il ait et, selon
Godwin, c'est un droit " passif ". Pour lui, en effet, la morale, individuelle
ou politique, n'est pas fondée sur les droits, mais sur les devoirs. Ce
n'est pas forcément le signe d'un rigorisme moral exagéré,
mais plutôt une conséquence logique de sa conception de l'homme et
de la société. Un droit peut être exigé d'une
instance supérieure, et ne peut être que garanti par elle. Or dans
le système de Godwin, celle-ci n'existe pas sous une forme
instituée. Le point central de ce système, ce qui en fait la
cohérence, c'est l'individu concret, qui n'a donc, logiquement, personne
à qui s'adresser pour le respect de ses droits. Il ne peut donc exister
de " droits de l'homme ". Mais cet individu, pour se respecter lui-même,
a le devoir de respecter l'autre et de participer avec lui aux progrès
de la vertu et du bonheur universels ; il a le devoir de reconnaître
l'autre comme son semblable et son égal. On n'a pas le droit de " faire
ce qu'on veut ", mais le devoir de nous guider sur la raison et de faire tout
ce qui nous est possible dans ce but de recherche du bonheur, de la vertu et de
la vérité.
Cet individu a besoin aussi de l'apport des autres, parce
qu'il n'est pas tout-puissant, et parce que ceux-ci l'enrichissent,
affectueusement et intellectuellement. Et aussi, mais ceci intervient plus tard
dans la pensée de Godwin, parce qu'il est poussé ou attiré
vers eux, vers le mystère de cette existence à la fois si
semblable et si différente.
Les autres, ce sont d'abord ceux qu'on connaît et
qu'on fréquente quotidiennement. Il y aura des divergences, bien
sûr, des interprétations différentes du bien collectif et
de la justice, peut-être même des conflits. Mais il n'y aura nul
besoin, pour les régler, d'institutions établies de façon
définitive. Dans un premier temps nous serons peut-être
amenés à faire appel à l'arbitrage d'un groupe de
personnes que l'ensemble de la collectivité s'accordera à
reconnaître comme étant les plus " sages ". Mais nous nous
rendrons compte que, guidés par les principes de la justice et par la
raison, ils tomberont d'accord. Nous pourrons alors demander à un seul
de se charger de cette tâche ingrate, permettant ainsi aux autres de
consacrer plus de temps à des travaux plus intéressants et plus
utiles pour la collectivité. Bientôt, même, nous
réaliserons que ces principes sont en nous et peuvent tout autant nous
guider que ceux à qui nous avions d'abord fait appel.
Il y aura sans doute des hommes qui ne se plieront pas aux
règles adoptées en commun. Imaginer pour eux des jugements ou des
châtiments ne se justifie en aucune façon. Le châtiment est
une contrainte, et la contrainte, outre qu'elle est contraire à
l'égalité des hommes entre eux, ne peut jamais persuader. Le
châtiment n'a pas non plus valeur de dissuasion, puisque le criminel (ou
le déviant) se croit toujours dans son bon droit. Pour Godwin, en effet,
seule l'ignorance est responsable des erreurs ou des fautes. Personne ne peut,
dès lors qu'il a reconnu la raison, l'ignorer sciemment et contrevenir
à ses impératifs. Il nous faudra donc discuter avec eux, essayer
de les convaincre, et, si nous n'y parvenons pas, leur demander de tenter de
trouver ailleurs une communauté plus accueillante à leurs
exigences. Quant aux criminels avérés, si nous devons nous
protéger du mal qu'ils peuvent causer à la collectivité en
les en éloignant, nous ne sommes pas fondés à leur
infliger un châtiment qui serait justifié par des arguments de
moralité : ils ne sont pas coupables de leurs crimes, puisque ce sont
les circonstances qui les y ont amenés. " L'assassin n'est pas plus
responsable que le poignard du meurtre qu'il commet. "
Il faudra bien sûr nous entendre avec d'autres
collectivités, de plus en plus lointaines, jusqu'à ce que cet
accord embrasse l'humanité entière. Ce n'est qu'à cette
condition que les idées et les opinions pourront se frayer un chemin et
que la recherche de la vérité progressera. Des assemblées
ponctuelles ou régulières permettront de discuter des
problèmes que nous avons en commun et d'élaborer des solutions,
jusqu'à ce que, là aussi, ces solutions, dictées par la
raison universelle, s'imposent d'elles-mêmes. Il n'y a, pour tous, qu'un
seul principe, celui de la justice, et, à un moment donné, qu'une
seule vérité qui soit acceptable pour tous. A condition, bien
sûr, que les idées circulent librement et que la
vérité puisse ainsi triompher des préjugés.
Alors, les hommes seront paisibles. Il n'existera plus
entre eux de vaine compétition dans la recherche des honneurs et de la
richesse, mais une émulation joyeuse les poussera vers le bonheur et la
vertu." 158(*)...
" ... pour Godwin, la reconnaissance de l'individu, comme
première et peut-être seule réalité, est à la
base de l'établissement d'un système politique
fédéraliste qui conduit à l'universel. Le centre du
système de Godwin (et des anarchistes), c'est donc l'individu.
"159(*)
L'individu dont parle Godwin est avant tout social :
" La recherche à propos de l'équilibre entre
l'individualité et la communauté n'a pas de fin. D'un
côté, il faut constater que les êtres humains sont faits
pour la société. Sans société, nous serions
probablement privés des plus grandes joies dont notre nature est
capable. Dans la société, aucun homme possédant la marque
naturelle de l'homme ne peut rester seul. Nos opinions, nos caractères
et nos habitudes sont modifiés par ceux de chacun. Ce n'est en aucun cas
le simple effet des arguments et de la persuasion ; cela se produit d'une
manière insensible et graduelle à laquelle aucune conviction ne
peut nous permettre de résister complètement. Celui qui voudrait
s'y opposer en se plongeant dans la solitude tomberait dans une plus grave
erreur que celle qu'il cherche à éviter. Il se priverait de ce
qui fait la caractéristique d'un homme et serait incapable de juger ses
semblables, ou de raisonner sur les affaires humaines.
D'un autre côté, l'individualité est
la véritable essence de la perfection intellectuelle. Celui qui se
limite entièrement à la sympathie et à l'imitation ne peut
posséder que peu de force et de justesse intellectuelles. Le
système de sa vie serait une sorte d'abandon aux sentiments... Celui qui
est véritablement respectable et heureux doit avoir la fermeté de
maintenir son individualité. S'il tolère les satisfactions et
cultive les sentiments d'un homme, il doit dans le même temps être
déterminé à poursuivre le cours de ses réflexions,
et à exercer la puissance de son entendement. " 160(*),
de par sa nature même, et cependant jaloux de son
individualité, de conserver et d'élargir sa sphère
personnelle d'action et de réflexion :
" Sans aucun doute, l'homme est fait pour la
société. Mais il y a une voie par laquelle l'homme risque de
fondre sa propre existence en celle des autres, ce qui est profondément
pervers et nuisible. Chaque homme doit demeurer son propre centre, et consulter
son propre entendement. Chaque homme doit sentir en lui-même son
autonomie que les principes de justice et de vérité lui
permettent de revendiquer, sans qu'il soit obligé hypocritement de les
adapter aux particularités de sa situation et aux erreurs des autres. "
161(*)
et qu'il ne peut être assimiler à un objet
abstrait. Au contraire, pour lui, c'est parce que l'agent géographique
existe en tant que tel que :
" La société n'est rien de plus qu'un
groupement d'individus. Ses droits et ses devoirs doivent être la
combinaison des droits et devoirs de ces individus, aucun n'étant plus
incertain ou arbitraire que l'autre. Qu'est-ce que la société a
le droit d'exiger de moi ? il a été déjà
répondu à cette question : tout ce qu'il est de mon devoir de
faire. Quelque chose de plus ? Certainement non. " 162(*)
En conclusion l'optimum collectif peut être
défini comme lieu de jonction, à différents niveaux :
d'une part entre l'individu et le collectif par le dépassement du type
de relations, admis comme modèle, issu de la sphère privée
; d'autre part entre l'économique et l'éthique par les
modalités de satisfaction ou de non-satisfaction des besoins
matériels et les modalités que se donnent les agents
géographiques pour communiquer et partager les conceptions de valeur et
de sens qu'ils veulent donner à la vie. Pour nous, l'optimum collectif
se démarque de la raison d'État défini par Kant ou
Hegel163(*) ou du
concept de volonté générale défendu par Rousseau.
Godwin n'affirme-t-il pas, sans une part d'évidence, que :
" Si le gouvernement est institué sur le
consentement du peuple, il ne peut avoir aucun pouvoir sur un individu qui
refuserait ce consentement. Si un consentement tacite n'est pas suffisant,
encore moins peut-on supposer que j'ai consenti à cette institution si
je m'y suis opposé de façon formelle. C'est la conséquence
immédiate des observations de Rousseau. Si le peuple ou les individus
dont il est constitué ne peuvent déléguer leur pouvoir
à un représentant, un individu ne peut pas non plus
déléguer son pouvoir à une majorité dans une
assemblée dont il est lui-même membre. Ce ne peut être
qu'une bizarre sorte de consentement que celui qui se manifeste d'abord par une
inflexible opposition, et par une soumission absolue ensuite. " 164(*)
Les pages ci-dessus écrites pour une tentative de
définition des concepts d'optimum individuel
et d'optimum collectif se veulent plus qu'une
prétentieuse ambition de création sémantique mais, bien au
contraire semblent constituer les deux éléments conceptuels
indispensable à une synergie véritable pour l'adéquation
des moyens avec la fin (ou l'indissoluble liaison des moyens avec la fin) de la
théorie sociale des anarchistes. La particularité de la
pensée anarchiste nous révèle maintenant, du moins nous
semble-t-il, toute sa pertinence dans sa recherche pratique d'une
stratégie sociale efficace en vue de pérenniser un système
politique où la fin indique les moyens et en retour les moyens
construisent la fin. Cette synergie découlant des concepts d'optimum
individuel et d'optimum collectif trouve sa justification dans les actes
militants de tout agent géographique anarchiste :
" Le principe de base est simple. Ce n'est pas
l'adhérent, mais l'individu, unité autonome et
indépendante. Cet individu s'associe - ou non - avec d'autres pour
former des groupes, mais, au sein de ceux-ci, il demeure autonome et
indépendant. La liberté est donc totale et aucune obligation
d'aucune sorte n'existe à aucun degré. Puisqu'elle laisse
à chacun, groupe ou individualité, la plus complète
liberté, cette formule est la seule authentiquement anarchiste. Puisque
la règle d'unanimité interdit à une majorité
d'imposer sa loi à une minorité ; puisque, enfin, le refus du
choix collectif laisse finalement à chacun la possibilité de se
déterminer lui-même...L'efficacité étant la raison
même de l'existence d'un groupement orienté vers l'action, il
convient d'admettre les moyens 165(*) de cette efficacité. Posons le
problème. Des hommes se réunissent pour agir en commun, mais ces
individualités n'ont pas toutes exactement la même pensée,
la même optique, les mêmes réactions. Il convient donc
d'élaborer un certain nombre de règles communes qui seront
l'expression moyenne de l'ensemble et que chaque adhérent s'engagera
à respecter. Ces règles communes constitueront les structures de
l'organisation. Et ainsi apparaît la seconde valeur du groupement : la
discipline librement consentie...166(*)
Efficacité et discipline librement consentie, la
première étant la raison du groupement, la seconde son moyen,
telles seront les deux valeurs de base de toute organisation. Mais cette base
serait incomplète - non libertaire - si l'on n'introduisait pas une
troisième valeur, dont l'absence rend étouffante
l'atmosphère des organisations autoritaires, la liberté. En
effet, ceux qui - et c'est le cas des anarchistes - se refusent à
admettre la fameuse maxime : la fin justifie les moyens - maxime au nom de
laquelle ont été commis les plus monstrueux crimes sociaux de
l'Histoire - ceux-là ne peuvent conférer à la seule
efficacité une valeur absolue. La fin pour laquelle luttent les
anarchistes - l'instauration d'une sociétés d'hommes libres - ne
saurait être poursuivie avec des moyens qui seraient la négation
de cette fin. D'où la nécessité, absolue celle-là,
de maintenir à tous les niveaux et dans toutes les circonstances, les
conditions du libre examen et de la libre discussion - liberté
d'expression qui permet de redresser les erreurs et dont l'absence
précipite inévitablement toute organisation dans les
égarements mortels du sectarisme et du dogmatisme.
Nous avons maintenant réuni les
éléments essentiels d'une organisation anarchiste :
l'efficacité, valeur de raison, la discipline, valeur pratique, et la
liberté, valeur morale." 167(*)
La particularité de la pensée anarchiste est de
proposer une adéquation, voire une fusion, entre les moyens et la
fin.168(*) L'anarchie
considère, en effet, que les moyens et la fin sont indissolublement
liés. Séparer artificiellement la fin des moyens revient
à nier la relation organique qui les unit. C'est cette perception de la
fusion entre les moyens et la fin qui permet, selon les théoriciens
libertaires, de mettre en pratique l'anarchie en développant des formes
d'organisations socio-spatiales appropriées au sein de la
société.
2.2 - La synthèse libertaire
2.2.1 Le fédéralisme libertaire : des agents
géographiques partenaires
La reconnaissance, par les théoriciens anarchistes, de
la pluridimensionnalité intrinsèque de l'individu et de la
polymorphie sociale oblige, toujours selon eux, à penser
différemment l'organisation de la société. Ce rapide
liminaire nous oblige à réfléchir à la gestion
politique de l'organisation sociale et de procéder à un bref
retour sur le terrain de la philosophie politique. La gestion politique de
toute organisation sociale repose depuis toujours sur un élément
de base, qui est le dualisme des principes d'autorité et de
liberté. Proudhon, dès les premières pages de son ouvrage
écrit sur la fin de sa vie, Du principe
fédératif, rappelle que :
" L'ordre politique repose fondamentalement sur deux
principes contraires, l'AUTORITE et la Liberté : le premier initiateur,
le second déterminateur ; celui-ci ayant pour corollaire la raison
libre, celui-là la foi qui obéit. " 169(*)
Ces deux principes, forment un couple dont les deux termes
sont indissociablement liés l'un à l'autre. Ils sont, toujours
selon Proudhon, néanmoins irréductibles l'un dans l'autre, et
restent, quoi que nous fassions, en lutte perpétuelle. A l'observation
de ces analyses, Proudhon en vient à déterminer quatre formes de
gouvernement bien définies, et sûrement bien
téméraires :
" Gouvernement de tous par un seul : Monarchie ou
Patriarcat ou bien gouvernement de tous par tous : Panarchie170(*) ou Communisme. Ces deux
formes de gouvernement constituant le régime d'Autorité. Le
caractère essentiel de ce régime est l'indivision du
pouvoir...
Gouvernement de tous par chacun : Démocratie ou
bien gouvernement de chacun par chacun : An-archie ou Self-government. Le
caractère essentiel de ces deux formes de gouvernement constituant le
régime de Liberté est la division du pouvoir. " 171(*)
Selon lui, c'est à partir de la définition de
ces quatre gouvernements élémentaires que l'on doit entrevoir les
constructions politiques de l'avenir. C'est sur le sentiment que
l'autorité périclite, de jour en jour, que Proudhon
élabore une gestion politique de l'organisation sociale basée sur
la liberté plus réelle et plus forte - le
fédéralisme.
Robert-Paul Wolff, professeur de philosophie politique
à l'Université de Columbia (New-York), corrobore cette analyse.
Il en différencie seulement les termes en désignant les deux
principes antagonistes de l'ordre politique, en les nommant concept
d'Autorité et concept d'Autonomie172(*).
Ce dernier concept est si admirablement décrit que nous
nous permettons de reproduire ce long passage :
" La philosophie morale a pour hypothèse
fondamentale que les hommes sont responsables de leurs actions. Comme Kant l'a
fait remarquer, il découle nécessairement de cette
hypothèse que les hommes sont libres du point de vue métaphysique
; c'est-à-dire que, dans un certain sens, ils sont capables de
décider de leurs actes. Le fait que l'homme soit capable de choisir ses
actes le rend responsable, mais le simple choix n'est pas en soi suffisant pour
revendiquer173(*) la responsabilité de ses actes.
Assumer la responsabilité implique tout d'abord de tenter de
déterminer ce que l'on doit faire et cela, comme tous les philosophes
depuis Aristote l'ont reconnu, impose certaines tâches
supplémentaires : acquérir de la connaissance,
réfléchir sur les motifs, prévoir les conséquences,
critiquer les principes, et ainsi de suite.
Le libre choix de ces propres actes est nécessaire
mais pas suffisant pour imposer l'obligation d'en assumer la
responsabilité(...) Tout homme qui possède à la fois le
libre-arbitre et la raison est dans l'obligation d'assumer la
responsabilité de ses actes, même s'il n'est pas engagé
activement dans un processus continu de réflexion, de recherche et de
délibération sur la manière d'agir. Parfois, il acceptera
de porter la responsabilité des conséquences de ses actes sans y
avoir bien réfléchi ou sans avoir l'intention de le faire par la
suite. Une telle acceptation est évidemment un pas vers le refus
d'engager sa responsabilité mais tout au moins reconnaît-il
l'existence de l'obligation. Néanmoins ce refus ne le dégage pas
du devoir de procéder à la réflexion à laquelle il
s'est dérobé jusqu'alors. Il va sans dire qu'un homme peut
assumer la responsabilité de ses actes et cependant se tromper. Lorsque
nous disons qu'une personne est responsable, cela ne signifie pas que tout ce
qu'elle fait est bien mais seulement qu'elle ne néglige pas le devoir de
s'assurer de ce qui est bien.
L'homme responsable n'est ni capricieux, ni
désordonné car il se reconnaît lié par des
obligations morales. Mais il prétend être le seul juge de ses
obligations. Il peut écouter des conseils mais il revendique le droit
d'en déterminer lui-même la justesse. D'autres peuvent lui
enseigner ses obligations morales mais uniquement à la manière
dont un mathématicien apprend d'autres mathématiciens -
c'est-à-dire en écoutant des arguments dont il reconnaît la
validité, bien qu'il ne les ait pas découvert lui-même. Il
n'apprend pas au sens où l'on apprend d'un explorateur en acceptant
comme une vérité les descriptions de choses qu'on ne peut pas
voir soi-même.
Puisque l'homme responsable arrive à des
décisions morales qu'il s'impose sous forme d'impératifs, nous
pouvons dire qu'il se donne des lois, qu'il est l'auto-législatif. En
bref, il est autonome. Comme l'a montré Kant,
l'autonomie morale est une combinaison de liberté et de
responsabilité ; c'est la soumission à des lois que l'on s'est
donné. Dans la mesure où il est autonome, l'homme n'est pas
soumis à la volonté d'autrui. Il peut faire ce qu'un autre lui
ordonne mais pas parce qu'on le lui a ordonné. Il est
donc, au sens politique du mot, libre." 174(*)
L'acception, à la lecture de ce texte, de la possible
existence d'un problème métaphysique voire moral de la
liberté ne préfigure pas, pour les anarchistes, qu'il ne peut
exister de problème politique de cette même liberté.
Christian Delacampagne dans son dernier ouvrage sur La philosophie
politique aujourd'hui175(*) nous en donne la raison :
" Parce que, à partir du moment où l'on se
situe dans une perspective démocratique, à partir du moment que
l'autonomie (individuelle ou collective) doit être
préférée, en toutes circonstances, à son contraire
- la liberté cesse d'être un mythe ou un mystère. Elle
devient, tout simplement, une manière d'être. Un style.
L'étoffe de l'existence." 176(*)
Cependant l'étude historique des sociétés
humaines nous révèlent tout autant, en politique que dans la vie
en général, les hommes abdiquent souvent leur autonomie. Il y a
plusieurs causes à cela et plusieurs arguments ont tenté de le
justifier. Le propos de ce présent mémoire n'est pas de recenser
toutes les causes et arguments qui ont tenté de justifier cet
état de fait. Nonobstant, parmi les plus anciens, on trouve
l'affirmation de Platon suivant laquelle les hommes doivent se soumettre
à l'autorité de ceux qui ont la connaissance, la sagesse ou
l'intuition plus développées177(*). Une version moderne plus élaborée
prétend que la partie éduquée d'une population
démocratique a plus de chance d'être politiquement active et qu'il
vaut mieux que la partie ignorante de l'électorat reste passive puisque
son entrée dans l'arène politique ne ferait qu'aider les
démagogues et les extrémistes. Un certain nombre de
politologues178(*) ont
même été jusqu'à prétendre que l'apathie des
masses était une source de stabilité et donc une bonne chose.
Cette brève démonstration justifie parfaitement
le point fondamental de la philosophie politique des anarchistes, à
savoir la négation de l'autorité " déléguée
" à des mandataires instituée par les différentes
démocraties comme principe d'organisation sociale et politique. Pour les
anarchistes, cette autorité est la légitimation dont se parent
les gouvernements de toute nature pour exercer le pouvoir, c'est-à-dire
pour légiférer et imposer les lois qu'ils édictent. Cette
organisation hiérarchisée s'illustre par le schéma
classique de la pyramide, le sommet, détenteur de l'autorité,
imposant à la base ses décisions par l'intermédiaire
d'étages successifs d'agents d'exécution, dont le nombre
s'accroît en même temps que décroît le pouvoir au fur
et à mesure que ces étages se rapprochent de la base.
Cependant l'organisation sociale est un fait et une
nécessité. Le besoin d'ordonnancement et de coordination des
activités et des fonctions de chaque agent géographique
nécessite d'être régi par des règles qu'elles soient
écrites, tacites, codifiées. La complexité du monde
moderne rendent ces structures sociales (l'ensemble des règles) tout
autant indispensables dans une société libertaire que dans une
société autoritaire. La solution consistant, pour les
anarchistes, de les faire dépendre et exister, non plus du principe
d'autorité mais d'appliquer à celles-ci le principe contraire de
liberté ou de libre-examen.
En d'autres termes le fédéralisme ne doit
être qu'une forme de coordination, un lien structurel du bas vers le
haut, du plus simple au plus complexe, qui permette la prise en charge par tous
de la gestion de la société, par rapport à ses aspirations
et à ses besoins sur la base de la libre association des uns aux autres.
Le terme plus précis de libre-association est d'ailleurs le terme
initialement utilisé par les premiers praticiens de l'anarchisme
à partir du congrès de Saint-Imier en 1870179(*). Cette idée est
constante chez Reclus ou Kropotkine180(*) : le principe de la libre-association étant
celui de la fédération, telle qu'elle a été
définie par Proudhon. Les "collectivités" de la Révolution
espagnole de 1936 sont les témoins historiques les plus appliqués
de cet héritage idéologique181(*).
Le fédéralisme libertaire de Proudhon repose sur
l'alliance, le contrat182(*). Néanmoins, cette :
"...convention par laquelle une ou plusieurs personnes
s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à faire ou à ne pas
faire quelque chose. " 183(*)
ne peut exister qu'entre individus égaux et libres et
diffère du contrat social tel qu'il a été définit
par Rousseau. En effet, pour Proudhon :
" Peut-on dire que dans une démocratie
représentative et centralisatrice, dans une monarchie constitutionnelle
et censitaire, à plus forte raison dans une république
communiste, à la manière de Platon, le contrat politique qui lie
le citoyen à l'État soit égal et réciproque ?
Peut-on dire que ce contrat, qui enlève aux citoyens la moitié ou
les deux tiers de leur souveraineté et le quart de leur produit, soit
renfermé dans de justes bornes ? il serait plus vrai de dire, ce que
l'expérience confirme trop souvent, que le contrat, dans tous ces
systèmes, est exorbitant, onéreux, puisqu'il est, pour une partie
plus ou moins considérable, sans compensation ; et aléatoire,
puisque l'avantage promis, déjà insuffisant, n'est pas même
assuré.
Pour que le contrat politique remplisse la condition
synallagmatique et commutative que suggère l'idée de
démocratie ; pour que, se renfermant dans de sages limites, il reste
avantageux et commode à tous, il faut que le citoyen en entrant dans
l'association, 1° ait autant à recevoir de l'État qu'il lui
sacrifie ; 2° qu'il conserve toute sa liberté, sa
souveraineté et son initiative, moins ce qui est relatif à
l'objet spécial pour lequel le contrat est formé et dont on
demande la garantie à l'État. Ainsi réglé et
compris, le contrat politique est ce que j'appelle une
fédération. " 184(*)
Le contrat fédératif tel qu'il est pensé
par Proudhon comprend donc un aspect incitatif et un aspect " contraignant ".
Notons que la contrainte du pacte fédératif est une contrainte
librement consentie et égalitairement négociée. Celle-ci
n'est en aucun cas le moteur de la motivation - comme dans le discours des
partisans de l'autorité où celle-ci apparaît comme une
notion subsidiaire185(*)
- et ne peut donc, lui être rappelée lors de phase de
découragement ou de relâchement. Seules des solutions de
réorganisation doivent être conjointement élaborées
pour qu'une activité redevienne gratifiante pour l'agent
géographique et la collectivité concernés. Il
découle de cette définition du fédéralisme
libertaire que la prise en main de la vie sociale, économique, politique
et culturelle doit être assumée et assurée par les
individus et les collectivités d'individus eux-mêmes. Sans vouloir
rentrer dans le détail de la réalisation pratique de telle
politique autogestionnaire, nous pouvons en esquisser les grands traits pour
éclaircir notre propos.
" Les grandes orientations économiques,
culturelles, politiques sont discutées et validées lors
d'assemblées des Fédérations, de réunions de
Communes ou de Quartiers par la population186(*). Des individus sont mandatés pour coordonner
la mise en application des politiques ainsi définies et des
équipes sont chargées d'étudier et de préparer des
projets, d'entretenir les relations entre les fédérations et de
faire circuler les informations. Si les mandatés prennent des
initiatives, ils le font dans le strict cadre de leurs mandats, ils n'ont pas
de pouvoir décisionnel à proprement parler. Ils ne disposent
d'aucun moyen coercitif pour imposer ces décisions et peuvent être
révoqués à tout moment s'ils ne respectent pas leurs
obligations." 187(*)
Le fédéralisme met en valeur le principe de
liberté qui ne peut conférer aux représentants
(délégués) qu'un pouvoir d'exécution : les
décisions sont prises à la base et exécutées par
ceux qu'on nomme à cet effet. Dans ce cas, l'agent géographique
ne se trouve possesseur d'aucune autorité particulière mais est
seulement le mandataire d'un choix et de décisions prises en commun. La
pyramide dont il a été précédemment
mentionné, qui illustre le modèle hiérarchique
disparaît et devient un cercle dont le point central n'est plus qu'un
organisme de coordination et d'exécution. Le fédéralisme
est un mode d'organisation multiforme (producteurs, consommateurs,
habitants...) qui ne préjuge en rien de son aire spatiale car l'ensemble
des associations préfigure un rets à mailles souples.
L'observation de la vie sociale actuelle révèle
déjà que la société n'apparaît plus comme un
ensemble d'individus liés entre eux par une relation univoque mais
plutôt comme un entrecroisement d'individus et de réseaux. En
effet, nous pouvons constater que, d'un côté, nous vivons tous et
toutes dans des lieux : une ville, une région ; de l'autre, nous
exerçons des activités spécifiques : notre métier,
nos études, notre art, et sur un plan plus ludique, nos loisirs. Le
fédéralisme constitue le principe politique d'envergure qui
simultanément régente et articule la double dimension de toute
organisation humaine : économique, la fédération des
associations ; administrative, la fédération des communes tout en
restant susceptible d'être étendu au monde entier. Le temps
imparti à la réalisation du présent mémoire ne
permet pas d'étudier plus profondément l'évolution des
rapports des sociétés libertaires à leur espace et
à leurs territoires telles qu'elles ont été
relevées au cours des rares phases révolutionnaires où le
projet libertaire a été mis en pratique. Il serait
nécessaire de procéder à ce travail comparatif de la
modification géographique de l'organisation de l'espace (étude
morphologique des divers réseaux mis en place) survenue lors des
événements historiques où des exemples d'organisation
humaine libertaire ont eu lieu (Espagne, Ukraine, Hongrie, par exemple) afin de
mieux quantifier et qualifier un système de gestion des
sociétés basé sur le respect et la mise en valeur de
l'agent géographique en terme de politique d'aménagement du
territoire.
2.2.2 Le municipalisme libertaire : un maillage territorial
valorisant l'individu.
L'idée du " municipalisme libertaire " ou communalisme
est aussi ancienne que l'anarchisme. Avec l'organisation professionnelle, la "
commune " constitue un des fondements du projet libertaire tel qu'il a pu
être pensé et mis en oeuvre par les premiers anarchistes, de
Proudhon à Bakounine et Kropotkine, et surtout les milliers de
militants, en Espagne et ailleurs, qui ont entrepris de donner corps à
ce projet. Le débat actuel autour du municipalisme libertaire doit
beaucoup aux travaux et à la réflexion de Murray
Bookchin188(*)
sûrement - que l'on partage ou non ses idées - le plus important
des théoriciens libertaires contemporains. Le livre de Janet Biehl
Le municipalisme libertaire189(*) qui nous propose un résumé du
municipalisme libertaire tel qu'il est développé par Murray
Bookchin, va nous servir de support au même titre que des articles de
militants libertaires parus dans la revue La Griffe.190(*)
Bookchin rappelle tout d'abord comment le projet
révolutionnaire libertaire a été pensé à
partir de deux grands domaines de l'activité sociale et humaine : le
lieu où l'on travaille et le lieu où l'on vit ; l'atelier et
l'usine, le quartier et la commune. En partie sous l'influence du marxisme et
de sa vision étroitement économiste de la lutte
révolutionnaire, mais aussi dans le contexte industriel de la fin du
dix-neuvième siècle et de la première moitié du
vingtième, l'anarchisme a cependant été conduit à
surtout privilégier la lutte ouvrière, à mettre au premier
plan les revendications économiques et à reprendre à son
compte le rôle messianique dévolu par l'ensemble des courants
socialistes au " prolétariat "191(*). Ce faisant, il minimise une partie de
lui-même, et plus particulièrement la dimension universaliste et
éthique qui s'attache à la commune, à son rôle
globalement transformateur, comme espace multifonctionnel tenant à tous
les aspects de la vie humaine, comme cadre possible :
" (...) d'une société libératrice,
enracinée dans l'éthique non-hiérarchique d'une
unité des diversités, de l'auto-éducation et de
l'autogestion, de la complémentarité et de l'entraide. "
192(*)
Pour Bookchin, le strict espace du travail, ne peut en rien
être le cadre d'une action émancipatrice, comme 150 ans d'histoire
ouvrière permettent de le comprendre. Si les idéologues
intéressés du socialisme autoritaire ont pu
célébrer le " prolétaire " et autre variante de "
l'ouvrier-masse ", c'est justement parce que l'usine, bien loin de permettre
aux ouvriers de s'unir et d'agir pour leur émancipation, a surtout servi
à les dresser aux réflexes de la subordination et à
l'obéissance ; d'abord au profit du patronat, puis des bureaucraties
syndicales et communistes du socialisme dit " réel ". Bookchin
démontre aussi comment les mouvements ouvriers libertaires, loin de
correspondre aux images d'Epinal de l'ouvrier, véhiculées par les
différents courants marxistes, émergent des " classes en
transition " issus du monde rural ou de l'émigration (en Espagne, en
France, en Italie ou en Russie par exemple). La force révolutionnaire de
ce prolétariat naissant (et qui justement refuse le sort de "
prolétaire " qui les attend), ne s'exprime pas d'abord dans l'usine,
dans les rets disciplinaires et idéologiques des relations de travail,
mais en dehors de l'usine, dans les bourses du travail, dans les
athénées, les unions locales, lorsqu'ayant déposé
leurs habits de travail, ils vont s'instruire, faire de la musique, du
théâtre, dénoncer le travail et discuter d'une
transformation radicale du monde. L'intégration dans l'industrie de ces
couches ouvrières révolutionnaires, leur soumission au seul
horizon de l'usine et de la condition ouvrière, se sont traduites
aussitôt par la disparition du syndicalisme révolutionnaire (ou
anarcho-syndicalisme), par le double triomphe de l'embrigadement du communisme
autoritaire et de l'absence d'horizon du corporatisme, avant qu'en
disparaissant à son tour, ce monde de l'usine et de l'industrie ne
limite plus le combat ouvrier qu'à des revendications purement
défensives et, finalement à la seule défense, sans
espoirs, d'un monde industriel oppressif en déclin que les ouvriers
anarchistes avaient d'abord vainement tenté de
détruire.193(*)
A la courte existence d'une condition ouvrière dans
laquelle le mouvement libertaire a pu tout d'abord investir l'essentiel de ses
forces et de ses espoirs, Bookchin oppose la longue durée et les
perspectives de la commune, l'autre perspective révolutionnaire
imaginée par les premiers anarchistes. Héritier d'une longue
tradition théorique du mouvement anarchiste (Proudhon, Bakounine,
Kropotkine, Reclus, Landauer), Bookchin montre l'importance de la naissance des
cités dans la possibilité pour les sociétés
humaines d'inventer des relations sans domination et sans oppression. Des
cités grecques à la Commune de Paris, en passant par les villes
libres du moyen âge et les assemblées de sections parisiennes de
la révolution française, les expériences de l'association
communale indiquent nettement, malgré leur caractère souvent
éphémère, partiel ou soumis aux rapports d'oppression de
leur époque, une voie originale d'émancipation trop longtemps
négligée par le mouvement libertaire et qui, pour Bookchin, exige
impérativement de réhabiliter la notion de politique.
En effet, parce qu'il s'est d'abord identifié au
mouvement ouvrier, l'anarchisme a longtemps opposé le social au
politique, ce dernier étant assimilé à l'État.
L'expérience historique du communalisme exige au contraire d'une part de
distinguer nettement entre le politique et l'étatique, d'autre part de
relativiser les possibilités d'autonomie du social. Comme l'avait bien
vu Proudhon194(*),
l'origine de l'État est directement liée à cette
donnée essentielle du social que constitue la famille ; et ses formes
modernes peuvent être caractérisées par une absorption du
social par l'État à travers les très nombreux et
tentaculaires appareils administratifs qui gèrent tous les aspects de
notre vie (santé, éducation, sécurité,
communication ...) La naissance des cités et les expériences
communalistes à caractères révolutionnaires correspondent
au contraire à une autre voie possible de développement humain,
à une résistance originale à la domination étatique
et à l'invention d'une action collective réellement "politique".
La notion de " corps " politique prend ici toute son
importance. L'assemblée communale et ses formes de fonctionnement n'ont
rien à voir avec l'abstraction d'une politique soumise à
l'État où le citoyen se transforme en électeur anomique et
le peuple en " masse ", en agglomération compacte de monades. La "
cité " capable de mettre en oeuvre la démocratie libertaire n'est
pas, de son côté, la " ville " au sens géographique du
terme, cette urbanisation absurde où l'individu se perd dans la foule et
s'accroche au petit royaume illusoire de sa famille et de son pavillon de
banlieue. La " cité " émancipatrice, c'est un :
" corps politique délibératif, rationnel et
éthique " nous dit Bookchin, "un lieu de discours, de
rationalité partagée, de libre expression et de modes de prises
de décision radicalement démocratique ". 195(*)
Communes et quartiers (dans les villes importantes) forment
alors des " communautés " d'un type nouveau, capables d'intégrer
l'étranger et de réguler toutes les différences ; une
association à proprement parler " politique " à laquelle Bookchin
confie deux tâches essentielles :
- absorber les anciennes prérogatives de
l'État, remplacer la démocratie représentative par la
démocratie directe qu'autorise le cadre des communes et des quartiers,
remplacer les liaisons verticales, hiérarchiques et autoritaires par la
libre association horizontale des cités, transformer les êtres
humains, d'objets passifs en acteurs actifs.
- absorber le social dans le politique, permettre à
toutes les singularités et diversités de vie, de goût et
d'activité (professionnelles ou non), à tout ce qui fait la "vie
privée" de se fondre lentement dans la vie publique, de se transformer
radicalement dans le "corps" politique, dans la rationalité
émancipatrice de ses échanges et de ses prises de
décision.
Les aspects pratiques du municipalisme libertaire reposent
sur deux fondements principaux. Les élections municipales doivent
d'abord servir de moment et de lieu d'éducation populaire, pour ensuite
servir de base de légitimation.
La proposition de Bookchin consiste en un
démantèlement du pouvoir détenu dans une
municipalité par l'hôtel de ville en créant des
assemblées locales (de quartier, de rue...) qui ont pour but
d'évoluer dans une première phase de manière
parallèle en attendant d'acquérir une légitimité
qui leur permette de la supplanter. Afin d'organiser cette passation de pouvoir
Bookchin se propose de remplir trois objectifs principaux :
- L'utilisation des scrutins municipaux comme tribune
d'éducation populaire avec le but précis de développer et
de faire connaître le municipalisme libertaire en familiarisant la
population avec ces idées.
- La création d'assemblées populaires sur des
espaces géographiques qui permettent une gestion directe des affaires
publiques. Ces espaces émancipatoires sont orientés vers
l'apprentissage de l'auto-gouvernement. C'est dans ces assemblées que
doit se recréer un espace politique.
- La présentation d'équipes de municipalistes
libertaires à des postes électifs de la municipalité qui
permettront de demander une légitimation des assemblées
populaires là où il n'en disposent pas ou d'accroître leurs
prérogatives là où ces institutions existent
déjà. A cet effet et pour éviter toute dérive, les
municipalistes libertaires disposeront d'un programme clair et organisé
en demande minimale et maximale (par exemple si la demande minimale est de
modifier la charte de la ville, la demande maximale correspondante sera la
démocratie directe.). Ces représentants seront liés par un
mandat impératif et révocable à tout moment, la
participation à l'exécutif étant par avance exclue.
Les habitants d'un quartier ou d'une ville concerné se
positionnent et décident dans ces assemblées en tant que
citoyens. Après le temps de leur émergence, vient celui de leur
légitimation. Cette légitimité, les assemblées
l'acquiert par leur expérience, leur persistance et le " lobbying "
exercé par les municipalistes libertaires élus. Dès lors,
la plus grande importance sera accordé à la mise en place de la
tension avec l'État, c'est-à-dire démontrer le
caractère inconciliable de la commune autogérée et du
fonctionnement hiérarchique et délégataire de
l'État ( par Etat, il est entendu toute les institutions administratives
au-dessus de la commune).
Il est évident que la simple présentation de la
pensée de Bookchin est un peu réductrice à ce stade de
notre rédaction. Le débat est instauré au sein du
mouvement libertaire. Les discussions autour du thème des
élections sont un sujet récurrent pour les anarchistes. Non sans
raison, les sceptiques affirment que l'intervention municipale est le tremplin
et la rampe de lancement de nombreux opportunistes en politique et ils ne
voient pas comment l'on pourrait éviter la cohabitation avec des
apprentis politiciens ; l'enchevêtrement des lois et des
règlements administratifs et budgétaires constitue, toujours pour
les opposants à toute participation électorale, le second point
sur lequel l'expérience des municipalistes libertaires risquent de se
heurter violemment. L'exemple français est à ce propos
révélateur. Toute initiative municipale est contrée par
deux contre-pouvoirs supérieurs : le préfet annule tous
édits qui bafouent les lois républicaines ; tout citoyen peut
faire appel au Conseil d'État pour faire examiner une décision
d'un organisme publique.
Nous devons reconnaître aussi que le municipalisme,
comme intervention anarchiste, est peu présent dans l'histoire des
sociétés humaines. Dans les années 1950 quelques
expériences ont été menées en Suède et en
Argentine, néanmoins peu de comptes-rendus ont été
publiés196(*).
Une seule expérience a été menée en France, dans un
petit village du Nord, Merlieux, et seule la presse militante anarchiste l'a
relatée197(*).
Néanmoins, nous devons prendre en compte la demande renouvelée de
la part des citoyens à la participation active des affaires publiques
depuis quelques années. Même si le taux de participation aux
diverses élections, y compris au niveau municipal, vient contrecarrer
cette opinion, l'agent géographique est demandeur d'un système
démocratique où toutes les composantes de la
société soient associés aux divers processus de
décision.
Cependant la lutte communaliste que Bookchin appelle de ses
voeux, participe, et tous les militants anarchistes le reconnaissent, à
la formation politique des agents géographiques. Pour lui, la lutte pour
l'autogestion politique des cités et des quartiers est forcément
porteuse d'une volonté de démocratie et d'action directe, d'une "
dimension populiste utopique " d'égalité et de liberté
capable d'entraîner l'ensemble de la société dans une vaste
dynamique de transformation de la société. A condition toutefois,
précise-t-il, peut-être parce qu'il n'est pas lui-même
complètement convaincu de cette dynamique, ni du caractère
spontané de l'action possible des différentes classes et
catégories sociales marginalisées, que :
"... leur volonté d'investir dans le municipalisme
libertaire, comme de leur capacité à vaincre par
elles-mêmes les obstacles qu'un tel projet ne manquerait pas de susciter
en cas de début de réalisation, soit précéder de la
volonté de construire "un mouvement libertaire hautement conscient, bien
organisé et cohérent dans ses buts", seul capable à ses
yeux semble-t-il, de guider le peuple politique vers son avènement, de
permettre aux "assemblées populaires communales" d'atteindre le niveau
d'une vie publique pleinement libertaire, de donner naissance à un corps
politique authentiquement libertaire. " 198(*)
Stimulantes pour la réflexion, les thèses de
Bookchin sur le municipalisme libertaire ont l'immense mérite de
permettre le débat. Le municipalisme libertaire représente sans
doute selon lui :
" la dernière chance qui s'offre à un
socialisme orienté vers des institutions populaires
décentralisées ; sauf à transformer l'anarchisme en un
"domaine de pureté éthérée et d'abstraction, en
donnant ainsi raison à Adorno quand il décrit l'anarchisme comme
un fantôme ". 199(*)
Bookchin peut alors dénoncer un certain type de
critique dont il ne doute pas que ses propositions feront l'objet :
" Les fantômes qui nous hantent, s'il y en a, sont
le dogmatisme et la raideur rituelle dont l'inflexibilité est si grande
qu'elle nous fait glisser vers un état intellectuel de rigidité
de même nature que l'engourdissement qui s'installe dans un corps
gelé dans l'éternité de la mort ". 200(*)
2.2.3 La création d'espaces "
émancipatoires "
La mise en pratique de processus démocratiques
radicalement nouveaux (le municipalisme libertaire, l'organisation
fédérale anarchiste...), intégrant l'agent
géographique au coeur de la collectivité multiculturelle moderne
implique la recherche et la création d'espaces adéquats
d'expression continue. Ceux-ci doivent constituer l'articulation vitale de
fonctionnement ; des lieux spatio-temporels de mise en synergie des optima
individuel et collectif afin que les systèmes libertaires d'organisation
de la société (le fédéralisme, le municipalisme
tels qu'ils ont été précédemment définis)
puissent être opérationnels.
Dans un premier temps l'utilisation d'une sémantique
précise doit nous permettre une meilleure compréhension du
concept utilisé. Ensuite, les domaines d'application vont traduire dans
l'organisation de la société l'opérationnalité de
ce même concept.
1 - Des vocables significatifs
Les finalités des espaces " émancipatoires "
sont doubles :
- 1° répondre aux sollicitations diverses et
permanentes de chaque agent géographique,
- 2° constituer les lieux de débats et de
médiation de toutes sortes que la collectivité ne peut manquer de
nécessiter pour le plein épanouissement "démocratique" de
son fonctionnement.
La mise entre parenthèse du mot démocratie dans
la phrase précédente n'est pas fortuite. Elle va nous servir de
prétexte à expliciter la signification du concept d'espace "
émancipatoire " et de préciser la qualification de la
démocratie que nous voulons utiliser dans ce présent
mémoire, et tel que nous l'envisageons dans une logique libertaire de
gestion de l'espace sociétal inspiré par un raisonnement
anarchiste. La conception philosophique anarchiste telle qu'elle a
été dévoilée au cours de ce mémoire
implique, l'utilisation d'une série lexicale précise qui
caractérise au mieux la rupture radicale de l'anarchisme
vis-à-vis du capitalisme et de l'État.
Se basant sur l'étymologie grecque cratos qui
signifie pouvoir, il convient, face à la hantise d'excès
de pouvoir de la part des anarchistes, d'envisager de proposer un terme plus
approprié. Nous suggérons le terme
acratie où le suffixe cratie est
associé au préfixe a exprimant la
négation. Si ce vocable n'est pas mentionné dans les
dictionnaires français, il est néanmoins couramment
utilisé par les libertaires espagnols pour se définir. De
surcroît, elle semble résoudre les interrogations sur le principe
de la démocratie, le problème des excès et des limites du
pouvoir et la capacité de modification d'une construction politique.
Roger Dadoun201(*)
propose un autre élément en faveur de l'utilisation de ce mot.
Selon lui, Charles Péguy en 1904, dans une conférence
méconnue et intitulée De l'anarchisme politique202(*) :
" prend soin de distinguer, en tenant compte de
l'étymologie et de la production consécutive des notions, entre
anarchie, au sens classique du terme : à savoir rejet des
autorités de commandement telles que l'exercent des régimes comme
la " monarchie " ou l' "oligarchie ", et acratie, vocable neuf servant à
exprimer une donnée nouvelle : la récusation de l'autorité
de commandement telle qu'elle se manifeste dans une " démocratie ".
"
La notion d'espace public qui est au coeur du fonctionnement
démocratique mérite, elle aussi nous semble-t-il, d'être
précisée dans une optique libertaire. Habermas203(*) l'a repris à Kant qui
en est probablement l'auteur et en a popularisé l'usage dans l'analyse
politique depuis les années 1970. Il le définit comme :
" ... la sphère intermédiaire qui s'est
constituée historiquement, au moment des Lumières, entre la
société civile et l'État. C'est le lieu accessible
à tous les citoyens, où un public s'assemble pour formuler une
opinion publique. Cette " publicité " est un moyen de pression à
la disposition des citoyens pour contrer le pouvoir de l'État."
204(*)
Toujours selon Habermas et Wolton, c'est l'apparition de
l'État-providence qui a perverti ce mécanisme de concertation
démocratique en le transformant en :
" (...) un espace symbolique où s'opposent et se
répondent les discours, la plupart contradictoires, tenus par les
différents acteurs politiques, sociaux, religieux, culturels,
intellectuels, composant une société. " 205(*)
La notion d'espace "
émancipatoire " que nous proposons, veut
valoriser la liberté individuelle dans une continuité d'
auto-formation de l'identité et du raisonnement individuel. Ce n'est
plus l'aboutissement d'un certain niveau d'émancipation politique
produite par la démocratie en vue de constituer un contre pouvoir
à des excès plausibles, mais plutôt le lien organique entre
trois éléments fondamentaux d'une véritable acratie : le
besoin de dialogue et d'échange, l'accès à
l'éducation politique permanente, le droit au jugement et à
l'action. Si nous faisons un parallèle avec les caractéristiques
politiques des démocraties grecques, il apparaît, dans la
conception que nous faisons des espaces " émancipatoires ", que le droit
pour tous de parler à l'Assemblée (ou Ecclésia)
est valorisé par la présence de l'aspect éducatif (ou
paidéia) dans le sens où ils forment, aussi le
développement des vertus morales, du sens de la responsabilité
civique, de l'identification consciente avec la communauté tout en
proposant des instances décisionnelles (ou graphé
paranomon) et surtout, en n'excluant aucune catégorie sociale ou
ethnique, au contraire des démocraties antiques. C'est une donnée
fondatrice de l'idéal anarchiste et non plus un espace de
médiation rendu indispensable pour la survie de la démocratie.
2 - Des niveaux imbriqués.
L'espace " émancipatoire " des anarchistes,
témoin d'une acratie en mouvement perpétuel, se doit d'être
une réalité spatio-temporelle souple et évolutive,
où l'expression publique et contradictoire des informations, des
opinions, des intérêts et des idéologies puisse
déboucher sur des programmes d'actions concrets et contrôlables
par ceux-là qui les ont élaborés. Par
réalité spatio-temporelle nous entendons le caractère non
permanent de ces espaces. Ils se doivent d'être présents et
opérationnels lorsque la demande ou le besoin s'en fait sentir et ceci
à tous les niveaux scalaires de l'organisation humaine.
Qu'ils se situent à l'échelle de la commune, du
quartier, de la ville, de la région comme du ponctuel, du permanent, de
l'urgent ; qu'ils se nomment "athénées", "associations",
"conférence de citoyens", "assemblées", "réseaux
Internet", "référendums", "forums" ces espaces "
émancipatoires " doivent être opérationnels et constituer
le rets organique de la société anarchiste future.
Notre volonté de construire la compréhension de
l'anarchisme par l'incorporation théorique du concept d'espace "
émancipatoire " repose sur le paradigme du fondement idéaliste
rousseauiste de l'harmonie de la nature et de la bonté humaine.
Fondement inspirateur de la pensée d'Élisée Reclus. En
effet, le géographe et l'anarchiste qu'il est simultanément,
reste persuadé que l'éducation renforcera le potentiel de "
progrès " de chaque homme et que l'égalité
économique (car pour lui, et les libertaires, il ne peut exister
d'égalité politique sans égalité économique)
corrigera les phases de " régrès " encore perceptibles.
Conclusion :
La géographie libertaire a
survécu à de multiples obstacles. Qu'ils soient d'ordre
institutionnel ou politique, elle a résisté jusqu'à
mériter aujourd'hui une nouvelle lecture et une étude
dénuée de préjugés . Face à
l'institutionnalisation de l'école française de
géographie, insufflée avec le succès que l'on sait par
Vidal de la Blache, face aux positions politiques des diverses classes
dirigeantes d'autrefois comme d'aujourd'hui, la géographie sociale des
deux plus grands géographes anarchistes connus à ce jour que sont
Élisée Reclus et Pierre Kropotkine dont nous avons tenté
partiellement de dévoiler les conceptions théoriques et
épistémologiques, a réussi à surmonter les
processus d'exclusion divers que la structure universitaire et le milieu
politique et médiatique lui avaient opposé205(*). Les raisons de cette
survivance et de l'intérêt pour une étude renouvelée
sont certainement à chercher sur le terrain du positionnement
scientifique singulier de ce courant de la géographie dite critique.
Tout au long de ce présent mémoire, nous
pensons avoir mis en évidence la place centrale accordé à
l'individu ou l'agent géographique par Kropotkine et Reclus. L'agent
géographique considéré comme être social avant tout
est au coeur de leur problématique géographique dans une
tentative de compréhension de l'organisation territoriale du monde.
L'adéquation de leurs fondements moraux, reposant sur les principes
philosophiques de Godwin voire de Guyau dans lesquels l'homme doit être
considéré comme l'objet central de toute attention et
considération, avec leur démarche de géographe, aboutit
à la constitution d'une approche scientifique qui se démarque par
quelques traits spécifiques.
Leurs approches sont globalisantes avec un souci permanent de
mise en valeur des interactions entre milieux naturels et milieux humains (nous
retrouvons ici, leurs volontés communes de maintenir l'unité
disciplinaire de la géographie). L'un, en l'occurrence
Élisée Reclus, a mieux précisé le concept de milieu
en lui attribuant une double dimension constituée d'un milieu-espace et
d'un milieu-temps avec des processus différenciés (il
complète sa démonstration en distinguant un milieu statique
lié aux faits inhérents de la nature et un milieu dynamique
propre aux faits socio-économique de l'activité humaine).
L'autre, Pierre Kropotkine, a clairement explicité les raisons de son
rejet de la méthode dialectique et de l'adoption de la philosophie
synthétique comme base méthodologique de ses futurs travaux.
Selon lui, cette philosophie doit expliquer par phases successives les
principes fondamentaux de la vie terrestre et offrir une clef de lecture
globale pour une meilleure compréhension de l'organisation du monde.
Nous avons vu également comment, pour Élisée Reclus, cette
vision synthétique repose sur l'existence de deux pôles
antinomiques que sont le progrès et ce qu'il appelle le "
régrès " . La clé de compréhension
générale de la distribution des sociétés humaines
réside, toujours selon lui, dans une juste appréciation du
perpétuel équilibre dynamique qui réside entre ces deux
pôles constitutifs.
La pensée libertaire qui alimente les travaux de ces
deux géographes permet de comprendre les raisons d'une recherche fiable
d'un cadre politico-scientifique cohérent où la place nodale de
l'action humaine est au coeur de leurs travaux. Pour reprendre une expression
de Paul Claval, ils ne décrivent pas un univers
irénique. Ils sont conscients que le monde est construit sur
l'existence d'un rapport de forces permanent et donc que la géographie
ne peut être que politique. L'interpellation qui découle de ce
fait historique par les géographes anarchistes consiste à
élaborer un système de gestion des espaces territoriaux
respectueux de l'agent géographique dans son intégrité
morale et politique. C'est cette réflexion de base qui a initié
notre travail de recherche dans la mesure où nous tentions de savoir si,
premièrement, des théoriciens avaient réfléchi
à cette problématique précise, deuxièmement, des
modèles opérationnels avaient été conçus et,
dernièrement, des outils spécifiques avaient été
élaborés.
Au terme de cette étude sur ce questionnement initial
et central, nous ne pouvons nous empêcher de souligner qu'une
étude plus ciblée sur certains points du positionnement
scientifique singulier des premiers géographes anarchistes aurait
incontestablement amené quelques éclaircissements bienvenus. La
divergence idéologique concernant l'acceptation ou le refus de la
méthode dialectique de type hégélien comme approche
scientifique par les géographes libertaires mérite à n'en
pas douter un approfondissement. La pauvreté du langage conceptuel de la
fin du dix-neuvième ne doit pas être non plus
considéré comme un obstacle insurmontable à une
interprétation comparative de l'histoire de la géographie. Il
serait bon de souligner objectivement l'importance accordée à
certains domaines géographiques par les géographes anarchistes,
nous pensons en particulier à la géographie urbaine. Des
comparaisons avec des écoles de pensée politique, comme
l'école marxiste, ou géographique comme l'école
vidalienne, auraient permis, à n'en pas douter, de mieux
révéler la portée de notre étude. Ce sont là
quelques limites fixées à notre étude qui nous ont,
malgré les lectures préparatoires, gênées pour une
démonstration plus approfondie et surtout plus convaincante.
La réflexion engagée autour des concepts
d'optimum individuel et d'optimum collectif a cependant montré la
cohérence de la théorie sociale des anarchistes. Les fondements
de la théorie anarchiste reposent sur la présence de deux
principes incontournables : l'égalité et la liberté. Notre
approche de la problématique libertaire de la géographie
d'Élisée Reclus et de Pierre Kropotkine nous a contraint à
privilégier l'abord d'une réflexion sur la liberté. Comme
nous l'avons vu, la volonté constante de la part des anarchistes de
constituer le fondement de la réflexion sociale autour du principe
inaliénable de la liberté de l'agent géographique marque
l'ancrage philosophique des anarchistes dans la continuité philosophique
de la pensée humaine. Même conscient, que l'aspect juridique de
l'antinomie individu-collectivité aurait apporté un nouvel
éclairage sur notre propos, nous avons, néanmoins, mis en
évidence que pour les anarchistes l'agent géographique et la
société sont deux entités complémentaires et
inséparables. La société est une condition de sa
libération, affirment avec force les théoriciens anarchistes.
Bakounine ne dit-il pas la même chose dans une brochure intitulée
La Commune de Paris et la notion d'État de 1871 :
" Nous sommes convaincus que toute la richesse du
développement intellectuel, moral et matériel de l'homme, de
même que son apparente indépendance, que tout cela est le produit
de la vie en société. "
Les concepts d'optimum individuel et d'optimum collectif
révèlent que ces deux éléments conceptuels sont les
composants indispensables pour une véritable synergie
opérationnelle entre les moyens et la fin de la théorie sociale
des anarchistes. La mise en évidence de la particularité de la
pensée libertaire, en proposant une adéquation, voire une fusion
entre les moyens et la fin, fait que le programme social élaboré
par les théoriciens anarchistes paraît cohérent dans sa
conception et débouche sur l'élaboration de deux outils
politiques applicables par l'ensemble des agents géographiques en vue
d'une gestion harmonieuse de la société humaine : le
fédéralisme et le municipalisme libertaires.
Notre travail, en démontrant la
nécessité, pour les anarchistes, de créer des espaces
émancipatoires, participe, nous semble-t-il, à valoriser l'aspect
éducatif du projet libertaire. Le droit à l'expression pour tous
qui favorise la formation des vertus morales individuelles et développe
le sens de la responsabilité civique des agents géographiques
sans aucune exclusion sociale ou ethnique doit permettre, selon le projet
anarchiste, à concrétiser les espoirs de ceux qui les mettent
dans un progrès qui permettrait enfin de surmonter toutes les
contradictions actuelles des différents systèmes politiques
existants.
A ce stade de la conclusion, il apparaît qu'une
étude morphologique comparative des réseaux ainsi qu'une analyse
de cas à des niveaux scalaires différents (communes,
collectivités, régions, infrastructures de transport ou de
communications) d'organisation territoriale issus des expériences
libertaires, aurait constitué un axe de recherche intéressant et
certainement nécessaire à une bonne lecture spatiale du projet
libertaire tel qu'il a été présenté dans ce
présent mémoire. Nous devons reconnaître que la lecture
cartographique des phénomènes décrits est aussi absente de
notre étude que des ouvrages consultés pour la réalisation
de ce travail. Seul l'article de Myrna Margulies Breitbart :
Décentralisme anarchiste dans l'Espagne rurale, 1936-1939 :
l'intégration de communautés et environnement incorpore deux
schémas sur les modifications morphologiques effectuées au niveau
d'un quartier de Barcelone et au niveau régional. Les géographes
devraient trouver là une source d'inspiration pour de futurs travaux
à partir des archives espagnoles sur la guerre civile, par exemple.
Nonobstant, ce travail a toujours voulu déboucher sur
une contribution (si modeste soit-elle) aux divers champs théoriques de
la géographie. La géographie historique ainsi que la
théorie de la formation socio-spatiale dans leurs tentatives de
définir les différents niveaux de configurations spatiales
résultant de formes de pouvoirs spécifiques s'enrichiraient
peut-être en incorporant un niveau supplémentaire (indiqué
ci-dessous) aux quatre définis par Claval. Qu'il nous soit permis de
présenter cette rapide contribution à une étude future
plus approfondie sur cette thématique :
Les 5 niveaux de pouvoir
|
Les formes spatiales
|
le pouvoir " pur "
|
mailles serrées
|
l'autorité
|
maillage commode
|
des " jeux d'influences "
|
réseaux associatifs
|
la " domination inconsciente "
|
réseaux associatifs
|
la " gestion acratique "
|
rets fédératifs libertaires
|
La réalisation de ce mémoire " incomplet " comme
tout travail de recherche permet, me permet, de répondre positivement
aux questions initiales. Existe-t-il un projet de société
cohérent et crédible qui respecte et valorise le rôle et la
place de l'agent géographique considéré comme unité
de référence et élément primordial de
l'émergence d'une société " civile " qui disposerait des
moyens politiques suffisants pour annihiler les inacceptables
inégalités de notre monde moderne ? L'activité militante
croissante contre la mondialisation de l'économie, la marchandisation de
la vie et la prise en compte des problèmes environnementaux,
impulsée, entre autre, par la Confédération Paysanne en
France, laisse présager du désir de contrôle et d'action de
la part des " citoyens du monde " dans une perspective " acratique ", à
l'image d'un José Bové nous révélant que les
théoriciens et militants anarchistes ont largement contribué
à son éducation militante 206(*).
Bibliographie.
Si une organisation bibliographique basée sur le plan
adopté du présent mémoire nous impose de
répéter certaines références, il nous semble
opportun d'offrir au chercheur - futur ou nouveau - une bibliographie minimale
à l'approche de chaque partie abordée dans ce travail de
recherche. Les références bibliographiques complémentaires
des notes de bas de page du texte principal sont soulignées. La liste
bibliographique suit la norme AFNOR 44 005 ou ISO 690.
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MARICOURT Thierry. Histoire de la
littérature libertaire.
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Dardilly : Les Amis de Réfractions, 1998.- 192p.
RECLUS Élisée. La France. Paris :
Hachette, 1877.- volume 2 NGU, 961p.
RECLUS Élisée. L'homme et la terre.
Bruxelles : Librairie Universelle, 1905.- 6 vol., 3545p.
RECLUS Élisée. L'évolution, la
révolution et l'idéal anarchique. Paris : Stock, 1979.-
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RECLUS Élisée. La peine de mort.
Bruxelles : Pensée et Action, 1879 ?- 7p.
RECLUS Élisée. L'Anarchie et
l'Église. Paris : La Brochure Mensuelle, 1923.- 14p.
RECLUS Élisée. Origines de la morale
et de la religion. Herblay : Idée Libre, sd, 31p.
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Pau : CNT, n°3,1993.- 19p.
RECLUS Élisée. L'Anarchie. Pau :
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RECLUS Élisée. Discours sur la
Révolution russe. 1905 ?- 3p.
RECLUS Paul. Les frères Reclus ou du protestantisme
à l'anarchisme.
Paris : Les Amis d'Élisée Reclus, 1964.-
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REYNAUD-PALIGOT Carole. Les Temps Nouveaux
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Pantin : Acratie, 1993.- 123p.
SARRAZIN Hélène. Élisée Reclus
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Paris : La Découverte, 1985, 262p.
VICENTE MOSQUETE Maria Teresa. Eliseo Reclus : la
geografia de un anarquista.
Barcelone : Los libros de la Frontera, 1983.- 304p.
2.1. Aspects libertaire du rôle de l'agent
géographique
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CLASTRES Pierre. La société contre
l'Etat. Paris : Les éditions de Minuit, 1982.- 187p.
CLASTRES Pierre.Recherches d'anthropologie politique.
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GODWIN William. Et l'euthanasie du gouvernement. Lyon
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GUYAU Jean-Marie. Esquisse d'une morale sans
obligation, ni sanction.
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KROPOTKINE Pierre. L'entraide. Paris : Editions de
l'entraide, 1979.6 356p.
LEVAL Gaston. L'individualiste et l'anarchie.
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PROUDHON Pierre Joseph. Idée générale
de la Révolution.
Paris : Collection anarchiste, 1979.
VERNANT Jean-Pierre. Il faut constamment
étendre les libertés, si nous ne voulons pas les voir
périr. Le Monde du 8 juin 1993.
WEBER Max. Le savant et le politique. Paris : 10/18,
1996.
WEIL Simone. Réflexions sur les causes de la
liberté et de l'oppression sociale.
Paris : Gallimard, 1955.
2.2.1. Le fédéralisme
libertaire
ABENSOUR Miguel. La Démocratie contre
l'Etat. Marx et le moment machiavélien.
Paris : PUF, 1997.- 115p.
L'anarchisme aujourd'hui. Un projet pour la
Révolution sociale.
Paris : Monde libertaire, 1999, 48 p.
ARENDT Hannah. Qu'est-ce que la politique ?
Paris : Seuil, 1995.
BAKOUNINE Michel. Dieu et l'Etat. Paris : Mille et
une nuits, 1997.- 94p.
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Champ Libre, 1982.
BALKANSKI Georges. La collectivisation. Paris
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BANCAL Jean. Proudhon et l'autogestion.
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Paris : Spartacus, 1977.- 95p.
BERNERI Camillo. OEuvres choisies. Paris :
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refaire, pour une écologie de la liberté.
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l'homme. Paris : Seuil, 1986.
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autogestionnaire. Pau : CNT, sd., n° 7, 38p.
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Toulouse : Association Internationale des Travailleurs, sd.,
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positif. Essai d'interprétation anarchiste du monde moderne. Lyon :
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1971.
KANT Emmanuel. Opuscules sur l'Histoire. Paris
: Garnier-Flammarion, 1990.
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pratique dans le droit politique.
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KROPOTKINE Pierre. L'éthique. Paris : Stock,
1927.
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constructive de la Révolution
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LEVAL Gaston. L'Etat dans l'histoire. Paris :
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révolutionnaire. Paris : Maspéro, 1976.- 380p.
PAZ Abel. Un anarchiste espagnol Durruti.
Paris : Quai Voltaire, 1993.- 498p.
PEIRATS Jose. Les anarchistes espagnols.
Révolution de 1936 et luttes de toujours.
Toulouse : Repères-Silena, 1989.- 331p.
PROUDHON Pierre Joseph. Idée générale
de la Révolution.
Paris : Collection anarchiste,1979.
PROUDHON Pierre Joseph. Du principe
fédératif. Paris : Rivière, 1959.
Proudhon. Itinéraire n° 7. Chelles
: Itinéraire, 1990.- 68p.
ROUSSEAU Jean-Jacques. Du contrat social ou principes du
droit politique. Paris, 1762.
SAHLINS Marshall. Age de pierre, âge
d'abondance. Paris : Gallimard, 1976.
SAHLINS Marshall. Au coeur des sociétés :
raison utilitaire et raison culturelle.
Paris : Gallimard, 1991.
SOUCHY Augustin. Collectivisations : l'oeuvre
constructive de la révolution espagnole.
Toulouse, 1937.
SPINOZA Baruch. Traité
théologico-politique. Paris : GF-Flammarion, 1965.
TROCHET Jean-René. Géographie historique.
Hommes et territoires dans les sociétés
traditionnelles. Paris : Nathan, 1998.- 254p.
VOLINE. La révolution inconnue. Russie
1917-1921. Paris : Belfond, 1986.- 734p.
WALTER Nicolas, Pour l'anarchisme. Volonté
Anarchiste n° 37 : Fresnes-Antony, 1991.
2.2.2. Le municipalisme libertaire
DELACAMPAGNE Christian. La philosophie politique
aujourd'hui.
Paris : Seuil, 2000.- 245p.
GUILLAUME James. L'Internationale. Documents et
souvenirs.
Paris : Champ libre, 1985.- 2 vol., XXp.
BIEHL Janet. Le municipalisme libertaire.
Montréal : Ecosociété, 1998.- 299p.
MINTZ Frank. L'autogestion dans l'Espagne
révolutionnaire. Paris : Maspéro, 1976.- 380p.
PAPY Louis (dir). Les espagnols et la guerre civile.
Biarritz : Atlantica, 1999.- 441p.
PLATON. Le Politique. Paris :
Garnier-Flammarion, 1967.
WOLFF Robert-Paul. Defense of anarchism. New-York :
Harper and Row, 1970.
STRAUSS Léo. Qu'est-ce que la philosophie
politique ? Paris : PUF, 1982.
Le nouveau visage de la barbarie capitaliste et
étatiste. Paris : Monde Libertaire, sd, 59p.
Le municipalisme libertaire (dossier). La Griffe.
Lyon : 5, rue Sébastien Gryphe, n° 16,
février 2000.
MELLA Ricardo. Coopération libre et
communautés. Paris : Contre-courant, 1956.- 7p.
PELLETIER Philippe. Les nouveaux territoires de
l'Etat. Etat, politique, anarchie.
Lyon : ACL, 1993.- pp.XX
PUENTE Isaac. Le communisme libertaire. Paris
: Volonté anarchiste n° 35, 1989.- 45p.
2.2.3. Les espaces " émancipatoires
"
BRETON Roland. Peuples et États.
L'impossible équation. Paris : Flammarion, 1998.- 127p.
CASTEL Robert. Les métamorphoses de la
question sociale. Paris : Fayard, 1995.
Citoyenneté et société.
Paris : Cahiers français n° 281, 1997, 83p.
DADOUN Roger. L'acratie européenne, un avenir
possible. Etat, politique, anarchie.
Op. cit., pp. 31-36.
FINLEY I. Moses. Démocratie antique et
démocratie moderne. Paris : Payot, 1994.- 181p.
FINLEY I. Moses. L'invention de la politique.
Paris : Flammarion, 1985.
HABERMAS Jürgen. De l'éthique à
la discussion. Paris : Gallimard, 1992.
HABERMAS Jürgen. Droit et démocratie.
Entre faits et normes. Paris : Gallimard, 1997.
HASSENTEUFEL Patrick. L'Etat-providence, ou les
métamorphoses de la citoyenneté. L'Année
sociologique, 1996.- 46 n° 1, pp. 127-149.
LOBRANO G. Peuple et citoyens selon le droit
romain. Méditérranées, 1997.- 12, pp. 59-71.
MEISTER Albert. La participation dans les
associations. Paris : Les éditions ouvrières, 1974.
MUHSAM Erich. La République des conseils de
Bavière. Munich du 7 novembre 1918 au
13 avril 1919 suivi de La société
libérée de l'Etat.
Paris : La Digitale / Spartacus, 1999.
WOLTON Dominique. Penser la communication. Paris :
Flammarion, 1997.
Conclusion
BOURDIEU Pierre. La misère du monde.
Paris : Seuil, 1993.- 568 p.
CLAVAL Paul. Espace et pouvoir. Paris : PUF,
1979.
DI MEO Guy. L'Homme, la Société,
l'Espace. Paris : Anthropos, 1991.
DOLFUSS Olivier. La mondialisation. Paris :
Sciences-Po, 1997.- 166 p.
Manière de voir. Monde
Diplomatique. N° 5 : Le triomphe des inégalités.
1989.- 98p.
Manière de voir. Monde Diplomatique.
N° 41 : Un autre monde est possible. 1998.- 98p.
Manière de voir. Monde Diplomatique.
N° 50 : Soulager la planète. 2000.- 98p.
Tables des matières.
Introduction 3
Chapitre 1 - La géographie libertaire : une
lecture de l'espace
fondamentalement globale
12
1.1. Les méthodes scientifiques de Kropotkine,
géographe et anarchiste 13
1.1.1. Le refus de la méthode dialectique de
Kropotkine 14
1.1.2. Inscription dans une philosophie synthétique
19
1.2. Le positionnement
épistémologique et scientifique d'Élisée Reclus
27
1.2.1. La géographie d'Élisée Reclus
27
1.2.2. Les conceptions scientifiques d'Élisée
Reclus 30
1 - Le positionnement
épistémologique 30
2 - La démarche scientifique
31
3 - La méthodologie
préconisée 32
4 - L'approche géographique
34
1.3. Les lois " réclusiennes " de la
compréhension du monde 37
1.3.1. La " lutte des classes " ou la critique de la
domination 37
1.3.2. La recherche de l'équilibre
41
1.3.3. La décision souveraine de l'individu
42
Chapitre 2 - La traduction spatiale de la
géographie libertaire 46
2.1. Aspects libertaire du rôle de l'agent
géographique 47
2.1.1. Définition et
contenu du concept " d'optimum individuel " 47
2.1.2. Définition et contenu du concept " d'optimum
collectif " 52
2.2. La synthèse libertaire 63
2.2.1. Le fédéralisme
libertaire : des agents géographiques partenaires 63
2.2.2. Le municipalisme libertaire : un
maillage territorial
valorisant l'individu 70
2.2.3. La création d'espaces " émancipatoires
" 76
1 - Des vocables
significatifs 76
2 - Des niveaux
imbriqués 78
Conclusion 80
Bibliographie 85
ÉPILOGUE.
Soutenance présentée le 30 juin
2000
Membres du Jury :
Mademoiselle Laplace Danielle,
Maître de
Conférence à l'UPPA
Monsieur Berdoulay
Vincent,
Professeur de Géographie à l'UPPA, Chercheur
au CNRS
Monsieur Soubeyran Olivier,
Professeur de Géographie
à l'UPPA, Chercheur au CNRS
Conclusions unanimes du jury
:
Excellent travail de recherche
répondant aux exigences inhérentes au D.E.A. L'excellent
exposé des concepts d'agents
géographiques et
d'espaces émancipatoires,
à forte définition géographique
ainsi que l'affirmation et la confirmation du refus de la
méthode dialectique de la
part des géographes libertaires proposent de véritables pistes de
recherches sur des domaines aussi variés que les espaces publics, la
géo-histoire, l'organisation territoriale...tout en constituant une
contribution majeure à l'épistémologie de la
géographie. Ce travail mérite une divulgation dans le milieu
universitaire. La rédaction d'un article doit être soumis à
deux ou trois revues de géographie, telles
Géographies et Cultures, L'Espace
géographique par exemple.
Relevé de notes
Noms des enseignants et intitulés des cours du
tronc commun* Note obtenue
Vincent BERDOULAY
Géographie de la modernité : Epistémologie,
Histoire des idées. 12.50
Guy DI MEO et Francis
JAUREGUIBERRY
Méthodologie de la recherche en géographie humaine
et Sciences Sociales 12.00
Xavier PIOLLE et Jean-Luc
BONNEFOY
Territoires, réseaux et aménagement de l'espace
10.00
André ETCHELECOU
Démographie et aménagement de l'espace
14.00
Christian DESPLAT
Sociétés locales : normes et pratiques (fin
Moyen-Age - début XIX° siècle) 12.00
Jean-Jacques LAGASQUIE
Méthodologie d'étude du paysage 8.00
Olivier SOUBEYRAN
Fondement et évolution de la pensée
aménagiste 11.00
Moyenne des cours/20 11,36
Mémoire de stage*
Agents géographiques et société libertaire -
recueil de documents 16.00
(sous la direction de Vincent BERDOULAY)
Mémoire de DEA* :
Agents géographiques et société
libertaire
(sous la direction de Vincent BERDOULAY 16.00
(mention Très Bien, avec félicitations
du jury)
MOYENNE GENERALE /20 14.61
Mention générale** : Bien
* Les cours représentent 30% de la note globale
* Le mémoire de stage représente 20% de la note
globale
* Le mémoire de DEA représente 50% de la note
globale
* 12/20 = AB 14/20 = B 16/20 = TB
* 1 Selon J.Habermas les
sciences dont l'orientation est de nature critique procèdent de cette
visée d'émancipation, La technique et la science comme
idéologie. Paris : Denoël/Gonthier, 1973.
* 2 Souligné par nos
soins.
* 3 La terre, tome II,
p.622 cité par B.Giblin dans L'homme et la terre, 1982,
p.64.
* 4 Montesquieu. L'esprit
des lois. Paris : Garnier-Flammarion, 1979. Chapitres XIV et XVII.
* 5 Reclus Élisée.
L'homme et la terre. Bruxelles : Librairie Universelle, 1905. Volume
1, p.37 et 38.
* 6 Ibid., p. 38.
* 7 Ibid, p.110.
* 8 Revue des Deux
Mondes, Vol. 54, 15 décembre 1854, pp. 762-771. Ce texte a
été reproduit intégralement dans Les Cahiers
Élisée Reclus, n° 4, mars 1997, et partiellement dans
l'ouvrage de Cornuault Joël Élisée Reclus,
étonnant géographe. Périgueux : Fanlac, 1999, 155 p.
* 9 Souligné par nos
soins.
* 10 Pinchemel Philippe et
Geneviève. La face de la terre. Eléments de
géographie. Paris : A.Colin, 1992. p. 16.
* 11 Voir plus haut, la
définition d'agent du Petit-Robert.
* 12 La face de la
terre... Op. cit., p. 16.
* 13 " Savoir et action
géographiques alimentent une pensée et s'en nourrissent tout
à la fois.(...) Savoir, action, pensée sont
indissociables. " Ibid, pp.16-17.
* 14 Revue Historiens et
Géographes n° 367, pp. 69-70.
* 15 Desrosières A.
Masses, individus, moyennes : la statistique sociale au XIX°
siècle. Paris, Hermès, 1988.
* 16 Comité
interministériel d'aménagement et de développement du
territoire (CIADT) du 15 décembre 1997.
* 17 Lettre de la DATAR
n°161, janvier 1998.
* 18 Extrait du discours du
ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement à
ce même CIADT.
* 19 Dans le sens grec du
terme, c'est-à-dire l'éducation sociale et sociétale du
citoyen.
* 20 Clark John P. La
pensée sociale d'Élisée Reclus, géographe
anarchiste. Lyon : ACL, 1996, 146p.
* 21 - Le Monde
Libertaire (hebdomadaire de la Fédération Anarchiste
francophone) n° 1065 du 2 au 8 janvier 1997 ; n° 1079 du 10 au 16
avril 1997 et n° 1085 du 22 mai au 28 mai 1997 ;
- Revue Réfractions n°4 : Espaces
d'anarchie". Dardilly : Les Amis de Réfractions, 1999.
* 22 Colloque International
des 27/28/29 octobre 1999 : L'anarchisme a-t-il un avenir ? Histoire de femmes,
d'hommes et de leurs imaginaires. Organisé par le GRHI (Groupe de
Recherche en Histoire Immédiate) de l'Université de Toulouse Le
Mirail, le Centre de sociologie des représentations et des pratiques
culturelles de l'Université de Grenoble et de l'Atelier de
Création Libertaire de Lyon. Les actes du colloque doivent
paraître durant l'année 2000.
* 23 Chardak date et
décrit leur rencontre après février 1877. Chardak
Henriette. Élisée Reclus, une vie. L'homme qui aimait la
Terre. Paris : Stock, 1997, pp. 329 et s.
* 24 Vol. 2, pp. 350-359.
Cité par Pelletier Philippe, Itinéraire n°3 :
"Kropotkine". Chelles, Itinéraire, 1988, 51 p.
* 25 Publié dans la
revue Nineteen Century, vol 18-106, pp. 940-956 sous le titre anglais
: What geography ought to be. Cité par Pelletier Philippe dans
la revue Itinéraire n°3 : "Kropotkine". Chelles,
Itinéraire, 1988, 51 p.
* 26 Traduit par nos soins
à partir de l'ouvrage de Breitbart : Geografia y anarquismo.
Barcelona, Oïkos-tau, 1989, pp. 51-75.
* 27 Pour employer un
vocabulaire géographique contemporain, l'équivalent de la
biogéographie actuelle.
* 28 Pour employer un
vocabulaire géographique contemporain, l'équivalent de la
géographie humaine actuelle. Kropotkine, plus loin dans ce même
article, explicite le contenu de cette quatrième branche des
connaissances géographiques, il inclut la distribution et la
répartition des familles humaines à la surface du globe ;
l'adaptation des sociétés humaines à la nature qui
l'entoure ( l'environnement ?) ; les courants migratoires ; le milieu urbain,
sa naissance et son développement ; les subdivisions
géographiques de territoires en bassin-versant naturels.
* 29
Itinéraire n°3 : "Kropotkine". Ibid., p. 65.
* 30 Ibid p.65.
* 31 Tout récemment
réédité dans sa version originale par les éditions
Phénix à Paris.
* 32 Les écrits de
Kropotkine ont été publiés en très nombreuses
langues, mais en français peu sont en librairie. On ne trouve que
Communisme et anarchie chez L'Esprit frappeur (1998), l'Entraide,
un facteur de l'évolution aux éditions de l'Entraide (1979),
l'Ethique chez Stock (1979), les Mémoires d'un
révolutionnaire aux éditions Scala (1989) ; on ne trouve que
difficilement des rééditions de La grande révolution
et La conquête du pain aux éditions du Monde Libertaire
(respectivement en 1989 et en 1975), de La morale anarchiste paru chez
Volonté Anarchiste (1989), ou encore les Paroles d'un
révolté chez Flammarion (1978) - tous ces livres sont
publiés à Paris -, Le principe anarchiste aux Cahiers
Libertaires (Pau : 1998) ; quant à La science moderne et l'anarchie
il vaut de 200 à 300 F chez les bouquinistes. Notice
rédigée grâce aux renseignements fournis par Enckell
Marianne du Centre International de Recherches sur l'Anarchisme à
Lausanne (Suisse).
* 33 La forme sociale
dépend du mode de production, lequel est déterminé par
"l'environnement naturel" : cf. Marx Karl dans Le Capital.
* 34
Itinéraire n°3 : "Kropotkine". Ibid., p. 19-20.
* 35 On peut citer quelques
oeuvres essentielles : Laplace : Exposition du système du Monde
; Smith : L'origine des sentiments moraux ; Holbach :
Système de la Nature ; Godwin : Enquête sur la
justice politique et son influence sur la vertu et le bonheur universels,
sans oublier Diderot : l'Encyclopédie ou Rousseau : Du
contrat social.
* 36 * Berdoulay Vincent.
La formation de l'école française de géographie.
Paris : CTHS, 1995, Chapitre quatrième pp. 109-139.
* Claval Paul. Histoire de la Géographie
française de 1870 à nos jours. Paris : Nathan, 1998, 543 p.
* 37 Et non en 1899 comme le
mentionne Heiner Becker dans l'Introduction à La grande
révolution. 1789-1793. Paris : Editions du Monde Libertaire, 1989.
p.471.
* 38 Dans l'ouvrage
rédigé par le neveu d'Élisée Reclus et
intutilé Les Frères Élie et Élisée
Reclus ou du Protestantisme à l'Anarchisme. Paris : Les amis
d'Élisée Reclus, 1964, il est mentionné page 89, la
précision suivante : " Il avait été nettement entendu lors
de la conclusion du traité (entre la maison d'édition Hachette et
le géographe) que c'était une oeuvre géographique, et que
l'auteur devait être très réservé en ce qui touchait
toutes les questions religieuses, sociales, politiques..."
* 39 Kropotkine Pierre.
Préface à La science moderne et l'anarchie. Paris :
Stock, 1913, 391p.
* 40 Peet Richard. The
development of radical geography, 1977, in the United States in
Radical Geography. Chicago, pp. 6-33.
* 41 "Rappelons que
l'idée directrice de l'oeuvre de Herbert Spencer (1820 - 1903) est celle
d'évolution naturelle, en vertu d'une loi du passage fatal de
l'homogène à l'hétérogène, de
l'indéfini au défini, du simple au complexe". Pelletier Philippe
cité dans La Culture libertaire. Lyon : ACL, 1997 pp.245.
* 42 Kropotkine Pierre.
Mémoires d'un révolutionnaire. Paris : Scala, 1989 p.
415-416. (Edition conforme à la première édition en
français paru en 1898 sous le titre Autour d'une vie.
* 43 Ibid., p.VI-VII.
* 44 Ibid., p. VIII.
* 45 Pour reprendre une notion
essentiellement kantienne.
* 46 La science moderne et
l'anarchie. Op. cit., pp. 10-12.
* 47 Ibid., p. 10.
* 48 Ibid., p. 11.
* 49 Ibid., p. 33 et 34.
* 50 Ernestan. Pages
choisies. Paris : La Ruche Ouvrière, 1966, p. 128.
* 51 La science moderne et
l'anarchie. Op. cit., p. 48.
* 52 Ibid., p. 48.
* 53 Mis en italique par
Kropotkine lui-même avec cette précision : "Il eût mieux
valu dire : cinétique ; mais cette expression est moins
connue." p.46.
* 54 Ibid., p. 21.
* 55 Ibid., p. 388.
* 56 Mémoires d'un
révolutionnaire. Op. cit., p. X.
* 57 La science moderne
et l'anarchie. Op. cit., pp. 351-353
* 58 La première
référence bibliographique nous venant à l'esprit est
l'ouvrage suivant : Introduction à la géographie humaine
d'Antoine Bailly et de Hubert Béguin.
* 59 " Ajoutons encore un
mot. La recherche scientifique n'est fructueuse qu'à condition d'avoir
un but déterminé : d'être entreprise avec l'intention de
trouver une réponse à une question nette, bien posée. Et
chaque investigation est d'autant plus fructueuse que l'on voit mieux les
relations qui existent entre la question que l'on se pose et les lignes
fondamentales de notre conception générale de l'univers, La
science moderne et l'anarchie. Op. cit., p. 50
* 60 Geografia y
anarquismo. Op. cit., pp. 155-193.
* 61 Professeur de sociologie
à Paris 8 et militant anarchiste.
* 62 Propos tenus lors de
l'Atelier 4 : Des savoirs libertaires ? durant le colloque de Toulouse.
* 63 C'est à partir
d'observations sur les populations animales que Kropotkine acquiert l'intuition
de l'aide mutuelle comme facteur d'évolution. Dans son ouvrage :
L'entraide, facteur d'évolution il développe cette
théorie en l'étendant au règne humain à travers
l'étude des cités du moyen-âge, par exemple.
* 64 Bakounine Michel :
Dieu et l'État. Paris : Mille et une nuits, 1996. p. 143.
* 65 Pour plus de
détails concernant sa vie, voici les quatre biographies en
français les plus importantes :
· Reclus Paul. Les frères Reclus ou du
protestantisme à l'anarchisme. Paris : Les Amis
d'Élisée Reclus, 1964. 209p.
· Sarrazin Hélène.
Élisée Reclus ou la passion du monde. Paris : La
Découverte,1985. 262p.
· Gonot Roger. Élisée Reclus.
Prophète de l'idéal anarchique. Pau : Covedi, 1996.
203p.
· Chardak Henriette. Élisée Reclus,
une vie. L'homme qui aimait la Terre. Paris : Stock, 1997. 592p.
* 66 Giblin
Béatrice.L'homme et la terre. Op. cit., volume 1, p.31
* 67 Extrait de
l'introduction inédite à l'édition américaine de
La Terre par Marsh en 1871, traduite de l'américain par
Cornuault Joël et publiée dans Les Cahiers Élisée
Reclus n° 20, janvier 1999.
* 68 Reclus Paul. Op. cit.,
p. 89.
* 69 Giblin Béatrice.
Op. cit., volume 1, p.50.
* 70 Scheibling Jacques.
Qu'est-ce que la Géographie ? Paris : Hachette, 1994, 199p. : "
La publication de sa Géographie universelle en 19 volumes (de
1875 à 1894), qu'il rédige seul, a une audience limitée.
"
* 71 Geddes Patrick. A
Great Geographer : Élisée Reclus in Ishill Joseph.
Élisée and Élie Reclus. Berkeley Heights, New
Jersey : The Oriole Press, 1927, p. 155.
* 72 Dunbar S.Gary.
Élisée Reclus : Historian of Nature. Hamden : Archon
Books, 1978. p. 95.
* 73 Brunhes Jean et
Girardin Paul. Conceptions sociales et vues géographiques : La vie
et l'oeuvre d'Élisée Reclus. In Revue de Fribourg n°4,
avril 1906, pp. 274-287 et n°5 mai 1906, pp. 355-365. Republié
récemment dans Les Cahiers Élisée Reclus
n°27, novembre 1999 et n°28, janvier 2000.
* 74 C'est son neveu Paul
qui va se charger de la parution des cinq derniers volumes.
* 75 Reclus Paul. Op. cit.,
209 p.
* 76 Voir ses derniers mots
de l'introduction de L'homme et la terre.
* 77. Voir le chapitre
La géographie critique dans l'ouvrage Les concepts de la
géographie humaine, Bailly A. et al. Paris : Colin, 1991. p.141et
151.
* 78 Mis entre guillemets
par nos soins.
* 79 Lacoste Yves.
Géographicité et géopolitique. Dans la revue
Hérodote n°22, 1981 pp.14-55. Texte repris en 1990 dans
l'ouvrage : Paysages Politiques. Paris : Livre de poche
p.200.
* 80 Il est bon de rappeler
que L'homme et la terre devait initialement s'intituler L'Homme,
géographie sociale. Lettre d'Élisée Reclus du 5 juin
1895 in 81 Reclus Paul. Les frères Reclus ou du
protestantisme à l'anarchisme. Paris : Les Amis
d'Élisée Reclus, 1964, p. 145.
* 82 L'homme et la
terre. Op. cit., volume 6, p.531.
* 83 L'homme et la
terre. Op. cit., volume 5, p.335.
* 84 L'homme et la
terre. Op. cit., volume 1, p.108.
* 85 Si le terme de
mésologie a longtemps été désuet, avant
d'être exhumé et dépoussiéré par le
géographe Augustin Berque, Louis-Adolphe Bertillon, un des fondateurs de
l'anthropologie française, est le créateur du terme en le
définissant comme l'étude des relations réciproques de
l'organisme et de son environnement avec une prise en considération des
agents physiques et aussi des faits culturels : rapports sociaux,
éducation, lois, moeurs. D'après les notes de Berque Augustin
dans Le sauvage et l'artifice. Les Japonais devant la nature. Paris :
Gallimard, 1986, 316 p. et mentionné dans la revue
Itinéraire. Élisée Reclus. Chelles, 1998,
n°14-15, 109 p.
* 86 Drummond H. Ascent
of Man. Cité par Reclus Élisée. L'homme et la
terre. Bruxelles : Librairie Universelle, 1905, volume 1, p. 35.
* 87 " Et maintenant, je
vous le demande, pourquoi ne décidez-vous pas vous-même s'il est
vrai - oui ou non - que dans tout organisme la cellule obéit à
ses affinités ? Vous n'avez pas raison, pour vous faire une opinion,
d'opposer naturaliste à naturaliste (Haeckel à de Lanessan). Tous
sont d'accord au fond, quels que soient les sophismes qu'ils mettent en avant
pour justifier les inégalités dont ils profitent, car d'ordinaire
chacun professe la moralité de son intérêt. Un professeur
qui fait partie, comme Haeckel, de la "garde du corps" des Hohenzollern, ou
bien un autre professeur qui veut soumettre les hommes à la domination
des savants, comme Huxley, peuvent, tant qu'il leur plaira, opposer la
tête au ventre, le fluide nerveux à la lymphe ; ils sont bien
tenus de déclarer aussi que la cellule, comparable à l'homme dans
la société, s'associe et se dissocie sans cesse (...)". Lettre de
juin 1888 d'Élisée Reclus à Renard, auteur d'un Essai
sur le socialisme. Citée par Paul Reclus. Op. cit., p. 122.
* 88 L'homme et la
terre. Op. cit., volume 1, p. 110.
* 89 Sol, climat, genre de
travail et de nourriture, relation de sang et d'alliance, mode de groupement
selon Reclus.
* 90 Le salaire, le
patronage, le commerce, la circonscription d'État selon Reclus.
* 91 L'homme et la
terre. Op. cit., volume 1, p. 37.
* 92 L'homme et la
terre. Op. cit., volume 1, p. 111.
* 93 Boino Paul,
géographe et urbaniste : Plaidoyer pour une géographie
reclusienne in "Réfractions " Dardilly, n°4, automne
1999, p. 25-38.
* 94 Rosnay de Joël.
Le macroscope, vers une vision globale. Paris : Seuil, 1977, 346 p.
* 95 Claval Paul.
Histoire de la géographie. Paris : PUF. 1995 p. 76 : "
Élisée Reclus excelle dans la description. Il n'a jamais fait
l'effort de systématiser la notion de région..." Les idées
régionalistes, auxquelles se réfère ici Claval, remontent
au tout début du dix-neuvième siècle (Voir Berdoulay
Vincent. La formation de l'école française de
géographie. Paris : CTHS, 1995 pp. 132 )
* 96 Rioux Michel. Essai
de sociologie critique. Montréal : Hurtebise-HMH, 1978.
* 97 Pelletier Philippe.
John Clark analysant Élisée Reclus ou comment prendre ses
désirs pour des réalités. Dans l'hebdomadaire
Le Monde Libertaire n° 1065 du 2 au 8 janvier 1997 et dans
L'enjeu intellectuel et politique d'Élisée Reclus.
Réponse à John P. Clark du n° 1085 du 22 au 28 mai
1997.
* 98 Élisée
Reclus, L'évolution, la Révolution et l'Idéal
anarchique. Paris : Stock, 1979, pp.23-24. Consultable sur le site
Internet de l'Université de Montpellier.
* 99 L'homme et la
terre. Op. cit., volume 6, p. 512 et 526.
* 100 Vandermotten
Christian. La pensée d'Élisée Reclus et la
géographie de la Belgique en son temps, paru dans les actes du
colloque Élisée Reclus. Revue belge de
Géographie, 1986, p. 70-94.
* 101 Giblin
Béatrice. Op. cit.
* 102 L'homme et la
terre. Op. cit., volume 1, p. IV de l'introduction. Nous avons
conservé les caractères typographiques de l'auteur.
* 103
L'évolution, la révolution et l'idéal anarchiste.
Op. cit. et tout récemment réédité par
Phénix éditions dans la Bibliothèque libertaire et
anarchiste. 1999, 314 p.
* 104 Pour avoir une vision
complète de ses oeuvres, il est souhaitable de consulter l'excellent
site Internet de l'Université de Montpellier consacré à sa
bibliographie : http ://alor.univ-montp3.fr/RA_Forum/Reclus/
* 105 Au sujet de
l'inventeur du concept de "lutte de classes" que l'on peut attribuer à
Marx, nous pouvons apporter ces deux précisions :
A- Selon Delacampagne Christian dans La philosophie
politique aujourd'hui. Paris : Seuil, 2000, p. 94 : Marx lui-même a
reconnu, dans une lettre à Engels du 27 juillet 1854, que son propre
concept de "lutte des classes" devait à la théorie de la "guerre
des races" propagée par les historiens "bourgeois" Thierry et Guizot -
lesquels avaient eux-mêmes trouvé la théorie en question
chez Boulainvilliers.
B- Selon Marx lui-même : "Maintenant, en ce qui me
concerne, ce n'est pas à moi que revient le mérite d'avoir
découvert l'existence des classes dans la Société moderne,
pas plus que la lutte qu'elles s'y livrent. Des historiens bourgeois avaient
exposé bien avant moi l'évolution historique de cette lutte des
classes et des économistes bourgeois en avaient décrit l'anatomie
économique. Ce que j'ai apporté de nouveau, c'est :
1°) de démontrer que l'existence des classes n'est
liée qu'à des phases historiques déterminées du
développement de la production ;
2°) que la lutte des classes mène
nécessairement à la dictature du prolétariat ;
3°) que cette dictature elle-même ne
représente qu'une transition vers l'abolition de toutes les classes et
vers une société sans classes ". Marx Karl dans une lettre
à Weydemeyer J. datée du 5 mars 1852.
* 106 L'homme et la
terre. Op. cit., volume 6, p. 256.
* 107 Godwin William.
Et l'euthanasie du gouvernement. Lyon : ACL, 1993, 151 p. Textes
traduits et présentés par Thévenet Alain.
* 108 Proudhon Pierre
Joseph. Qu'est-ce que la propriété ? Paris : Flammarion,
1966, 315 p.
* 109 L'entraide, un
facteur de l'évolution. Op. cit., 356 p.
* 110 L'homme et la
terre. Op. cit., volume 6, p. 258.
* 111 L'évolution,
la révolution et l'idéal anarchique. Op. cit., p. 98-99.
* 112 L'homme et la
terre. Op. cit., volume 5, p. 416.
* 113 L'évolution,
la révolution et l'idéal anarchique. Op. cit., p. 98.
* 114 Pour une analyse plus
fine des thèses distributistes : Lambert Jean-Paul. Le socialisme
distributiste. Paris : L'Harmattan, 1998, 189 p. ou la revue La Grande
Relève BP 108, 78110 Le Vésinet.
* 115 Godwin William. Et
l'euthanasie du gouvernement. Op. cit., p. 21.
* 116 L'homme et la
terre. Op. cit., volume 6, p. 324.
* 117 Ibid.
* 118 " Le savoir dirigera
bientôt le pouvoir ". affirme-t-il dans L'évolution, la
révolution et l'idéal anarchique. Op. cit., p. 175.
* 119 L'évolution,
la révolution et l'idéal anarchique. Op. cit., p. 176.
* 120 Reclus
Élisée. Pourquoi sommes-nous anarchistes. Brochure de
1889. Consultable sur le site Internet de l'Université de
Montpellier.
120 Proudhon Pierre Joseph. Idées
générales de la révolution au 19° siècle.
Paris : FA, 1979, 255 p.
* 121 Clark John. Op. cit.,
p.58.
* 122 La Terre.
Op. cit., volume 2, p. 434.
* 123
L'évolution, la révolution et l'idéal anarchique.
Op. cit., p. 50.
* 124 Extrait du texte :
Développement de la liberté dans le monde dans Reclus
Paul. Op. cit., p. 50.
* 125 La partie 2 du
présent mémoire va développer cet aspect.
* 126 Godwin William. Et
l'euthanasie du gouvernement. Lyon : ACL, 1993, p. 26.
* 127 Reclus
Élisée. L'évolution, la révolution et
l'idéal anarchique. Paris : Stock, 1979, p. 103.
* 128 Reclus
Élisée. L'homme et la terre. Bruxelles : Librairie
Universelle, 1905, volume 6, p. 506.
* 129 La partie 2 du
présent mémoire va développer cette distinction avec la
définition des concepts d'optima individuel et collectif.
* 130 Reclus
Élisée. Nouvelle Géographie Universelle. Paris :
Hachette, 1868, volume 1, p. III.
* 131 Et l'euthanasie du
gouvernement. Op. cit., p. 41.
* 132 Kropotkine Pierre.
L'éthique. Paris : Stock, 1927, chapitre XIII, pp. 375-388.
* 133 Godwin William.
Essays never before published. Londres : H.S. King et Co, 1873.
* 134 Rousseau
Jean-Jacques. Du contrat social ou principes du droit politique.
Paris, 1762, chapitre 1° (ouvrage consulté sur le réseau
Internet à l'adresse suivante : www.gallica.bnf.fr ).
* 135 Bakounine Michel.
Dieu et l'État. Paris : Mille et une nuits, 1997, 94 p. ; Leval
Gaston. L'État dans l'histoire. Paris : éditions du
Monde Libertaire, 1979, 297 p. ; Clastres Pierre. La société
contre l'État. Paris : Les éditions de Minuit, 1982, 187 p.
; Kropotkine Pierre. L'entraide. Paris : Editions de l'entraide, 1979,
356 p.
* 136 Au vu des divers
débats et manifestations suscités par la " mondialisation ", par
exemple.
* 137 Extrait d'une
brochure militante actuelle : L'anarchisme aujourd'hui. Un projet pour la
Révolution sociale. Paris : Monde Libertaire, 1999, 48 p.
* 138 Bakounine Michel.
OEuvres complètes. Paris : Champ Libre, 1982, vol. 8, pp.
171-173.
* 139 Colombo Eduardo,
médecin, psychanalyste et professeur de psychologie aux
Universités de Buenos Aires et de La Plata. L'État comme
paradigme du pouvoir. In L'État et l'anarchie. Lyon : ACL, 1985,
pp. 17-41.
* 140 Mill John Stuart, La
liberté. Paris, 1877, p.123.
* 141 Walter Nicolas,
Pour l'anarchisme. In Volonté Anarchiste n° 37, 1991,
p.22. Cette introduction à l'anarchisme connut un grand succès
dès sa parution en anglais en 1969 et fut traduite non seulement en
français, mais aussi dans une bonne vingtaine de langues. Nicolas W.
vient de disparaître, dans les premiers jours de mars de cette
année. Il était né en 1934, dans une famille
traditionnellement de gauche (libre-penseur). Il participa dès le
début des années 60 à la presse anarchiste, il fit partie
des rédacteurs de Solidarity, publié par un groupe
d'amis de Castoriadis qui s'orientaient de plus en plus vers l'anarchisme ; de
Resistance ; du New Humanist et bien sûr de
Freedom, entre autres. Il a traduit et édité des
ouvrages d' Archinov, Bakounine, Alexandre Berkman, Diderot, Sébastian
Faure, Emma Goldman, Kropotkine, de La Boétie... Notice succincte
réalisée grâce aux informations fournies par le Monde
Libertaire (hebdomadaire de la Fédération Anarchiste)
n°1201, du 13 au 19 avril 2000.
* 142 Kant Emmanuel. Du
rapport entre la théorie et la pratique dans le droit politique.
Paris : Flammarion, 1994, p.63 et s.
* 143 Bakounine Michel. Le
principe de l'État.
* 144 De nombreux ouvrages
anarchistes insistent sur ces déductions, on peut, quelque peu
arbitrairement, en citer quelques uns : Bakounine Michel. Dieu et
l'État. Paris : Mille et une nuits, 1997, 94 p. ; Proudhon Pierre
Joseph. Idée générale de la Révolution.
Paris : Collection anarchiste, 1979, 3° étude pp. 59-81. ; Heintz
Peter. Anarchisme négatif, anarchisme positif. Essai
d'interprétation anarchiste du monde moderne. Lyon : ACL, 1997, 119
p. ; Boockchin Murray. Une société à refaire, pour une
écologie de la liberté. Lyon : ACL, 1992, chapitre 4,
pp.89-117 ; Ernestan. Valeur de la liberté. Paris : La ruche
ouvrière, 1966, 191p.
* 145 Anarquismo y
géografia. Barcelona : Op. cit., pp. 253-290. Clastres Pierre.
Recherches d'anthropologie politique. Paris : Seuil, 1980 ; Sahlins
Marshall. Age de pierre, âge d'abondance. Paris : Gallimard,
1976, et Au coeur des sociétés : raison utilitaire et raison
culturelle. Paris : Gallimard, 1991 ; Leval Gaston. L'Espagne
libertaire 1936-1939. L'oeuvre constructive de la Révolution
espagnole. Paris : Editions du Cercle, Editions de la Tête de
feuilles, 1971, 402 p. ; Mintz Frank. L'autogestion dans l'Espagne
révolutionnaire. Paris : Maspéro, 1976, 380 p. Les quatre
derniers auteurs ne sont pas des géographes de formation, mais ils ont,
cependant, décrits de manière assez spatiale, les formes
d'organisation humaines issues du projet social de la théorie
libertaire.
* 146 Trochet
Jean-René. Géographie historique. Hommes et territoires dans
les sociétés traditionnelles. Paris : Nathan, 1998, 254
p.
* 147 Ibid., p. 27.
* 148 Les auteurs
contemporains (Castoriadis, Arendt, Foucault) pourraient aussi être
sollicités sur cette même thématique.
* 149 Hobbes Thomas.
Léviathan. Paris : Sirey, 1971, p. 124.
* 150 Ibid., p. 191.
* 151 Weber Max. Le savant
et le politique. Paris : 10/18, 1996, p. 123-127.
* 152 Ibid.
* 153 Ibid.
* 154 Kant Emmanuel.
Du rapport entre la théorie et la pratique dans le droit
politique. Paris : GF-Flammarion, 1994, p. 63 et s.
* 155 Ibid.
* 156 Spinoza Baruch.
Traité théologico-politique. Paris : GF-Flammarion,
1965, pp. 329-332.
* 157 Notes de
Thévenet Alain in Godwin William, Et l'euthanasie du
gouvernement. Lyon : ACL, 1993, p. 42. Pour approfondir sa
réflexion, on peut aussi consulter d'autres articles : Une politique
anarchiste ? in Etat, politique, anarchie. Lyon : ACL, 1993, pp.
11-30 ; William et moi. Individualisme et liberté, " illusions
nécessaires " ? " in La culture Libertaire, actes du
colloque international de Grenoble, mars 1996, pp. 103-114 ; Une terre
à habiter, une histoire à bâtir in
Réfractions n°2, été 1998, pp. 9-23.
* 158 Et l'euthanasie du
gouvernement. Op. cit., p. 30.
* 159 Ibid., p. 40.
* 160 Godwin William.
Of population. An enquiry concerning the power of increase in the number of
mankind : being an answer to Mr Malthus essay on the subject, Londres :
Longman, 1820. Texte traduit et présenté par Thévenet
Alain.
* 161 Godwin William.
Essays never before Published. londres, H.S. king et Co, 1873. Texte
traduit et présenté par Thévenet Alain.
* 162 Et l'euthanasie
du gouvernement. Op. cit., p. 84. Textes traduits et
présentés par Thévenet Alain.
* 163 Rappelons que pour
Hegel, l'individu n'a de réalité que comme membre de
l'État : "s'il (l'Etat) est l'esprit objectif, alors l'individu
lui-même n'a d'objectivité, de vérité et de
moralité que s'il en est membre. " ou encore : " L'État
est la réalité en acte de la liberté concrète. "
in Principes de la philosophie du droit. Paris : Flammarion, 1999, pp.
360-365.
* 164 Et l'euthanasie
du gouvernement. Op. cit., p. 86.
* 165 Nous respectons ici la
graphie de l'auteur.
* 166 Fayolle Maurice.
Réflexions sur l'anarchisme. Fresnes-Antony : F.A., 1977,
p.18.
* 167 Ibid, p.22.
* 168 Cette conception
méthodologique de l'anarchisme se libère radicalement de la
nécessité de prendre des décisions en accord avec les
"dures contraintes de la réalité " de toutes les politiques
réformistes qui aboutissent immanquablement à renoncer aux
principes initiaux en subordonnant la fin aux moyens ou bien de celle des
partisans des régimes autoritaires qui considèrent que, pourvu
que la fin soit bonne et qu'on la garde toujours à l'esprit, les moyens
importent peu : la fin possédant la capacité de transcender les
moyens.
* 169 Proudhon Pierre-Joseph.
Du principe fédératif. Paris : Rivière, 1959, p.
271.
* 170 " La panarchie,
pantocratie ou communauté, se produit naturellement à la mort du
monarque ou du chef de famille, et la déclaration des sujets,
frères, enfants ou associés, de rester dans l'indivision, sans
faire élection d'un nouveau chef. Cette forme politique est rare, si
tant est même qu'il y en ait des exemples, l'autorité y
étant plus lourde et l'individualité plus accablée que
sous aucune autre..." Notes de Proudhon, p. 276
* 171 Ibid., p.275.
* 172 Wolff Robert-Paul.
Defense of anarchism. New-York : Harper and Row, 1970.
* 173 Nous respectons la
graphie de l'auteur.
* 174 Ibid., p.11-13.
* 175 Op. cit.
* 176 Op. cit., p. 35.
* 177 Ibid., p. 85-86.
* 178 Christian Delacampagne
cite Léo Strauss, p. 88.
* 179 Selon Philippe
Pelletier dans son article Les nouveaux territoires de l'État
paru dans la brochure Etat, politique, anarchie. Lyon : ACL, 1993, pp.
37-50.
* 180 Reclus
L'évolution, la révolution et l'idéal anarchique.
Op. cit. ; Kropotkine La conquête du pain. Op. cit.
* 181 L'on peut lire
à ce propos, les ouvrages suivants : Leval Gaston Espagne
libertaire 1936-1939. Op. cit. ; Mintz Frank L'autogestion dans
l'Espagne révolutionnaire. Op. cit. sans oublier l'ouvrage de
Breitbart M.M. Anarquismo y geografia. Op. cit. ; les articles plus
récents : Révolution et contre-révolution en
Aragon de Flores Jean-Marie, Poder y revolucion social : el consejo de
Aragon de Casanova Julian tous deux parus dans l'ouvrage Les espagnols
et la guerre civile. Biarritz : Atlantica, 1999, 441 p. ; Espagne
1936. Aspects d'une révolution autogestionnaire. Pau : CNT, 1998,
38 p.
* 182 Proudhon P-J. Op. cit.,
chapitre VII, pp. 315-323.
* 183 Op. cit., p. 315
* 184 Op. cit., p. 317-318.
* 185 Pour préciser
notre pensée, nous prendrons l'exemple du travail où c'est avant
tout les rapports de soumission et de subordination qui poussent les individus
à travailler ; si le supérieur hiérarchique doit motiver
son salarié c'est pour obtenir une meilleure rentabilité
technique et financière.
* 186 La gestion communale
sera abordé plus loin dans ce mémoire, ainsi que certains autres
aspects pratiques.
* 187 Extrait d'une
brochure militante de la Fédération Anarchiste L'anarchie
aujourd'hui. Un projet pour la révolution sociale. Paris, 1999, 48
p.
* 188 Murray Bookchin,
né en 1921 au sein d'une famille russe de New-York, il a
travaillé successivement dans une fonderie, puis dans l'industrie
automobile, avant d'entrer dans l'enseignement. Il est professeur
émérite à l'École des Etudes sur l'environnement,
au collège Ramapo (USA), et directeur de l'Institut pour une Ecologie
sociale (Vermont, USA). Il est une figure de proue du courant écologiste
et du mouvement anarchiste aux Etats-Unis.
* 189 Janet Biehl Le
municipalisme libertaire. Montréal : Ecosociété,
1998, 299 p.
* 190 La Griffe. Analyses
et chroniques libertaires. Lyon : 5, rue Sébastien Gryphe, n°
16 - février 2000.
* 191 Les analyses de
Bookchin rejoignent ici les réflexions de Peter Heintz (1920-1983),
professeur à l'Université de Zurich, qui se consacre à la
sociologie après des recherches sur l'anarchisme (thèse sur
Proudhon) : " L'anarchisme n'est donc pas pour nous le mouvement qui s'est
notamment répandu pendant le dernier quart du dix-neuvième
siècle, et qui a pris avec l'anarcho-syndicalisme la forme d'une
organisation prolétarienne de masse(...) l'anarcho-syndicalisme, qui
connut son apogée dans les pays latins au début du
vingtième siècle, s'est trouvé totalement broyé
entre le communisme et l'État...Anarchisme négatif,
anarchisme positif. Essai d'interprétation anarchiste du monde moderne.
Lyon : ACL, 1997, p. 26 initialement paru en 1951 sous le titre
Anarchismus und Gegenwart. Zurich.
* 192 Bookchin Murray.
Au delà de la démocratie. Lyon : ACL, 1980. Une
réédition est prévue pour l'année 2000 sous le
titre Pour un municipalisme libertaire. (notes de la rédaction
de La Gryffe).
* 193 Les conclusions de
Bookchin égalent la définition de l'anarchisme négatif
de Peter Heintz. Op. cit.
* 194 Proudhon Pierre-Joseph
Idées générales de la révolution au
dix-neuvième siècle. Paris : FA, 1979, pp. 81-140.
* 195 Ibid., p. 58.
* 196 Récits de
Christiana. Lyon : ACL, 1994 ; un livre de Lazarte aurait
été publié relatant une présence libertaire dans
les mairies argentines.
* 197 Des
municipalités...à la commune libertaire. Le Monde
Libertaire, Paris, hors série n° 12, 1999.
* 198 Ibid., p. 72.
* 199 Ibid.
* 200 Ibid., p. 67.
* 201 Dadoun Roger.
L'acratie européenne, un avenir possible paru dans l'ouvrage
Etat, politique, anarchie. Op. cit., pp. 31-36.
* 202 Texte que nous n'avons
pu retrouver.
* 203 Selon Wolton Dominique.
Penser la communication. Paris : Flammarion, 1997, pp. 379-380.
* 204 Ibid.
205 Ibid.
* 205 Nous rappelons que les
ouvrages de référence concernant ces phénomènes
sont ceux de Vincent Berdoulay et de Paul Claval. Op. cit.
* 206 Bové José.
La révolte d'un paysan. Villeurbanne : Golias, 2000, 95 p.