Université Michel de Montaigne Bordeaux
3
UFR Sciences de l'Information, de la Communication et
des Arts (SICA)
Centre d'étude des médias de
l'information et de la communication (CEMIC)
Photo : Goethe Institut, Dakar
ETHIQUE, DÉONTOLOGIE ET RÉGULATION DE LA
PRESSE ÉCRITE AU SENEGAL
|
Mémoire de DEA soutenu le 20 juin 2005 par
Moussa MBOW
Sous la direction de Mme Annie LENOBLE-BART,
Professeur en sciences de l'information et de la communication,
Université Michel de Montaigne Bordeaux 3
Année universitaire: 2004/ 2005
ETHIQUE, DÉONTOLOGIE ET RÉGULATION DE LA
PRESSE ÉCRITE AU SENEGAL
|
REMERCIEMENTS
Je voudrais témoigner ma gratitude à tous ceux
qui, de près ou de loin, m'ont apporté un appui nécessaire
à l'écriture de ce mémoire.
A Madame Annie LENOBLE-BART, pour avoir accepté de le
diriger avec ses remarques et suggestions qui m'ont permis de ne pas
m'éloigner de mon propos, et des conseils bibliographiques haut combien
importants sur des points que j'ignorais. Au-delà de la qualité
et de la finesse de l'encadrement, j'insisterais sur ses qualités
humaines, je veux parler de sa disponibilité et de cette
serviabilité qui ont fait que, travailler avec elle a été
pour moi un grand plaisir.
A mes amis Mamadou-Issa NDIATH, Ibrahima DIOP et Seydou
SALL
Je dédie ce mémoire à mon père, ma
mère et ma petite soeur dont le soutien moral n'a jamais faibli et
renforce continuellement ma soif d'apprendre toujours davantage.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
4
PREMIERE PARTIE
LA DIVERSITE : UNE VIELLE TRADITION DE
LA PRESSE SENEGALAISE
4
Chapitre 1.
De l'époque coloniale à
« l'ouverture démocratique »
4
I. De la colonisation aux indépendances
4
II. Des indépendances à la
libéralisation
4
Chapitre 2.
Les journaux de la nouvelle
génération
4
I. Le quotidien gouvernemental
4
II. La presse dite indépendante
4
III. Presse populaire, « presse à
scandale »
4
Chapitre 3.
Pluralisme et démocratie
4
I. Rôle de la presse en démocratie
4
II. Presse indépendante ou
d'opposition ?
4
III. Essai de dépassement du conformisme
social
4
DEUXIEME PARTIE
DERIVES DES JOURNALISTES OU TENTATIVES DE
MUSELLEMENT DES « PUISSANTS » ?
4
Chapitre 1.
Inventaire de quelques
« manquements » à l'éthique et à la
déontologie
4
I. L'autocensure des journalistes du
Soleil
4
II. Traitement tendancieux de l'information des
journaux indépendants ?
4
III. La presse people face aux
« risques du métier »
4
Chapitre 2.
Les principales causes des dérives
4
I. L'existence d'un quotidien gouvernemental
4
II. Le recrutement au rabais
4
III. L'instabilité financière
4
Chapitre 3.
Journalistes coupables ou victimes ?
4
I. Des remous au sein de la profession
4
II. Le public seul juge
4
TROISIEME PARTIE
DES MOYENS DE REGULATON A REDEFINIR
4
Chapitre 1.
Les moyens de régulation
institutionnels
4
I. Une loi favorable... s'il n' y avait pas le code
pénal
4
II. Deux organisations étatiques : la
commission de la carte et le HCA
4
Chapitre 2.
Les moyens de régulation de la
profession
4
I. Deux organisations professionnelles : le
SYNPICS et le CRED
4
II. Walfadjri et Le
Quotidien : deux cultures d'autorégulation
différentes
4
Chapitre 3.
Les limites des mécanismes de
régulation
4
I Des mécanismes institutionnels qui
installent « un dédale juridique »
4
II. L'impossible autorégulation ?
4
III. Avec quels moyens assurer la
responsabilité sociale ?
4
CONCLUSION
4
BIBLIOGRAPHIE
4
ANNEXES
4
INTRODUCTION
« Il n'y a jamais de liberté sans
responsabilité et les limites de la liberté, c'est justement la
responsabilité » disait Hubert BEUVE-MERY1(*), le fondateur du quotidien
français Le Monde. Les professionnels des médias ont de
tout temps et à divers endroits de la planète, revendiqué
cette liberté sans laquelle ils ne pourraient pas accomplir
convenablement leur travail. Pour l'accompagner, pas question que le pouvoir
étatique intervienne, ils pensent à l'autorégulation
car : « le journaliste n'accepte en matière d'honneur
professionnel, que la juridiction de ses pairs, à l'exclusion de toute
ingérence gouvernementale ou autre »2(*). Liberté et
responsabilité seraient donc les deux versants indispensables pour le
développement harmonieux des médias, le premier étant
assuré par la législation d'un pays tandis que l'autre est du
ressort de la profession. Telle est, en tout cas, la vision globale des codes
et chartes internationaux qui ont inspiré les textes nationaux qui
régissent les médias dans les pays démocratiques.
Cependant, autant la censure est contraire à
l'affirmation d'une presse libre, autant les dérapages liés
à un excès de liberté sont nuisibles à une presse
qui se veut de qualité. Et si les professionnels parlent de
responsabilité ou d'autorégulation cela veut dire qu'ils
reconnaissent les dégâts que pourraient causer les dérives
de certains d'entre eux en usant de cette liberté. Au
Sénégal, les journalistes jouissent d'une liberté leur
permettant d'aborder les sujets de leur choix pour mener leurs investigations.
Au nom de cette liberté, les médias ont toujours
revendiqué leur rôle civique en se considérant comme des
« sentinelles de la démocratie »3(*). Mais, cette liberté tant
louée et si salvatrice semble produire un effet des moins inattendus. Au
cours de ces dernières années se sont produits pas mal de
dérives et de manquements manifestes aux principes éthiques et
déontologiques qui sont sensés régir la profession.
C'est ce qui nous pousse à nous interroger sur
l'évolution de cette presse. Car à un moment de son histoire
où le journaliste se trouve de plus en plus souvent sur le banc des
accusés, sujet de critiques y compris de confrères
eux-mêmes, une interrogation sur ses dérives s'avère plus
qu'une nécessité. Nous nous autoriserons donc une incursion dans
les coulisses de ces dérives à l'éthique et à la
déontologie des journalistes tout en présentant les moyens de
régulation, qu'ils soient internes ou externes à la profession.
Mais avant tout, qu'entendre par éthique et déontologie ?
L'éthique relève le plus souvent de la morale.
Selon Daniel CORNU: «l'éthique est comprise comme la mise en jeu
personnelle d'un ensemble de valeurs librement adoptées par un
individu »4(*). Il
s'agit de comportements et d'idées individuels sur lesquels la personne
bâti ses relations avec les autres. L'éthique n'est donc pas une
exclusivité journalistique car chacun a la sienne tout comme elle est
relative à la société dans laquelle on vit. Par exemple,
montrer deux personnes de même sexe s'embrasser à la
télévision est entré dans les moeurs de la plupart des
pays occidentaux tandis qu'ailleurs, cela pourrait relever d'une dérive
non tolérée par la société. L'éthique semble
donc être un déterminisme : il s'agit ni plus ni moins de
respecter des règles et des normes consacrées qui fondent les
valeurs de la société dans laquelle on vit. Pour le journaliste,
le respect de l'éthique se fait en fonction de plusieurs
paramètres. Doit-il par exemple relater une information (même si
elle est vraie), si celle-ci n'a d'autre but que d'avilir ou de jeter en
pâture la personne ou l'institution qu'elle concerne? Doit-il utiliser un
langage cru pour faire part des frasques sexuelles d'un politique ou celui qui
convient à une société pudique et conservatrice ?
C'est un choix qui « repose sur un déterminisme individuel qui
justifie le choix de dire ou de taire, mais surtout de trouver une
manière d'informer sans porter atteinte aux droits des individus,
à la vie privée d'un citoyen, sans heurter la
société dans ses valeurs fondamentales. Il ne s'agit ni de
censure, ni d'autocensure, seulement de juste mesure à
respecter »5(*)
note Mouhamadou Tidiane KASSE, ancien rédacteur en chef du quotidien
Walfadjri.
Si l'éthique relève de la sphère
privée, la déontologie elle, est du domaine public. Elle est
l'affaire des professionnels. Selon Alexandrine CIVARD-RACINAIS
« elle représente un ensemble des règles qui
régissent la conduite du journaliste à l'égard de ses
confrères, de son public, de la
société »6(*). Elle apparaît comme un recueil de prescriptions
et même de devoirs (déonto (grec)=devoir). Ces prescriptions sont
souvent rassemblées dans un code ou une charte. Elles définissent
des comportements concrets ou des conduites à suivre, par exemple :
la nécessité de vérifier et de recouper les informations.
Ces comportements constituent des exigences ou des normes à la fois
codifiées, générales et minimales, des lignes rouges
à ne pas franchir. La déontologie vient compléter
l'éthique en ce sens qu'elles pose des règles morales
identifiées à la profession. Le journaliste est tenu de les
respecter dans la recherche et la diffusion de l'information. Pour autant,
l'énonciation de ces règles professionnelles ne regarde pas que
les seuls journalistes. La déontologie est, en fait, un moyen de
régulation, en plus de la loi, elle encadre la pratique du journalisme
et s'inscrit ainsi dans l'affirmation de « la responsabilité
sociale » des médias. Elle oeuvre pour l'amélioration
de la presse afin que celle-ci recouvre ou maintienne la confiance que lui
accorde le public.
Au final l'éthique et la déontologie semblent
indissociables, c'est comme les deux pages d'une feuille, l'envers et l'endroit
d'une pièce ou d'une médaille ou encore le signifiant et le
signifié : les deux éléments qui constituent le signe
linguistique. Selon Henri PIGEAT7(*), « alors que l'éthique intervient
comme puissance de questionnement de l'ensemble du processus de
l'information », la déontologie, quant à elle
« revêt la portée limitée d'une morale propre
à l'activité journalistique ». « Elle
renvoie, ajoute-t-il, à des règles professionnelles qui
constituent les conditions ordinairement admises d'une formation correcte au
sens pragmatique. Elle est, en jouant sur les mots, `une morale au
quotidien' ». Daniel CORNU, lui, parle
d' « éthique réflexive »8(*) pour désigner la
déontologie journalistique.
L'élaboration d'une recherche sur ce sujet trouve sa
motivation auprès de trois points essentiels. Premièrement, le
Sénégal est l'un des pays d'Afrique francophone où la
libéralisation du secteur médiatique et le pluralisme qui en est
le corollaire ont été effectifs plus tôt que dans d'autres
Etats. Si, dans la plupart de ces pays, la diversité a été
acquise dans les années 1990, au Sénégal, on assistait
déjà à la création d'organes privés
dès 1984 avec le journal Walfadjri, avant qu'il ne soit suivi
de Sud Magazine en 1986. Après une vingtaine d'années de
pluralisme, et la création de près d'une trentaine d'organes de
presse, l'urgence semble ne plus être l'instauration d'un contexte
propice à la liberté des journalistes. Il s'agit plutôt de
s'interroger sur «les effets secondaires» de cette liberté. Le
second point concerne le changement de régime intervenu depuis mars
2000. Comme on le sait, une alternance politique se traduit souvent par une
altération de la plupart des secteurs d'activité d'un pays. Il
est intéressant de voir comment se comporte l'ancien leader de
l'opposition Abdoulaye WADE à l'égard de la presse. Les
médias publics, jadis dans sa ligne de mire à cause du traitement
de l'actualité politique souvent inéquitable et favorable
à l'ancien gouvernement ont-ils été affectés par le
souffle de l'alternance ? Quant aux médias dits indépendants
à qui on reprochait à tort ou à raison de
« rouler pour l'opposition », quelle est leur
reconfiguration après l'alternance ? Le troisième et dernier
point a trait à l'émergence d'une nouvelle presse. Comme par
hasard, celle-ci est née avec la première alternance politique
que le Sénégal ait connue. Les historiens des médias
sénégalais retiendront que c'est avec le troisième
millénaire qu'est apparue une presse encline à la recherche du
profit, donc inévitablement peu respectueuse des principes
éthiques et déontologiques qui régissent la profession.
Ces trois points entrecroisés nous permettront de nous
interroger sur les dérapages spectaculaires qui se sont produits au
cours de ces dernières années et compromettent l'image des
médias auprès du public. Dans les années 1980, 1990, si le
premier combat des journalistes était le pluralisme de l'information, la
création d'un maximum de titres, il est maintenant temps de
s'arrêter sur le contenu. Alors quelle est la nature des effets pervers
du pluralisme et de la liberté du journaliste ? Ces dérives
et ces dérapages qui violent les principes éthiques et
déontologiques de qui sont-ils l'oeuvre et dans quel but ? Qui en
sont les victimes ? Quelles en sont les causes et les
conséquences ? Quels sont les moyens mis sur pied par les
professionnels et par l'Etat pour encadrer la pratique du métier ?
Sont-ils efficaces, ou au contraire, gagneraient-ils à être
réformés ? Bref, dans ce mémoire, nous nous
autoriserons une « ingérence » dans le milieu en
examinant les dérives et les dérapages aux principes
éthiques et déontologiques, mais aussi en appréciant la
régulation de la presse sénégalaise ; qu'elle soit
interne ou externe !
Notre travail s'inscrit dans le domaine des sciences de
l'information et de la communication. Selon Alain LARAMAEE et Bernard
VALLEE9(*), une recherche en
communication suppose des éléments de méthodologie.
Concernant les médias, nous pouvons effectuer une distinction entre les
différents courants de recherches si nous nous référons
aux travaux de Jérôme BOURDON10(*) : les courants prophétiques qui englobent
la massification et le déterminisme technique, et les courants
scientifiques qui nous intéressent particulièrement. Parmi ces
courants scientifiques, le fonctionnalisme est une école qui s'est
développée dans les années 1945-1960 aux Etats-Unis. Ce
paradigme « envisage la manière dont certains
phénomènes affectent le fonctionnement d'un système social
donné »11(*). Pour les fonctionnalistes, la société
est un ensemble, les médias étant une partie de cet ensemble. Les
dépendances qui existent entre les médias et d'autres
systèmes affectent non seulement la société, mais
influencent aussi la manière dont les individus font usage des
médias. Il s'agit d'étudier les utilisations faites par le public
ainsi que les satisfactions retirées, d'où le
célèbre questionnement de LASSWELL qui constitue le cadre
conceptuel de cette théorie : « qui dit quoi par quel
canal à qui et avec quels effets ? » Les autres
animateurs de ce courant sont R. MERTON, C. WRIGHT, LAZERSFELD... Aux tenants
du fonctionnalisme est reproché par ceux de l'école de Francfort
: « de mettre l'accent sur la communication et de négliger le
contexte dans lequel elle a lieu »12(*). Appelée encore théorie critique, ce
courant dont J. HABERMAS, M. HORKEIMER et T. ADORNO sont les principaux
animateurs met l'accent sur le contexte dans lequel se déroule la
communication13(*). Pour
eux, les fonctionnalistes ont, dans leurs travaux, ignoré « le
qui », « le comment » et surtout « le
pourquoi. » Ici, il s'agit moins de savoir comment fonctionne un
système que de le dénoncer afin de le changer radicalement. Il
existe évidemment d'autres théories sur lesquelles nous ne nous
étendrons pas parce que leurs préoccupations semblent un peu
éloignées des nôtres. La théorie de la Spirale, par
exemple qui préconise que les mass-médias constituent la
principale source de référence de l'information du public et que
celle-ci constitue l'opinion générale, les gens qui ne sont pas
en sa possession sont obligés de se murer dans le silence au risque de
devenir impopulaires. Nous avons la théorie Agenda également qui
suppose que la fonction des médias n'est pas de nous dire ce que nous
devons penser mais ce à quoi nous devons penser.
Le fonctionnalisme, en ce sens que ce paradigme donne une
large part à l'étude des effets (effects) des
médias semble être un peu proche de nos préoccupations.
Toutefois, la démarche que nous allons suivre est également un
peu proche de la théorie critique qui se caractérise par une
impossibilité d'étudier les médias ex-nihilo.
Car, dans cette étude nous nous attacherons au contexte de production,
en prenant en considération les réalités sociologiques,
culturelles, politiques de la société sénégalaise.
Néanmoins, nous ne revendiquons l'appartenance d'aucune de ces
différentes écoles. Notre étude est exclusivement
concentrée sur la presse écrite. La période choisie va de
2000 à 2003. C'est-à-dire du lendemain de l'alternance à
trois, voir quatre ans d'existence de la presse people. Les journaux
retenus sont : le quotidien national Le Soleil qui est toujours
un média d'Etat, les quatre journaux indépendants les plus
représentatifs en terme de tirage et de lectorat, à savoir
Sud Quotidien, Walfadjri, Le Matin et L'Info 7 ;
l'hebdomadaire Le Témoin qui est le premier journal
à ouvrir un créneau actuellement investi par la presse
people ; celle-ci sera analysée à la lumière
de quatre de ses représentants que sont Moeurs, Scoop,
Le Populaire et Le Tract. Si les journaux « dits
sérieux »14(*) choisis se caractérisent par leur
régularité de parution, cela n'est pas le cas pour les journaux
people. En effet Moeurs et Le Tract ont
maintenant disparu (temporairement ou définitivement, c'est selon) du
paysage médiatique sénégalais. Néanmoins, si nous
avons retenu ces deux journaux dans notre corpus, c'est parce qu'ils font
partie des précurseurs dans ce créneau et surtout parce qu'ils
étaient en activité durant la période choisie.
Relever dans le contenu de ces journaux les articles
susceptibles de porter atteinte aux principes éthiques et
déontologiques n'a pas été chose facile. D'abord parce
qu'il nous a été très difficile de faire une analyse
quantitative, ce qui suppose une possession de tous les articles des journaux
englobant la période choisie. En plus, même si nous disposions de
tous les articles, il aurait été aventureux de notre part de
décider, sur la base d'on ne sait quels critères, quels seraient
ceux d'entre eux qui bafouent ou obéissent aux règles du bon
journalisme. Ainsi, nous n'avons retenu que les faits marquants de par
l'intérêt qu'ils ont suscité tant au niveau des
observateurs qu'à celui des professionnels eux-mêmes. Nous nous
sommes référés aux travaux de Laurence BARDIN15(*). Selon elle, la
pré-analyse qui est la première partie de l'analyse de
contenu16(*) suppose un
choix des documents à analyser selon quatre règles :
l'exhaustivité, la représentativité,
l'homogénéité et la pertinence. Nous avons choisi la
dernière tout en prenant en compte sa mise en garde: « les
documents doivent être adéquats comme source d'information pour
correspondre à l'objectif qui suscite l'analyse »17(*). Après identification
des « dérives », nous sommes partis à la
« source » en nous procurant des articles
incriminés. Si certains journaux disposent d'archives sur leur site, tel
n'est pas le cas pour la plupart d'entre eux. Certains de ces papiers nous ont
donc été envoyés du Sénégal, et nous avons
préféré ne pas évoquer les affaires dont l'analyse
nécessitait des précisions dont nous ne disposions pas.
Notre analyse nous amènera d'abord à faire le
point sur l'évolution de la presse. On remarquera dans cette
première partie que la diversité médiatique est une longue
tradition sénégalaise, même si elle ne fut
réellement effective qu'après « l'ouverture
démocratique », c'est-à-dire avec l'avènement
d'Abdou DIOUF (1981) qui s'engagea à « garantir le pluralisme
et le respect de toutes les libertés ». Dans la
deuxième partie, il sera question des
« dérives » notées ces dernières
années. Ici, nous les identifierons tout en nous interrogeant sur leurs
auteurs, leurs causes et leurs conséquences sur le métier. On
verra que, si les journalistes assument certaines fautes imputables à
des « brebis galeuses » de la profession, ils crient
souvent à la restriction de leur liberté pour la plupart des
« dérapages ». En dernier lieu, Nous
présenterons les mécanismes mis en oeuvre par la profession et
par l'Etat pour accompagner la pratique d'un journalisme de qualité.
Ayant la délicate mission d'encadrer la liberté des journalistes
sans la restreindre, nous verrons les difficultés des mécanismes
des pouvoirs publics à jouer ce rôle. Quant à la
régulation professionnelle, elle a aussi ses limites que nous aborderons
également dans cette dernière partie.
LA DIVERSITE : UNE
VIEILLE TRADITION DE LA PRESSE SENEGALAISE
« Il n'est pas de plus sûr critère pour
évaluer la vigueur
d'une démocratie que celui de la presse
et de son pluralisme »
E. KANT, Qu'est ce que les lumières ?
Pour saisir le contexte actuel de la presse au
Sénégal, il nous a paru nécessaire de faire un retour en
arrière. Nous ne remonterons pas bien loin dans le temps car ses
débuts datent de l'époque coloniale, donc du 19e
siècle. Bien entendu avant cette époque, une communication non
médiatisée existait déjà, mais c'est avec la
colonisation que la presse comme mass-média telle que nous la
connaissons actuellement fit son entrée au Sénégal. Ce
pays est néanmoins considéré comme un
privilégié. En effet, avec Dakar comme capitale de l'Afrique
occidentale française (AOF), le Sénégal était l'un
des pays les mieux indiqués comme lieu de naissance de la presse
africaine d'expression française18(*). De ce fait, c'est l'un des premiers pays africains
à avoir connu la diversité dans ce domaine. Mais durant cette
période, la préoccupation des journaux fut essentiellement
politique. C'est seulement à la fin des années 1980 qu'on assiste
à la libéralisation avec l'avènement de journaux
privés d'informations générales. Dans cette partie, nous
allons voir la contexture de la presse sénégalaise de
l'époque coloniale aux années 1980 avant de nous
intéresser ensuite à son panorama actuel. Nous terminerons par
montrer la nécessité du pluralisme en démocratie.
De l'époque coloniale
à « l'ouverture démocratique »
L'introduction de la presse écrite dans tous les Etats
africains s'est faite par la colonisation. Dans les colonies françaises
c'est au Sénégal qu'elle eut sa naissance avant de gagner les
autres colonies. Ceci s'explique par le fait qu'outre l'importance du pays dans
l'AOF (Afrique occidentale française) avec Dakar comme capitale, la
citoyenneté française fut attribuée très tôt
aux ressortissants de quatre de ses communes, à savoir Saint-Louis,
Gorée, Rufisque et Dakar19(*). Encadrée dans un contexte plus ou moins
favorable, cette presse, souvent idéologique continue son chemin
jusqu'après les indépendances, avant « l'ouverture
démocratique » se caractérisant par la
libéralisation. Dans ce chapitre, nous allons d'abord faire connaissance
avec les premiers journaux sénégalais avant de voir ceux
d'après-les-indépendances jusqu'à « l'ouverture
démocratique ».
I De la colonisation aux
indépendances
Ce qui est frappant pour les journaux nés pendant cette
période, c'est leur durée de vie très
éphémère. Un tel constat peut s'expliquer par le fait
qu'ils soient le plus souvent des organes de partis politiques dont la
nécessité ne se fait sentir qu'à l'approche des
élections. En outre, dans un contexte de libéralisation
très limitée, les téméraires qui osaient passer
outre s'exposaient aux foudres de la censure.
Le premier journal né au Sénégal fut
l'oeuvre d'un Français du nom de CRESPIN. C'était un hebdomadaire
appelé Le Réveil du
Sénégal, il fut créé en 1885. Un an plus
tard Le Petit Sénégalais faisait son
apparition. Présenté comme « un journal
polémique et anticlérical » selon A.-J. TUDESQ, il
disparut au bout d'un an après un procès en diffamation. En dix
ans (1886- 1896), une dizaine de journaux vont voir le jour, mais ils
disparaissent presque tous après quelques mois de parution.
L'Afrique Occidental fut un des rares journaux à durer
très longtemps (juillet 1896 /mai 1898). Ce bimensuel dirigé
par des Français, des métis et des Africains était
imprimé en France et publié à Dakar ainsi que dans les
autres capitales de l'Afrique occidentale française (AOF). Un autre
journal qui a les mêmes ambitions fut créé à la
même époque par un Français, Raymond Auriol. Il s'adressait
exclusivement aux Français des colonies ainsi qu'à ceux, qui, de
l'Hexagone commerçaient avec l'AOF.
Avec les élections législatives de 1910 et 1914,
on assiste à une croissance grandissante de journaux. La SFIO ( Section
française de l'internationale ouvrière) avait comme organe
L'AOF créé en 1907 à Conakry, mais publié
seulement en 1913 à Dakar. Ce journal va faire campagne contre Blaise
DIAGNE qui fut quand même élu en 1914 avec l'appui de La
Démocratie du Sénégal
(créé en 1913). D'autres journaux de la même mouvance vont
être créés à la même période : il
s'agit de l'Avenir du Sénégal, du
Radical Sénégalais... Dans les années
suivantes d'autres journaux vont alimenter le débat politique. On peut
en citer quelques-uns : La Démocratie
Sénégalaise (1926), La France
Coloniale (1927), Le Périscope
Africain (1929)... A la même époque les colons
disposaient du Paris-Dakar comme principal organe de presse.
Créé en 1933, ce journal fut, à ses débuts un
hebdomadaire servant de lien entre la Métropole et la colonie. Il devint
bi-hebdomadaire en 1935 et quotidien en 1937. Bref, au lendemain de la
Première Guerre mondiale, le Sénégal a connu dix sept
périodiques officiels, cinquante deux journaux politiques ou
d'information et treize publications diverses dont la durée fut
très variable20(*).
Après la Seconde Guerre mondiale, la presse sénégalaise a
continué son ascension fulgurante atteignant ainsi le nombre de 170
journaux et périodiques entre 1945 et 196021(*).
On constate que la presse qui s'est développée
entre 1885 et 1960 est d'abord l'oeuvre de colons blancs qui la mettaient
à contribution afin de gérer les affaires des colonies tout en
gardant le contact avec la Métropole. Progressivement, elle s'est
« démocratisée » en gagnant les milieux
populaires sous l'impulsion des métis. Toutefois, selon M-S.
FRERE : « ces publications se réduisaient souvent
à quelques feuillets imprimés artisanalement et faiblement
diffusés, incomparables avec la presse plus luxueuse destinée aux
colons »22(*).
Les préoccupations des nouveaux gestionnaires sont principalement
politiques et les journaux vont constituer de véritables alliés
pour les différentes campagnes électorales. On note quelques
rares publications ; religieuses avec l'Echo de
Saint-Louis ; économiques avec Le Bulletin mensuel de la
chambre de commerce de Saint-Louis (1885), puis Dakar (1910) et
syndicales avec Le Bulletin mensuel de la Fédération des
fonctionnaires en AOF et La Voix des travailleurs
sénégalais créés tous deux en 1938.
On remarque également le caractère
élitiste de cette presse qui, au lieu d'être un mass-média
peut être qualifiée de class-média. Outre les colons, les
lecteurs de journaux étaient de rares privilégiés qui,
parfois, ne connaissaient que quelques rudiments de la langue française.
A ce propos, le gouverneur général Roume écrivait en
1924 : « considérons l'institution comme chose
précieuse qu'on ne distribue qu'à bon escient et limitons en les
bienfaits quantifiés, choisissons nos élèves tout d'abord
parmi les fils de chefs et de notables »23(*). Une institution
ciblée, voilà ce que préconisait l'idéologie
coloniale, l'impact de l'information médiatique était donc
destiné à une élite seule susceptible de la
décoder. Concernant la législation, la presse
sénégalaise bénéficiait d'une application partielle
de la loi du 29 juillet 1881. Celle-ci, en son article 69 est applicable aux
colonies. Mais en même temps « elle empêchait les autochtones,
même `les plus évolués' de créer leurs propres
journaux car elle stipulait que seules étaient autorisées les
publications éditées par des `citoyens français
respectables' »24(*). En plus, certains sujets susceptibles de provoquer
un soulèvement ou une révolte contre l'autorité coloniale
sont bannis. Dans un décret daté du 4 août 1921 concernant
l'AOF, Albert SARRAUT (ministre) écrit que la publication par des
Africains et des Français de nouvelles remettant en cause le
système colonial ou encore « toute excitation des
indigènes à la révolte contre l'autorité
française »25(*) sont strictement interdites. Interdiction
également « de publication de tout journal ou écrit,
périodique rédigée en langue indigène
étrangère sans autorisation préalable »26(*). C'est dire le paradoxe entre
l'application de la législation de 1881 sur la liberté de la
presse et toutes ces restrictions qui la vidaient de son sens. Sur ce point,
l'Angleterre, en ayant favorisé, bien avant la France, la gestion de
journaux par des autochtones semble plus libérale27(*). Néanmoins, ces
limitations furent allégées grâce à un
décret, relevant du ministère de l'Outre-Mer, daté du 27
septembre1946. Dorénavant, les journaux disposent d'une large marge de
manoeuvre.
Le débat au sein des journaux sénégalais
va donc prendre de nouvelles proportions. A cette époque, il portait sur
le colonialisme opposant autonomistes, indépendantistes et
fédéralistes. Ces rivalités donnaient « un
caractère polémique à une presse qui avait un faible
tirage mais qui contribua à désigner des interlocuteurs africains
aux dirigeants de la Métropole. »28(*) pense M. TUDESQ. Maintenant,
voyons le visage que présentait la presse après le retrait de la
France.
II Des indépendances
à la libéralisation
Cette période fut marquée par une
« sénégalisation » du contenu de
Dakar Matin, ex Paris Dakar.
Rebaptisé Le Soleil en 1970, ce journal fut
proclamé, en même temps, quotidien gouvernemental. La seule presse
indépendante qui subsiste à cette époque est l'oeuvre de
responsables de partis d'opposition jusqu'à la création du
Politicien, premier journal vierge de toute appartenance politique qui
va instaurer un débat plus démocratique. La libéralisation
de la presse coïncide avec l'arrivée de DIOUF qui va proclamer
« le respect de toutes les libertés » y compris
celle de créer un organe de presse en 1982.
Pour mieux saisir le climat qui régnait au sein du
paysage médiatique durant cette époque, il nous a paru
nécessaire de faire une corrélation avec l'histoire politique du
Sénégal indépendant. Celle-ci est marquée par
quatre périodes pendant lesquelles les décisions politiques ont
eu des incidences sur la vie médiatique. Première
période : après avoir négocié une
indépendance pacifique avec l'ancien colonisateur, SENGHOR instaure le
« régime du multipartisme
intégral » (1960-1962). Inspiré du
modèle français sous la quatrième République, ce
régime est un régime parlementaire bicéphale :
SENGHOR exerce les fonctions de Président de la République tandis
que celles de Président du Conseil (chef du gouvernement) sont
dévolues à Mamadou DIA. En 1962, il y eut une crise entre les
deux hommes suite à des divergences nées de l'orientation
idéologique du régime et aux nouvelles options économiques
que le Président voulait faire sans le consentement de son chef de
gouvernement. SENGHOR fut appel à l'Armée pour se
débarrasser de DIA qui était devenu gênant. Ce dernier fut
officiellement condamné à vie, mais gracié en 1974. Les
rapports entre le Président et la presse qui était à cette
époque encore profondément idéologique, n'étaient
pas des plus sympathiques. Il faut dire que le refus de contradiction qui
caractérisait SENGHOR et dont l'épisode avec DIA en est
l'illustration ne prédisposait pas à un épanouissement de
la presse. Dans les ordonnances du 31 octobre 1960 qui furent l'un des premiers
textes sur la presse après la loi de 1881, il est dit que le journaliste
est « avant tout un patriote au service de l'idéal et des
objectifs définis par la constitution »29(*). Ce statut des journalistes
fut l'une des restrictions apportées au principe de la liberté de
presse affirmée par la loi du 29 juillet 1881.
La deuxième période est celle du
régime du parti unique, elle s'étale sur douze
ans (1962-1974). Après la capture et l'emprisonnement de DIA, SENGHOR
propose par référendum une nouvelle constitution. Elle fut
ratifiée le 7 mars 1963 par 99,4% des votants. Cette constitution
proclame l'interdiction formelle de partis d'opposition comme le Bloc
Démocratique sénégalais (BDS) du Professeur Cheikh Anta
DIOP. Un seul parti fut autorisé, il s'agit du Parti pour le
Rassemblement Africain proche du parti au pouvoir (Union des Progressistes
Sénégalais) auquel il se rallia d'ailleurs en 1966.
C'était le règne de ce que l'académicien SENGHOR appelait
euphémiquement « parti unifié ». Toutefois,
des partis d'opposition « illégaux » se maintiennent
dans la clandestinité. Les organes de presse sont également
affectés par ce régime, les publications se faisaient par
intermittence, dans la clandestinité. Paris Dakar
devint Le Soleil en 1970 et fut dorénavant
considéré comme le journal gouvernemental au service du
parti-Etat.
En 1972, un journal satirique, Lettre
Fermée fut créé par Abdou-Rahmane CISSE. Le
journal fut interdit de parution par arrêté conjoint des ministres
de l'Intérieur et de l'Information daté du 23 octobre 1972.
Moussa PAYE commente cette mesure en ces termes : « le
contrôle quasi total des médiats par le gouvernement
sénégalais aurait pu lui faire juger cette mesure inutile tant
pouvait être dérisoire la concurrence même pugnace d'un
bimensuel au tirage modeste, de surcroît étouffé par un
complot du silence qui le privait de publicité à la radio et au
quotidien national. Il faut convenir qu'entre le journal indépendant et
la presse officielle, c'est plutôt le poids de la
crédibilité de l'un qui desservait l'autre »30(*). Cet arrêté
d'interdiction de parution et de publication fut annulé en
février 1974 par la Cour suprême, mais les seize mois de
suspension ont été fatals à Lettre Fermée
qui ne put jamais renaître de ses cendres.
En 1974, on assiste au retour du
multipartisme (jusqu'en 1982) mais limité d'abord à
trois partis puis à quatre en 1978. Malgré des
réélections successives (1963, 1968, 1973) avec des scores
vertigineux, la contestation du pouvoir de SENGHOR grandit au sein de la
population. Selon Ndiaga SAMB, le choix du changement était
inéluctable, il pense que: « conscient que la restriction des
activités politiques ne pouvait pas durer éternellement au risque
de provoquer de graves tensions, le régime procéda en 1974
à une timide ouverture démocratique dans le cadre de laquelle, il
fut voter une loi dite des courants »31(*). La nouvelle loi autorise trois partis en dehors de
l'UPS (au pouvoir) ; il s'agit du Parti Démocratique
Sénégalais (PDS) d'Abdoulaye WADE, du Parti Africain pour
l'Indépendance (PAI) de Majemouth DIOP et du MRS. Durant cette
époque, presque tous les partis disposaient d'un organe de presse :
L'Unité Africaine pour les socialistes (au pouvoir),
Le Démocrate pour le PDS, Momsarew
(indépendance) pour le PAI. D'autres journaux paraissaient dans la
clandestinité. On peut citer Taxaaw (Debout) pour le
Rassemblement National Démocratique (RND) du professeur Cheikh A. DIOP,
And Sopi (s'unir pour le changement) pour Mamadou DIA,
Dan Dolebi (le prolétaire) pour le Parti
Indépendance et du Travail (PIT)... Ces journaux d'opinion vont
cohabiter avec d'autres publications comme Afrique
Nouvelle32(*),
Africa créés par des Français. Ce furent les
rares journaux indépendants quoiqu' « abordant la politique de
façon neutre, mais prudente »33(*). Concernant l'hebdomadaire Afrique
Nouvelle, Mme LENOBLE-BART note le manque de complaisance du journal
confessionnel à l'égard du président SENGHOR. Elle
rapporte que : « certes ses talents ne sont pas passés
sous silence...Mais, à l'occasion, on se fait l'écho de
reproche... »34(*). Un journal créé en 1977 appelé
Le Politicien, va instaurer un débat politique
beaucoup plus démocratique. Ce bimensuel satirique n'a certes pas fait
une révolution sur les sujets abordés (principalement
politiques), mais il aura joué un rôle d'arbitre grâce
à sa neutralité.
Le 31 décembre 1980, le Président SENGHOR se
retira de la scène politique sénégalaise.
Conformément à l'article 35 de la Constitution qui faisait de
Abdou DIOUF (alors premier ministre) son remplaçant légitime en
cas de démission ou de décès, il lui céda le
pouvoir. Installé dans ses fonctions, le Président DIOUF
s'engagea à « garantir le pluralisme et le respect de toutes
les libertés ». Ce qui se traduisit par la
restauration du multipartisme intégral, mais
aussi par une libéralisation totale du secteur de l'information. Faut-il
pour autant attribuer à Abdou DIOUF l'honneur de cette avancée
démocratique considérable ? Selon A.-J. TUDESQ,
« cette période coïncidait pour le Sénégal
avec une plus forte expression des aspirations démocratiques,
présentes plus tard dans la plupart des Etats africains ». Il
ajoute que : « peut être le changement très
pacifique et exemplaire de dirigeant avait mis à la tête de l'Etat
un Présidant moins charismatique que SENGHOR, comprenant qu'une
évolution démocratique était
nécessaire »35(*). Toujours est-il que la porte ouverte par Le
Politicien en 1977 fut empruntée par d'autres journaux. Ce fut
d'abord Walfadjri (1983), Sud Hebdo (1986),
Le Cafard Libéré(1988)... La
particularité des nouveaux venus, c'est d'être dirigés par
des hommes plus ou moins neutres politiquement. Il faut noter également
que contrairement à la plupart des anciens responsables de journaux, eux
ont suivi une formation et tirent principalement leurs ressources de leur
profession. Leur mérite aura était d'avoir diversifié les
contenus des journaux jusque là cantonnaient à des informations
politiques. Dans les années 1990, la libéralisation
déjà enclenchée se confirme progressivement si bien
qu'aujourd'hui le pluralisme est devenu une réalité.
De l'époque coloniale à nos jours, le
Sénégal a vu naître, disparaître et renaître de
leurs cendres pas mal de journaux. Une telle situation est due à un
contexte politique bouillant et à une législation restrictive
malgré l'application de la loi de 1881. Durant la période
coloniale, ces limitations se justifiaient par une crainte de
soulèvement populaire remettant en cause l'autorité coloniale.
Après les indépendances, elles trouvèrent un
prétexte sous couvert d'une reconstruction post-coloniale, soi-disant
incompatible avec la contradiction. Avec la venue de DIOUF en 1981, apparemment
plus souple que son prédécesseur, le respect des libertés
déjà garanti par la Constitution de 1963 trouva un serviteur et
la libéralisation devint une réalité. Aujourd'hui, les
journaux organes de partis politiques ont pratiquement disparu de la
scène médiatique. Les quelques rares rescapés
bénéficient d'un lectorat très limité,
presqu'insignifiant. Ils ont cédé la place à des journaux
dits d'informations générales que nous tenterons de
connaître dans le chapitre suivant.
Les journaux de la nouvelle
génération
Qu'ils soient des quotidiens, des bi-hebdomadaires, des
hebdomadaires, des mensuels... ils se sont proliférés depuis la
fin des années 1980. On n'en dénombre actuellement plus d'une
trentaine. Ces journaux, sont pour la plupart secoués par des crises
économiques qui leur sont parfois fatales. C'est d'ailleurs l'une des
raisons qui nous a amené à effectuer un choix dans le cadre de
cette étude. Ne sont retenus ici que les journaux qui présentent
une certaine régularité dans la parution et une certaine
importance pour le tirage. Le contenu des journaux aussi nous a paru important,
il sera question ici des journaux d'informations générales. Les
organes de partis qui existent toujours ainsi que les journaux
spécialisés (magazines, revues...) ont donc été
écartés d'office. Comme il nous paraît incongru de faire
une étude sur la presse sénégalaise sans parler du premier
quotidien d'informations générales nous commencerons d'abord par
Le Soleil qui est toujours resté un média
d'Etat. Ensuite, nous aborderons la presse privée dite
indépendante avant de faire connaissance avec la presse dite populaire
dont l'existence est très récente.
I Le quotidien
gouvernemental
Comme dans la plupart des pays africains, au
Sénégal il existe toujours un quotidien gouvernemental. Encore
appelé média-d'Etat, ce journal doit oeuvrer pour ce qui fut
appeler jadis « l'unité nationale » ou encore
« intégration nationale». L'organe devant relater les
actions du gouvernement doit être constructif, se garder d'aborder des
sujets qui fâchent et surtout ne pas critiquer l'action du
Président de la République et des membres de son gouvernement.
Au Sénégal, c'est au Soleil qu'il
revient d'assumer cette fonction. Né du défunt Dakar
Matin qui avait succédé au Paris
Dakar, ce journal fut porté sur les fonds baptismaux le 20 mai
1970. D'emblée, les autorités ont senti le rôle
stratégique que le seul quotidien, le plus lu, pouvait jouer par rapport
aux ambitions de développement fixées. Ainsi, sous le couvert de
vocables comme « intégration nationale »,
« unité nationale »... les nouveaux dirigeants ont
voulu appliquer une mainmise sur le secteur de l'information. Ceci s'expliquait
par l'urgence pour un pays nouvellement indépendant de mobiliser toutes
les forces vives de la nation pour la construction nationale. Selon le
tiers-mondiste John CENT: « durant cette période initiale de
construction étatique, la stabilité et l'unité sont
indispensables : la critique doit être minimisée et la foi
dans les institutions et les règlements instaurés par le
gouvernement doit être encouragée » 36(*) . On a bien compris, les
médias doivent coopérer, soutenir les actions des gouvernants au
lieu de les critiquer car « les fonctions éducative et sociale
semblaient légitimer une fonction politique qui s'identifiait avec la
voix du gouvernement »37(*). L'affirmation de SENGHOR38(*) sur l'absence de
quatrième pouvoir médiatique de 1974 prend dès lors toute
sa signification.
L'ennui, c'est le glissement qui s'est opéré,
car il y a eu une confusion entre le devoir d'intéresser les citoyens
aux affaires de la Nation et cette dérive qui a consisté à
faire du Soleil un organe idéologique au service du parti au
pouvoir. Lors du septième congrès de l'Union des progressistes
Sénégalais (UPS), le rapporteur de la commission presse
n'hésite pas à affirmer que le journal devait se rattacher au
parti disant que « la liaison avec le parti sera permanente, de
manière à coordonner l'action d'éducation et d'animation,
le rédacteur en chef sera d'ailleurs... automatiquement membre du bureau
politique »39(*).C'est donc en toute légitimité qu'on
parlera de ce quotidien comme un journal du parti-Etat en se sens que les
journalistes ne sont pas uniquement au service de l'Etat, mais également
à celui de ceux qui décident de sa politique, c'est-à-dire
les hommes du parti au pouvoir. Le Soleil n'est ni plus ni
moins qu'une sorte de journal interne à l'échelle nationale, un
relais entre gouvernants et gouvernés.
Concernant le financement de ce quotidien, il faut noter que
le capital étranger fut interdit avec la loi du 11 avril 1979. De ce
fait, le journal gouvernemental qui était une création du groupe
français de Breteuil a vu la totalité du capital passer à
l'Etat sénégalais et aux organismes publics. Ainsi, 54,6% des
actions sont confiées à l'Etat tandis que la Loterie nationale,
la Commune de Dakar, la Société Nationale de Eaux, la Chambre de
Commerce se partageaient le reste. En 1985, sur proposition du corps de
contrôle de l'Etat, Le Soleil devient une
société anonyme. Mais selon Mamadou KOUME, enseignant au
CESTI : «Le Soleil présente une remarquable
ambiguïté juridique, car bien qu'étant passé du
statut de Société à responsabilité limitée
(SARL) à celui de société anonyme (SA), ce quotidien reste
un média où l'Etat détient la majorité du capital,
nomme son dirigeant et influe sur la politique
éditoriale »40(*). La nationalisation de cet organe de presse fait des
journalistes du Soleil des fonctionnaires au même titre que
toute autre travailleur de la fonction publique. Un statut rêvé
par pas mal de journalistes évoluant dans le privé parce qu'il
offre une certaine garantie salariale qui n'est pas toujours assurée
ailleurs. L'effet pervers, c'est qu'il aliène forcément la
liberté du journaliste.
En effet, le principe affirmé de la liberté
d'expression est forcément atténué quant celui sur lequel
il est sensé s'appliquer se trouve être votre employeur
c'est-à-dire l'Etat. A ce propos, Moussa PAYE pense qu' « il
est tellement plus accommodant pour les tenants du pouvoir de dire sur eux des
gentillesses qu'ils vous suggèrent eux-mêmes, sous forme de
communiqués officiels. Une question en soi peut à elle seule
attirer la foudre sur la tête du journaliste. Aussi, la font-il la plus
banale, la plus anodine possible »41(*) . Lors de l'élection
présidentielle de 2000, le journal se manifesta par une prise de
position très remarquée en faveur du président sortant
DIOUF. « Le marketing politique était bien en phase avec la
ligne éditoriale du Soleil », affirme Elhadj Bachir
SOW42(*), le
rédacteur en chef du journal. Le journaliste avoue par ailleurs la
partialité du journal gouvernemental car le traitement de l'information
n'était pas équitable pour tous les candidats, DIOUF ayant
« bénéficié d'un traitement de
faveur ». Le fait le plus marquant qui montre à quel point les
journalistes du Soleil sont à la solde du pouvoir est sans
doute la démission de son directeur de publication après la
défaite de DIOUF. Après de bons et loyaux services aux
côtés de « l'homme pour lequel il avait tant
d'admiration », il tourne la page en signant son « dernier
éditorial » qui allait consacrer son départ. «
C'était un certain journalisme de soutien, de militantisme et
d'adhésion qui était arrivé à sa
fin » 43(*) en
conclut Ndiaga SAMB. Avec l'arrivée d'un nouveau pouvoir des suites de
l'alternance de mars 2000, le statut du Soleil n'a guère
évolué. Nous verrons un peu plus tard que le changement de
régime n'a pas encore affecté le statut du quotidien
gouvernemental. Le Soleil publie environ 16 à 20
pages. Les rubriques abordées sont Nation, Politique, Economie,
Société et Culture, Sports, International. Des dossiers
d'enquête sont aussi occasionnellement publiés par le journal.
Quotidien gouvernemental, journal du parti-Etat, journal
interne : relais entre gouvernants et gouvernés ; les
qualificatifs ne manquent pour désigner Le Soleil. Le
contrôle de ce média par l'Etat est toujours effectif cependant
des journaux privés plus indépendants se sont
développés ces dernières années.
II La presse dite
indépendante
Cette presse connaît actuellement un
développement sans précédent. Nous en avons choisi quatre
quotidiens et un hebdomadaire que nous allons traiter de manière un peu
plus développée. Il s'agit de Walfadjri, Sud
Quotidien, Info 7, Le Matin qui sont les quotidiens les
plus lus et Le Témoin qui aborde les sujets de
société avec une certaine désinvolture de sorte qu'il est
considéré comme « l'ancêtre » des
journaux populaires. Cet hebdomadaire est en quelque sorte le
précurseur de cette nouvelle presse qui, elle aussi est en
évolution comme nous le verrons plus tard.
Avant d'aborder les organes de presse, il convient d'abord
d'expliquer cette notion de presse indépendante devenue, à notre
avis très galvaudée. Le Sénégal est certes un pays
où l'on a connu une multitude d'organes de presse aussi bien dans la
période coloniale qu'après les indépendances, mais ces
journaux étaient plus des organes de propagande idéologique
qu'autre chose. C'étaient des journaux privés, certes
indépendants du pouvoir étatique mais profondément
partisans puisqu'ils défendaient les couleurs des partis politiques. De
nos jours, comme nous l'avons rappelé plus haut, s'ils ne sont pas
limités à la sphère du parti, ce genre de journaux a
disparu. Ceux d'aujourd'hui se parent presque tous du « label
indépendant » pour trouver du succès au niveau du
public. Pourtant, à en croire Henri PIGEAT : « d'une
manière générale, un média se situe toujours dans
une certaine sensibilité politique ou
idéologique »44(*). Cet auteur pense que les citoyens ont très
légitimement le droit de rechercher des médias où ils
reconnaîtront leurs aspirations idéologiques et les
réponses aux sujets de leur préoccupation. Mais étant une
entreprise économique, un journal qui veut faire du profit doit prendre
en compte diverses sensibilités afin d'intégrer des publics plus
vastes. L'épithète « indépendant » ne
serait donc, pour certains journaux, ni plus ni moins qu'un argument de vente,
un élément de marketing. Mais voyons ce qu'en pense le professeur
TUDESQ45(*). Selon ce
spécialiste des médias africains, il y a quatre types
d'organisations médiatiques :
- la presse d'Etat : il n'y a aucune
ambiguïté pour ce genre de journal puisqu'il est financé par
le ministère de l'information donc forcément partisane comme nous
venons de le voir plus loin avec Le Soleil ;
- la presse du parti au pouvoir : elle est
différente juridiquement de la première mais ont une gestion et
une finalité semblables puisqu'elles travaillent pour la
réélection des concernés. On peut donner l'exemple de
L'Unité Africaine ancien organe de l'Union des progressistes
sénégalais (UPS).
- la presse de partis politiques ou de mouvement
d'opposition : elle a connu son heure de gloire dans la période
coloniale et quelques années après les indépendances,
c'est le Démocrate pour le PDS, Momsarew
(indépendance) pour le PAI...
- la presse indépendante : « avec toute
l'ambiguïté de cet adjectif », note bien le professeur
TUDESQ. On peut regrouper dans ce type de presse tous les journaux
d'informations générales ou encore les journaux
spécialisés d'obédience commerciale ou religieuse. Des
journaux dont le but premier doit être d'informer « de
manière honnête et équilibrée ». Les
journaux que nous avons choisis semblent remplir ces critères. Sans
tarder, nous allons les découvrir.
Tableau des cinq journaux privés d'informations
générales
Journaux
|
Création
|
Périodicité
|
Tirage(*)
|
Sud Quotidien
|
1986
|
Quotidien
|
10 000
|
Walfadjri
|
1984
|
Quotidien
|
15 000
|
L'Info7
|
1999
|
Quotidien
|
- - - - -
|
Le Matin
|
1997
|
Quotidien
|
- - - - -
|
Le Témoin
|
1990
|
Hebdomadaire
|
6 000
|
Sud Quotidien : c'est le
premier quotidien d'informations générales indépendant, il
est le résultat d'un processus qui a commencé en 1986. A
l'époque, il s'appelait Sud Magazine qui donna naissance
à Sud Hebdo en 1987, hebdomadaire qui se transforma en
quotidien en 1993. Ce qui frappe avec la création de ce journal, c'est
l'absence d'ambiguïté concernant ses finances de départ et
le fait que ses créateurs soient tous des journalistes investis dans le
milieu depuis quelques années. Dans le numéro 1 de Sud
Hebdo de mars 1986, Babacar TOURE, un des pionniers du journal
raconte : « c'était un dimanche matin... l'air
était à la fête et la fête dans l'air. Cinq
complices...réunis dans un salon de banlieue se chamaillaient ferme...
c'était comment faire le journalisme de nos rêves... ».
La plupart d'entre eux étaient alors journalistes au Soleil.
Ils décidèrent de se cotiser : « pendant six mois,
les 100 000F CFA que chacun devra mettre pour démarrer le
projet ». La sucess-story ne se limite pas à
l'évolution qu'a connu ce journal, devenu le quotidien
indépendant le plus lu, car aujourd'hui, les membres fondateurs sont
à la tête du premier groupe multimédia
sénégalais. Sud Communication, c'est aussi la
première radio privée qui commença à émettre
en 1994, une agence de distribution de presse (Marketing presse), une
école de journalisme (ISSIC)... Le journal publie en moyenne douze pages
avec les rubriques : Economie, Politique, Culture, Opinion, Sports,
Collectivités, International. Des dossiers sont également
publiés par le quotidien sous forme de périodiques.
Walfadjri : les débuts
de ce journal remontent de 1984. D'abord bimensuel, il devient hebdomadaire en
1987, puis paraît trois fois par semaine en 1993 avant de devenir
quotidien en 1994. Il est important de souligner l'évolution
éditoriale de ce journal. Islamiste au départ (d'où son
nom arabe qui signifie l'aurore), Walfadjri changea progressivement de
préoccupation avec l'arrivée de journalistes venus principalement
du Soleil comme « Abdourahmane CAMARA qui assurait jusqu'ici
une collaboration permanente extérieure avec Walfadjri et va
désormais l'animer de manière permanente et étoffer sa
rédaction dont le professionnalisme le hissera en première ligne
au côté de Sud et du Cafard
Libéré »46(*). Ce quotidien peut être considéré
comme un journal indépendant en ce sens qu'il l'est par rapport au
pouvoir en place. Cependant, des rumeurs voudraient que le financement de
départ soit l'oeuvre de pays arabes du Golfe. Walfadjri est un
journal d'informations générales publié en douze pages. Il
comporte les rubriques Actualités, Société, Economie,
Politique, Culture, Contributions, Sports et International. Suivant
l'importance de l'actualité, des enquêtes peuvent être
menées par les journalistes et publiées sur divers sujets.
Walfadjri, c'est aussi une radio FM créée en 1997. Ce
qui en fait le deuxième groupe multimédia, mais loin
derrière le groupe Sud Communication.
L'Info 7 : créé
en 1999, ce journal est le résultat d'une collaboration entre trois
hommes d'affaires qui n'ont, à priori aucun rapport avec les
médias. L'un est musicien (Youssou NDOUR), les deux autres des
industriels (Cheikh Talla DIOUM et Bara TALL). Voulant suivre les exemples de
réussite que constituent les groupes Sud Communication et
Walfadjri, ces actionnaires ont mis sur pied le groupe Com 7 et dans
la même veine une radio (7 FM) fut créée. A la
« Une » du journal, les rédacteurs de l'Info 7
parlent d'un traitement de l'information
« dépassionné, objectif et mesuré ».
Nous ne remettrons pas en cause cette confession de foi, toutefois, nous
pouvons nous demander jusqu'où peut aller l'objectivité du
journaliste quand, par exemple, il enquête sur un sujet ayant un rapport
avec un des hommes d'affaires propriétaires de l'organe de presse.
Toutefois, le journal est dirigé par des journalistes qui, eux aussi ont
eu à pratiquer le métier dans d'autres journaux. Pape Samba KANE
son responsable est un ancien du Soleil et du Matin. Les
rubriques du journal sont à peu près semblables à celles
des autres journaux d'informations générales.
Le Matin : ce journal est
créé en 1997 par un homme d'affaires ancien basketteur
sénégalais du nom de Baba TANDIAN. Outre le journal, il est
également l'heureux propriétaire d'une imprimerie du même
nom (TANDIAN). Celle-ci est l'une des plus performantes en Afrique occidentale.
D'ailleurs, elle est l'éditrice de la majeure partie des journaux
sénégalais. Les objections faites à l'égard du
journal mentionné sus-dessus peuvent être valables pour Le
Matin mais à des proportions beaucoup plus réduites.
D'autant que ce journal fut tour à tour dirigé par Pape Samba
KANE, l'actuel dirigent de l'Info 7, Mame Less CAMARA, un ancien de la
RTS et de Walfadjri, et actuellement par Boubacar Boris DIOP, un
écrivain confirmé. Pour les rubriques de ce journal, même
chose que pour les journaux précédemment cités, il traite
de l'actualité politique, sociale, culturelle, sportive...
Le Témoin : ce journal
est un hebdomadaire créé en 1990 paraissant le mardi. Nous avons
du mal à considérer cet organe de presse comme un journal
réellement indépendant. Ces fondateurs sont issus du
Sopi (changement) qui était l'organe du PDS (Parti
démocratique sénégalais) alors dans l'opposition. Des
rumeurs font état de son financement par l'ancien parti au pouvoir (Ps)
qu'il défendait d'ailleurs dès sa création avant de s'en
éloigner plus tard. Il semblerait que pour ce journal les alliances avec
les partis politiques se fassent au gré des plus offrants que les
journalistes défendent tout en cherchant « la petite
bête » dans les rangs de l'adversaire. Nous ne pouvons
cautionner ces allégations mais nous les notons pour montrer notre
réserve par rapport à l'indépendance de cet hebdomadaire.
Toutefois, ce pourquoi ce journal nous paraît important pour notre
étude, c'est qu'il a été le premier à aborder des
sujets jugés tabous. Par son audace et son anti-conformisme, Le
Témoin a levé le voile de décence qui cachait
pudiquement toutes ces « insanités » que les
Sénégalais cachaient honteusement. De même ce journal a
été le premier à s'attaquer aux dérives du pouvoir
maraboutique. Mamadou Oumar NDIAYE, son directeur de publication compare
volontiers sa gazette aux grands tabloïds londoniens à l'image du
SUN. Comme dans ce genre de journaux, les articles sur les faits
divers, les potins et autres histoires de sexe touchant les
célébrités constituent l'essentiel du fond de commerce.
Quand on l'interroge sur le caractère très sensationnel de son
journal qui aborde avec liberté « les frasques sexuelles des
dignitaires », M.O.N47(*) répond « vouloir participer à
la moralisation des moeurs pour maintenir intact les fondements de la
République »48(*). Les rubriques de ce journal sont : Tendances,
Actuel, Dossier, Economie, Culture, Féminin.
Avec le quotidien gouvernemental Le Soleil,
les quatre quotidiens que nous venons d'aborder brièvement sont de par
leur régularité de parution et de par l'importance de leur
lectorat les principaux journaux. Il y en a d'autres, qu'ils soient des
quotidiens, des hebdomadaires, des mensuels... ils ont tous pour ambition de
traiter les informations générales avec plus ou moins
d'indépendance. Le Témoin est le seul
l'hebdomadaire choisi, nous aurions pu faire pareil avec Le Cafard
Libéré qui lui aussi a bousculé le classicisme des
journaux dits sérieux grâce à la dérision et
l'impertinence de ses journalistes (qui réclament une certaine
parenté avec Le Canard Enchaîné où ils ont
d 'ailleurs effectué un stage avant de commencer dans le
métier). Mais, c'est incontestablement Le
Témoin qui est considéré comme
« l'ascendant légitime » de ces journaux dits
people que nous allons aborder dans la troisième partie de ce
chapitre.
III Presse populaire,
« presse à scandale »
Une nouvelle presse est née au Sénégal et
les vocables pour la désigner ne manquent pas tant elle est
décriée y compris par une frange des professionnels
eux-mêmes. Les plus indulgents parlent de « presse
populaire » pour montrer sa proximité avec les masses
populaires de par son style et son ton moins académiques que ceux de la
presse dite sérieuse. Les moins indulgents qualifient la nouvelle venue
de « presse de caniveau », de « presse à
scandale » pour montrer la bassesse des sujets qui y sont
traités. Les extrémistes parlent de « presse
poubelle » ou encore de « littérature de
poubelle » invitant ainsi les lecteurs à s'écarter
d'une presse qui ne mériterait pas qu'on lui accorde une certaine
attention.
Il est difficile d'effectuer un classement des types de
journaux considérés comme des journaux people. La plus
part des animateurs de cette presse considèrent leurs organes de presse
comme des journaux d'informations générales respectables qui
n'ont rien à envier aux journaux dits sérieux. Pourtant il y a
des aspects qui différencient ces deux types de presses et permettent
une distinction légitime. Ainsi, sur la base de certains critères
que partagent ces journaux nous pouvons -sans émettre un jugement de
valeur- élaborer une famille de cette presse.
- Au premier rang des caractères distinctifs, il est
difficile de ne pas remarquer le prix bon marché de ces journaux. Ils
sont vendus à seulement 100F CFA, « moins que le prix d'une
baguette de pain ou d'un kilo de riz »49(*), là où les
autres affichent le double. Comment ne pas penser au Français Emile
Girardin qui, au 19e siècle avait réduit de la
moitié le prix de son journal en le finançant par la
publicité ? Pour les animateurs de la presse people, la
réduction du prix s'est faite avec la diminution du nombre de pages.
Tandis que les autres journaux sont édités en moyenne en douze,
voire seize pages, eux se contentent de la moitié (huit pages en
moyenne).
- Autre élément de distinction entre les deux
familles de presse : le contenu, car les nouveaux venus exploitent un
créneau que rechignent les classiques à savoir les faits divers.
Jean-Meïssa DIOP pense que les journaux dits sérieux
« ont une réputation et un sérieux à
sauvegarder... Ils se sont certes intéressés aux faits divers
mais l'ont traité avec les euphémismes qui conviennent à
une société qui a ses déviances mais veut qu'on les narre
avec la manière »50(*). Ceci semble être le cadet des soucis de la
presse people qui aborde en abondance les histoires de sexe, de
détournement d'argent, de crime, de sang... Ibou FALL du Tract,
un des animateurs de cette presse pense que les Sénégalais aiment
aussi qu'on leur parle des travers de leur société :
«cela pourrait être appréhendé comme un sale boulot,
mais dans ce cas, nous, nous assumons »51(*).
- Le dernier élément qui différencie les
deux types de presse, c'est le ton avec une langue beaucoup plus accessible
à l'homme de la rue se traduisant par des phrases simples, directes dont
la compréhension ne nécessite pas l'aide d'un dictionnaire. A la
simplicité du style, il faut ajouter sa crudité. C'est d'ailleurs
un credo de certains responsables de cette presse : « appeler un
chat, un chat ».
Ces précisions faites, nous pouvons maintenant tenter
de faire connaissance avec les journaux populaires sénégalais.
Dans une étude consacrée à cette presse, Alain
AGBOTON52(*), enseignant
au CESTI en a relevé dix huit au total, mais la presse populaire est
caractérisée par son instabilité et
l'irrégularité de certains de ces titres. Nés presque tous
au début du troisième millénaire, ils n'ont pas encore eu
un public fidèle pour des raisons que nous évoquerons plus tard.
Le résultat d'une telle situation est que certains journaux ont, soit
disparu ou connaissent une interruption temporaire de diffusion. Comme nous
avons fait avec la presse indépendante, nous avons choisi de
présenter de manière un peu plus approfondie quatre journaux.
Les principaux journaux people ou populaires
Journaux
|
Création
|
Périodicité
|
Tirage(*)
|
Moeurs
|
2001
|
Hebdomadaire
|
40 000
|
Scoop
|
2001
|
Quotidien
|
15 000
|
Le Tract
|
2000
|
Quotidien
|
30 000
|
Le Populaire
|
1999
|
Quotidien
|
32 000
|
Le Populaire :
c'est un journal qui a été
créé le 8 novembre 1999. Il se veut quotidien
« d'informations générales de
proximité » comme on peut le lire dès la
première page. Mais, ce quotidien va très vite trouver son
créneau en emboîtant le pas au Témoin comme en
témoigne sa page « off » qui est presque une
réplique de la rubrique « Bulles » de
l'hebdomadaire. A ce propos A AGBOTON pense que ce journal était timide
et maladroit au départ du fait de sa ressemblance avec cet hebdomadaire
« dont il était l'héritier présomptif sinon
abusif »53(*).
Il a d'abord été dirigé par Thierno TALLA qui l'a
quitté dernièrement pour en créer un autre
(L'Actuel) qui surfe sur la même vague.
Moeurs : créé en
mars 2001, cet hebdomadaire connut un succès sans
précédent après sa naissance. Au bout d'un mois
d'existence, il est passé de 15 000 à 40 000
exemplaires avec des invendus variant autour de 1 000 et 2 00054(*). C'est manifestement le
journal qui semble le plus répondre aux caractéristiques d'un
journal à scandale. Abondance de photos et de sujets en rapport avec les
célébrités, style cru et détails dans la
description, « il est quasiment unique dans son créneau
où il est à la lisière du
pornographique »55(*). C'est le contenu des rubriques :
Détente, Wanted, Boîte postale où sont
développés les faits de société les plus crapuleux
qui fait beaucoup de bruit. Pape Daouda SOW, le responsable du journal justifie
cette orientation par le caractère voyeur du Sénégalais
qui, d'après lui : « aime les fesses et cela c'est mon
meilleur marketing. Moeurs est un miroir grossissant de la
société sénégalaise »56(*) pense-t-il.
Scoop : créé
également au mois de mars de l'année 2001, ce journal est un
satellite, une filiale du quotidien national Le Soleil.
D'emblée, le journal s'oriente dans ce secteur très rentable de
la presse people. Dans le premier numéro, le rédacteur
en chef présente « une équipe de journalistes vraiment
professionnels (qui) vous propose tous les jours de découvrir des
facettes cachées de la société sénégalaise:
faits divers, la vie et les gestes des gens célèbres, les
actualités que la presse dite sérieuse ne voit pas, en somme tout
ce qui bouge sans trouver place dans les médias, dans les autres
médias »57(*). Cependant, conscient du désavantage que
causerait une identification à un certain type de presse qui n'a pas
bonne presse, le journal prend ses distances dès le début.
« Non, Scoop ne tombera pas dans le sensationnel du sang et
du sexe, ou encore dans le vulgaire et le voyeurisme »58(*) prévient son
responsable. Il faut dire que sa parenté avec le quotidien national lui
interdit ce genre de dérapage car ce journal a une réputation
à préserver. Scoop est publié en douze pages qui
donnent une large part aux potins et aux faits de société.
Le Tract : ce
journal est créé en 2000, Ibou FALL, son initiateur (il est
actuellement à la tête de Frasques Quotidiennes)
fut un ancien journaliste au Témoin où il eut longtemps
la confection de la rubrique « Bulles ». Mariages,
baptêmes, virées nocturnes, infidélités,
indélicatesses financières...sont autant de sujets qui
passionnent ce journal qui les décortique avec précision. Selon
l'ancien responsable du journal, ce genre de sujet doit être
traité de la manière « la plus digeste possible. Il
faut toujours parler des célébrités, toucher le gratin, la
jet-set. Par rapport aux informations politiques, aux analyses, c'est un peu la
récréation »59(*). « Pour cela, continue-t-il, il faut savoir
ironiser, avoir le sens de l'humour...Savoir écrire court pour dire en
deux phrases ce qu'on veut dire, être concis et
précis ».
Ces journaux connaissent actuellement un franc succès
au niveau du public. Selon un sondage réalisé en décembre
2001 par l'institut BDA, `les quatre mousquetaires' du fait divers (à
savoir Moeurs, Le Tract, Scoop et le Populaire) battaient les
records de tirage atteignant, par moment la barre fatidique des 40 000
exemplaires alors que les journaux dits sérieux atteignent rarement la
vingtaine de milliers60(*). Les raisons d'un tel succès sont, comme nous
le montrions plus haut, le prix qui les rend plus accessibles, le style qui est
moins rébarbatif que celui des journaux dits sérieux et surtout
les sujets abordés. En effet, si le lectorat a accroché au
contenu de la presse people, c'est peut-être aussi parce qu'il
éprouve une certaine lassitude par rapport à l'information
politique qui occupe une place prépondérante dans les journaux
dits sérieux. Un héritage que ces journaux semblent avoir
reçu de ces anciens organes de partis ou même des premiers
journaux privés comme Lettre Fermée ou Le
Politicien qui traitaient essentiellement l'actualité politique.
Selon Ndiaga SAMB : « l'actualité politique a de tout
temps bénéficié d'une couverture variée, avec des
rubriques variées, la politique reste le principal élément
de vente à la Une des journaux »61(*). Nous pouvons ainsi faire une
corrélation entre « l'horizon d'attente »
déçu d'un public avec une overdose d'informations
politiques face à un manque d'informations
« croustillantes » à caractère sensationnel
qu'ont amené les nouveaux venus. Dans la même perspective, nous
pouvons admettre l'idée selon laquelle, les nouveaux venus auraient
investi un nouveau secteur parce que concernant les actualités
politique, culturelle, économique, « il n'y avait plus rien
à faire d'original et de professionnel que ne font déjà
avec un professionnalisme respectable Le Soleil, Walfadjri,
Sud Quotidien, Le Matin... » argument
défendu par J.-M. DIOP62(*).
Nous venons de le voir, la presse sénégalaise
est caractérisée par la diversité de ses titres. De
l'indéboulonnable quotidien gouvernemental à la presse
people qui s'apparente aux tabloïds londoniens en passant par la
presse indépendante généraliste, la pluralité est
désormais acquise. Ainsi, le traitement monolithique de l'information
incarnée par Le Soleil s'est progressivement
rééquilibré grâce à des journaux
privés qui proposent une autre vision de l'actualité. Il semble
que le pluralisme, c'est-à-dire l'expression plurielle des
sensibilités d'une société soit un des fondements de toute
démocratie. Il serait important de voir comment la presse
sénégalaise essaie de jouer ce rôle.
Pluralisme et
démocratie
Le pluralisme suppose une diversification du secteur
médiatique. Outre l'existence de plusieurs organes de presse il y a
surtout la diversité des contenus qui soient à même de
refléter les intérêts de toutes les franges de la
population. Comme nous venons de le voir, au Sénégal, le
pluralisme de la presse écrite est devenu une réalité
grâce à « l'ouverture démocratique »
sous Abdou DIOUF. A en croire Emmanuel KANT63(*), le pluralisme est le plus sûr
élément pour évaluer la vitalité d'une
démocratie. Nous allons voir comment cela se matérialise dans une
démocratie comme le Sénégal en nous interrogeons d'abord
sur les fonctions que peut accomplir la presse en démocratie. Ensuite
nous tenterons d'analyser les défis que rencontre la presse
indépendante en voulant jouer ce rôle. En dernier lieu, nous
verrons que le travail de la presse dite people non plus n'est pas de
toute aise parce que tiraillée entre la liberté d'informer et le
devoir de réserve imposé par une société pudique et
conservatrice.
I Rôle de la presse
en démocratie
Dans la première partie nous avons montré que
le Sénégal fut l'un des premiers pays africains à se
préoccuper de l'évolution de la presse et de tous les attributs
afférant au métier de journalisme. Souvent
présentée comme une vitrine, un modèle dont pas mal de
pays africains doivent suivre l'exemple, la presse sénégalaise
présente les contours de celle d'une démocratie.
Selon Claude-Jean BERTRAND64(*), il existe quatre régimes de presse possibles.
Deux despotiques (l'un autoritaire, l'autre communiste) et deux autres
démocratiques (libéral et de responsabilité). Le
régime libéral est né en Europe au siècle des
lumières (18e). Il se caractérise évidemment
par son libéralisme. C'est-à-dire par un désengagement de
l'Etat qui laisse faire : « il suffit que tous les faits soient
objectivement rapportés et que toutes les opinions soient mises sur le
marché des idées »65(*). Le risque évidemment est d'assister à
ce que les tenants de l'école de Francfort et les marxistes condamnent
vigoureusement. Selon eux la libéralisation du secteur médiatique
conduit au monopole d'une élite fort peu soucieuse des aspirations des
masses populaires. Quant au régime dit de responsabilité
sociale66(*), il n'est en
fait que le prolongement du précédent en s'efforçant
toutefois d'associer liberté et qualité des médias. Les
médias doivent être indépendants, donc des entreprises
commerciales à la recherche du profit, mais ils doivent aussi être
responsables vis-à-vis des groupes de la société. Pour
cela « il est préférable qu'ils s'amendent en fonction
d'une déontologie qu'ils auront choisie
eux-mêmes »67(*).
Le régime adopté par le Sénégal
est une conjugaison des deux derniers : le régime libéral de
responsabilité qui règne dans une démocratie.
Déjà en 1947, l'application de la loi française du 29
juillet 1881 jusque là partielle, devenait effective. La constitution
sénégalaise de 1963 en son article 8 garantit à chaque
citoyen la liberté d'expression « chacun a le droit d'exprimer
et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume et
l'image ». Cette garantie est une source où s'abreuve la
liberté de presse. Une loi, encore appelée code de la presse fut
votée à l'assemblée le 11 avril 1979. Jugée
incompatible avec l'évolution démocratique du
Sénégal, elle fut abrogée en 1986 par une autre loi, celle
du 16 juin 1986 qui, à son tour fut remplacée par la loi du 22
février 1996 actuellement en vigueur. Selon cette loi « tout
organe de presse peut être publié sans autorisation
préalable et sans dépôt de
cautionnement »68(*). En outre, cette nouvelle loi donne plus de
liberté aux journalistes contrairement à la
précédente qui leur fixait plus de devoirs que de droits. Elle
stipule que « le journaliste ou le technicien de la communication
sociale a libre accès à toutes sources d'informations non
confidentielles et a le droit d'enquêter librement sur tous les faits qui
conditionnent la vie publique »69(*).
Selon Loïc HERVOUET70(*), trois libertés constituent le soubassement
d'une liberté complète de l'information dans une
démocratie. Il s'agit de la liberté d'expression reconnue dans la
constitution sénégalaise, la liberté du média et
celle du journaliste, également affirmées dans la loi du 22
février 1996. Ces trois libertés sont imbriquées et
reconnues par les textes qui constituent le fondement de la déclaration
universelle des droits de l'homme. En effet, la charte des Nations Unies,
ratifiée par l'Etat sénégalais stipule que « la
libre communication des idées et des opinions est un droit naturel
inaliénable et sacré, l'un des plus précieux de
l'homme ».
Les fonctions de la presse dans un régime
libéral de responsabilité concourent à la consolidation de
la démocratie. Aurélien LECLERC71(*) en a relevé six : selon cet auteur, la
première fonction remplie par tout organe de presse est
évidemment l'information. La presse doit nous tenir au
courant des événements importants de notre environnement, elle
permet ainsi au lecteur d'évaluer les demandes des groupes et les
réactions des gouvernants. La deuxième fonction, c'est le
renseignement que les médias remplissent en offrant
à tout un chacun ce qu'il cherche ou tente de faire. La troisième
concerne la prise de position que peut faire un journal sur
des sujets de grand intérêt comme en témoignent les
éditoriaux, les commentaires et autres papiers d'analyses. La
quatrième renvoie au caractère distrayant que
peut avoir la presse, notamment avec les rubriques sportives,
mots-croisés, feuilletons, bandes dessinée...le seul acte de lire
pouvant être considéré comme un loisir pour certains
lecteurs. L'avant dernière est la fonction
mobilisatrice parce que la presse développe un sentiment
d'appartenance à une communauté, à une
collectivité. La sixième et dernière fonction
est instructive puisque la presse peut avoir un
rôle éducatif. Elle prendrait le rôle de l'instituteur et
des professeurs après l'école, chargé d'aider le citoyen
de se faire son idée de manière autonome. Ainsi, elle participe
à une mise à jour perpétuelle des connaissances acquises
sur les bancs de l'école.
En nous référant aux travaux de Jean
STOETZEL72(*), nous allons
essayer de réduire ces six fonctions en trois, mise à part la
fonction évidente et principale qui est l'information. Nous
retiendrons :
- la fonction d'appartenance sociale ou
mobilisatrice . Concernant la presse sénégalaise,
la presque quasi-totalité des journaux se disent indépendants.
Mais l'analyse du contenu rédactionnel d'un journal comme Le
Soleil montre pourtant une évidence qui ne souffre d'aucune
ambiguïté, à savoir son allégeance au pouvoir
étatique. Des journaux comme Walf, Sud
Quotidien... ont joué le rôle de « sentinelles
de la démocratie » en accompagnant la victoire du Front pour
l'alternance (FAL)73(*)
lors de la présidentielle. En se faisant le relais des tensions
populaires mais également en fustigeant l'action du défunt
gouvernement, n'est-ce pas là une manière de mobiliser tous les
insatisfaits d'un système ?
- la fonction récréative ou de
divertissement : les journaux sénégalais assument
aussi cette fonction comme en témoignent les rubriques Sports, Culture
et les jeux qu'ils proposent aux lecteurs
- la fonction
psychothérapeutique : elle semble proche de la
précédente mais se différencie par son effet
cathartique : elle se manifeste particulièrement dans les articles
de faits-divers. Comment ne pas voir dans la manière qu'ont les journaux
people de traiter les histoires de sexe, de sang et de mondanités
« une satisfaction au moins imaginative et verbale, à notre
violence, à nos revendications, à notre besoin de
protester ? »74(*)
En définitive, il est évident qu'il ne peut y
avoir de presse libre en dehors d'une démocratie comme il est aussi
impossible de parler de démocratie sans presse libre.
Débarrassée de toute contrainte, elle est à même
d'assumer le rôle qui lui est dévolu. Qu'elle soit mobilisatrice,
récréative ou psychothérapeutique, elle doit viser
à servir toutes les franges de la société. Au
Sénégal, cette expression des sensibilités plurielles fait
passer la presse indépendante pour une presse d'opposition,
anti-gouvernementale.
II Presse
indépendante ou d'opposition ?
Après une vingtaine d'années de
libéralisation du secteur médiatique, il semble toujours
impossible d'établir une relation entre indépendance et
neutralité. Les vingt cinq ans de règne hégémonique
du Soleil ont certainement habitué les gouvernants à un
manque de remise en question dont ils ont du mal à s'accommoder avec une
presse plus critique. Quant aux journalistes de la presse indépendante,
peut-être que l'existence du quotidien gouvernemental les pousse à
montrer que les hommes du pouvoir ne sont pas les anges que prétendent
les journalistes du Soleil.
Nous ne nous attarderons pas sur tous les bienfaits d'une
presse indépendante. Cependant, notons qu'elle est un des
éléments fondateurs d'une démocratie. Marie-Soleil FRERE
pense « qu'elle constitue un élément actif au coeur de
la société civile dont elle peut répercuter la
diversité, la créativité, les exigences et les
critiques ». Elle permet, dit-elle, « la circulation des
gouvernés qui peuvent dès lors se rassembler selon leurs
affinités, se sentir renforcés dans leurs convictions et
élaborer des projets d'action »75(*). Même si ces propos
concernent le Niger et le Bénin, nous pouvons nous les approprier pour
le cas qui nous interpelle. D'autant que pour Ndiaga LOUM « le
pluralisme de l'information au Sénégal ne renvoie pas seulement
à la pluralité des titres mais surtout à des conceptions
différentes des diverses lignes éditoriales qui intègrent
le maximum de représentations sociales ayant désormais toutes
droit au chapitre »76(*). Mais ce souci « d'intégrer le
maximum de représentations sociales » quitte
« à rassembler les gouvernés selon leur
affinité » ne se fait pas sans risque. La presse
indépendante est (à tort ou raison) considérée par
les gouvernants comme une alliée des partis d'opposition.
Au lendemain de sa victoire consacrant l'avènement de
la première alternance politique, Abdoulaye WADE, leader de l'opposition
n'hésitait pas à confier la direction du Soleil à
ELhadj KASSE (ancien journaliste à Walfadjri) tandis qu'il
nommait Chérif ELVALIDE SEYE ( de Sud Communication) son
conseillé en communication. Beaucoup d'observateurs de la vie politique
sénégalaise avaient considéré ce geste comme une
récompense en guise de `services rendus'. Si WADE a été
élu, c'est certes grâce à un concours de plusieurs
facteurs, mais le rôle de la presse a été
déterminant. C'est pour cette raison que la presse privée est
considérée comme une presse d'opposition. Est-ce une prise de
position voulue de la presse indépendante ou ce que les tenants de la
théorie fonctionnaliste rangent dans le volet des fonctions latentes des
médias ? Selon R. MERTON, dans l'exercice de leur fonction, les
journalistes peuvent arriver à un résultat qui n'est pas
forcément celui qu'ils visaient77(*). Toujours est-il que dans les colonnes de la presse
dite indépendante78(*), les critiques à l'égard de
l'opposition sont insignifiantes tandis que sur une centaine
d'échantillon des journaux de cette même presse, revient
« une critique quasi-systématique de l'Etat
sénégalais, c'est à croire que ces organes sont des
journaux d'opposition » note Ndiaga LOUM79(*).
En 1989, une polémique entre Le
Soleil et Sud Magazine faisait état de ce
débat qui reste d'actualité malgré l'alternance de 2000.
Dans sa livraison du 12 janvier 1989, le quotidien gouvernemental fustigeait le
caractère partisan de la nouvelle presse en déplorant
« la tendance d'une certaine presse à verser dans la
diffamation, l'intoxication, la déstabilisation morale de la nation et
le discrédit des institutions républicaines ». Bref,
tout ce qu'en bons journalistes d'intégration, ou d'unité
nationale, les journalistes du Soleil s'interdisent. En réponse
à cette accusation, Sud répliquait dans un article
intitulé « les menaces du gouvernement contre la
presse » en disant que c'est plutôt
« l'hallali » qui sonne et que le journal
indépendant en était la cible. Les animateurs de la presse
privée récusent en bloc ces accusations ; ils pensent que
leur existence ne servirait pas à grand-chose s'ils n'intégraient
pas toutes les catégories de la population dans le débat de
l'espace public. Le directeur de Sud Communication Babacar TOURÉ pense
que « à un moment, il faut prendre partie. Nous avons pris
celui de rééquilibrer, de changer la société
plutôt que de nous acharner sur les hommes. Nous voulons
décloisonner la société, donner la parole à
l'opposition mais aussi aux ONG, aux femmes, à tous les secteurs exclus
des médias officiels »80(*). Cet argument est celui que défend Tidiane
KASSE81(*), ancien
directeur de publication de Walfadjri. Selon lui, les médias
ont boycotté pendant longtemps certaines catégories de la
société dont les opposants à qui il fallait laisser
s'exprimer. La preuve : le développement de la presse
indépendante correspond à la disparition des organes de partis
qui selon M. KASSE n'avaient plus de raison d'exister. Les journalistes de la
presse indépendante expliquent aussi leur comportement du fait de la non
accessibilité des hommes au pouvoir. Selon Pape Samba KANE
directeur du journal L'Info7, « les difficultés
résident dans l'accès à l'information. Les
ministères par exemple. Jusqu'à présent, la tendance
consistant à considérer la presse comme source de problème
persiste »82(*).
Ces difficultés sont toujours d'actualité. D'ailleurs, lors d'une
rencontre en octobre 2001 à Mbour (à peu prés à 100
Km de Dakar), initiée par le ministre de la communication de
l'époque réunissant le SYNPICS (Syndicat des professionnels de
l'information et de la communication), le HCA (Haut conseil de l'audiovisuel)
et le CRED (Conseil pour le respect de l'éthique et de la
déontologie), les participants avaient demandé à l'Etat
sénégalais un traitement sur un même pied de tous les
organes de presse. Ils ont alerté l'Etat sur l'accès aux
institutions qui doit être facilité aussi bien aux organes de
presse publics que privés83(*).
Tout en acceptant être plus proches des
« frustrés » et des
« insatisfaits », les journalistes n'admettent pas pour
autant le terme péjoratif de presse d'opposition. Ils se
définissent plutôt comme des « sentinelles de la
démocratie »84(*), ils parlent de contre-pouvoir. Pour Abdou-Latif
COULIBALY, journaliste au Sud Quotidien : « ma
mission, c'est de regarder ce que fait le pouvoir, de l'analyser, de le
critiquer pour que les citoyens aient une grille de lecture lisible de ce qui
se passe. Si cela peut être considéré comme une
opposition, je l'assume»85(*). M. COULIBALY ajoute qu'il est normal que les
journalistes critiquent les hommes au pouvoir puisqu'eux, sont jugés sur
leurs projets, leurs actions, ce qui n'est pas le cas pour les autres. Une
telle vision du journalisme fait penser à la notion de quatrième
pouvoir. Celle-ci consiste à conférer aux journalistes un pouvoir
inhérent au contrôle des trois autres pouvoirs que sont
l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Chargé
d'éclairer les citoyens sur les décisions et les actes des
gouvernants, il revient aussi au journaliste de relayer les doutes, les
angoisses et les doléances des gouvernés. Il a un rôle de
représentant du public auprès des détenteurs de pouvoir
afin que ces derniers rendent des comptes relatifs à l'accomplissement
des devoirs et des responsabilités conférées par la
société. Marc-François BERNIER parle d'un
« contrat social »86(*) qui lie les journalistes aux citoyens. Par sa mission
d'information pédagogique des citoyens, de contrôle des
gouvernants de manière à susciter le débat, le journaliste
acquiert un rôle d'arbitre, de « chien de garde de la
démocratie »87(*). Certains poussent plus loin et parlent de
« celui par qui la justice arrive quand le système a
failli »88(*).
Selon Arnaud MERCIER : « une démocratie ne peut se
concevoir sans l'existence d'un espace public dans lequel les journalistes
jouent évidemment un rôle majeur »89(*).
Sur ce point, il est intéressant de voir comment le
contexte a évolué au Sénégal. Dans les
années 1970, on se rappelle de cette boutade de L.-S. SENGHOR qui
rappelait à ceux qui ne le sauraient pas encore qu' « il
n'existe pas, dans notre vie politique de quatrième pouvoir, qui serait
le « pouvoir journalistique » et qui ferait régner
sa loi, pour ne pas dire sa terreur par le chantage à la délation
et à la calomnie»90(*). Fin 1980, A. DIOUF son successeur instaure le
libéralisme médiatique et, en quelque sorte, il en sera la
principale victime lors de l'élection présidentielle de 2000. A.
WADE l'actuel président ne peut éluder ce qui, à ses yeux
est devenu une réalité. Lors d'un débat
radio-télévisée le 9 décembre 2000, il affirme
« nous n'avons pas créé le concept de quatrième
pouvoir, mais il correspond bien à notre réalité (...) Je
considère que la presse est tellement puissante qu'il faut la
réglementer »91(*).
L'Etat sénégalais ne serait peut être pas
disposé à se présenter devant un miroir qui le
représente souvent sous ses traits les moins avantageux. Quant aux
journalistes, la frustration née de la distance et de l'animosité
que les gouvernants ont à leur égard pourrait en faire des
éléments incontrôlables. Ils en sont d'ailleurs conscients
puisque dès les premières années de la
libéralisation, M. KASSE, le rédacteur en chef de
Walfadjri disait « si la conscience du devoir d'informer et la
liberté devenue effective d'informer ont donné une presse qui
passe pour un des piliers de l'édifice démocratique dans nos
Etats, cela ne mène pas toujours au triomphe du bien. On peut faire plus
mal encore en usant de cette liberté »92(*). Dans son devoir d'informer,
la presse dite people est confrontée à un défi de
tout autre ordre, celui de vouloir faire du profit en bousculant un conformisme
consacré par une société pudique qui a ses faiblesses mais
semble ne pas vouloir qu'on les narre.
III Essai de
dépassement du conformisme social
Le pluralisme et la liberté d'informer qui en est un
corollaire donnent, en principe, la possibilité au journaliste d'aborder
sans restriction toute sorte de sujets pouvant interpeller l'opinion. Sauf
à répondre aux principes éthiques d'une
société, la liberté du journaliste doit triompher face
à toute tentative de restriction. Or, la société
sénégalaise dans laquelle la religion et les pratiques
traditionnelles occupent une place prépondérante est
restée très conservatrice. La prudence des journalistes à
l'égard de sujets tels que l'Islam et les marabouts en est une
illustration. Ces sujets restent occultés, sinon abordées
prudemment par la presse sénégalaise. Le rôle de la presse
ne doit-il pas aussi être celui de bouleverser certains tabous et
certaines tares de la société ?
C'est le créneau que semble avoir investi la presse
people dans une société confrontée aux mutations
d'un monde moderne. Le problème que pose la modernité, c'est de
ne parfois pas être en conformité avec les exigences d'une
société traditionnelle empreinte de religiosité. En cela,
le paradoxe ou l'hypocrisie d'un pays comme le Sénégal, c'est de
vouloir être ouvert, en même temps résolument
renfermé sur ses « valeurs ». Au
Sénégal, on regarde avec intérêt des séries
américaines, brésiliennes... dont le contenu ne reflète en
rien le mode de vie des Sénégalais. En revanche, un
téléfilm national qui ose mettre en dérision des imams
volages et irresponsables soulève un énorme scandale. Des films
érotiques à la limite de la pornographie sont diffusés
à des heures de grande audience par des chaînes
étrangères tandis que dans une production nationale, montrer une
femme nue provoque un débat houleux. Tout porte à croire que le
peuple sénégalais si pur, si angélique regardait de
manière exotique une bassesse et une décadence qui ne peuvent se
produire que sous d'autres cieux. Selon Georges BALANDIER, « les
sociétés ne sont jamais ce qu'elles paraissent être. Elles
s'expriment à deux niveaux au moins ; l'un superficiel
présente les structures officielles si l'on peut dire ; l'autre, profond
assure l'accès aux rapports réels les plus fondamentaux et aux
pratiques révélatrices de la dynamique du système
social.»93(*). Cette
citation s'applique à merveille au cas du Sénégal. Etant
des révélateurs d'une société en profonde
évolution, les journaux people ont tout simplement voulu
montrer la face cachée du Sénégal en abordant des sujets
susceptibles d'intéresser le public.
Dans leur volonté de révolutionner le paysage
médiatique sénégalais, les nouveaux venus abordent sans
tabou des sujets comme les histoires d'incestes, d'adultères, de
mondanités qui ont désormais « droit au
chapitre ». Pour atteindre cet objectif, ils ont misé sur le
sensationnel, le pittoresque, l'insolite, le romanesque... Cela se traduit par
une titraille « des plus graveleux si elle ne frise pas
l'érotisme »94(*) pour ce qui concerne Le Tract.
Quant à l'hebdomadaire Moeurs, les faits qui y sont
rapportés ayant rapport avec les histoires de sexe sont d'une
précision qui frôle la pornographie. Selon Babacar DIOP
« ce journal met à nu la société en parlant de
sexe comme on en a jamais fait dans un journal
sénégalais »95(*). C'est donc avec des articles descriptifs faisant la
part belle aux détails et à la précision que les
journalistes essaient de captiver le lecteur. Outre la mise en scène qui
ferait passer le journaliste comme un témoin oculaire de ce qu'il
avance, il y a aussi un autre élément qui mérite
d'être signalé. C'est la manière sordide et la
crudité du style utilisé au mépris des règles de
bienséance. Quelques exemples relevés à la lecture de
Moeurs peuvent l'illustrer : « la moitié d'un
bébé de sept mois jeté dans la maison d'Astou
Fall », « X surpris entrain de frotter son `bangala' sur
le...d'une gamine de quatre ans » ou encore « un visage
pâle de 60 ans se faisait lécher la... par un enfant de quinze
ans », « Mariam s'agrippe au...de Ousmane »,
« les échanges très cul...turels d'un couple
mixte ». Nous avons bien sûr eu la commodité d'omettre
volontairement certains mots. Ce qui peut être déconseillé
pour la rigueur scientifique de ce travail. Mais ce choix
délibéré se justifie par un souci de vouloir montrer qu'il
est possible de suggérer l'indicible, l'innommable. Pour ne pas choquer
ou heurter certaines âmes sensibles, la langue offre une multitude de
procédés comme l'ellipse, la suggestion, l'euphémisme, la
périphrase... Ces subtilités de langage, les journalistes n'en
ont que faire puisque leurs lecteurs, à en croire la courbe ascendante
de leur vente, apprécient leur audace et leur liberté de ton.
Le public semble donc apprécier cette nouvelle presse
malgré son impertinence et ses écarts de langage. Elle lui permet
pour pas cher de se délecter « d'histoires de fesses et de
sang »96(*). N'y
aurait-il pas dans ce regain d'intérêt des lecteurs pour cette
presse une manière pour eux de s'identifier aux gens qui font la
Une de ces journaux ? Si on se réfère à la
troisième fonction que peut remplir la presse selon STOETZEL, on est
tenté de répondre par l'affirmative. A la lecture de certains
articles, on peut ainsi dire que les lecteurs vivent par procuration des vies
extraordinaires, ce que leur interdit leur existence modeste, souvent morne et
monotone. Selon Alain AGBOTON, enseignant au CESTI : « plus la
presse populaire exploite les faits divers, plus elle se `rapproche du
peuple'...Il n'y a dès lors, qu'une purgation des pulsions individuelles
et collectives »97(*) conclut-il.
Certains spécialistes de la vie médiatique
sénégalaise crient au scandale et taxent la nouvelle presse de
jeter l'opprobre sur toute la profession. Selon Dominique MENDY, enseignant au
CESTI, dans cette presse, « il y a souvent un amalgame entre
faits-divers et médiocrité »98(*). Il reproche aux
journalistes de mettre l'accent moins sur les faits que sur la manière
dont ils sont restitués. Il dénonce aussi le caractère
commercial d'une presse qui fait vendre en exploitant la misère humaine.
« Ce qui est récusé dit-il et qui trouble, c'est cette
propension à s'appesantir sur les faiblesses humaines, à
étaler au grand jour les vices et les tares de l'homme afin de flatter
ses instincts et parvenir à vendre un produit »99(*). L'autre ennui avec cette
presse, c'est le manque d'attachement de certains de ces animateurs à la
vérité, une vertu cardinale du journalisme. Selon Modou Mamoune
FAYE du Soleil « un certain nombre de faits rapportés
dans les pages de quelques journaux dits à scandale ne relèvent
parfois que de l'imagination fertile de leurs auteurs. »100(*)
Dans cette partie, nous retiendrons que le
Sénégal a bénéficié d'une longue tradition
de presse. Le pluralisme devenu effectif à la fin des années 1980
s'est très vite consolidé dans les années 1990. Avec
l'avènement de nouveaux journaux indépendants du pouvoir
étatique, la vision monolithique de l'actualité incarnée
par le quotidien gouvernemental cède la place à l'explosion d'une
expression plurielle. Encadrés dans un contexte plus ou moins favorable
à leur épanouissement, les journaux indépendants essaient
de jouer le rôle qui leur sied comme dans toute démocratie. En se
voulant relais des tensions populaires incarnées par les partis
d'opposition, la presse indépendante se voit taxer de presse d'opinion.
Quant à la nouvelle venue, elle a voulu exploiter un créneau
jusqu'ici non exploité (ou d'une autre manière) par les journaux
précédents. Elle se caractérise par son audace en abordant
des sujets ayant trait aux histoires de sexe, de faits-divers, de
mondanités dans une société où règne le
conformisme social. Le contexte dans lequel elles évoluent montre que
ces deux types de presse ne sont pas exempts de dérives, de manquements
à certains principes éthiques qui régissent la
profession.
DÉRIVES DES
JOURNALISTES OU TENTATIVES DE MUSELLEMENT DES
« PUISSANTS » ?
« Si la conscience du devoir d'informer et la
liberté devenue
effective d'informer ont donné une presse qui passe pour
un
des piliers de l'édifice démocratique dans nos
Etats, cela ne
mène pas toujours au triomphe du bien. On peut faire plus
mal encore en usant de cette liberté »
Mouhamadou Tidiane KASSE,
journaliste, Institut PANOS, Ne tirez pas sur les
Médias, Harmattan, Paris 1996
Quelques précisions s'imposent avant d'aborder les
« manquements » aux principes éthiques dont les
journalistes seraient responsables. L'élaboration d'une recherche sur le
thème choisi aurait été moins fastidieuse et surtout plus
fructueuse si nous avions été sur le terrain. La consultation sur
place des articles concernés et la rencontre avec les principaux
instigateurs auraient été très bénéfiques.
Mais grâce aux technologies de l'information et de la communication
(certains journaux sont disponibles sur Internet), ces difficultés ont
été en partie balayées. Ayant de toute façon
l'ambition de mener des études ultérieures beaucoup plus
approfondies dans le domaine, nous ne prétendons pas pour le moment
à l'exhaustivité. Nous ne retiendrons donc ici que les faits
marquants de par l'intérêt que les observateurs et les
professionnels eux-mêmes leur ont accordé.
Dérives ou pas, certains événements qui
se sont produits ces dernières années ont interpellé les
observateurs du paysage médiatique sénégalais. Concernant
la presse indépendante dite sérieuse ce n'est pas vraiment une
nouveauté. L'affaire Sud-CSS (compagnie sucrière
sénégalaise) de 1996 est là pour nous le rappeler. Cet
épisode avait fait couler beaucoup d'encre et de salive. A cette
époque la presse indépendante fut accusée par le pouvoir
étatique d'être devenue très puissante, incapable de
s'autoréguler ce qui pourrait mener à toutes sortes de
dérives. Quant aux journalistes, ils se sont naturellement
ralliés à leurs confrères de Sud
Quotidien dénonçant de concert une entrave à la
liberté de presse. Par contre ce qui peut porter un intérêt
particulier concernant les dérives ou les manquements aux principes
éthiques c'est cette nouvelle presse dite populaire qui, en quelques
années a battu tous les records de par le nombre d'affaires
portées devant les tribunaux. Pour ce qui est du quotidien
gouvernemental, après l'alternance, le peuple sénégalais
était dans le droit d'attendre de Abdoulaye WADE qu'il supprime ou
privatise Le Soleil, média public mais au service du
parti au pouvoir. Ce journal qui lui avait causé tant de mal alors qu'il
était dans l'opposition, il semble s'en accommoder aujourd'hui qu'il est
arrivé au pouvoir.
Comme base de notre analyse, nous nous sommes
référés aux travaux de Laurence BARDIN101(*). Selon elle, l'analyse de
contenu s'organise autour de trois pôles chronologiques que sont la
pré-analyse, l'exploitation du matériel et le traitement des
résultats. La première phase nous amènera à relever
quelques « dérives » des journalistes. La
deuxième phase sera pour nous l'occasion de nous interroger sur
l'explication de ces dérives. Enfin la dernière phase consistera
à voir la position des journalistes et les conséquences de ces
« dérapages » sur la profession.
Inventaire de quelques
« manquements » à l'éthique et à la
déontologie
Nous allons tenter de relever les événements
susceptibles de donner un aperçu général des entraves aux
principes d'éthique dont les journaux sénégalais seraient
responsables. Selon Laurence BARDIN, la pré-analyse suppose un
choix des documents à analyser selon quatre règles :
l'exhaustivité, la représentativité,
l'homogénéité, la pertinence. Pour des raisons que nous
avons déjà évoquées nous avons choisi la
dernière tout en prenant en compte la mise en garde de Laurence
BARDIN : « les documents doivent être adéquats
comme source d'information pour correspondre à l'objectif qui suscite
l'analyse »102(*).Sans tarder, nous nous intéresserons d'abord
à l'autocensure des journalistes du Soleil avant d'aborder
« le parti pris » de la presse indépendante dite
sérieuse. Nous terminerons par « les risques du
métier » de la presse people qui, incontestablement
remporte la palme d'or des procès en tout genre.
I L'autocensure des
journalistes du Soleil
Les reproches faits au quotidien Le Soleil
sont inhérents à son statut de quotidien gouvernemental qui
altère sa neutralité. Ce journal est comme une sorte de
journal interne (à l'échelle nationale) qui assure le relais
entre gouvernants et gouvernés. Ses journalistes donnent une vision
unilatérale de l'information qui doit, à tout pris adopter le
point de vue des gouvernants. N'est-ce pas là une aliénation de
leur liberté, principe fondateur du journalisme dans toute
démocratie ?
Jadis, les journalistes des médias d'Etat
étaient amenés à oeuvrer pour « l'union
nationale », ou encore « l'intégration
nationale ». Il faut reconnaître que juste après les
indépendances, la construction du pays supposait la participation de
toutes les forces vives de la nation. Cette urgence expliquait la dimension
éducative des médias (particulièrement la radio et la
télévision). A la fin des années 1960 une émission
comme « disoo » (débats) donnait la parole au monde
rural. En 1963, le président SENGHOR en accord avec l'UNESCO,
lançait la télévision qu'il voulait exclusivement
éducative. D'après les ordonnances du 31 octobre 1960, un des
premiers textes réglementant les médias, les journalistes sont
considérés « avant tout comme des patriotes au service
de l'idéal et des objectifs définis par la constitution de la
République »103(*). Pas étonnant qu'à cette époque
on ne puisse pas parler d'une quelconque emprise de la presse, à
fortiori de quatrième pouvoir que SENGHOR récusait d'ailleurs.
De nos jours, seules les appellations ont changé mais
les pratiques restent en conformité avec celles d'il y a quarante cinq
ans. Les médias d'Etat deviennent des « médias
publics » tandis que le terme « journalisme de
développement » est supplanté par celui jugé
plus approprié de « journalisme de service public ».
Aux journalistes de ces médias, l'Etat fourni presque toutes les
informations nationales par le biais de la Présidence, des
Ministères, des services publics et parapublics. Ces informations se
manifestent sous forme de comptes rendus de réunions, d'annonces de
communiqués, de décisions : politiques ou économiques
et même, parfois, de demandes de reportages. Les instances
gouvernementales sont dotées de service de communication ou
d'attachés de presse véritables relais entre l'Etat et la presse.
Pour diffuser des informations, l'Etat dispose aussi de L'APS (agence de presse
sénégalaise). Créée en 1959, cette agence est une
propriété de l'Etat sénégalais, elle est
financée par ce dernier par des subventions en plus des ressources
perçues des abonnés (la presse indépendante
sénégalaise et la presse internationale). Dans l'article 3 de
l'ordonnance n°59-054 instituant sa création, il est dit que
«la tutelle de l'agence est confiée au ministre de la
communication »104(*). Son directeur est nommé par décret
sur proposition du ministre de tutelle (article 6). L'agence compte une
vingtaine de journalistes inévitablement fonctionnaires comme les
journalistes du Soleil. Même si dans les textes, sa
neutralité est affirmée105(*), cela ne se traduit pas vraiment dans la
pratique.
Etre journaliste dans les médias d'Etat suppose une
totale compromission, une adhésion à la politique du gouvernement
qu'il ne faut pas remettre en question. Cette règle doit être
observée pour quiconque veut garder son travail, évoluer dans la
profession, sous peine de sanctions immédiates. Cela fut le cas pour un
journaliste présentateur du journal télévisé de 20
heures dans les années 1980.Au Sénégal, la règle
veut que le journal télévisé commence par une lecture de
la feuille d'audience du chef de l'Etat. C'est une occasion de rappeler les
activités du Président avec une présentation des audiences
accordées à diverses personnalités. Après avoir
observé la sacro-sainte règle d'usage, le présentateur eut
l'outrecuidance d'introduire les autres titres du journal par la phrase
suivante : « passons maintenant aux choses
sérieuses ». Du côté de la Présidence on
prit mal cet affront, c'était comme si les activités du chef de
l'Etat étaient d'importance moindre et ne devaient pas toujours faire
les premiers titres du journal télévisé. L'issue de cette
affaire était prévisible, le journaliste fut immédiatement
démis de ses fonctions de présentateur. Il n'a pas
été « viré », mais
rétrogradé dans d'autres services de la RTS où il n'eut
plus l'occasion d'afficher ouvertement « sa position »
anti-gouvernementale. C'était du temps du régime du PS (au
pouvoir entre 1960 et 2000), les pratiques de l'actuel gouvernement semblent
avoir épousé la même logique. En août 2002, Matar
Sylla, nommé après l'alternance de 2000 a été
démis de ses fonctions de directeur de la RTS par le président
WADE. L'explication est simple, il lui serait reproché une gestion de la
RTS non-conforme avec les exigences d'un pouvoir qui voudrait tout
contrôler.
Pour ce qui est du média qui nous intéresse
particulièrement, la démission du directeur du Soleil au
lendemain de la défaite de DIOUF montre, comme nous l'avons
souligné, une complicité entre les deux hommes. La couverture de
la campagne électorale fut marquée par une prise de position
manifeste du quotidien national car les journalistes souhaitaient la
réélection de l'homme qui les faisait vivre. L'ancien
rédacteur en chef du journal ne le nie pas. « En tirant le
bilan de la campagne, on s'est rendu compte que c'était
indépendant de notre volonté dans la mesure où il y a un
contrôle politique. Lequel a pris le dessus sur notre
professionnalisme »106(*) reconnaît Elhadj Bachir SOW. Avec
l'arrivée de l'opposition au pouvoir, la situation n'a guère
changé. Ce qui a changé, c'est l'équipe dirigeante du
Soleil, mais la ligne éditoriale reste la même. Une
analyse d'un échantillon de quelques numéros que nous avons
consultés montre une grande importance d'articles consacrés au
chef de l'Etat et à ses ministres. Paradoxalement, celui qui disait ne
pas aimé qu'on lui fasse des « éloges
dithyrambiques à longueur de colonnes» semble bien
apprécié sont statut de nouvelle star du quotidien national.
Dans un article publié à l'occasion du quatrième
anniversaire de l'alternance, le 19 mars 2004, WADE y est
présenté comme « un président énergique
et visionnaire ». Celui qui, « en amenant le PDS au
pouvoir, en formant une nouvelle élite pour gouverner à ses
côtés le Sénégal... a rendu crédible le PDS
qui, qu'on le veuille ou non, est devenu un véritable parti de
gouvernement qui enrichit l'échiquier politique du vieux pays de
Léopold-Sédar SENGHOR »107(*).
Pourtant, les journalistes de la presse publique
bénéficient, au même titre que leurs confrères de la
presse indépendante de la liberté de mener des enquêtes sur
n'importe quels sujets. Mais pour des raisons déjà
évoquées, ils préfèrent volontairement en occulter
quelques-uns pour ne pas heurter la sensibilité du « grand
patron ». Parmi eux, il y a ceux qui s'accommodent de cette situation
de compromission et de soumission. Il y a ceux qui, avec le pluralisme quittent
le quotidien gouvernemental pour les médias privés plus
indépendants. Il y a aussi ceux qui restent tout en collaborant (parfois
anonymement) avec les journaux indépendants dans lesquels ils
écrivent des articles. Cela fut le cas de Mame Less CAMARA qui signait
avec un pseudonyme des chroniques pour le journal Walfadjri alors
qu'il était un des journalistes vedettes de la RTS.
En définitive, on peut retenir que l'autocensure
constitue la principale source de dérives des journalistes du
Soleil. Contrairement aux journalistes de la presse
indépendante, les affaires de dérives concernant Le
Soleil sont rarement amenées devant la justice. Pour des
raisons que nous évoquerons plus tard, les principaux plaignants en
matière de délits de presse se trouvent être les dirigeants
politiques qui ne sont pas écorchés par les journalistes des
médias publics. Quant aux journalistes de la presse indépendante,
il semblerait qu'ils abusent de cette liberté, ce qui expliquerait leurs
dérives que nous allons aborder dans la partie suivante.
II Traitement tendancieux
de l'information des journaux indépendants ?
En général, les reproches formulés
à l'égard de la presse indépendante c'est une couverture
tendancieuse de l'information au grand dam du gouvernement. Cette presse est
accusée de fustiger le gouvernement en donnant la parole à
des «opposants au discours violent, discourtois, ou malhonnête...Une
presse qui n'a jamais dit un mot favorable au régime en place, qui ne
lui a jamais reconnu la moindre réalisation positive, mais qui a
toujours été prompte à critiquer, à mettre l'accent
sur le négatif ; une presse des plus
partisanes »108(*). D'autres personnalités souvent proches du
pouvoir se plaignent et se disent victimes de diffamation, d'injures...
En 2001, dans une livraison datée du 9 juillet, le
quotidien Le Matin se saisi d'une affaire mettant en cause
les autorités de la plus grande prison de Dakar. Selon ce journal, le
système de sécurité de la prison centrale de Rebeuss
présenterait « quelques failles ». L'article
mentionne des négligences qui seraient à l'origine de
l'évasion d'un chef de gang. Le journal accuse ouvertement
l'administration pénitentiaire d'être responsable en ayant
facilité l'évasion du détenu. Dans ce même article,
Le Matin rapporte par ailleurs l'indignation de certains
policiers mécontents que l'enquête leur soit soustraite au profit
de la gendarmerie. Des accusations graves qui ont valu à Alioune FALL,
rédacteur en chef du journal une interpellation par la division des
investigations criminelles (DIC) au lendemain de la parution de l'article.
Inculpé pour « diffusion de fausses nouvelles », le
rédacteur en chef est dans l'incapacité de prouver la
véracité de ses allégations. Ce qui lui valu une
condamnation devant le tribunal. Toujours dans le même journal, le 9
avril de la même année, le quotidien donne la parole au maire
(opposition) de Guédiawaye (petite commune de Dakar). Ce dernier s'en
prend au Président WADE ainsi qu'à deux de ses ministres. Le
maire serait en possession de documents « compromettants »
qui mettraient en cause le président et ses ministres.
Dans sa livraison du 10 octobre 2001, le quotidien
L'Info7 mettait en cause le ministère de l'environnement. Dans
l'article incriminé, ce journal accusait le Ministère de vendre
de manière illégale des invitations gratuites pour une
conférence internationale sur la lutte contre la désertification
devant se tenir à Genève. Selon l'article du journal, ces
invitations auraient été vendues pour deux millions cinq cent
mille francs CFA chacune à 40 jeunes au niveau du département. De
son côté, le directeur de cabinet du ministre de la Jeunesse, de
l'Environnement démentait immédiatement ces accusations en
qualifiant ces informations de « fantaisistes habillées par
une volonté inébranlable de nuire »109(*). Convoqué à
s'expliquer devant la police, le directeur de publication et l'auteur de
l'article refusent de révéler leurs sources conformément
à la loi du 22 février 1996. Ils sont relaxés le lendemain
sans que la preuve de leur innocence ou de leur culpabilité ne soit
établie. En janvier 2001, ce journal accusait l'architecte et conseiller
du Président Pierre GOUDIABY ATEPA d'avoir « vendu du vent
à WADE ». L'article reprochait à l'architecte à qui
il a été confié la réalisation d'un édifice
« la Porte du millénium » de profiter de son statut
de conseiller pour gagner ce genre de « marché ». Le
journal de s'interroger si « ... ce dernier peut-il se
prévaloir de son seul titre de conseiller spécial du
président de la République, en plus de l'habit qu'on lui a cousu
sur mesure de haute autorité pour l'embellissement de la Corniche, pour
demander des travaux qui ne rencontrent l'assentiment ni des Travaux publics,
ni des techniciens du ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat
? ». Le quotidien s'appesantit également sur les origines
douteuses du financement qui serait estimé par le promoteur à 450
millions FCFA. L'architecte, qui s'était senti présenté
comme un escroc et un marchand d'illusions, avait vivement réagi en
portant plainte, pour diffamation, contre L'Info 7 et en lui
réclamant, à titre de dommages et intérêts, la somme
de 200 millions de francs.
Le même journal devait comparaître le 22
décembre 2000 suite à une plainte déposée par la
Primature. Pape Samba KANE et Serigne Mansour SARR, respectivement directeur de
publication et auteur des articles incriminés étaient
accusés de diffamation contre un agent dépositaire de
l'autorité de l'Etat, de diffusion de fausses nouvelles et de
diffamation contre l'autorité de l'Etat. Deux articles publiés le
18 décembre 2000, titrés : « Projet de
Constitution, les amendements de la Primature » et « Les
manoeuvres maladroites de l'équipe de Niasse110(*) » sont à
l'origine de cette affaire. Le journal L'Info 7
« révélait » dans ces articles des
amendements prêtés aux services du Premier ministre sur le projet
de la nouvelle Constitution. Le journal Info 7 soutenait que la
Primature avait élaboré un certain nombre d'amendements qui n'ont
pas été retenus par le Président de la République.
Coup de chance pour le journal, lors d'une audience avec les patrons de presse,
les éditeurs, le SYNPICS et le Conseil pour le Respect de l'Ethique et
de la Déontologie (CRED), le Chef de l'Etat, suite à la demande
d'Alpha SALL111(*),
décida la levée de toutes les poursuites engagées par les
pouvoirs publics contre les journalistes.
Dans la même veine contestataire, les quotidiens
Walfadjri et Sud Quotidien se penchent sur l'affaire
Talla SYLLA. Le jeune leader politique aux prises de positions
énergiques est à la tête d'un minuscule parti (Jëf
Jël). Fort en gueule, cet ancien marxiste, peu connu hors du pays, est
sorti de l'anonymat à son corps défendant, devenant
« le symbole de la résistance » contre le
régime de WADE. Dans la nuit du 5 au 6 octobre 2004, des inconnus ont
tenté de l'assassiner. Il sortait du Régal, un restaurant de
Dakar. Violemment frappé à coups de marteau, il avait
été grièvement blessé. Quelques jours plus
tôt, il avait enregistré une cassette audio dans laquelle il
égrenait ses critiques à l'encontre du chef de l'Etat. A noter
qu'en mars 2000, cet « agitateur » avait appelé
à voter pour WADE alors leader de la coalition de l'opposition. Mais il
a très vite pris ses distances. Dès lors, il est devenu un de ses
dénigreurs les plus virulents. Les deux journaux indépendants se
saisissent de cette affaire. Dans une série d'articles ils accusent
ouvertement des partisans du PDS (au pouvoir) d'être responsables des
agressions qui ont valu à M. SYLLA quelques jours d'hospitalisation en
France. Les journalistes vont plus loin en affirmant que les coupables
appartiennent à la garde présidentielle. Convoqués devant
la gendarmerie de Colobane (quartier de Dakar), les directeurs de publication
des deux journaux invoquent la loi du 2 février 1996 qui leur donne la
possibilité de protéger leurs sources. Ils furent donc remis en
liberté.
Cela ne fut pas le cas pour le directeur de publication du
Témoin qui a été condamné le 23 avril 2002
à six mois de prison avec sursis et à cinq millions FCFA d'amende
dans une affaire qui l'opposait à un directeur d'école
privée112(*).
L'hebdomadaire mettait en cause la gestion de cet établissement en
accusant le plaignant d'avoir détourné une somme
considérable. Le Témoin révélait
dans son édition du 1er octobre 2001 que le directeur de cet
établissement était caractérisé par sa «
mauvaise gestion, son copinage et ses injustices au sein de la direction de
l'école... ». Ainsi, dans l'article incriminé, on
pouvait lire que « le chiffre d'affaires faramineux de cette
école, qui est d'un milliard par an, est l'arbre qui cache la
forêt. Cabrita est accusé de mauvaise gestion, de malversations
financières, d'esclavagisme, etc. par des membres du
personnel ». Le journal ajoute que « Victor Emmanuel
Cabrita aurait presque ruiné l'établissement au nez et à
la barbe de l'église catholique (...). Lors de la construction de l'aile
droite du bâtiment B de l'école, M. Cabrita aurait fait une
surfacturation de plus de 70 millions de francs. C'est avec l'argent de cette
surfacturation qu'il aurait construit son château de Toubab
Dialao... ». Le journaliste va plus loin encore en affirmant que ses
interlocuteurs ont réussi à découvrir qu'il a un compte
personnel, ouvert au nom et pour le compte de l'établissement dans les
livres de la BNP (Banque nationale de Paris)... « Ou encore qu'il
avait pris les devants en payant un expert chargé de maquiller les
chiffres incriminés avant l'arrivée des auditeurs... ».
Au tribunal, l'auteur de l'article a expliqué avoir recueilli les
déclarations de responsables syndicaux qui avaient terminé leur
manifestation contre leur patron dans les locaux du journal. Reconnu coupable
pour diffamation par le tribunal, Pape NDIAYE et Mamadou Oumar NDIAYE,
directeur de publication ne seront toutefois pas incarcérés car
leurs avocats avaient interjeté appel. Mais, la décision de
justice a été rendue publique dans les quotidiens
«Sud», «Le Soleil»,
«WalFadjri» et «Le Matin»
conformément aux voeux du tribunal.
Le même journal avait été
traîné une fois de plus devant les tribunaux en septembre 2001 par
Oumar NDIAYE, l'ancien directeur de la Loterie nationale
sénégalaise (LONASE). L'hebdomadaire avait, dans sa livraison du
2 septembre 2001 présenté le plaignant comme un dirigeant qui,
lorsqu'il avait en charge la LONASE, a fait fi de toutes les règles de
rigueur, de probité, d'orthodoxie financière et de transparence
pendant sa gestion de la société nationale. Le
Témoin l'accusait d'avoir ordonné le remboursement de la
facture du téléphone cellulaire de son fils qui s'élevait
à 1.109.000 francs CFA alors que celui-ci n'avait rien à voir
avec la LONASE. D'après le journal, il aurait aussi signé un
contrat publicitaire de 80 millions de francs avec la RTS, donné un
cachet de 5 millions de francs et une enveloppe de 10 millions au musicien
Youssou NDOUR pour le lancement de nouveaux produits de la Loterie nationale.
Et à en croire Papa NDIAYE, l'auteur de l'article, les largesses du
Colonel ne se sont pas arrêtées là, puisque d'autres
artistes en auraient bénéficié. Ces accusations n'ont pas
été prouvées et l'hebdomadaire fut condamné par le
tribunal correctionnel de Dakar pour « diffamation » et
« diffusion de fausses nouvelles ».
En juillet 2003, Abdou Latif COULIBALY, journaliste au
Sud Quotidien publie un livre intitulé : Wade
un opposant au pouvoir : l'alternance piégée. L'ouvrage
du journaliste décrit en termes impitoyables le caractère
« clientéliste », « ultra
personnaliste » du nouveau régime et son
« amateurisme ». Déçu par l'Alternance,
Abdoul Latif COULIBALY dénonce « la centralité
qu'Abdoulaye WADE s'est octroyé, politiquement et constitutionnellement,
dans son parti comme dans le dispositif étatique »113(*). Il analyse la
« très haute idée » que le Président
se fait de lui-même, ne prenant pas en compte l'avis de ses conseillers,
ainsi que sa « volonté de se donner les moyens politiques et
matériels de bâtir un parti de pouvoir fort qui assure sa
prochaine réélection. Quitte à s'entourer de ministres
incompétents mais serviles ». Dans un chapitre intitulé
« Monarchie contrariée », il souligne la place
excessive occupée par la famille proche du Président dans la
conduite des affaires de l'Etat, notamment par son fils Karim. Les tensions
politiques entre le camp des syndicats et ses partenaires d'alternance,
à savoir la presse et les autres partis politiques sont aussi au coeur
de ce pamphlet. Les remaniements ministériels répétitifs
se sont multipliés (quatre en trois ans), ils témoigneraient des
tentatives de contrôle et d'alliance menées par WADE. Selon
l'auteur, ce dernier ne semble pas avoir été capable d'inclure
l'opposition dans la gestion des affaires de l'Etat. Le brûlot a
engendré un véritable scandale politique. Le Président
WADE n'a pas jugé nécessaire de porter l'affaire devant les
tribunaux. Mais son entourage est intervenu à maintes reprises pour
condamner ce qu'il appelle « des accusations sans
fondement ». Mme Aïssatou Kombé NDIAYE114(*) de la cellule initiatives et
stratégies du PDS qualifie le journaliste de Sud
Quotidien de « maître chanteur », de
« colporteur de mauvaises nouvelles ». Par ailleurs, la
militante pense qu'« il s'en est pris à la personne du
Président de la République, sans chercher à accomplir le
devoir de conservation de la crédibilité de la fonction de
journaliste : un bien précieux. Gagner la sympathie des masses
populaires par la démagogie, enfourcher la cause des plus démunis
pour asseoir des intérêts mesquins, c'est là un combat
à jamais perdu, mon cher Latif »115(*) interpelle-elle le directeur
de l'ISSIC. Ce livre a d'ailleurs valu des menaces de mort anonymes à
son auteur. Heureusement, celles ci n'ont pas été suivies
d'effet.
Plus récemment, dans leurs livraisons du 1er
septembre 2004116(*),
Les journaux Le Quotidien et Walfadjri publient dans
une version remaniée une dépêche reçue de la PANA.
Selon cette agence, deux Sénégalais, chauffeurs des journalistes
français (Christian CHESNOT et Georges MALBRUNO) seraient pris en otages
avec eux en Irak. Vu la sensibilité de l'information, les journalistes
auraient dû prendre un minimum de précaution en vérifiant
d'abord les sources et pourquoi pas, prendre une certaine distance au cas
où elles ne seraient pas fiables. Le professionnalisme et surtout
l'expérience des journalistes de Walfadjri ont fait que,
l'article ne porte pas de signature autre que celle de la source (PANA).
Toutefois, à la « Une » du journal, il est
titré en gros caractères « Deux
Sénégalais enlevés en Irak ». Pas de point
d'interrogation, donc aucun élément pouvant -à priori-
empêcher au titre de sonner comme une affirmation. Quant au journal
Le Quotidien, il prend la liberté (en citant toutefois
la source) d'attribuer la paternité de l'article à un journaliste
de la rédaction. Ce dernier se permet des railleries à l'endroit
du gouvernement. Dans un papier d'accompagnement titré « les
autorités sénégalaises prises de court », le
journaliste présente l'Etat comme peu soucieux du sort de ces deux
citoyens dont il ignore la captivité et qui peuvent à tout moment
tomber sous les balles de leurs ravisseurs. Tard dans la matinée, les
radios privées vont démentir l'information, mais le coup
était déjà parti. Les numéros de ce jour se sont
vendus comme des petits pains mais on imagine que les familles
sénégalaises qui avaient des proches en Irak ont connu une des
plus grosses frayeurs de leur vie. Malheureusement, les impératifs de la
presse écrite ne permettent pas une rectification immédiate d'une
information fausse comme à la radio ou à la
télévision. La nouvelle sur le rapt des deux
Sénégalais n'a été rectifiée par les
journaux que le lendemain. En quelques lignes, les quotidiens s'excusent
auprès de leurs lecteurs qui étaient nombreux à avoir
acheté les numéros de la veille.
Une affaire pour le moins surprenante a opposé l'ex
ministre de la communication du gouvernement de DIOUF au journal Le
Messager117(*).
Dans un article publié le 29 octobre 2004 titré : «
Complot contre la République. Réunions chez Aïssata Tall
Sall. C'est Dansoko qui devait être tué », le journal
accusait l'ancienne ministre de planifier l'assassinat du leader du Parti de
l'Indépendance et du Travail (PIT). On pouvait y lire, entre autres :
« la réunion s'est tenue lundi aux environs de 20 heures 30. Le
domicile de madame Aïssata Tall Sall en a servi de cadre. Le sujet
était brûlant. Le scénario à mettre en oeuvre devait
aboutir à un assassinat physique. La victime devait être Amath
Dansoko, le secrétaire général du Parti de
l'indépendance et du Travail (P.I.T). Le crime devrait ensuite
être mis sur le compte du régime... Le mobile en serait que
Dansoko s'est montré tellement virulent vis-à-vis de Wade, ces
derniers jours, que la seule présidence de la République devait
avoir des raisons de se débarrasser d'un opposant aussi intraitable
». En guise de conclusion, le journal ajoute : « la
moralité d'un tel complot, c'est qu'il existe une race de
Sénégalais qui ne reculerait devant absolument rien pour
(re)venir au pouvoir. Y compris mettre leur pays en péril. Il y a aussi
ceux pour qui aucun sacrifice n'est de trop si, au bout du compte, cela peut
permettre d'assister à la disparition de Wade comme président de
la République et aussi sa traduction devant le tribunal de l'histoire...
». Accusations qui font froid dans le dos, et la plaignante a
naturellement porté l'affaire devant le tribunal en réclamant au
journal la somme de 500 millions FCFA en guise de réparation. De son
côté, la défense eut apparemment toutes les
difficultés du monde à produire les preuves dans les dix jours
qui lui été fixés pour le faire118(*). Dès lors, le verdict
était prévisible, le 8 février 2005, le tribunal
correctionnel de Dakar condamna Le Messager a payé
à Mme SALL la somme de trois millions FCFA119(*). Une peine de six mois de
prison avec sursis fut également infligée au journaliste auteur
de l'article et au directeur de publication du journal.
Les affaires relatées ici montrent l'antagonisme qui
existe entre les journalistes et le pouvoir gouvernemental. Toutefois, elles
trouvent souvent un épilogue avant d'accéder au tribunal, soit
avec l'abandon des plaignants qui trouvent des moyens de s'arranger avec les
journalistes, soit sous la couverture de la loi du 22 février sur la
protection des sources. Ce constat n'est pas applicable à la presse
people qui a battu tous les records de procès en quelques
années d'existence
.
III La presse people face
aux « risques du métier »
C'est incontestablement avec la presse people qu'on a
connu le plus de procès. « Cette presse, en moins de deux ans
d'existence au Sénégal, a battu tous les records en
matière de procès »120(*). Vu le créneau qu'elle entend investir, ce
record a de beaux jours devant lui. D'autant que la plupart des patrons de
cette nouvelle presse l'attribuent au risque du métier donc normal en
soi.
Intéressons-nous d'abord au journal Frasques
quotidiennes. La rubrique `Fric-Frac' y occupe habituellement deux pages
(6 et 7 en général). Ici, il s'agit principalement de
l'actualité des faits divers, de comptes rendus d'audiences de tribunaux
.... Dans cette rubrique, les titres son évocateurs et donnent
d'emblée une orientation à l'aspect people de ce
journal. Ainsi, on peut lire dans le numéro du lundi 10 septembre
2001 : « La pute est formelle: Khaly Diop et Cogne Diop ont
tiré gratis » ou encore : « Au cours d'un voyage au
septième ciel, le vieillard lubrique passe dans l'autre monde »,
paru dans la livraison du mercredi 2 janvier 2002. Cette titraille a certes un
but incitatif, mais le plus souvent elle n'exagère en rien le contenu de
l'article qui lui est particulièrement fidèle. Pour le montrer,
nous commencerons avec une histoire rapportée par le journal dans son
numéro du 16 juillet 2004. Elle narre les aventures nocturnes d'un
« Monsieur respectable », conseiller dans les hautes
sphères de l'Etat. Alors qu'il rentrait de voyage, ce dernier fut
appelé vers 1 heure du matin par un ami étranger qui était
de passage à Dakar. Un pote de très longue date en escale dans la
capitale sénégalaise qui devait retourner dans son pays mais
tenait à voir son ancien ami avant de prendre l'avion au petit matin.
Rendez-vous fut donc pris dans un repaire de la « jet-set
dakaroise ». Mais les deux amis ignoraient qu'un reporter armé
d'un appareil photo rodait dans les parages et épiait leurs moindres
mouvements. Le lendemain qu'elle n'a été la surprise du
concerné quand il découvrit en pleine page du journal
Frasques, une photo légendée comme suit :
« dokh katt goudi you bagna fègn » (ces noctambules
qui se cachent). Visiblement, le monsieur en question n'avait rien n'à
se reprocher. Mais une photo prise dans ce contexte avec une telle illustration
aurait pu provoquer une scène de ménage. Heureusement pour lui
que sa femme, avertie de sa sortie, avait compris, sinon son mariage aurait pu
être compromis. Soulignons aussi cet article titré «
Woup Satieye ! » (Au voleur !) paru dans le
numéro du jeudi 30 mai 2002 (toujours dans le même journal). Il
relatait l'affaire du vol présumé de bijoux attribué au
footballeur Khalilou Fadiga lors de la dernière coupe du monde en
Corée. La Une est illustrée par la photo du joueur
sénégalais. Le vol n'avait pas encore était prouvé
que le journal s'empressait de présenter « un
coupable ».
Le journal Le Populaire surfe sur la
même vague. La rubrique concernée est appelée Off (qui veut
dire officieux ou off the record). Elle a le même objectif que
celle de Frasques quotidiennes. Un bref survol des titres du journal
montre l'abondance d'articles susceptibles de porter atteinte à la vie
privée des personnes. Par exemple dans un article paru dans le
Populaire du vendredi 2 novembre 2001, le journal titre : «
Abandon du domicile conjugal, Tanor (Ex-ministre d'Etat, ancien directeur de
cabinet du président Abdou Diouf) recherché par sa femme et ses
enfants ». Les histoires de sexe ne sont pas en reste avec des titres
comme : « Attouchements sexuels sur des garçons : un
Français déféré », paru dans le numéro
du mercredi 26 décembre 2001 ;« Inceste à Tamba, un
père de famille engrosse sa fille », paru dans la livraison du
samedi 1er juin 2002. Ces petites histoires dont sont friands la
plupart des lecteurs de ce journal peuvent briser des carrières, noircir
des destins.
Un ministre fraîchement élu en a payé les
frais car lors d'un remaniement ministériel, l'intéressé
fut remercié à cause d'un article paru dans ce journal. Selon
Babacar DIOP121(*),
journaliste à l'APS, le ministre qui n'avait pas l'habitude de
côtoyer les « en haut des en haut » avait dans la
confusion « agrémenté le lait qu'on lui avait servi de
sel et de poivre ». Au cours d'une visite dans un pays
étranger, il se serait comporté de manière indigne d'un
représentant de la République. « Le ministre aurait
versé des larmes malvenues » couvrant ainsi de honte la
délégation dont il faisait partie. La sanction fut sans appel,
nul doute que la « popularisation » de l'affaire en a
été pour quelque chose. C'est du moins l'avis de l'ex-ministre
qui ne manque d'ailleurs pas de lancer : « yeena ma
lor » (vous avez causé ma perte) à un responsable du
journal qu'il croisa quelques jours plus tard. La majeure partie des
procès se solde par une défaite, donc par des peines de prison
(souvent de sursis) et des sanctions financières. En novembre 2000,
Mamadou TALLA l'ancien rédacteur en chef du Populaire a
été condamné à une peine de trois mois avec sursis
et à une amende de 5 millions de FCFA (7600euros) pour une affaire qui
l'opposait au directeur de la SICAP (Société immobilière
du Cap Vert). Dans une de ses livraisons le journal accusait Assane DIAGNE
d'avoir détourné 1 milliard F CFA (1524000 euros). Devant le
tribunal ces accusations se sont révélées fausses. Le
Populaire a perdu aussi d'autres procès notamment avec des hommes
d'affaires, un courtier (2000), avec l'Etat sénégalais. Pour
cette affaire, le journal avait réalisé un dossier sur la
Casamance, les journalistes qui voulaient traiter un sujet sensible sans
preuves tangibles ont été condamnés par la justice.
Le journal Le Tract semble faire du
traitement des hommes politiques un de ses thèmes de
prédilection. A ce propos un événement qui s'est produit
en 2001 mérite d'être rapporté ici. C'était au
lendemain de la déclaration de politique générale de
l'ancien premier ministre. Le 1er août 2001, dans un article
intitulé « Coup de chaud à l'Assemblée nationale : le
Premier ministre se dévoile », le journal Tract
publie un photomontage de la ministre. Celle-ci y est présentée
avec un corps de mannequin vêtu d'une tenue de plage. Dans un article non
signé, le journal avait annoncé, à sa manière,
cette première sortie à l'Assemblée nationale de Mme Mame
Madior BOYE. Ce qui, dans le contexte sénégalais constitue un
affront qui provoqua un scandale. Le même jour, tous les exemplaires du
journal sont confisqués tandis que le rédacteur en chef, le
directeur de publication et l'infographiste sont interpellés par la
police. En l'absence de plainte, ils furent remis en liberté le
lendemain. La réaction de la profession a été très
mitigée, condamnant cette dérive notoire sans cautionner la
procédure d'incarcération des journalistes et la confiscation de
l'ordinateur. Le SYNPICS s'était refusé à cautionner ce
photomontage. Interviewé par Le Soleil122(*), le secrétaire
général du syndicat avait affirmé que :
« toute la profession est interpellée. Et elle se doit de
réagir vigoureusement pour que pareille situation ne se reproduise
plus ». Toutefois, le syndicat avait exprimé son
« désaccord » avec cette procédure
d'incarcération et de confiscation de l'ordinateur au regard des «
textes liberticides en ce qui concerne les délits de presse ».
Selon le SYNPICS, cette procédure se caractérise d'abord par la
possibilité d'atteinte immédiate à la liberté des
journalistes, à travers notamment les tracasseries policières, la
garde-à-vue, les intimidations. En janvier 2002, le ministre
déposa une plainte et les journalistes furent poursuivis pour
« injures à un membre du gouvernement et diffusion de fausses
nouvelles avec utilisation de pièces fabriquées ». Au
final, cette affaire ne déboucha sur aucune condamnation. Le 15
février 2002, l'ordinateur confisqué par la police sera
restitué et la plainte du Ministre certainement retiré
grâce à l'intervention du SYNPICS et de l'ONG française
Reporters sans frontières. Le Tract a eu d'autres
procès dont nous ignorons les issues avec un avocat (Massokhna KANE), un
homme d'affaires très puissant (Baba DIAW)...
L'hebdomadaire Moeurs est sans doute le journal qui
s'est le plus illustré de par son audace. Au mépris de toutes
conventions sociales ou religieuses, la pornographie prend le pas sur
l'érotisme dans certains articles. La rubrique qui nous interpelle est
appelée « Tout nice ». Elle occupe la page trois de
l'hebdomadaire et parle de sexe comme aucun journal n'en a jamais osé au
Sénégal. En plus de l'étalage de la vie privée des
`acteurs' de cette presse, leur anonymat n'est pas préservé comme
nous le montre ces titres : « Modou Ngom surpris en pleins
ébats avec son aînesse », paru dans le numéro du 5 au
11 mars 2001, ou encore : « Pour un coït et se remplir les
poches, Rama et Léna Fall Diagne enterrent leur mari vivant » paru
dans la livraison du lundi 8 au 15 juillet 2001. Le journal a d'autres
rubriques (Humours, et Coule Fine) lui permettant de fouiller dans la vie des
hommes publics. Dans sa livraison du 11 au 17 août 2003 l'hebdomadaire
s'en prend à un avocat du nom de Elhadj Diouf. L'article est
titré « un hypocrite de la conviction ». Selon le
plaignant, Moeurs a utilisé des mots injurieux, l'hebdomadaire
lui reproche aussi, entre autres griefs, d'avoir défendu l'ancien chef
de l'Etat tchadien Hissène Habré. Nous ignorons l'issue de cette
affaire. Dans sa livraison du 25 juin 2001, le journal faisait état du
divorce du Maire de Rufisque pour cause d'adultère. L'hebdomadaire
titrait à la Une : « Jack, le chérif de Rufisque
répudie sa femme ». La plaignante avait porté l'affaire
devant le tribunal qui condamna le journaliste auteur de l'article et le
directeur de publication à une peine d'emprisonnement ferme de six mois
assortie d'une amende de 1 million de F CFA123(*).Quant à M. DIOP, il avait saisi le Conseil
pour le respect de l'éthique et de la déontologie (CRED) qui
avait d'ailleurs rappelé le journal à l'ordre124(*). En Janvier 2002,
le journal a été suspendu pour trois mois. Pape Daouda SOW, le
directeur de publication fut condamné à purger une peine de 6
mois ferme en prison, assortie d'un mandat de dépôt.
L'hebdomadaire devait payer également la somme de 500.000 francs CFA
à la partie civile. Cette condamnation fait suite à un article
paru dans la livraison numéro 17 du lundi 11 au dimanche 17 juin 2001,
portant la signature de Pape Daouda SOW. À la une de ce numéro,
on pouvait lire en gros caractère rouge : « Deux garces de
même père et mère troublent la quiétude d'un
immeuble à Castors ». Aïda et Mamy Seck les deux
plaignantes ont été nommément ciblées par Pape
Daouda SOW (responsable du journal) qu'elles ont naturellement poursuivi en
justice. Les deux soeurs ont supporté une série d'articles
étalée sur deux mois125(*) qui les accusaient de s'adonner à la
prostitution. Le journal rapportait que les activités des soeurs SECK
empêchaient tout le monde de dormir le soir dans l'immeuble. Au
tribunal126(*), P. D.
SOW soutint que les nuisances qui seraient causées par ces
dernières à leurs co-locataires ont été
rapportées par Cheikh KANDJI, chauffeur chez un distributeur de presse.
Le témoin refusa de cautionner ces accusations et le responsable du
journal fut dans l'incapacité de produire d'autres preuves, il fut
condamné pour diffamation par le tribunal correctionnel de Dakar.
Avec seulement deux années d'existence, Moeurs
détenait déjà le record avec six procès en quarante
numéros127(*). En
août 2002, l'hebdomadaire a perdu un procès qui l'opposait
à une école de tourisme. Poursuivi pour diffamation, Pape Daouda
SOW, un de ses journalistes a été condamné à six
mois de prison avec sursis. Dans cette affaire, tout a commencé par une
lettre ouverte au Premier ministre, mais des plus anonymes parce que
signée tout simplement « Le Collectif des jeunes filles de
l'ENFTF », elle dénonçait « le droit de
cuissage » imposé par certains enseignants aux
étudiantes qui voulaient décrocher leur diplôme de fin
d'études ou tout simplement, passer en classe supérieure. Le
directeur de publication de Moeurs qui en avait reçu une copie,
décide de la publier sans procéder à la moindre
vérification. Lorsqu'ils furent au courant de ces accusations, les
enseignants de l'école envoyèrent une délégation au
journal. Ils voulaient sans doute, répondre à la lettre ouverte
dont ils avaient déjà identifié l'auteur. Pour eux, il
s'agissait de l'ancien directeur des études. Ils
présentèrent leur réponse, accompagnée de la photo
de l'intéressé au responsable du journal. Cette lettre fut
publiée par Pape Daouda SOW. Le problème, c'est qu'elle semble ne
pas obéir aux critères habituels du droit de réponse. On
pouvait y lire ceci : «le pyromane à l'époque,
directeur des études et des stages, organisait, en composant le jury sur
une base `ethniciste' pour faire réussir, chaque année, ses
proches parents aux examens sélectifs de l'ENFTF, offrant un nombre
limité de places aux postulants, tout en se donnant la latitude
d'organiser sa pratique du droit de cuissage (...). N'a-t-il pas
été surpris, dans son bureau, la main profondément
logée entre les cuisses d'une candidate, à la veille des examens
? »128(*).
Après plainte de l'école, Pape Daouda SOW eut toutes les peines
à prouver la provenance de ces deux lettres d'autant que les
enseignants, présents lors de la comparution, ont catégoriquement
nié lui avoir remis quoi que se soit. Manque de chance ou absence de
professionnalisme car cette lettre était encore plus anonyme que la
première, parce que signée tout simplement :
« Amicale des filles unies à l'ENFTF ». Nous pouvons
en conclure que dans cette affaire, Moeurs a privilégié
le sensationnel au lieu de procéder au recoupement et à la
vérification de l'information, ce qui aurait pu éviter ce
dérapage.
C'est la presse people qui détient le record
du nombre de procès. Il semblerait d'ailleurs que les patrons de presse
aient intégré les réparations de leurs dérives dans
leur budget. Très préoccupés d'attirer l'attention de
leurs lecteurs, certains journaux tombent dans l'affabulation s'ils ne publient
pas des informations non vérifiées.
Cela ne souffre d'aucune ambiguïté, la presse
sénégalaise a évolué. Est-ce dans le bon ou le
mauvais sens ? A ce point précis de notre étude, il est peut
être assez tôt pour répondre à cette question. Ce que
nous pouvons avancer par contre, c'est qu'elle est confrontée à
des défis majeurs. Nous avons montré dans ce chapitre comment
l'autocensure des journalistes du Soleil aliénait leur esprit
critique et en faisait des sortes de « griots des temps
modernes » au service du prince dont il faut prêcher à
tout prix « la bonne parole ». Quant aux journalistes de la
presse indépendante dite sérieuse les événements
relevés montrent leur acharnement aux hommes du pouvoir dont ils
semblent hostiles. La presse people aussi paraît surfer sur la
même vague. Mais les journalistes de cette presse n'hésitent pas
à fouiller dans la vie privée d'une personnalité pour
aguicher un lectorat qui en est friand. Dans un cas comme dans l'autre, c'est
bien d'atteintes aux principes fondateurs du bon journalisme dont il s'agit.
Pour mieux apprécier ces dérives, il convient d'en chercher les
causes.
Les principales causes des
dérives
Cette partie correspond à la deuxième phase
d'après le schéma établi par Laurence BARDIN pour
l'analyse de contenu. Nous allons y procéder à une analyse de ce
qui pourrait expliquer les dérapages des journalistes. La
première des causes serait à notre avis l'existence d'un
média public complètement sous influence du gouvernement. Cet
état de fait a, comme conséquence de pousser les journaux
indépendants à jouer les équilibristes d'où la
difficulté pour eux de rester neutres. Le manque de professionnels
qualifiés dans un des métiers les plus ouverts n'est pas sans
incidence sur les dérives notées ces dernières
années. Les patrons des groupes de presse les moins affirmés
recrutent des gens qui n'ont pas suivi une formation parce que ceux qui sortent
des écoles sont moins corvéables et surtout plus exigeants en ce
qui concerne le traitement salarial. La troisième cause relève de
la mauvaise santé financière de la majeure partie des organes de
presse. Face à la faiblesse des recettes publicitaires
presqu'inexistantes, la seule alternative reste la vente au numéro. La
recherche du scoop et des informations alléchantes, avec tout ce que
cela comporte de risque de dérives, deviennent les seules
règles.
I L'existence d'un
quotidien gouvernemental
De l'avis de plusieurs spécialistes, la
libéralisation des médias doit inévitablement
s'accompagner d'une autonomisation totale. Journaux, radios ou
télévisions doivent être à l'abri de toute
influence. Cet idéal n'est pas encore atteint par la démocratie
sénégalaise. La RTS (radio télévision
sénégalaise), sous la coupole de l'Etat, détient toujours
le monopole de l'audiovisuel, les détenteurs de radios doivent payer une
redevance annuelle pour continuer d'émettre129(*). La libéralisation
télévisuelle ne concerne pour le moment que des chaînes
étrangères comme TV5, Canal horizons... La presse écrite
présente un autre visage, le pluralisme est désormais un acquis
incontestable. Mais le quotidien Le Soleil, en partie
financé par le contribuable sénégalais continue de
refléter le point de vu des « dominants ».
Lors de la campagne présidentielle de 2000, sans doute
frustré par une couverture partisane de l'événement, WADE
lançait des phrases du genre : « je n'ai pas besoin d'un
journal qui me ferait des éloges à longueur de
colonnes » ou encore « Le Soleil,
ça ne sert à rien, je le donnerai à la jeunesse
sénégalaise ». C'était avant qu'il
n'accède à la magistrature suprême du pays. Quelques jours
après son élection, alors qu'il recevait l'ensemble des membres
du gouvernement, il invita le ministre de la communication de l'époque
à suspendre la publication du journal « avant
d'aménager les modalités de sa mutation ». Juste
après la défaite de DIOUF, Ibrahima GAYE, le directeur de
publication avait déjà signé son dernier éditorial.
« Cet éditorial, disait-il, est bien évidemment le
dernier. De partager des valeurs, des idées avec l'homme exceptionnel
qu'est Abdou Diouf, naturellement m'oblige à m'effacer avec lui. En
regrettant ce journal qui, on peut le dire, m'a vu naître et auquel je
souhaite tant de bien. »130(*). Pour les journalistes du quotidien gouvernemental,
l'alternance était perçue comme une délivrance. A cette
époque, Djib DIEDHIOU et Modou Mamoune FAYE pensaient que
« rien ne sera plus comme avant. Le Soleil n'aura
plus de pesanteur dans la ligne rédactionnelle »131(*). Du côté de la
presse privée, on est solidaire avec ses confrères et on
écarte toute idée de suppression du quotidien national.
« Laisser briller Le Soleil » titrait
l'éditorialiste du Matin Babacar SECK le 6 avril 2000. De son
côté, Mansour KANE de Dakar Soir dans un article
publié le 7 avril pensait que : « aujourd'hui que
l'opposition longtemps brimée est arrivée au pouvoir, il ne
s'agit peut être pas de jeter le bébé avec l'eau de bain et
de faire table rase sur le capital que peuvent constituer les archives du
Soleil ou l'expression de ses agents ». Ont-ils
été entendus par le Président pour que ce dernier change
finalement de position ? Nous ne pouvons répondre à cette
question. En revanche, nous avons relever quelques éléments qui,
à notre avis ont peut être eu une certaine influence sur la
décision finale de Abdoulaye WADE.
En effet, les premiers jours de la présidence de
Abdoulaye WADE ont été marqués par quelques maladresses et
balbutiements. Dès son arrivée au pouvoir, il voulut mener
à terme un projet qui lui tenait à coeur depuis de très
longues années. L'exploitation du fleuve Sénégal,
frontière avec la Mauritanie pourrait donner au peuple environnant
l'opportunité de faire des cultures de décrues. Ce projet
appelé « revitalisation des vallées
fossiles » consistait en une mise en place d'un vaste plan
d'irrigation à partir du fleuve Sénégal. La Mauritanie
également riveraine craignait de voir sa principale source en eau douce
s'évaporer dans le désert au profit des Sénégalais.
Le président mauritanien, Maouia Sid Ahmed Ould TAYA ne tarda pas
à montrer sa désapprobation. Une mésentente au bord de la
rupture des liens diplomatiques opposa les deux hommes. Autre affaire ;
des rumeurs circulent et voudraient que le président cap verdien Nino
VIERA, son homologue gambien Yaya DJAMMEH et les leaders du MFDC (Mouvement des
forces démocratiques de la Casamance) passent un accord. On parle d'une
confédération qui regrouperait les deux pays et la Casamance
après que cette région soit libérée du joug
sénégalais. WADE envoie Idrissa SECK, son ministre d'Etat en
France, il a pour mission d'aller chercher des armes. Les explications de M.
SECK sont simples : le Sénégal doit se défendre
contre toute tentative d'attaques extérieures.
Dans cette affaire comme dans l'autre, la situation va
progressivement se normaliser. A. WADE finit par renoncer à son projet
de revitalisation des vallées fossiles tandis que le président
gambien rend visite à son homologue sénégalais pour lever
toute ambiguïté. Ce qui est intéressant pour nous c'est
évidemment la manière dont ces deux affaires ont
été traitées par la presse. Le Soleil
qui est encore empreint d'une tradition de compromission est moins critique.
Quant aux journaux indépendants, ils signent la rupture d'avec l'ancien
leader de l'opposition en s'en prenant de manière virulente à sa
politique. Certains journalistes parlent d'un gouvernement d'amateurs tandis
que d'autres l'accusent de tâtonner et d'improviser. La destitution de
Mme Tissa MBENGUE fraîchement nommée ministre de
l'éducation fut une nouvelle occasion de fustiger le nouveau
gouvernement. Visiblement entre A. WADE et « son
alliée », le divorce était consommé. Cette
situation semble ne pas être étrangère à sa
décision finale. Contre toute attente, Le Soleil n'a
donc finalement pas été supprimé par le nouveau
président.
Selon le journaliste du quotidien gouvernemental Amadou FALL,
« le bon sens a rapidement triomphé, sur le fond d'une
meilleure connaissance et approche des réalités
intrinsèques du quotidien national. Et il n'a plus été
question de coucher Le Soleil »132(*). Il est vrai que supprimer
ce journal du paysage médiatique sénégalais reviendrait
à condamner près de deux cents pères et mères de
familles au chômage. Alors que ceux-ci ne devaient en aucune
manière être sanctionnés « en victimes
expiatoires pour des `fautes' qui, s'il en était, devaient être
imputées au système tel qu'il fonctionnait et était
entretenu, plutôt qu'à des hommes et des femmes tenus, avec ou
sans leur consentement, d'en respecter les principes et les
règles »133(*). C'est la principale raison invoquée par le
président WADE. Qu'en est-il alors de cette
« mutation » qu'il avait promise ? A en croire M.
FALL, le journal d'Etat a « poursuivi sa mutation pour plus de
couleurs et d'éclat dans la liberté d'informer juste et vrai,
avec des journalistes qui n'ont jamais demandé autre chose que cela.
Le Soleil est aujourd'hui nettement plus à l'aise dans
le paysage médiatique sénégalais ». Il affirme
que le journal est plus proche du peuple parce que
« véhiculant une information plurielle, non partisane et
reflétant les préoccupations internes et externes de tous les
Sénégalais, à quelque bord qu'ils appartiennent, en
étant à un stade on ne peut plus avancé et
décisif ». Le journaliste conclut avec ces termes :
« c'est avec des coudées plus franches que, passés la
peur des premiers jours, il fait opiniâtrement face à une rude
concurrence, gagnant chaque jour en prestance, crédibilité et
audience.». Nous concédons à l'argument selon lequel la
concurrence est devenue très rude, mais nous émettons quelques
réserves sur la crédibilité du journal et les
éventuelles avancées concernant le traitement d'une
« information plurielle » qui donnerait tous ces anciens
exclus « droit au chapitre ». Dans un article134(*) consacré au bilan des
trois années d'alternance, Mamadou SY, journaliste dans un organe
privé (Taxi Le Journal) affirme le contraire. Selon lui, le
gouvernement de l'alternance est caractérisé par son
intolérance et son refus systématique de tout débat
contradictoire, donc profondément hostile à la presse
indépendante. La conséquence de cette situation serait
l'occupation des médias publics par « les nouveaux
maîtres », « au détriment de tout dosage
républicain ». Ce qui, selon lui, explique « les
difficultés des médias du service public à jouer
pleinement leur rôle en matière d'information
plurielle »135(*). M. SY en conclut que « la
télévision nationale, la radio et les organes écrits du
pouvoir vivent donc une épreuve test de leurs capacités à
rompre d'avec l'héritage de l'ancien système
socialiste ». Aujourd'hui, malgré l'alternance politique, on
assiste pratiquement à une reproduction du schéma établi
par le PS (Parti socialiste) depuis les indépendances.
Il ne serait pas malin de ne pas se servir de l'arme de votre
ancien ennemi, surtout si vos anciens alliés deviennent subitement des
ennemis qui veulent votre perte. Le Soleil reste donc un
quotidien gouvernemental. Le changement de régime et la disparition de
l'ancienne équipe dirigeante n'y changeront rien. Son
étatisation, comme nous l'avons montré est incompatible avec
l'indépendance de ses journalistes. En outre, son existence en tant que
« propriété » de l'Etat semble à
l'origine de plusieurs dérives des journalistes de la presse
privée. Ceux-ci essaient de donner une information alternative, une
vision moins officielle qui n'est hélas pas toujours le reflet de la
réalité. Selon Bara DIOUF ancien directeur du journal,
Le Soleil doit être privatisé, c'est la seule
solution. « La disparition du ministère de l'information dans
les grande démocraties devrait entraîner la fin des médias
d'Etat136(*) »
pense-t-il. Il ajoute que l'existence de cet organe de presse dont la ligne
éditoriale est sous l'influence de l'Etat qui nomme son équipe
dirigeante « est une source de manquement à la
déontologie ». Toutefois, nous pouvons opposer à ce point de
vue une interrogation, à savoir si « la plus grande autonomie des
médias publics - éditoriale mais aussi administrative et
financière - ne se solde-t-elle pas par un certain abandon du service
public ? »137(*). Mais, Albert CAMUS, un illustre penseur et
journaliste à la fois ne disait-il pas que « quand la presse
est libre, cela peut être bon ou mauvais mais assurément, sans la
liberté, la presse ne peut être que mauvaise. Pour la presse comme
pour l'homme, la liberté n'offre qu'une chance de devenir meilleur, la
servitude n'est que la certitude de devenir pire »138(*).
En définitive, on retiendra que l'existence du
Soleil comme journal pro-gouvernemental est sans doute l'une des
causes explicatives des dérapages des journalistes. Juste après
son élection, WADE avait lancé un journal : Le Quotidien
de la République. Il était sensé servir de relais
entre le gouvernement, l'administration et les médias. Ce journal n'a
pas pour ambition de remplacer Le Soleil, mais en quelque
sorte de le seconder. Selon, le président, « notre pays peut
se glorifier d'avoir une information plurielle, cependant, l'activité
gouvernementale constitue toujours une zone d'ombre »139(*). C'est dire à combien
les autorités sont encore attachées à leur part des rayons
du Soleil. Mais à côté de l'existence du
Soleil comme source de dérives, il y a un autre
élément qui mériterait que l'on s'y attarde. Pour certains
spécialistes les rédactions seraient assiégées par
des gens venus d'on ne sait d'où et qui seraient responsables de la
plupart des dérapages.
II Le recrutement au
rabais
Selon plusieurs spécialistes, les dérives
notées ces dernières années seraient dues à la
présence dans la profession de gens qui n'y ont pas leur place. Ceux-ci
seraient peu instruits (à peine le bac) et ignoreraient royalement les
règles de base de l'éthique journalistique tels que le
recoupement, la vérification des faits, la distinction entre faits et
commentaires etc.
Au Sénégal, comme un peu partout ailleurs, le
journalisme est l'un des métiers les plus ouverts. N'importe qui peut se
prévaloir du titre de journaliste et obtenir les droits et devoirs y
afférant sans forcément avoir suivi la moindre formation dans le
domaine. Ceci est le fruit d'un des nombreux legs hérités de la
tradition française. On sait qu'en France, à ses débuts le
journalisme n'était pas souvent la seule fonction du journaliste.
D'où la définition du mot à une époque comme
étant celui qui écrit dans un journal. C'est ainsi qu'un
instituteur, un écrivain... pouvait collaborer avec des journaux en y
publiant ses articles. A cette époque l'écriture d'un papier peut
relever d'un engagement idéologique, ou de loisir dilettante et
récréatif mais rarement à but lucratif. C'est à
partir du dix neuvième siècle que la profession a commencé
à être codifiée, avec notamment la fameuse loi du 29
juillet 1881. Aujourd'hui en France, « le journaliste professionnel
est celui qui a pour occupation principale régulière et
rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs
quotidiens ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et
qui en tire le principal de ses ressources »140(*). Cette définition
est, à quelques détails près, semblable à celle de
la loi sénégalaise sur la presse du 22 février 1996.
Celle-ci, en son article 23 définit comme étant
journaliste : « toute personne diplômée d'une
école et exerçant son métier dans le domaine de la
communication, toute personne qui a pour activité principale et
régulière l'exercice de sa profession dans un organe de
communication sociale une école de journalisme, une entreprise ou un
service de presse et en tire le principal de ses ressources ». Tout
compte fait, ces deux définitions font du journalisme un métier
très ouvert, à la différence d'autres comme le barreau, la
médecine ... où on est obligé d'avoir un certain nombre de
diplômes pour pouvoir exercer. Même si au Sénégal il
y a une commission chargée d'établir des cartes professionnelles,
le premier mot (si l'on peut dire) revient aux patrons de presse qui recrutent
les employés de leur choix. Le hic, c'est qu'ils n'ont justement pas
souvent le choix et sont contraints parfois de recruter le premier venu.
En dehors des organes de presse confirmés comme
Le Soleil, Sud et Walfadjri, rares sont les
journaux sénégalais constitués à majorité de
journalistes professionnels. S'ils ne sont pas recrutés « sur
le tas », ils sont souvent des pigistes141(*). Certains d'entre eux ont
à peine le bac, d'autres, crédités d'études
supérieures respectables (souvent littéraires) ont investi le
secteur foisonnant de l'information, à défaut d'avoir mieux dans
une société gangrenée par une conjoncture qui limite
l'accès à l'emploi. Pour cette catégorie, ce n'est pas la
remise en cause de l'instruction dont il s'agit, mais par exemple de l'aptitude
d'une personne ayant suivi des études littéraires -sous
prétexte qu'il a une bonne plume- à diriger la rubrique politique
ou économie d'un journal. Des questions qui auraient
mérité une connaissance pointue dans ces domaines, mais dont elle
n'a que des bribes. Ajouté à cela le manque de connaissance des
règles d'éthique et de déontologie, nous voilà en
présence de tous les ingrédients propices à toutes formes
de dérives. C'est l'avis de Tidiane KASSE, ancien rédacteur en
chef de Walfadjri, il pense que : « l'apprentissage sur
le tas est une des causes de dérapages car, avant de s'aguerrir, la
plupart du temps, sont commis des dégâts qui auraient pu
être évités par quelqu'un ayant suivi une
formation. »142(*). Bara DIOUF pense de la même manière,
l'ancien responsable du Soleil affirme que la floraison de journaux
avec l'ouverture démocratique n'a pas été suivi de
suffisamment de journalistes formés143(*).
Pourtant, ce ne sont pas des journalistes formés qui
manquent actuellement sur le « marché » avec la
confirmation du CESTI (Centre d'études des sciences et techniques de
l'information) comme la plus grande école de journalisme de l'Afrique de
l'Ouest et surtout avec la naissance de l'ISSIC (Institut supérieur des
sciences de l'information et de la communication), première école
privée au Sénégal. Créé en 1965, le CESTI a
formé plusieurs générations de journalistes aussi bien
sénégalais qu'africains de la presse écrite et
audiovisuelle. Profondément en accord avec une société en
pleine mutation, cette école offre un enseignement avec plusieurs
déclinaisons du métier : journalisme politique, sportif,
scientifique, juridique, économique...Quant à l'ISSIC, il fut
créé en 1996 par le groupe Sud-Communication. Tout comme le
CESTI, cet institut offre une formation adaptée à l'exercice du
métier avec des spécialisations aussi diverses que
variées. De toute évidence, il ne manque pas de journalistes bien
formés, mais ceux-ci ne sont pas aussi malléables et
corvéables que la plupart de ceux qui n'ont pas suivi de formation. Les
patrons de presse les trouvent « gourmands » pour ce qui
est du traitement salarial et trop exigeants concernant les conditions de
travail144(*). Pour les
sortants des écoles de journalisme, la durée de la période
d'essai ne peut excéder deux mois. Après le recrutement, ils
perçoivent un salaire au moins équivalent à celui
correspondant au salaire de la fonction publique pour un emploi de même
niveau145(*). Quant aux
journalistes formés sur le tas, la rémunération
« se fait de commun accord avec l'employeur »
jusqu'à la fin de la période fatidique de « formation
théorique et pratique de deux ans consécutifs au sein d'une
rédaction »146(*). C'est dire la vulnérabilité de ces
nouveaux venus mais aussi la tentation qui peut guetter certains patrons de
presse. Vu sa situation, cette catégorie de journalistes est la plus
exposée aux éventuels dérapages. Ils sont plus
répandus dans les journaux people, où « la
dizaine, voire la vingtaine, de journalistes que comptent un journal sont en
majorité des pigistes impécunieux, parce que souvent mal
payés. De là, découle, semble-t-il, leur propension
à céder à une certaine forme de journalisme `alimentaire
et mercenaire', ainsi qu'on le susurre généralement »
rapporte A. AGBOTON147(*). Ces journalistes ignoreraient le plus souvent les
règles de base du journalisme, ils « ont
généralement le baccalauréat ou un niveau correspondant,
poursuit M. AGBOTON, sont formés sur le tas et trahissent par
conséquent, des lacunes qui engendrent, regrette-t-on, des «
écarts parfois graves » aux plans déontologique et
professionnel »148(*). Cette réflexion n'est pas uniquement
applicable aux seuls « journalistes sans formation » mais
également aux jeunes diplômés qui arrivent dans le
métier souvent « la tête pleine de clichés de
preux redresseurs de torts, porte flambeau de la
démocratie »149(*). Toutefois, pour encourager les patrons de presse
à professionnaliser leur personnel, le gouvernement à consacrer
en 2004 les 10% du fonds d'aide à la presse à la formation des
journalistes. Dorénavant, seuls les organes de presse totalisant au
moins 20% de professionnels dans leur rédaction pourront
prétendre à cette aide150(*).
Le recrutement de personnes n'ayant pas la formation requise
est un des facteurs de dérapages. Ce fléau frappe surtout les
journaux à faible budget, les grands groupes tels que
Walfadjri, Sud Quotidien semblent en être
épargnés. Toutefois, même si la formation est une
présomption de professionnalisme, cela n'exclut pas que la jeune recrue
soit victime de quelques atermoiements avant de se coucher dans le moule
établi par les principes déontologiques. Là encore, ce
sont les petites entreprises qui trinquent, les grands groupes recrutent des
journalistes chevronnés qui ont acquis de l'expériences dans
d'autres journaux. Finalement, pour faire du journalisme de qualité, une
bonne santé financière semble inéluctable, mais justement,
la course au profit ne serait-elle pas un autre facteur de
dérives ?
III L'instabilité
financière
Le paysage médiatique sénégalais, comme
d'autres secteurs de la vie publique est frappé par une crise
économique qui, inévitablement a des incidences néfastes
sur le traitement de l'information et l'indépendance de certains
journalistes. Dans un tel contexte, la vérification de l'information
n'est plus la priorité, le publi-reportage, et autres articles
complaisants prennent le dessus sur les papiers d'investigation. « La
qualité de l'information est affectée dès lors que le sens
critique est moins aiguisé. Devant l'appât du gain,
l'éthique et la déontologie deviennent
accessoires »151(*).
Parler des organes de presse comme des entreprises revient
à reconnaître la double dimension qu'ils se sont assignée.
Il y a d'abord le volet service public : le journaliste renseigne, informe
ses concitoyens sur les affaires publiques susceptibles d'avoir un
intérêt pour lui afin qu'il participe au débat de l'espace
public. Ensuite nous avons le volet économique : étant une
entreprise, l'organe de presse aspire à faire du profit ne serait-ce que
pour garder son indépendance, sa neutralité. Selon Henri PIGEAT
« en bonne logique libérale, c'est en assurant son autonomie
économique que le média est véritablement
indépendant de tous les pouvoirs »152(*). Cela peut paraître
paradoxal d'assumer une mission de service public tout en voulant faire du
profit, mais l'exemple du Soleil nous montre le risque de confier les
médias à l'Etat. Dans pareil cas, les journalistes deviennent des
fonctionnaires et adoptent le point de vue de leur employeur. Rien ne garantit
que la vision des gouvernants réponde toujours aux aspirations des
différentes catégories de la population. Le principe de la
démocratie n'est-il pas de céder la voix au peuple, de
transmettre une information plurielle qui soit le reflet de la population dans
toute sa diversité ? D'où l'intérêt du
pluralisme et la gestion des médias par des gens indépendants de
tout pouvoir. On peut penser comme Daniel CORNU que de toute façon
l'indépendance des journalistes n'est pas acquise de toute
évidence. « Leur insertion dans une entreprise les oblige
à un compromis permanent entre l'application des normes
déontologiques et les exigences de l'entreprise »153(*) pense-t-il. Mais un
journaliste consciencieux, mû par une volonté de mener à
bien son travail peut toujours faire valoir la clause de conscience qui lui
permet de quitter un journal tout en touchant ses indemnités de
licenciement si ce dernier change de propriétaire ou de ligne
éditoriale.
Etant une entreprise à but lucratif, l'organe de presse
doit donc faire du profit pour mieux assumer sa mission de service public. Au
Sénégal, en dehors des grands groupes de presse tels que
Walfadjri et Sud, déjà cités
« il n'existe que de petites et moyennes industries de presse, qui
éprouvent beaucoup de difficultés pour
survivre »154(*). Ces difficultés résultent d'un
marché très réduit, 60%155(*) de la population est analphabète, un public
considérable qui est d'ores et déjà exclu. En plus de
cela, les lecteurs de la presse sont concentrés dans les grandes villes,
seuls les « grands journaux » sont accessibles à
l'intérieur du pays. En 2000, le BDA a effectué une enquête
sur le lectorat de la presse sénégalaise156(*). Cette enquête
concernait trois villes : Dakar la capitale (abrite la totalité des
journaux publiés) ; Thiès (située à 60 km de
Dakar, les journaux y sont reçus le jour même) ; Matam
(extrême nord du pays située à 693 km de Dakar, les
journaux y arrivent 24 heures plus tard). Selon ce sondage, 80% des lecteurs de
la presse sont des Dakarois. Seuls 2% des interrogés disent
préférer la presse comme moyen d'information par rapport à
la radio et la télévision. Le taux monte quand même
à 4,6% pour les Dakarois qui ont recours à la presse pour
s'informer.
Les difficultés découlent aussi du pouvoir
d'achat très faible du Sénégalais moyen. Depuis la
dévaluation du FCFA intervenue en 1994, le prix du papier et des autres
matériels ne cesse d'augmenter alors que le salaire des fonctionnaires
reste stable. Un journal a le même coût qu'un repas. Pas
étonnant qu'avec cette fragilité économique le
système d'abonnement soit limité. Seuls quelques services
administratifs et de rares particuliers souscrivent des abonnements. La vente
au numéro reste donc le principal mode de diffusion des journaux.
Sachant qu'un exemplaire peut être lu par une dizaine de
personnes157(*), on
imagine l'écart entre les lecteurs/acheteurs et les
lecteurs/emprunteurs. Il faut noter aussi les différents
intermédiaires qui permettent la diffusion du journal. Du distributeur
agréé au kiosquier ou vendeur à la criée, le
prélèvement peut atteindre jusqu'à 40% du prix du
journal158(*).
Aujourd'hui, la plupart des organes de presse assurent eux-mêmes la
distribution de leurs journaux. Ce qui n'était pas le cas dans les
années 90, le monopole était détenu par ADP (Agence de
distribution de la presse) filiale des NMPP (Nouvelles messageries de presse
parisienne). Un journal comme Sud Quotidien possède sa
propre agence de distribution, le quotidien Walfadjri aussi assure sa
distribution.
C'est donc la conjugaison de plusieurs facteurs qui explique
la faiblesse des revenus des ventes au numéro qu'en est-il de la
publicité ? Dans un pays comme la France, elle peut assurer
jusqu'à 60% des revenus d'un journal159(*). La presse sénégalaise est loin de
cette situation. Au Sénégal, la publicité n'est pas encore
réglementée. Il n'existe pas de grille des prix pour les encarts
publicitaires. Les organes de presse les fixent eux-mêmes, ce qui
provoque une rude concurrence entre les journaux devenus très nombreux
à se partager le gâteau au cours de ces dernières
années. Certains d'entre eux pratiquent le
« dumping » pour exister. Les publicités qu'on lit
dans les pages des journaux privés sont des avis et communiqués,
des faire-part, des publi-reportages...Ces réclames proviennent
principalement des particuliers et des entreprises privées. L'Etat
réserve la primauté de ses annonces au quotidien gouvernemental.
La presse people semble être la principale victime de cette
situation. Selon Babacar DIOP du Soleil « les annonceurs se
font rares et pour certains de ces pourvoyeurs de publicités, la presse
people ne constitue pas un bon support »160(*). C'est également
l'avis de A. AGBOTON qui donne comme principale raison de cette situation son
absence dans les localités de l'intérieur du pays car cette
presse est surtout « dakaro-dakaroise »161(*)
Si la vente au numéro n'est pas fructueuse, les
ressources publicitaires insignifiantes, que reste-il aux organes de presse
pour faire face aux charges (salaires, fiscalités, acquisition de
matériel...) ? Certains d'entre eux comptent beaucoup sur l'aide de
l'Etat. Cette aide à la presse, devenue fond d'appui à la presse,
« dénomination moins négativement
chargée » en 2001, est attribuée chaque année.
En 2004, elle s'élevait à 300 millions de FCFA162(*). Elle doit être
partagée entre une cinquantaine de médias publics et
privés (la radio et la télévision nationale en sont
exclues). Cette aide a doublé après l'alternance. Certains n'ont
pas hésité à attribuer cette hausse à une
façon pour les autorités de récompenser la presse pour
« services rendus ». Conformément à la loi du
22 février 1996, seuls les organes remplissant certains
critères163(*) en
bénéficient. La régularité, la taille, le nombre de
professionnels qui travaillent dans le journal sont autant
d'éléments qui excluent d'avance certains titres de presse. Selon
l'article de Médiafrique, en 2003, « parmi les quarante quatre
médias, dix se sont taillés la part du lion » à
savoir 206 millions de FCFA, les autres se sont partagés le reste. Il
est évident qu'avec des charges très importantes, les journaux ne
peuvent pas combler la totalité de leur dépense avec cette somme.
Mais comme le rappelle l'article de Médiafrique : « une aide,
c'est une aide ; elle sert juste à régler quelques
problèmes et non à résoudre toutes les équations du
monde. Les ressources additionnelles, ce sont les patrons de presse qui doivent
aller les chercher en déployant des... trésors
d'ingéniosité. »164(*)
Les patrons de presse doivent donc jouer des coudes pour
chercher d'autres revenus avec des moyens plus ou moins honnêtes. La
course au scoop, à l'information croustillante devient la seule issue
pour des journaux comme les quotidiens people qui n'ont que la vente
au numéro comme principale source de revenu. Les dérives qui
peuvent en découler ne sont plus imputables à une quelconque
ignorance des règles d'éthique et de déontologie, mais
à un acte délibéré, voulu parce que mûrement
réfléchi. Prenons l'exemple de cet article sur le conseiller
« dans les hautes sphères de l'Etat » paru dans le
quotidien Frasques. La publication de la photo de ce Monsieur n'a sa
justification que parce qu'il est célèbre, occupe une fonction de
responsabilité. Les « frasques » nocturnes d'un tel
dignitaire de la République peuvent intéresser le public. Les
responsables de journaux savent que « ça, c'est de
l'info ». Ce genre de potins, le lecteur en raffole, il ne faut donc
pas lui en priver pour vendre plus. Pape Daouda SOW, directeur de publication
de Moeurs explique que « au début, nous voulions
faire un journal de faits divers, mais après un dossier
réalisé sur le proxénétisme, le public a bien
aimé. Nous ne faisons que suivre la volonté de ce public qui
apprécie bien notre travail »165(*). Et les procès dans
tout ça ? Visiblement, il semble s'y faire au fil du temps. Comme
nous l'avons déjà souligné, ils les attribuent au risque
du métier. En d'autres termes, un journaliste qui fait la couverture
d'une guerre s'expose à la mort, pour celui de la presse people,
ce sont les procès avec tout ce que cela peut induire comme
conséquences sur l'équilibre financier du journal. Ces
procès paraissent donc inévitables, à la limite,
acceptés par les patrons de la presse people. De manière
schématique on peut le résumer ainsi : les patrons de presse
se font de l'argent en exposant la vie privée des personnalités
(avec des moyens souvent pas très catholiques), et ils partagent le
magot avec les plaignants qui les traînent devant les tribunaux.
L'ex-responsable du Populaire, actuel dirigeant de L'Actuel
le reconnaît, il pense que c'est l'étroitesse du marché qui
explique leur croissance. Il explique que « c'est la concurrence qui
nous pousse à nous précipiter alors qu'un peu de recul pourrait
nous préserver de ces procès »166(*). D'ailleurs pour cette
presse, il y a moins de procès qu'il devrait normalement y en avoir.
Entre les rectifications, les droits de réponses et les articles
commandités par les victimes elles-mêmes167(*), peu d'affaires sont
finalement portées devant les tribunaux.
Terminons cette partie par cette citation de Diderot qui
disait : « il est difficile de garder sa dignité quand vos
boyaux crient faim ». Tout cela pour dire que l'indépendance
de certains journalistes peut être entamée par la corruption. Ceci
est dû à leur vulnérabilité qui découle de la
précarité de leur profession qui ne paye pas bien. A cause de la
faiblesse des rémunérations, la corruption est devenue monnaie
courante dans le milieu de la presse. Si certains la lient à une
prétendue coutume africaine qui voudrait que le mieux loti socialement
vienne en aide au plus dépourvu, d'autres ne cachent pas leur
inquiétude et condamnent « le griotisme » de
certains journalistes.168(*) En mai 2002 lors des élections
législatives, le PDS (au pouvoir) avait alloué une enveloppe
considérable aux journalistes chargés d'accompagner le parti pour
couvrir sa campagne169(*). En novembre de la même année, Mamoune
NIASSE, un marabout-homme politique avait par son geste provoqué une
confusion au sein de la corporation. M. NIASSE avait, lors d'une rencontre
publique, annoncé avoir fait un don d'un million de francs CFA aux
journalistes. Ce genre d'actes, rendus publics a provoqué un émoi
au sein de la profession. Le SYNPICS a dénoncé à plusieurs
reprises « une atteinte à la dignité et à la
crédibilité des journalistes »170(*). Mais le plus dangereux
à notre avis, ce sont les tentatives de corruption qui échappent
à une exposition au grand public, c'est-à-dire toutes ces petites
attentions dont peut bénéficier le journaliste au cours d'un
voyage de presse par exemple. Ces petits cadeaux souvent acceptés
peuvent-ils avoir une incidence sur son indépendance? Nous ne pouvons
l'affirmer, mais on peut, comme l'écrit Yacine DIOUF (journaliste au
Matin) se demander si : « après avoir
reçu le titre de transport d'une société ou d'un
organisme, après avoir été logé (dans un
hôtel cinq étoiles) et nourri par cette société ou
cet organisme, après avoir reçu des pots de vin (parfois en
dollars) de cette société ou organisme, le journaliste est-il
libre dans sa relation des faits ? Sa liberté de manoeuvre n'est-elle
pas restreinte ? »171(*). En 2000, A. DIOUF avait revalorisé le
salaire des magistrats, considérant que le traitement de certains
dossiers pourrait exposer ces fonctionnaires à des tentatives de
corruption. « A l'abri de toute tentative de corruption, les
magistrats sont plus objectifs » disait-il. Or, l'objectivité
est peut être l'élément qui unit le plus le magistrat au
journaliste. Ces deux là prétendent à l'objectivité
dans leurs reportages ou délibérations. Nous ne rentrerons pas
dans le vieux débat concernant l'objectivité, à savoir
qu'elle n'existe pas, même si tous les paramètres sont
réunis. Mais nous savons que dans l'exercice de leur profession,
journalistes et magistrats sont tenus d'être honnêtes. Ne pas
être à l'abri du besoin financier ne facilite pas le travail de
personnes qui côtoient des personnalités très puissantes
qui les courtisent, les chouchoutent et parfois les menacent.
En définitive, on note que la principale cause des
dérives est l'instabilité financière de certains organes
de presse. Comme nous l'avons montré les plus grands groupes de presse
semblent être épargnés de ce fléau qui touche
particulièrement les journaux people. Les dérives qui en
résultent sont contrôlées, parfois même voulues. La
course au scoop et à l'information susceptible d'intéresser le
lecteur prend le dessus sur sa vérification. Parfois, celle-ci n'est que
pure invention.
Dans ce chapitre, nous avons tenté de donner une
explication aux « dérapages » notés ces
dernières années dans les journaux sénégalais.
Ainsi, nous avons vu comment le quotidien national en ne donnant qu'une vision
monolithique de l'information contribuait à attiser les flammes de la
presse indépendante accusée de presse d'opposition. L'autre
facteur explicatif des dérives trouve son explication dans
l'incapacité de certains patrons de presse à recruter des
journalistes de qualité. Il faut toutefois relativiser cette cause car
les journalistes formés dans des écoles respectables peuvent
être responsables de quelques dérapages avant de s'aguerrir au
contact des « anciens ». C'est incontestablement
l'instabilité financière de certains organes de presse qui induit
inéluctablement à toutes formes de dérives. Aujourd'hui on
compte une cinquantaine de médias publics et privés
confondus172(*). Tout ce
beau monde se partage un marché très réduit. Que ça
soit la diffusion par numéro, les ressources publicitaires, les aides
à la presse...les grands groupes de presse se taillent la part du lion
tandis que les autres se partagent les miettes. Dans pareille situation, il
n'est pas étonnant que les journalistes soient mal payés donc
potentiellement corruptibles. Toutefois, ceux-ci refusent que ces accusations
soient généralisées à toute la profession, ils
dénoncent un bâillonnement qui les empêcherait de faire
convenablement leur métier.
Journalistes coupables ou
victimes ?
Ce chapitre correspond à la phase
« traitement des résultats et
interprétation » selon L. BARDIN. Ainsi, on peut se demander
si au Sénégal, le journalisme est devenu comme disait Bourdieu
« une profession très puissante, composée d'individus
très fragiles » ?173(*) Vu sa situation actuelle et surtout les
dérives qui ont jalonné son évolution au cours de ces
dernières années, cette question se justifie. A en croire les
professionnels, il n'y a pas péril en la demeure. Les journalistes ne
nient pas toutes les dérives, ils ne les acceptent pas toutes non plus.
Selon eux, elles sont l'oeuvre de « quelques brebis
galeuses » qu'ils ne manquent de rappeler à l'ordre
eux-mêmes dès que l'occasion se présente. Par ailleurs, ils
accusent les autorités d'avoir installé « un
dédale juridique » qui a pour but de les empêcher de
faire convenablement leur travail. Selon eux, les hommes au pouvoir auraient du
mal à s'accommoder d'un contre-pouvoir d'où les nombreuses
affaires de délits de presses portées devant les tribunaux. Nous
allons en premier lieu voir à quel point les affaires de délits
de presse ont secoué toute une profession dernièrement. En
deuxième, nous nous intéresserons à la réaction du
public, il semblerait qu'il soit le seul juge susceptible de trancher.
I Des remous au sein de la
profession
L'objectif de cette partie est de donner la parole aux
professionnels comme cela se fait dans certains journaux en guise de droit de
réponse. Il est important de voir comment eux, ils perçoivent ces
« manquements » à l'éthique et à la
déontologie professionnelle. Nous nous appesantirons
particulièrement sur l'affaire Madiambal DIAGNE qui s'est produite
récemment et qui a le mérite de poser un débat sur une
éventuelle dépénalisation des délits de presse.
A chaque fois qu'une affaire de délit de presse prend
une certaine ampleur et est portée devant les tribunaux, les
journalistes crient à la restriction de la liberté d'expression
aux sources de laquelle se nourrit la liberté de presse. Au
Sénégal, l'affaire qui a le plus marqué les esprits au
cours de ces dernières années fut sans conteste le procès
qui a opposé Sud Quotidien à la CSS (Compagnie
Sucrière Sénégalaise). Les événements se
sont produits en 1996. Dans une série d'articles, le journal accusait la
CSS d'avoir fraudé à la douane du Port de Dakar en
déclarant du sucre brut en provenance du Brésil, alors que la
compagnie sucrière aurait importé du sucre raffiné.
D'après le journal, cela ne serait ni plus ni moins que de la fraude car
en déclarant importer du sucre brut, la CSS aurait
bénéficié illégalement d'une réduction de
taxe. Le verdict du procès fut sans appel. En plus des peines de prison
d'un mois avec sursis infligées aux journalistes, Sud fut
condamné à payer une amende de 500 millions de FCFA à la
CSS. A cette époque, presque toute la presse privée avait
dénoncé ce que ses responsables appelaient le
« bâillonnement de la presse indépendante ».
Selon eux, c'était une manière de mettre en garde les autres
journaux indépendants, d'autant que l'Etat semblait être du
côté de la CSS comme en témoigne la décoration de
Jean-Claude MIMRAN174(*)
(patron de la société) par DIOUF, la veille du jugement.
Depuis lors, d'autres affaires ont eu lieu opposant toujours
les journalistes aux hommes de l'Etat ou aux services qui lui sont proches. Et
à chaque fois, c'est toujours la même chanson ; les hommes de
pouvoir se plaignent d'une liberté excessive donc nocive alors que les
journalistes condamnent une restriction de leur liberté si salutaire
à la démocratie. A cet effet, il nous paraît
intéressant de confronter deux points de vue qui illustrent cette
dichotomie. D'abord les propos de Abdoulaye Ndiaga SYLLA, ancien responsable de
l'UJAO, actuel directeur de publication de Sud Quotidien qui affirme
que « c'est parce qu'il s'accommode mal d'une presse jouant
parfaitement son rôle de vigile que l'Etat patrimonial ne souffre pas la
cohabitation avec des médias qui s'élèvent contre
l'autoritarisme, le népotisme et la corruption »175(*). Ensuite ces propos
laconiques mais qui en disent long de Macky SALL, actuel premier ministre,
« les journalistes ne sont pas au-dessus des
lois »176(*).
Ce débat entretenu par les autorités et les journalistes a connu
un nouveau tournant récemment. Le responsable du journal Le
Quotidien, un des derniers-nés (créé en 2003) de
la presse sénégalaise est à l'origine de ce séisme.
Deux articles publiés respectivement le 23 juin et le 5 juillet 2004 lui
ont valu un séjour à la prison centrale Rebeuss de Dakar. Le
premier papier portait sur le rapport de l'inspection générale
des finances ; un scandale qui avait éclaboussé des dizaines
de douaniers du port de Dakar dont douze ont été placé
sous mandant de dépôt. Dans le deuxième article, il rendait
compte de débats du Conseil supérieur de la magistrature.
L'article rapportait que le président et le Ministre de la Justice,
Serigne DIOP, auraient décidé de muter des juges qui ne
partageaient pas leurs points de vue, décision qui aurait
provoqué la colère au sein du corps judiciaire. L'article citait
comme exemple la décision d'affecter un juge «
suite à un bras de fer qui l'opposait aux autorités de l'Etat
». Le 9 juillet M. DIAGNE est arrêté par la police et
immédiatement incarcéré. Trois chefs d'inculpation sont
retenus contre lui : « publication de correspondances et de
rapport secret du ministre de l'économie et des
finances » ; « diffusion de fausses
nouvelles »; et « diffusion de nouvelles tendant à
causer des troubles politiques graves. »
L'incarcération du journaliste souleva un grand
élan de solidarité au niveau de la profession. Le lendemain de
son arrestation, dans un éditorial titré « tous contre
le monstre », les éditeurs de presse des principaux quotidiens
s'en prennent à l'Etat, ils écrivent que : «le pouvoir
a choisi la stratégie de l'intimidation et l'escalade afin d'installer
la panique dans nos rangs. Cette option bien pensée, savamment
planifiée et froidement exécutée, a pour objectif clair de
semer une honteuse culture d'autocensure dans les
rédactions»177(*). Ils accusaient le pouvoir de vouloir museler la
presse, « la justice prend ainsi sur elle la lourde responsabilité
d'envoyer en prison, un journaliste qui n'a ni désinformé, ni
livré une information explosive à même de saper les
fondements de la société.»1(*). Le 12 juillet, le mouvement se radicalisa, sur les
quatorze quotidiens que comptent le pays, dix respectent l'appel à
« la journée sans presse » en guise de protestation
à la mise sous mandat de dépôt de M. DIAGNE.
Walfadjri fut le seul quotidien privé indépendant
à paraître ce jour là. Les trois autres quotidiens,
à savoir Le Soleil, Scoop et Le
Messager, proches du pouvoir n'ont également pas
respecté le mot d'ordre lancé par les patrons de presse. Dans un
article intitulé « Pourquoi Walf
paraît ? » publié le même jour, le journal
s'explique. Le quotidien rappelle d'abord son attachement à la
liberté d'expression et à celle du journaliste. Il
témoigne aussi un appui sans équivoque à Madiambal DIAGNE.
« Pour autant, et justement parce que notre unique
préoccupation est la libération immédiate et sans
condition de Madiambal Diagne, nous ne saurions nous laisser entraîner
dans d'autres considérations »2(*) rapporte le journal. Walfadjri prend ses
distances par rapport à cette histoire redoutant qu'elle soit
politisée et conclut avec ces termes : « nous estimons
que le combat de la presse dans cette affaire n'est pas politique ».
Tandis que dans les deux autres quotidiens parus c'est le « black
out » total, Le Soleil titrait :
« Affaire Madiambal Diagne, la presse marque sa
solidarité ». Le quotidien gouvernemental donnait la parole au
premier ministre Macky SALL qui rappela que « les journalistes ne
sont pas au dessus des lois ». Quant à Serigne DIOP, garde des
sceaux, ministre de la justice, il parlait de « la garantie de la
sécurité et le respect des lois ».
Les patrons de la presse privée, les éditeurs et
syndicats de journalistes ont été rejoints quelques jours plus
tard par les organisations de défense des droits de l'Homme telles que
le RADDHO (rassemblement africain des droits de l'homme), le C.I.I.S
(Comité d'initiative des intellectuels sénégalais)... Ils
se sont regroupés pour former, le collectif pour la libération de
Madiambal DIAGNE et pour la liberté de la presse au
Sénégal. Leur but était de faire libérer, dans un
premier temps, M. DIAGNE et en deuxième lieu d'obtenir l'abrogation de
l'article 80 du code pénal. En fait, l'arrestation de Madiambal DIAGNE a
été pour les journalistes une occasion de rappeler de vieilles
revendications. Auparavant, en octobre 2003 lors d'un atelier consacré
sur« les pratiques professionnelles et les délits de
presse », organisé par le SYNPICS et le bureau régional
de l'UNESCO, les participants avaient demandé « une
révision des dispositions sur les délits de presse pour les
mettre au niveau de l'évolution démocratique du
Sénégal et des normes internationales »178(*). Selon les journalistes
« les incriminations qui servent de fondement aux poursuites
dirigées contre les journalistes sont tellement nombreuses et souvent
floues que c'est devenu un véritable exploit de publier un article sans
encourir les foudres de la loi pénale, ce qui conduit à la
dénaturation de la loi de la presse »179(*).
Nous ne nous appesantirons pas pour le moment sur ce point
sur lequel nous reviendrons dans la troisième partie de cette
étude. Notons cependant que selon les journalistes, il y aurait un
manque d'harmonisation entre la loi 96-04 du 22 février 1996 et les
codes pénal et de procédure pénale qui datent des
années 1960-1970-1980 et demeurent inchangés. Parmi, les nombreux
articles du code pénal qui constituent « les survivances des
remparts contre la liberté de presse »180(*) figure l'article 80 qui
incrimine toutes « manoeuvres et actes de nature à compromettre la
sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques
graves ». Selon les journalistes, cet article est resté
« creux », « un fourre tout »,
« comme sous tous les cieux de la dictature ». Autre
revendication des journalistes, la protection des sources stipulée par
la loi181(*) mais qu'ils
considèrent souvent violer par les tribunaux. Selon Alpha SALL du
SYNPICS « Le problème repose sur un paradoxe. L'article 80 du
code pénal, qui date de l'époque du parti unique,
considère en résumé les journalistes comme des bandits de
grand chemin. En revanche, il existe une loi spécialement pour les
journalistes qui leur impose de protéger leurs sources quoi qu'il
advienne, même devant le procureur de la République. Par ailleurs,
elle stipule que les journalistes doivent rendre toute information
publique »182(*). L'incarcération de Madiambal DIAGNE a
été donc une occasion de mettre sur la table des
négociations toutes les revendications des journalistes. Ils
continuèrent de militer certes pour la libération de leur
confrère, mais en même temps profitèrent de la situation
pour attirer l'attention de l'Etat et de l'opinion sur une éventuelle
révision des dispositions sur les délits de presse. Acculé
par toutes ces pressions183(*), l'Etat finit par céder d'où la
décision de libérer Madiambal DIAGNE le 26 juillet 2004. Le
directeur de publication du Quotidien en liberté, le
débat sur la dépénalisation des délits de presse
reste toujours d'actualité. Toutefois, le 19 octobre 2004, le
président Abdoulaye WADE avait exprimé son accord suite à
la requête du SYNPICS. Cependant, il avait demandé aux
journalistes et aux organisations syndicales « ce qu'ils proposent de
mettre en place lorsque des propos parus dans les journaux portent atteinte
à une institution nationale ou étrangère ou à
l'honneur d'un citoyen »184(*).
Si l'affaire M. DIAGNE a mobilisé presque tous les gens
de la profession, il n'en est pas de même pour les dérives
notées du côté de la presse populaire. Le moins qu'on
puisse dire, c'est que la floraison de ce genre de presse et les nombreux
dérapages qui s'ensuivent ne sont pas du goût des animateurs de la
presse dite sérieuse. Dans un article publié par le site Internet
de l'agence universitaire de la francophonie (AUF), Alpha SALL,
secrétaire général du SYNPICS n'hésite pas à
les qualifier de « personnages inattendus ». Le syndicat a
d'ailleurs saisi à plusieurs reprises le CRED (Conseil pour le Respect
de l'Ethique et de la Déontologie) se plaignant des dérapages des
nouveaux venus185(*).
Les responsables de la presse dite sérieuse redoutent que ceux-ci
jettent l'opprobre sur la corporation. Selon Elhadj KASSE directeur
général du Soleil, il y a « une
vérité, une règle universelle » qui est la
vérification de l'information que n'observeraient pas certains journaux
people. Il pense que « le caractère populaire de
cette presse ne doit pas lui permettre de faire fi de certaines normes qu'elle
doit respecter, elle aussi. « En donnant certaines informations,
ajoute-t-il, on détruit des familles, des destins individuels. La
seule différence qui doit exister entre les journaux se trouve dans le
style, le ton, bref dans la façon de rendre
l'information »186(*). Quant à Mamadou KOUME de l'APS (Agence
Sénégalaise de Presse), il pense que la responsabilité et
la précision doivent être des vertus cardinales pour le
journaliste, ce qui ne semble pas être le cas pour les animateurs de la
presse people. Mbaye Sidy MBAYE, le porte parole du Conseil pour le
respect de l'éthique et de la déontologie (CRED) attribue les
dérives de cette presse à un manque de rigueur professionnelle et
de rigueur morale. Il s'indigne du fait que ce soit les professionnels
eux-mêmes qui saisissent l'organe de régulation, par le biais du
SYNPICS , pour des problèmes de dérapages. Fait tout
à fait inattendu car, d'habitude ce sont les victimes qui viennent se
plaindre au niveau du CRED. « Cela pose un réel
problème aux plans juridique et
déontologique »187(*) conclut-il.
Les responsables de la presse people eux, tentent de
se défendre comme ils peuvent. Pape Daouda SOW, responsable de
l'hebdomadaire Moeurs ne partage pas l'avis de ses confrères.
« Nous vérifions toutes les informations que nous diffusons...
Je défie quiconque de prouver que ce que nous relatons est sans
fondement. Je connais les règles éthiques et
déontologiques comme tous les autres journalistes. Je n'ignore pas, non
plus, le caractère sacré des faits. On a rien à me
reprocher de ce point de vue-là »188(*) pense-t-il. Même son
de cloche chez les autres responsables des journaux incriminés. Pour
Mohamed Bachir DIOP du Volcan, son journal respecte les normes
d'éthique et de déontologie, « nous mettons en avant le
professionnalisme » affirme-t-il avant d'ajouter que « la
presse populaire est avant tout une presse d'information qui s'adresse au plus
grand nombre. Nous n'irons pas chercher nos informations dans les poubelles ou
dans les caniveaux et n'avons jamais publié quelque chose qui
choque ». L'ancien patron du quotidien Tract, Ibou FALL dit
être peu préoccupé des remarques et complaintes de la
corporation : « le regard des confrères, je m'en bat
l'oeil affirme-t-il. Je me préoccupe plutôt de ce que pensent les
lecteurs qui sont toujours en recherche du sensationnel, du pittoresque, de
l'insolite, du romanesque. »189(*)
La perception que les journalistes ont de ce que nous appelons
dérapages varie en fonction des affaires. Dès qu'un de leur
confrère est mis en cause, leur premier réflexe c'est de le
déculpabiliser en incriminant l'Etat qui serait là, comme une
bête noire, hostile aux critiques d'une presse indépendante qu'ils
accusent de vouloir bâillonner. En revanche, les dérives
concernant la presse people semblent presque unanimement
dénoncées par la profession. Mais, comme dit un ancien proverbe
wolof « sabou dou fot bopam » (nul n'est apte à se
juger soi-même). Selon certains spécialistes, ce privilège
revient au lectorat qui peut manifester son adhésion, ou son
désaccord à un journal en l'adoptant ou en le boycottant.
II Le public seul juge
Dans les pays en voie de développement, le
problème majeur que rencontrent les journaux indépendants est
leur affranchissement par rapport à toutes formes de pouvoirs. Souvent,
certains journalistes (les plus récalcitrants) sont contraints à
l'exil ou à aller calmer leurs ardeurs en prison. Heureusement, ce
constat n'est pas applicable au Sénégal où, malgré
les revendications des journalistes, peu d'entre eux ont été
emprisonnés à des peines fermes. Ils jouissent d'une
liberté les permettant d'enquêter sur toute sorte de sujets
pouvant intéresser le lectorat à qui, ils doivent
forcément rendre des comptes en cas de dérapages.
Avec une autocensure manifeste dans le traitement de
l'information, il n'est pas étonnant que Le Soleil
soit la première victime du boycott du public. Comme nous l'avons
montré dans cette étude, sa reconnaissance comme organe du
parti-Etat s'est accompagnée de la création de journaux à
visée idéologique dans les années 60. Ces derniers ont
d'abord évolué dans un contexte de clandestinité avant
d'être officiellement acceptés par le pouvoir. Dans les
années 1980, avec « l'ouverture
démocratique » et la libéralisation médiatique
qui s'en est suivie, les journaux indépendants ont servi de
réceptacles aux tensions populaires en donnant une vision plurielle des
sensibilités. Ainsi les organes de propagande des partis politiques ont
pratiquement disparu tandis que le lectorat du quotidien gouvernemental ne
cesse de s'émietter. Il est d'ailleurs important de voir comment le
public du Soleil s'est évaporé quelques années
après la libéralisation.
Tableau n°1 : Evolution du lectorat du
Soleil de 1987 à 1992 en %
Lecteurs
|
1987
|
1990
|
1992
|
Total
|
66,6
|
66,9
|
48,3
|
Hier/ ts jrs pour 92
|
26,4
|
21,6
|
16,8
|
Réguliers
|
49,9
|
47,4
|
33,8
|
Source : André-Jean TUDESQ : Feuilles
d'Afrique (1995) , p.246190(*)
-L'enquête de 1987 porte sur Dakar et Pikine (848 pers),
tranche d'âge de 15 ans à plus.
-L'enquête de 1990 porte sur Dakar et Pikine (880 pers),
tranche d'âge 15 ans à plus.
-L'enquête de 1992 porte sur Dakar, Pikine, Rufisque
(1100 pers), même tranche d'âge.
Tableau n°2 : lecteurs des quotidiens à Dakar
en 1995 en %
Lecteurs
|
Le Soleil
|
Sud Quotidien
|
Walfadjri
|
Total
|
57,9
|
48,5
|
45, 3
|
Dans la semaine
|
37,9
|
32,4
|
24,5
|
Source : Sofres Dialogue. Echantillon de 962 personnes,
15 ans à plus.
Tableau n°3 : lecteurs des quotidiens à Dakar en
1999 en %
Lecteurs
|
Le Soleil
|
Sud Quotidien
|
Walfadjri
|
Le Matin
|
Info 7
|
occasionnels
|
45,7
|
52,2
|
36,0
|
29,0
|
23,2
|
Dans la semaine
|
27,4
|
24,1
|
26,1
|
26,4
|
27,1
|
Non lecteurs
|
26,9
|
23,6
|
34,9
|
44,6
|
49,7
|
Source BDA Dakar 1999, échantillon de 1000 pers, Dakar,
Pikine, Rufisque et Bargny.
Le tableau n°1 montre que, malgré une relative
constance du nombre total de lecteurs du quotidien Le Soleil,
le nombre de « lecteurs d'hier » note une régression
considérable entre 1987 et 1990 (26,4 en 1987; 21,6% en 1990). C'est
incontestablement en 1992 avec la confirmation des journaux indépendants
sur la scène médiatique (Sud Magazine,
Cafard Libéré, Walfadjri...) que
l'écart se creuse. Ainsi, si on fait le calcul, on se rend compte
qu'entre 1987 et 1992, Le Soleil perd 18,3% du nombre total
de ses lecteurs, 9,6% de ses lecteurs de « tous les jours »
et 15,1% de ses lecteurs « réguliers ».
Jusqu'en 1995, malgré une constante diminution de ses
lecteurs, Le Soleil garde quand même la première
place dans le classement des quotidiens les plus lus avec 57,9% (Cf. tableau
n°2). Mais la concurrence entre les journaux indépendants devient
rude. L'écart qui le sépare de Sud n'est que de 9,4% et
12% pour le quotidien Walfadjri. Fin des années 1990 (cf.
tableau n°3), les concurrents deviennent de plus en plus nombreux,
Le Soleil semble ne plus briller et perd son
hégémonie. Avec 52,2% des lecteurs réguliers, Sud
Quotidien ravit la place à l'astre national (45,7%).
D'après un sondage commandité en 2001 par le groupe
Walfadjri que nous avons choisi de ne pas citer, Le
Soleil occuperait actuellement la troisième place
derrière les deux quotidiens indépendants.
Il n'y a pas l'ombre d'un doute, au fil des années,
les lecteurs ont tourné le dos au Soleil. La possibilité
de choisir un autre organe de presse est sans doute un élément
déterminant dans ce processus. Mais la désaffection et le boycott
du public sont principalement dus au manque de crédibilité des
journalistes-griots des hommes au pouvoir eux-mêmes
désavoués. Dans la première partie de cette étude,
nous citions A.-J. TUDESQ qui disait que « les médias
gouvernementaux identifient les stratégies de développement avec
la politique gouvernementale et le recours à des formules incantatoires
comme `développement endogène', identité culturelle,
authenticité ne suffit pas à résoudre les problèmes
alors que la réalité les contredit »191(*). Sophie SENGHOR abonde dans
le même sens, elle parle des médias d'Etat comme des organes de
propagande aujourd'hui rejetée : « à l'instar de
l'Etat...les médias d'Etat ont été restreints dans leur
capacité de redistribution, d'où leur contestation par la
société désormais branchée sur une autre
presse »192(*). Ces remarques semblent toujours d'actualité
comme l'a montré l'élection présidentielle de 2000 avec la
défaite du régime socialiste.
L'embarras, c'est de voir cette autre presse elle aussi tomber
dans le discrédit à force de vouloir toujours chercher
« la petite bête » dans le rang des hommes de
pouvoir. Pour le moment, la courbe ascendante de ses ventes en pleine
croissance semble confirmer l'adhésion du public. La vague de
solidarité (avec une mobilisation du forum civil et de simples citoyens)
qui a suivi l'incarcération de M. DIAGNE montre un appui d'une grande
partie de la société. Mais, quelques
« éléments » de cette même
société ne manquent pas de rappeler aux journalistes de la presse
indépendante à l'ordre. Les événements qui se sont
produits à Vélingara (Sud du pays) sont là pour nous le
rappeler. Les correspondants des quotidiens Walfadjri et Sud
Quotidien y ont été agressés par des jeunes
qu'ils disent appartenir au PDS (Parti démocratique
sénégalais, au pouvoir.) Il était reproché aux deux
journalistes de s'acharner sur le parti et de ne parler que des dissensions qui
y existent. Ces actes, certes condamnables dans leur forme, témoignent
de la frustration d'une autre partie de la société qu'il
conviendrait aussi de prendre en considération. Nous souscrivons au
constat selon lequel le journaliste n'est pas celui qui doit faire plaisir
à tout le monde. En revanche, il n'est pas non plus un justicier,
redresseur de torts, prêt à sévir partout où il y a
un problème, y compris là où il n'y en a pas. Ne nous
éloignons pas trop de notre propos, supposons seulement que la
moralisation de la profession passe par la résolution de ce que nous
avons évoqué comme dérives mais aussi par une prise en
compte de toutes les catégories sociales.
Concernant la presse people, il est pour le moment
assez tôt pour établir un bilan. S'il fallait quand même en
faire un, rien de mieux que cette expression « d'attraction
répulsion » que nous empruntons à Boubacar
KANTE193(*) pour montrer
la réaction du public. Il est évident que cette presse est
décriée par une majeure partie de la population, mais
paradoxalement ce rejet ne se manifeste pas au niveau des ventes. Selon un
sondage effectué en décembre 2001 par le BDA que nous citions
dans la première partie, on a montré comment les quatre
mousquetaires (Moeurs, Tract, Le Pop,
Scoop) ont ravi la place aux journaux dits
« sérieux » en quelques années d'existence.
Ces journaux vendent jusqu'à quarante mille exemplaires alors que les
autres atteignent rarement la barre des vingt mille. L'expression
« attraction répulsion » résume l'indignation
que cette presse suscite parce que s'occupant de sujets bas, obscènes,
jugés non-conformes aux valeurs traditionnelles et
l'intérêt que la majeure partie des lecteurs lui porte. Selon M.
DIOP «du côté des lecteurs, on apprécie tout en
faisant grise mine quand les « Bulles », les
« Off », « à l'index »,
« xossi »... écorchent un peu plus que
raison »194(*). Les lecteurs de cette presse sont friands
d'histoires dont la plupart n'aimerait jamais être au coeur de l'action.
Ils lisent passionnément les mondanités de la jet-set dakaroise
en même temps « ils sont écartelés entre le
désir de « paraître » dans la presse et la
crainte des conséquences de voir leur vie privée
étalée au grand jour. »195(*) Dominique MENDY, formateur
au CESTI parle d'effet de mode : « le public sait que sous le
soleil, il n'y a rien de nouveau »196(*) pense-t-il, avant d'ajouter que cette presse ne fera
pas long feu. A l'instar de Dakar Soir qui n'aura connu que
trois années d'existence avant de disparaître « faute de
moyens, d'appui et d'annonceurs ». A noter que six titres de cette
presse (La Nouvelle, L'Evénement du Soir, Le Volcan, La Pointe,
Terminal, Tract) ont disparu du paysage médiatique
sénégalais en l'espace d'un an197(*), mais on peut penser comme Khoudia DIOP que de toute
façon : « cette situation concerne aussi bien la presse
populaire que les autres types de journaux »198(*). Toujours est-il qu'en mars
2004, Moeurs leur emboîtait le pas. Sur proposition du ministre
de l'Information, Mamadou DIOP "Decroix", le ministre de l'Intérieur et
des Collectivités locales a interdit (par arrêté)
« la parution, la distribution et la vente » de cet
hebdomadaire sur l'ensemble du territoire national. La principale raison
invoquée par les autorités est que Moeurs
« participe à la perversion de la jeunesse du
pays », car son contenu ne reflète pas « les valeurs
de la société sénégalaise »199(*)
Quant aux associations religieuses, très enclines au
respect des normes sociales et à la préservation des moeurs,
elles se sont toujours faites entendre lorsqu'elles en ont senti la
nécessité. Suite à une photo parue dans Le
Tract du vendredi 12 octobre 2000, l'Union des Maîtres et
Elèves Coraniques du Sénégal (UMECS), qui revendique
l'adhésion de plus de 400 « daaras » (écoles
coraniques), avait décidé de traduire en justice ce quotidien
pour « diffusion de photos pornographiques » et
« incitation à la débauche et offense à l'image
de l'Islam »200(*). Selon les membres de l'UMECS, la photo
« blasphématoire » démontrerait les positions
humiliantes du journal vis-à-vis de certains symboles de l'Islam et est
considérée comme une offense à cette religion. L'UMECS
avait sommé le journal « de ne pas récidiver tout en
invitant les autorités à assumer pleinement leurs
responsabilités face à cette dérive notoire».
Néanmoins, si la religion n'est pas nommément attaquée,
les réactions de la plupart des associations religieuses concernent plus
les auteurs des forfaits que les rapporteurs. Elles considèrent le
foisonnement de la presse people comme une conséquence du
débridement des moeurs des Sénégalais, les journalistes ne
seraient pour eux que des témoins d'une
« société en décadence ». Ainsi en
2000, lorsque l'hebdomadaire Le Témoin rapporte dans
une de ses livraisons la tenue de soirées très spéciales
à Mboro (à 50 Km de Dakar) où des concours du
« sexe le mieux entretenu » était organisés
par une boîte de nuit, une ONG islamique (Jamra) avait porté
l'affaire devant les tribunaux. L'action en justice n'était pas
intentée contre le journal, mais contre l'organisateur et
propriétaire de la boîte de nuit.
L'adhésion ou la désaffection du public se fait
eu égard à ses attentes combinées au contenu du
média. Au fil des années, Le Soleil dont le
contenu ne reflétait plus les intérêts de la majeure partie
de la population a vu le nombre de ses lecteurs baissé
considérablement. Quant aux journaux indépendants, ils n'ont pas
encore été atteints par ce syndrome. La presse people
dont l'existence ne date que de quelques années est à la fois
décriée mais consommée par le public.
Dans cette deuxième partie, nous avons montré
que les dérives n'ont pas manqué au cours de ces dernières
années. Malgré l'avènement de l'alternance politique,
Le Soleil reste encore un média gouvernemental
chapeauté par l'Etat qui influe sur sa ligne éditoriale. Ce parti
pris manifeste serait l'une des causes des dérives notées au sein
des journaux indépendants qui tombent dans le travers en voulant jouer
les équilibristes. La presse people qui se veut
révolutionnaire jette en pâture la vie privée des
célébrités à un public qui rechigne mais consomme
sans modération. Ce qui lui vaut le record en terme de procès.
Parallèlement à l'existence d'un média d'Etat comme cause,
nous avons noté que le manque de personnel qualifié et surtout
l'instabilité financière de certains organes de presse ne sont
pas étrangers à ces dérapages. Toutefois les journalistes
se disent victimes d'un « dédale juridique » qui les
empêcherait de faire convenablement leur travail. Par contre, ils
n'hésitent par à condamner « les personnages
inattendus » qui tentent de se défendre comme ils peuvent.
Pour le moment, leur audace et leur impertinence n'ont pas été
sanctionnées par le public. C'est également le cas pour les
journaux indépendants dits sérieux tandis que le quotidien
gouvernemental semble actuellement payer les frais de sa partialité.
Mais, en plus du public comme moyen pour conserver une presse de
qualité, d'autres éléments telles que la loi et la
déontologie professionnelle interviennent comme procédé
d'encadrement de la liberté du journaliste. Il convient donc de voir
comment ces mécanismes de régulation accompagnent la pratique du
métier.
DES MOYENS DE REGULATON A
REDEFINIR
« l'activité des médias repose sur le
principe de la liberté
d'expression qui ne se divise pas, s'encadre
difficilement et s'affaiblit vite devant des
limites trop rigoureuses ».
Henri PIGEAT, Médias et déontologie :
règles du jeu ou jeu sans règles, PUF, Paris,1997, p. 4
Les mécanismes de régulation de la profession de
journalisme s'inspirent des plus grands textes internationaux qui
régissent la profession. Dès son apparition au
Sénégal, la presse a plus ou moins bénéficié
de l'application de la loi française du 29 juillet 1881. Mais elle n'a
été réellement effective qu'en 1946201(*). En dehors de quelques
décrets et ordonnances portant sur le statut du journaliste, le statut
de la commission de presse et de la carte d'identité
professionnelle202(*),
elle fut la principale et unique loi à encadrer le métier jusque
dans les années 1970. La première loi votée par le
parlement sénégalais fut celle du 11 avril 1979. Encore
appelée code de la presse, cette loi renforça pendant des
années le contrôle des médias en neutralisant certains
acquis. Toutefois, elle connut quelques modifications en 1986 avant
d'être complètement remplacée par la loi du 22
février 1996 jugée plus appropriée à
l'évolution démocratique du Sénégal. A
côté de cette loi mise en place par l'Etat pour accompagner la
pratique du métier, les journalistes, par le biais d'un syndicat
(SYNPICS) qui regroupe aussi bien des salariés du public que du
privé ont mis en place une sorte de tribunal interne. Le CRED (Conseil
pour le respect de l'éthique et la déontologie) a pour but de
sanctionner ceux des confrères qui auraient failli à leur mission
d'informer juste et vrai. Cette partie sera pour nous l'occasion d'aborder les
lois mises en place par l'Etat pour un meilleur encadrement. Ensuite nous
montrerons que les professionnels aussi se sont souciés de leur
responsabilité en interne avec la mise sur pied de codes de
déontologie pour certains journaux et avec des organisations syndicales
nationales et internationales, En dernier lieu nous montrerons les limites de
ces mécanismes de régulation, qu'ils soient institutionnels ou
professionnels.
Les moyens de
régulation institutionnels
Nous entendons par moyens de régulation institutionnels
les dispositions relatives à la presse prises par l'Etat pour
réglementer la profession. Comme nous le rappelions tout à
l'heure, la première loi sur la presse fut celle du 11 avril 1979 qui a
été votée à l'assemblée nationale par les
parlementaires. Vu le contexte dans lequel elle a été
adoptée par l'Etat, elle ne pouvait être que restrictive203(*) parce que se souciant plus
de mettre de l'ordre au sein de la profession que de la liberté du
journaliste. Celle qui est actuellement en vigueur s'est davantage
intéressée aux droits du journaliste mais fixe aussi des devoirs
dont la déviance est parfois lourdement sanctionnée par la
justice. Le code pénal aussi relève et fixe des sanctions pour
les délits de presse commis par les journalistes. Outre ces
mécanismes juridiques, il y a également la commission qui
attribue la carte professionnelle et le haut conseil de l'audiovisuel (HCA) qui
est chargé de statuer sur les cas de dérapages des médias,
y compris les journaux de la presse écrite.
I Une loi favorable... s'il
n'y avait pas le code pénal
La pratique du métier de journaliste est
encadrée par une loi votée à l'assemblée nationale
par les députés en 1996 (voir annexe 1). Inspirée de la
loi française de 1881 et des plus grands textes internationaux comme la
déclaration de Munich de 1971, elle est en parfait accord avec le
régime libéral de responsabilité adopté par le
Sénégal.
La loi 96-04 du 22 février 1996 est composée de
trois titres. Le premier traite des organes de communication sociale en
général ainsi que des professionnels y travaillant. Le
deuxième parle des journalistes et des techniciens de la communication.
C'est ici qu'il est défini ce qu'il faut entendre par journaliste, c'est
également là qu'on lui accorde des droits tout en lui fixant des
devoirs qu'il ne faut pas franchir. Enfin, le troisième titre
relève les dispositions pénales prévues comme sanctions
aux manquements des règles établies dans les deux
précédents. Premier constat à la lecture de cette loi,
elle n'est pas restrictive. Elle est même très libérale et
permet une éclosion de la liberté du journaliste tout en lui
fixant des limites proportionnées à l'exercice d'un journalisme
de qualité. Nous avons tenté une comparaison entre les chapitres
1 et 2 du deuxième titre qui traitent des droits et devoirs des
journalistes et la déclaration de Munich204(*). Il faut signaler qu'ils
sont à quelques détails prêts identiques.
Concernant les droits du journaliste, la déclaration de
Munich en a relevé cinq, même son de cloche pour la loi
sénégalaise. L'article 26 de la loi de 1996 garantit la
liberté au journaliste de traiter n'importe quel sujet pouvant
intéresser l'opinion. C'est aussi le premier droit reconnu dans la
déclaration de Munich qui stipule que « les journalistes
revendiquent le libre accès à toutes les sources d'information et
le droit d'enquêter librement sur tous les faits qui conditionne la vie
publique... ». Autre ressemblance entre les deux textes, la fameuse
clause de conscience qui permet au journaliste de quitter un journal si la
ligne éditoriale de ce dernier n'épouse plus son idéal de
journalisme. C'est le deuxième droit garanti par le texte de
Munich : « le journaliste a le droit de refuser toute
subordination qui serait contraire à la ligne générale de
son entreprise, telle qu'elle est déterminée par écrit
dans son contrat d'engagement... ». La loi sénégalaise
donne le droit au journaliste d'invoquer sa clause de conscience comme motif de
son départ. « Dans ce cas, les règles applicables
à la rupture du contrat de travail sont celles qui s'appliqueraient si
la rupture était intervenue à l'initiative de l'employeur s'il
est établi que la clause est invoquée à bon
escient. »205(*) Pour éviter tout malentendu pouvant conduire
à ce que nous venons d'évoquer, les deux textes obligent aux
patrons de presse d'informer les journalistes de toute décision pouvant
affecter la vie de l'entreprise206(*). La différence entre les deux textes
concernant les droits se situe au niveau du dernier point. En effet, la
déclaration de Munich garantit au journaliste le droit « au
bénéfice des conventions collectives », une
rémunération financière suffisante pour assurer
« sa sécurité matérielle et morale ».
Dans la loi sénégalaise aucune allusion à ce sujet,
cependant il est à noter un élément non négligeable
que n'aborde pas le texte de Munich. Dans l'article 30 de la loi de 1996, il
est donné au journaliste le droit, sous sa responsabilité, de
faire appel à une personnalité extérieure capable de
s'exprimer avec des analyses ou des commentaires sur un sujet d'envergure
locale, nationale ou internationale. Toutefois cette personne ne jouit pas des
mêmes garanties que les journalistes et en cas de violation de la loi, il
répondra à titre personnel des accusations qui seront retenues
contre lui.
Les devoirs fixés par les deux textes sont
également à peu près les mêmes. Ils sont au nombre
de dix dans le texte de Munich, neuf pour ce qui concerne la loi
sénégalaise de 1996. Au rang des premières
recommandations, on trouve le respect de la vérité:
« quelqu'en puissent être les conséquences pour
lui-même, et ce, en raison du droit que le public à de
connaître » selon le texte de Munich. A cet effet la loi
sénégalaise oblige le journaliste de faire la différence
entre l'information du commentaire et de la critique. Obligation lui est aussi
faite de ne « publier que des informations vérifiées,
ou, au contraire, les accompagner des réserves qui
s'imposent. »207(*) Par ailleurs, il lui est recommandé de ne pas
pratiquer de rétention d'information, de ne pas dénaturer les
documents et textes qui présentent les faits encore moins d'user de
méthodes déloyales pour les obtenir. Si une information
publiée dans un journal se révèle fausse, le journaliste
est tenu de la rectifier et de s'excuser auprès des lecteurs. Le respect
de la vie privée du citoyen est également un principe que
défendent les deux textes. La loi sénégalaise est plus
précise à ce niveau, elle ajoute que le respect de la vie
privée des personnes doit être effective « dès
lors que celle-ci n'interfère pas avec les charges publiques dont les
dites personnes sont ou prétendent être
investies »208(*). Autre point de convergence entre les deux
textes ; la protection des sources. Contrairement à ce que beaucoup
de gens pensent, ce n'est pas un droit, mais un devoir imposé au
journaliste. Le journalisme n'est d'ailleurs pas le seul métier à
être astreint à ce genre de principe déontologique. On peut
notamment penser aux avocats et aux médecins qui ont aussi des
règles de ce genre pour moraliser leur profession. Le journaliste est
donc tenu à la réserve, dans certains cas, « il ne doit
pas divulguer les sources d'informations obtenues
confidentiellement » selon l'article 35 de la loi de 1996. Toutefois,
il peut révéler sa source à son supérieur
hiérarchique si ce dernier est comme lui, lié au secret
professionnel (par exemple, le directeur de publication). Une autre
interdiction cruciale est abordée par les deux textes. Il s'agit d'une
recommandation condamnant la calomnie, le plagiat, la diffamation, les
accusations sans fondement...Il est également rappelé au
journaliste de ne pas confondre son métier avec celui du publicitaire et
du propagandiste. Il doit donc avoir un regard impartial pour ne pas dire
objectif. Pour cela, il ne doit recevoir de consignes de qui que ce soit car,
il ne doit pas confondre son métier d'informateur avec celui de
communicateur. Il est donc exclu qu'il accepte des directives autres que celles
de ses responsables. Celles émanant des annonceurs sont
complètement à bannir, assène la loi
sénégalaise, conformément à la déclaration
de Munich. En conclusion, ce texte invite tous les journalistes à
observer les principes énoncés : « reconnaissant
le droit en vigueur dans chaque pays, le journaliste n'accepte en
matière d'honneur professionnel, que la juridiction de ses pairs,
à l'exclusion de toute ingérence gouvernementale » (art
10). Cette recommandation ne figure pas dans le texte sénégalais
qui, en revanche, il faut le reconnaître, a ajouté un principe qui
nous paraît important de souligner. Il s'agit du principe de
« la non-discrimination en raison de la race, de l'ethnie, du sexe ou
de l'origine nationale »209(*). Le journaliste doit respecter les convictions
religieuses, politiques, idéologiques du public auquel il s'adresse.
Nous en parlions dans le premier chapitre, outre les
dispositions relatives à la presse, le code pénal et le code de
procédure pénal sénégalais relèvent et
fixent eux aussi les cas de délits de presse ainsi que les sanctions
prévues à cet effet. Ces dispositions pénales traitent
principalement de la diffamation, de l'injure et des propos ou textes pouvant
porter atteinte à la sûreté nationale et à l'ordre
public. Jugées d'un autre temps par les journalistes, elles constituent
le soubassement de la presque quasi-totalité des affaires de
délits de presse. L'article 80210(*) du code pénal fait partie de ce que les
journalistes appellent les « survivances des remparts contre la
liberté de presse ». Il traite des articles susceptibles de
porter atteinte à la sécurité publique et de provoquer des
troubles politiques qui est un délit toujours punissable d'une peine
pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement. La diffusion de
fausses nouvelles, de nouvelles qui encouragent à enfreindre la loi, ou
qui portent atteinte aux institutions publiques ou qui vont à l'encontre
des bonnes moeurs fait également l'objet de sanctions211(*). L'article 254 qui traite de
l'offense au Président de la République est punissable d'une
peine pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement. Selon le code
pénal, tout journaliste auteur d'article incitant à
démoraliser l'armée s'expose à une poursuite
judiciaire212(*).
Concernant les délits d'injures et de diffamation, il semble que les
personnalités publiques soient plus protégées que les
citoyens ordinaires. Les articles 259 et 260 prévoient des peines plus
lourdes que l'article 261 qui traite des violences commises à l'endroit
des particuliers. Ainsi, à l'instar de l'article 254 qui protège
le président, les articles cités donnent une protection
rapprochée aux membres du gouvernement, du parlement, du pouvoir
judiciaire, de l'armée...213(*)
Pour ce qui concerne le code de procédure pénal,
l'article 627 présume d'emblée la mauvaise foi du journaliste. Il
doit, dans l'intervalle d'une dizaine de jours apporter la preuve de ses
allégations sans quoi, il est condamné. Quant au diffamé,
il doit faire attention à ce qu'un vice de forme n'empêche
l'exploitation de l'affaire sur le fond par la justice. Ce qui n'est pas
toujours évident pour le citoyen lambda. C'est peut être pour
cette raison que la plupart des affaires de délits de presse concernent
les hommes publics, plus aguerris et plus aptes à affronter cet arsenal
juridique. D'où la remarque pertinente de G. HESSELING qui pense
que : « le législateur sénégalais ne
souscrit donc pas à la théorie selon laquelle les personnages
« publics » doivent pouvoir supporter une attaque plus
facilement que les particuliers et que ces derniers ont besoin d'une meilleure
protection parce qu'il leur est difficile d'accéder aux médias
pour se défendre »214(*)
Que retenir de cette partie, sinon que la loi actuellement en
vigueur est l'une des meilleures que l'on puisse avoir dans une
démocratie. Quelques réserves que nous aborderons dans la
troisième partie s'imposent toutefois concernant le code pénal et
le code de procédurale pénale. Intéressons-nous maintenant
aux autres mécanismes de régulation institutionnels. Il s'agit de
la commission chargée d'établir les cartes nationales de presse
et du Haut conseil de l'audiovisuel (HCA).
II Deux organisations
étatiques : la commission de la carte et le HCA
Toujours dans le but de moraliser la profession, l'Etat
sénégalais a mis sur pied une commission chargée de
délivrer des cartes de presse aux ayants droits. Dans le chapitre III de
la loi du 22 février 1996 il est dit que « seuls peuvent se
prévaloir des dispositions prises en faveur des journalistes par les
organisations publiques les détenteurs de la carte nationale de
presse » (art 40). En 1998, en remplacement du HCRT (Haut conseil de
la radio et de la télévision),l'Etat mettait sur pied le Haut
conseil de l'audiovisuel, (HCA) qui, entre autres, doit veiller sur le
pluralisme de l'information.
La commission de la carte est composée de six membres
titulaires et de six suppléants. Parmi eux ; un représentant
de l'assemblée nationale, un représentant du ministère de
la communication, un magistrat désigné par la justice, un
représentant du syndicat des professionnels de la communication et deux
représentants des médias: l'un pour les organes privés,
l'autre pour les médias d'Etat. Les membres de la commission doivent
jouir d'une expérience professionnelle de cinq ans (art 43), leur mandat
est de deux ans renouvelables une seule fois. Ils délibèrent
à la majorité et attribuent une carte professionnelle à
ceux qui ont satisfait aux dispositions prévues à l'article 48 de
la même loi. C'est-à-dire que le postulant doit, entre autres,
présenter un extrait de casier judiciaire, une pièce
d'état civil, des photocopies des diplômes obtenus ainsi que tout
autre document pouvant motiver sa demande. Concernant les diplômes,
aucune restriction pour ceux qui n'ont pas fait d'école de journalisme.
Selon l'article 23 de la même loi, est
journaliste : « toute personne diplômée d'une
école de journalisme..., toute personne qui a pour activité
principale et régulière l'exercice de sa profession dans un
organe de communication sociale, une école de journalisme, une
entreprise ou un service de presse, et en tire le principale de ses
ressources ». La seule exigence à notre avis pour obtenir la
carte de presse, c'est d'avoir un emploi permanent et
rémunéré dans le secteur du journalisme. Après
délivrance de la carte professionnelle pour une durée d'un an
(stagiaires) ou trois ans (journalistes), la commission se réserve le
droit de la retirer en cas de violation des lois. Le retrait se fait en
fonction de la gravité des violations, il peut être provisoire ou
définitif conformément à l'article 56 de la loi.
En dehors de la commission de la carte, l'Etat a mis sur pied
le Haut conseil de l'audiovisuel (HCA) qui est en quelque sorte
l'équivalent du CSA français. Crée en 1998 en lieu et
place du Haut conseil de la radio et de la télévision (HCRT), le
HCA a pour missions de « veiller à l'objectivité et au
pluralisme de l'information, à la libre et saine concurrence entre les
médias audiovisuels »215(*). A côté des pouvoirs liés
à la régulation, le HCA veille au respect de
« l'équilibre dans le traitement de l'information en rapport
avec les partis politiques, la société civile en tenant en compte
des différentes sensibilités politiques économiques
sociales et culturelles du pays »216(*). Vu les missions dévolues à cette
organisation, à priori il n'y a rien qui puisse nous pousser à
nous intéresser au HCA qui, apparemment s'intéresse aux
médias audiovisuels alors que notre étude concerne la presse
écrite. Mais, si paradoxal que cela puisse paraître, il peut
arriver que le HCA étende ses prérogatives jusqu'à la
presse écrite. Cela fut le cas juste après sa création
lorsque son président Babacar KEBE annonça une mise en demeure du
quotidien Walfadjri accusé d'avoir enfreint les règles
d'équilibre édictées pour le traitement de l'information
concernant les partis politiques. Le HCA est composé d'un
président et de huit membres nommés par décret pour six
ans. Au sein de cette organisation, on trouve un parlementaire sur proposition
de l'assemblée, un magistrat, un journaliste, un représentant des
associations féminines, une personnalité choisie par le
ministère de la culture, une autre par le comité
sénégalais des droits de l'homme, un juriste sur proposition de
l'université de Dakar...Selon l'article 11 de la loi, leur mandat est
non renouvelable. En cas de manquement aux obligations prévues par la
loi, le HCA fait d'abord des observations ou adresse une mise en demeure
publique au média concerné. Si la mise en demeure n'est pas
respectée, d'autres sanctions peuvent tomber, soit sous forme
d'avertissement ou de suspension d'une partie ou de la totalité d'un
programme. S'il y a récidive, le HCA peut saisir le ministère de
la communication « pour proposer la prise de sanctions de niveau
supérieur sans passer lui-même par le stade de
l'avertissement. »217(*)
En gros, voila le dispositif établi par l'Etat
sénégalais pour encadrer la profession de journalisme. Nous
constatons que la loi sur la presse a changé au fil des années,
accompagnant si l'on puit dire « l'évolution
démocratique » du Sénégal. Le HCA aussi est une
création récente tandis que les dispositions relatives à
la presse relevées au sein des codes pénal et de procédure
pénale datent des années 1960-1970. Toutefois, l'Etat n'est pas
le seul à se soucier d'encadrer la liberté des journalistes. Ces
derniers se sont organisés au niveau interne pour préserver cette
liberté déjà acquise. Ils écartent toute
« ingérence étatique » et parlent
d'autorégulation.
Les moyens de
régulation de la profession
« Le journaliste n'accepte en matière
d'honneur professionnel, que la juridiction de ses pairs, à l'exclusion
de toute ingérence gouvernementale ou autre » rappelait la
déclaration de Munich. Ce principe est celui défendu par la
presque quasi-totalité des organisations de journalistes
sénégalais. Il faut dire que le régime libéral de
responsabilité suppose que « les médias s'amendent en
fonction d'une déontologie qu'ils auront choisie
eux-mêmes »218(*). Au Sénégal, il existe diverses
organisations qui tentent de jouer ce rôle. Le syndicat des
professionnels de l'information et de la communication (SYNPICS) défend
les droits des journalistes et n'hésite pas à se saisir du CRED
(Conseil pour le respect de l'éthique et de la déontologie) pour
des manquements aux principes déontologiques qui régissent la
profession. Certaines rédactions disposent de codes de
déontologie, d'autres ont recours à diverses astuces pour
éviter ou réparer les dérives.
I Deux organisations
professionnelles : le SYNPICS et le CRED
Le Syndicat des professionnels de l'information et de la
communication (SYNPICS) est l'organisation professionnelle la plus importante.
Selon Alpha SALL, son secrétaire général, il regroupe
environ 600 membres sur les 800 journalistes que compte le
Sénégal219(*). Quant au Conseil pour le respect de
l'éthique et de la déontologie (CRED), c'est le principal
mécanisme de régulation dont dispose les journalistes pour
moraliser davantage la profession.
Créé depuis près de trois
décennies, le SYNPICS est dirigé par un bureau exécutif
national. Au sein du syndicat, on trouve des journalistes travaillant aussi
bien dans le secteur privé que public. Le SYNPICS tient tous les trois
ans son congrès de renouvellement des instances. Totalement
indépendant du pouvoir étatique, il a beaucoup oeuvré pour
l'avancée des droits des journalistes. C'est grâce à cette
organisation que la convention collective des journalistes a été
renégociée en 1990. Dans l'affaire Madiambal DIAGNE, le SYNPICS
défendit la libération du journaliste en jouant un rôle
d'intermédiaire entre le pouvoir étatique et la profession. Cette
organisation a également joué un rôle très important
dans l'élaboration de la loi de février 1996. Comme nous l'avons
montré précédemment, celle-ci a donné une
avancée considérable à la liberté des journalistes.
Mais, loin de ne se soucier que des droits des journalistes, le SYNPICS est
aussi une sorte d'observatoire qui veille sur le bon fonctionnement du
métier. A l'affût d'éventuels dérapages des
confrères, le syndicat peut se saisir du CRED (Conseil pour le respect
de l'éthique et la déontologie) en cas de dérives. Cela
fut le cas en 2002 avec les nombreux dérapages des journalistes de la
presse dite populaire que le responsable du SYNPICS qualifie d'ailleurs de
« personnages inattendus » qui, de par leur pratique
risquent de jeter l'opprobre sur toute la profession.
Le Conseil pour le respect de l'éthique et de la
déontologie (CRED) est aussi une organisation créée par la
profession. Née sous l'initiative du SYNPICS et de l'organisation
Media for Democracy en 1998, le CRED a pour mission de recueillir les
plaintes du public. Il est composé de treize membres qui sont des
journalistes, des juristes et des membres du forum civil. Tout juste
après sa création, le CRED a instauré un code de
déontologie. Cette charte est inspirée de textes comme la
Déclaration de Munich de 1971 ou la Déclaration des principes de
la Fédération internationale des journalistes (FIJ) de 1954. Elle
traite, en général des droits et des devoirs qui s'imposent aux
journalistes sénégalais. Ce texte s'applique aussi bien aux
médias audiovisuels qu'à la presse écrite. Fort de ce code
dans lequel sont définis les principes du bon journalisme, le CRED est
une sorte de tribunal interne où sont traduits les journalistes
accusés de manquement aux principes éthiques et
déontologiques. C'est donc un organe consultatif, ses avis-verdicts
n'ont pas valeurs de sanctions juridiques, mais peuvent remplacer les longues
procédures judiciaires avec tout ce qu'ils peuvent comporter comme
désagrément. Ainsi, dans l'affaire qui l'opposait au ministre des
finances, Madiambal DIAGNE avait écopé d'un blâme devant le
tribunal de ses pairs. Selon le CRED, le directeur de publication du
Quotidien : « n'a pas pris la précaution
élémentaire de vérifier, de recouper et de contrôler
les faits avant publication afin d'éviter les erreurs, approximations et
manipulations »220(*). Pour rappel, Dans une de ses livraisons, le journal
Le Quotidien, par la plume de son directeur de publication et sous le
titre :« Les châteaux de Abdoulaye Diop, les
trésors cachés du ministre des finances », avait fait
état de la possession par le ministre Abdoulaye DIOP de quatre immeubles
au Canada. S'estimant diffamé, M. DIOP avait porté plainte contre
Madiambal DIAGNE, auteur de l'article, devant le CRED. Le
« prévenu » avait refusé de se
présenter au « tribunal » de ses pairs. Ainsi,
à défaut de pouvoir auditionner son auteur, les
« juges » se sont fondés sur l'article
incriminé. Ils ont alors décelé que « dans le
corps de l'article, il n'y a aucune preuve, aucun indice pouvant confirmer les
allégations contenues dans le titre ». Par ailleurs,
« le CRED reproche à Madiambal DIAGNE de n'avoir pas
rectifié son information relative au nombre d'immeubles, bien que
convaincu que Abdoulaye Diop, en lieu et place des « quatre
immeubles » annoncés dans son enquête, possède
une seule maison. Il lui était également reproché de
n'avoir pas donné des preuves suffisantes de son accusation concernant
les malversations au préjudice du Trésor et d'avoir violé
les dispositions réglementant le droit de
réponse »221(*). Signalons pour terminer qu'entre le CRED et le
SYNPICS, il existe une certaine symbiose, une véritable synergie.
« Chaque organe peut être le gardien de la profession, en ce
sens qu'il surveille la bonne pratique du métier, le respect de
l'éthique et de la déontologie et qu'il veille à la
protection des droits des journalistes » note Nabo SENE222(*). L'existence de ces deux
organisations témoigne d'une grande avancée pour les
médias sénégalais.
Outre ces deux organisations, il y en a d'autres de moindre
envergure pour les questions d'éthique et de déontologie. Il
s'agit du club de la presse dont les activités sont presque inexistantes
de nos jours. Ce club n'accueille que les directeurs de publication des
journaux, ce qui limite son rôle. L'Association des professionnelles
africaines de la communication (APAC) qui regroupe des femmes journalistes et
techniciennes du Sénégal. Il y a aussi des organisations sous
régionales comme l'Union des journalistes de l'Afrique de l'Ouest
(UJAO), crée à Dakar en 1986, elle regroupe seize Etats membres
dont le Sénégal. Cette organisation est affiliée à
la Fédération internationale des journalistes (FIJ) qui
défend les droits et les devoirs des journalistes partout où ils
sont menacés dans le monde. Nous pouvons ajouter également
l'institut PANOS qui est une organisation qui s'occupe des médias en
Afrique de l'Ouest, elle joue le rôle de
« facilitateur » de rencontres entre professionnels et
entre professionnels, gouvernants et public. L'engagement de cette organisation
se traduit par la publication de plusieurs ouvrages, certains d'entre eux nous
ont d'ailleurs été d'une grande utilité dans nos
recherches (Cf. bibliographie). A côté de ces associations qui
défendent les droits des journalistes et tentent de promouvoir des
principes d'éthique et de déontologie, certaines
rédactions ont établi des chartes, d'autres ont recours à
diverses astuces pour moraliser la profession.
II Walfadjri et Le
Quotidien : deux cultures d'autorégulation différentes
Paradoxalement, les plus grands journaux n'ont, pour la
plupart, pas de code de déontologie interne. On aurait pu penser que, vu
le sérieux et l'importance de diffusion qui les caractérisent,
des journaux comme Le Soleil, Walfadjri, ou l'Info 7 en
disposent. Mais à notre connaissance, aucun de ces grands quotidiens
sénégalais n'a institué ni un code, ni une charte pour
rappeler à leurs journalistes les règles de base du
« bon journalisme ». En
réalité, le nombre de journaux à en posséder est
très faible, sinon leur existence est parfois complètement
ignorée par les principaux concernés.
Ancien journaliste au Cafard Libéré,
Seydou SALL223(*) du
Populaire se rappelle d'une feuille accrochée à un mur
de la rédaction où sont vaguement rappelées les
règles de base d'un journalisme de qualité. Ainsi, au
détour d'un regard, l'on pouvait lire un résumé d'un
certain nombre de principes tels que la vérification de l'information,
la distinction entre les faits des commentaires, le respect de la
vérité, l'interdiction d'accepter des cadeaux etc. Sur ce point,
il convient de tirer le chapeau au journal Le Quotidien qui est,
à notre connaissance le seul journal à avoir institué
dès sa création un code de déontologie (voir annexe 2).
Adaptée des « Règles et usages » du quotidien
Le Monde, « La charte de la rédaction »,
est signée par chaque journaliste de « la maison »
et constitue l'un des gages « pour éviter des
dérapages »224(*) selon le directeur de publication du journal
Madiambal DIAGNE. Ce texte préconise des principes tels que le refus de
la corruption : « le journaliste de `Le
Quotidien' doit veiller à éviter tout ce qui peut
entacher sa crédibilité...Tout cadeau, dont la valeur atteint 5
000 FCFA ne saurait être accepté par un journaliste ».
Une autre recommandation concerne le respect de la vérité des
faits : « les sources doivent être
identifiées. Le journaliste devra rapporter ses propos avec exactitude,
mais doit veiller à éliminer tout propos susceptible de froisser,
de blesser des tiers ou, après coup, l'auteur même des
propos ». La liberté du commentaire et de l'analyse, mais en
dehors de l'article : « la règle impose de ne pas faire
passer son point de vue dans les articles d'information ». La
rectification de toute information fausse est aussi une exigence que se fixe
les journalistes du Quotidien : « toute information
publiée par « Le Quotidien » doit
être rectifiée le plus rapidement possible, dès l'instant
que la vérité est établie à ce sujet. ».
D'autres recommandations portant sur le traitement des dépêches en
provenance des agences, la relecture de certaines interviews par les
concernés, la publication du courrier des lecteurs...sont
imposées aux journalistes du Quotidien. L'éditorial qui
engage la responsabilité du journal doit être signé par la
personne qui répondra des éventuelles poursuites judiciaires en
cas de dérapage, c'est-à-dire le directeur de publication.
Toutefois, la charte du Quotidien précise que le
rédacteur en chef aussi peut se prêter à cet exercice.
Après, le directeur de publication a la latitude de le relire et de le
modifier éventuellement, avec ou sans l'accord de l'auteur qui, en
revanche peut refuser sa signature ou sa publication. Les autres journalistes
aussi peuvent refuser la signature d'un article dont le lecteur/correcteur
aurait modifié ou tronqué certains passages qu'ils
considèrent importants.
Des journaux comme Walfadjri ne se sont pas
dotés d'un texte de ce genre. Ancien rédacteur en chef du
journal, Mohamadou Tidiane KASSE affirme que sa rédaction n'a
pas jugé nécessaire de disposer d'un code. A son
avis : « la nécessité d'un code écrit se
justifie dans les grandes entreprises de communication où l'organisation
du travail impose des cloisonnements. Sinon dans une maison modeste comme la
nôtre où la rédaction, avec une vingtaine de personnes
tient autour d'une table, on a adopté une forme de thérapie
collective qui consiste à toujours poser le débat quand un
problème de respect de l'éthique et de la déontologie
surgit. »225(*) « Le linge sale se lave en
famille », tel pourrait être la devise de Walfadjri en
matière d'éthique et de déontologie. M. KASSE estime qu'un
tel « code » est « moins froid » qu'une
fiche d'engagement annexée au contrat que l'on tend au nouveau venu. Au
lieu de « rester figé autour de dix ou quinze
`vérités' à respecter », Walfadjri
à choisi un « exercice permanent » de remise en
question. Autour d'une table, sans aucun formalisme, « sans avoir
l'air de monter un tribunal inquisitorial », le journaliste qui a eu
à refuser des pots de vins en fait part à ses
collègues : « cela à toujours valeur d'exemple et
de rappel des principes en vigueur » pense M. KASSE. A ce propos, le
responsable de Walfadjri se demande s'il faut vraiment que le
journaliste refuse systématiquement toujours les cadeaux étant
entendu que « dans nos sociétés, donner n'est pas
toujours un acte de corruption. Tout comme refuser peut apparaître comme
un geste offensant». Quant aux « voyages pris en
charge » qui, dans certains cas peuvent se solder par des papiers
élogieux, M. KASSE pense que « quand une forme de
collaboration aliène votre liberté de jugement, en rester
prisonnier devient un acte de compromission
assumée ».226(*)Le journal Walfadjri fait appel à la
conscience et à la rigueur professionnelle des journalistes.
Pour ce faire, rien de telle que la référence
que peuvent constituer les responsables de la rédaction (directeur de
publication, rédacteur en chef). Tant qu'ils sont irréprochables,
un journal n'a pas besoin de codifier les bonnes vertus à son avis.
Dans le cas d'un manquement professionnel avéré, le
concerné est rappelé à l'ordre en comité de
rédaction. Le journal n'hésite pas à recourir à des
sanctions en cas de fautes graves. À en croire le responsable de la
rédaction, Walfadjri s'est débarrassé de la
plupart de ce genre de collaborateurs indignes. « En cela, il n'y a
même pas de seconde chance, parce que nous savons qu'une fois que le pli
est pris, il est presque impossible de le rectifier »227(*) martèle-t-il. Ce fut
le cas le 30 mars 2001 lorsque le quotidien décida de se séparer
de l'un de ces correspondants. Il était reproché au reporter
d'avoir, sans aucune preuve, « évoqué la condamnation
de Johnny Spencer DIOP (gérant d'une salle de cinéma à
Louga) par le tribunal de Louga dans la semaine du 11 au 18 décembre
2000 »228(*).
Dans une correspondance adressée au CRED, M. DIOP avait exigé du
correspondant de Walfadjri la preuve d'un arrêt du tribunal de
Louga le condamnant. Et lorsqu'il avait été saisi, Abdourahmane
CAMARA, le directeur de publication du quotidien, avait demandé à
son collaborateur « d'étayer la véracité de son
affirmation par la production de l'arrêté du tribunal ».
Ce qu'il fut incapable de faire.
Parallèlement aux codes écrits ou informels,
d'autres pratiques qui ont cours au sein de certaines rédactions peuvent
participer de l'autorégulation. Il en est du courrier des lecteurs qui
change de dénomination en fonction des journaux : Contributions
pour Walfadjri, Opinions pour Sud Quotidien... Dans
ces rubriques, les lecteurs ont le loisir de donner leur point de vue sur
l'actualité et réagir aux articles des journalistes. La floraison
de médiateurs et de coordonnateurs de la rédaction au sein des
journaux est une autre avancée remarquable du paysage médiatique
sénégalais. Ceux-ci sont sensés être les maillons
entre les journaux et le lectorat. Aux journalistes, ils transmettent, les
reproches, critiques et suggestions des lecteurs à qui ils expliquent
les exigences du métier. L'idéal voudrait qu'une
personnalité sensée occupée cette fonction soit une
personne ressource, aussi respectable qu'expérimentée, qui n'a de
compte à rendre à personne et ne rechigne pas à rappeler
à l'ordre le journaliste qui serait tenté de déraper. Mais
rien ne garantit que cela soit le cas dans les rédactions parce que la
quasi-totalité de ceux qu'on appelle médiateurs sont en
même temps des journalistes dont les papiers peuvent parfois être
l'objet de critique.
Les mécanismes de régulation qu'ils soient mis
en place par l'Etat ou par la profession doivent avoir un dénominateur
commun : garantir la liberté des journalistes tout en
l'accompagnant d'un certain nombre de principes pour éviter
d'éventuels dérives. Nous venons de montrer que l'Etat
sénégalais et les professionnels de l'information se sont
souciés de ces deux aspects du métier conformément aux
exigences du régime libéral de responsabilité
adopté par le pays. Ainsi, l'évolution de la législation
pourrait être considérée comme une volonté manifeste
de l'Etat d'accompagner la jeune démocratie sénégalaise
dans sa quête de médias libres mais responsables. D'un autre
côté, l'existence d'un syndicat national (SYNPICS) qui regroupe
des journalistes de tout bord et surtout la mise sur pied d'un tribunal interne
comme le CRED sont autant d'éléments qui, à priori,
montrent la détermination des professionnels à mettre
eux-mêmes de l'ordre au sein de la corporation. Toutefois, ces efforts si
louables soient-ils, ne sont pas exempts de reproches. Ces moyens de
régulation présentent quelques limites que nous allons
évoquer dans le chapitre suivant.
Les limites des
mécanismes de régulation
Les dispositifs mis en oeuvre par l'Etat et par la profession
pour garantir et la liberté et la responsabilité des journalistes
peuvent témoigner de l'avancée du Sénégal en
matière de régulation de la presse. Mais quelques failles
notées ça et là montrent que cette évolution n'a
pas encore atteint un niveau acceptable pour la démocratie
sénégalaise. Concernant les moyens de régulation
institutionnels, les codes pénal et de procédure pénale
n'ont pas connu la même évolution que le code de la presse. La
commission de la carte et le HCA semblent incompétents pour les affaires
d'éthique et de déontologie. Quant à
l'autorégulation, elle semble plus être un stratagème ourdi
par les gens de la profession pour se donner une bonne image vis-à-vis
de leurs lecteurs.
I Des mécanismes
institutionnels qui installent « un dédale
juridique »
La loi de 1979 qui a été instaurée sous
SENGHOR avait amené quelques restrictions à la loi de juillet
1881 qui était jusqu'à cette date celle qui régissait le
métier. Ces restrictions ont été partiellement
levées en 1986 avant de disparaître complètement en 1996.En
revanche, le code pénal n'a pas encore reçu le souffle de cette
évolution puisqu'il date des années 60-70, c'est-à-dire
d'une période où les journalistes étaient
considérés comme des « bandits de grand
chemin ».
Nous en avons parlé, le code pénal et le code de
procédure pénale ont instauré certaines dispositions qui,
au fil des années ne sont plus adaptées à
l'évolution démocratique du Sénégal. Ainsi,
l'article 254 considère toujours comme une offense à la personne
du chef de l'Etat certains sujets traités par les journalistes, en
rapport avec le Président. C'est un délit toujours punissable
d'une peine pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement. Les
articles 259 et 260 prévoient des peines très lourdes pour les
diffamations, injures et autres violations commises à l'endroit des
personnalités publiques. Ainsi, comme l'article 254 qui protège
le président, les articles cités donnent une sorte
d'immunité aux membres du gouvernement, du parlement, du pouvoir
judiciaire, de l'Armée... La diffusion de fausses nouvelles, de
nouvelles qui encouragent à enfreindre la loi, ou qui portent atteinte
aux institutions publiques ou qui vont à l'encontre des bonnes moeurs
fait également l'objet de sanctions pénales. En outre, l'article
139 du code de procédure pénale prévoit que, sur les
réquisitions du ministère public, le juge d'instruction est tenu
de décerner mandat de dépôt contre toute personne
inculpée d'un des délits prévus par les articles du code
pénal relatifs au complot et la diffusion de fausses nouvelles.
Ces dispositions relatives aux délits de presse se
manifestent par leurs « contours souvent flous ». Par
exemple, qu'entendre par « atteinte à la personne du chef de
l'Etat » ? Cela veut-il dire que le président est un
être infaillible, qui ne doit pas faire l'objet de critiques à la
différence du citoyen de base? Qu'il est
« intouchable » ? Elles se caractérisent
également par une certaine incompréhension et leur
anachronisme : l'arrestation du journaliste M. DIAGNE a failli causer un
véritable trouble à l'ordre public229(*) alors que c'était
là un des chefs d'accusation pour lesquels il a été
incarcéré. En plus, l'application de ces articles contribuent en
quelque sorte à placer les hommes du pouvoir au dessus de tout critique,
un article d'investigation des plus anodins sous d'autres cieux pouvant
être interprété comme « une divulgation
d'information contre l'Etat ». Alors, faut-il ou non
dépénaliser les délits de presse ? Le faire, ne
serait-il pas synonyme d'accorder une impunité aux journalistes?
Dépénaliser oui, mais quelles solutions compensatoires mettre
à la place ?
Aujourd'hui, c'est ce débat qui constitue la
préoccupation des journalistes et de la société civile
sénégalaise. Vieilles d'au moins une dizaine d'années, ces
revendications ont connu un renouveau avec l'arrestation de M. DIAGNE en
juillet 2004. Le directeur de publication de Walfadjri pense que c'est
une aberration, inacceptable pour des gens qui oeuvrent pour la
démocratie : « nous devons porter cette revendication de
dépénalisation des délits de presse avec force, sinon nous
sommes livrés au bon vouloir d'un juge qui ne résiste pas
à la pression de ceux qui ambitionnent de tuer la presse
indépendante au Sénégal »230(*) ajoute-t-il. Octobre 2003,
en collaboration avec le bureau sous régional de l'UNESCO, le SYNPICS
avait organisé un « atelier sur les pratiques professionnels
et délits de presse ». Cette rencontre a été
l'occasion pour les participants de dénoncer des
« incriminations permettant des interprétations extensives
ainsi que des procédures remettant en cause même
l'indépendance des juges »231(*).Les juristes sont les premiers à
s'étonner de l'existence de ces « articles
poussiéreux » maintenus en l'état, malgré les
révisions répétitives de la loi sur la presse. Le
professeur Ndiaw DIOUF de la faculté de droit de l'Université de
Dakar parle d'une présence « si envahissante du droit
pénal dans un milieu comme la presse »232(*). Il faut donc réviser
les dispositions pénales prévues en cas de délits de
presse, mais faut-il pour autant soustraire aux journalistes toute forme de
poursuites judiciaires ?
Favorable au principe de dépénalisation, WADE
avait, comme nous l'avons déjà souligné, demandé
aux journalistes de proposer quelque chose en lieu et place des dispositions
prévues dans le cas où un journal porte atteinte à une
institution nationale ou étrangère ou à l'honneur d'un
citoyen. Bien entendu, ceci n'est pas synonyme de confier l'assainissement de
la profession aux seuls journalistes et d'en écarter en
conséquence les juristes. Ces derniers sont d'ailleurs associés
aux différentes rencontres qui ont eu lieu entre les journalistes et
l'Etat après l'accord du Président d'un débat sur la
dépénalisation des délits de presse. Les
différentes parties concernées sont convaincues d'une chose,
à savoir que « dépénalisation ne signifie pas
impunité ». Selon le secrétaire général
du SYNPICS, Alpha SALL, « il ne s'agira pas de
dépénaliser totalement les délits de presse mais
d'alléger les charges pénales que peut encourir un journaliste
jugé coupable »233(*). Lesquelles charges peuvent être revues
à la baisse ou remplacer par d'autres types de sanctions,
pécuniaires par exemple. A l'heure où nous écrivons ces
lignes, les négociations n'ont pas encore abouti. Affaire à
suivre !
Contrairement aux dispositions sur la presse
éparpillées ça et là dans le code pénal et
le code de procédure pénale, la commission de la carte et le HCA
sont des organisations récentes. Leurs limites en tant que
mécanismes de régulation ne découlent donc pas
« d'une crise » qui serait liée à une
évolution démocratique confrontée aux pratiques
rétrogrades d'un autre temps. Commençons d'abord par la
commission de la carte. Certes en attribuant à des journalistes
identifiés et reconnus comme tels des cartes professionnelles, la
commission évite à la profession d'être « un
refuge des fayards du chômage et de l'anonymat »234(*). Elle a aussi le droit de
retirer la carte en cas de violation des lois. Mais ce retrait qui peut
être provisoire ou définitif se fait conformément à
l'article 56 de la loi. En d'autres termes, seules les violations des
dispositions prévues pour son obtention sont punissables de son retrait.
Les violations d'éthique et de déontologie commises au sein des
rédactions échappent aux attributions de la commission de la
carte qui n'a aucune compétence légale pour statuer sur des
sujets de ce genre. D'ailleurs, à ce jour elle n'a jamais
décrété des sanctions sur des cas de dérives ou de
dérapages235(*).
Quant au HCA, nous nous sommes déjà
étonné que contrairement à ce que laisse penser sa
dénomination cet organe de régulation élargisse son champ
de compétence jusqu'à la presse écrite. Ainsi en avril
1998, il avait, a-t-on noté, mis en demeure le quotidien
Walfadjri. Cet incident faisait suite à un article titré
« le fils de Lahad236(*) soutient Wade » publié à
quelques jours des élections législatives. Le journal se voyait
accusé de faire « une propagande déguisée »
en faveur de l'ancien leader de l'opposition. Les journalistes de la presse
privée avaient dénoncé à cette époque un
abus qui n'avait d'autre but que de les censurer. Dans son éditorial du
21 avril 1998, sous la plume de Tidiane KASSE, le journal parle
d'ingérence dans sa ligne éditoriale qu'elle ne tolérerait
jamais : « seuls des impératifs moraux et professionnels
nous limitent : à savoir l'honnêteté, une certaine
éthique et le respect des principes déontologiques dans le
traitement de l'information.» Le Sud Quotidien lui parle
de confusion des genres en dénonçant l'incompétence d'un
organe destiné à la régulation de l'audiovisuel à
se prononcer sur des sujets éloignés de son champ
d'investigation. « De deux choses l'une, rappelle Abdoulaye Ndiaga
SYLLA, soit le président du HCA ne connaît pas ses attributions,
ce qui est grave, soit c'est un procès d'intention que l'on nous fait et
que nous refusons »237(*)
L'explication de cette situation est à chercher dans la
création en 1992 du Haut conseil de la radio et de la
télévision (HCRT), remplacé par le HCA qui a gardé
ses missions principales en 1998. A l'époque les partis d'opposition se
plaignaient du temps de parole très limité dont ils
bénéficiaient alors que le parti au pouvoir accaparé
presque les deux tiers, voire la totalité des informations politiques
dans les émissions de la RTS. C'est ainsi que le HCRT a
été mis sur pied pour, entre autres, garantir un accès
équitable des partis politiques aux émissions de la radio et de
la télévision nationale. Avec la libéralisation, son
domaine de compétence s'accroît. Il change de nom et devient le
Haut conseil de l'audiovisuel HCA. Dorénavant, le contrôle des
radios privées qui se sont proliférées au cours des
dernières années est de son ressort. Mais, dans la loi instituant
sa création, il n'est aucunement dit que la presse écrite aussi
doit se soumettre à ce contrôle. Comment expliquer alors
l'incursion du HCA, dans un domaine qui, visiblement, ne relève pas de
ses compétences ? L'actuelle présidente de l'instance,
Aminata Cissé NIANG238(*) explique que conformément aux dispositions du
code électoral239(*), ce pouvoir de contrôle est effectif
uniquement en période de campagne électorale. Ce qui était
le cas lorsque Walfadjri fut accusé de « propagande
déguisée ».
Outre cette petite confusion, nous pouvons souligner le fait
que la totalité des membres soient nommés par le président
de la République. Ce qui remet en question leur impartialité.
D'ailleurs les remontrances du HCA à l'égard des médias
privés le montre. Pendant que Walfadjri se fait gronder pour
« propagande déguisée », Le
Soleil accorde impunément ses colonnes au Président et
à ses ministres. Le 9 décembre 2002, le Haut Conseil de
l'audiovisuel avait ordonné à la RTS de rediffuser un discours du
président Abdoulaye WADE, lors de l'inauguration de la Foire
internationale de Dakar. La présidence s'était plainte
auprès de l'instance de régulation que la
télévision publique n'avait pas fait son travail et que les
images du chef de l'Etat n'avaient pas été "suffisamment
montrées"240(*).
Les mécanismes de régulation institutionnels
gagneraient à être révisés. Si la loi de 1996 nous
paraît acceptable, certains articles du code pénal nous semblent
inappropriés pour un pays qui se veut démocratique. Le
Sénégal peut se glorifier d'un pluralisme médiatique et
politique, mais l'application à la presse de dispositions qui datent de
l'époque du parti-Etat est surprenant. Quant au HCA, toute
ambiguïté sur sa compétence à l'égard de la
presse écrite doit être levée ; si celle-ci
relève de ses attributions, la logique voudrait que cela soit inscrit
dans ses statuts. Son indépendance à l'égard du pouvoir en
place ne serait pas mal non plus. Toutefois, du côté des
professionnels il y a également des efforts à faire.
II L'impossible
autorégulation ?
L'idéal voudrait que la presse soit indépendante
de toute ingérence étatique. Pour ce faire, les journalistes
doivent pouvoir mettre eux-mêmes de l'ordre au sein de leur profession.
Par des organisations syndicales (SYNPICS, UJAO...), un organe de
régulation comme le CRED, des codes de déontologie et d'autres
pratiques, les rédactions essaient d'endiguer ou d'éviter les
dérapages. Mais, vu le manque de crédibilité ou
l'inefficacité de certains de ces mécanismes, on soupçonne
un semblant d'autorégulation qui n'aurait pour but que de rassurer le
public tout en écartant le pouvoir étatique.
Le Conseil pour le respect de l'éthique et de la
déontologie (CRED) est devenu une instance de régulation de la
profession reconnu par les journalistes, le public et l'Etat. Depuis sa
création, pas un colloque ou un séminaire sur la presse sans la
participation de cette organisation. Le CRED a instauré un code de
déontologie qui s'applique à l'ensemble des journalistes
sénégalais. Ce texte, inspiré des plus grands textes
internationaux (charte de Munich, charte de Bordeaux) décline la
pratique du bon journalisme avec trois normes principales :
La défense de la liberté d'information,
Le respect de la vérité, des sources
confidentielles, le renoncement à des méthodes
déloyales,
Le respect de la personne conformément aux
prescriptions juridiques.
En instaurant des limites pour encadrer la pratique de la
profession, le CRED s'apparente à des organisations professionnelles
tels que les conseils de l'ordre des avocats ou des médecins. On sait
que ces organisations ont toute la latitude de radier quelques-uns des
confrères qui auraient failli aux exigences du métier. Ainsi, par
exemple un avocat qui viole le secret d'instruction ou un médecin qui
divulgue le dossier médical d'un patient, s'expose aux sanctions de la
profession. Mais le CRED n'a pas ce genre de pouvoir, ses avis-verdicts n'ont
aucune valeur juridique. Les sanctions du CRED n'ont qu'une valeur symbolique:
ne les accepte que celui qui le veut bien. Encore que le journaliste
incriminé peut se permettre de les contester.
Dans une affaire qui l'opposait au ministre de
l'Economie241(*), le
directeur de publication du Quotidien n'a même pas daigné
se déplacer pour s'expliquer devant ses pairs. Conformément aux
dispositions prévues par la charte de déontologie du CRED, le
journaliste accusé de `diffamation' et `d'accusation sans fondement'
avait été blâmé par l'instance de régulation.
D'emblée, M. DIAGNE avait rejeté en bloc cette sanction,
accusant le `tribunal de ses pairs' d'avoir déjà
« eu son opinion avant de m'avoir entendu »242(*). Madiambal DIAGNE avait
considéré ce tribunal comme une mascarade tout en invoquant un
vice de forme. Selon lui, parmi les treize membres du conseil, seuls deux
étaient présents lors du « jugement ». Le
quorum n'aurait pas été atteint d'après ses explications,
même si un des membres du CRED (Kader DIOP) affirme qu'ils étaient
quatre à décider du jugement.
A quoi sert le CRED si ses avis-verdicts n'ont aucune valeur
juridique et peuvent être contestés impunément par
n'importe quel journaliste qu'il aurait condamné ? Son existence
n'aurait-elle pour but que de rassurer le public, en donnant un semblant de
`régulation interne' et écarter ainsi `l'ingérence
étatique' ? Ces questions nous paraissent à propos, car nous
soupçonnons que cet organe de régulation soit peu efficace pour
rappeler certains journalistes à l'ordre. Ce manque d'efficacité
résulterait d'abord de sa composition elle-même. Le conseil est en
majorité constitué de journalistes ; certaines divergences
non confraternelles entre confrères peuvent trouver leur épilogue
devant le tribunal des pairs243(*). En plus, les membres du CRED ont d'autres
occupations, ce qui leur laisse peu de temps pour se consacrer aux
éventuelles délibérations. Enfin, outre l'absence de
sanctions juridiques, il n'y a pas d'autres moyens coercitifs pour anticiper ou
réparer les dérapages. Le CRED n'est donc pas très
crédible car les devoirs qui sont le fondement de sa charte et les
sanctions qu'il impose aux journalistes sont le propre de la
déontologie. C'est-à-dire que ces devoirs fixés, ces
sanctions prévues et qui s'abattraient sur quiconque les transgresserait
ne sont entendus que comme des obligations morales et non comme des contraintes
légales.
Le même reproche peut être fait au journal
Le Quotidien concernant son code de déontologie. Ce
journal, comme nous l'avons déjà montré plus haut, est
très récent (2003). Le fait de se doter de cette charte
dès sa création était un gage « pour
éviter les dérapages » comme aime à le rappeler
son responsable. Pourtant, la petite histoire de ce quotidien montre qu'il est
devenu l'un des journaux sénégalais les plus turbulents, celui
qui fait partie de ceux qui ont le plus de démêlées avec la
justice. Nous avons évoqué dans cette étude l'affaire des
châteaux du ministre des finances, celle des magistrats, celle des deux
Sénégalais prétendument enlevés en Irak. Pour
l'affaire des châteaux, le journal a été condamné
par le CRED. Il n'y a pas eu de plainte pour celle de `l'enlèvement des
deux Sénégalais' mais une analyse de l'article nous montre que le
journal s'est approprié une information et l'a publiée sans se
soucier de la fiabilité des sources. Pour un organe de presse qui se
glorifie d'être le seul à disposer d'une charte de
déontologie dès sa naissance, cette situation nous paraît
préoccupante.
Toutefois, penchons-nous sur le contenu de cette charte. Le
moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle responsabilise le journaliste. Notons
quand même qu'elle lui donne plus de devoirs que de droits, ce qui
paraît normale pour un texte qui se veut moralisateur. Cependant, au
moins deux des droits fondamentaux du journaliste n'y sont pas
mentionnés. Il s'agit de la clause de conscience qui lui donne la
liberté de quitter (tout en gardant ses indemnités) le journal en
cas de rachat ou de changement de ligne éditoriale, et du droit de ne
pas révéler ses sources, y compris aux responsables du journal si
nécessaire. Si nous nous amusons à relever d'autres principes
fondamentaux dont ne fait pas mention ce code, la liste serait longue.
Brièvement, sans en faire le tour, on peut penser à la
légitimité du but poursuivi par un journal : on doit traiter
un sujet en fonction de l'intérêt qu'il peut représenter
pour le public et non par rapport à l'acteur ou aux acteurs des faits.
On peut évoquer aussi l'absence d'animosité personnelle qui est
une base de l'objectivité : un journal ne doit pas publier des
articles délibérément polémiques et dont le but ne
serait autre que d'attiser le contentieux entre deux camps par exemple.
En somme, il paraît impossible ou du moins, difficile de
relever l'ensemble des principes fondateurs du bon journalisme dans un code.
Comme l'affirme Daniel CORNU : «le principal défaut d'un code
de déontologie est de se présenter comme un catalogue de
règles formelles, laissant croire à son
exhaustivité »244(*). En plus de l'impossible exhaustivité,
s'ajoute le caractère changeant de certains principes en fonction des
situations auxquelles peut être confronté le journaliste. L'autre
inconvénient, qui ne concerne pas uniquement la charte du
Quotidien, c'est le risque de voir certains journalistes appliquer
l'adage selon lequel « tout ce qui n'est pas interdit est
permis ».
En définitive, l'existence du CRED est certes une
avancée, mais son incapacité à infliger des sanctions
dissuasives aux journalistes incriminés amoindrit son influence en tant
que mécanisme de régulation. En plus, en voulant codifier les
pratiques d'un journalisme de qualité, les chartes oublient de
mentionner certains aspects fondamentaux. Ce formalisme réduit `le bon
journalisme' à l'application des seules règles
identifiées. Ce qui peut produire un effet contraire à celui qui
est visé. En conséquence, l'amélioration de la
qualité de la presse passe par une révision des mécanismes
déjà existants et la création d'autres moyens.
III Avec quels moyens
assurer la responsabilité sociale ?
Nous empruntons la terminologie M*A*R*S (Moyens d'assurer la
responsabilité sociale) à Claude-Jean BERTRAND245(*). Il appelle M*A*R*S :
« tout moyen non étatique utilisé pour rendre les
médias responsables vis à vis du public. Le troisième
élément de la triade assurant la qualité des
médias : liberté, lois et déontologie - le seul qui
soit sans danger -. »246(*) Notre but ici n'est pas de balayer d'un revers de
main tous ces moyens déjà existants pour en proposer d'autres,
mais de voir dans quelle mesure on peut les rendre meilleurs et d'exposer
certaines pratiques qui se font ailleurs et qui peuvent être applicables
au Sénégal.
Les M*A*R*S sont donc l'ensemble des méthodes
utilisés pour parvenir à instaurer des médias de
qualité. Ces méthodes sont au nombre de quatre selon C.J.
BERTRAND. C'est avant tout l'observation systématique des médias,
ensuite la critique, un accès qui doit être facilité au
public, et enfin la formation(celle des professionnels et celle des usagers qui
doivent être sensibilisés à l'usage des médias)...
Une observation de la presse sénégalaise montre que certains
M*A*R*S sont utilisés par les journaux. Il s'agit notamment des
`encadrés de correction' ou `droit de réponse', du `courrier des
lecteurs', des codes de déontologie, des médiateurs de
rédaction, des différents débats et conférences
entre professionnels et publics... d'un conseil pour inciter au respect des
valeurs éthiques et déontologiques (le CRED). Mais, comme nous
l'avons montré plus haut, certains de ces M*A*R*S ont la
particularité de présenter quelques insuffisances. Ainsi, les
contributions des lecteurs, dans les journaux concernent rarement les
éventuelles dérives des médias, les encadrés de
correction ne sont effectués parfois que s'ils sont expressément
demandés par le concerné... Nous ne nous élargirons pas
bien entendu sur les limites du CRED et des codes qui ont la
particularité de relever des principes dont le non respect n'est
passible d'aucune sanction juridiquement légale.
Notre proposition principale concerne l'organe de
régulation le CRED dont les pouvoirs doivent, à notre avis
être accrus. On sait que cette organisation est constituée aussi
bien de professionnels que de gens de la société civile, ce qui
est une bonne chose en soi. Toutefois, il convient de trouver un financement
(non étatique) pour que ses membres soient
rémunérés et n'aient pas l'obligation de travailler
parallèlement. Ainsi, ils seront beaucoup plus disponibles et se
consacreront essentiellement à la surveillance des médias. Pour
que ses avis-verdicts ne soient pas de simples sanctions symboliques non
coercitives, nous considérons que le CRED doit aussi être en
mesure de saisir les autorités compétentes si une faute d'un
confrère s'avérait au lieu de se contenter de blâmes (qui
n'ont souvent aucun effet dissuasif).A ce propos, l'expérience
béninoise est assez intéressante pour pouvoir inspirer.
L'Observatoire de la Déontologie et de l'Ethique des Médias
(ODEM) du Bénin fonctionne avec un Code d'éthique et de
déontologie ce qui est également le cas pour le CRED.
Néanmoins, cet organe a un pouvoir coercitif et économique
puissant qui le permet d'épingler les organes de presse qui se signalent
par un manquement à l'éthique et à la déontologie.
Un organe de presse condamné pourrait ne pas bénéficier de
la subvention à la presse de l'Etat, car c'est l'ODEM qui distribue
cette aide à la presse sous le contrôle de la Haute
autorité de l'audiovisuel et de la communication (HAAC)247(*).
Quant aux rédactions, la présence notée
ça et là de quelques médiateurs est à
encouragée. Cependant, un bon médiateur doit être une
personnalité d'expérience, qui connaît bien le
métier, de préférence en fin de carrière s'il n'est
pas à la retraite (parce qu'ainsi, il est plus indépendant). Il
nous paraît incongru de nommer à ce poste un journaliste en
fonction qui aura du mal à trouver le recul nécessaire pour
émettre un jugement sur le travail de ses confrères, ou peut
être sur son propre travail.
En définitive, nous pouvons affirmer que les moyens de
régulation présentent quelques insuffisances, ils sont donc
perfectibles. L'urgence est de dépoussiérer les textes qui
empêchent une éclosion totale de la liberté des
journalistes. Celle-ci ne pouvant s'exercer, de préférence, que
par l'autorégulation, la mise sur pied de mécanismes
l'accompagnant est plus qu'une nécessité. Pour ce faire, le CRED
qui est l'organisation mise en place par la profession et qui a la
particularité d'avoir de influence sur tous les médias doit se
doter de moyens beaucoup plus coercitifs. Les rédactions doivent aussi
montrer leur volonté de faire elles-mêmes « le
ménage ». Pour cela, il s'agit d'abord de n'être
guidé que par la recherche de la vérité, être le
plus honnête possible à défaut de ne pouvoir
prétendre à l'objectivité qui n'existe pas selon certains.
Ensuite, il s'agira de « rectifier le tir » en cas de faute
avérée par les `encadrés de correction', les `droits de
réponses' ou même une sanction du journaliste fautif comme nous
l'avons montré avec l'exemple du correspondant de Walfadjri.
Enfin, l'organisation de rencontres entre professionnels et public doit
être encouragée.
CONCLUSION
Cette étude se voulait une analyse critique de la
presse écrite sénégalaise. Trois points essentiels que
nous avons déjà relevés dans l'introduction en sont le
point de départ. Il s'agit, d'abord du changement de régime
intervenu en 2000 avec l'avènement d'un nouveau Président.
Ensuite, l'apparition d'une nouvelle presse qui semble faire fi des
règles de bienséance d'une société
profondément conservatrice. Enfin, l'existence depuis une vingtaine
d'années d'un contexte plus ou moins favorable à la
liberté de la presse, ce qui peut produire un effet contraire si l'on y
prend garde. Ce dernier point est le plus important car il nous paraît
très difficile d'admettre qu'on parle d'éthique et de
déontologie pour une presse dont le premier combat est celui de son
affranchissement au monopole étatique et aux foudres de la censure. La
liberté d'expression, celle du journaliste et celle du média sont
donc le préalable pour l'épanouissement des médias en
démocratie. Et c'est en démocratie qu'on parle de pouvoir, de
contre pouvoir et parfois de dérives ou de dérapages
médiatiques.
Le Sénégal est l'une des premières
colonies où s'implantèrent les premiers journaux d'expression
française248(*).
A cette époque, l'histoire politique du pays fut marquée par la
reconnaissance des ressortissants des quatre communes (Saint-Louis,
Gorée, Rufisque, Dakar) comme des citoyens français. Ce qui a
accru l'intérêt des Sénégalais pour la chose
politique très tôt. En 1914, Blaise DIAGNE fut élu le
premier député du pays. Sur le plan local, ces élections
ont instauré une certaine diversité médiatique, presque
chaque parti possédait un organe de presse. C'est de cette
période que datent les premiers journaux privés. Aujourd'hui, ces
organes idéologiques ont cédé la place à des
journaux d'informations générales. Vestige de la période
du parti unique, Le Soleil reste toujours un quotidien gouvernemental,
tandis que de nouveaux journaux ne cessent de grossir le rang de la presse
privée. Ces médias jouissent d'une certaine liberté de
presse. La constitution sénégalaise, en son article 8, garantit
la liberté d'expression, celles du journaliste et du média sont
affirmées dans la loi sur la presse de 1996.
C'est donc dans ce contexte que les journaux
sénégalais tentent de jouer le rôle qui leur sied,
c'est-à-dire contribuer à consolider la démocratie
sénégalaise en informant la population sur tout sujet digne
d'intérêt national. Nous avons remarqué que cette mission
ne se fait pas sans difficulté pour la presse. Qu'elles concernent le
quotidien gouvernemental, la presse indépendante dite sérieuse ou
la presse people, les dérives notées montrent qu'il y a
un malaise. Pour ce qui est du Soleil, les atteintes aux principes
éthiques découlent du statut même de ce journal. En effet,
comment un journaliste peut-il être objectif, impartial, honnête,
mû par la recherche de la simple vérité si l'objet de ses
investigations est son employeur, son patron ? L'autocensure sur tous les
sujets sensibles, la soumission et la compromission par rapport au pouvoir
étatique, tel est le lot quotidien des journalistes du quotidien
national. Quant à la presse indépendante, c'est tout à
fait le contraire, il faut d'abord noter que contrairement au Soleil,
elle accorde beaucoup plus de place à l'opposition. Mais en voulant
jouer les équilibristes, les journalistes de cette presse ont parfois,
nous semble-t-il, travesti le rôle de « sentinelles de la
démocratie »249(*) qu'ils revendiquent. L'acharnement à
critiquer l'Etat et aux hommes qui lui sont proches nous le montre. Même
s'il est hasardeux de généraliser ces pratiques, il y a une
évidence qui est qu'il est très fréquent de voir dans
cette presse des articles qui fustigent le gouvernement. La presse people
est comme nous l'avons montré celle qui s'est le plus
illustrée en matière d'atteinte aux principes
déontologiques de la profession. Condamnée à moult
reprises par la justice et par une partie des professionnels eux-mêmes,
la presse à scandale a-t-elle encore de beaux jours devant-elle ?
La question mérite d'être posée car plusieurs organes de
cette presse ont disparu, certains quelques mois après leur
création. En revanche, l'intérêt que lui porte une frange
de la population finira peut-être par prendre le dessus sur la
réticence de celle qui est contre « la
nouveauté ». L'avenir nous le dira.
Quoique leur existence témoigne d'un environnement
libéral, les dérives des journalistes ne doivent pas rester
impunies sous prétexte de préservation de la démocratie.
Cette liberté doit s'exercer par un encadrement juridique, on parle
alors de régulation extérieure ou par une régulation par
la profession elle-même, il s'agira dans ce cas d'autorégulation.
La régulation extérieure est essentiellement assurée par
la loi sur la presse de février 1996. Celle-ci se caractérise par
son aspect libéral. Inspirée des plus grands textes
internationaux comme la charte de Munich, elle fixe un certain nombre de droits
tout en instaurant des devoirs dont la déviance est
réprimée par la justice. D'autres dispositions
éparpillées ça et là dans le code pénal et
le code de procédure pénale fixent également des
garde-fous. Mais ces textes datent des années 1960, 1970, 1980 ;
c'est-à-dire à l'époque du parti unique lorsque les
journalistes étaient considérés comme des
« bandits de grands chemin »250(*) alors que
« l'activité des médias repose sur le principe de la
liberté expression qui ne se divise pas, s'encadre difficilement et
s'affaiblit vite devant des limites trop rigoureuses »251(*) selon Henri PIGEAT. Ces
dispositions gagneraient donc à être
dépoussiérées car elles ont un caractère
répressif, anachronique à la démocratie
sénégalaise. L'autorégulation se caractérise par
l'existence de syndicats de journalisme dont le principal est le SYNPICS mais
aussi par le CRED qui fut créé par la profession en 1998. Fort de
son code de déontologie, ce « tribunal interne »
statue et inflige des sanctions symboliques aux journalistes dont la preuve de
la culpabilité a été établie. La régulation
interne aussi serait plus crédible si elle se dotait de moyens de
dissuasion plus coercitifs au lieu de se contenter de sanctions qui n'ont
aucune valeur juridique. L'organe de régulation béninois peut
servir d'exemple puisqu'il peut priver à tout journal fautif de l'aide
de l'Etat à la presse dont il gère l'attribution.
En définitive, il faut tout simplement retenir que
l'étude des médias sénégalais sous le prisme de
l'éthique et de la déontologie est un terrain prometteur. Les
textes `liberticides' contenus dans le code pénal sont en cours de
révision. De toute évidence, les peines privatives de
liberté ne seront plus prononcées à l'encontre des
journalistes. La liberté du journaliste étant
protégée, il y a une crainte que les dérives se propagent
et prennent des proportions très dommageables aux médias
eux-mêmes. Toutefois, il n'est pas question de faire un retour en
arrière, ce qui serait un sacrifice de la liberté individuelle.
On se rappelle cette polémique qui a opposé
ROUSSEAU à VOLTAIRE: l'un déplorant le fait que
« l'homme est devenu un loup pour l'homme » et l'autre
taxant son contradicteur de vouloir ramener la civilisation à
l'âge de la pierre. Les dérapages et les dérives semblent
être le résultat de la liberté acquise au fil des
années. Maintenant, il revient aux journalistes de montrer qu'ils sont
en mesure de faire usage de cette liberté tout en instaurant des
médias de qualité. L'exemple donné par Henri
PIGEAT252(*) constitue
à ce propos une image qui montre l'importance de la
responsabilité des médias et des journalistes vis à vis
à du public qui les fait confiance. Cet auteur fait
référence à un tableau de Picher BREUGHEL, un peintre du
16e siècle qui met en scène un aveugle guidant
d'autres aveugles, les entraînant dans un fossé. Ce qui serait
pour lui l'exemple d'un média n'accordant pas assez d'importance aux
principes éthiques et déontologiques qui lui sont
nécessaires pour aider le peuple à y voir plus clair.
Nous voudrions, avant de terminer cette étude, montrer
que toute conclusion ne peut être que partielle. Pour mieux
apprécier les dérives et les dérapages, il aurait
été plus bénéfique d'être en possession de
tous les articles incriminés. Ce qui n'a pas toujours été
le cas car tous les journaux ne sont pas mis en ligne ou alors les articles qui
datent d'une certaine époque ont déjà disparu du site au
moment de leur consultation. Le résultat de ce manque est que la plupart
des affaires dont nous ne disposions pas d'éléments
nécessaires à leur exploitation ont été
écartées de cette étude. De même, nous
déplorons le fait de n'avoir pas pu obtenir beaucoup plus d'entretiens
avec les instigateurs. Mais comme nous le disions plus haut, nous envisageons
de toute manière, si l'occasion nous en été offerte, de
compléter ce travail. L'objectif sera alors de faire un choix des
journaux dignes d'intérêt pour notre sujet, et pourquoi pas
intégrer les médias audiovisuels. Il sera aussi question
d'enquêter beaucoup plus sur l'organisation syndicale le SYNPICS et
surtout sur le CRED. Pour ce faire, nous comptons prendre connaissance des
statuts de ces organisations, examiner de manière plus approfondie leur
mode de fonctionnement, et évaluer leur influence réelle sur les
sujets qui nous préoccupent. Concernant les organes de presse, les
procédés que nous avons relevés comme participant de
l'autorégulation seront abordés avec profondeur. Quelle est
l'importance des `encadrés de correction', des `droits de
réponses', ou du `courrier des lecteurs' aussi bien pour le journal que
pour le lecteur ? Qui sont ces médiateurs dont la présence
dans les rédactions est devenue de plus en plus vitale, sont-ils plus au
service du média que du public ? Voilà autant
d'interrogations et de pistes de réflexion qui vont nécessiter
une investigation sur le terrain et des rencontres avec les professionnels et
les spécialistes des médias sénégalais.
BIBLIOGRAPHIE
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médias
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TUDESQ André-Jean :
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« L'espoir et l'illusion : actions positives
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www.walf.sn
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www.panos-ao.org
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www.rsf.fr
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www.ifj.org
Agence universitaire de la
Francophonie, bureau Afrique de l'Ouest,
www.refer.sn
Journal en ligne, Afrik.com,
www.afrik.com,
Journal en ligne,
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Presse,
www.spresse.net
Géopolitique africaine,
www.african-geopolitics.org
Agence de presse Sénégalaise
(APS),
www.aps.sn
Observatoire français des
médias,
www.observatoire-medias.info
Action-critique-médias (Acrimed),
www.acrimed.org
ANNEXES
ANNEXE 1
EXTRAIT DE LA LOI DU 2 FÉVRIER 1996 RELATIVE
AUX ORGANES
DE COMMUNICATION SOCIALE, AUX PROFESSIONS
DE JOURNALISTE ET DE TECHNICIEN253(*)
|
TITRE II
DES JOURNALISTES ET TECHNICIENS
DE LA COMMUNICATION SOCIALE
Article 23 : Est journaliste au sens de la présente
loi, toute personne diplômée d'une école de journalisme et
exerçant son métier dans le domaine de la communication, toute
personne qui a pour activité principale et régulière
l'exercice de sa profession dans un organe de communication sociale, une
école de journalisme, une entreprise ou un service de presse, et en tire
le principal de ses ressources.
Article 24: Est technicien de la communication sociale au
sens de la présente loi, toute personne diplômée d'une
école de formation préparant aux métiers
d'ingénieurs ou de techniciens et exerçant ces métiers
dans le domaine de la communication sociale, de même que toute personne
exerçant lesdits métiers, tels que définis dans la
Convention collective des journalistes et techniciens de la Communication
sociale.
Article 25: Les journalistes et techniciens de la
communication sociale employés dans les services de l'Etat et les
établissements publics sous tutelle du ministre chargé de la
Communication sont régis par le Code de travail et par les dispositions
de la Convention collective applicable à leur profession.
Chapitre I : DES DROITS
Article 26: Le journaliste ou le technicien de la
communication sociale a libre accès à toutes les sources
d'informations non confidentielles et a le droit d'enquêter librement sur
tous les faits qui conditionnent la vie publique.
Article 27 : Le journaliste ou technicien de la communication
sociale a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à
la ligne de son entreprise.
Article 28 : Le journaliste ou le technicien de la
communication sociale ne peut être contraint d'accomplir un acte
professionnel ou d'exprimer une opinion contraire à sa conviction ou
à sa conscience. Il peut, à cet effet, invoquer la clause de
conscience, notamment à l'appui de sa démission. Dans ce cas, les
règles applicables à la rupture du contrat de travail sont celles
qui s'appliqueraient si la rupture était intervenue à
l'initiative de l'employeur s'il est établi que la clause est
invoquée à bon escient.
Article 29 : L'équipe rédactionnelle et
technique doit être informée obligatoirement de toute
décision de nature à affecter la vie de l'entreprise.
Article 30: Le journaliste ou le technicien de la
communication sociale a le droit de faire appel dans le cadre de son travail et
sous sa seule responsabilité, à toute personne-ressource qu'il
juge suffisamment compétente pour analyser ou commenter un
événement de portée locale, nationale ou internationale.
Cette personne-ressource ne jouit pas des garanties reconnues par la
présente loi aux journalistes et techniciens de la communication.
Toutefois sa responsabilité peut être engagée en cas de
violation de la loi.
Chapitre II : DES DEVOIRS
Article 31 : Le journaliste ou technicien de la communication
sociale doit respecter les faits.
Article 32 : Le journaliste ou le technicien de la
communication doit en outre être guidé par les principes
ci-après :
- défendre la liberté de l'information, du
commentaire et de la critique;
- ne publier que des informations vérifiées, ou,
dans le cas contraire, les accompagner des réserves qui s'imposent;
- ne pas pratiquer la rétention de l'information, ni
dénaturer les textes et les documents dont il se sert pour
présenter les faits ou les commenter.
- rectifier toute information publiée qui se
révèle inexacte;
- ne pas user de méthodes déloyales ou
répréhensibles pour obtenir ou diffuser des informations,
photographies et documents.
Article 33 : Dans l'exercice de sa liberté
d'expression, le journaliste doit respecter les convictions religieuses,
politiques ou philosophiques du public auquel il s'adresse, même s'il ne
les partage pas. Il doit en outre respecter scrupuleusement le principe de la
non discrimination en raison de la race, de l'ethnie, du sexe ou de l'origine
nationale.
Article 34 : Le journaliste ou le technicien de la
communication sociale est tenu de respecter la vie privée des personnes,
dès lors que celle-ci n'interfère pas avec les charges publiques
dont les dites personnes sont ou prétendent être investies.
Article 35: Le journaliste ou le technicien de la
communication sociale est tenu au secret professionnel tel que prévu
à l'article 363 du Code pénal. Il ne doit pas divulguer les
sources des informations obtenues confidentiellement. Le journaliste ou le
technicien de la communication sociale peut révéler sa source
à son supérieur hiérarchique, mais seulement si ce dernier
est lié par le secret professionnel. Le journaliste ou le technicien de
la communication sociale peut être délié du secret sur
l'aveu de la source de l'information s'il a pu être clairement
prouvé que ladite source l'avait induit en erreur.
Article 36: Le journaliste ou le technicien de la
communication sociale s'interdit le plagiat, la calomnie, la diffamation ainsi
que les accusations sans fondement. Il ne peut recevoir un quelconque avantage
du fait de la publication ou de la suppression d'une information.
Article 37: Le journaliste ou le technicien de la
communication sociale ne doit pas confondre le métier de journaliste
avec celui de publicitaire ou de propagandiste. Il ne peut accepter aucune
consigne directe ou indirecte des annonceurs.
Article 38 : Le journaliste ou le technicien de la
communication sociale doit refuser toute pression; il ne peut accepter de
directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction.
Article 39: Le journaliste ou le technicien de la
Communication sociale doit s'interdire tout détournement de document
imprimé ou audiovisuel dont les droits de diffusion et de distribution
sont réservés.
Chapitre III : DE LA CARTE NATIONALE DE
PRESSE
Article 40 : Les journalistes et les techniciens de la
communication sociale peuvent solliciter l'attribution d'une carte nationale de
presse. Seuls peuvent se prévaloir des dispositions prises en faveur des
journalistes par les organisateurs de manifestations publiques les
détenteurs de la carte nationale de presse.
Article 41 : Il est institué une commission de la
carte nationale de presse seule habilitée à la délivrer,
et comprenant six membres titulaires et six suppléants ainsi
répartis:
- 1 représentant de l'Assemblée nationale,
- 1 magistrat désigné par le ministre de la
Justice
- 1 représentant du ministre chargé de la
Communication,
- 1 représentant du syndicat des professionnels de la
communication le plus représentatif,
- 1 représentant de la presse et des organes
audiovisuels privés désigné par les associations
patronales les plus représentatives,
-1 représentant des organes de communication d'Etat
désigné par le ministre chargé de la tutelle sur lesdits
organes.
La commission élit en son sein un président et
un vice-président.
Article 42: Le secrétariat de la commission est
assuré par le représentant du ministre chargé de la
commission.
Les membres de la commission sont nommés par
arrêté du ministre chargé de la Communication.
Article 43: Tout membre de la commission de la carte
nationale de presse doit justifier d'une expérience professionnelle de
cinq ans au moins et jouir de ses droits civiques et civils.
Article 44: Les membres suppléants
désignés dans les mêmes conditions que les membres
titulaires peuvent être appelés à suppléer ceux-ci
en cas d'absence, de démission, d'empêchement définitif ou
de décès entre deux renouvellements.
Article 45: La commission est renouvelée tous les deux
ans et les membres sortants peuvent être reconduits une seule fois.
Article 46: La commission délibère à la
majorité de ses membres. En cas de partage des voix, celle du
président est prépondérante.
Article 47: Un règlement intérieur
élaboré par la commission fixe les autres règles relatives
à son fonctionnement.
Article 48: Tout postulant à la carte nationale de
presse, journaliste ou technicien de la communication sociale titulaire doit
jouir de ses droits civiques et civils et fournir un dossier comprenant
obligatoirement:
- une demande indiquant, entre autres, l'adresse à
laquelle le postulant pourra être convoqué;
- un extrait de l'acte de naissance ou une photocopie de la
carte nationale d'identité ;
- un extrait de casier judiciaire datant de moins de trois
mois;
- une copie certifiée conforme du diplôme d'une
école de journalisme, ou toute autre justification visée aux
articles 23 et 24 de la présente loi;
- un engagement à tenir la commission informée
de tout changement intervenu dans sa situation, et à rendre la carte
à la commission, dans le cas où il perdrait la qualité de
journaliste ou de technicien de la communication sociale au sens de la
présente loi;
- et trois photos d'identité.
Le postulant peut en outre, faire apparaître dans son
dossier, le cas échéant, l'indication des publications auxquelles
il a déjà loué ses services, ainsi que ses autres
occupations régulièrement rétribuées.
Article 49: Tout postulant à la carte nationale de
presse, journaliste ou technicien de la communication sociale stagiaire doit
fournir un dossier comprenant les pièces énumérées
à l'article 47 de la présente loi. Toutefois, la demande de
l'intéressé, ainsi que les justifications fournies en application
des articles 23 et 24 de la présente loi, doivent faire mention de sa
qualité de stagiaire.
Article 50: La commission a toute latitude pour
vérifier l'exactitude des informations fournies par le postulant, en
vertu des articles 47 et 48 de la présente loi.
Article 51: La commission délivre la carte nationale
de presse à titre personnel, au postulant remplissant les conditions
fixées par l'article 47 de la présente loi. La demande est
rejetée lorsque ces conditions ne sont pas réunies ou lorsqu'il
apparaît que le postulant a fait l'objet d'un retrait définitif de
la carte dans les conditions prévues à l'article 55 de la
présente loi.
Article 52 : Toute personne qui aura fait une
déclaration totalement ou partiellement inexacte, en vue d'obtenir la
délivrance de la carte nationale de presse, ou qui, pour acquérir
un avantage quelconque, aura fait usage d'une carte frauduleusement obtenue,
périmée, ou annulée sera passible des peines
prévues par la loi.
Article 53 : La carte nationale de presse
délivrée par la commission porte la photographie du titulaire, sa
signature, l'indication se ses prénoms, nom, nationalité et
domicile. Elle est revêtue du cachet de la commission et de la signature
du président.
Article 54 : En ce qui concerne les journalistes et les
techniciens stagiaires de la communication sociale, cette qualité est
mentionnée sur la carte elle-même.
Article 55 : La carte nationale de presse est
attribuée pour une durée de trois ans pour les journalistes et
les techniciens de la communication sociale titulaires et pour une durée
d'un an pour les stagiaires. Dans tous les cas, son renouvellement doit
être demandé par l'intéressé avant le premier
novembre de la dernière année de validité. Cette demande
de renouvellement se fera par lettre recommandée adressée au
président de la commission.
Article 56: Le retrait de la carte nationale de presse peut
être décidé par la commission lorsque le titulaire a
violé les dispositions de la présente loi. Avant toute
décision, l'intéressé est entendu, accompagné le
cas échéant de son conseil.
Le retrait peut être provisoire ou définitif.
ANNEXE 2
Déclaration des devoirs et des droits des
journalistes (Munich, 1971)
|
Préambule
Le droit à l'information, à la libre expression
et à la critique est une des libertés fondamentales de tout
être humain.
Ce droit du public de connaître les faits et les
opinions procède l'ensemble des devoirs et des droits des journalistes.
La responsabilité des journalistes vis-à-vis du
public prime toute autre responsabilité, en particulier à
l'égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics.
La mission d'information comporte nécessairement des
limites que les journalistes eux-mêmes s'imposent spontanément.
Tel est l'objet de la déclaration des devoirs formulés ici.
Mais ces devoirs ne peuvent être effectivement
respectés dans l'exercice de la profession de journaliste que si les
conditions concrètes de l'indépendance et de la dignité
professionnelle sont réalisées. Tel est l'objet de la
déclaration des droits qui suit.
Déclaration des devoirs
Les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la
rédaction et le commentaire des événements, sont :
[1] respecter la vérité, quelles qu'en puissent
être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du
droit que le public à de connaître ;
[2] défendre la liberté de l'information, du
commentaire et de la critique ;
[3] publier seulement les informations dont l'origine est
connue ou les accompagner, si c'est nécessaire, des réserves qui
s'imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas
altérer les textes et les documents ;
[4] ne pas user de méthodes déloyales pour
obtenir des informations, des photographies et des documents ;
[5] s'obliger à respecter la vie privée des
personnes ;
[6] rectifier toute information publiée qui se
révèle inexacte ;
[7] garder le secret professionnel et ne pas divulguer la
source des informations obtenues confidentiellement ;
[8] s'interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les
accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en
raison de la publication ou de la suppression d'une information ;
[9] ne jamais confondre le métier de journaliste avec
celui du publicitaire ou du propagandiste; n'accepter aucune consigne, directe
ou indirecte, des annonceurs ;
[10] refuser toute pression et n'accepter de directives
rédactionnelles que des responsables de la rédaction.
Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d'observer
strictement les principes énoncés ci-dessus ; reconnaissant le
droit en vigueur dans chaque pays, le journaliste n'accepte, en matière
d'honneur professionnel, que la juridiction de ses pairs, à l'exclusion
de toute ingérence gouvernementale ou autre.
Déclaration des droits
[1] Les journalistes revendiquent le libre accès
à toutes les sources d'information et le droit d'enquêter
librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. Le secret des
affaires publiques ou privées ne peut en ce cas être opposé
au journaliste que par exception en vertu de motifs clairement exprimés.
[2] Le journaliste a le droit de refuser toute subordination
qui serait contraire à la ligne générale de son
entreprise, telle qu'elle est déterminée par écrit dans
son contrat d'engagement, de même que toute subordination qui ne serait
pas clairement impliquée par cette ligne générale.
[3] Le journaliste ne peut être contraint à
accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait
contraire à sa conviction ou sa conscience.
[4] L'équipe rédactionnelle doit être
obligatoirement informée de toute décision importante de nature
à affecter la vie de l'entreprise.
Elle doit être au moins consultée, avant
décision définitive, sur toute mesure intéressant la
composition de la rédaction : embauche, licenciement, mutation et
promotion de journaliste.
[5] En considération de sa fonction et de ses
responsabilités, le journaliste a droit non seulement au
bénéfice des conventions collectives, mais aussi à un
contrat personnel assurant sa sécurité matérielle et
morale ainsi qu'une rémunération correspondant au rôle
social qui est le sien et suffisante pour garantir son indépendance
économique.
Munich, 1971
CHARTE DE LA REDACTION DU
QUOTIDIEN
|
Ces principes sont adaptés des "Règles et usages"
en vigueur au journal Le Monde. Certains sont une reproduction de
l'original. D'autres ont fait l'objet d'une adaptation.
· Cadeau(x), Voyages
Le journaliste de Le Quotidien doit veiller à
éviter tout ce qui peut entacher sa crédibilité, mettre en
doute son indépendance. Tout cadeau, dont la valeur atteint 5 000 F Cfa,
ne saurait être accepté par un journaliste. Ce dernier ne peut
recevoir de somme d'argent de quelque montant que ce soit, pour une raison ou
une autre liée à l'exercice de sa profession.
Dans le cas où le présent ou l'argent est
envoyé à la rédaction, le journaliste est tenu de le
retourner, avec une lettre explicative co-signée par le rédacteur
en chef. Si les donations sont faites en public, le journaliste de Le
Quotidien doit manifester son refus avec courtoisie, sans pour autant
chercher à indisposer ses autres confrères.
Les journalistes n'acceptent pas de voyage de presse gratuit
avant d'en avoir reçu l'autorisation du rédacteur en chef ou de
leur chef de desk.
· Citation(s)
Toute citation publiée dans Le Quotidien doit
être sourcée, sauf cas exceptionnel où l'anonymat est
exigé par la source. Les sources doivent être
identifiées. Le journaliste devra rapporter ses propos avec exactitude,
mais doit veiller à éliminer tout propos susceptible de froisser,
de blesser des tiers ou, après coup, l'auteur même des
propos. Dans un cas où des opinions contradictoires s'opposent. Le
journaliste doit toujours chercher à avoir les deux versions en
présence. A défaut de l'interlocuteur principal, il cherchera
à faire réagir une source proche de ce dernier.
· Collaboration(s) extérieure(s)
Les journalistes de Le Quotidien peuvent mener des
activités rédactionnelles en dehors du journal. Le cas
échéant, ils en formulent la demande par écrit au
directeur de la publication. L'acceptation d'une telle activité est
conditionnée au fait qu'elle ne concurrence ni ne gêne les
activités menées pour le compte de Le Quotidien. Les
journalistes de Le Quotidien peuvent avoir d'autres activités
professionnelles (animation de conférences, séminaires, etc.). La
direction de la publication doit en être informée. Toute
activité complémentaire, régulière et
rémunérée, doit faire l'objet d'un accord du journal.
· Commentaire(s)
Tous les rédacteurs peuvent proposer, sur un sujet
d'actualité qui entre dans leur domaine de compétence, une
"analyse" ou un "commentaire". Ces commentaires doivent figurer dans un
encadré qui accompagne l'article. La règle impose de ne pas
faire passer son point de vue dans les articles d'information.
· Comportement
Un journaliste de Le Quotidien est partout un
ambassadeur de sa rédaction. Il doit adopter en public un comportement
correct. La même règle s'applique au sein de la rédaction.
La courtoisie doit aussi présider aux relations des journalistes avec
les lecteurs quand ces derniers les interpellent sur leurs écrits et
avec les différents acteurs de la vie publique.
· Conditionnel
L'usage du conditionnel de précaution est restreint. Elle
ne doit pas servir en aucun à asseoir des accusations.
· Conflit(s) d'intérêt(s)
Les journalistes ne peuvent couvrir un
événement dans lequel ils peuvent se retrouver face à un
conflit d'intérêts personnels.
· Correspondant(s)
Les journalistes qui se rendent à l'occasion d'un
reportage ou d'une conférence dans une région doivent
prévenir le correspondant de la rédaction en poste dans la
localité. Au cas où leur collaboration s'avère
nécessaire pour la bonne exécution du travail, il revient au
journaliste de la rédaction centrale de diriger l'équipe.
· Coupe(s)
Le relecteur/ correcteur ne doit pas prendre des libertés
avec les articles des journalistes. Ils peuvent en améliorer le contenu,
mais doit prendre garde de ne pas faire des coupes ou des
réécritures qui changent le sens des éléments
d'informations présentés par l'auteur. Dans toute la mesure du
possible, le relecteur/correcteur signale au journaliste les coupes ou
modifications réalisées.
· Courrier
Les lettres de lecteurs doivent être traitées avec
soin. Elles sont une marque de confiance et d'attachement des lecteurs à
leur journal. Quelles que puissent être les opinions exprimées,
les lettres doivent être acceptées. Ne seront cependant
diffusées que celles qui apportent des informations ou des idées
pertinentes. Tout propos discourtois, offensant ou diffamatoire doit être
enlevé avant publication. Quand un journaliste est interpellé
dans un courrier, il doit répondre (Ndlr) en restant courtois dans sa
réponse. Il en est de même pour les droits de
réponse. Le journal peut entretenir un débat dans la page
courrier, mais doit éviter d'installer dans une polémique
personnelle. Le journal doit aussi éviter d'institutionnaliser des
"contributeurs professionnels". Il faut veiller à la diversité
des contributions. Les lettres qui parviennent au journal, même si
elles ne sont pas publiées, restent une propriété de la
rédaction. Elles ne peuvent être retournées. Le journal
ne publie pas de lettre anonyme, à moins que l'auteur, dûment
identifié, en fasse la demande. Une lettre ne peut être
publiée sous forme de signature collective. Les lettres ouvertes
adressées à des personnes/ personnalités ou les tracts ne
peuvent être publiées comme courrier de lecteur.
· Couverture
Le journaliste qui couvre un événement
(manifestation, procès, etc.) ne quitte pas les lieux avant la fin.
· Dépêches d'Agences de Presse
Les dépêches servent d'alerte à la
rédaction. Lorsqu'elles sont reprises sous forme de brèves, de
repères ou d'articles, elles sont signées du nom de l'agence
(Aps, Afp, Reuters, etc.). Cette règle vaut aussi bien pour
l'actualité sénégalaise que pour l'actualité
internationale. La rédaction essaye toujours de contrôler
l'exactitude des informations d'agence publiées. Le journaliste peut
ajouter des informations complémentaires à la
dépêche. Dans ce cas le journal doit alors assumer la
totalité des informations.
· Devoir de réserve
Dans leurs contacts publics, les journalistes se gardent de
manifester ostensiblement leurs opinions (politiques, religieuses,
philosophiques, etc.). Ce devoir de réserve touche aussi la "cuisine
interne" du journal. Les journalistes de "Le Quotidien" se garderont
d'évoquer ailleurs les décisions ou tout autre fait concernant la
marche du journal.
· Editorial
L'éditorial est rédigé par le directeur de
publication ou le rédacteur en chef. Il est signé. Quand il est
rédigé par le rédacteur en chef, il peut être relu
par le directeur de publication et modifié, si nécessaire, pour
des raisons de forme et de fond. Si ces modifications n'agréent pas
l'auteur, il peut exiger que l'article ne soit pas diffusé ou ne porte
pas sa signature.
· Entretien(s)
Le Quotidien accepte seulement la relecture des
longs entretiens (Les Marches du Quotidien par exemple) par les personnes qui
se sont prêtées au jeu des questions-réponses. Il s'agit
d'une relecture de précaution pour éviter tout contresens. Si la
personne interviewée corrige pour l'aseptiser, la rédaction se
réserve le droit de ne pas publier l'entretien.
· Erreur(s)
Toute fausse information publiée par Le
Quotidien doit être rectifiée le plus rapidement possible,
dès l'instant que la vérité est établie à ce
sujet. Les rectificatifs reçus par la rédaction ne sont
assortis d'aucun commentaire de la rédaction.
· Faits divers
Les prénoms et noms des mineurs ne sont pas
publiés, sauf si les familles concernées ont donné leur
accord ou si les prénoms sont devenus publics. Les prénoms et
noms des victimes de viol ne sont pas publiés, sauf volonté
expresse des victimes. Les prénoms et noms des personnes
soupçonnées de crimes ou de délits sont publiés si
elles sont majeures. Les journalistes devront se garder de présenter
l'information de manière stigmatisante pour des groupes, des
communautés ou des populations déterminées.
· Préjugé(s)
Les rédacteurs s'interdisent d'utiliser toute formule ou
tout cliché exprimant du racisme (" une cruauté tout orientale ")
ou du mépris (" fils d'un modeste instituteur ", ou "originaire d'un
bled").
· Signature(s)
En cas de désaccord sur une coupe ou une modification, un
rédacteur peut demander la suppression de sa signature.
* 1 H. B.-MERY, Parole
écrite, Grasset, Paris, 1991, p.134
* 2 Charte internationale des
droits et des devoirs des journalistes adoptée à Munich en 1971 (
voir Annexes)
* 3Cf. Institut PANOS,
Médias et élections au
Sénégal, NEAS, Dakar, 2002
* 4 CORNU Daniel, Ethique de
l'information, Que-sais-je ? PUF, Paris, 1997, p.4
* 5Cf. Institut PANOS, Ne
tirez pas sur les média : éthique et déontologie de
l'information en Afrique de l'Ouest, L'Harmattan, Paris, 1996, p. 200
* 6 Cf. Alexandrine
CIVARD-RACINAIS, la déontologie des journalistes : principes et
pratiques, Ellipses, Paris, 2003, p.3
* 7 Henri PIGEAT,
Médias et déontologie : règles du jeu ou jeu sans
règles, Paris, PUF, Vendôme 1997, p. 85
* 8 Selon l'auteur, celle-ci
fonctionne comme une instance de légitimation des pratiques et des
normes ainsi que de mise à l'épreuve de l'image. Daniel CORNU,
Ethique de l'information, Que-sais-je ? PUF, Paris, 1997, p.4
* 9 Alain LARAMAEE et Bernard
VALLEE, La recherche en communication : éléments de
méthodologie, PUQ, 2001
* 10 CF. Jérôme
BOURDON, Introduction aux médias, Editions Montchrestien,
Paris, 2000
* 11Alain LARAMAEE et Bernard
VALLEE, op.cit, p. 70
* 12 Cf. Judith LAZAR,
« Sociologie de la communication de masse », Ed.
Armand Collin, Paris, 1991, p. 38
* 13 Armand et Michèle
MATTELART rapportent que LAZARSFELD fit venir ADORNO de l'Allemagne aux Etats
Unis dans le cadre d'une collaboration sur un projet de recherche sur les
effets culturels des programmes musicaux à la radio (1938-1939).
LAZARSFELD espérait « développer une convergence entre
la théorie européenne et l'empirisme
américain ». Il attendait que « la recherche
critique » « relativise » la recherche
administrative. Mais entre les deux hommes c'est le choc des cultures,
l'Allemand refuse de se soumettre au catalogue de questions qui lui a
été proposé, ce dernier fait obstacle à
«l'analyse de ce système, ses conséquences culturelles et
sociologiques et ses présupposés sociaux et
économiques ». cf. Histoire des théories de la
communication, La Découverte, Paris, 2004, pp. 39-40.
* 14 Nous entendons par
journaux sérieux, les organes de presse qui ne sont pas des journaux
people
* 15 Laurence BARDIN,
L'analyse de contenu, Paris, PUF, 2001
* 16 Les deux autres parties de
l'analyse de contenu selon Mme BARDIN sont : l'exploitation du
matériel et le traitement des résultats.
* 17 L. BARDIN, idem.
p. 127
* 18 Cf. A.-J. TUDESQ,
Feuilles d'Afrique : étude la presse de
l'Afrique Subsaharienne, Talence, MSHA, 1995
* 19 Cette reconnaissance
était effective en 1880 pour les habitants de Saint-Louis, Gorée
et Rufisque, en 1885 pour les Dakarois.
* 20 A.-J. TUDESQ (1995), p.
36
* 21 Idem
* 22 M. S. FRERE (2000), p.
27
* 23 Cité par A.-J.
TUDESQ (1995), p. 35
* 24 M. S. FRERE(2000), p.
27
* 25 TUDESQ (1995), p. 35
* 26 Idem
* 27 Selon le professeur
TUDESQ, l'Angleterre a autorisé la publication et la gestion de journaux
plus tôt que la France. Il rapporte qu'en 1826 un libérien
créa un journal à Monrovia. Au Ghana avec un journal comme
Accra Herald (1858), au Nigéria The
Anglo African (1863). Selon lui des journaux en langue
nationale furent également publiés dans ces colonies anglaises.
Idem, p.p. 19. 20
* 28 TUDESQ, (1995), p. 51
* 29 Cf. A.-J. TUDESQ, Les
médias en Afrique, Ellipses, Paris, 1999, p. 105
* 30 M. PAYE ( 1992), p.
347
* 31 Médias
et élections au
Sénégal, Institut Panos, NEAS, Dakar, 2002, p.47
* 32 Cf. Annie LENOBLE-BART,
Afrique Nouvelle : un hebdomadaire catholique dans l'histoire
(1947-1987), MSHA, Bordeaux, 1996
* 33 TUDESQ (1995), p. 62
* 34 Idem, pp.236-237
* 35 A.J. TUDESQ (1995), p.
63
* 36 Cité par M. S.
FRERE(2000), op. cit. p.28
* 37 A.-J. TUDESQ (1998), p.
81
* 38 A l'occasion de la
rentrée des cours et tribunaux, il disait en 1974 : « il
n'existe pas, dans notre vie politique de quatrième pouvoir »,
TUDESQ (1995), p. 62
* 39 Cf. ND. LOUM, la
presse indépendante au Sénégal : le culte de la
différence, mémoire DEA, Bordeaux 3, 1997, p. 47
* 40 Cité par ND. LOUM,
Idem, p. 51
* 41 ND. SAMB, op.cit.
p. 52
* 42 Cf. Institut Panos,
Médias et élections au Sénégal, NEAS,
Dakar 2002, p. 47
* 43 Idem, p. 48
* 44 Henri PIGEAT,
Médias et déontologie : règles du jeu ou jeu sans
règles, Paris, PUF, Vendôme 1997, p. 54
* 45 Cf. André-Jean
TUDESQ, « L'espoir et l'illusion : actions positives et
effets pervers des médias en Afrique subsaharienne »,
MSHA, Bordeaux, 1998
* Ces chiffres sont approximatifs, les
patrons de presse ont tendance à les gonfler pour attirer les annonceurs
si bien qu'ils varient d'un sondage à un autre en fonction du journal
qui l'a commandité.
* 46 Momar Coumba DIOP,
cité par ND. LOUM, (Bordeaux, 1997), p. 370
* 47 C'est ainsi que
l'appellent ces collègues journalistes
* 48 Cité par ND. LOUM,
Thèse doctorat, Bordeaux 2001, p.147
* 49 J. M. DIOP,
« Sénégal : sexe, sang et potins à la
Une : Les quotidiens de la nouvelle
génération », www.panos-ao.org
* 50 J. M . DIOP, op.
cit.
* 51 A l'occasion d'un
séminaire « Presse populaire, public et
déontologie » organisé par le CESTI le 12 novembre
2001
* 52 A.
AGBOTON, «La presse populaire : phénomène ou
épiphénomène in Entre tradition orale et nouvelles
technologies : où vont les mass média au
Sénégal ? », Dakar 2004, p. 38
* Même remarque que pour le triage
des journaux dits sérieux, A. AGBOTON pense d'ailleurs que
« le tirage réel est le secret le mieux gardé de la
profession », op.cit. p. 41
* 53 A. AGBOTON, op.cit. p.
40
* 54 Idem
* 55 Idem, p. 41
* 56 Idem, p. 41
* 57 Le Soleil du 5
mars 2001, « Scoop est arrivé ! »,
www.lesoleil.sn
* 58 Idem
* 59 Cité par Boubacar
KANTE, « Off, Bulles, A l'index, ces potins aimés et
redoutés des Sénégalais », article
publié le 27 janvier 2005, www.aps.sn
* 60 Cf. J. M. DIOP,
«Sénégal : sexe, sang et potins à la Une,
les quotidiens de la nouvelle génération »,
op.cit
* 61 Médias
et élections au
Sénégal, Institut Panos, NEAS, Dakar, 2002, p. 39
* 62 Op. cit.
* 63 E. KANT, Qu'est-ce que
les lumières ? Paris, GF, 1991
* 64C-J BERTRAND : Les
fonctions des médias, régime acteurs rôle in
Médias : Introduction à la presse, radio et
télévision, Ellipses, Paris 1999
* 65 Idem
* 66 L'expression
« de responsabilité sociale » est de R. M. HUTCHIN,
recteur de l'Université de Chicago en 1942. Il pensait que les
médias ne doivent être ni sous contrôle encore moins sous la
responsabilité de l'Etat.
* 67 J. C BERTRAND,
idem
* 68 Loi du 2 février
1996, loi n°92-16, chp 4, art 15
* 69Idem, art 26
* 70L. HERVOUET,
Journalisme et citoyenneté : les jumeaux de la
démocratie in le journaliste acteur de société,
Cahier ESJ, Lille 1996
* 71 A. LECLERC,
L'entreprise de presse et le journaliste, Presse universitaire de
Québec, 1991, pp. 6-8
* 72 Cf. F. BALLE et
J.-G . PADIOLEAU, Sociologie de l'information : textes
fondamentaux, Larousse, Paris 1972, pp. 281-282
* 73 Nom donné à
la coalition de l'opposition menée par Abdoulaye WADE lors de
l'élection présidentielle de 2000
* 74 J. STOETZEL,
Sociologie de l'information: textes fondamentaux, sous dir. de F.
BALLE et J.G. PADIOLEAU, Librairie Larousse, Paris 1972, p. 282
* 75 Marie-Soleil FRERE,
Presse francophone et démocratie, les mots et les maux de la
transition au Bénin et au Niger, édition Karthala, Paris,
2000 p. 413
* 76 Ndiaga LOUM,
Pluralisme de l'information et groupes multimédias au
Sénégal, thèse de doctorat, Bordeaux III 2001, p.149
* 77 Cité par Judith
LAZAR, Sociologie de la communication de masse, Armand Colin, Paris,
1991. MERTON donne l'exemple de la couverture d'une campagne de vaccination
pour sensibiliser les populations qui pourrait avoir d'autres
conséquences favorables aux professionnels de santé :
l'amélioration du prestige de leur travail, une meilleure
coopération et une meilleure gestion de la santé publique.
* 78 Ce qualificatif est devenu
tellement vendeur que tous les journaux privés le revendiquent comme
« label de qualité ». Mais le fait qu'un journal
soit privé le classe-t-il automatiquement du côté de la
presse indépendante ? N'y a-t-il pas des influences (politiques,
religieuses...) qui peuvent altérer cette indépendance ?
Walfadjri a longtemps été considéré comme
un journal islamiste, aujourd'hui, des journaux comme Le
Scoop et Le Messager se disent indépendants
alors qu'ils semblent proches du gouvernement.
* 79 La presse
indépendante au Sénégal, le culte de la
différence, mémoire de DEA sous la dir. de A. VITALIS,
Bordeaux III 1996, p. 62
* 80 Institut Panos, Presse
francophone d'Afrique ; vers le pluralisme, Karthala, Paris 1991,
p.70
* 81 Interview accordée
à Ndiaga LOUM, thèse doctorat, Bordeaux III, 2001, p. 414
* 82 Idem, p. 380
* 83 Cf. site Internet
Fédération Internationale des Journalistes,
« concertation nationale sur la presse
sénégalaise »,
www.ifjafrique.org/francais/etudesdocs/concertationpressenegal.htm
* 84 Terme utilisé par
Ndiaga SAMB, Médias et élections
au Sénégal, Institut Panos, NEAS, Dakar,
2002
* 85 Idem, p. 393
* 86 M-F. BERNIER,
Les conditions de légitimité du journaliste :
esquisse d'un modèle théorique, in Le journaliste acteur
de société, Cahier du journalisme de l'ESJ de Lille, 1996
p.178
* 87 Serge HALIMI, Les
nouveaux chiens de garde, Edition raison d'agir, Paris, 1997
* 88 Loïc HERVOUET,
« Journalisme et citoyenneté : les jumeaux de la
démocratie », in Le journaliste acteur de
société, Lille, 1996, p.52
* 89 A. MERCIER,
« Le rôle des journalistes en
démocratie », in Communication et médias,
la documentation française, Paris 2003, p.67
* 90 A l'occasion d'un discours
de rentrée des cours et tribunaux, tenu en 1977. Cf. TUDESQ
(1995), p. 62
* 91 Cité par ND. LOUM (
2001), p. 335
* 92 Institut PANOS, Ne
tirez pas sur les médias : éthique et déontologie de
l'information en Afrique de l'Ouest, L'Harmattan, Paris, 1996, p. 200
* 93 Cité par Gloria
AWAD, Du sensationnalisme, place de l'événementiel dans les
journaux de masse, Harmattan, Paris 1995, p.172
* 94 J. M. DIOP, site Internet
Médiafrique, www.mediafrique.com
* 95 B. DIOP,
« Presse populaire : le revers de la
médaille », site Internet Soleil,
www.lesoleil.sn
* 96 J. M. DIOP,
« Sénégal : sexe, sang et potins à la
Une : Les quotidiens de la nouvelle
génération », www.panos-ao.org
* 97 A. AGBOTON,
« La presse populaire: phénomène ou
épiphénomène », in Entre tradition
orale et nouvelles technologies : où vont les mass média au
Sénégal ? Presse de la Sénégalaise de
l'imprimerie, Dakar 2004
* 98 Cité par B. DIOP,
op. cit.
* 99 Cité par B. DIOP,
idem
* 100 M. M. FAYE,
« Presse populaire sénégalaise : le revers de
la médaille- Bidonnage ? », (Dossier
publié le samedi 5 janvier 2002) www.lesoleil.sn
* 101 Laurence BARDIN,
L'analyse de contenu, Paris, PUF, 2001
* 102 L. BARDIN,
op.cit.p. 127
* 103 A.-J. TUDESQ,
Feuilles D'Afrique, étude de la presse de l'Afrique
Subsaharienne, MSHA, Talence, 1995
* 104 Ordonnances
n°59-054, Titre I
* 105 « L'Agence ne
peut en aucune circonstance tenir compte d'influence ou de
considérations de nature à compromettre l'exactitude ou
l'objectivité de l'information, elle ne doit en aucune circonstance
passer sous contrôle ...d'un groupement politique, idéologique ou
économique ». Ordonnances n°59-054, Titre I, article 2
* 106 Institut PANOS,
Médias et élections au Sénégal, NEAS,
Dakar, 2002, p.47
* 107 Badara DIOUF,
journaliste au Soleil, « Le Sénégal a
repris confiance en lui-même », publié le 19 mars
2004, www.lesoleil.sn
* 108 Souleymane SENE,
« Balayer devant sa porte », article publié
le jeudi 29 juillet 2004 sur le site
www.spresse.net
* 109 Cf. Le
Soleil du 11 octobre 2001, « Révélations
du quotidien Info 7: Plainte du ministère de
l'Environnement »
* 110 Moustapha NIASSE est le
leader de l'Alliance des Forces du Progrès (AFP). Il fut nommé
Premier ministre par WADE avec qui il avait fondé la coalition
victorieuse des élections de février et mars 2000
* 111 Secrétaire
général du SYNPICS
* 112 Cf. www.lesoleil.sn,
« Le Témoin condamné à payer 5
millions à Victor Emmanuel Cabrita »
* 113 « le livre
qui secoue le Sénégal »,
www.afrik.com,
* 114 Aïssatou
Kombé NDIAYE, « Abdou L. COULIBALY, un homme
décevant », www.lemessager.sn
* 115 Aïssatou
Kombé NDIAYE, Abdou L. COULIBALY, « un homme
décevant », www.lemessager.sn/
* 116 Les
événements que nous allons rapportés ne correspondent pas
à la période choisie pour cette étude (2000-2003).
Cependant, il est important de les rappeler pour montrer que la course au scoop
peut provoquer de graves manquements à l'éthique.
* 117 Ce journal est
réputé proche du pouvoir, il est édité par
Le Soleil.
* 118 Cf. Le Soleil
du 29 décembre 2004, « Procès en diffamation :
Aïssata TALL SALL réclame 500 millions au
Messager »
* 119 Cf. Le Soleil
du 9 février 2005, « Me Aïssata TALL SALL l'emporte
sur Le Messager : 6 mois avec sursis et 3 millions à titre de
réparation »
* 120 Babacar DIOP,
« la presse people : le revers de la
médaille », site Internet du Soleil, www.lesoleil.sn
* 121 Babacar DIOP,
« la presse people : le revers de la
médaille », site Internet du Soleil, www.lesoleil.sn
* 122 Cf. Le Soleil
du 2 août 2001, « Image tronquée du Premier ministre
à la « une » du Tract : le directeur
de publication et son monteur en garde-à- vue »
* 123 Cf. Le Soleil
du 21 novembre 2001, « Procès Goumbala THIAM/
Moeurs : 6 mois ferme pour Pape Daouda SOW et Demba
SECK »
* 124 Cf. Le Soleil
du 29 juin 2001, « Après l'article de Moeurs, Mbaye
Jacques DIOP saisit le CRED »
* 125 Cf. Le Soleil
du 11 janvier 2002, « Diffamation: Pape Daouda Sow
condamné à 6 mois ferme, son journal «Moeurs» suspendu
pour 3 mois »
* 126 Cf. Le Soleil
du 11 janvier 2002, « Diffamation: Pape Daouda Sow
condamné à 6 mois ferme, son journal «Moeurs» suspendu
pour 3 mois »
* 127 Cf. Babacacar DIOP,
« presse populaire : le revers de la
médaille », www.lesoleil.sn
* 128 Cf. article du
Soleil 17 août 2002 « Procès en
diffamation : Pape Daouda SOW piégé par des
lecteurs... ? Il écope encore de 6 mois avec
sursis »
* 129Cette redevance
était directement versée à la RTS, mais après
contestation des patrons de chaînes et moult négociations avec
l'Etat, elle est maintenant destinée au Haut conseil de l'audiovisuel
(HCA).
* 130 Editorial titré
« Leçons de mars », cité par Ndiaga
LOUM, Pluralisme de l'information et groupes multimédias au
Sénégal, thèse de doctorat, Bordeaux 2001 p.120
* 131 Idem, p.121
* 132 « D'une
peur...bleue à plus de liberté », article
publié le 3 avril 2002 à l'occasion du deuxième
anniversaire de l'alternance, www.lesoleil.sn
* 133 Amadou FALL,
idem
* 134« La presse
sénégalaise, trois ans après l'avènement de
l'alternance politique» in Entre tradition orale et nouvelles
technologies : où vont les mass média au
Sénégal ? Presse de la sénégalaise de
l'imprimerie, Dakar 2004, pp. 23-31
* 135 Idem, p. 29
* 136 Institut PANOS, Ne
tirez pas sur les Medias, Harmattan, Paris 1996, p.176
* 137 Diana SENGHOR,
directrice programme Afrique de l'Ouest, Institut PANOS (1996) p.190
* 138 Cité par Bernard
Béguin, Journaliste qui t'a fait roi ? Les médias entre
droit et liberté, Dijon 1988, p.12
* 139 Cf. Le Soleil 6
décembre 2001, « Le Quotidien de la République :
bulletin de la présidence », www.lesoleil.sn
* 140 Francis BALLE,
Médias et sociétés, Paris Montchrestien, 1994
* 141 Ce constat s'applique
particulièrement à la presse people. A en croire Babacar
DIOP du Soleil, dans ce secteur, il arrive que la seule personne ayant
reçu une formation soit le rédacteur en chef ou le directeur de
publication.
* 142 Cité par Mamadou
NDAO, Institut PANOS, Ne tirez pas sur les médias, Harmattan,
Paris 1996 p.172
* 143 Idem, p.172
* 144 La convention collective
prévoit un certain nombre de conditions pour les sortants des
écoles alors que ceux qui se sont formés sur le tas ne
bénéficient de ces avantages que deux années après
avoir exercé dans un organe de presse. Cf. art. 24 et 27 ; chapitre
8 ; Convention collective CEDEAO/UJAO
* 145 Convention collective
CEDEAO/UJAO, chapitre 5, art 19
* 146 Idem, chapitre 8, art
27
* 147 Op. cit. pp.
43-44
* 148 Idem, p. 44
* 149 Cf. Institut PANOS
(1996), p. 202
* 150 Site Médiafrique,
« trois cents millions ça
s'arrose ! », www.médiafrique.com
* 151 Nabo SENE,
Sénégal : rupture avec
le « griotisme »,
www.african-geopolitics.org
* 152 Henri PIGEAT,
Médias et déontologie : Règles du jeu ou
jeu sans règle, PUF, Vendôme, 1997, p.54
* 153 Daniel CORNU,
Ethique de l'information, que-sais-je ? PUF, Paris 1997
* 154 Nabo SENE,
idem
* 155 Cf. Nabo SENE,
idem
* 156 Cf. Institut PANOS,
Médias et élections au Sénégal, NEAS,
Dakar, 2002
* 157 Nabo SENE,
idem
* 158 Selon Babacar TOURE,
directeur du groupe Sud, Institut PANOS, Presse francophone
d'Afrique : vers le pluralisme, Karthala, Paris 1991, p.110
* 159 Claude-Jean BERTRAND,
L'arsenal de la démocratie, Médias, déontologie et
MARS, éditions ECONOMICA, Paris 1999
* 160 B. DIOP,
« la presse populaire le revers de la
médaille », site du Soleil, www.lesoleil.sn
* 161 Op. cit.p.
43
* 162 Cf. site
Médiafrique, « 300 millions ça
s'arrose ! »,
www.mediafrique.com
* 163 Selon la loi du 2
février 1996 « l'aide apportée à une entreprise
de presse est modulée en fonction du titre, du nombre de professionnels
qui y travaillent, du tirage, de la diffusion ainsi que des charges
sociales » art 60
* 164 Cf. site
Médiafrique, « 300 millions ça
s'arrose ! »
* 165 Cité par Babacar
DIOP, « Presse populaire, le revers de la
médaille », publié le 5 janvier 2002, site
Internet, www.lesoleil.sn
* 166 Cité par Babacar
DIOP, presse populaire, le revers de la médaille,
www.lesoleil.sn
* 167 Babacar Kanté de
l'APS note que souvent les articles sont alimentés par des coups de
téléphones de particuliers qui veulent faire partie `des gens qui
comptent'. « Off, Bulles, A l'index, ces potins aimés et
redoutés des Sénégalais. », www.aps.sn
* 168 La fonction du griot a
connu une mutation au fil des années. Jadis, il était le
dépositaire de l'histoire et de la sagesse, conseillé du roi, il
narre ses exploits, revigore ses troupes et participe vaillamment aux combats.
Aujourd'hui, il est à la solde du plus offrant, à qui il fait des
éloges en échange de ses largesses. Grâce à son arme
redoutable que constitue la parole, il peut aussi ternir l'image d'une personne
en tenant des propos désobligeants. Certains spécialistes n'ont
pas manqué de voir dans le comportement de quelques journalistes une
certaine parenté avec ces griots « moulins à
parole », « faiseurs de réputation ».
* 169 Cf.Y. DIOUF, Les
journalistes corrompus ? in Entre tradition orale et nouvelles
technologies : où vont les mass média au
Sénégal ? Presse de la sénégalaise de
l'imprimerie, Dakar 2004,
* 170 Cf. Le
Soleil du 27 novembre 2002: « Affaire du
million de Mamoune NIASSE : le SYNPICS saisit l'organe de
régulation »
* 171 Y. DIOUF,
Les journalistes corrompus ? in Entre tradition orale et
nouvelles technologies : où vont les mass média au
Sénégal ? Presse de la Sénégalaise de
l'imprimerie, Dakar 2004, p. 36
* 172 Ce chiffre englobe les
radios privées, publiques et les journaux de presse écrite
* 173 Cité par
Loïc HERVOUET, ESJ de Lille 1996, p.50
* 174 Selon les journalistes
de Sud, le gouvernement avait incontestablement pris sa position en
soutenant le patron de la CSS.
* 175 Institut PANOS,
Presse francophone d'Afrique : vers le pluralisme, Harmattan,
Paris 1991, p.42
* 176Le Soleil du 12
juillet 2004
* 177Site Internet
Médiafrique, www.mediafrique.com
* 2 Walfadjri du 12
juillet 2004, cité par l'APS (agence sénégalaise de
presse), www.aps.sn
* 178 Site Internet de RSF,
www.rsf.fr
* 179 Idem
* 180 Ibidem
* 181 Selon l'art 35 de la loi
du 22 février 1996, « le journaliste est tenu au secret
professionnel...il ne doit pas divulguer les sources des informations obtenues
confidentiellement »
* 182 Site Internet
Médiafrique, www.mediafrique.com
* 183 En plus de l'appui de
diverses organisations de la société civile, une marche
organisée à Dakar par le collectif pour la libération de
M. DIAGNE mobilisa près de 2000 personnes. Dans la sous-région,
sous l'appel de l'UJAO, un sit-in a été organisé au Mali
devant l'ambassade du Sénégal. Sur le plan international, des
organisations comme reporters sans frontières (RSF),
fédération internationale des journalistes (FIJ) furent les
relais de leurs confrères sénégalais.
* 184 Cité par la
FIJ, « La FIJ soutient le SYNPICS pour la
dépénalisation des délits de presse au
Sénégal »,
www.ifj.org, art publié le
06/12/2004
* 185 Cf. Le
Soleil du 26 juin 2001, « le SYNPICS cite
nommément Moeurs et
Révélations »
* 186 Cité par Babacar
DIOP, « Presse populaire, le revers de la
médaille », site Internet du Soleil, www.lesoleil.sn
* 187 Idem
* 188 Ibidem
* 189 Cité par J. M.
DIOP, « Sexe, sang et potins à la Une : cette presse
qui a pris tout le monde de court », Site Internet PANOS,
www.panos.
* 190 Les enquêtes de
1987 (juillet) et 1990 (février, mars) ont été
effectuées par Sedicop International. L'enquête de 1992 a
été faite par Médias Sénégal pour ASA.
* 191 André-Jean
TUDESQ, Feuilles d'Afrique : étude de la presse de l'Afrique
subsaharienne, MSHA, Talence 1995, p. 81
* 192 Sophie SENGHOR,
thèse de doctorat, 1993, p.6
* 193 Boubacar KANTE :
« Off, Bulles, à l'index : ces potins aimés et
redoutés des Sénégalais », site Internet
APS, www.aps.sn
* 194 Les mots mis entre
guillemets désignent les rubriques consacrées aux faits divers et
affaires de société dans les journaux populaires (Bulles pour
Le Témoin, Off pour le Pop, à l'index
pour L'Observateur, Xossi pour L'Actuel...)
* 195 B. KANTE, idem
* 196 Ibidem
* 197 Période allant de
septembre 2001 à août 2002, cf. Khoudia DIOP, La presse
populaire : son contenu et ses lecteurs in Entre tradition orale et
nouvelles technologies : où vont les mass média au
Sénégal ? Presses de la Sénégalaise de
l'imprimerie, Dakar 2004, p. 59
* 198 Idem, p. 70
* 199 Walfadjri du 18
mars 2004, « Macky SALL l'a annoncé Moeurs et le
`sexe d'Allah' interdits de diffusion » www.walf.sn
* 200 Le Soleil du 24
octobre 2001, « Diffusion de fausses photos
pornographiques : des maîtres et des élèves coraniques
exigent des excuses de Tract », www.lesoleil.sn
* 201 Selon A.-J. TUDESQ
l'application de la loi rencontrait quelques limitations dans les colonies,
celles-ci ont été levées grâce à un
décret daté du 27 septembre 1946. Feuilles d'Afrique,
MSHA 1995, p. 50
* 202 Outre la loi du 29
juillet, G. HESSELING note qu'il y avait ; les ordonnances du 31 octobre
1960 portant création et statut de la commission de presse, du statut du
journaliste professionnel ; le décret du 13 avril 1961 portant
délégation de pouvoir au ministère de l'information...en
matière de contrôle de la presse étrangère ;
enfin la loi du 25 avril1969 relative au contrôle des matériels de
propagande politique d'origine étrangère.
* 203 A l'issue d'un rapport
commandité par le ministre de l'information de l'époque (1976),
il fut noté une « croissance sauvage de la presse »
d'où la mise sur pied d'une loi « pour la
contrôler ». Celle-ci fut votée par 44
députés contre 4 à l'issue d'un débat houleux de 10
heures qui a opposé parlementaires de l'opposition (PDS) à ceux
plus nombreux du parti au pouvoir (PS) qui étaient favorables. G.
HESSELING (1985), pp. 308-309
* 204 Cette charte qui date de
1971 est un des textes internationaux sur les devoirs et les droits des
journalistes auxquels se réfèrent plusieurs journaux de pays dits
démocratiques pour élaborer un code de déontologie (voir
annexe 2 ).
* 205 Loi 96-04 du 2
février 1996, titre II, chapitre I, article 28
* 206
« L'équipe rédactionnelle doit être
obligatoirement informée de toute décision importante de nature
à affecter la vie politique de l'entreprise », 4e
droit (déclaration des devoirs et droits des journalistes), art 29 (loi
de février 1996)
* 207 Titre II, chapitre II,
art 32
* 208 Titre II, chapitre II,
art 34
* 209 Titre II, chapitre II,
art. 33
* 210Selon cet art. «les
manoeuvres et actes de nature à compromettre la sécurité
publique ou à occasionner des troubles politiques graves, à
enfreindre les lois du pays, seront punis d'un emprisonnement de trois ans au
moins et de cinq ans au plus et d'une amende de 100.000 a
1.500.000 FCFA», Code pénal du Sénégal
annoté, EDJA, Dakar 2000, p. 42
* 211Un à trois ans
d'emprisonnement sont prévus, code pénal, art 255-257, Selon G.
HESSELING (1985), p. 312, un alinéa prévoyant que même une
tentative est considérée comme un délit fut ajouté
à l'article 255, en 1979.
* 212 Loi n°77-84 ;
voir exposé des motifs : « la nouvelle rédaction
des articles 57...constitue une mise en garde contre tous ceux qui oseraient
entreprendre de démoraliser l'armée »
* 213 Selon G. HESSELING
(1985), entre 1977 et 1980 « le champ d'application de ces articles
de code pénal fut élargi, les peines devinrent plus lourdes et la
possibilité de décider, à titre de peine additionnelle, la
publication de la peine dans un ou plusieurs organes de presse fut liée
à une astreinte. » p. 312
* 214G. HESSELING (1985),
p.313
* 215 Loi n°89-09 portant
création de Haut Conseil de l'Audiovisuel (HCA), Exposé des
motifs
* 216 Idem
* 217 Idem, art. 7
* 218 C-J BERTRAND :
Les fonctions des médias, régime acteurs rôle in
Médias : Introduction à la presse, radio et
télévision, Ellipses, Paris 1999
* 219 Nabo SENE,
Sénégal : rupture avec le griotisme, selon cet
auteur, ce chiffre comprend les professionnels de l'information, les pigistes,
les stagiaires et personnes sans statut appelés `apprentis' et qui ne
sont pas mentionnées dans la convention collective.
* 220Site Internet
Sénégal Portal, www.senportal.com
* 221 Idem
* 222 Nabo SENE,
Sénégal : rupture avec le griotisme, op.cit
* 223 Entretiens
effectués de manière informelle tout le long de l'année
2004 -2005
* 224 Cité par
Kankoué NOUWODJRO, Ethique et déontologie : la presse
universitaire francophone à l'école
sénégalaise, site Internet AUF, www.refer.sn
* 225 Institut PANOS, Ne
tirez pas sur les médias : éthique et déontologie de
l'information en Afrique occidentale, Harmattan, Paris, 1996, p. 203
* 226 Idem, p.205
* 227 Idem, p.204
* 228 Le Soleil du 21
avril 2001 « Diffamation : Walfadjri se sépare de son
correspondant à Louga »
* 229 L'incarcération
de ce journaliste a provoqué un élan de solidarité du
peuple. A en croire les organisateurs environ 2000 personnes ont battu le
pavé pour réclamer sa libération le 12 juillet 2004
* 230 Cité par ND. LOUM
( Bordeaux 2001), p. 414
* 231 Site Internet FIJ
www.fij.fr, « les journalistes sénégalais engagent
le dialogue avec le ministère de la justice »
* 232 Site Internet du Soleil,
www.lesoleil.sn, « Atelier sur la dépénalisation
des délits de presse : Protéger la liberté et
défendre l'éthique ».
* 233 Idem
* 234 L'expression est de A.
SALL, « conditions de travail dans les mass média et
qualité in Entre tradition orale et nouvelles technologies :
où vont les mass média au Sénégal
? » Presse de la Sénégalaise de
l'imprimerie, Dakar 2004, p.147
* 235 Cf. Mamadou NDAO qui
avait effectué une enquête sur les dérives des journalistes
entre1990 et 1995, PANOS (1996)
* 236 Nom du Khalife
général des mourides(une des plus grandes confréries
islamiques au Sénégal)
* 237 Sud
Quotidien du 21 avril 1998
* 238 Dans son article
intitulé : La régulation de l'audiovisuel au
Sénégal : contours de la mission, moyens et perspectives
in Entre tradition orale et nouvelles technologies : où
vont les mass média au Sénégal ? Presse de la
Sénégalaise de l'imprimerie, Dakar 2004, p. 132
* 239 Article L.58 dudit
code
* 240 Site Internet reporters
sans frontières, www.rsf.fr
* 241 Dans un article paru en
octobre 2004, le journaliste faisait état de la possession du ministre
d'une villa à Montréal
* 242 Site Internet
Sénégal Portal, www.senportal.com
* 243 Lors de son
`procès', le directeur de publication du Quotidien a
dénoncé « une prise de position publique »
d'un de ses confrères membre du CRED avant le jugement.
* 244 D. CORNU, éthique
de l'information, Que-sais-je ? PUF, Paris, 1997, p.71
* 245Voir ses ouvrages, La
déontologie des médias, Que sais-je? Paris PUF, 1999 ;
L'arsenal de la démocratie : médias, déontologie
et M*A*R*S, Economica, Paris, 1999
* 246 C-J. BERTRAND
L'arsenal de la démocratie : médias, déontologie et
M*A*R*S, Economica, Paris, 1999, p. 81
* 247 Cf. Le Soleil du 7
septembre 2002, « 5e congrès de l'UJAO :
les expériences de régulation des médias à la
loupe »
* 248 Cf. André-Jean
TUDESQ, L'espoir et l'illusion : actions positives et effets pervers
des médias en Afrique subsaharienne, MSHA, Talence 1998,
p.68
* 249 Cf.
« Médias et élections
au Sénégal », NEAS, Dakar, 2002
* 250 Expression
utilisée par Alpha SALL, secrétaire général du
SYNPICS, Site Internet Médiafrique, www.mediafrique.com
* 251 Henri PIGEAT,
Médias et déontologie : règles du jeu ou jeu sans
règle, PUF, Vendôme, 1997
* 252 Cf. Henri PIGEAT,
op.cit, p. 4
* 253 Le texte intégral
est disponible sur le site Internet de PANOS, www.panos.sn/lois/senegal.htm.
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