Moulaye AIDARA
« L'HISTOIRE OUBLIEE DES TIRAILLEURS
SENEGALAIS
DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE1(*) »
AVANT PROPOS
« 13 mai 1940, trois
jours après les premiers bombardements allemands, le commandement
français réalise que l'offensive perce à Sedan, là
où l'on s'y attendait le moins. En effet, dans l'après midi de
cette terrible journée, couvert par une intense préparation
aérienne, l'infanterie allemande franchit la Meuse dans le secteur de
Sedan, sur le front de la II ème armée du général
Huntziger.
Les jours suivants, aux alentours de Dinant-Givet et
Revin-Monthermé, d'autres franchissements ont lieu pendant que des
éléments blindés prenaient position sur la rive gauche.
Pressé de toutes parts, le commandement tente d'établir un
barrage qu'il confie à une troupe sûre : l'infanterie
coloniale. Sur un front de 20 km, la 1ère et la
6ème divisions face à toute la puissance
mécanique allemande. 30 000 hommes dont 10 000 soldats de l'AOF :
des soldats noirs2(*) ».
Entre le 21 juillet 1857, date de la création par
décret du premier bataillon de Tirailleurs sénégalais par
Napoléon III et le 08 mai 1945, date de la fin de la Seconde Guerre
mondiale, de nombreux événements concernant au plus haut niveau
les Africains se sont passés. La « Force noire3(*) » chère au
général Charles Mangin a été finalement
présente sur tous les fronts depuis sa création. Le
général Mangin, ému par l'ardeur au combat de ces soldats
noirs, obtint l'autorisation par l'assemblée nationale en 1912 de
recruter 7000 africains pour servir en dehors de l'AOF avec en arrière
pensée, l'idée de pouvoir utiliser cette force africaine en cas
de conflit avec l'Allemagne.
Les troupes de marine avaient recruté, dès
1830, des africains noirs au Sénégal qui alors était la
seule colonie au sud du Sahara. Malgré quelques réticences au
début et après une politique officielle de recrutement militaire
au Sénégal fondé sur le volontariat, le décret de
1857 allait reconnaître les Régiments de Tirailleurs
sénégalais (RTS) . Utilisés d'abord dans la
conquête du Soudan occidental, ils allaient très vite avoir
d'autres prérogatives comme la défense de la France et de
l'empire durant les deux guerres mondiales.
Ainsi, lorsque éclate la Première Guerre
mondiale, un total de 94 bataillons d'africains de l'ouest, comprenant 161 250
« Tirailleurs sénégalais »4(*), soit 3% des cinq millions de
citoyens français sous uniforme. Le Professeur Marc Michel5(*) en a brillamment fait la
chronique dans son « Appel à
l'Afrique ».
Le 3 septembre 19396(*), lorsque la France déclare la guerre à
l'Allemagne, elle fera tout naturellement de nouveau appel à sa force
noire. Le Progrès colonial exultait à
l'époque : « Pour la deuxième fois en
vingt-cinq ans, des gens de couleur ont répondu à l'appel de la
France sans plaintes ni murmures mais avec l'enthousiasme qui témoigne
de leur loyauté ».
En fait, le rôle des Tirailleurs
sénégalais, dans l'éventualité d'une guerre,
était posé dès 1937, bien avant la déclaration des
hostilités avec l'Allemagne nazie. Le gouvernement français
envisageait même de projeter 160 000 hommes en provenance de l'AOF
dès la déclaration de guerre. Il semble certain en tout cas qu'au
moins 150 0007(*) Africains
de l'ouest servaient dans l'armée française au moment de la
débâcle. Effectivement, quand les colonnes allemandes
s'enfoncèrent au Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg, les Tirailleurs
sénégalais se trouvaient dans cinq divisions d'infanterie
coloniale : le première, la seconde, la quatrième, la
huitième et la neuvième, qui était une division
d'infanterie légère. Les régiments ouest africains
étaient concentrés dans les huit RTS et les deux Régiments
d'Infanterie Coloniale Mixte Sénégalais (RICMS) ; Le
douzième et le quinzième RTS vont se retrouver
immédiatement dans les combats à cause de leur position. Ainsi,
entre mai et juin 1940, la campagne de France sera rude pour ces hommes venus
du sud. Beaucoup ne retourneront jamais en terre africaine. Les survivants
à cette guerre ne seront plus les mêmes hommes. Respectés
dans leurs villages, on les considérait comme des hommes « qui
avait la force ».
Pourtant, malgré leur participation à la guerre
et ce sur tous les fronts, les travaux sur les Tirailleurs
sénégalais sont remarquablement peu nombreux. Les seuls
véritables études sont faites par des anglophones ( Anglais,
Américains) ; notons cependant le travail remarquable de Julien
Fargettas sur le massacre des soldats du 25ème RTS. M.
Fargettas constate qu'à part la réalisation du Tata
sénégalais de Chasselay, hommage rendu aux tirailleurs par le
village, il ne reste pas grand chose pour la Mémoire des Tirailleurs
africains :
« Jean Marchiani, l'initiateur du Tata rendant
hommage au sacrifice des tirailleurs, avait choisi cet intérêt
historique puisque, dès 1940, il entendait faire de cette
nécropole un lieu de souvenir des crimes allemands commis au nom de
l'idéologie nazie. Mais de ce projet, que reste t'il aujourd'hui ?
Après une période faste correspondant à la
libération et à l'après-guerre, le Tata et les
événements qui sont à l'origine de son érection
semble tomber dans l'oubli8(*) ».
Mis à part, quelques remarquables articles qui
résument l'épopée des T.S9(*), il n'y a pas de vrais travaux universitaires sur les
T.S de la Seconde Guerre mondiale du côté francophone (
thèse en particulier) :
« Il n'y a de véritables morts
dans la mémoire des hommes que par
l'oubli »..
Oubliés ! Les T.S le sont déjà, en
partie. Les nouvelles générations africaines ne comprennent pas
ces vieux bardés de médailles, ils ont certainement d'autres
soucis. Morts, ils le seront tous bientôt, certainement. Mais leur
histoire, leur mémoire accompagnera toujours la France comme une ombre
car ces hommes ont été sur tous les fronts : à
Verdun, à Lyon, partout ils ont versé leur sang pour la
France : leur patrie. L'oubli de leur épopée par la France
serait une seconde mort pour eux.
Le dernier Tirailleur de la Première Guerre mondiale
est mort. Dans quelques années viendra inévitablement le tour du
dernier T.S de la Seconde Guerre mondiale. Peut-être bien que les JT de
20 heures des chaînes françaises consacreront une petite page pour
ce dernier mort comme ce fut le cas pour Babacar Diop10(*). Mais après, que
restera t-il d'eux ? Est-ce que les générations futures se
souviendront de ces hommes ? Dans les futures livres d'histoire
français, y aura t-il une seule fois le mot Tirailleur ?
Pourquoi me suis-je lancé dans cette recherche ?
Pourquoi un mémoire sur les Tirailleurs sénégalais de
la Seconde Guerre mondiale ? La réponse vient d'une Anecdote. En effet,
il y a quelques années, alors que je préparais un diplôme
à la faculté des Sciences de Lyon, un ami m'invita chez lui
à Chasselay en me précisant que son village avait
été défendu durant la Seconde Guerre mondiale par des
Sénégalais, il s'agissait en fait de Tirailleurs
sénégalais qui regroupaient tous les Africains noirs de l'Afrique
française et non pas uniquement les habitants du Sénégal.
A ce moment, je savais à peine que ces hommes avaient participé
à la guerre mondiale et me souvint vaguement de la chanson très
connue du Congolais zao11(*) dédié aux anciens combattants. Quand je
découvris le Tata sénégalais de Chasselay12(*), une grande tristesse
m'envahit : que sont venus faire ces hommes ici pour y mourir ? Ces
noms que je connaissais pour la plupart, ces tombes qui auraient pu être
celles de proches ? Je sentis tout à coup combien ces malheureux
étaient proches de moi. Je n'hésitais alors pas une seconde
lorsque la possibilité de travailler sur le sujet se présenta
grâce au DEA d'histoire militaire, sécurité et
défense. J'étais convaincu qu'une véritable étude
sur les Tirailleurs sénégalais de la Seconde Guerre mondiale est
le meilleur hommage qu'on peut leur rendre, eux « que personne ne
nomme », « qui pourra vous chanter si ce n'est votre
frère d'armes, votre frère de sang ? » disait
Léopold Sédar Senghor13(*).
Mon intérêt s'accrut au fil de mes lectures et
des documents trouvés sur le sujet et plusieurs questions se
posèrent d'elles- même très rapidement :
- Le Tirailleur sénégalais de 1939
était-il différent de celui de 1914, moins intégré
à l'empire français, moins instruit et surtout, plus soumis?
- Y avait-il différents types de Tirailleurs en
1939-45 ? Car s'ils étaient du même moule, les Tirailleurs
sénégalais venaient d'horizons fort différents. Certains
étaient instruits, d'autres comme le futur président de la
République du Sénégal avaient fait des études
poussées en latin et en grec et connaissaient bien la culture
européenne14(*).
- Comment ces hommes instruits ont-ils vécu la
guerre ?
- Entre vichy et France libre, les Tirailleurs avaient-ils la
possibilité de choisir leur camp ou uniquement celle d'obéir aux
ordres de leurs supérieurs ?
J'optais pour un mémoire laissant une grande place aux
principaux concernés. Le témoignage oral devint ma principale
source. Je pus recueillir quelques témoignages d'anciens combattants de
la région Rhône-Alpes, région qui depuis l'an 2000 rend
hommage aux combattants noirs15(*) de la Seconde Guerre mondiale. J'eus l'occasion de
partir au Sénégal pour recueillir des données à
l'IFAN16(*). Ce voyage de
deux mois me permit de rencontrer des T.S à la Maison des Anciens
Combattants ( MAC ) de Dakar.
En 1989, « Du côté de chez
Fred », une émission de Frédéric Mitterrand
consacra un sujet sur les Tirailleurs sénégalais. Parmi les
invités se trouvaient des Tirailleurs sénégalais de la
Seconde Guerre mondiale et quelques cadres des troupes coloniales. Le
général Duchesne nota surtout la chaleur humaine qui
prévalait dans les régiments de T.S tandis que
Frédéric Mitterrand faisait remarquer le discours paternaliste de
l'époque sur ces derniers.
CHECHIA ROUGE, VISAGE NOIR !
Mon premier problème fut de trouver un titre qui
allait faire revivre les Tirailleurs sénégalais, un titre
montrant non seulement l'importance de leur participation à cette guerre
mais aussi la frustration ressentie par l'ensemble des T.S après la
guerre. J'optais pour ce titre : « L'histoire
oubliée des Tirailleurs sénégalais de la Seconde Guerre
mondiale à partir d'une enquête orale au Sénégal
17(*) ».
Cette formule qui bien évidemment n'est pas neutre se
veut engagée en faveur d'un rétablissement de la mémoire
des T.S. Et pour cela, donner la parole « à ceux qui n'ont
point de bouche »18(*) est le choix que je vais faire.
J'avais déjà consulté plusieurs
documents et articles, notamment lors d'un séminaire à
l'IHEDN19(*). La
consultation de DOCTHESE ( répertoire des Thèses
présentées en France) me confirma que peu d'études
concernaient mon sujet et même si l'histoire ne se répète
pas et qu'aucune situation n'est acquise, je me tournais vers les études
sur les Tirailleurs sénégalais de la Première Guerre
mondiale, notamment les travaux de Marc Michel. Mon principal objectif
consistait à réhabiliter les T.S tout en restant le plus objectif
possible. Ma problématique générale était de savoir
comment les T.S ont ressenti cette guerre. Cela m'amena à me poser les
questions décrites plus haut.
En affinant mon analyse, je me suis rendu compte qu'il y
avait deux aspects évidents durant cette guerre : un aspect
psychologique et un aspect militaire.
L'aspect psychologique :
- Comment les T.S ont vécu la déclaration de
guerre moralement ?
- Voulaient-ils vraiment participer à cette
guerre20(*) ?
- Comment voyaient-ils l'ennemi allemand ?
L'aspect militaire :
- Comment s'est déroulée la préparation
militaire ?
- Comment les T.S furent-ils intégrés dans un
système militaire élaboré ?
- Comment se sont déroulées les
différentes campagnes ?
Ensuite, il me fallait consulter les documents des
différents centres de recherche et bibliothèques21(*). Je pus recueillir ainsi
beaucoup de documents. Les livres sur les T.S bien que peu nombreux m'ont
apporté une grande aide.
« L'Appel à l'Afrique » de Marc
Michel permet d'avoir une meilleure idée sur les T.S de la Grande
Guerre. « Souvenir de Guerre d'un Tirailleur
sénégalais » du docteur Joseph I. Conombo est un
témoignage vivant qui tire sa force de son aspect chronologique. Mais la
meilleure étude sur le sujet reste celle de Nancy Lawler
« Soldiers of Misfortune : Ivoirien Tirailleurs
During World War II » qui devint très vite mon livre de
chevet. L'excellent ouvrage « Histoire de l'Afrique :
Afrique Occidentale Française- Afrique Equatoriale Française-
Madagascar ( 1934-1960) » de Philippe Héduy. Plusieurs
articles dont celui du Professeur Jean-Charles Jauffret paru dans
Armée d'aujourd'hui n° 190, pp157 à
163 ainsi que l'article de Maurice Rives dans Hommes et
Migrations n°1158 d'octobre 1992. Le magazine
Militaria a consacré un numéro
spécial aux T.S. Il s'agit du n°51 qui me sera très utile
même s'il concerne surtout les Tirailleurs de la Grande Guerre. De
même, le magazine Les collections de l'Histoire
consacre un numéro ( n°11 d'avril 2001) sur « le temps
des colonies » ; Il me sera très utile. Les travaux
d'Anthony Clayton ou de Maryon Echenberg m'ont été très
utiles. J'eus accès au colloque de décembre 2000 du CHETOM :
« Les troupes de marine de l'armée de terre : un
siècle d'histoire : 1900-200 » ; ce document
est très riche. D'autres travaux sur la Seconde Guerre mondiale ont eu
leur importance22(*).
Les documents audiovisuels sont assez nombreux malgré
la brièveté des sujets à chaque fois. Ils m'ont tout de
même servis grâce à la richesse des images d'archive. De
même le film « Thiaroye 23(*)» de Sembene Ousmane, film interdit en France et
qui retrace l'histoire de Tirailleurs assassinés par l'armée
française à leur retour de guerre m'a permis d'avoir une
meilleure idée sur les uniformes, la vie en communauté des T.S
durant cette guerre.
Enfin, le voyage au Sénégal fut d'une
importance capitale. Je pus prendre contact avec les principaux
concernés24(*). Mes
remerciements vont à M. Diop pour sa disponibilité et son aide
ainsi qu'à M.Ibrahima N'Diaye responsables respectivement de l'ONAC de
Dakar et de Thiès ( 2ème ville du
Sénégal ) ; L'accueil chaleureux de M. Gabriel N'Diaye,
secrétaire du bureau de l'UNC ( Union Nationale des Anciens combattants
) m'a très touché. Dans son grand bureau de l'ONAC qu'il partage
avec M. Diop, il m'a apporté avec un recul franc des informations sur
les anciens combattants :
« Nos camarades anciens combattants de France
nous apportent beaucoup d'aide et ce grand bus stationné devant la
maison est un don de ces frères d'arme », disait-il. Il
me précisa que l'UNC dépend de la FMC ( Fédération
Mondiale des Combattants ) dont le président est souvent de passage
à Dakar. Il y avait donc une réelle dynamique entre anciens
combattants malgré les décisions politiques qui malheureusement
ne tiennent pas compte de ces liens unis à jamais au front. Je remercie
également le colonel Mamadou Touré25(*) pour l'excellente exposition (
janvier 2001) sur l'armée sénégalaise dont une grande
partie concerne les Tirailleurs sénégalais des deux guerres.
J'utilisais assez régulièrement Internet outil incontournable
aujourd'hui. J'ai pu trouver des renseignements intéressants sur les
uniformes et les colloques ( peu nombreux ) sur le sujet.
L'usage fréquent de la poésie est un hommage aux
auteurs noirs de la négritude mais aussi à la francophonie.
Le Plan choisi suit une approche chronologique de la
guerre.
La première partie traite des sources et de la
Bibliographie.
La seconde partie qui s'intitule : De l'Afrique
à l'Europe traite du recrutement des Tirailleurs
sénégalais, de leur formation et de leur départ pour
l'Europe et tente de répondre à la question posée plus
haut : les T.S se battaient t-ils vraiment pour la mère
patrie26(*) ? Comment
ont-ils vécu la défaite ? Comment voyaient-ils leur
frères d'arme blancs ?
La troisième et dernière partie : De
l'Europe à l'Afrique nous montre comment les T.S sont accueillis
chez eux à leur retour de guerre et combien ils étaient devenus
d'autres hommes, une nouvelle génération d'africains. Dans cette
partie, nous traitons des problèmes que rencontrent ces hommes parce
qu'oubliés par la France, mal compris par les nouvelles
générations africaines. Elle traite aussi de questions de fond
comme l'identification au terme
« Sénégalais » d'Africains venant de toute
l'Afrique occidentale et équatoriale, les rapports qu'ils avaient avec
les autres noirs de l'armée française ( Antilles) ainsi que les
Arabes. La rencontre avec les noirs de l'armée américaine. Cette
partie est donc la plus importante.
« On fleurit les tombes, on réchauffe les
soldats inconnus
Vous mes frères obscurs, personne ne vous
nomme
On promet cinq cent mille de vos enfants à la gloire
des futurs morts,
On les remercie d'avance, futurs morts
obscurs »27(*)
Espérons que cette humble contribution à la
mémoire des Tirailleurs sénégalais apporte quelques
lumières sur leur sacrifice et pose quelques fleurs sur leur tombe.
INTRODUCTION :
« Les citations de troupes coloniales, de
troupes indigènes devrait-on dire, pourraient être
multipliées tant fut glorieuse leur participation à la
Première Guerre mondiale28(*) ».
Les troupes coloniales de la Deuxième Guerre mondiale
méritent certainement les mêmes éloges. La plus grande
France, celle des colonies, a toujours répondu à l'Appel de la
Métropole. Dans la douleur, souvent sans les honneurs qu'ils
méritent.
L'expression « Troupes coloniales »
désignait au départ les vieux corps d'infanterie de marine
composés de métropolitains et les unités de Tirailleurs
recrutés parmi les autochtones des nouvelles colonies de la
IIIème République. C'est à partir de juillet 1900 que ces
troupes vont recevoir un statut définitif. Les unités
indigènes d'Afrique du Nord n'étaient pas comprises dans cette
dénomination. Elles faisaient partie de l'Armée d'Afrique. Le
seul lien entre les unités indigènes d'Afrique noire et d'Afrique
du Nord c'est qu'ils étaient « sujets » et non
« citoyens » français.
Avec la mission Marchand et la conquête du Soudan
français, les noirs d'Afrique avaient prouvé leur valeur
militaire et leur loyauté : « Musulmans ou animistes,
buveurs ou sobres mais ni chrétiens, ni intellectuels : de bonnes
brutes solides, voilà l'idéal tirailleur » disait
Marchand en parlant des troupes noires. Mangin quant à lui, donne en
1910-1911 ses propres conseils sur « les races d'Afrique
Occidentale Française 29(*)», conseils entachés de
préjugés mais pour la connaissance des peuples colonisés
par la France.
Dans les années 1905, le service militaire est
ramené de 2 à 5 ans. Le projet de conscription de Messimy des
Algériens musulmans déchaîne les passions. En 1910, Charles
Mangin élabore sa théorie de « la force
noire ». Mais jusqu'en 1912, l'effort conjugué des
socialistes, des colons, des militaires métropolitains limite ce grand
projet. On considérait tout au plus que les colonies pouvaient servir de
réserve en cas de conflit majeur contre l'Allemagne. 30 000 hommes
seulement étaient alors sous les drapeaux en Algérie et en AOF
avant la Grande Guerre.
Cependant, à partir du mois d'août 1914, les
contingents coloniaux débarquent à Marseille, Sète et
Bordeaux, d'Afrique du Nord d'abord puis du Sénégal. Cet effort
soudain de recrutement va créer des révoltes un peu partout en
Afrique. Le gouverneur Van Vollenhoven se décide contre cette
levée poussant Clemenceau à nommer Blaise Diagne (seul
député noir du Sénégal) commissaire de la
République. Ce fait majeur suffit à faire baisser les tensions et
les recrutements allaient atteindre jusqu'à 63 000 hommes en AOF et
s'élargir à l ' AEF.
Ainsi, de la mobilisation à 1918, 163 602 personnes
sont incorporées en AOF, 17 910 en AEF soit un total pour l'Afrique
noire de 181 51230(*).
Marc Michel recense un total de 189 000 hommes pour l'AOF et l ' AEF31(*).
Par ailleurs, en fonction des régions de l'AOF, les
recrutements étaient plus ou moins élevés :
peut-être tenait-on compte des conseils de Mangin sur les races
guerrières ? En tout cas, 20 591 personnes sont recrutées au
Sénégal ( 1,75 % de la population), 2044 en Mauritanie ( 0,94 %),
30 685 au Soudan et au Niger (1,35 %), 22 270 en Côte d'Ivoire (1,47%) et
10 223 au Dahomey (1,21%)32(*). 134 077 d'entre eux vont se battre en Europe et en
Afrique du Nord. Notons que l'effort de l'Afrique du Nord est tout aussi
considérable : 294 000 tunisiens, marocains et algériens
participent à cette guerre. Au total, 480 000 indigènes sont
recrutés en AOF/AEF. Cet effort est considérable par rapport aux
30 000 hommes d'avant-guerre. Cependant, seulement 5740
« citoyens » des Quatre Communes sont incorporés et
5400 d'entre eux viennent en Europe. D'ailleurs, tous citoyens confondus (
créoles et AOF), ils ne sont que 51 556 à être
incorporés33(*). La
plupart des hommes de ces unités indigènes étaient donc
« sujets » français.
Par ailleurs, les stéréotypes guident en partie
l'emploi de ces troupes indigènes. Si les indochinois sont
affectés en grande partie dans les usines d'armement et d'aviation ( ils
sont réputés être de bons ouvriers), les Malgaches sont
nombreux dans les services de santé et dans l'artillerie. Les noirs et
les arabes furent donc les combattants par excellence.
Peu adaptés à la guerre de tranchées,
mal entraînés, ces hommes qui « bien souvent,
n'avaient jamais tiré un coup de fusil avant d'arriver au
front », allaient pourtant prouver leur bravoure malgré
les rigueurs du climat européen. Les troupes coloniales se battent en
Champagne en 1915, à la Somme en 1916, dans l'Aisne en 1917, à
Villers-Cotterêts en 1918. Ils combattent aussi à Verdun et
surtout à Reims en 1918. Le prix du sang est lourd pour les troupes
noires à la fin de la guerre.
Blaise Diagne accuse alors la France d'avoir utilisé
les noirs des colonies comme « chair à canon » En
effet, même si les pertes sénégalaises sont
inférieures à celles des fantassins métropolitains ( 22,4%
et 24%), la comparaison avec les pertes algériennes ( 15,1%) , malgaches
et indochinois ( 11,2%) prouve que le député
sénégalais n'a pas tout à fait tort. Il faut dire que
Mangin considérait déjà dans son livre que les noirs ne
connaissaient pas la peur parce qu'ils avaient un système nerveux plus
dense (sic !) ; L'état-major français a certainement
tenue compte de ces conseils car les troupes noires étaient très
souvent en première ligne. Par ailleurs, l'appel de la Turquie au
« Jihad » explique peut-être le peu d'enthousiasme
des Algériens à partir de 191534(*). Les troupes noires, bien que composées en
majorité de musulmans ne furent pas très influencées par
cet appel à la guerre sainte. Elles se comportent en véritables
troupes d'assaut, ce qui explique aussi les lourdes pertes. Les troupes noires
sont d'une fidélité incompréhensible.
89 Bataillons combattants et 3 Bataillons de
dépôt participent à cette guerre. Parmi les
régiments, seuls deux portaient le titre de RTS : le
8ème et le 12ème RTS35(*). On compte aussi les
1er et 2ème RMC ( Régiment Mixte Colonial)
et le régiment sénégalais Lavenir. Tout le reste
était des Bataillons ( du 1er au 98ème
Bataillons) Le 1er RTS est décoré de la Légion
d'Honneur, de 4 citations à l'ordre de l'armée, fourragère
croix de guerre 1914-1918, fourragère médaille militaire36(*).
Les pertes des troupes noires durant la Grande Guerre sont de
29 229 pour l'AOF/AEF et 35 601 blessés37(*). Marc Michel retient 30 000 morts et disparus
sénégalais soit 22,4% des effectifs.
Il s'avéra après la guerre que Van Vollenhoven
avait raison. En effet, celle-ci changea profondément les
indigènes qui l'ont vécue en Europe. Les noirs, par la voix de
Blaise Diagne, manifestent à partir de 1918 leur désir de
changement et d'assimilation. Ils s'expriment grâce à la
littérature et des voix s'élèvent contre le colonisateur
français. Pendant ce temps et durant l'occupation de la Ruhr, les
Allemands développent leur théorie de la « honte
noire » qu'Hitler utilisera par la suite comme propagande contre les
soldats noirs.
Les recrutements baissent mais restent quand même plus
élevés que pendant les années d'avant-guerre. Ainsi en
1922, 14865 hommes de troupes sénégalais ( AOF) et 4704 ( AEF)
étaient basés dans les colonies. En Métropole, ils
n'étaient que 4495. Ils sont cependant 10 022 dans le Levant et 10 512
au Maroc, 4803 en Algérie-Tunisie38(*). Pendant cette période, les TS sont en partie
utilisés pour la garde des colonies ( Levant, Afrique du Nord) ;
Ils sont les plus nombreux à se trouver en dehors de leurs colonies
d'origine ( 31 000 en 1922).
Dès 1934, l'éventualité d'une nouvelle
guerre contre l'Allemagne se pose. Le maire de Fréjus se plaint de
l'augmentation du nombre de demandes de pension de femmes de
Tirailleurs39(*) dans sa
commune.
En 1937, La guerre contre l'Allemagne devint une
évidence. Les Français anticipent cette option et à la
déclaration de guerre, six RTS se trouvent déjà en
Métropole : Le 12ème à la Rochelle, le
14ème à Mont de Marsan, le 4ème et
le 8ème RTS à Toulon, le 16ème
à Montauban et le 24ème RTS à Perpignan. Ces
RTS sont cependant consignés : « En aucun cas,
les militaires indigènes ne sont autorisés à revêtir
la tenue bourgeoise 40(*)» Les Tirailleurs présents en
Métropole n'avaient donc pas toute liberté.
Huit RTS sont stationnés en Afrique du Nord tandis que
le 17ème RTS est à Damas. Dans les colonies et surtout
en AOF, le 1er et le 7ème RTS sont à
Saint-louis et Dakar, le 2ème RTS et plusieurs Bataillons
s'occupent du Soudan français et de la Mauritanie.
A la mobilisation de 1939, l'armée française
avait à sa disposition 75000 noirs ( 30000 en AOF, 8000 en AEF, 4500 en
côte des Somalis41(*)) ; Ils vont prendre une part active pendant la
campagne de 1939/40, formés en unités mixtes avec des
régiments blancs. Ainsi du 15 mai au 11 juin, les 1ère
et 6ème DIC arrêtent l'ennemi dans l'Aisne et l'Argonne
avant de manoeuvrer en retraite sur les Vosges où elles subissent le
sort de la ligne Maginot. Les 4ème, 5ème et
7ème DIC participent à la défense sur la
Somme ; elles sont en grande partie anéanties lors de l'offensive
allemande le 5 juin. D'autres éléments se distinguent dans la
région de Lyon et de l'Isère ( 25ème
RTS42(*)), en Normandie et
dans la région de la Loire ( 27ème et
28ème RICMS).
Le 12ème et le 14ème RTS
qui font partie de la 1ère DIC ainsi que le
24ème RTS ( 4ème DIC) se retrouvent,
à cause de leurs positions, immédiatement dans les combats.
A la suite de l'Armistice, l'AEF se rallie à De Gaulle
et parvient à mettre sur pied dès l'hiver 1940/41, trois
bataillons de marche prêts à partir et trois autres à
l'instruction. A la fin de 1944, 15 bataillons y avaient été mis
sur pied et 15 000 africains recrutés.
Aussitôt après le débarquement
allié en Afrique du Nord, l'AOF ( où la Métropole avait
replié le maximum de cadres) apporte ses forces et forme deux divisions
( 9ème et 10ème DIC) équipées
en AFN avec du matériels américains. La 10ème
DIC est dissoute par la suite faute d'armement. Deux grandes divisions
subsistent : la 9ème DIC (d'origine AOF) et la
1ère DFL ( d'origine AEF) ; Elles s'illustrent à
l'île d'Elbe, en Italie, au débarquement de Provence d'août
1944.
De 1938 à 1945, l'AOF fournit 3530 originaires et 140
000 Tirailleurs43(*). Le
1er juin 1940, 122 000 TS sont mobilisés en AOF mais sont
présents dans les colonies et 15 000 en AEF.
Les pertes coloniales pendant la campagne de 1939/40 ne sont
connues qu'à partir de 1942. Au total, 4439 sont tués ; 21
505 sont faits prisonniers et on compte 10 049 disparus ( ?)44(*). En fait, les sources sur les
pertes sénégalaises sont très rarement concordantes. Une
autre source retient 24 000 tués et 49 500 prisonniers. Par rapport au
140 000 africains mobilisés entre 1938 et 1945, cela fait environ 17,4 %
des effectifs mobilisés. Il faut prendre ce pourcentage avec beaucoup de
précaution et le gonfler un peu d'au moins deux points car une tendance
à l'intégration des troupes coloniales dans l'ensemble de
l'armée française est notée à partir de 1942.
« Depuis des
années, vous avez quitté vos villages. Vous avez erré
à travers l'Empire, vous avez parcouru la Corse et presque
traversé la France. En toute circonstance, vous vous êtes
montrés loyaux et fidèles.
Vous avez supporté les privations, vous avez
accepté sans réserve un long et dur entraînement. Vous avez
enfin livré, en grands soldats des combats victorieux, vous avez
notamment conquis l'île d'Elbe et participé à la
libération de la France.
C'est vous qui, le 17juin 1944 vous êtes les
premiers lancés à l'assaut avec une ardeur admirable. Votre
bataillon, après un débarquement de vive force, qualifié
des plus difficiles, a enlevé de haute lutte la plage de Marina di Campo
et assure, en coupant dès le premier jour l'île d'Elbe en deux, le
succès de l'opération.
Vous avez participé à la réduction
des forts de la presqu'île de Sicile et jusqu'à ce jour encore,
vous avez lutté sans défaillance contre l'ennemi 45(*)»
« Ainsi ont disparu de magnifiques
unités qui, pas un seul instant, n'ont cessé de combattre,
harcelés continuellement dans leurs étapes, et qui ne connurent
d'arrêt que pour faire feu à l'ennemi46(*) »
Les éloges sur les TS de la Seconde Guerre mondiale
pourraient être multipliés. Comme les tirailleurs qui les ont
précédés lors de la Grande Guerre, ils ont répondu
avec courage à l'appel de la Métropole. C'est la raison pour
laquelle nous allons partir à la quête de leur
épopée avant que ce ne soit trop tard car :
« un vieillard qui meurt, c' est comme une bibliothèque
qui brûle47(*) ».
CHAPITRE PREMIER :
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
1. Les sources écrites :
Les archives publiques :
- Archives du SHAT ( Service Historique de
l'Armée de Terre)
Carton 9n268 : D1 Note sur la participation
à la campagne de 1939- 40 des unités indigènes
Carton 9n268 : D4 Avancement des sous-officiers et des
hommes de troupes.
Carton 9n269 : Situation générale
des troupes coloniales en 1922/ Effectif-Relevé- Recrutement ( N°
654CS/A)
D1 Tableau de répartition des 2000 créoles des
Antilles destinés à des dépôts d'infanterie de la
Métropole.
D5 Utilisation des militaires indigènes dans les
unités de DCA, N° 1546/1686I6S, signé Falvy le 27 octobre
1939.
D9 Troupes coloniales sur la côte française des
Somalis ( 193561939).
Carton 9n270 : Renseignements concernant certaines
formations des troupes coloniales.
D4 : Création du 25ème RTS
à Souge ( 16 avril 1940), note N° 56 du 12 mars 1940/ Tenue des
troupes ( note N° 83/IGC du général Bührer).
D10 : Mise sur pied de la force mobile coloniale/
Elargissement de la motorisation aux 10ème et
12ème RAC ( accord N° 8605I du 25 octobre 1934)/ Centre
de motorisation de Fréjus ( N° 234 I/85 du 2 mai 1934).
D12 : Moral et état d'esprit ( 1920-1939) /
Rapport de Tnchoréré ( enseignement technique à donner aux
enfants de troupes, St-Louis, 28 février 1939)/ Circulaire sur les
permissions N° 10221/8/ Lettre du Maire de Fréjus du 25 octobre
1934.
- Archives du CHETOM ( Centre d'Histoire et
d'Etude des Troupe Outre-Mer) - Fréjus
Carton 15H20 : Uniforme des troupes coloniales.
Carton 15H28 : L'AOF dans la guerre.
Carton 15H30/D5 : Race de l'AOF : extrait de
la mission du Lieutenant-Colonel Mangin 1910-1911.
Carton 15H134/D1 : Les militaires indigènes
pendant la guerre 1914-1918/ Effectifs fournis et pertes subies.
Carton 15H136/D2 : Pertes subies pendant la Grande
Guerre.
Carton 15H141/D1 : Unités coloniales sur le
front français en 1939-1940.
Carton 15H142/D1 : Stationnement des troupes
coloniales au 1er juillet 1939 et en septembre 1940.
Carton 15H154/D1 : Blanchiment du
9ème en octobre 1944 dans le Doubs
D3 : Magnan sur l'opération Brassard
Carton 15H160 : Stationnement des troupes de
marine
B) Archives privés du
CHETOM :
Carton 17H23 : Fonds Astésiano.
Carton 17H25/D1 : Résistance et propagande.
Carton 17H39/D2 : Evasion.
Carton 18H05 : Témoignages et dons divers du
Docteur Hai.
C) Les ouvrages :
- LAWLER Nancy, soldats d'infortune : Les Tirailleurs
ivoiriens de la Seconde Guerre mondiale, L'Harmattan, 1996.
Ouvrage central car l'auteur utilise des enquêtes orales
en Côte d'ivoire. Elle réalise ainsi plus d'une centaine
d'interviews dans un champ d'action plutôt vaste. L'auteur est
retourné plusieurs fois revoir les personnes interviewées.
- CONOMBO Joseph Issoufou, Souvenirs de guerre d'un
Tirailleur sénégalais, Paris, L'Harmattan, 1989, 200p.
Témoignages personnels du Docteur Conombo qui fut
partie de la 9ème DIC. Son approche chronologique de la
guerre en fait plutôt un récit. Instruit à l'époque
de la guerre, son témoignage est aussi d'une importance capitale.
- MICHEL Marc, L'Appel à l'Afrique :
contributions et réactions à l'effort de guerre en AOF (
1914-1919), Paris : Sorbonne, 1989.
L'auteur est très certainement un des meilleurs
spécialistes sur le sujet. Il a écrit l'ouvrage le plus complet
sur les Tirailleurs sénégalais de la Grande Guerre. Ouvrage
indispensable pour l'étude des TS même de la Seconde Guerre
mondiale.
- MANGIN Charles, La force noire, Paris, Hachette,
1910, 364p.
Instigateur de l'idée d'utilisation des troupes
indigènes coloniales en France. Son oeuvre en explique les raisons ainsi
que ses propres expériences avec les troupes noires dont il juge que la
fidélité n'est pas à mettre en doute. Il y'a cependant un
certain paternalisme dû à l'époque, de même que
beaucoup de préjugés sur les Africains. Il n'en demeure pas moins
que l'effort de Mangin fut de connaître au mieux les noirs et ses
conseils seront utiles pour la mise sur pied des troupes coloniales.
2. Les sources orales : sources orales et
Histoire, le débat permanent .
Un débat engagé depuis longtemps sur les sources
orales de l'histoire de l'Afrique nous montre que le problème est fort
complexe48(*). Deux grands
livres apparus dans les années 1980 : Oral Historiography
de Henige ( 1982) et Oral Traditions as History de Vansina Jan ( 1985)
tentent de ramener le débat au premier plan. Les deux livres donnent les
outils méthodologiques, embrassant tous les aspects de la recherche
historique « sur le terrain », c'est à dire aussi
bien la collecte des sources orales, que leur exploitation - avec les
problèmes posés par le passage de l'oral à l'écrit
- et leur interprétation critique.
Jan Vansina, qui a longtemps travaillé en Afrique
centrale ( Gabon, Congo) et orientale ( Rwanda, Burundi) a rassemblé
tout ce qui, dans le passé porte la marque de l'oralité. Il
invite à détecter dans les récits les
stéréotypes culturels et les
« wandersagen », c'est à dire les
clichés qui circulent dans les aires géographiques parfois
très vastes. Ces auteurs invitent les historiens à briser les
barrières qui séparent les disciplines, à recourir
à la linguistique, à se faire anthropologue mais aussi
littéraire en appliquant dans l'analyse des récits les
mêmes méthodes que ceux- ci, pour en dégager les
éléments qui embellissent ou qui en assurent la progression
dramatique. Notre tâche qui est de donner une place au témoignage
oral n'est donc pas des plus faciles.
« Le corpus des traditions orales, est sans
cesse remodelé et réorienté ; des
événements et des sujets acquièrent une nouvelle
importance, tandis que d'autres passent à l'arrière
plan ».
Ainsi, le poids du présent social et des
intérêts à défendre dans le présent est assez
lourd sur le contenu des récits historiques qu'ils
infléchissent49(*).
Par ailleurs, « le travail de la
mémoire » est du domaine de la recherche des psychologues.
Dans la mémoire, « certains matériaux sont
rejetés, des significations nouvelles sont rajoutées à
d'autres, des causes secondaires sont niées et des séquences
temporelles disjointes » ; ce processus est universel et il
faut interroger le narrateur à deux ou plusieurs dates
différentes pour en tirer la part du réel et de
l'imaginaire : « Il faut surprendre l'esprit
humain » dit Perrot.
Henige va plus loin et affirme « aucun des
documents historiques n'a davantage souffert des intérêts
personnels, vérité générale qui s `applique
à toutes les sociétés et à toutes les
généalogies50(*) ».
Les deux auteurs sont en fait peu convaincus par la
fidélité des sources orales. Cependant, c'est l'unique moyen de
donner la voix à « ceux qui n'ont point de
voix » et en particulier aux minorités, aux vaincus, aux
« oubliés » de l'histoire : indiens, noirs aux
USA, mineurs au RU, Tirailleurs sénégalais de l'Empire
français.
Il ne faut certes pas négliger l'apport des sources
écrites quand celles ci existent car au seuil de toute enquête
orale, on se trouve confronté à un problème
complexe : l'aire territoriale que peut couvrir de façon exhaustive
un chercheur isolé est nécessairement restreinte51(*).
Il faut dans notre cas régulièrement se
référer aux sources écrites car celles ci existent.
L'avantage majeur est que tous les Tirailleurs interrogés à Dakar
parlent assez bien français. Ils oublient rarement les dates et sont
très précis sur les lieux, les bateaux qu'ils ont pris, les
officiers dont ils n'oublient presque jamais le nom ( même s'il est un
peu déformé parfois) ; cela montre combien ces hommes sont
attachés à cet événement de leur vie. Il n'en
serait certainement pas de même si nous avions interrogé des
Tirailleurs du fond du Sénégal où le Tirailleur
réintégré dans son milieu d'origine n'a parfois plus
parlé le français depuis. Notons aussi que beaucoup de
Tirailleurs ont gardé comme des trophées tous leur diplôme
et jusqu'aux cadeaux offerts par les habitants de la Métropole pendant
leur séjour en France. Ces objets semblent devenir le gage de leur bonne
foi. Il est aisé pour l'enquêteur de vérifier les dires de
l'interviewé car ce dernier a souvent la preuve de sa participation
à telle ou telle opération, preuves protégées tant
bien que mal des intempéries du temps.
En France, ce fut le général Christienne, alors
chef du Service Historique de l'Armée de l'Air ( SHAA) qui décida
de développer l'histoire orale d'abord pour tenter de remplacer,
compléter et expliquer les archives écrites. L'analyse de ces
dernières faisait apparaître de graves lacunes notamment en ce qui
concerne l'aviation avant 1914 et durant la Première Guerre mondiale. Il
fallait donc le plus vite possible, compte tenue de leur âge, recueillir
le témoignage des survivants de l'époque. Cependant les
interviews concernaient surtout des personnes ayant eu de hautes
responsabilités. Le témoignage oral « par le
haut » devrait-on dire.
En ce qui concerne les TS, le témoignage oral
« par le bas » est la seule possible puisque peu de
tirailleurs avaient de hautes responsabilités dans l'armée
française de l'époque.
La richesse des premiers témoignages recueillis en
France montre une fois pour toute l'importance du témoignage oral que
les USA utilisaient déjà depuis des décennies. Le
témoignage oral permet d'écrire une histoire plus humaine et plus
individuelle.
En douze ans, plus de 500 personnes ont été
interrogées soit 1500 heures d'écoute, 90 officiers
généraux, 294 officiers supérieurs et subalternes, 99
sous-officiers ; 13 ingénieurs ; 2 contrôleurs
généraux ; 17 civils. De l'aviation d'avant-guerre à
la guerre d'Algérie, en passant par la Deuxième Guerre mondiale,
ce fut un grand succès.
Les témoins sont interrogés sur des faits
précis ou sur l'ensemble de leur carrière. C'est la
méthode adoptée pour l'interview des Tirailleurs
sénégalais de Dakar. Nous les avons laissés parler de tout
ce qu'ils jugeaient important et à la fin de leur récit, nous
leur posions des questions précises sur tel ou tel point.
Il faut par ailleurs tenir compte des aspects juridiques car
souvent l'auteur ne se rend pas compte de sa responsabilité52(*).
- Comment concilier et exercer en toute légalité
ces différents droits ?
- Faut-il dans mes prochains interviews mettre sur pied un
contrat entre les deux parties ?
- Le laboratoire de recherche dont je fais partie constitue
t-il une caution juridique et morale ?
Car il s'agit là d'un travail historique, pas d'un
terrain de règlement de comptes des uns et des autres. Beaucoup
d'historiens se méfient en fait du témoignage oral. Ils pensent
que « la source par excellence de l'histoire est
évidemment écrit » et que l'histoire orale est
« un mélange du vrai, du vécu, de l'appris et de
l'imaginaire »
Mais Hérodote, père de l'histoire n'a t-il pas
fait le recueil de témoignages oraux ? Son effort fut de consigner
tout cela à l'écrit car « les hommes passent mais
les écrits demeurent » ; C'est donc plus la
consignation par écrit des sources orales qui est importante. L'avantage
majeur des sources orales est certainement l'abondance des détails. Les
Tirailleurs s'attardent sur des détails ( décor ) qui à
priori ne sont pas importants. Il faut donc tout noter pour en comprendre le
sens. Il faut aussi accepter la lenteur du narrateur, en ne lui coupant pas la
parole, ce qui est mal vu, surtout en Afrique. Les questions posées
doivent rester ouvertes. L'enquêteur doit savoir s'effacer. Il doit
apprendre à avoir la confiance des interviewés en revenant les
voir plusieurs fois53(*),
faire petit à petit partie du décor.
J'ai appris que le fait de citer le laboratoire de recherche (
peut être parce qu'il est en France) donnait tout de suite un vif
intérêt et un gage de sérieux. Les Tirailleurs en
général se sentent plus attentifs lorsqu'ils savent que je suis
venu de la France pour les rencontrer. Par ailleurs, j'ai appris qu'un certain
nombre de personnes se sont intéressées au sujet, sans but
universitaire, et détiennent des documents privés très
riches.
Ainsi, à condition d'être utilisée avec
précaution et discernement, le témoignage oral apporte des
éléments indispensables à l'écriture de l'histoire.
Elle sert non seulement à expliquer et à comprendre les archives
écrites mais aussi à comprendre l'histoire des mentalités
pour reconstruire le passé et l'identité collective : celle
des Tirailleurs sénégalais de la Seconde Guerre mondiale par
exemple.
« Un vieillard qui meurt est une bibliothèque
qui brûle » Cette formule d'Amadou Hampaté
Ba54(*) est certainement
plus vraie encore en Afrique où la littérature orale est
centrale. Le vieillard est garant de la mémoire collective et de
l'histoire qu'il transmet aux plus jeunes dans les veillées nocturnes
organisées à cet effet. Le griot, gardien de cette
mémoire, est alors le pilier de ce système. La mémoire est
alors nécessairement vivante, elle est vie, le baobab majestueux dont
les fruits, les feuilles, le tronc servent à l'homme.
« La plus grande France », la France de
l'Empire, a su répondre à l'Appel de la Métropole. Celui
dont on pouvait faire « un fantassin, un cavalier, un
méhariste, un canonnier [...], un soldat du train, un sapeur [...], un
ouvrier d'artillerie, un matelot, un chauffeur, un
mécanicien...55(*) » est avant tout un
soldat-indigène. Le prix du sang payé par les Africains de la
Première Guerre mondiale est lourd ( plus de 22% des effectifs pour les
Sénégalais) ; Cela ne leur permet pourtant pas le changement
de statut promis par Blaise Diagne56(*).
J'avais une motivation supplémentaire dû
peut-être à ce sentiment d'abandon dont étaient victimes
les Tirailleurs sénégalais malgré leur sacrifice. Il me
fallait en outre être très prudent car un travail d'histoire doit
être dénué de tout jugement personnel comme le dit si bien
le Pr. Jauffret dans les tables de loi.
Je me fais alors le griot de Bakary Goudiaby, Ogotiembé
Guindo, Mbaké Sèye, Aly Fall, Cheiboud Abdella Ben57(*) « frères noirs
[et arabes] à la main chaude couchés sous la glace et la
mort »58(*).
Misant l'essentiel sur le témoignage oral, suivant
l'exemple de Nancy Lawler pour la Côte d'Ivoire ( plus d'une centaine
d'interviews), je décidais de partir à Dakar où je pus
recueillir des témoignages que je pourrai affiner et comparer aux
sources écrites. J'arrivai à Dakar en janvier, au moment
où tout le monde s'attèle aux préparatifs de la fête
de l'Aïd el kébir. Grâce à Dieu et à
l'intervention du secrétaire de la maison, je pus réunir une
quinzaine d'entre eux à la Maison des Anciens Combattants.
Les tirailleurs sénégalais qui ont
participé à l'enquête sont :
- M. CISSE Issa ( 9ème DIC,
18ème RTS, M 92444).
- M. DIOP Ousseynou ( M 1129).
- M. DIOP Ablaye ( M 2180, Algérie,
Nouvelle-Calédonie).
- M. DIOP Babacar ( M 1616, originaire).
- M. KANE Mamadou ( 1ère BAT,
11ème RTS, M 795, originaire).
- M. DIARRA ( M 44480).
- M. NDIAYE Demba ( M 461223).
- M. DIONE ( M 41923).
- M. DIEDHIOU ( ?)
- Groupe composé d'une veuve de guerre et de 5 autres
tirailleurs qui tiennent à rester anonyme.
3. Les sources
audio-visuelles :
- SEMBENE ousmane, Thiaroye 44, long
métrage
- DEROO Eric, Histoire oubliée,
documentaire
- Région Rhône-Alpes, Le Tata
sénégalais de Chasselay, doc.
- SFP, « En attendant Fred »,
émission, 1989
BIBLIOGRAPHIE :
1. Méthodologie et instrument de
travail :
- SHAT, « Inventaire des archives du
SHAT ».
- SHAT, « Atlas des situations des armées
alliés : les armées françaises de la Seconde Guerre
mondiale », Paris, 1967.
- CHETOM, Répertoire des archives du CHETOM, tome 1 (
fonds publics) et tome 2 ( fonds privés).
- Unités Combattantes des campagnes 1939-1945 ;
Période du 3 septembre 1939 au 8 mai 1945, Bulletin officiel du
Ministère de la guerre, Paris : Charles Lavauzelle.
- Colloque du CHETOM, « Les troupes de marine
dans l'armée de terre : un siècle d'histoire :
1900-2000 », décembre 2000.
2. Ouvrages généraux :
BORGNIS-DESBORDES, Histoire et épopée des
troupes coloniales, Paris, Presses modernes, 1956
BOURGI Robert, Le général de Gaulle et
l'Afrique noire : 1940-1969, Abidjan, NEA, 1980.
CLAYTON Anthony, Histoire de l'armée
française en Afrique, 1830-1962, Paris, Albin Michel.
Collection « Mémoire et
Citoyenneté », Les ralliements de l'Empire à la
France libre : l'Afrique en jeu, n°9, janvier 2001.
« Les collections de l'Histoire »,
Le temps des colonies, n°11, avril 2001.
Les Amis de PA et le CAARRA, Le Tata
sénégalais, nov. 2000.
DURAND Yves, Les causes de la Seconde Guerre
mondiale, Armand Colin, 1992.
DE GAULLES Charles, Mémoires de guerre, tome 1
à 3, Plon, 1954.
FARGETTAS Julien, Le massacre des soldats du
25ème RTS - Région lyonnaise - 19 et 20 juin 1940 (
tome 1 et 2), Mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine,
université Jean Monnet ( Saint-Étienne), sous la direction de M.
le Professeur Delpal et de M. Jean François Brun, 1998-99.
GAUJAC Paul, L'armée de la victoire : de la
Provence à l'Alsace 1944, Paris, Charles Lavauzelle, 1985.
HEDUY Philippe, Histoire de l'Afrique, Henry
Veyrier.
JAUFFRET Jean-Charles, article « armée
d'aujourd'hui », n° 190, pp 157 à 163.
KEGAN John, Atlas de la Seconde Guerre mondiale,
Larousse.
Ly Abdoulaye, Mercenaires noires ; notes sur une
forme d'exploitation des africains, Paris : PA, 1957
Musée des Troupes de Marine ( Fréjus) et
Musée des Forces Armées ( Dakar), Des Spahis
sénégalais à la garde rouge de Dakar, juin 2001.
SHAT, « Les troupes de marine », revue
historique des Armées, 1983, n°2.
SURET-CANALE Jean, Afrique noire occidentale et centrale,
T2 : l'ère coloniale. 1900-1945, Editions sociales. Paris.
4. Ouvrages africains :
ABRAHAMS Peter, Rouge est le sang des noirs, Paris,
Casterman, 1971.
BA Hampaté, L'étrange destin de
Wangrin, Paris : Union Générale d'Editions, 1973.
BA Hampaté et Lilian Kesteloot, Kaïdara,
classiques africains, Armand Colin, 1969.
CESAIRE Aimé, Cahier d'un retour au pays
natal, Paris, P.A, 1956.
DIOP Cheikh Anta, Nations nègres et culture ( tome
1 et 2), Paris : P.A.
MELONE Thomas, De la négritude dans la
littérature négro-africaine, Paris, P.A, 1962.
RABEMANAJARA Jacques, Le poète noir et son
peuple, P.A, 1957.
SENGHOR L.S, Hosties noires, Paris, seuil, 1956.
CHAPITRE II
DE L'AFRIQUE A L'EUROPE
A la déclaration de la guerre en 1939, les troupes
coloniales fournissent huit divisions à l'Empire français. Un an
plus tard, en 1940, la plus belle page d'héroïsme est écrite
dans la région Rhône-Alpes (17-23 juin) par les tirailleurs du
25ème RTS, en majorité de jeunes guinéens, qui
résistent aux Allemands dans leur point d'appui du couvent de Mont
luzin, au Nord - Est de Lyon.
Participer à cette guerre
qui n'était pas la leur était pour ces Africains une obligation
plus qu'un engagement puisqu'ils faisaient partie de l'Empire français.
Si l'AEF décide de continuer la guerre dès 1940, il faudra
attendre 1942 pour que l'AOF rallie la cause gaulliste. Ses renforts se
monteront alors à partir de 1942 à 60 000 Africains et 16 000
Européens. Comment se sont déroulés les recrutements,
l'entraînement et la mobilisation de ces hommes qui devaient combattre
une des armées les plus structurées et les plus modernes de
l'époque ?
1. L'appel aux armes, la mobilisation, Le
Recrutement :
Par l'expérience acquise au feu lors de la
conquête outre- mer, la coloniale s'illustre dès 1914, où
les troupes noires forment 60 bataillons. Cependant, elles ne sont que
prudemment engagées en septembre 1914. Elles se distinguent à
Dixmude mais doivent être retirées du front aux premiers froids.
L'expérience tirée de leurs combats va porter ses fruits. En
1916, lorsque d'autres africains sont engagés à la suite de
l'intervention de Blaise Diagne, on profite des mois d'hiver pour les
entraîner dans les camps de la Côte d'Azur. En 1918, les troupes
coloniales forment 210 bataillons ( 66% de l'Afrique noire, 15% de Madagascar,
1 à 2% des Somalies, le reste, de l'Indochine et du Pacifique) ;
L'ensemble de ces effectifs aura compté en tout 283 000 soldats et 91
000 travailleurs, et il y eut 115 000 tués et 6 393 disparus.
Ainsi, lorsque la mobilisation
générale fut lancée en 1939, beaucoup d'Africains fuirent
en Gold Cost. La guerre en Europe signifiait pour beaucoup d'entre eux une
mort certaine. D'autant plus que la politique coloniale de la France n'avait
pas beaucoup changé par rapport à celle des années 1914.
Pendant la période des années 1930, les possessions
françaises étaient groupées en deux
fédérations de colonies et en territoires sous mandat :
- L'Afrique Occidentale Française (AOF) avait pour
capitale fédérale Dakar ; elle comprenait le
Sénégal, le Soudan français ( actuel Mali), la
Guinée française, la Haute Volta (actuel Burkina Faso), la
Côte d'Ivoire, le Dahomey(actuel Bénin), le Niger et la
Mauritanie.
- Avec Brazzaville pour capitale, l'Afrique Equatoriale
Française ( AEF) regroupait le Moyen-Congo ( actuel Congo), le Tchad,
l'Oubangui-Chari (actuel République centrafricaine) et le Gabon.
- Anciennes colonies de l'Allemagne, le Cameroun et le Togo
étaient divisés entre la Grande Bretagne et la France et
placés sous mandat de la Société des Nations.
Le système colonial
français est alors fondé sur l'administration centralisée
et directe. Chaque groupe de territoires avait à sa tête un
gouverneur général représentant le ministre des Colonies.
Administrés par un haut commissaire de la république, les
territoires sous mandat échappaient à la conscription et la
France devait présenter à la SDN un rapport annuel sur son
administration.
Les colonies étaient gouvernées par
arrêtés émanant des gouverneurs généraux ou
découlant des décrets des autorités gouvernementales
françaises. Formé de hauts fonctionnaires, le conseil de
gouvernement assistait le gouverneur général ou le haut
commissaire, mais son rôle était surtout consultatif. Les pouvoirs
du gouverneur général étaient de type
proconsulaires : il administrait, disposait d'une force armée,
nommait et révoquait à sa guise. Chaque colonies avait à
sa tête un lieutenant-gouverneur dépendant du gouverneur
général et assisté d'un conseil d'administration.
Appelées circonscriptions ou cercles, il y avait une centaine
d'unités territoriales en AOF et une cinquantaine en AEF. Chacune
d'entre elles était administrée par un commandant de cercle. Au
bas de l'échelle, l'administration était
généralement assurée par les anciennes familles
régnantes devenues alliées des français.
Chef politique et administratif, chef de la police et
procureur général, présidant du « tribunal
indigène », sorte de despote local, le commandant de cercle
était le principal représentant du pouvoir colonial connu des
africains. Jugé en fonction des profits qu'il obtenait pour l'Europe, il
veillait avant tout aux intérêts des chambres de commerce et des
grandes entreprises et n'hésitait pas dans la défense de ces
intérêts et des siens propres à « faire
travailler la masse pendant neuf mois consécutifs sans toucher la
moindre rémunération »59(*) . C'est lui qui prescrivait
l'impôt de capitation, prélevait les taxes, exigeait le travail
forcé, mobilisait pour le travail obligatoire et imposait le service
militaire. Il était avec le chef de canton à l'origine de
profonds traumatismes en milieu rural.
Devenus de véritables fantoches, les chefs de village
étaient tour à tour détestés par les leur ou
destitués par l'administration coloniale. Ils choisissaient souvent
l'option la plus intéressante pour eux et leur famille, c'est à
dire faire tout pour s'attirer les faveurs de l'administration ; ils
n'hésitaient d'ailleurs pas à en faire parfois un peu plus qu'on
ne leur demandait.
Malgré les quelques réformes qu'il recommande,
l'avènement du gouvernement de Front populaire en juin 1936 n'apporta
aucun changement au système colonial. Un système de consultation
de la population fut conçu par l'administration coloniale mais il
était régulièrement manipulé. De fait, seuls les
électeurs des quatre communes du Sénégal, environ 10 000
personnes, participaient aux consultations.
Comme le note si bien Jean Paul Sartre60(*), les soldats français
d'outre-mer, repoussant l'universalisme métropolitain, appliquent au
genre humain le numeris clausus61(*) . C'est très certainement la
méthode qui a été appliquée en Afrique
colonisée. En effet, en décidant que seuls les natifs des Quatre
communes62(*) (Dakar,
Saint-Louis, Rufisque et Gorée) avaient le droit d'être citoyen
français et de jouir des mêmes privilèges que tous les
Français, ils créaient au sein d'une même communauté
une certaine inégalité63(*). Le recrutement des Tirailleurs obéit à
cette même règle puisqu'il y avait une différence de
traitement entre ces natifs des Quatre communes et les autres.
Recruter par tous les moyens :
Les Français avaient déjà eu une première
expérience avec la Première Guerre mondiale. Ils avaient compris
que l'administration coloniale était réticente à une
levée en masse en Afrique comme ce fut le cas lors de la Première
Guerre mondiale lorsque Van Vollenhoven64(*) préféra la démission à
cette charge. Ils avaient aussi compris l'importance des marabouts et avaient
d'ailleurs depuis longtemps choisi d'en faire des alliés. En effet, en
détruisant le système africain reposant sur une alliance au roi,
la France n'avait fait que transposer le problème. Les marabouts prirent
ce rôle, celui de guide et de « roi- mage » dont le
pouvoir doublé de spiritualisme devait dépasser celui des anciens
rois africains. Beaucoup de ces marabouts choisirent la lutte contre
l'envahisseur que ce soit en Afrique noire65(*) ou en Afrique du nord66(*) . Certains, comprenant bien le pouvoir des
Européens « ceux qui savent vaincre sans avoir
raison », choisirent une alliance de fait dans la mesure
où la France ne s'attaquait pas à l'Islam.
La France va donc utiliser ses alliés pour le
recrutement car l 'expérience de la Première Guerre mondiale
avait montré qu'un noir choisi parmi les siens avait plus de pouvoir de
persuasion que n'importe quel européen. Ainsi, en combinant tous les
moyens, la France prit toutes les dispositions pratiques en vue des
hostilités. Au lieu de 10 à 12 000 appelés des
années normales, on allait recruter 25 000 hommes parmi la classe
normale, c'est à dire parmi ceux dont la date de naissance officielle
était 1919. Malgré les protestations de certains gouverneurs, qui
à cause de la mobilisation se retrouvaient à gérer une
population de plus de quatre millions d'âmes avec parfois une centaine de
français seulement, le recrutement allait se poursuivre.
La montée du nombre des appelés de l'AOF
était importante. De 21 000 en septembre 1939, elle allait passer
à 122 320 en juin 1940.
Même si l'administration, dans un style plus proche de
la propagande notait à l'époque que « des foules
d'indigènes se présentaient dans les bureaux de recrutement,
réclamant l'honneur de porter les armes pour notre
pays », les Africains ne se ruèrent pas dans les bureaux
de recrutement. Myron Echenberg cité par Anthony Clayton
note pourtant :
« Le Cameroun sous tutelle de la SDN est
supposé être démilitarisé, mais des volontaires
camerounais se présentent d'eux même au Niger ».
L'administration mobilise d'abord les anciens Tirailleurs
encore en vigueur et utilise toute sorte de propagande montrant tantôt la
méchanceté d'Hitler qui n'aimait pas du tout les Africains ou
alors glorifiant les fils de la France se mobilisant pour lutter pour la
liberté et la dignité de l'Homme. Même si cela est en
partie vrai car il faut le dire, l'envahisseur est bien l'Allemagne nazie dont
l'idéologie n'était pas très pro-africaniste, les
Africains ne faisaient aucune différence entre les Européens. Ils
n'avaient souvent vu l'homme blanc que sous un angle de dominé ou alors
de violence. Les Africains qui avaient compris qu'ils n'échapperaient
pas au recrutement finirent par s'y résigner même si certains
choisirent la fuite ou d'autres moyens pour ne pas aller en Europe.
L'administration avait cependant des moyens de dissuasion67(*).
Le système de recrutement de 191968(*) fut maintenu plus ou moins en
l'état même si les chiffres changèrent. 82 000 soldats
devaient être enrôlés en A.O.F dont 30 000
immédiatement ; le reste devant être gardé en
réserve pour une incorporation ultérieure.
Comme nous l'avons vu plus haut, le système colonial
était très centralisé. Au plus bas de l'échelle se
trouvait le chef de canton et au plus haut le gouverneur. Une fois les quotas
fixés, tous les moyens nécessaires étaient bons pour les
atteindre. Les commandants déléguaient les opérations de
recrutement aux chefs de cantons qui souvent en bon vassal en faisaient plus
qu'on ne leur demandait pour s'attirer certaines faveurs de l'administration.
Les chefs de village, dernier maillon du système ( puisque le
recrutement dans leur village était de leur ressort ) avaient un plus
lourd travail. Liés à ces hommes qu'ils allaient envoyer à
la guerre, ils n'avaient d'autres choix que de respecter les décisions
de l'administration soit d'une manière démocratique en convoquant
le conseil des sages, soit d'une manière plus juste en choisissant un
jeune homme dans chaque famille. Cependant, certains chefs de village en
profitèrent pour régler leur compte aux familles ennemies (en
envoyant tous les hommes au recrutement).
La loi de 1919, qui avait institué le service
militaire universel en A.O.F stipulait que « les conscrits qui
avaient un frère à l'armée ou qui étaient seuls
à subvenir aux besoins d'une mère ou d'une grand-mère
veuve ou d'un père infirme, étaient exempts » du
moins en principe. L'administration ne tient pas compte de cette loi par la
suite.
Le véritable succès du recrutement est
l'engagement de l'illustre marabout de l'Afrique Occidentale Française
Seydou Nourou Tall69(*),
descendant de El hadj Omar Tall, fondateur de l'empire Toucouleur musulman au
nord du Sénégal. Il fit une tournée de plus d'un mois,
haranguant les foules et avec pour mission de préparer les africains
à l'effort de guerre. D'autre part, les chefs de village, de canton,
pour ne pas s'attirer l'ire de l'administration envoyaient un cheptel humain
assez convenable même si dans certaines régions cela était
très difficile car il fallait aussi répondre aux exigences du
travail forcé, du travail des champs70(*) etc. Ils arrivaient quand même à presque
toujours respecter le quota qui leur était imposé tout en se
préservant car peu de fils de chefs feront la guerre.
Ainsi, au moment de la déclaration de guerre en
septembre 1939, 30 000 africains sont stationnés en AOF, 8 000 en AEF et
30 000 en Métropole, 4 500 en côtes des Somalis soit un total de
72 500 africains sous les drapeaux71(*). En Métropole se trouvent 6 RTS : les
4ème et 8ème RTS sont à Toulon, le
12ème à la Rochelle, le 14ème
à Mont de Marsan, le 16ème à Montauban et le
24ème à Perpignan. Le 25ème RTS est
créé à Souge en avril 194072(*).
Après le recrutement des hommes répondant aux
critères, une seconde sélection était faite par le conseil
de révision comprenant généralement le commandant de
cercle, un officier et un médecin. Ils faisaient le tour des districts
et y passaient trois jours environ. Les chefs de cantons qui devaient
obligatoirement être présents y recevaient soit des blâmes
soit des félicitations selon la qualité des recrues. Le tiers
parfois la moitié des recrues étaient inaptes, soit à
cause des maladies, soit pour d'autres raisons. Il y avait cependant un plus
grand nombre d'apte dans les écoles comme le constate M.
Conombo :
« Après avoir passé devant
chacun des membres qui émettait son avis, invariablement tout se
terminait par le cri du médecin : BSA (Bon Service
Armée).Immédiatement, ses suivants se saisissaient de vous et
mettaient votre livret de recrue à jour sur le champ73(*) »
Certains Africains, pour ne pas aller en
Europe, n'hésitèrent pas à se mettre du piment dans les
yeux. D'autres utilisèrent des moyens mystiques et certainement que la
plupart des réformés croyaient en la puissance de leur gri-gri.
Les maladies qui sévissent dans ces contrées ( malaria,
fièvre jaune) étaient aussi pour beaucoup dans les
révocations. Les Français recherchent par ailleurs un certain
profil de tirailleurs : grand, fort et imposant était le parfait
tirailleur. On trouve donc peu de Peuls parmi les tirailleurs et beaucoup de
Mandingues et de Bambaras74(*) comme le constate Anthony Clayton :
« Un soin particulier est également
apporté pour que les groupes ethniques attirés par le
militantisme de l'Islam, tels que les Peuls, n'aient pas la
prépondérance dans aucune formation75(*)»
Au début de la guerre, la proportion des
sélectionnés était en A.O.F de 20% en moyenne. Cette
proportion passe à 35% en 1940. Après la visite, les
sélectionnés étaient incorporés
immédiatement : « Dès que je fus reçu
apte, ma formation commençait. Ce n'était pas facile mais je
n'avais pas peur » confirme d'ailleurs M. Ousseynou Diop tandis
que l'originaire M. Cissé a une autre approche :
« Je fus incorporé le 4 novembre 1942
à Dakar et fis ma préparation militaire à Thiès. Ce
n'était pas si compliqué que ça finalement
l'armée ».
On leur donnait immédiatement leurs uniformes
dont les Tirailleurs tiraient une grande fierté. En effet, celui ci leur
donnait un certain prestige et même s'ils n'étaient pas chefs,
ils se retrouvaient immédiatement au dessus de la masse.
2. Volontaires et conscrits ;
« indigènes et
évolués » :
Le décret du 21 août 1930
réglementant le recours au travail public obligatoire en AOF stipule
à l'art. 7 : En aucun cas, ne peuvent être soumis au
travail public obligatoire :
1°Les indigènes ayant servi sous les drapeaux
pendant la guerre ; [...]
9° Les militaires et agents de la force publique en
activité de service ;
10° Les élèves des écoles
officielles ;
On voit donc qu'il y avait quelques avantages à
être engagé, au moins pouvait-on échapper au travail
obligatoire. Mais ce n'était pas une des principales motivations des
engagés. L'administration française utilise tous les moyens
imaginable y compris la ruse pour atteindre un quota acceptable de volontaires.
Les conscrits n'avaient pas le choix. Les Tirailleurs instruits ( même
s'ils étaient indigènes) jouissaient d'un régime de
faveur :
« Nous tous jouissions d'un régime de
faveur à savoir un an de service militaire au lieu de 3 comme les autres
indigènes et possibilité de faire dans la même année
le peloton d'élèves caporaux 76(*)»
Ce régime de faveur est bien réel pour les
Tirailleurs instruits, du moins au début de la guerre. Mais par la
suite, l'administration française mit tout le monde sur le même
pied d'égalité :
« Les années 1938-39 voient
s'intensifier le recrutement militaire dans les grandes écoles. Au lieu
d'une dizaine ou d'une vingtaine de recrues par promotion, on prend maintenant
toute la promotion ! Plus de régime de faveur d'une année,
qui n'était réservé qu'aux citoyens
français77(*) »
Une fois le Tirailleur recruté, l'objectif de
l'armée française est de lui faire signer pour quatre ans. On
l'encourageait dès les premières heures de son incorporation. Un
des moyens assez fréquemment utilisés fut de lui poser une
multitude de questions, y compris sur la famille de la nouvelle recrue. Ce
dernier avait alors l'impression d'acquérir une certaine importance due
à son engagement ( ou plutôt sa sélection) ; il
devenait alors facile à l'administration de le berner en lui montrant
les avantages matériels. Beaucoup d'Africains se laissent faire sans se
rendre compte de la supercherie.
L'objectif pour l'administration est de montrer à
l'Allemagne la réussite de la mission civilisatrice de la France.
D'ailleurs, les nazis dénoncent aussitôt les méthodes de la
France. Elle appelle la France à se battre entre Européens. Mais
la vraie raison est que les Allemands, en raison des anecdotes racontées
pendant la Grande Guerre sur les Tirailleurs noirs et des souvenirs de
l'occupation de la Ruhr, avaient une peur atroce de ces troupes
« sauvages » comme les nomme Hitler.
L'administration coloniale rappela d'abord les
réservistes avant de les renvoyer chez eux. Chouchoutés par
l'administration, ils avaient pour rôle indirect de pousser les Africains
à aller en masse dans les bureaux de recrutement. Les autres Africains
encore entrain de faire leur service militaire furent incorporés
d'office dans l'armée comme le souligne Mamadou Kane :
« J'étais originaire, j'avais 19 ans,
j'étais apte et incorporé 1 ans après au 1er
Bataillon de l'AOF à Kaolack 78(*)»
En fonction des régions d'Afrique, il y avait un
pourcentage plus ou moins élevé de volontaires. Nancy
Lawler79(*) établit
une corrélation entre la culture, l'histoire d'un peuple et
l'intérêt pour l'armée. Elle a certainement raison. Les
Africains de la région sub-saharienne dont la culture est plutôt
ouverte à l'extérieur sont plus souvent volontaires que leurs
homologues africains du centre. L'environnement explique aussi beaucoup de
choses. Le désert symbole de liberté et de grands espaces est le
domaine ouest africain. La région centrafricaine plus hostile (
végétation dense) pousse a un caractère plus
méfiant. Les fuites sont d'ailleurs plus fréquentes dans ces
régions. Ainsi, plus de la moitié des Tirailleurs
interrogés à Dakar se sont portés volontaires. Il faut
dire que le Sénégal a une culture ouverte vers
l'extérieur. Le voyage y est considéré comme un
épanouissement. Ceux qui partent loin y sont respectés.
Mais une des principales motivations est surtout l'illusion
de pouvoir obtenir après la guerre le droit de vote et le statut
juridique français remplaçant le statut d'indigène. Cette
promesse des français avant la déclaration de guerre était
en fait un leurre. Il y avait cependant plusieurs avantages à se porter
volontaire. Le salaire augmentait de plus de 500 FF et la reconnaissance
sociale était énorme.
« L'évolué » africain est,
selon le principe du Numéris clausus80(*) énoncé plus haut , un Africain
ayant un certain niveau d'étude ( primaire, diplômé de
William Ponty au Sénégal ) ; Les perspectives d'avancement
pour ces hommes étaient beaucoup plus larges que celles du simple
indigène. Ces diplômés étaient cependant plus
nombreux dans les Quatre communes que dans le reste de l'Afrique. L'AOF
était d'autre part mieux lotis en
« évolués » que l'AEF. Instituteurs,
docteurs, vétérinaires, administrateurs, ils sont d'une
importance capitale dans cette guerre. Comme nous l'avons dit en introduction,
nous nous intéressons plus à ces hommes qu'au reste des
Tirailleurs. Les « évolués », dotés
d'un certain niveau d'instruction, avaient une conscience réelle de ce
qui se passait : conscience de l'ennemi, de son idéologie ;
ils pouvaient lire et comprendre les propagandes tant françaises
qu'allemandes et plus tard américaines. Ces
« évolués » ont souvent utilisé leur
statut pour profiter du système colonial. Ainsi, l'instituteur
pouvait-il voyager en se faisant héberger gratuitement dans les villages
car les chefs de village les considéraient comme proche de
l'administration81(*). Ils
marquaient leur statut par l'habillement (casque colonial), l'utilisation
fréquente du français qu'ils maîtrisaient. Cela avait pour
effet d'impressionner les indigènes.
Comble de l'ironie, l'administration française ne fit
aucune différence entre celui là même à qui il a
appris à se sentir supérieur parce qu'instruit et le reste des
Tirailleurs. Beaucoup de ces Tirailleurs
« évolués » se sentent alors blessés
dans leur dignité d'hommes instruits82(*). Les premières semaines d'instruction furent
terribles pour ces hommes qui venaient de comprendre qu'ils ne sont rien
d'autre que des « colonisés » que le colonisateur
utilise à sa guise.
Chéchia rouge ou casque de soldat ?
Blessés dans leur dignité d'homme
« évolués », ils le sont encore une fois dans
la tenue vestimentaire. Ils avaient la même tenue que l'indigène
au rire niais représenté sur la publicité de
« banania » à savoir un chéchia rouge, une
ceinture de flanelle et un blouson col rond, liseré jaune et les bandes
molletières et pieds nus. Les collègues africains qui
partageaient la même école, faisaient le même travail, par
le seul fait d'être originaire des Quatre commune avaient eux des habits
de soldats parce qu'ils étaient « citoyens
français » ; Ils portaient le casque ou le calot et
étaient habillés avec le veston kaki et des chaussures.
L'injustice est alors à son comble. D'autant plus que certains
administrateurs laxistes ou tout simplement de mauvaise foi mentionnaient
« illettré » sur toutes les fiches de recrutement
des sujets français.
L'administration, à cause du manque d'officiers et de
sous-officiers, est plus attentive par la suite dans l'unique but d'identifier
les candidats potentiels à une promotion. Les
« sujets » africains ne pouvaient être promus que
jusqu'au rang de capitaine et au cas où ils allaient plus loin dans la
promotion, ils étaient « officiers
indigènes », histoire de leur rappeler qu'ils n'étaient
pas citoyens français83(*) comme le note M. Conombo:
« Nous, nous serons Sergents infirmiers
« indigènes » à 48 FF par quinzaine et nos
deux autres camarades citoyens de même grade à 500 FF par
quinzaine[...]Nos deux camarades mangent au mess des sous-officiers84(*) ».
Cependant, si l'administration française est
réticente à former des officiers africains, elle l'est moins pour
les sous-officiers. Tous les « instruits » recevaient une
proposition de promotion au sein de l'armée comme sous
officiers85(*). Ainsi, la
règle était assez simple, sous officiers noirs mais officiers
toujours blancs ( sauf quelques exceptions)
Les officiers français des régiments de
tirailleurs, souvent sortis des meilleures écoles avaient reçu
l'ordre de se rapprocher de ces sous officiers et « officiers
indigènes » ; ce que beaucoup d'entre eux feront bien et
de bonne foi en réalité. La plupart des officiers connaissait
bien l'Afrique et certains parlaient plusieurs dialectes africains. Les
officiers français, dans l'ensemble étaient de vrais soldats qui
respectaient la bravoure86(*).
L'entraînement : Mais
comment faire de ces hommes des soldats ? Pour être soldat, il ne
suffit pas de savoir manier les armes mais surtout d'apprendre à faire
partie d'un corps. La distribution immédiate des uniformes permettait de
créer une nouvelle identité pour ces hommes venus des
différentes parties de l'Afrique. Le Ouolof, le Toucouleur, le Dioula,
le Mandingue se trouvèrent tout à coup un point commun : ils
devenaient tous « Sénégalais ». Cette
nouvelle identification est capitale. En vivant ensemble, les Africains
apprennent à se connaître, à s'aimer dans la
différence culturelle, à être des « soldats de
France » ; C'est très certainement, cet aspect qui est la
plus importante pour l'avenir de l'Afrique, il y avait au sein des RTS une
unité exceptionnelle87(*). Après s'être habitué à la
vie de camp, les Africains apprennent le maniement des armes (le fameux MAS
36) :
« ... Commence l'instruction militaire, chacun
ayant sa tenue complète de campagne et le fusil 36 sur l'épaule.
Nous parcourons ainsi chaque matin 10 à 15 km dans les nyagnés
périphériques de Dakar [...] Cette vie disciplinaire n'a
duré qu'un mois et n'a visé en fait qu'à un seul
but : nous apprendre à ne jamais refuser l'exécution d'un
ordre 88(*)».
L'entraînement est par la suite plus intensif surtout
à partir de 1942 :
« ...Pendant plus de dix mois, nous allons mener
la vie de casernement. Nous devons à tour de rôle avec les
unités, nous préparer par tous les exercices d'endurance à
affronter le débarquement 89(*)».
Les TS cultivent eux même des champs
d'ignames nécessaires à leur alimentation et le soir apprennent
à parler le Français, du moins les rudiments de la langue
française pour se faire comprendre, le « moi y'a
dit » comme disait un tirailleur dans le reportage Histoire
oubliée d'Eric Deroo. Plusieurs km de marche, une alimentation
assez équilibrée, et des punitions corporelles90(*) sont le quotidien de ces
hommes pendant plus d'un mois. L'objectif est surtout d'apprendre à ces
hommes de ne jamais désobéir aux ordres d'un supérieur.
Le tirailleur est alors fin prêt. Pendant toute la
durée de ses classes, il n'avait pas pris conscience de ce qui
l'attendait. Il était devenu un soldat : un
« Sénégalais » ; Il en tirera une grande
fierté toute sa vie durant. De frères de couleur, ces hommes
venus de toutes les contrées africaines deviendront
« frères de sang » sur les fronts européens.
Ils verront l'homme blanc en général si sûr de lui,
vaciller et perdre la face. Ils se rendront compte sur les chemins de la guerre
que leur propre Liberté n'est pas loin.
3. La bataille de France :
Le 1er juin 1943,
« c'est en cargo grec transformé en navire de guerre, que
nous sommes acheminés comme des moutons à
Casablanca » dit Mamadou Kane91(*), matricule M 795, 11ème RTS. Il
faut dire qu'à ce moment de la guerre, la France doit utiliser tous les
moyens logistiques pour vaincre l'ennemi allemand. Par la suite, les
Tirailleurs sont acheminés en Afrique du nord par le
« Pasteur » que la plupart des Tirailleurs
interrogés ont pris :
« Notre unité du 18ème
RTS, dirigé par le Colonel Salan, embarque le 3 octobre 1943 à
bord du Pasteur pour Casablanca. De là, dispersion vers Fez (
18ème RTS), Marrakech ( 17ème RTS) et Rabat
( 16ème RTS) » note le Docteur Conombo.
La France mobilise alors le maximum
de ses troupes d'Afrique de l'Ouest. M. Cissé et M. Babacar Diop font
partie de ceux qui embarquèrent à bord du Pasteur :
« Je fus incorporé le 4 novembre 1942
à Dakar. Je fis ma préparation militaire à Thiès.
Revenu à Dakar, j'embarquais à bord du Pasteur le 27 septembre
1943 pour Casablanca » dit M. Cissé (
18ème RTS). Les propos du Docteur Conombo diffèrent de
ceux de M. Cissé car tous deux faisaient partie du
18ème RTS. Il semble donc qu'il y ait eu deux convois pour le
18ème RTS. M. Diop a certainement pris le même convoi
que son compatriote sénégalais Cissé :
« ... mobilisé en janvier 1943, je pris
le Pasteur pour le Maroc en septembre 1943. Nous étions 100 originaires
( téléphonie, chauffeurs) ».
L'Afrique du nord est donc un autre camp d'entraînement
pour les Tirailleurs de l'Afrique noire. Si en 1940, la plupart des Tirailleurs
se retrouvent directement en Europe, il n'en sera pas de même à
partir de 1942 car beaucoup transitent par Casablanca.
Entre le 7 décembre 1939 et le 10 mai 1940, va se
dérouler ce que l'on a appelé la « drôle de
guerre » ; Le deuxième et le vingt-quatrième RTS
prennent part à ces opérations de dissuasion. Pendant ces huit
mois d'intervalle, soixante-quatre nouveaux bataillons de Tirailleurs, soit 38
000 hommes et sept nouvelles divisions mixtes coloniales vont les rejoindre. M.
Ousseynou Diop92(*) est de
ceux là. Embarqué en 1940, il arrive à Marseille et fut
directement acheminé à Fréjus93(*). Il partit alors au front
pendant 6 mois. Il y aura 250 soldats tués, affirme t-il :
« Nous embarquâmes en 1940.
Arrivés à Marseille, on est acheminé à
Fréjus où je passais deux mois avant d'aller au front pendant 6
mois. Nous étions 1200 originaires ».
Affectés dans des unités d'artillerie ou
d'infanterie, les Tirailleurs sénégalais des premières
années de guerre sont principalement acheminés à Souge
près de Bordeaux, à Rivesaltes près de Perpignan et
à Fréjus. Ces hommes venus des pays chauds ont dû souffrir
beaucoup du froid à Fréjus pendant l'hiver
particulièrement rigoureux de 1939. Certains Tirailleurs meurent
à cause de ces dures conditions car leur voyage en bateau les avait
déjà affaiblis. Parfois, ils meurent asphyxiés à
cause du chauffage au charbon et du manque de ventilation94(*). Le moral de ces
premiers Tirailleurs devait être
très bas. Au front, ils creusent surtout des
tranchées, bâtirent des fortifications dans l'attente de
l'offensive allemande.
Réticente au départ à former des
canonniers au sein des RTS, l'administration dû finalement s'y
résigner. Cependant, un seul Régiment d'artillerie coloniale (
RAC) était motorisé, il s'agissait du 10ème
RAC95(*). Les autres
étaient affectés dans l'infanterie malgré les conseils de
Mangin.
Comme en 1914, tous les Tirailleurs furent envoyés
pendant l'hiver dans le Midi. Ils y continuèrent leur
entraînement. Il faut dire que l'Etat-Major français pensait que
les Africains ne supportaient pas du tout le froid et étaient
vulnérables à la tuberculose. Elle continua de le penser
jusqu'à ce que les colonnes allemandes s'enfoncent au Pays-Bas.
Beaucoup d'officiers et sous officiers français
attestent la bravoure des Tirailleurs pendant la débâcle.
L'Allemagne venait d'imposer à la France une façon radicalement
nouvelle de faire la guerre. Elle disposait de l'armée la plus moderne,
qui n'a connue que des victoires depuis plus de deux ans. Pour ces africains
démoralisés qui, pour la plupart découvraient les armes
à feu depuis peu, ce fut terrible.
Malgré l'attitude défaitiste de certains
officiers96(*), les
Tirailleurs sénégalais se battent jusqu'au bout. Beaucoup de
Tirailleurs pensent par la suite que Gamelin était du côté
de l'ennemi car ses instructions défaitistes conduisent beaucoup d'entre
eux à la mort97(*).
Refusant l'offensive, il choisit les tranchées bien que l'armée
allemande vienne de démontrer que les anciennes règles de la
guerre n'étaient plus valables.
Au mois de mai 1940, les Tirailleurs sont dans les cinq DIC
suivantes : la 1ère,la seconde, la
4ème, la 8ème et la
9ème.Huits RTS, deux RICMS et quatre BATS.Ils sont environ
120 00098(*) hommes au
total. Le 12ème et le 15ème RTS sont
immédiatement au combat.
La plupart des troupes s'engagent à partir du mois
d'avril 1940 sauf les 16ème et 24ème RTS
présents dès septembre 1939 à Bitche. Les Tirailleurs sont
en fait présents partout à la fois : dans la somme (
16ème et 17ème RTS), à Verdun ( de
nouveau) et défendent la ligne Maginot jusqu'à la défaite
totale de l'armée française. Ils couvrent la retraite des
français et tentent de sauver la Belgique. L'histoire retiendra le
sacrifice du 25ème RTS ( 188 tués) à Lyon et
ses alentours99(*), 4
jours après la demande d'Armistice de Pétain. 514 tirailleurs du
huitième RTS meurent ou sont faits prisonniers pendant la retraite
d'Alsace.
Le manque total de repères mais surtout le
désespoir poussent les Tirailleurs à se battrent avec
acharnement. D'autant plus que la propagande française contre les
Allemands les poussait à préférer la mort à la
torture100(*).
Le 25 juin 1940, l'ordre de l'armée
N°117 allait parvenir aux soldats. Ce fut la déception
pour ces hommes qui se sont battus avec l'énergie du désespoir.
On remit aux soldats une copie de l'ordre accompagnée d'une mention de
félicitation : « La présente citation
confère la croix de Guerre avec étoile de
bronze » ; Le haut commandement qui a tardé à
avertir les hommes qui étaient au front auraient peut être pu
éviter le massacre de Chasselay car dès le 15 juin, le
Maréchal Pétain savait déjà que la guerre
était perdue. Il deviendra d'ailleurs deux jours plus tard Chef de
l'Etat français. Le 25ème RTS savait-il que la guerre
était perdue? Pourquoi se battre alors que l'Armistice est en train
d'être signée ?
Julien Fargettas note :
« C'est uniquement pour une question
d'éthique que ce dernier combat est intervenu »
« Les célèbres cadets de Saumur
qui combattent eux aussi le 19 et le 20 juin et dont la résistance
« pour l'honneur » a été largement
soulignée et appréciée n'ont pas une telle attitude. Ils
ont accepté les ordres de repli et n'ont pas livré de
résistance désespérée à l'intérieur
du dispositif ennemi 101(*)»
L'attitude des Allemands bien qu'atroce peut s'expliquer par
la haine et la fureur car pour eux la guerre était déjà
gagnée. Perdre alors des hommes (100 tués dont 8 officiers et 50
blessés) alors que l'Armistice se signe était un argument de plus
pour mettre en oeuvre leur goût de la destruction et leur manque de
respect pour la vie humaine. Cet épisode montre cependant la confiance
totale qu'avaient les Tirailleurs noirs envers leurs officiers :
« Le Capitaine Gouzy, a avant tout contact avec
l'ennemi, réunit ses hommes dans le parc du château du Plantin et
demandé des volontaires pour ce sacrifice. Tous répondent
présents `pour l'honneur' 102(*)»
C'est donc le Capitaine Gouzy qui, en partie, a
décidé de la mort « pour l'honneur » de ses
hommes. Cette spécificité de sacrifice repose sur la position
incontournable que connaît l'officier colonial dans son unité.
L'allégeance est presque culturelle en AOF, ce qui explique le pouvoir
des marabouts. Celle ci a été tout simplement transposée
à l'armée. D'autre part, une certaine éthique
régnait au sein des troupes coloniales, à savoir que «
la coloniale ne se rend jamais sans combattre » . Les Tirailleurs
« noirs » en font les frais puisque certains d'entre
eux meurent écrasés sous les chenilles d'un char. Dans
l'atrocité, on a rarement vu pire. Ceux qui ont élaboré
une théorie visant à l'extermination d'un peuple à savoir
le peuple juif, ne pouvaient certainement pas s'émouvoir de la mort de
ces noirs... Die schwarze Schande103(*) !
Entre 10 000 et 16 000 Tirailleurs sont tués ou
portés disparus104(*). Le haut commandement accusa d'ailleurs les
Tirailleurs de désertion précisant que certains ont
quittés le terrain de combat délibérément et sont
revenus plus tard. Notons seulement qu'il était bien difficile pour un
noir de s'évaporer dans la nature d'autant plus que le terrain
était à présent contrôlé par les Allemands.
Cependant, la population cacha autant que possible les soldats noirs, dans les
caves, les fermes et les greniers. Ils prenaient certes beaucoup de risques, ce
qui témoigne de la sympathie que suscitaient les Tirailleurs
sénégalais auprès des Français. D'ailleurs, tous
les Tirailleurs interrogés affirment avoir ressenti un grand accueil et
beaucoup de chaleur humaine en Métropole. Ce dont ils avaient bien
besoin. En réalité, même si les accusations du haut
commandement avaient certaines raisons d'être, les Tirailleurs qui
avaient quitté les champs de bataille sont faits prisonniers.
Les pertes s'élèvent à plus de 17% des
effectifs de Tirailleurs sénégalais. Lors de la Grande Guerre,
Blaise Diagne, qui avait pourtant poussé les Africains à
s'engager pour défendre la France accusa cette dernière d'avoir
utilisé les Africains comme « chair à
canon ». En effet, les pertes atteignent plus de 15% des effectifs en
1914-1918. Mais la guerre a changé de visage. Elle est soudaine et on
fait désormais plus de prisonniers que de morts. En ce qui concerne les
Africains, à cause de la propagande raciste, il y aura souvent plus de
morts que de prisonniers ( plus de la moitié)..
A la fin juin 1940, ils étaient plus d'un millions et
demi de Français à se retrouver prisonniers des Allemands. Parmi
eux, environ 58700105(*)
Tirailleurs sénégalais étaient détenus dans les
front stalags. Les deux tiers étaient originaires de l'AOF ( 46 500
environ), 1500 de l'AEF, 9000 de Madagascar. A partir de 1943, les prisonniers
coloniaux sont moins repérables106(*).
La moitié des Tirailleurs sénégalais se
retrouvait dans les stalags. Si on compare ces chiffres au nombre de morts, on
se rend compte qu'en fait peu de Tirailleurs ont échappé aux
Allemands ( certainement moins de 1% des effectifs)107(*). Les Tirailleurs
présents sur le sol français lors de la débâcle sont
morts ou faits prisonniers (17 000 morts et 15 000 prisonniers)
Les Allemands, au mépris de la convention de
Genève, n'hésitent pas à massacrer des troupes de
Tirailleurs qui se rendaient108(*). Les officiers français protestent (parfois
au risque de leur vie), évitant une mort injuste à leurs hommes.
Les Allemands se comportent ainsi en représailles contre les Africains.
Ils pensaient qu'ils se battaient comme « des sauvages »
gardant des souvenirs de guerre en mutilant les corps de leurs ennemis. Ces
idées qui avaient couru depuis la Première Guerre mondiale furent
aussi entretenues par l'Etat- Major français, dans le but de terroriser
l'ennemi. Les Allemands avaient certainement tort. Ces pratiques de guerre ne
sont pas africaines. La mutilation des morts étaient prohibée
dans les règles de la guerre africaine109(*) mais comme les Africains utilisaient parfois des
coupe-coupe comme arme, leurs victimes étaient certainement
méconnaissables ; ce qui a pu faire croire aux Allemands qu'ils
mutilaient leurs adversaires.
Les Allemands séparaient les noirs des blancs et
chaque jour, ils en tuaient quelques uns. Dormant à même le sol,
pieds nus, alimentés à base d'eau chaude et de biscuits, beaucoup
de tirailleurs, bien que vigoureux ne supportent pas les conditions de
détention. Certains africains particulièrement remarquables
à cause de leurs scarifications souffrent encore plus que les autres.
Les Allemands leur remettaient du savon et les obligeaient à enlever
leurs scarifications. Cette forme de torture mentale allait rendre plusieurs
Africains fous.
Les premières semaines de détention furent donc
très difficiles pour les Africains. A Mirecourt, Reims, Berlin et
partout en France, les supplices qu'allaient leur faire subir les Allemands
sont pareils. Il y eut plus d'une dizaine de camp. Cela ne voulait cependant
pas dire que les Français blancs ne souffraient pas110(*). Ils n'avaient non plus pas
ou peu de nourriture mais les exactions contre les noirs étaient plus
courantes. D'ailleurs, beaucoup de soldats blancs commencent à avouer
aux Allemands que les noirs étaient des conscrits et donc
obligés par la force à venir se battre en Europe. Ainsi, au cours
de la campagne de 1939-40, le nombre de prisonniers africains est de 25
516111(*) pour les
troupes coloniales sur les 146 000 hors colonies au 1er juin
1940.
Les Français avaient par ailleurs les moyens de
s'évader d'autant plus que leurs compatriotes s'occupaient d'eux en leur
apportant vêtements civils et nourriture. Blancs, ils pouvaient se perdre
dans la masse alors qu'aucun vêtement civil ne pouvait transformer un
noir en blanc.
Cependant, les Allemands se rendent compte que leurs
préjugés n'étaient pas fondés. Peu enclins à
s'évader, les Tirailleurs sont au fond sympathiques. Travailleurs lors
des travaux forcés, les Allemands commencent à avoir une lueur
d'admiration à leur égard, surtout lorsqu'ils apprennent que les
Africains étaient obligés de faire la guerre. Il faut aussi noter
que le Maréchal Pétain fit ce qu'il pouvait pour améliorer
leurs conditions de vie112(*), mais surtout pour les rapatrier au plus vite en
Afrique . Les colonies se mobilisèrent aussi pour aider leurs
frères comme le constate Nancy Lawler pour la Côte d'Ivoire.
Les Allemands commencèrent à prendre des photos
avec ceux qu'ils considéraient, quelques semaines plus tôt comme
des « demi-singes » ; Certains officiers prennent
même des boys noirs chez eux. Ils poussent l'ironie jusqu'à
assurer aux noirs de meilleures conditions de détention que les
blancs.
Pourquoi ce changement vis à vis des
Tirailleurs ? La politique du Reich était, à partir de 1940
de s'attirer les faveurs des Africains car Hitler avait des vues sur
l'Afrique113(*)
( ?). Hitler envisageait même de former une nouvelle élite
noire dès la fin de la guerre, au service de l'Allemagne. Ce qui
inquiéta beaucoup les officiers français qui craignaient que les
Africains soient sensibles à ces ruses de l'ennemi. Les Africains jouent
le jeu puisque leurs conditions de vie s'améliorent mais ils restent
toujours fidèles à l'Empire. Les Allemands organisèrent
même des matchs de football avec les prisonniers. Des
diplômés allemands, parlant les langues africaines furent
envoyés dans les camps. Ils y mesuraient les crânes des Africains
(comme ils le faisaient d'ailleurs avec les Juifs) afin d'avoir des arguments
pour leur idéologie fasciste selon laquelle les Ariens étaient
supérieurs aux autres races.
Ce changement d'attitude des Allemands remonte un peu le moral
des Africains dans les front-stalags. De même que les visites dans les
camps des officiers de l'armée de l'Armistice. Ces derniers en
profitèrent pour remonter le moral aux Africains en leur parlant de leur
bravoure reconnue par l'Etat-Major, de leurs familles mais surtout de leur
retour imminent en terre d'Afrique. Les hommes de Vichy, qui ont à leur
charge la nourriture des Tirailleurs font tout leur possible pour les ramener
en Afrique au plus tôt. D'ailleurs, les Allemands, qui commencent
à avoir peur des maladies tropicales, préfèrent
transférer tous les prisonniers africains en France.
Il faut aussi noter l'engagement de la croix rouge qui sauva
des milliers de noirs. D'abord en faisant une contre-propagande sur les
préjugés des Allemands envers les Africains mais aussi, en les
soignant. Les Médecins français prisonniers soignaient les
Tirailleurs. Peut-être que les Allemands, toujours par crainte des
maladies tropicales, protégeaient-ils ainsi leurs propres
médecins ? En tout cas, ces médecins en profitèrent
pour transférer beaucoup de Tirailleurs dans les hôpitaux
militaires où les conditions étaient meilleures, soit en faisant
de faux diagnostics, soit en disant aux Tirailleurs de tousser tout le temps (
symptômes de la tuberculose). Ils réussirent ainsi à sauver
la vie à beaucoup de Tirailleurs sénégalais. En fait cette
peur endémique des Allemands des maladies tropicales devint une
véritable arme. D'ailleurs, la peur des Allemands étaient
justifiée. A cause du froid, de la malnutrition, beaucoup de Tirailleurs
contractèrent la tuberculose et d'autres maladies des poumons. Les
engelures, la dysenterie étaient le quotidien de ses hommes dans les
camps allemands114(*).
Les Allemands vont donc les transférer en « zone
occupée » mais la plupart d'entre eux reste prisonnière
jusqu'en 1944 et 1945.
Aujourd'hui, il semble certain que les noirs aient
été les premières victimes du nazisme comme le note
Jacques Vergés, principal avocat de Klaus Barbie en 1987:
« Le crime contre l'humanité ne force
t-il l'émotion, ne mérite t-il commémoration que lorsqu'il
frappe des Européens ? Ces massacres des 19 et 20 juin 1940 en
raison de la couleur de leur peau, de la forme de leur nez et de leurs
lèvres, croyait-on ainsi les oublier, les ensevelir comme un
remords ? Voici qu'ils sont partis. Leur esprit entre dans cette salle. Il
n'en ressortira pas 115(*)»
Pendant toute la durée de leur détention, les
Tirailleurs n'avaient aucune nouvelle de la guerre : l'entrée en
guerre du Général de Gaulle, le ralliement de Félix
Eboué au Général, absolument rien. Les quelques
Tirailleurs qui sortaient dehors pour des corvées revenaient avec des
informations peu sûres. La véritable mine d'informations
était la croix rouge et les quelques Tirailleurs qui ont passé un
séjour dans les hôpitaux militaires.
Pourtant, lorsque tonne la voix du Général De
Gaulle : « La France a perdu une bataille mais elle
n'a pas perdu la guerre », celle-ci allait prendre une nouvelle
tournure. Les Français des Colonies ne savaient plus à quel saint
se vouer : saint Général ou saint Maréchal116(*), que choisir ?
Un métis, portant dans sa chair l'image de l'Empire,
répondit en patriote à l'appel du
Général. « Cet homme d'intelligence et de
coeur, ce noir ardemment français, ce philosophe humaniste,
répugnait de tout son être à la soumission de la France et
au triomphe du racisme nazi117(*) », dira plus tard De Gaulle à
propos de Félix Eboué. Il faut dire que le salut du
Général et peut-être même tout son avenir militaire
et politique vient de la décision courageuse de cet Homme.
Pendant ce temps, après avoir mûrement
réfléchi, Boisson refuse de rallier la France Libre et renouvelle
sa fidélité au Maréchal. Ainsi, deux camps ennemis
allaient naître en Afrique : l'AOF, vichyste et l'AEF partisan de la
France Libre.
4. A.O.F et A.E.F : deux camps
ennemis :
Le régime de Vichy contrôlait toute l'Afrique
du nord. De Gaulle ne pouvait rien attendre de positif de l'Algérie, du
Maroc et de la Tunisie, comme il l'avoue lui-même dans ses
mémoires de guerre. D'autant plus que le relâchement du
régime de Vichy n'était pas sans déplaire aux arabes.
Cependant, aux premiers jours de la France libre, il y eut des
manifestations à Dakar118(*), Saint-Louis, Ouagadougou, Abidjan, Conakry,
Lomé, Douala, Brazzaville, Tananarive. Ainsi, pour les colonies
d'Afrique noire, la continuation de la guerre paraissait aller de soi. Il faut
dire que l'idéologie allemande raciste y était pour beaucoup.
Pétain avait bien négocié la garantie de
l'Empire. Aux termes de l'article 10 de l'Armistice, il en obtenait
l'administration. Il considérait comme acquis la fidélité
de l'administration coloniale à son régime. Son plus grand
problème était le rapatriement des troupes indigènes en
Afrique. Pétain voulait ainsi grossir l'armée d'Afrique jusqu'au
chiffre de 115.000 hommes. Il avait aussi compris l'importance de l'Afrique
dans cette guerre des chefs.
Boisson quant à lui ne rencontra aucune
résistance de ses subordonnés119(*). Ancien administrateur de l'AEF, il avait beaucoup
de pouvoir. Cette administration de l'AOF était fortement
centralisée et puis très liée à celle l'Afrique du
nord. Dakar était par ailleurs bien armée. Avec des batteries
modernes, appuyées par plusieurs escadrilles d'aviation, ainsi que le
puissant Richelieu et des sous-marins, l'AOF disposait d'un ensemble offensif
et défensif considérable. Il faut avouer que Boisson était
un homme énergique et un soldat de qualité qui a eu à
faire ses preuves mais qui malheureusement joua la carte de Vichy. Il mit en
prison les officiers partisans de la cause Gaulliste, et exécuta les
indigènes résistants qui distribuaient surtout les tracts de
l'armée anglaise dans la colonie. Ousseynou Diop120(*), raconte comment il se porte
volontaire pour rejoindre la résistance à Casablanca,
après sa libération :
« Notre lieu de ralliement était la
statue de la liberté mais on nous dénonça 3 jours avant.
Les soldats nous mirent en prison dans le bateau même. Jugés et
condamnés à être fusillés par la Justice
intérieure. Mais les Lebous121(*) de Dakar se mobilisèrent par des
manifestations. On fut sauvé par la décision du
Général122(*) la veille de notre
exécution »
Les exécutions sommaires étaient courantes en
AOF car beaucoup d'ouest africains n'avaient pas encore digéré la
défaite de la France. Cependant, si les autorités administratives
se rangèrent derrière le Gouverneur Général Boisson
( dont le général Barraud), certains organisèrent la
résistance. Les Africains vont de nouveau payer les frais de cette
guerre franco-française.
Des unités entières et plusieurs officiers
réussirent à passer en Gold - Cost afin d'offrir leurs services
aux Anglais, surtout en Haute-Volta où le lieutenant-gouverneur Edmond
Louveau123(*)
était un des rares administrateurs supérieurs de l'AOF partisan
de la France Libre. Malgré la volonté des Africains de l'ouest,
peu de personnes réussirent en fait à gagner la Gold- Cost.
Notons par ailleurs que des migrations traditionnelles et initiatiques ont
été interprétées comme des fuites :
« ...Pour eux, c'était en Gold Coast (
la colonie anglaise voisine de la Haute-Volta que nous devions accomplir ce
voyage initiatique. A partir de 1940, ces tout jeunes voyageurs saisonniers,
s'ils étaient capturés à l'aller, même sans tracts,
étaient simplement arrêtés comme `suspects gaullistes' et
traduits en cour martiale ! 124(*)»
La plupart des troupes africaines de la France Libre va
provenir de l'AEF. Les Africains de l'AEF ne s'engagèrent ni par
patriotisme, ni pour De Gaulle, ils étaient dans l'armée
gaulliste parce qu'ils étaient originaires de l'AEF tout simplement. Il
ne faut pas non plus exagérer le nombre d'africains de l'ouest qui
rejoignit les rangs gaullistes. En fait, ils étaient peu nombreux et
l'armée anglaise dut donner des primes pour retenir les Africains.
Plusieurs d'entre eux préfèrent retourner en AOF. Ceux qui
restèrent furent envoyés au Cameroun où ils constituent
l'embryon du 4ème Bataillon de Marche.
Les remaniements, tant en AOF qu'en AOF furent assez
importants. Boisson renvoya une trentaine d'administrateurs de l'AOF ( ils
étaient juifs, communistes ou de nationalité
étrangère) et parfois même franc-maçon comme le
constate N. Lawler125(*). En AEF, on changea quarante d'entre eux
certainement pour des raisons de confiance.
C'est dans ce contexte général que De Gaulle va
se présenter au large de Dakar le 20septembre 1940. Sa demande de
débarquement au Gouverneur Général Boisson se solde par un
refus. Il tente alors un coup de force les 20 et 22 septembre en lançant
quelques obus sur Dakar. Les vichystes répondent par des tirs de canons.
Dakar est en fait une ville sûre. L'île de Gorée est une
position qui permet de nourrir un feu intense sur l'ennemi qui en fait est pris
entre deux feux ou même plusieurs feux ( postes-batteries de Cap des
Biches, mamelles et Bargny126(*)) ; Pour ces habitants qui n'avaient jamais
vécu la guerre moderne, ce fut terrible. Certaines blagues
racontées à Dakar sur les habitants de Saint-Louis prennent pour
point de départ le bombardement de Dakar. On raconte en effet que
beaucoup de « Saint-Louisiens » ont couru de Dakar à
Saint-Louis et ne sont plus jamais revenus à Dakar. Je n'ai pas pu
vérifier ces rumeurs. Les blessés furent nombreux. Le navire
« Portos » fut coulé au large de Dakar et De Gaulle
vient de s'attirer l'ire des Africains d'AOF : il a osé tirer sur
des Français127(*). De Gaulle s'attire aussi la colère des
Anglais qui perdirent beaucoup dans cette « absurde
aventure » ; Churchill n'échappe pas non plus aux foudres
de la presse anglaise, lui qui s'était laissé entraîner par
le Général français.
Boisson mena alors une propagande très efficace contre
De Gaulle qu'il présente comme l'homme des Anglais. En 1940, 35 000
Tirailleurs furent rapatriés à Dakar tandis que 27 000 autres
attendent leur transfert. Le régime de Vichy accélère la
démobilisation. Les effectifs indigènes pour l'AOF étaient
au 31 mai 1940 de 109 587 (troupe), ils passent à 42 962 au 31
août et le 30 septembre 1940 à 36 222 hommes de troupes
indigènes128(*).
Le blocus des Anglais sur Dakar empêche les bateaux
vichystes de faire cap sur Dakar. Il en résulte un grand manque de
carburant pour acheminer les Africains de l'intérieur par la route. Les
Tirailleurs réclament par ailleurs le paiement des primes qu'on leur
avait promis parfois violemment (comme à Conakry où 31 hommes
furieux attaquèrent le commandant et le chef de gare).
Ces hommes avaient perdu tout respect envers la
Mère-Patrie qui ne les avait ni nourri encore moins
protégé pendant leurs séjours dans les front stalags
allemands. Ils avaient compris au front que l'homme blanc n'était pas
invulnérable et qu'au final, l 'Allemand n'était pas pire que le
Français. Ils s'étaient déjà libérés
des chaînes de leur complexe d'infériorité sur le blanc. Le
régime aura donc fort à faire pour contenir ces troupes en
colère.
Dans les camps, les Allemands leur avaient pris tout leur
argent et ils se retrouvaient sans rien. L'administration oublia leur courage
pour ne s'intéresser qu'à leur possible rage susceptible de
mettre en danger le système colonial. N'ayant plus rien d'autre que leur
dignité, ils choisirent pendant un long moment le silence, parlant peu
de ce qu'ils avaient vécu.
Les Vichystes tentent quelques actions contre la France
Libre129(*) mais dans
l'ensemble, ils restent surtout sur leurs gardes. En effet, en
démobilisant la plupart des anciens combattants, peu sûrs,
l'armée coloniale d'Afrique de l'ouest ne disposait plus d'une
réserve aguerrie aux difficultés de la guerre. A cela
s'ajoutaient une pénurie de sous-officiers et d'officiers et surtout
d'armes et de munitions. Les armées de la France Libre disposaient d'une
réserve d'hommes fidèles, souvent patriotes et prête
à mourir pour la France. A cela s'ajoutait le soutien matériel et
logistique des Anglais et plus tard des Américains. Ces troupes
étaient par ailleurs dans l'obligation de l'offensive puisqu'elles
devaient reprendre les positions perdues en 1939 et 1940.
En fait, comme le constate si bien N. Lawler, en 1941, il
était difficile de parler des Tirailleurs sénégalais comme
d'une entité reconnaissable. Même si en 1942, le chiffre des
forces militaires en AOF atteignait 125 000 hommes, beaucoup de Tirailleurs
végétaient dans des camps. En effet, aucune unité n'est
utilisée au combat jusqu'en 1944. Ainsi, ce furent les armées du
Levant qui vont au combat en 1941.
Même si elle ne dispose que d'un mandat130(*) sur la Syrie et le Liban, la
France considère ces deux pays comme faisant partie intégrante de
l'Empire. Ainsi, elle envoit après la débâcle une partie
des Tirailleurs sénégalais131(*) pour défendre ses possessions au
Proche-Orient. Ils sont alors intégrés dans l'armée du
Levant. Mais quelle France avait le pouvoir sur le Proche-Orient, celle de
Vichy ou celle de De Gaulle ?
Tahiti et la Nouvelle Calédonie se sont ralliés
à la cause gaulliste mais la Syrie et le Liban sonnt
contrôlés par le commandant Dentz qui est du côté de
Vichy. Le 8 juin 1941, le Général De Gaulle déclare la
Syrie et le Liban « indépendants » ; Soutenus
par les Australiens, les Anglais, les Français libres entrèrent
en Syrie et au Liban. Face à eux, les Tirailleurs
sénégalais envoyés par Vichy pour défendre cette
zone. Les Français se battirent alors entre eux, les Africains se
battirent contre leurs propres frères.
5. De Gaulle l 'Africain :
L'admiration dont jouissait le Général de
« l'Appel du 18 juin » était bien réelle. Les
Tirailleurs sénégalais interviewés ont presque tous un
profond respect pour cet homme d'honneur. Sa grande taille, son charisme
avaient faits impression sur les troupes noires qui bientôt commencent
à raconter les épopées guerrières du
Général.
En effet, comme le constate Balandier, « Dans
l'ouest africain, les légendes sont essentiellement consacrées
à l'histoire de l'origine des dynasties, à la
généalogie des chefs, aux exploits de ceux
ci ... » ; De Gaulle n'y échappe pas.
D'ailleurs, les Tirailleurs avaient tendance à confondre le
Général ou plutôt aimer à se le faire passer pour
tel ou tel officier. C'est qu'avoir vu le Général constituait
pour beaucoup d'entre eux une fierté sans égal.
Machiavel disait que le prince avait besoin d'une certaine
dose de chance. Ce qu'il avait appelé la providence, De Gaulle la saisit
à pleine main. En choisissant le camp de la résistance, il se
plaçait du même coup (lui le Général peu connu de
1939) dans l'histoire. Celle-ci prouve par la suite que cet homme d'arme
était aussi un fin politicien. Son patriotisme n'est cependant pas
à mettre en doute et même si son engagement est empreint peut
être d'une motivation personnelle, sa spontanéité dans la
défaite, son courage et sa ténacité lui valent le respect
de tous les Français.
C'est en Afrique que De Gaulle trouve la plus grande partie de
ses partisans. Il ne manque pas de rendre hommage à cette Afrique
guerrière des savanes et des plaines après la guerre. De Gaulle,
se comporte en vrai homme de guerre en Afrique. Sous ses ordres, Leclerc
réussit le coup de maître du Cameroun. Le Général de
Larminat, traversant le Congo prit au nom du Général, les
fonctions de Haut-commissaire de l'Afrique équatoriale française
avec pouvoirs civils et militaires.
Après la mésaventure de Dakar (opération
proposée par Churchill), De Gaulle trouve le réconfort en
Afrique. Le gouvernement anglais, par la voix de son Premier Ministre133(*) lui renouvèle sa
confiance. Entre le 8 octobre et le 17 novembre, de Douala à Gibraltar,
De Gaulle remonte le moral des troupes, donne les ordres nécessaires,
nomme et révoque et enfin, cimente comme un maçon les briques
encore fragiles de la France Libre.
Comme il le dit dans ces Mémoires :
« Le fait d'incarner, pour mes compagnons le
destin de notre cause, pour la multitude française le symbole de son
espérance, pour les étrangers la figure d'une France indomptable
au milieu des épreuves, allait commander mon comportement et imposer
à mon personnage une attitude que je ne pourrai plus
changer »134(*)
Reçu par Eboué à Brazzaville, le
Général s'envole ensuite avec le colonel Marchand jusqu'à
Faya et aux postes du désert, où ils découvrit les
conditions difficiles des troupes. Il accepte avec force de caractère
Catroux qui est envoyé par les Anglais avec l'intention
déguisée ou pas de diviser pour régner. Mais ce dernier se
place sous l'autorité du Général De Gaulle.
A Brazzaville où il s'envole le 24 octobre, De Gaulle
nomme Pleven secrétaire général afin de permettre à
cette région de se relever économiquement. Le 27 octobre, le
voilà à Léopoldville où il rallie à sa cause
Belges et Anglais : Ryckmans (Belgique), Bourdillon au Nigeria et
Huddleston au Soudan. Ensuite à Libreville le 15 et à Port-gentil
le 16 novembre, l'infatigable Général, plombé par les
victoires récentes de Leclerc, visite les blessés des deux camps
qui y sont soignés, tente de ramener à la raison les anciens
vichystes135(*). Il
nomme les artisans de la France libre à différents postes :
Eboué gouverneur général de l'AEF, Lapie devient
gouverneur du Tchad, Cournarie gouverneur du Cameroun, Leclerc est quant
à lui envoyé au commandement des opérations sahariennes et
va connaître dans ce cadre la gloire. Larminat, nommé
haut-commissaire avec pouvoirs civils et militaires, doit mener l'ensemble.
En sillonnant d'est en ouest ces contrées africaines,
De Gaulle devient un Africain. Après la guerre, il cherche toujours la
meilleure solution pour ces hommes, comme le constate Houphouët
Boigny136(*) : « Si nous n'avons pas eu
la concrétisation immédiate de nos aspirations, c'est parce que
le général De Gaulle est parti en 1946 ».
CHAPITRE III :
DE L'EUROPE A L'AFRIQUE
Au début de l'année 1942, les Tirailleurs
sénégalais de l'AEF et de l'AOF constituaient la grande
majorité des forces gaullistes en Afrique du nord. Ils allaient devoir
se battre contre l'armée du général allemand le plus
stratégique et le plus efficace sur un terrain de combat : le
général Erwin Rommel137(*).
Attaques et contre-attaques sont alors le quotidien de ces
hommes de la première BFL sous le commandement de la huitième
Armée des britanniques. 1000 Tirailleurs
sénégalais138(*) originaires de tout l'empire français se
trouvent dans les 2ème et 7ème Bataillons
de la première BFL. Du 26 mai 1942 au 22 octobre, les combats ne
s'arrêtent pas. Les positions de Bir Hakeim et El Alamein sont
farouchement défendus par les forces de l'Axe. La France Libre devint
ainsi « France combattante » et les Tirailleurs
sénégalais ont une grande part dans ce nouveau statut de la
France qui lui assure la respectabilité qui lui faisait défaut
chez les alliés.
Ensuite, sans les forces françaises, les
Américains et les Anglais lancent l'opération Torch ( invasion de
l'Afrique du nord) le 8 novembre 1942. Au moment où les Allemands
occupent la France de Vichy ( zone libre), Darlan rencontre le
Général Eisenhower à Alger. Les forces françaises
à Alger et au Maroc deviennent alors gaullistes. Désormais, la
France Libre dispose d'une forte armée, équipée par les
Alliés de matériels modernes. Dotés d'uniformes
américains, réintégrés dans de nouveaux bataillons,
les Tirailleurs sénégalais sont alors difficilement
identifiables. Ils sont certainement très représentés au
sein des cinq bataillons de marche qui participèrent aux
opérations.
A la nouvelle de la prise de l'Afrique du nord par les
alliés, le Gouverneur Boisson commence à être pris de
vitesse. Malgré l'ordre du Maréchal Pétain de n'accepter
d'ordre que de lui, l'AOF va passer sans un coup de feu dans le camp
allié. Trente mois après la débâcle, l'AOF va ainsi
reprendre les combats139(*). Cependant, beaucoup de colons d'AOF, gagnés
à la cause fasciste auront du mal à accepter le
général De Gaulle comme nouveau maître de
l'empire140(*).
1. De l'île d'Elbe à
l'Alsace :
Aucune unité de Tirailleurs sénégalais ne
participe à l'invasion de la Sicile entre le 9 juillet et le 18
août 1943. En corse, il y aura cependant quelques RTS. Ce fut pour la
libération de l'île d'Elbe que les Tirailleurs
sénégalais sont utilisés en force. Au sein de la
9ème DIC141(*) comprenant les 4ème,
6ème et 13ème RTS se trouvaient plus de 11
000 tirailleurs142(*)
sénégalais surtout originaires d'Afrique de l'ouest. Les 17 et 18
juin, ils débarquèrent sur l'île et le 19 juin, celle-ci
est sous leur contrôle143(*) :
« Nous avons embarqués à bord du
Pasteur le 27 septembre 1943 pour Casablanca où nous avons reçu
une intense préparation militaire avant de partir pour l'Algérie.
De là, nous avons débarqué en Corse. Beaucoup de
sénégalais mouront pour la libération de la corse. J'ai vu
De Gaulle à cet endroit », confirme M. Cissé du
9ème DIC, 18ème RTS144(*). 250 Tirailleurs
sénégalais meurent sur l'île, affirme t-il. Laissant sur
place le 6ème RTS pour la garde du millier d'allemands faits
prisonniers, la 9ème DIC est transférée en
Corse pour participer au débarquement de Provence en compagnie du
16ème RTS.
L'opération « Enclume » doit
permettre aux alliés de prendre l'ennemi entre deux feux. La
première Armée française commandée par le
général De Lattre de Tassigny et la septième Armée
américaine commandée par le Général Patch,
débarquent alors sur la côte de Provence entre Toulon et Cannes.
La 9ème DIC, la troisième DIA et la première
DMI vont ainsi participer à la libération de Toulon. Les
Allemands de la 19ème Armée du général
Weise se battent avec l'énergie du désespoir. Jusqu'à la
libération de Paris le 23 août, les combats vont être
acharnés tant les Allemands ne veulent pas laisser Toulon aux mains des
alliés. Le 28 août 1944, Toulon tombe enfin aux mains de la
9ème DIC145(*) tandis que Marseille est libérée par
les régiments algériens et tunisiens. L'opération Enclume
fut un succès total.
Le 3 septembre, la première Armée de De Lattre
de Tassigny libére Lyon146(*) mais le général Weise réussit
à sauver la moitié de son armée en quittant les lieux
avant l'arrivée des Alliés. Le 10 septembre, les Français
entrent à Dijon. Le Général Devers prend alors le
contrôle des deux armées ( 36ème Division
américaine et première Armée française) ; Les
Américains prennent alors le chemin de Strasbourg tandis que les
Français prennent le chemin de Belfort. L'opération
« Indépendance » lancée le 24 octobre pour la
prise de Belfort fut menée par le 21ème RTS ( fusion
entre le 4ème et le 6ème RTS), les Goums et
Thabors marocains, les DMA algériens au sein de la Première
Armée. Le 20 novembre, après de rudes combats, des troupes de la
Première Armée entrent à Belfort. Cependant, plusieurs RTS
sont « blanchis » par De Gaulle dès cet instant par
l'incorporation des maquisards et résistants dans les RTS.
2. Le « blanchiment » des
RTS :
« Comme l'hiver dans les Vosges comportait des
risques pour l'état de sanitaire des noirs, nous envoyâmes dans le
Midi les 20 000 soldats originaires d'Afrique centrale et d'Afrique occidentale
qui servaient à la 1ère DFL et à la
9ème Division coloniale. Ils y furent remplacées par
autant de maquisards qui se trouvèrent équipés du
coup »147(*)
La circulaire ministérielle N° 890 / KMCG/1
du 27 octobre 1944 indique que les 3 RTS de la 9ème DIC, sont
transformés en régiments européens, des changements
d'appellation s'imposaient et que le 6ème RTS devenait à partir
du 1er novembre 1944, le 6ème RIC148(*). Le chef d'escadron Gilles
Aubagne analysait ce retrait dans un article d' « armées
d'aujourd'hui » :
« Il faut prendre en compte d'une part
l'état d'esprit des troupes noires, liés aux prémisses de
la décolonisation, et d'autre part le rôle politique
prêté aux français de l'intérieur, pour analyser ce
retrait149(*) ».
De Gaulle avait personnellement pris cette décision,
hautement politique. Il voulait en fait intégrer toutes les forces
françaises ( anciens vichystes, résistants, forces libres), en
une seule armée qui participerait à la défaite ultime de
l'Armée allemande. Il faut dire que cette décision, même
ingrate envers les Africains était justifiée. Ainsi les RTS qui
avaient connus les durs combats de la libération de la France depuis la
Provence jusqu'en Alsace sont « blanchis ». Ils perdent
jusqu'à leur nom en devenant des Régiments d'Infanterie Coloniale
( RIC) ; Certains Africains refusèrent cependant de partir dans le
Midi et se portèrent volontaires pour poursuivre la guerre150(*).
Les Africains indigènes accueillirent cette
décision avec enthousiasme :
« Il faisait un froid terrible à Belfort
mais heureusement que les Français décidèrent de prendre
la relève » dit M. Kane151(*). N'ont-ils pas déjà assez donné
dans cette guerre ? De Gaulle avait certainement raison pour beaucoup
d'entre eux mais derrière cette décision se cachait la
volonté de vaincre l'Allemagne par une Armée française et
blanche et non par les « schwarze
schande »152(*).
Cette politique de retrait des troupes coloniales durant
l'hiver était cependant fréquente pendant la Grande Guerre. De
Gaulle a pu ainsi présenter sa politique de
« blanchiment » de l'armée comme une simple
application de la politique traditionnelle de l'armée française.
Mais comme le prouve la lettre N° 544/PS/8ème RTS, des
troupes noires ont quand même été utilisées durant
le froid :
« Envoyer en février des Tirailleurs
sénégalais convoyer des trains en Alsace et dans l'Isère
avec un seul couvre-pied est une erreur dangereuse dont je n'accepte pas la
responsabilité 153(*)»
Ainsi, la préservation des troupes noires des rigueurs
du climat n'est peut-être pas la seule raison du retrait de ces troupes
de la zone des opérations à l'automne 1944, puisque des troupes
noires sont tout de même utilisées en hiver dans des zones
très froides.
Alors que les noirs au nom de la France se soient battus
corps et âme, voilà que tout à coup, l'administration
française voit la noirceur de leur peau. En effet, après la
libération des Tirailleurs sénégalais prisonniers des
camps allemands, De Gaulle refuse de confier la garde des prisonniers allemands
aux Tirailleurs sénégalais afin d'éviter la vengeance des
noirs contre les Allemands qui après tout, étaient des blancs.
Cette décision qui était peut être logique154(*), vu l'ampleur des massacres
de noirs africains par les Allemands, n'en reste pas moins
révélatrice. Elle montre que désormais la France ne
considère plus les Africains comme des militaires mais comme des
mercenaires, « faisant d'eux les dogues noirs de
l'Empire 155(*)». D'ailleurs, les Africains n'avaient pas
d'énormes rancoeurs envers les Allemands. Ils avaient déjà
réussi à libérer les Allemands de leurs
préjugés et de leur haine pendant le temps de leur
incarcération.
3. Noirs d'Afrique, noirs des
Antilles :
Les premiers français s'installent aux Antilles en
1635. Une politique d'assimilation intense marquée par une
aliénation due à l'esclavage fera des antillais de vrais
« Neg' blanc156(*) ». Le général de Gaulle
s'exclame en 1966 lors d'une visite à Fort-de- France ( en Martinique)
« Mon Dieu, comme vous êtes
français ». C'était certainement le meilleur
compliment qu'on pouvait faire à ces anciens esclaves dont le
modèle est celui du maître français. Il faut dire que les
Martiniquais et Guadeloupéens sont français depuis le
règne de Louis XIII (1610-1643), bien avant les Niçois et les
Strasbourgeois.
« La République n'entend plus faire de
distinction dans la famille humaine. Elle répare envers ces malheureux
le crime qui les enleva jadis à leurs parents, à leur pays natal,
en leur donnant pour patrie la France et pour héritage tous les droits
du citoyens français, et par là , elle témoigne assez
hautement qu'elle n'exclut personne de son immortelle devise :
Liberté, égalité, fraternité. » dira
Victor Schoelcher ( 1804-1893). Auparavant, l'assimilation prônée
par le député François Antoine de Boissy d'Anglas avait
fait ses preuves. Les Antilles furent « assimilées
en tout aux autres parties de la république ».
L'assimilation devint un moyen de promotion individuelle et une chance de
renverser les barrières raciales. D'ailleurs, la carrière de
Félix Eboué témoigne de la participation des élites
Antillo-guyanaises à l'encadrement de l'Empire colonial.
La question de l'assimilation ne se limitait pas aux rouages
de l'administration. Elle allait bien au- delà du statut
politique : elle mettait en cause l'identité même des
Guadeloupéens et des Martiniquais. Elle passait par une
dévalorisation de tout ce qui n'est pas européen dans la culture
antillaise en particulier les origines africaines ou l'appartenance au monde
caraïbe. L'objectif était de pousser les antillais à dire
« je ne suis pas différent de vous ; Ne faites pas
attention à ma peau noire : c'est le soleil qui m'a
brûlé157(*). » Aujourd'hui encore, les jeunes
générations antillaises sont marquées par cette
« francisation » à outrance et un grand fossé
les séparent des Africains qui sont pourtant leurs frères.
Nous avons vu plus haut qu'au sein même des Africains,
les « citoyens » tenaient à marquer leur
différence des « indigènes ». De même,
les Antillais tiennent à marquer leur différence de ces noirs
d'Afrique pour qui ils n'ont que mépris. Ils parlent un français
clair, sont soldats et citoyens français et puis ne sont-ils pas plus
évolués que ces « sauvages » des savanes qui
ont vendu leurs ancêtres158(*).
Il y eut de graves incidents entre Africains et Antillais.
Même si certains Antillais cherchent à se rapprocher des
Africains, beaucoup d'autres n'ont que mépris pour eux159(*). Les Tirailleurs
sénégalais, en réaction à ces comportements de
mépris les classèrent très vite dans la catégorie
de « blancs à peau noire ». Les incidents
violents et mortels parfois qui éclatèrent après la guerre
entre Antillais et Africains en témoignent. Il faudrait cependant
comprendre les Antillais qui ont subi plus encore que les Africains le poids de
l'assimilation. L'esclavage est très certainement plus lourd à
guérir que la colonisation. Le rejet des Africains s'expliquent surtout
par l'illusion d'un statut meilleur et privilégié que les
Antillais ne veulent pas perdre. Beaucoup d'Antillais, lors du
« blanchiment » de l'armée refusent d'arrêter
la guerre et se portent volontaire. Ils ne voulaient pas être
mêlés aux Tirailleurs sénégalais. Senghor et
Aimé Césaire montreront plus tard que les Antilles et l'Afrique
ont au fond les mêmes problèmes et qu'ils ont tout
intérêt à se comprendre. Ce qui est certainement vrai.
4. Le modèle
américain :
L'armée américaine fit une forte impression sur
les noirs d'Afrique. Anticolonialistes, les Américains ont l'intention
(non dissimulée) de pousser les Africains à se libérer du
joug de la colonisation. Au lendemain du débarquement en Afrique du
nord, les avions américains larguèrent des traductions en arabe
de la Charte de l'Atlantique. Les soldats américains auront pour
première préoccupation de se mêler à la population
leur offrant cigarettes et rations alimentaires. Ils vont même
jusqu'à soutenir les troupes coloniales lors de
révoltes160(*).
L'administration française s'inquiète beaucoup
des liens d'amitié que les Tirailleurs avaient établis au combat
avec des soldats américains noirs et blancs. Les américains
blancs, qui auraient certainement faits des émeutes dans leur propre
pays si on les avait mis dans les mêmes unités que les noirs,
dorment, mangent et boivent aux côté des soldats africains. Ils
prennent beaucoup de plaisir à « ces plaisirs
exotiques » comme le constate N.Lawler. Les Tirailleurs
étaient très fiers des soldats noirs américains qui
pouvaient être pilotes et même officiers. La sympathie qu'ont les
Américains blancs à l'égard des Tirailleurs
sénégalais peut s'expliquer par le fait qu'ils n'avaient pas
souvent l'habitude de discuter avec un noir aux Etats-Unis. Les Tirailleurs
sénégalais qui ne savent rien de la ségrégation aux
Etats-Unis n'ont aucun mal à discuter avec les blancs. D'ailleurs, pour
une fois qu'ils peuvent avoir des amis blancs ! Comme quoi, le racisme
s'explique plus par une incompréhension et des préjugés
que la couleur de la peau.
En fait, au contact des différentes armées
alliées, les Tirailleurs ont compris toute l'injustice de la France dans
les Colonies. Ils ont vus qu'un noir peut être l'égal du blanc et
que le rapport entre noir et blanc ne se limite pas au rapport
d'autorité et de commandement. Ils ont en plus la satisfaction d'avoir
participé à une glorieuse succession de victoires militaires
ayant conduit à la capitulation de l'Allemagne nazie. En AOF et en AEF,
un nouveau type d'homme est en train de naître.
Le modèle anglo-saxon était différent du
modèle français. Les Américains et les Anglais donnaient
en effet plus de chance d'évolution dans la carrière militaire
que les Français. Il n'y avait pas autant de ségrégation.
Même si celle ci existait en réalité, elle n'était
pas très visible. A force d'effort, le soldat noir anglais ou
américain pouvait être officier ou pilote. Le soldat africain
pouvait au plus espérer (comme nous l'avons vu dans le deuxième
chapitre) le grade d' « officier
indigène ».
Les troupes américaines stationnées à
Dakar jouissaient d'ailleurs d'une forte popularité auprès des
Sénégalais. Au Cameroun, un groupe d'infanterie français
en tenue américaine fut huée après que les Camerounais se
rendirent compte qu'ils n'étaient pas américain. Certains
Africains commençaient à croire que la France vendrait ses
Colonies aux américains, ce qui soulève beaucoup d'enthousiasme
auprès des Africains « évolués ».
Les Américains n'avaient certainement pas de vue sur
l'Afrique mais étaient contre la colonisation qu'ils ont eux même
subis. Ils menèrent d'ailleurs une grande propagande auprès des
Africains pour les libérer du joug de la colonisation161(*).
5. Le retour des braves :
« J'ai longtemps erré et je reviens vers
la hideur désertée de vos plaies 162(*)». La plaie reste
malheureusement béante pour les Tirailleurs. Ce qui les attend en
Afrique est pire que la guerre. « La négraille aux
senteurs d'oignon frit retrouve dans son sang répandu le goût amer
de la liberté 163(*)». La France va alors montrer toute son
ingratitude aux Tirailleurs africains.
La plupart des Tirailleurs sénégalais
interrogés à Dakar ne quittent la Métropole qu'en 1946 au
plus tôt. Certains restent même en France jusqu'en 1947. C'est que
l'Etat-Major français voulait rapatrier en priorité les
prisonniers de guerre, particulièrement irrités. Mais le manque
de moyens et surtout de bateaux vont poser aux autorités un
véritable casse-tête. L'ordre fut d'ailleurs donné de
disperser les Tirailleurs dès leur arrivée à Dakar par
René Pleven alors Ministre des Colonies. Le
Gouverneur-général Cournarie fit tout son possible pour garder le
moins longtemps possible les Tirailleurs à Dakar mais les moyens
faisaient défaut. Mais le principal problème fut la question des
primes. En effet, les Tirailleurs s'attendaient à recevoir leurs primes
dès leur arrivée, au lieu de ça, on leur remis 1000 francs
en leur assurant que le reste les attend dans leurs villages. Certains
attendent toujours. A cela va s'ajouter la dévaluation du franc
français qui ne vaut plus que la moitié du franc ouest-africain.
Les Africains se sentirent lésés, ne comprenant pas cette
situation monétaire qui répondait à des calculs
économiques fort complexes.
Si certains Tirailleurs très avertis reviennent en
Afrique avec beaucoup d'argent ( ils avaient su profiter du marché
noir), beaucoup y reviennent sans un sou. L'administration ne tenta pas de
confisquer l'argent de ces Tirailleurs qui avaient su profiter si bien du
système imposé par la guerre. Mais sans se soucier de la peine
qu'il pouvait causer aux Africains, De Gaulle leur retire leur uniforme en
réquisitionnant systématiquement tous les uniformes des
Tirailleurs démobilisés, y compris les anciens combattants de la
Libération. Certains retournent alors dans leur village avec une chemise
et un pauvre pantalon. En Côte d'Ivoire, l'administration va
jusqu'à leur reprendre les cadeaux qu'on leur avait offert en France.
Les Africains noirs qui avaient combattus aux
côtés des britanniques164(*) en rejoignant la Gold Coast sont plus chanceux. Les
Britanniques vont se soucier de leurs hommes jusqu'à leur retour. Ils
reçoivent intégralement leurs primes et leurs soldes jusqu'au
dernier shilling.
C'est donc ainsi que la France remercia les Tirailleurs
sénégalais pour leur sacrifice. Ceux qui avaient survécu
à la défaite, à de longs mois de captivité ;
qui avaient libéré la France découvrent que la
Mère-Patrie attendait d'eux qu'ils s'évanouissent dans la nature
sans mot dire, sans causer d'ennui, sans
compensation. « Orphée errant, le nègre est
ainsi condamné à une ascèse permanente, à une lutte
constante, à un mouvement, à une tension qui ne finissent
jamais » dit Thomas Melone165(*).
CONCLUSION
L'ancêtre de toutes les troupes noires
est le « corps des Laptots de Gorée »
créé par le gouverneur Mesnager le 1er octobre 1765.
Le « corps des volontaires du Sénégal » est
créé par la suite en 1802 par Blanchot après qu'une
compagnie d'affranchis des Antilles arrivés en 1796 fut
décimée par les maladies.
L'ordonnance du 21 juillet 1845 crée le
6ème escadron du 1er Régiment de Spahis
algériens mis à la disposition du Sénégal166(*). C'est à partir de
1854, avec l'arrivée du chef de bataillon Faidherbe que la France rompit
avec les hésitations et les contradictions politiques et militaires et
se dote d'une véritable politique coloniale qui aboutit à
l'organisation d'une force noire régulière.
La volonté de Faidherbe aboutit le 21 juillet 1857
à la signature du décret impérial organisant le bataillon
d'infanterie indigène à 4 compagnies sous la dénomination
de Tirailleurs sénégalais puis en RTS.
« Il est certain que dans les RTS, j'ai
trouvé une camaraderie que j'ai rarement trouvée
ailleurs » disait le Général Duchesnes167(*).
Les TS de la seconde guerre mondiale ont répondu avec
bravoure à l'appel de la Métropole. Ils se sont battus, parfois
avec la force du désespoir contre une des armées les plus
modernes et les plus aguerries :
« On avait le courage mais les Allemands
étaient aussi courageux, et puis que pouvions nous faire contre des
chars lorsqu'on est armé de mousquetons ( ?) »
disait un tirailleur dans un reportage.
Les RTS qui ont débarqué en France en 1940
étaient certainement mal préparés pour cette nouvelle
forme de guerre moderne. Ils sont anéantis.
L'Etat-major français s'adapte par la suite ; les
TS sont mieux entraînés. Ils sont aguerris en Afrique du nord et
participent à la libération de la France. Les derniers combats de
RTS se déroulent dans les Alpes et sur le front de l'Atlantique. Le
18ème RTS participe aux combats dans les Alpes en avril 1945
avant d'être rattaché à la 1ère DMI (
campagne d'Italie) puis de devenir le 43ème RIC le
1er juillet 1945. Quelques troupes noires sont employées pour
les opérations sur l'Atlantique ; il s'agit du Régiment de
marche d'AEF : BM 14 et BM 15, du bataillon de Somalis et du bataillon
d'Oubangui-Chari.
Les troupes noires, présentes sur le front
européen dès 1939 ont donc joué un rôle non
négligeable dans la libération de la France et ce jusqu'à
la fin de la guerre. Malgré tout, « Les mêmes
dominés d'années en années sont devenus des
damnés ; on les jette à coups de balaie168(*) ». Car, pour
les Tirailleurs sénégalais, il n'y a certainement pas de paroles
plus vraies. Ceux qui avaient fait dire à Gaston Monnerville,
député de la Guyane en 1945-46 : « Sans son
Empire, la France ne serait qu'un pays libéré. Grâce
à son Empire, la France est un pays vainqueur » avaient
perdu à présent toute reconnaissance de la Mère-Patrie. En
effet, les démarches administratives dont ils doivent faire face, pour
faire reconnaître leurs droits à une pension sont parfois vaines.
Obligés de courir après les papiers pour prouver comme le dit si
bien Nancy Lawler qu'ils étaient effectivement nés et surtout
qu'ils n'étaient pas morts.
Dès le retour des premières vagues de
Tirailleurs en terre africaine, l'administration coloniale, qui passa
très vite de l'éloge à la méfiance envers les
soldats noirs, fit tout son possible pour les disperser. Cette première
vague est essentiellement composée de Tirailleurs de la
débâcle et la plupart d'entre eux a passé plus de deux ans
en captivité dans des conditions ( nous l'avons vues) très
difficiles. Les Allemands ont détruit leurs papiers et certains d'entre
eux se trouvent alors dans l'incapacité de prouver qu'ils avaient
effectivement été au front. Pour les autres Tirailleurs,
l'administration fit en général le nécessaire mais l'oubli
de certains faits importants sur leurs papiers ( nombre de jours au combat par
exemple, blessures etc.) leur crée des difficultés par la suite
pour toucher leurs pensions.
Pour bénéficier des pensions de retraite dans
l'armée française, il fallait avoir servi quinze ans dans cette
armée. Les épouses survivantes y avaient droit à la mort
de leur mari. En fait, la plupart des retraités ainsi que les invalides
de guerre toucheront leurs droits. Par contre, les anciens combattants ne
furent pas aussi heureux. Ils n'avaient droit qu'à la retraite de
combattant. Pour être ancien combattant, il fallait avoir
« servi au moins 90 jours dans une zone de
combats 169(*)». Du moins, il fallait que son
régiment ait servi 90 jours en zone de combat. M. N'Diaye, un des
Tirailleurs interviewés me fit la remarque suivante :
« un tirailleur pouvait toucher la retraite du combattant sans
avoir lui-même fait 90 jours de combat. S'il était invalide
pendant que son régiment était au front, il en avait le
bénéfice tandis que d'autres tirailleurs qui ont effectivement
fait 85 jours de combat au front ne toucheront pas cette retraite du
combattant. » ; d 'autre part, il fallait avoir 60 ans
à l'époque pour la toucher et les veuves de guerre n'y avaient
pas droit. L'âge est reculé depuis 1984 à 65 ans. Quand on
connaît le taux de mortalité en Afrique et l'espérance de
vie autour de 55 ans et parfois moins, on comprend très vite que
beaucoup d'anciens combattants ne toucheront jamais cette retraite du
combattant. Mais heureusement pour eux ou malheureusement pour la France, les
Tirailleurs sont vigoureux et ont souvent une longue vie peut-être
plombés à jamais, pour avoir plusieurs fois bravés la mort
sur les fronts d'Europe.
La loi du 26 septembre 1959 dans son article 71
réduisit les pensions des anciens combattants à un montant
équivalent au septième de celles de leurs frères d'armes
citoyens français. Par la suite, la France les gela tout simplement les
indexant sur le coût de la vie. Quelques tirailleurs font alors le choix
de la nationalité française ou alors celui de s'installer en
France pour toucher la même pension que les citoyens
français170(*).
Rives disait : « J'ai honte quand je vois mes frères
d'arme africains171(*) » ; cependant, il faut
reconnaître que si les Tirailleurs touchaient la même somme que les
citoyens français, ils auraient été dans leurs pays ou le
salaire d'un cadre en franc français ne dépassaient pas 1500 FF (
à l'époque) de vrais nantis et ce par le seul
fait d'avoir fait la guerre pour la France. Il y a donc une certaine collision
entre l'administration française et les nations africaines nouvellement
indépendantes. Les TS en faisaient les frais car on voulait les oublier
de part et d'autre. Pour ces nations nouvellement indépendantes, cela
aurait été assez dévalorisant et on comprend mieux le peu
d'intérêt des politiques africains pour le problème des
Tirailleurs. D'autre part, les pensions représentaient pour ces pays une
fuite de l'aide dont ils avaient bien besoin. La politique avait des raisons
mesquines que les pauvres Tirailleurs ne comprenaient pas souvent.
Le meilleur allié des Français fut certainement
le temps. Petit à petit, les doléances auprès des
administrations françaises en Afrique se réduisaient. Mais la
raison en était simplement que les Tirailleurs mouraient les uns
après les autres ou alors étaient trop vieux pour s'occuper de
leur sort.
Que restera t-il alors des Tirailleurs quand ils seront tous
morts ? Que gardera la France d'eux ? De vieux mendiants toujours en
quête de pensions ou des hommes qui ont combattu et versé leur
sang pour la France 172(*)? Quand on voit l'accueil de l'administration
française à leur égard, parfois pour obtenir un
visa173(*) pour la
France, pays qu'ils ont libéré, on est en droit de se poser la
question : « qui peut fermer la porte à l'un de ses
enfants174(*)».
« Est-ce que le sang d'un noir ne compte pas
autant que celui d'un blanc ? Est-ce qu'un noir ne sent pas les choses lui
aussi, est-ce qu'un noir n'aime pas la vie lui aussi 175(*)» . Les
tirailleurs méritent très certainement une meilleure vie que
celle qu'ils ont héritée de l'indépendance des anciennes
Colonies. Les nouveaux Etats africains ne considèrent pas leurs actions
comme importantes. Au fond, qu'ont-ils faits d'autres que de se battre pour la
France ? Ces nations nouvelles ne leur doivent certainement rien, du moins
c'est ce que beaucoup d'hommes politiques pensent. Par contre la France a une
véritable « dette » à leur égard. La
France, « ce peuple de feu, qui chaque fois qu'il a
libéré ses mains, a écrit la fraternité sur la
première page de ses monuments 176(*)» doit guérir ses maux. Elle a
blessé ses enfants africains dans leur dignité et il n'y a
pourtant pas plus digne qu'un vieux bardé de médailles. Le
voilà, obligé de vendre sur la place publique ses croix de guerre
si durement acquises car une médaille ne nourrit pas son homme177(*).
Il faut replacer le vieux Tirailleur à la poitrine
décorée de médailles dans les années 40 pour
comprendre tout l'effet psychologique de cette guerre. Il était
âgé d'à peine 20 ans et le voila obligé de quitter
sa famille, ses parents, ses amours pour découvrir la guerre dans un
pays lointain qu'il ne connaissait pas. Certains Tirailleurs trouvent
même à leur retour de guerre, leur femme remariée178(*).
Militairement, la France a réussi à
intégrer dans un même corps, des hommes issus de milieux
très différents. Les Tirailleurs ont été un exemple
d'unité africaine et les jeunes générations africaines
friands d' « Africanisme » doivent prendre exemple sur eux
car une véritable unité africaine est possible.
Les Tirailleurs instruits sont très vite
intégrés dans le système administratif des nations
africaines naissantes. En effet, les écoles militaires
créées dès 1922 en AOF deviennent en octobre 1956 des
écoles militaires préparatoires africaines c'est à dire
à la veille des Indépendances. C'est à partir des RTS que
les nations nouvellement indépendantes vont puiser l'inspiration d'une
armée calquée sur le modèle français comme le
note le colonel Lamdou Touré de l'armée sénégalaise
:
« L'histoire de l'armée de terre est
celle de toute l'armée sénégalaise. En effet, cette
dernière est mise sur pied à partir des éléments de
l'armée coloniale transférés à l'organisation
provisoire du commandement du Sénégal179(*) » .
Ces militaires étaient issus de la coloniale et leurs
officiers provenaient, en grande partie, de l'école de formation des
officiers ressortissants des territoires d'outre-mer ( EFORTOM) :
« ...Cette première période est celle de la gestion
de l'héritage colonial, aussi bien par la nature de son personnel que
par celle de son matériel. La quasi-totalité des cadres provient
des transferts, surtout au niveau des sous-officiers et officiers180(*). Ces
transférés restèrent majoritaires jusqu'à la fin de
cette première phase. Formés dans le moule de l'armée
coloniale et aguerris par plusieurs théâtre d'opérations (
Indochine, Algérie), ils furent disciplinés et rigoureux. Aux
cadres formés après l'Indépendance, ils transmirent leurs
traditions et leur professionnalisme181(*) ».
Joseph CONOMBO, auteur de « souvenirs de guerre
d'un tirailleur sénégalais » deviendra ministre
des affaires étrangères et même Premier ministre dans son
pays le Burkina Faso ( ancienne Haute Volta) tandis que SENGHOR sera le premier
président de la République du Sénégal. Dans les
capitales africaines, beaucoup de Tirailleurs instruits ont une carrière
noble (avocat, instituteur, professeur) ; ces Tirailleurs devenus
politiciens ont, contrairement aux jeunes et fougueux nouveaux
africains182(*) de
l'indépendance (qui eux n'avaient pas fait la guerre), une attitude
toujours plus douce envers la France. Ils font de la « francophonie
active » comme le note le Pr. JAUFFRET183(*). Avaient-ils encore ce
profond respect qu'on a toujours envers sa mère ? En tout cas, ils
choisirent toujours une politique proche de la France et défendront
même ses intérêts mais cela relève d'un autre
débat. Mais, pour le Tirailleur de seconde classe, qui ne comprenait que
le « moi y'a dit », l'avenir n'est pas aussi rose. Il est
en effet très vite réintégré dans son milieu
d'origine. Oubliés de tous.
Lors de mes entretiens, un Tirailleur avait
préparé un véritable manifeste qu'il me pria de noter, en
voici le contenu :
« Pourquoi les Africains, qui ont combattu
côte à côte avec les Français, qui ont utilisé
les mêmes armes qu'eux, ont eu les mêmes blessures, et combattu les
mêmes ennemis, ne sont pas traités pareils que leurs frères
d'armes. Après la loi de 1971, les Européens touchent 4 fois plus
que nous. Nos pensions ont été bloquées pendant 5 ans (
loi de forclusion sur les pensions). Les Français touchent 150 000 FCFA
là où nous n'avons que 5000 à 7000 FCFA. Ce n'est pas
juste. Nous ne demandons pas la mendicité à la France mais nous
réclamons une justice. Nous avons été des soldats de
l'armée française et tout travail mérite
salaire 184(*)»
Un sondage que j'ai réalisé auprès de
Français et d'Africains prouvent que si les Français de plus de
40 ans connaissent à peu près bien ce qu'est un Tirailleur
sénégalais, les moins de 30 ans en ont juste entendu parlé
et parfois ne savent pas ce que ces mots veulent dire. Les Africains par contre
connaissent bien les Tirailleurs sénégalais dans l'ensemble mais
ils ne retiennent souvent d'eux que les défilés ( lors des
fêtes de l'Indépendance) et les médailles. Leur histoire
est souvent méconnue des Africains eux même..
« A tout seigneur, tout honneur », la
dernière parole revient naturellement à l'un d'entre eux qui,
assis devant sa case en banco s'exclamait : « Si la France
m'avait payé de tout mon courage, j'aurai construit une maison en
dur 185(*)».
TABLE DES ANNEXES :
1- 1939- 1945 : Les troupes coloniales
2- Citation 9ème DIC/ TS s'entraînant
au tir (Le Monde Colonial Illustré, janvier 1940)
3- « La force noire »
dédicace au général Archinard du livre de Charles Mangin,
chef d'état-major des troupes d'Afrique Occidentale Française en
1910 / Tirailleurs en permission au séminaire des pères du
Saint-Esprit (Le Monde Colonial Illustré, novembre 1939) /
Déjeuner au Séminaire (Le Monde Colonial Illustré,
novembre 1939) / Seydou Nourou Tall en compagnie des fils du Moro Naba
( Le Monde Colonial Illustré, avril 1940)
4- Faidherbe et son état-major à Saint-Louis du
Sénégal / 60ème anniversaire des massacres de
Chasselay et Monluzin
5- Un exemple : le capitaine gabonais
N'Tchoréré
6- Loi étendant la citoyenneté française
aux habitants des Quatre Communes
7- Citations collectives de la 9ème DIC
8- Le Tata sénégalais de Chasselay
9- Bilan des massacres des 19 et 20 juin 1940 ( CAARA
et Présence africaine, Le Tata sénégalais de
Chasselay, avril 2000)
10- Itinéraire d'un TS ( M. Mamadou Kane, M795)
11- Aux TS morts pour la France ( L.S. Senghor)
12- Extraits de Prière de Paix ( L.S. Senghor)
13- Hommages aux TS ( L.S. Senghor)
* 1 Présenté pour
l'obtention du DEA ( Diplôme d'Etude Approfondie) Science Politique
option histoire militaire, Défense et Sécurité;
IEP Aix-Marseille et UMR 5609, ESID, Montpellier III, septembre 2001.
* 2 LAWLER Nancy, Soldats
d'Infortune... , L'Harmattan, 1996
* 3 Voir annexe I ( page III
des annexes)
* 4 Terme désignant
dès 1740 un combattant isolé qui progresse en ordre
dispersé en tirant à volonté pour harceler l'ennemi. 163
602 noirs sont incorporés en AOF et 17 910 en AEF ; 134 077 sont
venus en Europe ou en Afrique du nord : CHETOM 15H134 :
« Les militaires indigènes pendant la guerre
14-18 »
* 5 Marc Michel, L'Appel
à l'Afrique : contributions et réactions à l'effort
de guerre en AOF(1914-1918),Paris : Publication de la Sorbonne, 1982,
Thèse d'Etat
« La genèse du recrutement de 1918 en Afrique
noire française » ,revue française
d'outre-mer, 58, n°213 (1971)
* 6 Le 10 mai 1940, 77974 T.S
seront engagés. Le 25 juin 1940, 40 000 d'entre eux seront tués
ou exécutés par les Allemands. Les T.S sont les premières
victimes du nazisme. CHETOM 15H142/doc2
* 7 Renforts de première
urgence et deuxième urgence : SHAT 9n270 ; tableau
envoyé sous bordereau N°300I805f
* 8 Julien FARGETTAS, Le
massacre des soldats du 25ème RTS - Région lyonnaise -
19 et 20 juin 1940 ( tome 1 et 2), Mémoire de Maîtrise
d'histoire contemporaine, Université Jean Monnet ( Saint Etienne), sous
la direction du Pr. Delpal et de M. Jean François Brun, année
universitaire 1998-1999, pp 160.
* 9 Tirailleur
sénégalais
* 10 Dernier T.S de la
Première Guerre mondiale, mort en décembre 1999, la veille de sa
décoration à l'ambassade de France à Dakar.
* 11 Zao est un artiste
congolais très connu en Afrique. Il a d'ailleurs eu un rôle dans
le film de Sembène Ousmane « Thiaroye » racontant le
massacre des T.S à leur retour de guerre par leurs propres frères
d'armes et sur ordre de l'armée française.
* 12 En mai 1942, ce tata
érigé par jean Marchiani, secrétaire général
de l'office départemental des mutilés, combattants, victimes de
la guerre et pupilles de la nation, ont été rassemblés
sous son contrôle les corps des gradés et soldats du
25ème RTS morts pour la France dans les combats livrés
dans ce département le 19 juin 1940.
Voir page VIII des annexes.
* 13 Poème
liminaire in Hosties noires ,Paris , seuil,1956, pp 81 à
83.
* 14 Senghor qui fut prisonnier
de guerre dans les stalags en profita pour découvrir des auteurs
allemands comme Ghoëthe et eut des échanges fructueux sur le plan
culturel avec un officier allemand. Il en parle dans son livre
« Ce que je crois ».
* 15 Une exposition sur le
thème s'est déroulé d'août à octobre 2000 au
musée de la déportation de Lyon. Un défilé est
prévu le 18 juin 2001 à Lyon avec la présence de
Tirailleurs sénégalais invités d'Afrique.
* 16 Institut Fondamental de
l'Afrique Noire, Dakar.
* 17 l'histoire des
Tirailleurs est souvent qualifiée d'histoire oubliée,
titre d'un excellent reportage sur ces derniers. La définition d'une
épopée dans le Larousse de poche est la suivante :
Epopée : n.f. poème de longue haleine sur un sujet
héroïque. fig. Suites d'actions héroïques.
Voir les deux poèmes de Senghor en annexe.
* 18 Cahier d'un retour
au pays natal. Poème d'Aimé Césaire, inventeur du mot
négritude, député-maire de la Martinique.
* 19 Institut des Hautes
Etudes de Défense Nationale. Paris.
* 20 Des cas de mutilations
volontaires ont été constatés pour éviter de partir
en Europe. Certains n'hésitaient pas à se couper les tendons pour
être révoqué.
* 21 Notons que les
bibliothèques municipales regorgent de documents. Il faut cependant les
trouver car ces documents très anciens dorment souvent dans les
silos.
* 22Comme
« Mémoire de Guerre » du
Général Charles De Gaulle.
* 23 Le 1er
décembre 1944, le premier convoi comprenant des T.S rescapés de
la débâcle de 1940 débarque enfin à Dakar : des
anciens prisonniers, des réformés, des infirmes de guerre, des
combattants qui s'étaient illustrés sur les champs de bataille
avec comme sentiment le temps de la reconnaissance de « la
mère patrie ». Lors de revendication qui conduira à une
mutinerie, l'armée tire :30 morts, 11 blessés, 45
arrestations. Tués par leurs frères d'armes, aux portes de leur
village alors qu'ils avaient échappé plus de dix fois à la
mort sur les champs de bataille européens en se battant pour la
France.
* 24 Les noms des
interviewés sont dans la première partie.
* 25 M. Touré
s'occupe aussi du futur Centre d'Histoire Militaire de l'Afrique de l'Ouest qui
sera ouvert à Dakar bientôt. Il a aussi participé au
colloque de décembre 2000 : « Des troupes
indigènes du Sénégal à l'armée nationale
sénégalaise ».
* 26 Il est
intéressant de noter l'exemple du capitaine gabonais
N'Tchoréré, engagé volontaire ( voir annexe),
exécuté le 07 juin 1940 par les Allemands parce qu'il demandait
à être traité en officier ou encore du résistant des
Vosges Adi Bâ, exécuté à Epinal en mars 1943.
Beaucoup de tirailleurs rejoignent les rangs de la Gold-Cost lorsque le
Gouverneur de l'A.O.F Boisson refuse de se rallier à la France libre.
Cela témoigne d'un réel attachement à la France.
* 27 L. S. Senghor,
Aux tirailleurs sénégalais morts pour la France.
Voir le poème complet en annexe.
* 28 Marc Michel,
« Les troupes coloniales arrivent », Les
collections de l'Histoire, n° 11 HS, avril 2001
* 29
CHETOM :15H30/D5.
* 30 CHETOM :
15H134 : militaires indigènes pendant la guerre de 1914-1918,
effectifs fournis et pertes subies.
* 31 Marc Michel, Les
troupes..., op. cit. p 77.
* 32 Marc Michel, Le
recrutement des Tirailleurs sénégalais en AOF pendant la
Première Guerre mondiale, essai de bilan statistique. CHETOM :
15H30/ D1.
* 33 CHETOM
15H134 : indigènes ayant participé à la guerre/ III
Créoles des vieilles colonies.
* 34 Plusieurs
désertions d'Algériens suivirent l'appel à la guerre
sainte de la Turquie.
* 35 CHETOM 15H 134/ fiche
4 : Unités indigènes ayant participé à la
guerre de 1914-1918.
* 36 CHETOM 15H134/ fiche
7 : Inscriptions et citations concernant les drapeaux des RTS pour la
guerre 14-18.
* 37 CHETOM 15H314.
* 38 SHAT 9n268 :
Situation générale des troupes coloniales en 1922.
* 39 SHAT 9n270/ D12 :
Lettre du 25 octobre 1934.
* 40 SHAT 9n270/ D12 :
Circulaire sur les permissions N° 1 022- 1/8
* 41 CHETOM 15H142/D2 :
Les sénégalais pendant la guerre 1939-1945
* 42 voir Julien Fargettas,
Le massacre..., op. cit.
* 43 ibid.
* 44 CHETOM 15H142/D2 :
Pertes sénégalaises durant la guerre 39/45.
* 45 CHETOM 15H154 : Ordre
du jour n°5/ PC du 13 octobre 1944, le général Magnan,
commandant la 9ème DIC.
* 46 SHAT 9n268 : Note sur
la participation des troupes coloniales à la campagne de 1939/40
* 47 Paroles d'Amadou
Hampaté Bâ.
* 48 Cf. Perrot
Hélène ( Université de Paris 1 ; UACNRS 363)
* 49 Lors de mes entretiens,
tous les Tirailleurs passaient un temps fou à me parler de l'injustice
des pensions. Ce qui me faisait perdre beaucoup de temps sur le récit
même qui m'intéressait plus.
* 50 Oral
Historiography, p 97
* 51 Nous sommes limités
dans notre enquête au Sénégal mais une approche plus
objective est de prendre plusieurs échantillons en Afrique de l'ouest (
Sénégal, Mali, Burkina-Faso, Guinée) et en Afrique de
l'est ( Tchad, Cameroun, Congo).
* 52 La loi du 11 mars 1957
sur la propriété littéraire et artistique, celle du 3
juillet 1985 relative aux droits des auteurs et aux droits des artistes -
interprètes, enfin celle du 17 juillet 1970 défendant le droit de
la personne sur sa propre image.
* 53 Comme l'a fait Nancy
Lawler
* 54 Appelé
« le sage de Bandiagara », il montrera toute sa vie
l'importance de la mémoire orale par les nombreux romans et livres qu'il
a écrit.
* 55 Charles Mangin,
La force noire, 1910, pp. 238
* 56 « En versant
le même sang, vous allez acquérir les mêmes
droits »
* 57 Leurs tombes sont au
Tata sénégalais de Chasselay. Un ami du nom de Bakary Goudiaby y
retrouve d'ailleurs la tombe portant son nom.
* 58 L. S. Senghor,
Poème liminaire in Hosties noires,,Paris, seuil, 1956, pp.81
à 83.
* 59 Jean SURET-CANALE :
Afrique noire, l'ère coloniale, 1900-1945, Paris, Editions
Sociales, 1964, pp.48 à 51.
* 60 Jean Paul SARTRE :
Préface aux damnés de la terre de Frantz Fanon, Paris,
Maspero, 1961, pp. 14 à 16.
* 61 mot à mot
« nombre fermé » : désigne toute
règle limitant à un nombre déterminé, relativement
petit par rapport à la quantité totale, les individus faisant ou
pouvant faire partie d'un groupe déterminé.
* 62 Voir annexe I
* 63 La méthode
« diviser pour mieux régner » est vieille comme le
monde. Elle permet en outre de se faire des alliés au sein même de
la communauté qu'on domine et exploite. Elle fut appliquée au
Rwanda avec des conséquences dramatiques pour ce pays plusieurs
années plus tard.
* 64 Gouverneur
général de l'AOF en 1917, il fut un des critiques de la
« force noire » Il refuse la levée en masse des
Africains considérant qu'il n'était pas juste que ces hommes se
battant pour la France soit moins bien payés et refusant le concept de
militaires de seconde zone. Il démissionnera en 1918, et meurt peu
après dans les tranchées.
* 65 Le mouridisme au
Sénégal et le hamalisme au Soudan français sont deux
mouvements religieux qui montrent les différents choix possibles . Si
l'un ne remet pas réellement en cause le régime colonial, l'autre
combattant pour la dignité et l'identité des peuples d'Afrique
refusait toute collaboration avec l'administration coloniale.
* 66 Le grand chef Abdel
kader ( Algérie) résista héroïquement aux
Français avant de devenir un allié. Samory qui créa
d'énormes problèmes aux Français avant d'être
déporté était l'un de ces marabouts, ses fils deviendront
par la suite tirailleurs. Au Soudan, le mahdi se lèvera pour
dénoncer l'envahisseur britannique, il était aussi un saint
musulman.
* 67 Représailles
contre la famille. Souvent, c'est le chef de famille qui est jeté en
prison. Quand on connaît l'importance du chef de famille en Afrique, on
comprend mieux pourquoi les Africains n'ont pas souvent choisi cette option
* 68 Les quotas étaient
aléatoires ( 1 à 2 % des adultes de chaque cercle administratif).
Les volontaires devaient s'engager pour 5 à 6 ans avec une prime de 200
F et 240F respectivement tandis que les conscrits devaient faire 4 ans de
service.
* 69 Voir annexe ( page III)
* 70 L'excès de
l'administration dans l'effort de guerre ( réquisitions, travaux
obligatoires) poussa souvent à la révolte comme en Casamance, au
sud du Sénégal où une femme Aline Sitoé se
révolta avec les Diola de Basse -Casamance : l'administration
exigeait aux paysans plus qu'ils ne pouvaient faire. Plusieurs Diola seront
tués et Aline Sitoé exilée.
* 71 CHETOM : 15H142/D2
* 72 CHETOM: 15H160/
Stationnement des TC
* 73 Joseph Conombo,
Souvenir de guerre d'un Tirailleur sénégalais, Paris,
l'Harmattan, 1996, pp 19
* 74 Les peuls sont grands
mais maigres tandis que les mandingues et les Bambaras sont grands, forts et
robustes, ils étaient pendant la traite négrière les
esclaves les plus recherchés. Il faut dire que ce type de
sélection était assez fréquent et ne diffère pas de
celle utilisée par les marchands d'esclave.
* 75 Anthony Clayton,
Histoire de l'armée française d'Afrique, 1830-1962,
Albin Michel, 1984, pp 415
* 76 Joseph Conombo, op. Cit.,
pp. 19
* 77 ibid. , pp. 23
* 78 voir CHETOM
15H142/D1 : Stationnement des troupes coloniales outremer au 1er juillet
1939 / 7° Défense du point d'appui de Dakar
* 79 Nancy Lawler,
Soldats d'infortune: Les tirailleurs ivoiriens de la seconde guerre
mondiale, L'Harmattan, 1996, pp.58 à 59.
* 80 ibid. 4
* 81Amadou Hampaté
Ba, Amkoullel, l'enfant peul,, j'ai lu, 1997
* 82 Joseph Conombo,
Souvenir de guerre d'un Tirailleur
sénégalais », l'Harmattan, 1984, pp.35 à
36
* 83 En décembre
1940, il n'y avait qu'un officier sur les 480 officiers d'infanterie
postés en AOF qui soit « sujet français ».
* 84 Joseph Conombo, op.
cit., pp 40
* 85 A partir de 1940, les
instruits étaient représentés par « tous ceux
qui se sont rengagés et parmi ceux qui ont été
portés comme volontaires, ceux qui ont été choisis par les
commandants, sans obligation d'une durée minimum de
service » ; Joseph Conombo, Souvenirs de Guerre ...
Op. Cit.
* 86 Plusieurs officiers
perdirent la vie en tentant de protéger des tirailleurs sous leurs
ordres contre les excès des Allemands envers les troupes noires. Senghor
ne doit sa vie qu'à un officier qui s'est interposé alors qu'on
voulait le fusiller dans un camp de prisonnier.
* 87 Les mutineries
n'étaient jamais l'objet d'un groupe au sein d'un régiment mais
en général de tout le régiment ; cela témoigne
d'une réelle cohésion dans les RTS.
* 88 Joseph Conombo, op.
Cit., p 40
* 89 ibid., p 45
* 90 Les punitions
corporelles étaient toujours administrées par les sous officiers
africains. Les officiers utilisaient des méthodes plus militaires(
prison).
* 91 Interviewé
à la Maison des Anciens Combattants de Dakar le 22 février
2001.
* 92 ibid. M 1129
* 93 C'est le plus grand et le
plus ancien camp où beaucoup de Tirailleurs prendront leur retraite
après la guerre. C'est d'ailleurs à Fréjus ainsi
qu'à Bordeaux que se trouvent les archives sur l'outre-mer.
* 94 paroles d'un TS dans un
reportage.
* 95 SHAT 9n270/D10 :
Elargissement de la motorisation du 10ème RAC et du
12ème RAC ( accord n° 8605I du 25 octobre 1934 )
* 96 Le
général Gamelin fut un de ces officiers qui avaient une grande
responsabilité dans la défaite de la France. Il sera
relevé de ses fonctions le 19 mai 1940 et remplacé par le
général Maxime Weygand en tant que commandant en chef de
l'armée de terre.
* 97 Nancy Lawler fait ce
constat avec les Tirailleurs ivoiriens.
* 98 Centre d'Histoire
Militaire de Versailles
* 99 Ibid.
* 100 L'armée
française avait dépeint les Allemands d'une façon si
terrible (par rapport à leurs comportements envers les Africains) que
les Tirailleurs en avaient une véritable crainte.
* 101 Julien Fargettas,
op. Cit., p 77
* 102 Julien Fargettas,
op. Cit., p 78
* 103 La honte noire :
terme développé par les Allemands durant la Première
Guerre mondiale.
* 104 En fait, le haut
commandement fit peu ou pas du tout de dénombrement des pertes et les
sources officielles varient. Le CHETOM recensent 4440 tués dont 246
officiers et 11 504 disparus. Soit un total de 15944 tués ou disparus (
15H142/ D2 : Pertes des troupes coloniales au cours de la campagne
1939-1940)
* 105 Notons que ces
statistiques ont été faites à la va-vite par la Section
d'Etudes et d'Information des Troupes Coloniales comme la plupart des
statistiques concernant les Tirailleurs sénégalais d'ailleurs. Il
faut croire que le recensement de ces soldats noirs était le dernier des
soucis du régime de Vichy.
* 106 Le Colonel Fay parle
d'une tendance à l'intégration ( ?) à partir de
1943
* 107 Ceux qui avaient
réussi à s'échapper n'avaient pas d'autres choix que de
rejoindre la résistance dans le maquis comme Ady Bâ, le
résistant des Vosges
* 109 Les croyances
africaines traditionnelles vouent un grand respect aux morts (culte des
anciens et des morts). Le terrible Chaka zoulou était un des rares
à user de ces méthodes dans le but de terroriser ses ennemis. Ce
dernier était un tyran qui d'ailleurs deviendra fou vers la fin de sa
vie, et vendra des terres de son peuple aux Anglais.
* 110 CHETOM
15H142/D2 : front stalags 1B, III A et B, IV B, VI B, VI ACDF, VII A, VIII
C et XX B
* 111 ibid. :
pertes des troupes coloniales au cours de la campagne 1939-1940
* 112 Le régime de
Vichy établit un service des prisonniers dépendant de la
Direction Générale de la Légion pour recueillir des
dons.
* 113 Ndumbé III
kumia, Hitler voulait l'Afrique. ,Paris : Editions
d'Harmattan, 1980
* 114 voir Gobineau,
Noblesse d'Afrique, pp13et 14
* 115 Le Monde, 3 juillet
1987
* 116 Notons que le
Maréchal, vainqueur de Verdun jouissait d'un respect profond vis
à vis des généraux alors que le Général De
Gaulle était un inconnu.
* 117 De Gaulle,
Mémoires de Guerre, ibid. p 91
* 118 Le régime de
Vichy fit plusieurs exécutions sommaires sans d'autres formes de
procès sur la place de Fann à Dakar, histoire de calmer les
ardeurs des Africains.
* 119 La vieille
rivalité coloniale entre Français et Anglais y est pour beaucoup.
Un officier français ne disait-il pas que Lafayette est parti se battre
avec les Américains juste pour le plaisir de battre les
Anglais !
* 120 ibid.
* 121 Ethnie majoritaire de
Dakar. Ousseynou Diop est Lébou et très certainement de noble
famille.
* 122 Il s'agit très
certainement du Général d'Armée Barraud.
* 123 Louveau est par la
suite jugé coupable de trahison par l'administration vichyste,
jeté en prison au pénitencier de kidal au Soudan français
avant d'être envoyé dans un camp de concentration en France.
* 124 Joseph Conombo, op.
Cit., p 29
* 125 Ibid.
* 126 Les canons sont toujours
présents à ces endroits.
* 127 Voir De Gaulle,
Mémoires de Guerre, Plon, 1954, pp103 à 108
* 128 CHETOM 15H141/D1 :
Aperçu sur l'état actuel de la démobilisation
* 129 Notamment une attaque
sur Freetown, prévue le 8 juillet fut repoussée. Bathurst
(capitale de la Gambie)était également une cible
déclarée pour les vichystes et également la ville de Kano,
au nord du Nigeria. Mais aucun de ces plans ne vit le jour.
* 130 Après la chute de
l'empire ottoman en 1918, la S.D.N donna un mandat à la France sur ces
deux pays.
* 131 Environ 4000 T.S et plus
de 15.000 nord-africains. SHAT
* 132 Un vote sera
organisée par les Anglais et Spears.
* 133 L'attitude publique
de Wilson Churchill à l'égard des gaullistes contribua beaucoup
à atténuer le parlement et les journaux.
* 134 Ibid.
* 135 La plupart des
officiers ayant donné leur parole à Pétain
préfèrent être interné jusqu'à la
rentrée de l'Afrique du nord dans la guerre.
* 136 Père de la
nation ivoirienne, il fut plusieurs fois ministre en France avant de conduire
son pays à l'indépendance en 1960. Il recevra le titre
mérité de « vieux sage de l'Afrique ».
* 137 Admiré
même par ses adversaires pour sa stratégie, il sera fidèle
jusqu'au bout à Hitler et se suicidera sur ordre de son Führer.
* 138 Parmi eux, des hommes
de Tahiti et de Nouvelle Calédonie, le deuxième BM du Tchad, un
bataillon d'artillerie composé d'africains et de métropolitains,
des légionnaires de la campagne de Norvège, un bataillon de
tirailleurs de la marine. SHAT
* 139 Boisson signe avec
Eisenhower le 7 décembre 1942 un accord ouvrant ses ports aux troupes
alliés et mettant les 110. 000 T.S de l'AOF sous commandement
allié. Ce qui ne sauva d'ailleurs pas Boisson. De Gaulle le
relève de ses fonctions dès juin 1943. Il meurt quelques jours
avant son procès pour trahison.
* 140 Ces fascistes
massacrent à Thiaroye des Tirailleurs sénégalais revenus
de la guerre.
* 141 Voir citation en
annexe.
* 142 CMIDOM, Journal
de marche, 13ème RTS
* 143 Joseph Issoufou
Conombo, Souvenirs de guerre...,,, pp 58 à 61.
Voir en annexe la citation du Général De
Gaulle.
* 144 Interview
n°3.
* 145 Voir citation du
général De Gaulle en annexe, le 6ème RTS est
cité à l'ordre du jour pour le rôle joué dans la
garde des prisonniers allemands par le général De Gaulle :
ordre n°124 du 7 novembre 1944.
* 146 La
36ème Division américaine arrivée sur lieux la
veille laissa aux français l'honneur de libérer Lyon.
* 147 Charles De Gaulle,
Mémoires de Guerre, Paris : Plon, 1959 ( vol 3), P33
* 148 CHETOM 15H154 /
1D
* 149 Armées
d'aujourd'hui, « Le retrait des troupes noires de la
1ère armée à l'automne 1944 »
* 150 En particulier les
Antillais et Africains « citoyens français » qui
tenaient à marquer leur différence vis à vis des
« indigènes ». Les autres noirs étaient
plutôt heureux de cette décision. Ils allaient enfin rentrer chez
eux.
* 151 Interview n°4.
* 152 Hordes sauvages
* 153 Lettre du 12
février 1945 du Colonel commandant le 8ème RTS au
commandant de la base 801.
* 154 Il y eut en effet des
vengeances et quelques tueries d'Allemands dans les camps confiés
à la garde de Tirailleurs sénégalais.
* 155 L.S. SENGHOR,
Hosties noires, Op. Cit. , pp 153
* 156 Mot créole
signifiant blanc à peau noire.
* 157 Aimé
Césaire, Cahier..., pp.84à 88. Voir aussi Frantz Fanon,
« peau noire, masque blanc »
* 158 Les manuels scolaires
enseignaient que les Africains vendaient leurs propres frères, jetant
ainsi la responsabilité de l'esclavage sur les Africains. Beaucoup
d'Antillais reprochent encore cela ( bien que faux) aux Africains,
créant un fossé entre africains et antillais.
* 159 Voir le livre de
l'écrivain antillais Frantz Fanon, « Visage noir, masque
blanc »
* 160 A St Raphaël, en
août 1945, un régiment de Tirailleurs sénégalais,
mécontent d'être écarté de la projection d'un film
encerclèrent la salle et tirèrent sur les spectateurs tuant deux
civils et blessant de nombreux autres. Les Américains et les Russes les
soutenaient.
* 161 Maryon Echenberg a
étudié le sujet.
* 162 Aimé
Césaire, « Cahier d'un retour... », pp. 42.
* 163 Ibid., pp. 88
* 164 Ils seront surtout en
Extrême-Orient dans la West African Frontier Force ( WAFF) et ne
reviennent en Afrique qu'au milieu de l'année 1946.
* 165 Thomas Melone, De
la Négritude dans la littérature négro-africaine,
Paris, Présence Africaine, 1962, pp.109.
* 166 Voir « Des
spahis sénégalais à la garde rouge de Dakar »,
p6
* 167 Emission
« Du côté de chez Fred », 1989
* 168 Paroles de Didier Awadi
, leader du groupe PBS ( Positive Black Soûl), groupe de Hip-Hop
sénégalais.
* 169 CHETOM 15H142/D7 :
Combattants de la guerre 1939-40, extrait du j.o du 24 janvier 1941 p 372
* 170 En particulier des
arabes dont les pays sont plus proches de la France et dont l'histoire est
relatée par un reportage de Jamila Benguigui sur canal + en 2000.
* 171 Emission « Du
côté de chez Fred », 1989
* 172 Le
21ème RIMA porte l'insigne des troupes indigènes (
Fréjus) en souvenir des troupes coloniales
* 173 Comme cet ancien
Tirailleur M. Abdoulaye ( cf. Emission « du coté de chez
Fred ») à qui la Guinée a refusé la
nationalité guinéenne et qui ne peut obtenir la
nationalité française.
* 174 Les Tirailleurs,
chanson de M. Nanou Guily, Abidjan, 1987
* 175 Peter ABRAHAMS,
« Rouge est le sang des noirs », Paris, Casterman,
1971, pp. 222
* 176 L.S. SENGHOR,
« Hosties noires », Paris, seuil, 1956, pp 81 à
82
* 177 A l'entrée de la
MAC de Dakar, les anciens combattants vendent leurs médailles
militaires.
* 178 Nancy Lawler,
Soldats d'infortune ...Op. Cit.
* 179 Colonel Lamdou
Touré, « Des troupes
indigènes... », op. Cit.
* 180 comme Mademba Sy
* 181 Colonel Touré,
ibid.
* 182 Patrice Lumumba, Thomas
Sankara
* 183 Dans
Armée d'Aujourd'hui , n° 190, pp. 163
* 184 Ablaye Diop, M2180,
Algérie et Nouvelle Calédonie.
* 185 Reportage Histoire
oubliée, Eric Deroo
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