INTRODUCTION
CHAPITRE I : Les réformes
structurelles et institutionnelles de l'économie bulgare dans le cadre
du plan de stabilisation.
SECTION 1 : Le nouveau système
réglementaire, instruments et architectures,
1- La mise en place du cadre juridique de l'activité
bancaire
2- L'environnement bancaire
SECTION 2 : L'interaction entre les banques, le
crédit et l'entreprise :
1- La structure du crédit à l'entreprise
2- La crise bancaire de 1996
CHAPITRE II : Le système bancaire
bulgare sous tutelle du Currency Board
SECTION 1 : Structure, instruments et
fonctionnement du système bancaire dans le cadre du Currency Board
1- La BNB
2- Les banques commerciales
SECTION 2 : Les facteurs de développement
du système bancaire
1- La restructuration du système bancaire
2- La privatisation
3- Les normes prudentielles et élargissement à
l'union européenne
CHAPITRE III : Les facteurs
déterminants de l'activité bancaire en Bulgarie
SECTION 1 : Les facteurs déterminants de
l'offre du crédit bancaire en Bulgarie
1- Les principales variables de l'offre du crédit
bancaire
2- L'intermédiation bancaire
3- Les limites du système bancaire
SECTION 2 : Le système bancaire face
à son environnement
1- La transformation de l'action publique à travers la
réforme bancaire
2- Les résistances aux changements
CONCLUSION
INTRODUCTION
Le passage d'un mode de gestion planifiée de
l'économie à une régulation par le marché repose
sur une mutation radicale de l'ensemble du système de financement de
l'économie. Pour la Bulgarie, il s'agit de transformer un système
ou le financement de l'économie s'effectue par le financement
budgétaire et le crédit automatique, en un système
où les prix sont libres et où le financement de l'économie
est assuré par l'intermédiation bancaire et le marché des
capitaux.
Le travail de recherche entrepris porte sur « la
réforme du système bancaire en Bulgarie » et cherche
à présenter le système bancaire à travers
l'activité du crédit à l'entreprise. Penser et analyser
cette réforme, c'est analyser et comprendre la « grande
transformation » des systèmes économiques
collectivistes à mono-banque en marché bancaire compétitif
dans une économie de marché ouverte. Il s'agit d'un enjeu
important car, ainsi que le souligne J. Sgard « la transition
dans les pays de l'Europe centrale et orientale (PECO) est un
évènement théorique exceptionnel ».1(*)
C'est en 1989 que cela s'est produit en Bulgarie. En plus de
la chute du régime communiste, la Bulgarie a initié une double
transition, vers la démocratie et l'économie de marché
pour rattraper les pays de l'Europe de l'ouest. De nouvelles structures
apparaissent, en parallèle, un démantèlement de l'Etat et
tout le système de commande hiérarchisé qui a régit
les structures sociales et économique pendant l'époque
communiste.
C'est dans ce contexte de vide institutionnel et d'incertitude
que s'est initié le passage à un autre mode de régulation
économique dans ce qui s'apparente à une « fabrication
d'une économie de marché », doublé d'un
processus de « destruction créatrice 2(*)» d'institutions. La
réforme du système bancaire est le meilleur moyen d'atteindre cet
objectif vu le rôle majeur dévolu aux banques dans le financement
de l'économie. Pour amorcer ce processus, un vaste programme de
réformes structurelles (stabilisation macroéconomique) suivi de
changements institutionnels importants, est lancé en collaboration avec
d'un côté le nouveau gouvernement bulgare et les organisations
financières internationales.
Un constat s'impose d'emblée, il s'agit du peu
d'études consacrées à la Bulgarie par rapport aux autres
pays du PECO même si un intérêt particulier se manifeste
depuis 1997 avec la crise bancaire, les bouleversements institutionnels y
afférents et les perspectives d'adhésion à l'Union
européenne.
Notre mémoire analyse ce processus de changement dans
le « système bancaire » qui s'est
déroulé en Bulgarie de 1989 à 2005. Pour ce faire, nous
esquissons une grille de lecture adaptée à l'analyse des
différents dimensions de ces changements et la pluralité des
solutions qui, ont comme point d'aboutissement, l'instauration d'une
économie de marché. En plus des trajectoires économiques,
il s'agit d'insérer cette étude dans les transformations
politiques et sociales dans la mesure ou elles jouent un rôle essentiel
dans l'apparition de nouvelles normes et standards de pensée, de
nouveaux instruments, et de nouveaux acteurs parmi lesquels nous nous
intéressons plus particulièrement à l'acteur
entrepreneur et à l'expert.
La question qui se pose est de savoir comment s'est
effectuée la conversion du socialisme bureaucratique et d'analyser la
motivation de ce groupe de décideurs des réformes
économiques ?
S'agit-il d'un mimétisme dans une opération de
standardisation qui s'apparente à un phénomène de
globalisation économique et juridique ?
Comment s'est enclenchée la mécanique
institutionnelle et la coordination des acteurs pour mener la réforme
bancaire dans un contexte d'incertitude ?
Qu'est ce qui motive un apparatchik de l'ancien régime
communiste à se convertir en un entrepreneur privé ou un banquier
d'affaires ?
Qu'elle a été la réaction des acteurs
sociaux et les agents économiques ?
Pour poser notre cadre de recherche, nous donnons une
définition des concepts et notions qui parcourent notre mémoire.
Tout d'abord, par standardisation, nous faisons référence aux
normes et standards. Selon la définition de l'ISO (International
Organisation for Standardisation), une norme est un « document
établi par consensus, qui fournit, pour des usages communs et
répétés, des règles, des lignes directrices ou des
caractéristiques, pour des activités ou leurs résultats,
garantissant un niveau d'ordre optimal dans un contexte
donné »3(*).
Si la norme est un « document déterminant des
spécifications techniques de services (le système bancaire pour
notre cas), le standard résulte d'un acte unilatéral et
émerge « au travers de la médiation des processus
du marché »4(*).
Les normes constituent des instruments de l'action publique,
dans la mesure où elles sont porteuses d'une forme condensée de
savoir sur le pouvoir social, d'une part, et produisent des effets
spécifiques indépendants des objectifs poursuivis, d'autre part.
Les normes constituent même une catégorie en soi d'instrument, en
raison de deux caractéristiques principales : elles relèvent
de rapports de force au sein de la société civile entre acteurs
économiques ou entre acteurs économiques et ONG par
conséquent elles présentent une légitimité qui
repose à la fois sur la rationalité scientifique et technique et
une rationalité démocratique.5(*)
Cette transformation économique en Bulgarie ne peut
aboutir sans l'impact et la mobilisation des ressources et des
stratégies des acteurs. Par le terme acteurs, nous désignons
celui qui agit, en tant qu'acteur individuel ou en tant qu'acteur collectif.
Dans le processus de prise de décision, il renvoie à la
participation à la décision. L'acteur doit être capable
d'action stratégique, capacité propre à un individu seul.
Pour être considéré comme un acteur dans une politique
publique (politique économique, monétaire etc.), il faut que
l'action engagée ait des répercutions tangibles sur un processus
de politique publique donnée.6(*) Les acteurs institutionnels ou liés aux
organisations formelles sont : l'organisation pour la coopération
et le développement économique (OCDE), l'union européenne
(UE), le fonds monétaire international (FMI), la banque
européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et
la Banque mondiale. Les acteurs internes sont principalement l'Etat et le
gouvernement bulgare, les organismes financiers et bancaires tels que : la
banque nationale de Bulgarie (BNB), les banques commerciales et
étrangères, l'institut national de statistique (INS) et les
instances législatives et judiciaires.
Par ailleurs, la notion d'entrepreneur dans le cadre d'une
économie en transition, à l'instar de la Bulgarie, diffère
de l'approche schumpeterienne [J. Schumpeter, 1883-1950] pour qui
l'entrepreneur est mû non pas selon les principes du calcul coût
avantage (la rationalité instrumentale), mais selon une
suprarationnalité : création d'un empire industriel, soif de
pouvoir, goût de la réussite, etc.7(*)
La naissance d'une couche d'acteurs du capitalisme
postcommuniste a précédé l'effondrement du régime.
C'est au sein du parti-Etat, au coeur du système politique, dans les
rangs de la nomenklatura, que s'est produit le mouvement de conversion des
élites politiques et économiques. Acteurs importants de la
transition du régime, les élites économiques constituent
une des composantes les plus controversées de la nouvelle classe des
entrepreneurs.8(*)
Pour ce qui est de l'expert, il peut s'agir de celui des
institutions de l'Etat bulgare, mais aussi de l'expert des instituts
indépendants de recherche, des intellectuels libéraux et des
thinks tanks. Ces derniers ont pour tache de remplacer le discours
idéologique de l'ancien régime par celui des experts à
l'exemple du « Centre de stratégies
libérales » en Bulgarie.
C'est autour de ces interrogations que nous
développerons une réflexion de nature pluridisciplinaire car
cette réforme du système bancaire interroge les interactions
entre l'économie, le droit et l'action publique.
Notre problématique générale a pour
objectif d'interpréter et d'analyser comment fonctionne le
système bancaire dans une économie en transition vers le
marché lorsque les valeurs de celle-ci ont été
détruites par le communisme et que la signification de ces normes ne
sont pas assimilées avec leurs mises en pratique. Les banques bulgares
peuvent-elles devenir cet agent capitaliste qui semble faire
défaut ?
Nous apportons des éléments de réponse
à cette question en posant différentes
hypothèses :
1- Les réformes institutionnelles ne sont pas garantes
d'une efficacité et solvabilité des banques. Le
phénomène du passager clandestin a fait des banques
des « captives » et les pertes se sont
déplacées vers le système bancaire vu le volume important
de crédit. Le bilan de l'intermédiation bancaire est insuffisant,
la dynamique du crédit à l'entreprise exige une discipline
financière de la part de ces dernières.
2- La dynamique du crédit à l'entreprise a
été modifiée avec l'introduction du Currency board (CB).
Le renchérissement du crédit et l'asymétrie de
l'information ont réduit la demande de crédit laissant la place
aux banques étrangères, ce qui explique la faiblesse des
marchés financiers qui reposent sur l'intermédiation bancaire.
3- Les élites au pouvoir ne peuvent rester les acteurs
centraux qui imposent d'en haut les réformes. L'intérêt
général est détourné par ses usagers, les agents
économiques, les différents acteurs entrepreneurs et ses
bénéficiaires. En reproduisant des positions dominantes dans le
système économique, la réforme bancaire risque
d'être détournée de ses objectifs. C'est pourquoi l'action
publique est une forme d'assurance contre les risques de dérives du
système bancaire.
Quelle approche théorique mobiliser pour analyser et
évaluer le cheminement de la réforme bancaire ?
Plusieurs possibilités alternatives s'offrent à
nous : Une première approche s'inscrit dans le champ de
l'économie et offre une double perspective. Appliquer l'économie
néoclassique standard à la problématique des
économies en transition puisqu'elle alimente l'ensemble du programme du
consensus de Washington. Cette conception est inspirée d'un
modèle théorique qui résume l'ensemble des recommandations
qu'un certain nombre d'organisations (FMI, Banque mondiale, Trésor
américain) adressée aux PECO dés le début de 1990.
Ces réformes consistent à vulgariser des politiques
économiques standards en se basant sur les fondements théoriques
des prescriptions du FMI. Il s'agit aussi de diffuser des standards de
pensée à travers les organismes internationaux, de façon
à fléchir les modes de pensée dans les processus
nationaux.
Ces réformes sont supposées garantir la
formation spontanée de l'économie de marché. La
libéralisation doit supprimer les contrôles extérieurs sur
les mécanismes de marché et ouvrir l'économie à la
concurrence extérieure. La stabilisation impose une limitation des
déficits budgétaires, une réduction de la masse
monétaire et l'établissement d'un taux de conversion
réaliste et uniforme. Enfin, le transfert rapide des droits de
propriété à des personnes privées intervient pour
compléter le cadre du marché et l'allocation efficace des
ressources [P. Koleva, 2004, pp 13-14].
Néanmoins expliquer l'économie par les seuls
facteurs économiques est insuffisant, la réforme bancaire n'est
pas exclusivement du ressort d'agents économiques rationnels, bien
informés et maximisateurs soucieux d'investir un marché
équilibré. Il faut, dans ce sens, poser la question de la place
de l'information et de l'incertitude dans les anticipations des agents, des
types possibles de rationalité économique et de l'impact des
institutions sur le processus de réforme bancaire.
Cette approche englobe les domaines de recherche de la
nouvelle économie institutionnelle. Elle ne possède pas de cadre
théorique spécifique. On observe dans ce sens le foisonnement de
courants et d'écoles qui se démarquent de la théorie
néoclassique standard qui n'admet que le
« marché » comme institution.
D'autres démarches dans la continuité de la
première, regroupées sous la « nouvelle économie
institutionnelle » retiennent en général l'attachement
à l'économie néoclassique avec un intérêt
pour les coûts de transaction, la coordination hiérarchique
(Aoki), les problèmes d'information et la rationalité
limitée pour expliquer la défaillance du marché. Dans ce
cadre, on peut citer les travaux de O. Williamson dans la continuité de
R. Coase [1937] qui a le mérite, par rapport à l'analyse
néoclassique standard, d'introduire des hypothèses
comportementales plus réalistes. La question posée par Williamson
est de savoir comment les agents se protègent, avant et pendant le
cours des échanges, contre des agissements éventuellement
« malhonnêtes ». Le canevas théorique
d'essence contractualiste représenté par le courant de
l'économie des coûts de transactions (Coase1937) et (Williamsson
1986) nous aide à mieux appréhender le processus de changement
dans le système bancaire bulgare.
La démarche de D. North va également dans ce
sens, dans la mesure où elle concerne les droits de
propriété et l'organisation politique elle même. North
traite des éléments laissés de côté dans le
cadre néoclassique : institutions, droits de
propriété, Etat et idéologie et North insiste sur
l'importance des trajectoires, les dynamiques historiques et sur les
mécanismes institutionnels comme régulateurs en situation
d'incertitude des agents.9(*)
Cette approche présente un intérêt
certain pour notre étude dans la mesure où la transition bulgare
entamée par la réforme du système bancaire pose, en plus
de la présence des institutions dans l'action économique, la
question de la pluralité des conventions, des anticipations des acteurs
et la mobilisation des dispositifs juridiques. Elle pose aussi celle de la
relation entre les lois et les normes sociales. Elle est une transformation
continue, un changement complexe. Il s'agit d'articuler cette mécanique
institutionnelle à l'émergence de nouveaux acteurs et à
leur socialisation au nouvel environnement économique.
Si la nouvelle économie institutionnelle
interprète toutes les institutions économiques, politiques et
juridiques comme le résultat efficient d'individus rationnels, les
institutions sociales sont « socialement construites »
(Berger et Luckmann, 1966).
Comment peut-on alors rendre compte de l'émergence du
marché bancaire en Bulgarie ?
La sociologie économique apporte une réponse
selon laquelle interviennent des facteurs politiques, relationnels et familiaux
à côté des facteurs économiques déjà
cités. Dans ce cadre, nous interrogeons la sociologie de P. Bourdieu
avec la notion d'habitus qui correspond à l'incorporation dans les
individus des schèmes d'interprétation et d'action qui
résulte du processus de socialisation lui-même dans un champ
donné (Bourdieu,1979, 1997). Les stratégies de reproduction du
capital politique et culturel en capital économique sont
présentes dans le canevas théorique de Bourdieu. Il permet de
nous donner une interprétation de la problématique de la
conversion des apparatchiks de l'ancien régime communiste en
entrepreneurs de la transition en Bulgarie.
Cela nous amène à se poser aussi la question du
degré de confiance qu'accorde les bulgares à leur système
bancaire. Cette analyse met en avant l'importance de la confiance et de
l'honnêteté comme fondements des relations sociales et
économiques. La théorie monétaire a mis en avant un
concept similaire à travers la notion de la «confiance dans la
monnaie », [Cartelier, 1996, Aglietta et Orléan,
1998]. Pour ces derniers, la monnaie est profondément liée
à l'organisation politique des sociétés
contemporaines...
La mobilisation des travaux de la sociologie des
réseaux se révèle utile à notre
compréhension de la transformation du système financier bulgare.
L'apport de M. Granovetter et Ronald. S. Burt sur ce point est décisif.
L'action économique est encastrée dans un réseau social
formé des liens amicaux et familiaux. Les réseaux peuvent
être également internationaux (fondations, organisations
internationales, think tanks ).
La question des think tanks en Europe de l'est est
inséparable de celle de l'entrée puissante des schémas de
la pensée néolibérale (Smith, 1991).10(*)
.
Nous tenterons ici de cerner l'ensemble de la
problématique du processus de changement dans le système bancaire
à travers les transformations induites par les réformes
économiques de 1989. Notre plan décrit et analyse cette
transition qui se caractérise par la complexité des liens entre
continuité et rupture en mettant l'accent sur les variables
économiques de la stabilisation et ses conséquences sur le
comportement des banques, les changements institutionnelles formels et
informels, les lois et règlements, la socialisation et la coordination
des acteurs. Il ressort trois grandes périodes de la transformation du
système bancaire à savoir : i) L'étape 1990-1997 se
caractérise par la grande transformation de l'économie bulgare,
l'initiation à l'économie de marché et la mise en place
d'un système bancaire à deux niveaux en remplacement de l'ancien
système à mono banque de l'époque communiste. On remarque
la prédominance de la « banque d'Etat »
jusqu'à la crise bancaire de 1996.
ii) La deuxième étape 1997-1999 : c'est
l'étape du grand changement institutionnel avec la mise sous tutelle du
système bancaire et l'instauration du Currency Board. C'est aussi la
continuité de la réforme bancaire avec un programme de
restructuration bancaire et de renforcement de la législation de
supervision et de contrôle bancaire. A partir de 1999, la
« banque privée » prend de l'essor par rapport au
début de la transition et des perspectives s'ouvrent au système
bancaire.
iii) La troisième étape 1999-2005 : on peut
la qualifier de celle de la consolidation et la modernisation du système
bancaire. L'adoption du « standard bancaire
européen », l'ouverture des négociations avec l'union
Européenne et l'harmonisation législatives avec les standards du
« comité de Bâle ». C'est pourquoi, nous avons
adopté une approche pluridisciplinaire pour mieux analyser cette
transition complexe et « indisciplinée » du
système bancaire en Bulgarie. Cette approche nous permet aussi de
prendre une démarche critique en dehors du cadre économique et
normatif.
Le plan essaye de suivre la chronologie du changement dans le
système bancaire et retrace l'essentiel de la réforme bancaire en
Bulgare de 1989- 2005 avec en perspective l'adhésion à l'UE
prévue pour 2007.
Dans le chapitre premier, nous posons le cadre
général dont lequel s'effectue la réforme du
système bancaire à savoir : les réformes
structurelles et institutionnelles de l'économie bulgare dans le cadre
du plan de stabilisation « consensus de Washington ». Ce
chapitre est subdivisé en deux section, l'une traite du nouveau
dispositif juridique des banques et leur l'environnement dans le contexte du
début de la transition jusqu'à la crise en fin d'année
1996.
Le second chapitre aborde une nouvelle phase de ce changement
dans le système bancaire à savoir : le système
bancaire sous tutelle du Currency Board. Nous analysons ce bouleversement
institutionnel en deux sections, la première relative à la
structure, les instruments et le fonctionnement des banques et la seconde pour
les facteurs de développement du système bancaire
(restructuration, privatisation, élargissement à l'UE).
A traverse le troisième chapitre, nous donnons une
assise empirique à notre étude en exploitant une enquête
dans ce cadre. Cela va sans omettre d'appuyer l'analyse avec une approche
sociologique sur la transformation de l'action publique et les
résistances aux changements.
.
CHAPITRE I : LES REFORMES STRUCTURELLES ET
INSTITUTIONNELLES DE L'ECONOMIE BULGARE DANS LE CADRE DU PLAN DE
STABILISATION
L'ampleur de la crise économique et la forte
poussée inflationniste dés le début de la transition a
incité le gouvernement bulgare à décider d'un programme de
stabilisation macroéconomique en collaboration avec les organisations
financières internationales pour mettre fin à la situation de
destruction de l'économie et en même temps amorcer sa grande
transformation. Les premières réformes monétaires et
financières en Bulgarie ont provoqué dans leur sillage des
changements structurels considérables qu'on peut les
résumer en règle générale sous le mot-clé de
« mondialisation ». En 1989, Michel Camdessus, alors
Directeur général du FMI, a employé le terme de
« révolution silencieuse » pour désigner la
transformation en cours dans un certain nombre de pays en développement
et dans les PECO.
L'élément révolutionnaire tenait ici au
fait que nombre de ces pays qui auparavant avaient rejeté les conseils
du FMI, ou cloisonné dans le cadre du conseil d'assistance
économique mutuelle (CAEM), étaient désormais prêts
à embrasser des politiques axées sur le marché et
l'exportation. Bien que ces politiques étaient rendues
célèbres sous le nom de « consensus de
Washington »11(*). La première étape du processus de
création d'un marché fonctionnel consistait à passer d'un
système bancaire jouissant d'un monopole à une structure
composée d'une banque centrale, de banques commerciales et
d'établissements étrangers propres à favoriser la
concurrence.
L'entrée de la Bulgarie dans la mondialisation est
basée sur un programme de réformes structurelles de
l'économie dont le modèle théorique est inspiré du
« consensus de Washington ». Un nouveau
« paradigme » a vu donc le jour sous ce label de
l'économiste américain J. Williamson. Il désigne un
ensemble de réformes initiées par les pays de l'Amérique
latine, après les crises d'endettement paralysantes de la
« décennie perdue » des années 1980. Comme
l'explique J. Williamson, ce programme de réformes en dix points, est
vite devenu un modèle pour l'ensemble du monde en
développement .Ce plan de stabilisation macroéconomique
prône la discipline budgétaire, l'économie de marché
et l'ouverture au monde, au moins aux investissements
étrangers et sur le plan commercial.
Le consensus de Washington offre un schéma de politique
économique pour combler le vide créé par la
répudiation du centralisme. Williamson pense (souligné par lui,
2003) effectivement que les idées qu'il exposait étaient
consensuelles.12(*)
Il ajoute : « cette liste soulève
naturellement plusieurs questions pertinentes. La première est de savoir
si j'avais correctement identifié les réformes qui suscitaient un
large consensus à Washington. A l'exception du cinquième point
(taux de change compétitif), je me plais à croire que
oui ».13(*) Une
question connexe est de savoir si les dix réformes en question
étaient généralement considérées comme les
plus urgentes et les plus importantes pour la région en 1989 [J.
Williamson, 2003]. Ce dernier ajoute : « j'estime que ma
liste fournit une réponse plausible à cette question plus
délicate, du moins si le choix est limité à des
réformes consensuelles. Je dirais aussi que 1989 a été
unique en ce sens qu'il existait alors une large convergence de vues sur les
réformes à considérer comme particulièrement
urgentes. Troisièmement, il faudrait déterminer si ce programme
de réformes était approprié pour la région.
J'estime personnellement qu'il était en tous point
logique... »14(*)
Au fil du temps, ce programme devient un « label
galvaudé » (Naim, 2002) et a pris un sens très
différent, Selon Williamson lui même qui refuse que son programme
soit assimilé au néolibéralisme, un certain nombre de
doctrine clairement néolibérale est absente de sa liste à
dix critères, Williamsson cite : le monétarisme, les faibles
taux d'imposition indissociables de la théorie de l'offre, l'Etat
minimal (qui ne se charge ni de corriger les inégalités de revenu
ni d'internaliser les externalités) et la libre circulation des
capitaux.
C'est dans ce cadre théorique que s'est initiée
la réforme de l'économie bulgare et à travers elle la
réforme du système bancaire. Il faut dire aussi que sans les
institutions basés à Washington qui prodiguent conseils et le
financement de la réforme, ce modèle théorique ne serra
jamais mis en pratique. Nous citons parmi ces institutions (le FMI et la Banque
mondiale), la Banque interaméricaine de développement, le
Trésor des Etats Unis et leur système fédéral de
réserve.
Le FMI, selon les propos de son directeur, se définit
comme partenaire des pays de l'Europe de l'est dans une entreprise de grande
transformation économique et politique sans précédent dans
l'histoire. Il a déjà décaissé plus de 4 milliards
de dollars en faveur de cinq pays des PECO dont la Bulgarie. Le programme de
réforme dans les PECO a été soutenu financièrement
par cet organisme financier à hauteur de 20 milliards de dollars
auprès d'autres sources de financement [M. Camdessus, 1992]15(*). Le FMI a joué aussi un
rôle de coordonnateur de l'aide internationale à ces pays, il a
exercé la fonction d'institution de références en
édictant les conditions d'une « bonne politique
économique » qui, seule, donnait droit aux concours
financiers, ses prêts ont été conditionnés par le
respect de ses prescriptions et ont joué un rôle de signal
autorisant l'octroi des crédits.
C'est avec ces institutions d'appui financier et de conception
des programmes de réforme structurelles et de stabilisation
macroéconomique que la Bulgarie a entamé la mise en place d'un
autre dispositif de changement institutionnel de son système bancaire
comme mesure d'appui à ce vaste programme.
SECTION 1 : LE NOUVEAU SYSTEME REGLEMENTAIRE,
INSTRUMENTS ET ARCHITECTURE
La première étape de cette transformation
économique consiste à savoir quand les problèmes de la
Bulgarie sont dus à des lacunes institutionnelles. Il s'agit de
déterminer quelle institution n'existe pas ou ne fonctionne pas bien
pour amorcer la « destruction créatrice ». Par
institution, on entend ici les règles (coutumes informelles, normes
sociales et lois) qui régissent les comportements, les mécanismes
(des organisations, club des banques) qui influent sur les incitations de la
population et appuient les transactions du marché16(*). Ces institutions remplissent
trois fonctions : atténuer les asymétries de l'information (
c'est à dire assurer aux agents et acteurs l'accès à des
informations fiables), définir et faire respecter les droits de
propriété et les contrats, et réglementer la concurrence.
On peut trouver plusieurs définitions des institutions dans la
littérature. Selon North (1990), les institutions sont des contraintes
inventées par les hommes qui s'imposent à leurs interactions.
Dans la théorie des jeux, les institutions peuvent être
définies comme des règles d'un jeu où les agents
individuels ou les organisations telles que les firmes seraient des joueurs.
En l'absence de conditions juridiques correspondantes, ces
réformes structurelles peuvent conduire à des échecs
cuisants. C'est pourquoi, la Bulgarie a entamé ses transformations
économiques (première génération de
réformes) par la consolidation du dispositif juridique et la
législation bancaire.
L'environnement juridique en Bulgarie était
caractérisé par les réformes du système bancaire
engagée dés 1987, date à laquelle la banque d'Etat a perdu
son monopole avec la création de huit banques commerciales
spécialisées par secteurs d'activité, ce qui constitue un
pas vers la rénovation du système bancaire. Avec le passage
à l'économie de marché, toute une série de
réformes touchant la banque centrale, le système de paiement, la
politique monétaire ainsi que le système financier dans son
ensemble, prennent une importance considérable pour la stabilité
macroéconomique. Grâce à ces changements, il s'agit de
donner une plus grande autonomie à la banque centrale, d'accroître
la concurrence au sein du système bancaire, de promouvoir l'essor du
marché monétaire, de rationaliser le système de paiement,
de restructurer le système financier pour résoudre la question
des créances et des entreprises à problèmes, et
d'instituer un système efficace de surveillance des banques.
Selon les experts du FMI, tous les pays qui cherchent
à réformer leur secteur financier poursuivent ces objectifs, mais
les caractéristiques structurelles des économies à
planification centrale posent des problèmes particuliers pour
l'élaboration des réformes et l'ordre de leur mise en oeuvre en
coordination avec d'autres mesures structurelles de stabilisation.17(*) Pour réussir le processus de
transformation du système bancaire en Bulgarie, des changements
fondamentaux sont à prévoir dans toute la sphère de la vie
économique. Dans ce cadre, le pays doit se doter d'un nouveau cadre
réglementaire.
.
1- LA MISE EN PLACE DU CADRE JURIDIQUE DE L'ACTIVITE
BANCAIRE :
Le passage de la monobanque à un système dual a
bouleversé les anciennes dispositions financières du pays. La
nouvelle base juridique consiste à éliminer les contraintes du
système bancaire classique de type soviétique reposant sur le
monopole d'Etat et faire des banques un agent économique
stratégique permettant le drainage de l'épargne et sa
distribution à l'entreprise sous forme de crédit.
Nous passons sur l'ensemble de la littérature sur le
rôle des banques dans le financement de l'activité
économique intérieure. La double structure du système
bancaire, après l'abandon de celui de la mono-banque, est rendu possible
par l'adoption de deux lois fondamentales en 1992 ; l'une faisant de la
banque nationale de Bulgarie (BNB), une véritable banque centrale,
l'autre réglementant l'activité des banques commerciales qui
doivent se constituer en société par action.
De 1991 à 1993, la Bulgarie a adopté une
législation et une réglementation prudentielle dans le domaine
bancaire qui reposent sur les recommandations et conventions occidentales.
Parmi les textes législatifs et réglementaires fondamentaux
adoptés durant cette période, on retiendra la loi sur la Banque
nationale bulgare (BNB) de juin 1991, la loi sur les banques et les
opérations de crédit de mars 1992, ainsi que la
réglementation prudentielle sur les établissements
agréés de février 1993, les opérations de
prêts importantes et internes des banques (janvier 1993), la
solvabilité des banques (mars 1993), le contrôle interne des
banques (juin 1993).
Un certain nombre de ces règlements ont
été amendés en 1993-1995. Outre la réglementation
bancaire, il existe une législation distincte s'appliquant à
l'immatriculation et aux opérations des
« sociétés financières », des
« courtiers » et « des bureaux de
change » qui peuvent assurer différentes activités
délimitées sur les marchés de capitaux en dehors des
opérations de dépôt et de crédit. En mai 1996, la
loi sur les banques et les opérations de crédit a
été modifiée et amendée dans des proportions
sensibles.18(*) L'ensemble
de ce dispositif juridique s'applique aux trois institutions suivantes :
des dispositions sont prises pour plafonner la monétisation des
déficits publics. La banque centrale cumule désormais les deux
fonctions traditionnelles des autorités monétaires : la
régulation de la masse monétaire et le contrôle prudentiel
sur les banques primaires. Toute banque doit revêtir la forme d'une
société par actions. Elle doit comporter au moins deux directeurs
avec résidence permanente en Bulgarie.
i) La BNB est devenue un organisme indépendant,
chargé de mettre en oeuvre le programme de stabilisation
macroéconomique et la réglementation des banques commerciales.
Son statut est ambigu et se trouve au centre d'un certain nombre de
controverses. Même si la loi lui confère la pleine autorité
sur l'expansion du crédit, y compris les crédits à l'Etat,
le parlement a contraint à plusieurs reprises la BNB à accorder
des crédits au ministère des finances. Un nouvel amendement
à la loi sur la BNB de 1996 accroît l'influence du gouvernement
sur la BNB en habilitant le parlement à révoquer, à la
majorité qualifiée, le gouverneur et le conseil de la BNB. De
1993 à 1995, les crédits directs à l'Etat ont
été réduits sensiblement, cela n'a pas
empêché la crise bancaire de 1996 .
La loi sur la BNB fixe un capital minimum de 500 millions de
leva si la licence est complète (opérations domestiques et
internationales) et de 200 millions de lava si la licence est locale, soit
respectivement 21,7 millions et 8,7 millions de dollars. Elle instaure un
ration prudentiel, équivalent du ratio cooke (8% des engagements de la
banque). Elle prévoit un taux de réserves obligatoires de 1,25%
du total du bilan et la constitution de provisions en face des crédits
douteux, selon des modalités à déterminer par la banque
centrale.
ii) La loi sur les banques et les opérations de
crédit s'inscrit dans le cadre du developpement de la banque
universelle. Outre leurs fonctions habituelles, les banques se voient octroyer
le droit de gérer des fonds d'investissement de capitaux,
d'acquérir directement jusqu'à 10% du capital d'une entreprise
non financière et même de prendre des participations
supplémentaire avec l'autorisation de la BNB. Aux termes de cette loi,
le ratio de fonds propres des banques doit être conforme au
critère de Bâle, soit plus de 8% des engagements de la
banque . Les fonds propres de base doivent représenter au moins 1/8
du total des grosses opérations de prêt. Un prêt ne peut
à lui seul dépasser 25% du capital, la loi prévoit des
restrictions supplémentaires sur le volume de crédit aux
« parties liées » .
Les banques commerciales ont obtenu en 1992 un délai
d'un an pour s'adapter aux normes de solvabilité . Cette
période a été prolongée jusqu'à mars 1995 (
désormais jusqu'en 2001).19(*)
La réglementation prudentielle de 1993 sur la
solvabilité a fixé des normes de fonds propres de 200 millions de
leva (7 millions de dollars à l'époque) pour obtenir un
agrément bancaire national et de 500 millions de leva (16 millions de
leva) pour effectuer des opérations à l'étranger .
Ces normes ont été revues à la hausse jusqu'à
atteindre 800 millions de leva (12 millions de dollars). Enfin elle
réglemente, comme la loi allemande et les directives de la
Communauté économique européenne (CEE), la part des grands
risques dans les bilans bancaires. Un risque assumé par un
établissement de crédit à l'égard d'un client ou
d'un groupe de clients est considéré comme un grand risque
lorsque sa valeur atteint ou dépasse 15% de ses fonds propres ; il
ne doit pas dépasser 25% des fonds propres de l'établissement de
crédit. Quant à ce dernier, il ne peut assumer de grands risques
dont le montant cumulé dépasse huit fois ses fonds
propres.20(*)
La réglementation sur la classification des prêts
a institué quatre catégories de prêts : Les
créances normales - Les créances douteuses de type A - Les
créances douteuses de type B - Les créances
irrécouvrables. Cette division repose sur l'évaluation de la
solvabilité du débiteur, le principal facteur en la
matière est constitué par les arriérés de paiement.
Si le retard dépasse les 90 jours, les créances sont
considérées comme irrécouvrables.
La loi sur les banques et les opérations de
crédit, ainsi que divers règlements prudentiels, comportent aussi
des obligations d'information, correspondant aux activités
générales. Les banques sont tenues de communiquer à la
BNB des compte rendu mensuels et annuels. Il n'existait pas de mécanisme
proprement dit d'assurance des dépôts jusqu'en décembre
1995 .
iii) Une Compagnie de consolidation des banques est
créée en 1992, elle ne bénéficie d'aucun statut
bancaire ni commercial mais a pour objectif la restructuration, par fusion, des
banques commerciales dans lesquelles l'Etat détient plus de 50% du
capital. Cette société holding est dotée d'un capital de
2,5 milliards de leva, représentant en grande partie les parts de la BNB
et de la banque du commerce extérieur, dans 75 banques commerciales.
Ses statuts stipulent qu'elle exercera ses activités
pendant une durée de trois ans. A sa disparition en 1995-1996, la
compagnie devrait avoir réussi à fusionner l'ensemble en une
dizaine d'établissements viables et prêts à être
privatisés. Jusqu'en septembre 1995, seules 49 banques ont
fusionné en cinq établissements : Banque bulgare
unifiée qui regroupe 22 établissements locaux de dimensions
modestes,- Balkan Bank, fusion de 4 banques,- Express Bank (Varna), fusion de
11 banques, Hebros Bank (Plovdiv), fusion de 8 banques,-Sofia Bank,
regroupement de cinq banques.
Le nombre des banques est ramené à une dizaine
grâce à des opérations de fusion de manière à
éliminer les maillons faibles de la chaîne financière.
D'autres projets ont été réalisé dans ce sens et
les banques dont la majorité des actions sont détenues par la
compagnie de consolidation des banques ont été
privatisées. La consolidation a tracé comme objectif
l'émergence progressive d'un système bancaire moderne. On peut
s'attendre à un impact positif dans les domaines suivants :
- la supervision bancaire par la BNB ;
- la sous-capitalisation ; la fusion des banques
sous-capitalisées avec des établissements dotés en fonds
propres ;
- la concurrence et l'élargissement de la gamme de
produits bancaires ;
- les ressources venant de la collecte de
dépôts auprès de la clientèle
privée ;
- la diversification des risques ;
- l'amélioration du management - la concentration des
cadres compétents dans un nombre restreint
d'établissements.21(*)
L'amélioration du cadre réglementaire du secteur
bancaire s'est déroulée en parallèle avec la
restructuration des entreprises, de manière à ne pas gaspiller
les ressources limitées du pays et les fonds rares que le gouvernement a
pu mobiliser et mettre à la disposition des entreprises. Avec la loi sur
les sociétés, la loi sur les privatisations, la loi
foncière (concernant la restitution des biens confisqués) et la
loi bancaire adoptées en 1992, le cadre juridique fut mis en place,
à l'exception de la réglementation sur les faillites. Ce qui
n'empêchera pas le phénomène des crédits douteux
à l'origine de la crise bancaire de 1996.
Il va sans dire qu'en plus du cadre théorique
« consensus de Washington » et l'appui financier et en
expertise des institutions financières internationales, le dispositif
juridique doit évoluer dans un environnement bancaire sain pour que le
système bancaire n'assimile pas seul les défaillances de gestion
des autres secteurs économiques. On n'omet pas le contexte d'action au
début de la première phase de transformation de l'économie
bulgare avec une base microéconomique très faible, et ou
l'environnement bancaire souffre d'un lourd fardeau qu'est l'héritage de
la gestion communiste des banques, les relations tissées entre les
responsables d'entreprises d'Etat et banquiers et tous les aléas de
l'économie souterraine qui touche les cercles mafieux et la
criminalité.
2-L'ENVIRONNEMENT BANCAIRE :
Le fait de doter le système bancaire d'une architecture
institutionnelle et réglementaire ne semble pas être une condition
suffisante pour atteindre l'objectif sans un assainissement de l'environnement
de la banque. Il faut concevoir cet environnement dans une configuration
complexe d'institutions, de régularités et de jeux d'acteurs.
La mise en place d'institutions contribue à limiter
l'incertitude dans un contexte d'opportunisme et de rationalité
limitée. L'une des difficultés de l'environnement bancaire est
inhérente à la question de l'adaptation de l'arsenal
théorique et réglementaire au contexte de transformation
continue de l'économie de la Bulgare.
La caractéristique du système bancaire bulgare
est sa petite taille. Cette modestie est liée à la taille des
économies mais elle tient aussi au niveau modeste de l'activité
d'intermédiation et la modestie de l'épargne. Ce
phénomène a une origine historique, qui est celui de
l'héritage contraignant du système bancaire classique de type
soviétique, les conditions très difficiles du démarrage de
la période de transition, les réformes structurelles tardives,
l'inadéquation du cadre réglementaire des banques commerciales,
les enjeux macroéconomiques et les problèmes de corruption.
Le démarrage de la transition est compliqué en
raison de la forte dépendance de la Bulgarie vis-à-vis du conseil
d'assistance économique mutuelle (CAEM)22(*) et du niveau élevé des dettes de l'Etat
et banques commerciales, pour la plupart libellées en dollars. Comme la
Bulgarie était très dépendante du CAEM, le choc ressenti
sur le plan des échanges a été très violent et la
baisse de la production en début des années 1990. De même,
la Bulgarie n'ayant pas des liens géographiques, historiques et
culturels aussi étroits avec l'Europe de l'ouest que les autres PECO, la
concurrence a été plus rude pour attirer l'investissement
étranger et rechercher l'intégration économique.
Ajoutant à cet environnement, les legs bureaucratiques
insurmontables des systèmes mono-bancaires étatiques de l'ancien
régime communiste : il est difficile de développer une
culture bancaire dans un contexte de « construction du
marché » et de « restructuration des
entreprises » et tous les aléas relatifs à la nouvelle
socialisation des acteurs et le déploiement de nouvelles
stratégies. Les principales opérations du début des
années 1990 ont consisté à financer des projets publics de
developpement ; les banques se sont moins tournées vers la
clientèle privée que les premiers dirigeants mis en place
étaient motivés principalement par les intérêts
politiques.
La crédibilité des mesures de
réglementation du secteur bancaire a souffert de deux autres
problèmes importants. L'Etat a opéré sans plan d'ensemble
bien conçu pour traiter les problèmes du secteur bancaire avant
1996, ce qui a instauré un contexte permanent d'intervention
discrétionnaires et largement accommodantes d'ou les distorsions
inverses. Au lieu de fournir des renseignements erronés et de renouveler
les prêts pour apparaître rentable, les banques vont en pareil cas
chercher à cacher les bénéfices pour apparaître
moins rentables (sélection négative).
La perspective d'ajustements ultérieurs reposant sur
des mesures discrétionnaires des autorités peut inciter les
banques à faire moins d'efforts pour éviter les pertes futures
(aléas moral) ou à gaspiller leurs efforts à faire
pression en faveur de changements de politique (coûts d'influence) .
Pour que les banques commerciales soient incitées à aller dans le
bon sens, il faut un engagement crédible de la BNB et de l'Etat de
limiter les mesures d'accommodation par des principes directeurs stricts et
mettre un terme au refinancement sans garantie (comme celui de la Mineralbank
et de la banque Stpanska en 1995).
L'autre problème de crédibilité et
d'efficacité de la réglementation bancaire en Bulgarie provenait
de la panoplie limitée d'instruments à la disposition de la BNB
pour discipliner les banques (avant 1996). La BNB était dotée de
deux types d'instruments, financiers (amendes, intérêts de
pénalité pour les découverts, etc.) et non financiers
(retrait d'agrément, limitation des activités).23(*) La BNB a eu rarement recours
aux instruments financiers pour discipliner les banques qui ont
accumulées des pertes financières. Elle a
expérimenté l'application de taux très
élevés sur les crédits par voie de découvert afin
de décourager la demande. Or cette mesure n'a eu que très peu
d'effets sur la demande de crédit de la part des banques qui luttaient
pour leur survie. ..
Nous avons vu que le dispositif juridique ne peut à lui
seul arriver à assainir l'environnement des banques
caractérisé par la complexité des institutions, les jeux
d'acteurs et l'héritage des années communistes. Pour mieux
appréhender l'environnement des banques en Bulgarie, nous appuyons
l'analyse par la nature des régularités et des relations à
l'origine des interactions entre banques, le crédit et l'entreprise.
SECTION 2 : L'INTERACTION ENTRE LES BANQUES, LE
CREDIT ET L'ENTREPRISE :
Cette interaction « banques, entreprises »
est caractérisée par des régularités
héritées du système bancaire classique de type
soviétique. Comme dans nombre d'autres pays en transition des PECO,
l'effondrement des échanges au sein du CAEM et le choc initial du
programme de stabilisation dit « consensus de Washington » ont
immédiatement précipité une crise du secteur bancaire.
La Bulgarie s'est heurté à plus de
difficultés que les autres pays des PECO, d'abord par la mise en place
du système bancaire sain et le réglementer, les
orientations suivies dans le domaine économique ont
contribué à l'enchaînement de créances
irrécouvrables et d'opérations de refinancement des banques. Les
banques commerciales ont aussi hérité de ces créances
irrécouvrables dans leur actifs et une part importante de dette
libellée en devises fortes. Cette interaction doit être prise dans
ce triptyque, dépendance au CAEM et héritage de relation entre
les banques et les entreprises, créances irrécouvrables et
dégradation des portefeuilles bancaires et une énorme dette.
Toutefois les entreprises demandent toujours des crédits que les banques
ne peuvent ou refusent d'honorer, suite au phénomène de
« passager clandestin », une forme
d' « enrichissement sans cause » des uns aux
dépens des autres.
Devant cette situation de méfiance et d'absence
d'informations de part et d'autres, les entreprises adoptent une autre formule,
le « crédit interentreprises » au cours des premiers
mois de la transition, un autre exemple d'une microéconomie faible qui
peut saper les équilibres macroéconomiques rétablis aux
début des réformes (Sgard, 1997).24(*) La structure du crédit à l'entreprise
s'est trouvée prisonnière de ce « système
relationnel » entre les banques et les entreprises à travers
les acteurs « entrepreneurs » de la transition bulgares et
les liens tissés pendant les années de gestion communiste.
1-LA STRUCTURE DU CREDIT A L'ENTREPRISE :
.
L'activité d'intermédiation bancaire durant
l'époque socialiste était liée aux impératifs du
plan ; malgré la décentralisation administrative dans le
financement des entreprises à la fin des années 1970, suivie par
la création de banques spécialisées, ces dernières
n'avaient pas le droit de regard sur le choix des investissements industriels
qui continuaient à être déterminés de façon
centralisée en fonction de la spécialisation de la Bulgarie au
sein du CAEM. Le montant des crédits à long terme octroyés
par les banques dans le cadre des projets d'investissements était
imposé par les autorités centrales,25(*)ce qui explique l'endettement
important des entreprises bulgares au début des années 1990. Les
crédits aux entreprises représentaient 70% du PIB,26(*) (entre 1990-1992, selon les
différentes estimations Thorne, 1993, Dobrinsky, 1994).
Cet héritage jouera un rôle important, tout au
long de la transition, dans la destruction de la relation de payement, du moins
jusqu'à la crise bancaire de 1996. Au début des années
1990, les entreprises bulgares ont fait face à un resserrement
prononcé et graduel du crédit. La libéralisation du
marché monétaire au mois de février 1991 a
entraîné un fort renchérissement du coût du
crédit. Depuis, le taux d'escompte officiel a évolué dans
une fourchette de 45% à 60%. La crise monétaire, début
1994, obligea la Banque bulgare à relever son taux directeur à
56% (30% prévus) pour contenir les fortes anticipations de
dévaluation de la leva. Une telle politique avait pour ambition
d'encadrer le crédit aux entreprises.
Toutefois, le niveau de l'inflation (47% en 1993) est le
meilleur résultat enregistré entre 1991 et 1993,
démontrant que le taux d'intérêt réel en Bulgarie
demeure encore négatif et ne peut donc constituer un instrument
efficace. En outre, un taux d'intérêt élevé devait
dissuader les entreprises solvables de recourir à l'emprunt de peur de
détériorer leur rentabilité, alors que celles qui
étaient fortement endettées maintiendraient leurs demandes de
crédits pour préserver leur activité.
Ces indicateurs économiques nous renseigne sur la vraie
nature de cette structure du crédit aux entreprises qui n'obéit
à aucune logique de rentabilité financière pour les
banques. Dans une économie de marché, ces comportements rentiers
n'ont pas lieu d'être et tire la croissance vers le bas, si ce n'est la
liquidation pure et simple des entreprises et la faillite des banques. Ce n'est
pas le cas pour les anciennes économies planifiées. Il faut
ajouter les difficultés macroéconomiques et techniques
d'application des règles prudentielles, les difficultés d'ordre
politique que soulèvent les mesures de restructuration des banques et
des entreprises en vue de résorber les pertes résultant des
créances irrécouvrables et des engagements extérieurs,
l'inadaptation de la législation sur le recouvrement des créances
et les faillites, la prédominance des gros débiteurs et
l'étroitesse du marché des capitaux.
L'absence de systèmes appropriés pour l'analyse
des crédits, le suivi des créances et les audits internes dans
les banques commerciales fait aussi obstacle aux efforts d'encadrement. Les
pertes liées aux créances irrécouvrables et aux
engagements extérieurs, qui demeure sans solution, a également
retardé les décisions sur la politique des taux
d'intérêt.27(*)
Ce sont en fait les conséquences logiques de
l'inexistence d'institutions d'appui dans ces anciennes économies
planifiées. Pour que les institutions soient efficaces, elles doivent
compléter ce qui existe déjà dans un pays. C'est dans ce
cadre qu'il faut analyser la structure du crédit à l'entreprise,
ce qui veut dire en mutation permanente ou une opération de destruction,
construction d'un ordre ancien par une autre formule hybride.
La plupart des banques sont constituées à la
fin des années 1980, à partir de gros réseaux
bureaucratiques. Plus que des crédits à l'économie, il
s'agit de jeux d'écriture qui obéissent à des
décisions centralisées, ne contenant aucune garantie bancaire ou
de critères de rentabilité financière.
Il est difficile pour la banque d'imposer aux entreprises une
discipline minimale sur laquelle repose le developpement du
crédit . Les raisons renvoient à la question des droits de
propriété : une banque qui accorde un crédit à
une entreprise exige des garanties (immeuble, machine) qu'elle pourra saisir en
cas de défaut de payement. Or cette technique traditionnelle suppose
entre autres que la banque dispose de moyens fiables et rapides de saisir ces
actifs, ce qui suppose une justice commerciale adaptée. Cela est loin
d'être le cas, avant 1990, les jugements civils sur les différends
commerciaux étaient rares, et depuis les cours commerciales sont
restées soit peu compétentes, soit débordées.
En conséquence, les banques ont peu de moyens
judiciaires de faire respecter leurs droits et demandent beaucoup plus de gages
que d'ordinaire, ce qui suffit pour exclure un grand nombre d'entreprises,
notamment dans le secteur privé émergent28(*).
La structure du crédit à l'entreprise se trouve
comprise, en plus des obstacles cités, dans un marché bancaire de
faible taille, très concentré et repose sur les
dépôts en tant que ressources contrairement aux banques modernes
qui utilisent le marché interbancaire et obligataire.
Ce qui ne tarde pas à provoquer une
crise « majeure », la « plus grave de l'histoire
moderne bulgare » et avec elle, c'est tous le dispositif
institutionnel et le programme de stabilisation macroéconomique dit
« consensus de Washington » qui est remis en cause.
2- LA CRISE BANCAIRE
La littérature économique sur la transition
admet l'existence d'une crise bancaire en Bulgarie en utilisant le vocabulaire
de risque ou crise « systémique » proche de
l'idée de « choc financier systémique »
caractérisé par une fragilisation de l'ensemble des
intermédiaires bancaires et financiers, suffisamment importante pour
perturber le fonctionnement normal des circuits monétaires et
financiers29(*). Les
études économiques actuelles consacrées à cette
question suivent essentiellement deux approches, l'une consistant à
expliquer les faillites à partir des données relatives aux
banques touchées, et l'autre à examiner la façon dont
diverses variables macroéconomiques (telles que les variations des taux
d'intérêt et de change) ont contribué à la crise.
Bien que des économistes et responsable de politique économique
soient de plus en plus convaincus que des variables aussi bien
macroéconomiques que microéconomiques (spécifiques
à chaque banque) influent sur les crises bancaires. Peu d'études
empiriques offrent une analyse systématique de la contribution de ces
variables aux faillites des banques. 30(*)
Cette littérature démontre comment les
conditions très difficiles du démarrage de la période de
transition, les réformes structurelles trop tardives,
l'inadéquation du cadre réglementaire des banques commerciales,
les enjeux macroéconomiques et les problèmes de corruption ont
abouti à la crise économique de 1996-1997. L'objectif de
stabilisation macroéconomique s'est révélé
impossible à atteindre. L'augmentation des pertes financières des
entreprises bulgares et du secteur bancaire s'est traduite par une progression
rapide de la dette nationale, des arriérés de paiement et la
nécessité de financer en permanence les banques commerciales en
difficulté .
La demande monétaire a été instable et la
leva a fait l'objet de plusieurs attaques spéculatives, la
capacité de la BNB à défendre la monnaie a
été limitée par la faiblesse de la balance des
opérations courantes, la rareté des financements
extérieurs et les importantes obligations de titre pour la dette
extérieure. Cela a créé un environnement
macroéconomiques instable, dans lequel les périodes de
progrès apparents vers une baisse de l'inflation ont été
interrompus par une résurgence très rapide de l'inflation et une
dépréciation monétaire (OCDE -1997).
Nous analysons cette crise bancaire bulgare à travers
des « indicateurs économiques » et institutionnels
(les carences de la réglementation) pour mieux la cerner et
démonter son ampleur. Nous focalisons l'attention sur les indicateurs
clés à savoir :
i) Le niveau de capitalisation des banques :
En Bulgarie, les entreprises en situation financière
difficile ont absorbé l'essentiel des ressources allouées par
l'intermédiaire du budget de l'Etat et du système bancaire,
entraînant pour les entreprises saines un effet d'éviction. Les
entreprises publiques défaillantes représentaient alors 79,1% des
engagements du système bancaire (1995). Le processus de
décapitalisation des banques s'est accéléré,
illustré par l'accroissement des pertes qui atteignaient 30,4 milliards
de leva à la fin de 1995. Les engagements totaux du système
bancaire s'établissaient à 372 milliards de leva (4,78
milliards de dollars) répartis à égalité entre
banques d'Etat et banques privées. Selon la BNB, 75% de ces engagements
représentaient des créances douteuses.31(*)
ii) La baisse rapide du capital des banques qui
essuient des pertes grandissantes est un signal et un facteur de
détresse, l'expansion rapide de la part des créances
improductives annonce manifestement un danger. La détérioration
de la qualité des prêts a été au coeur de la plupart
des crises systémiques. Le niveau des créances improductives est
un indicateur clé de l'ampleur des difficultés des banques. La
stabilisation économique s'est accompagnée d'une
détérioration de la situation des banques malgré les
injections de liquidités de la part de la BNB au dernier trimestre 1995.
A partir de 1996, la fragilité des banques est devenu un motif majeur
d'inquiétude du public, qui a commencé à retirer ses
dépôts de la quasi-totalité des banques, que la BNB a
soutenu sans prise de collatéral. De décembre 1995 à juin
1996, le refinancement total des banques commerciales à la banque
centrale a augmenté de 145%, alors que 90% de ces flux n'étaient
pas collatéralisés.
iii) Pour les indicateurs macroéconomique:
Le PIB a chuté de 10% en 1996 et de 7% en 1997. La
dépréciation de la leva était de 500%, les réserves
de change étaient réduites à 518 millions de dollars (soit
1,1 mois d'importation), alors que le seul remboursement de la dette
extérieure était estimé à 1,313 milliard de dollars
en 1997, la dette publique interne avait triplé pour représenter
plus de 60% du PIB. En novembre 1996, le gouvernement s'est vu suspendre la
seconde tranche de l'accord stand-by par le FMI, ce qui a remis en
cause sa solvabilité et a renforcé l'incertitude
institutionnelle.
Les banques sont déclarées en banqueroute les
unes après les autres, ce qui a semé la panique chez les
déposants. Alors que les banques faisaient faillite, leurs
débiteurs se transformèrent en « millionnaire du
crédit » grâce aux sommes qu'ils avaient
empruntées et qu'ils n'avaient pas l'intention de rembourser. La
réaction de l'opinion obligea le gouvernement à garantir les
dépôts des clientèles dans les banques en banqueroute, ce
qui alourdit davantage le budget de l'Etat. En 1996, se firent sentir les
effets négatifs du système de pompage des bénéfices
des entreprises d'Etat par des groupes économiques privés. Les
bénéfices allaient entre les mains de ces groupes, alors que les
pertes des entreprises étaient couvertes par le budget de l'Etat.
v) La forte poussée inflationniste de 1996-1997
La Bulgarie de 1992 à 1999 : données
macroéconomiques et financières
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
PIB, USD Mrds
|
8,6
|
10,8
|
9,7
|
13,1
|
9,9
|
10,1
|
12,2
|
12
|
Croissance (%PIB)
|
- 7,3
|
-1,5
|
1,8
|
2,9
|
-10,1
|
-7,0
|
3,5
|
2,4
|
Tx D'inflation%
|
79,4
|
63,9
|
121,9
|
32,9
|
310,8
|
578,6
|
1,0
|
6,2
|
Tx de chômage %
|
15, 3
|
16,4
|
12,8
|
11,1
|
12,5
|
13,7
|
12,2
|
16,0
|
Tx de croissance de la production industrielle, %
|
-18,4
|
-9,8
|
10,6
|
4,5
|
5,1
|
-10,0
|
-12,7
|
-10,0
|
Revenu/mois/tête, USD
|
87,7
|
116,9
|
91,5
|
113,1
|
79,4
|
76,3
|
106,5
|
107,3
|
Dépôts bancaires (% PIB)
|
54
|
53
|
56
|
50
|
38
|
20
|
20
|
|
Tx d'intérêt de base, %
|
45
|
48,16
|
63,33
|
38,5
|
435
|
7,01
|
5,16
|
4,71
|
Dette extérieure Mln USD
|
13,806
|
13,836
|
11,338
|
10,148
|
9,602
|
9,76
|
10,251
|
9,984
|
% PIB
|
122
|
108
|
121
|
77
|
102
|
95
|
83
|
81,3
|
Réserve de change Mln USD
|
900
|
650
|
1000
|
1240
|
485
|
2250
|
2660
|
2900
|
Tx de change pour 1 USD
|
23,3
|
27,7
|
54,2
|
67,2
|
175,8
|
1676,5
|
1760,4
|
1,836
|
Source D. Delcheva, op. cit. p. 32
Le 5 juillet 1999 : nouvelle définition du BGL sur
la base de 1 nouveau BGN pour 1000 ancien BGL, ( 1000 BGL = 1BGN, nouveau
code).
L'hyperinflation de mars 1996 à février1997 a
culminé au début des années 1990, alors que les anciennes
économies planifiées amorçaient leur transformation en
économie de marché, dans un contexte d'absence de rigueur des
politiques macroéconomiques et la levée du contrôle des
prix. En 1992, le taux d'inflation médian approchait de 100% dans les
PECO. En adoptant des mesures de lutte, l'inflation est tombée
jusqu'à atteindre les 60% après six mois de l'application de ces
premières mesures. A la fin 1995, la Bulgarie enregistre 35% de taux
d'inflation. Le seuil du chaos est atteint en 1996-1997 avec un taux
inégalable de 310% et 578%, le taux de change de la leva est
passé de 71 leva pour un dollar à plus de 3000 leva pour un
dollar entre la fin 1995 et le début de 1997. Dés le
deuxième semestre de 1996, la crise financière s'est
propagée au secteur réel de l'économie.
L'ensemble des mesures était proche des
stratégies plus ou moins radicales adoptées en même temps
en Europe centrale, quoique avec un soutien extérieur plus faible (la
Bulgarie n'a pas bénéficié d'un fond de stabilisation du
change ce qui a pu peser sur la crédibilité de sa politique de
change lors du passage à la convertibilité). La réduction
de la dette extérieure bancaire obtenue en 1994 (le club de Londres) n'a
porté que sur le capital et non sur les arriérés
d'intérêts accumulés depuis la fin de 1989 contrairement au
cas de la Pologne).32(*)
L'impact immédiat est matérialisé
par : la chute de la production, de l'emploi et du niveau de vie moyen,
forte poussée inflationniste, insolvabilité de nombreuses
entreprises publiques, apparition progressive de problèmes
budgétaires. Au fil des ans, les signes d'affaiblissement financiers se
sont manifestés avec une recapitalisation bancaire coûteuse,
une crise de change en 1994, une série d'intervention de la BNB dans de
petits établissements en 1994-1995, enfin la prise de contrôle
d'une banque privée de premier rang en décembre 199533(*). En 1996, la fragilité
des banques est devenu un motif d'inquiétude du public. Avec la crise
des banques, la question de la solvabilité de l'Etat bulgare au niveau
externe est de nouveau posée.
vi) Les carences de la réglementation :
Le dispositif juridique cité précédemment
reste incomplet s'il exclue la procédure de mise en faillite des
banques, les sociétés d'assurances et les monopoles publics.
L'Etat bulgare propriétaire à travers la Compagnie de
consolidation bancaire, pensait pouvoir intervenir dans la gestion en changeant
le manager défaillant, avant de fermer en dernier recours la banque
publique, alors que le retrait de licence d'une banque privée par la BNB
serait une mesure suffisante pour lancer la procédure de mise en
liquidation [Tzvetanov, 1996]. L'absence d'une loi sur les faillites bancaires
a fortement contribué au développement d'attitudes opportunistes
de la part des banques commerciales, nullement incitées à
assainir leur situation financière et à octroyer des prêts
selon des critères de qualité.34(*) En plus de vide institutionnel qui a remis en cause
la loi sur les faillites, les banques se sont retrouvées incapable
d'entamer une procédure à l'égard des gros clients
protégés par la loi (entreprises publiques en situation de
monopole) et principaux responsables des créances douteuses et de la
propagation de prêts non performants. Par ce procédé
déloyale, les banques commerciales de leur côté, ont
continué à financer les entreprises protégées pour
bénéficier de l'attitude paternaliste de l'Etat [P. Koleva,
2004].
Les lois adoptées au début de la transition en
Bulgarie n'ont de portée réelle que mesurées à leur
capacité à être appliquée. C'est le cas du cadre
prudentiel pour les banques adopté entre 1991 et 1993, qualifié
d'ambitieux par les experts de l'OCDE. L'absence de mécanisme fiable de
respect des normes existantes (la carence de la supervision bancaire) a fait
que les acteurs du secteur bancaire n'observent pas ces règles
prudentielles (le ratio Cooke n'était respecté que par deux des
treize principales banques en 1992). En 1994, seule la moitié des
banques en (termes de part de marché) avaient atteint le ratio de
solvabilité de 8% de leurs engagements, ne détenant en fait que
40% des actifs du système bancaire. Deux principaux types de facteurs
peuvent expliquer les retards d'ajustement de la part des banques. Le premier
est relatif à l'inadéquation et à l'incomplétude du
cadre réglementaire, le second groupe de facteurs expliquant la
stratégie d'attente de la part des banques et la dégradation de
la discipline financière se rapporte à la capacité de la
banque centrale de faire respecter les règles édictées [P.
Koleva, 2004].
Cette crise bancaire est une suite logique du
développement de l'économie bulgare depuis 1990. Certaines
analyses considère même que la Bulgarie était en
période de pré-crise de 1990 à 1996. La mauvaise dynamique
du processus de transition en Bulgarie a été signalé par
beaucoup d'études (OCDE, 1999 ; Dobrinsky, 2000 ; Koford,
2000 ; Vitcheva, 2001 ; Mihov, 2002 et autres),35(*) [N. Nenovsky ; M.
Berlemann, 2004]. Ces études font de la lenteur du processus de
privatisation en Bulgarie l'un des plus important problème de la
transition bulgare.
Il est vrai aussi que cette crise de 1996 en Bulgarie
rapproche les différents types et modèles de crises
financières (currency crises) et bancaires36(*). Beaucoup de facteurs ont
été à l'origine de cette crise dont ce que nous avons
cité précédemment à savoir, les facteurs
économiques, institutionnels, interaction entre banques et entreprises,
environnement bancaire et la structure du crédit à
l'entreprise.
La tentative de juguler la crise bancaire par les
autorités n'a pas empêché les bulgares de penser à
la nécessité d'un changement politique après la
dérive des politiques économiques standards du
« consensus de Washington » et les fondements
théoriques des prescriptions du FMI. Le 1er juillet 1997, la
Bulgarie a instauré la Caisse d'émission (CE), autrement dit le
Currency Board . La BNB a ainsi subi les changements les plus profonds depuis
sa création en 1879, des changements à la fois institutionnels et
fonctionnels. L'introduction du CB est lié aussi à une vaste
réforme qui touche la hiérarchie de l'Etat bulgare et les
règles formelles : la Constitution du pays, la loi sur la banque
centrale et les banques commerciales et la formalisation de la nouvelle
règle monétaire. La Bulgarie à travers ce nouveau
dispositif veut rompre avec les pratiques du passé, celui qui l'a
mené droit vers deux crises économiques « les plus
graves de son histoire ».
Dans cette seconde étape de la transition dans le
système bancaire bulgare, nous analysons ces nouvelles règles
institutionnelles et comment sera agencé le système financier en
entier. Pour cela, nous abordons en section première la structure, les
instruments et le fonctionnement du système bancaire dans le cadre du
CB. En seconde section, nous abordons les facteurs de développement de
ce système dans la perspective de l'élargissement de la Bulgarie
à l'Union européenne.
.
.
* 1 J. Sgard, Europe de l'est,
la transition économique, Flammarion, Paris, 1997
* 2 Formule
célèbre de J. Schumpeter
* 3 P . Lascoumes (s/
dir.), Gouverner par les instruments, sciences po, Paris, 2004, pp 124
* 4 ibid., pp 124
* 5 ibid., pp 125
* 6 E. Grossman,
in « dictionnaire des politiques publiques », (s/
dir.), sciences po, Paris, 2004, pp 23
* 7 P. Steiner, la sociologie
économique, la découverte, Paris, 1999, p. 26
* 8 G. Mink, J.C. Szurek, la
grande conversion, le destin des communistes de l'est, Seuil, Paris, 1999, p.
138
* 9 Cité in
« North versus Williamson ? oppositions et
complémentarités dans la NEI », D. Chabaud, Paris I
* 10 L. Deyanova, mutations de
société et quête de sens, une rencontre entre des
sociologues québécois, (s/dir.) de J. Boucher, Lik, Sofia,
2002
* 11 Sources, revue finances et
développement, mars 2002, p. 41
* 12 Les dix réformes
sont : la discipline budgétaire, la redéfinition des
priorités en matière de dépenses publiques, la
réforme fiscale, la libéralisation des taux
d'intérêt, des taux de change compétitifs, la
libéralisation du commerce, la libéralisation des investissements
directs en provenance de l'étranger, la privatisation, la
déréglementation et les droits de propriété.
* 13 J. Williamson, Un train de
réforme devenu un label galvaudé, Consensus de Washington :
un bref historique et quelques suggestions, revue finances et
développement, 2003, p.10-11
* 14 ibid., p. 11
* 15 Sources, revue finances et
développement, mars 1992, p. 2
* 16 ibid., mars 2002, p. 48
* 17 ibid., p. 2
* 18 Sources cité in
« Etudes économiques de l'OCDE sur la Bulgarie »
année 1997
* 19 ibid.
* 20 ibid.
* 21 P. Tailbot,
« l'émergence d'un système bancaire moderne en
Bulgarie », in le courrier des pays de l'est n°378, avril
1993
* 22 Le CAEM est fondé
le 25 janvier 1949, le CAEM (conseil d'aide économique mutuelle), plus
connu à l'ouest sous le sigle Comecon est crée en réponse
au plan Marshall d'aide et de reconstruction proposé par les Etats Unis
et à l'export Control Act (Ancêtre du Comecon). Le CAEM a
fonctionné jusqu'à sa disparition de façon autarcique,
coupé du reste du monde par la non-convertibilité des monnaies,
un système de formation des prix spécifique et des
barrières commerciales. Il était basé sur des accords de
spécialisation de la production entre pays. Les échanges
réciproques reposaient sur un système de clearing, avec pour
unité de compte une monnaie fictive, le rouble transférable, le
dollar ne servant qu'aux échanges de produits stratégiques.
L'échec du CAEM a conduit à sa disparition en juin 1991.
* 23 Cité
in « Etudes économiques sur la Bulgarie »,
OCDE , 1997
* 24 J.Sgard, op cit.
* 25 P. Koleva, système
productif et système financier en Bulgarie, l'Harmattan, Paris, 2004
* 26 ibid.
* 27 Cité in
« finances et développement », 1992, p. 13
* 28 J . Sgard, op cit, p.
53- 54-55
* 29 T. Apoteker,
Transformation du système bancaire polonais, tchèques et
hongrois, subsiste-t-il des fragilités systémiques, T-A-C
* 30 Sources, Revue Finances et
developpement, juin, 1999
* 31 Cité
in « Réformes économiques en Bulgarie depuis
1989 », E. Madeleine
* 32 J. Sgard, op cit, pp 5
* 33 ibid.
* 34 P. Koleva, op cit., p.
146-147
* 35 Source in
« Comparative Economic Studies », 2004
* 36 Modèles de Krugman,
1998 ; Floor et Garber, 1984 ; Dooley's 2000,
Source : « The Bulgarian Financial Crisis of
1996-1997 », M. Berlemann ; N. Nenovsky, 2004
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