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La banque islamique

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par Rachid El aatmi
Université mohammed 5-Suissi faculté des sciences juridiques économiques et sociales de Salé - licence en droit privé en français option droit des affaires 2007
  

Disponible en mode multipage

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Avant propos

Le secteur bancaire au Maroc connaît ces dernières années une prospérité sans égale, il a pu désormais conquérir toutes les classes sociales marocaines, alors que son activité était jusqu'à lors limitée au salariés et au fonctionnaire.

La concurrence de l'état, tantôt par de nouvelles dispositions législatives, tantôt par la participation effective, en garantissant certaines couches sociales pour les prêts qu'ils contractent auprès des banques a joué un rôle primordial dans cette montée en puissance de l'industrie bancaire.

Cependant il faut bien rappeler que les banques oeuvrant jusqu'à maintenant au Maroc sont des banques dont les activité principales sont basées sur l'intérêt voir l'usure prohibé par le droit musulman.

Ce travail cible ainsi un double objectif :

· Le premier étant de rappeler la stricte interdiction de l'usure dans le droit musulman.

· Et le deuxième est de faire une brève présentation d'une alternative qui a belle et bien réussi à concurrencer, voir remplacer les banques à intérêt. cette alternative est la banque islamique.

D'une part La banque islamique est conforme aux prescriptions du droit musulman, et d'autre part elle présentent une variété de produits qui se sont montrés plus avantageux, non seulement aux banques et aux clients, mais aussi pour les économies qui l'ont accueilli, d'où s'impose la question suivante : pourquoi ne sont-elles toujours pas autorisée à s'établir au Maroc ?

Introduction

Dans les années soixante les banques islamiques ne constituaient qu'un épiphénomène du marché financier, qui a suscité quelques recherches et des études portant le plus souvent sur sa viabilité...

De nos jours avec plus de trois cents établissements, la présence des banques islamiques est immuable, une présence pesante et signifiante dans le marcher du moment qu'entre 40% et 50% des épargnants musulmans font confiance à ces institutions (1), ce qui leur fait au moins deux cents milliards de dollars de dépôts (2). Devant une telle situation beaucoup de banques traditionnelles occidentale se sont trouvé dans l'obligation d'introduire des produits bancaires islamiques dans leurs circuits afin de préserver leur clientèle arabo musulmane.

A l'origine de ce phénomène, le boom pétrolier des années soixante-dix qui a entraîner une grande disponibilité de pétrodollars et de ce fait la création du premier grand établissement islamique de financement : la Banque Islamique de Développement d'Arabie Saoudite, à l'initiative de l'organisation de la conférence islamique.

Un autre phénomène pas moins important que le premier, le fort mouvement qui existe dans le monde musulman en faveur de la création d'institutions financières islamiques, (El Naggar Ahmed)(3). Ce phénomène n'est qu'une manifestation d'un autre beaucoup plus large, celui de la renaissance de l'islam et de ces valeurs. (Constantin François et Coulon Christian, 1977).

(1) la revue ÇáæÚí ÇáÅÓáÇãí N° 440 Juin 2002

(2) Idem

(3) EL NAGGER AHMED secrétaire général de l'association internationale des banques islamiques (AIBI) de sa création en 1977 à mai 1991, et pionnier de la finance islamique en Egypte.

La première expérience a eu lieu en Egypte entre 1963 et 1967, sous la forme des caisses d'épargne rurales du Mit-Ghamr un petit village (delta du Nil) procurant des micros crédit au villageois qui n'acceptaient pas le rapport créancier /débiteur celui imposé par les banques conventionnelles, et qui cherchaient des relations répondant aux normes prescrites par leur religion. Cette expérience s'est soldée par un échec dû principalement à des raisons politiques.

Elle fut néanmoins riches d'enseignements pour les expériences ultérieurs telles que la Nasser Social Bank en 1971, première banque à caractère social pour les groupes sociaux à bas revenus. (1)

L'activité bancaire islamique proprement dite a commencé avec la création de la banque de DubaÏ en 1975. Ce fut une initiative populaire qui a été suivie par la création de la banque islamique de développement à Djedda, établissement international, groupant les pays membres de l'Organisation de la Conférence Islamique. (2)

D'autres banques islamiques virent le jour au cour de la décennie 70 tel que le groupe « DAR AL AMAL AL ISLAMI », « AL BARAKA », le rythme de la création va s'accélérer dans beaucoup de pays arabes à savoir le KOWEÏT, QUATAR, JORDANI,...on voit naître également des guichets d'opérations bancaires islamiques au sein de banques traditionnelles, notamment au ETATS-UNIS et en suisse. (3)

D'autre pays tel que l'Iran, et lors de la montée des islamistes au pouvoir, on adopter intégralement un programme de restructuration de leurs institutions dans le sens islamique en interdisant complètement aux banques de percevoir ou de verser des intérêts.

(1) GERARD VERNA et AB CHOUIKH étude sur le fonctionnement des banques islamiques université LAVAL Québec juin 1989.

(2) « une banque originale la banque islamique » MALIKA KETTANI p 16.

(3) Idem

Les banques islamiques ont déjà d'importantes réalisations dans leur actif. Elles ont ainsi réintégrer dans le circuit économique mondial plus d'une quinzaines de milliards de dollars, soit environ le tiers du pactole thésaurisé dans les pays arabes, et ce grâce à la relation originale q'elles entretiennent avec leurs clients entrepreneurs/emprunteurs en effet la banque islamique joue le rôle d'un partenaire partageant les bénéfices aussi bien que les risques, la banque n'est donc plus perçue comme un simple pourvoyeur d'argent intéressé seulement par les garanties.

Le principe du rejet du prêt à intérêt est une caractéristique fondamentale du système bancaire islamique, or, l'octroi de crédit avec intérêt est l'activité principale des banques occidentale, il a fallu donc développer un concept islamique du crédit afin de remplir l'un des rôles principaux de la banque, tout en respectant les prescriptions islamiques.

Nous examinerons dans une première partie : la conception islamique de la profession bancaire, et dans une deuxième partie : Les Opérations bancaires islamiques

Première partie :

Le concept islamique de la profession bancaire.

La religion musulmane englobe tous les aspects de la vie spirituelle comme de la vie sociale du croyant, instituant des principes aussi bien pour le rapport de l'homme à Dieu qu'en ce qui concerne ses rapports sociaux et notamment les transactions commerciales.

(Al-Inani Hassan, 1981) L'économie de la péninsule arabe du VII ème siècle reposait en effet sur des tribus marchandes vivant dans un environnement hostile. Du fait de leur isolement, elles souffraient le plus souvent d'un manque de liquidités qui favorisait l'usure et la thésaurisation. Les préceptes islamiques visèrent à refréner ces phénomènes sociaux indésirables. Car si les taux d'intérêts appliqués aux négociants se déplaçant de ville en ville étaient trop élevés, cela décourageait le commerce et augmentait considérablement le coût des marchandises. (1)

Sous la perception islamique s'est développée alors une économie purement islamique, inspirée du coran de la sunna et des autres sources, une économie ni capitaliste, ni communiste, ni même positive, mais par son indépendance, ses caractéristiques, et ses fondements, c'est une véritable structure dotée de tous les produits offerts par les autres économies dont la banque islamique qui s'est avérée plus efficace que son homologue occidentale du moment que ses services sont basés sur un partage plus équitable des risques et des bénéfices, et qu'elle se veut associer de l'emprunteur entrepreneur et non un simple créancier pesant dans son passif et intéressé seulement par les garanties financière offertes par lui.

Les banques islamiques a développé un concept propre a elle qui tire sa spécificité de l'application des règles du droit musulman qui interdisent l'intérêt et ne donne à l'argent aucune valeur propre, c'est-à-dire que si sa circulation ne traduit pas une activité économique réelle, il serait illicite qu'elle rapporte quelque prime que se soit.

Aussi force est de constater que le système bancaire islamique diffère, au niveau de sa gestion et de son organisation, des banques conventionnelles.

L'étude de l'interdiction de l'intérêt dans le droit musulman est nécessaire. Elle fera l'objet de notre première section.

Dans une deuxième section nous présenterons l'organisation des banques islamiques.

(1) Gérard Verna et Ab. Chouick ÉTUDE SUR LE FONCTIONNEMENT DES BANQUES ISLAMIQUES 

Département de Management, Université Laval, Québec juin 1989

Section 1 :L'interdiction du prêt à intérêt dans le droit musulman

L'activité des banques occidentales est basée sur l'intérêt, or l'intérêt est formellement interdit par le droit musulman, pour des raisons d'égalité et de justice entre les parties contractantes.

Cette interdiction trouve sa source dans le Coran, ainsi que dans la sunna, visant à anéantir l'usure, qui conduit inévitablement à l'appauvrissement des pauvres et l'enrichissement des riches du moment que l'emprunteur est un pauvre que le besoin a assujetti aux conditions du riche.

D'autre part l'analyse minutieuse de la prohibition de l'usure, démontre qu'elle veut rétablir un équilibre moral, économique, et social. Il faut noter aussi que le Coran et la sunna ne se limitent guerre à poser l'interdiction, mais ils pénalisent la violation de la prescription, faisant d'elle l'un des grand pêchés sévèrement sanctionné.

Sous section1 : La critique du prêt à intérêt dans l'histoire

A. L'usure et le prêt à intérêt

L'intérêt est la somme que le débiteur paie au créancier en rémunération de l'usage de l'argent prêté. (1) ; l'usure quant à elle est Intérêt perçu au-delà du taux licite, Délit commis par celui qui prête de l'argent à un taux d'intérêt excessif. (2)

On remarque que dans la pensée occidentale, il existe traditionnellement une distinction entre "usure" et "prêt à intérêt", l'usure étant un prêt à un intérêt très fort. Dans la pensée musulmane il n'existe aucune distinction entre ces deux termes, en effet elle considère comme usure tout intérêt aussi faible soit il.

Cependant le droit positif marocain ne considère comme usure que le taux d'intérêt qui excède le taux normal de l'intérêt, l'article 878 du DOC dispose que : « celui qui abuse des besoins, de la faiblesse, d'esprit ou de l'inexpérience d'une autre personne, se fait promettre pour consentir un prêt ou le renouveler à l'échéance, des intérêts ou autres avantages qui excédent notablement le taux normal de l'intérêt et la valeur du service rendu selon les lieux et les circonstances de l'affaire, peut être l'objet de poursuite pénale »

(1) le petit Larousse 2004

(2) idem

B. L'usure et sa critique dans l'histoire

Si la plupart des économistes et des penseurs ont défendu l'utilité de la pratique de l'intérêt, il convient néanmoins de rappeler qu'elle fut également critiquée, de nombreux intellectuels ont de leur côté fustigé l'usure, le prêt à intérêt, en argumentant que celui-ci dissuade l'investissement dans ce qui n'est pas directement et certainement rentable, même si cet investissement a une importance sociale (développement des infrastructures, éducation, etc.)

_"Ce qu'on déteste avec le plus de raison, c'est la pratique du prêt à intérêt [...]" Aristote (1)

Dans la Grèce antique, Aristote (384, m.322 av. J.C.) qualifie la pratique du prêt à intérêt de détestable car elle consiste à créer de la monnaie à partir d'elle-même, alors que la monnaie a été créée pour l'échange, non pour se servir elle-même.

_L'économiste et philosophe Adam Smith (1723, m.1790 ap. J.C.) estima pour sa part que par l'usure "le capital est au risque de l'emprunteur qui est comme l'assureur de celui qui prête". On voit très nettement apparaître ici cette inversion qui amène celui qui a besoin à devenir l'assureur de celui qui a.

_Les penseurs et théoriciens socialistes ont également développé la critique en argumentant que l'usurier (celui qui prête) reçoit des revenus sans fournir aucun travail, ce qui apparaissait à leurs yeux comme une injustice particulière. (2)

C. L'usure dans les religions monothéistes 

L'islam n'est point une exception dans son interdiction de l'usure, la tradition juive condamne également très clairement cette pratique, dans l'ancien testament on déduit du verset 24 chapitre 22ÑÇ áÎÑæÌ"»que si ton frère vient à s'appauvrir, tu dois le supporter, et ne lui demande ni gain ni intérêt. Mais ce qui est regrettable ici, c'est que les mains des falsificateurs ont touché l'ancien testament en donnant au mot « frère » dans le verset susvisé la notion de juif seulement. (3)

(1) Introduction au système bancaire islamique
Réalisé par "Fleurs d'Islam"
Source(s) : Le Système Bancaire Islamique, Mohammed Boudjellal, 1998, Institut International de la Pensée Islamique;
Dictionnaire encyclopédique de l'Islam, Cyril Glassé, 1991, Editions Bordas.

(2) Idem

(3) AL HALAL WA AL HARAM « ÇáÍáÇá æ ÇáÍÑÇã » DR YOUSSEF EL KARADAOUI

Pour les traditions chrétiennes, ils étaient initialement très opposée à la pratique de l'intérêt, fondant sa position ferme sur le texte biblique très explicite à ce sujet dont en tire ces notion : faites du bien, et prêtez sans attendre son revenu. or sous l'impulsion de Calvin (1) (au XVIe siècle) l'autorisation fût donnée aux protestants, et par la suite la pratique se répandit à l'ensemble de la communauté chrétienne, cependant qu'il fallait respecter une limite morale (ne pas pratiquer un taux d'intérêt trop fort).

D. Les fondements de l'interdiction de l'usure dans le droit musulman 

1) Dans le Coran

Les passages du Coran qui font allusion à l'usure sont nombreux, révélés aussi bien à la Mecque qu'à la Médine. L'interdiction de l'usure fut par étapes progressives, l'attitude même utilisée dans la prohibition de l'alcool.

On relève comme première étape le verset suivant : « Ce que vous donner comme usure pour accroître les biens des autres, ne croîtra pas chez Dieu, c'est ce que vous donner comme aumône pour la face de Dieu qui sera doublé » (2) Le verset ne contient aucune prohibition : pas de récompense mais pas de châtiment non plus. Mais on sait dans quel côté se place la préférence du législateur.

La seconde étape, le coran invoque aux musulmans l'exemple des juifs : « en raison de l'injustice des juifs, nous leurs avons interdit des biens qui ne l'étaient pas et parce qu'ils se sont écarté de la voie de dieu et qu'ils prenaient l'usure, et qu'ils mangeaient des biens d'autrui par des opération vaines, et nous avons préparé aux infidèles d'entre eux un châtiment douloureux » (3) L'interdiction n'est toujours qu'implicite, l'exemple dans ce verset est donné des juif qui parce qu'ils prenaient de l'usure se sont vu interdire des biens qui ne l'étaient pas avant.

(1) Jean Cauvin, dit Jean Calvin Noyon 1509 - Genève 1564

Réformateur français. Partisan avoué des idées luthériennes (1533),

(2) Sourate ARROUM «  ÇáÑæã »verset 38

(3) Sourate ANNISAE «  ÇáäÓÇÁ» versets 159 et 160

On s'attend à une interdiction explicite qui arrive, en effet la défense explicite est venue en troisième lieu, dans le versets 129 et 130 de sourate ALIMRAN « ô vous qui croyez -dit le Coran- ne mangez pas l'usure en doublant et en redoublant, et craignez Dieu, peut être serez-vous heureux, craignez l'enfer qui est réservé aux infidèles » (1) ainsi l'interdiction ne concerne que l'anatocisme, la capitalisation de l'intérêt, une pratique courante dans la période antéislamique, où le créancier demandait au débiteur soit de payer ses dettes échues soit d'avoir une prolongation du temps moyennant une augmentation de la dette, et ainsi de suite jusqu'à ce que ça se termine par prendre le débiteur comme esclave.

En fin vint l'interdiction explicite de l'usure, à savoir tous ce qui dépasse le capital prêté quel que soit son montant « Ô croyants ! Craignez Dieu ; et renoncez au reliquat de l'intérêt usuraire, si vous êtes croyants. Et si vous ne le faites pas, alors recevez l'annonce d'une guerre de la part de Dieu et de Son messager .Et si vous vous repentez, vous aurez vos capitaux. Vous ne léserez personne, et vous ne serez point lésés » (2)

« Ceux qui mangent [pratiquent] de l'intérêt usuraire ne se tiennent (au jour du Jugement dernier) que comme se tient celui que le toucher de Satan a bouleversé.

Cela, parce qu'ils disent : « Le commerce est tout à fait comme l'intérêt » Alors qu'Allah a rendu licite le commerce, et illicite l'intérêt ». (3)

Ces propos mettent en erreur les affirmations de certains auteurs qui disent que l'Islam comme le droit positif fait la distinction entre l'usure interdite, et le petit intérêt permis, en se limitant au troisième stade de la législation. Or il y a une unanimité sur la prohibition de l'usure.

(1) Sourate ALIMRANE « Âá ÚãÑÇä »verset 129et130

(2) Sourate AL BAKARA « ÇáÈÞÑÉ »verset 177 et 178

(3) Sourate AL BAKARA « ÇáÈÞÑÉ »verset 175

2) Dans le hadith :

En dehors du coran,on trouve dans le hadith des détails plus rigoureux , en effet ,le prophète a institué autour de ce crime une zone limitrophe qu'il a frappée de tabou,en l'assimilant à l'usure proprement dite.

Il s'agit non pas du prêt, mais de certaines modalités de ventes, ou plutôt d'échange :

· Certains articles ne peuvent s'échanger à crédit, même sans bénéfice.

· D'autres, sont susceptibles de bénéfices, mais non de crédit.

· Certains autres peuvent réaliser l'un et l'autre.

Voici l'énoncé des paroles du prophète :

D'après Abou Said al khoudri, le prophète a dit : «or contre or, argent contre argent, orge contre orge, dattes contre dattes, sel contre sel, égalité contre égalité, main à main, celui qui reçoit plus pratique l'usure, qu'il soit donnant ou prenant ».(1)

D'après Omar Ibn Khattab le prophète a dit :

« Or contre or constitue usure sauf en cas de «tiens tiens'' (livraison simultanée), blé contre blé constitue usure, sauf en cas de tiens tiens, dattes contre dattes constitue usure sauf en cas de `'tiens tiens''. (2)

Il s'agit là de six articles qui ont été énumérés par le prophète et qui sont soit des métaux précieux, soit des produits de consommation.

L'école DAHIRITE, considère que l'interdiction ne s'applique qu'aux articles énoncés par le prophète. Mais les autres imams des rites orthodoxes (Chafii, Abou Hanifa, Ibn hanbel), considèrent que les choses énumérées par le prophète ne sont que des spécimens, et que l'interdiction doit s'étendre à d'autres produits qui leurs sont analogues (3), en l'occurrence, la monnaie et les denrées alimentaires.

C'est ainsi que d'après Ahmed Ibn Hanbel et Abou Hanifa, l'or et l'argent sont considérés comme des exemples de ce qui se pèse (Çáãßíá ((4) par conséquent, tout ce qui se pèse peut être considéré comme usuraire, en particulier le plomb, le fer, le cuivre, métaux qui ne sont pas précieux mais qui se pèsent.

Par contre Malik et Chafii, les considèrent comme usuraires, en raison de leur finalité ou raison d'être, à savoir : moyen d'évaluation (ÚáÉ ÇáËãÇä (

Le caractère usuraire, ne s'étend donc pas à d'autres métaux comme le fer, le plomb, parce qu'ils ne sont pas un étalon des prix (5).

Quant au blé, à l'orge, aux dattes, et au sel, l'Imam Ahmed et Abou Hanifa, les considèrent comme des exemples de ce qui se pèse (ÇáãæÒæä).par suite ils étendent le caractère usuraire à tout ce qui est susceptible d'être pesé (6).

En effet, la divergence entre les imams des différents rites est due à l'inexistence d'un hadith qui détermine le motif de la prohibition des exemples énumérés.

En vertu des hadiths du prophète précédemment cités, l'échange de deux articles de même espèce et de même finalité est soumis à deux conditions :

a) Egalité quantitative.

b) Livraison simultanée.

L'échange de deux articles d'espèce différente et de même finalité est soumis à une seule Condition : la livraison immédiate.

L'échange de deux articles d'espèce différente et de finalité différente n'est soumis à Aucune condition.

La Sounna vise ici le commerce du troc, à côté du commerce de la monnaie .On a aboutit ainsi à une extension du domaine de l'usure, extension qui a été analysée par les jurisconsultes musulmans comme un moyen de prévention des prétextes, afin de ne pas pratiquer l'usure de terme. (7).

(1) sahih Mouslim T 5 P 44.

(2) Sahih boukhari t 3 p 68.

(3) Ibn houbaira :Al Ifsah An Maani assihah P 170.

(4) Ibn Jarir TABARI :Jami Al bayâne T 3p 70 et s.

(5) Ibn Roshd : Bidayat Al moujtahid T II P 78.

(6) Ibn Rochd : bidayat al moujtahid T II P 78.

(7) Ibn Al Kayyim ÇÚáÇã ÇáãæÞÚíä

3) La position des savants musulmans

Les savants musulmans ont déduit que le croyant musulman ne devait donc pas prêter son argent à intérêt, ni même avoir recours au prêt à intérêt. Devant l'apparition des nouvelles pratiques bancaires, au cours du XXe siècle, les savants musulmans se sont interrogés. En 1965, une commission de juristes musulmans venus de 36 pays s'est réunie en Egypte, à al-Azhar, afin de statuer sur la question de l'intérêt. Ils confirmèrent unanimement cette prohibition.

Des avis particuliers ( fatwa) ont cependant été énoncés par certains savants, dont Youssouf al-Qaradâwî, qui autorise les musulmans vivant en occident, et qui ne peuvent bénéficier de prêts sans intérêt, à avoir recours au prêt à intérêt dans l'unique but d'acheter un bien indispensable, de première nécessité. Il faut cependant rappeler que cet avis n'est pas partagé par la grande majorité des savants contemporains, qui proposent plutôt aux musulmans d'avoir recours à la location, au lieu de l'achat.

Sous section2 : Quelques objectifs de l'interdiction de l'usure

Pour le droit musulman, l'intérêt est formellement interdit aussi bien par le coran que par la sunna, il semble que la raison d'être de cette interdiction est celle même qui justifie la ZAKAT et AL GHANIMA (la répartition du butin d'une guerre), et qui est d'éviter que les biens circule exclusivement entre les riches.

Aussi la prohibition de l'intérêt vise plusieurs objectifs, dont ceux qui sont sociaux, et ceux qui se rapporte à l'économie et à la morale.

A. sociaux

L'interdiction de l'intérêt dans le droit musulman veut empêcher : d'une part le favoritisme du capital par rapport au travail, le capital doit par conséquent profiter à son détenteur et à celui qui le fortifie par son travail. D'autre part elle vise à empêcher la formation au sein de la société musulmane d'une classe détentrice des capitaux et entre les membres de laquelle circulent les biens, et une classe misérable qui travaillerait pour le bien-être de la première.

Or en droit musulman la richesse n'est qu'un moyen pour réaliser le bien-être de la société toute entière, ceux qui la détiennent devront en rendre compte à DIEU. « Et vous rendrez compte alors de vos jouissances » (1)

(1) Sourate ATTAKATOR verset 8

B. économiques

si le détenteur du capital peut par un contrat usuraire réaliser des profits considérables, il ne prendrait plus le risque de se lancer ni dans du commerce ni dans n'importe quelle activité économique, ce qui induirait cette économie en crise, par l'apparition, à côté du prêt à intérêt, d'autres comportements aussi nuisibles que l'usure à savoir la thésaurisation qui concerne les biens qui ne sont pas purifiés par la ZAKAT, et qui a été à son tour vivement interdit par le coran qui dit «  a ceux qui thésaurisent or et argent sans les dépenser dans la voie de DIEU, fais l'annonce d'un châtiment douloureux » (1)

C. morale

L'usure conduirait à réduire voir détruire la bienfaisance entre les membres de la société, car quelqu'un qui peut prêter un dirham pour deux ne s'amuserait à faire des prêts pour rien.

J Birier énonce à ce propos (2) : « le progrès téchno-économique annonce la prolétarisation, la dégradation des valeurs et l'apparition des misères individuelles. Ce progrès en d'autres termes laisse, au niveau des relations interpersonnelles, l'homme indifférent à l'homme. Si l'Islam, en s'industrialisant, devait garder la substance des principes coraniques, il donnerait au monde une leçon retentissante ».

(2) Sourate ATTAWBA verset 34

(3) Cité par J Laurans dans sa thèse de doctorat « étude du prêt à intérêt » édition Arthur rousseau. Grenoble 1883

Section 11 : L'organisation de la banque islamique

L'industrie des services financiers islamiques a enregistré une croissance importante au cours des deux dernières décennies et elle devrait continuer ainsi dans le futur. Néanmoins la réglementation et le contrôle de cette industrie représentent un souci politique important du fait de la nature unique de ces modes de financement.

En effet elle repose sur des principes, dictés par le Coran, la Sunna et la jurisprudence (Fiqh), fondamentalement différents de ceux de la finance anglo-saxonne, par conséquent le model appliqué aux banques islamiques, en matière de gestion et de contrôle, sont en partie différents de leurs homologues des banques conventionnelles.

En vue de relever le défit de la réglementation et du contrôle posé par l'émergence de l'industrie financière islamique, les organes d'administration, épaulés par les chercheurs de l'économie islamique se sont penchés sur cette question, en essayant de trouver un cadre réglementaire typique qui pourrait aisément se fondre avec les différentes législations des pays qui accueille des établissements bancaires islamiques.

Et le fruit de se travail ne se fait pas attendre, en effet en 1981, une loi islamique modèle, portant sur la réglementation bancaire fut adoptée par les gouverneurs des banques centrales et les autorités monétaires des pays islamiques. Cette loi devrait servir de model pour la création des banques islamiques.

Les chercheurs de leur part, ayant ressenti le besoin d'assurer la stabilité de ce système islamique, ont donné la priorité à la recherche et la formation dans le domaine de la réglementation et le contrôle.

Les banques islamiques sont généralement administrées par un conseil d'administration, élu par l'assemblée générale, et qui délègue une partie de ses pouvoirs au directeur général placé sous son contrôle.

Sous section1 : Les organes de gestion

A. Le conseil d'administration

L'administration de la banque islamique est confiée à un conseil d'administration, composé d'administrateurs nommés à temps, révocables, salariés ou gratuits, nommés par l'assemblée générale des actionnaires, leur nombre est déterminé par les statuts, en cas de vacance d'un siège de membre de conseil d'administration, il sera occupé par le candidat ayant recueilli le plus grand nombre de voix lors des élections du conseil d'administration, en attendant la première réunion ordinaire de l'assemblée générale. (1)

1) Condition d'admission au conseil d'administration

a. Etre musulman

Vu la nature spéciale de la banque islamique, dont les transactions sont régies par la charia, les membres du conseil d'administration ne peuvent être choisis que parmi les musulmans, cela traduit aussi le souci de préserver la confiance entre la banque et ses clients, qui semble t-il, en faisant confiance à ces institutions vise en premier lieu le respect du droit musulman, et la présence d'un membre non musulman au sein de tel établissement mettrait la banque en contradiction avec ses principes.

b. Etre titulaire d'un nombre d'action exigé par les statuts

Les membres du conseil d'administration doivent être titulaires d'un nombre minimum d'action fixé par les statuts, ces action son nominatives, inaliénables, ces actions sont nominative, inaliénables, elles servent à garantir une bonne gestion de la par du membre du conseil d'administration, leur inaliénabilité prend fin lorsque l'administrateur cesse ses fonctions.

Cette condition n'est toutefois exigée par toutes les banques islamiques, la banque islamique du Soudan précise dans ses statuts que le membre du conseil d'administration peut ne pas être parmi les actionnaires (1), cette règle concorde mieux avec le principe d'égalité entre les associés, ce dernier étant une règle absolue dans le droit musulman qui implique que tout associé peut participer à la gestion de la société.

c. Ne pas tomber sous dans une incompatibilité

Cette disposition n'est pas commune à toutes les banques islamiques, la banque islamique de DUBAI adopte cette condition et précise que le membre du conseil d'administration ne peut occuper dans la banque un autre poste sauf celui du président du conseil d'administration, ou celui de directeur général.

Le statu de la banque islamique du KOWEIT précise que le membre du conseil d'administration, ne peut être en même temps administrateur d'une autre société exerçant la même activité que la banque islamique, et ne doit avoir aucun intérêt direct ou indirect dans les transaction de la banque.

La banque islamique du SOUDAN de sa part ne voit dans l'exercice simultané de certaines fonctions par l'administrateur de la banque aucun inconvénient, d'ailleurs ses statuts précise que l'administrateur peut exercer n'importe quel autre poste dans la banque, comme il peut également exercer n'importe quelle activité lucrative. Sous réserve que si l'administrateur a un intérêt quelconque dans des opération traitées avec la banque il doit déclarer cet intérêt lors de la réunion du conseil d'administration et perd de ce fait son droit de vote. (1)

Cette condition, qui vise à réaliser un certain équilibre dans la société en garantissant la confiance entre les associés, s'avère porter atteinte au principe de la liberté des associés admis par le droit musulman.

La durée des fonctions des administrateurs élus par l'assemblé générale est en principe 3 ans.

2) Les attributions du conseil d'administration

Le conseil d'administration jouit des pleins pouvoirs pour la gestion de la banque, à l'exception des pouvoirs réservés à l'assemblée générale. Son action n'est limitée que par les dispositions légales ou statutaires, ainsi que par les recommandations de l'assemblée générale.

Le conseil d'administration :

· Fixe la politique générale de la banque.

· Etablit les règlements concernant les opérations financières et administratives.

· A la libre disposition des biens de la banque et peut accomplir n'importe quel acte d'acquisition ou d'aliénation, dans l'intérêt de la banque.

· Convoque l'assemblée générale à se réunir, et fixe du l'ordre jour.

(1) Une banque originale la banque islamique Mlika Kettani

· Etablit un rapport sur l'activité de la banque, et sur sa situation financière durant l'année écoulée

Les décisions sont prises à la majorité et les actes accomplis contrairement aux statuts sont nuls, et ne peuvent être ratifiés que par l'assemblée générale des actionnaires.

3) La responsabilité des administrateurs

Les administrateurs sont responsables devant la banque, les associés, et les tiers de toute violation de la loi ou des statuts.

Les administrateurs ne répondent pas personnellement des actes accomplis au nom de la banque.

Ces dispositions tirent plus du droit positif que du droit musulman, en effet elles rappellent plus celles prévues par le droit marocain à la réglementation des sociétés anonymes, cet aspect met la banque en disparité avec certains principes du droit musulmans, tel que la liberté et l'égalité des associés. Aussi force est de soulgner que les banques islamiques sont une entité morale, or dans le droit musulman la personne morale est ignorée, c'est-à-dire que les tiers ne traitent pas avec la société en tant qu'entité abstraite mais avec des personne qui agissent pour leur compte et celui des autres associés.

B. Le directeur général

Dans la banque islamique le directeur général est une personne physique à laquelle le conseil d'administration délègue une partie de ses pouvoirs. Le directeur général exerce ses pouvoirs sous le contrôle du conseil d'administration, devant lequel il est responsable de ses actes.

C. Les assemblées générales d'actionnaires

On distingue l'assemblée générale ordinaire et l'assemblée générale extraordinaire. Ces assemblées sont convoquées par le conseil d'administration chaque fois que celui-ci le juge utile, mais elles peuvent être aussi convoquées par les actionnaires représentant une part du capital déterminée par les statuts.

Les réunions des assemblées sont présidées par le président du conseil d'administration, et un quorum doit être atteint pour que les assemblées puissent délibérées.

1) L'assemblée générale ordinaire

L'assemblée générale ordinaire de la banque islamique :

· Nomme les membres du conseil d'administration te fixe leur rémunération.

· Nomme les membres du conseil religieux et fixe leur rémunération.

· Se réuni au moins une fois par an à fin de discuter, et approuver le rapport annuel du conseil d'administration.

· Fixe le montant du bénéfice qui doit être réparti entre les actionnaires.

Tout actionnaire a le droit d'assister aux réunions de l'assemblée générale, et de prendre part au vote, aussi il a le droit de discuter le rapport annuel du conseil d'administration, et le compte des pertes et des profits. En outre l'actionnaire peut se faire représenter, pour vue que cette représentation soit faite par écrit. (1)

Les décisions de l'assemblée générale sont prises à la majorité.

2) L'assemblée générale extraordinaire

L'assemblée générale ordinaire :

· Examine les modifications des statuts, les augmentations et réductions du capital.

· Examine les modifications dans la durée de la banque et sa dissolution, ou la fusion avec une autre banque.

L'ordre du jour est fixé par le conseil d'administration, et tous les actionnaires, quel que soit leur nombre d'action, peuvent participer à l'assemblée générale extraordinaire et prendre par au vote. D'ailleurs pour pouvoir délibérer les trois quarts du capital doivent être représentés, et les décisions sont prises à la majorité.

sous section II : Les organes de contrôle

1) Les censeurs comptables

A l'instar des sociétés anonymes de droit positif, les censeurs comptables des banques islamiques sont nommés par l'assemblée générale des actionnaires qui fixe leur rémunération et leur durée de fonction.

Ils assument le contrôle de la gestion de la banque, et doivent établir un rapport à l'assemblée générale des actionnaires sur le bilan de la banque le compte des profits et pertes, donner des informations sur la situation véritable de la banque.

Les censeurs comptables ont le droit de procéder à des actes matériels de vérification et de contrôle (2) :

· Examiner les livres de la banque, ses registres et documents.

· S'assurer de son actif, et de ses obligations.

· Demander tous les renseignements.

S'ils ne peuvent prendre communication des documents, ils doivent le mentionner dans leur rapport à l'assemblée générale.

(1) Une banque originale la banque islamique Mlika Kettani

(2) Article 62 de Fayçal islamique banque of Égypte

2) Le contrôle religieux

Parmi toutes les activités humaines, le secteur économique a connu le développement le plus rapide qui soit, et cela parce qu'il produit de l'argent et ce dernier est sollicité par tous.

Le Fiqh doit courir à la même vitesse que ce développement, afin de l'encadrer et lui procurer, en permanence, les opinions et les décisions religieuses, susceptibles de le prémunir contre la dérive à l'illicite. (1)

Sous cet angle les institution islamiques s'avère les plus intéressés par une tel concurrence du Fiqh dans le secteur économique, car confrontés en permanence à de nouvelles situations nécessitant des décisions religieuses dites FATWA.

Et ça va sans dire qu'une seule personne ne pourrait assumer cette responsabilité, car ceci augmentera la marge d'erreur. C'est pour cela qu'il faut un conseil, dont les membres sont des savants qui réunissent entre le Fiqh et l'économie... (2)

La présence d'un tel conseil au sein des institution bancaires islamiques est maintenant une évidence la quasi-totalité des banques islamiques en sont dotées. Il porte sur son dos le fardeau de la Fatwa.

Le problème qui se pose dans ce cadre, c'est lorsque deux conseil religieux de deux banques différentes ont des opinions différents sur une même question comme il a été le cas entre la Fayçal Islamique Bank et la société ARRAJIHI. D'où le besoin de créer un conseil suprême pour la Fatwa dans les affaires économiques, un conseil dont les Fatwas seront obligatoires à toutes les institution.

A. Le conseil religieux

Il est composé d'un président et de plusieurs membres choisis parmi les Oulamas et les spécialistes dans la loi comparée, croyant en l'idée de la banque islamique.

Leur rémunération ainsi que la durée de leurs fonctions, sont déterminés par l'assemblée générale.

L'activité de ce conseil consiste à émettre des opinions en ce qui concerne l'application des dispositions de la Charia sur les activités de la banque. Et à cet effet ils disposent des mêmes attributions que les censeurs comptables.

Un représentant du conseil religieux peut assister à n'importe quelle réunion du conseil d'administration, sans avoir droit au vote.

Le conseil religieux peut en outre demander une réunion spéciale du conseil d'administration, afin d'expliquer son point de vue sur une question religieuse se rapportant aux activités de la banque.

(1) Dr Mohamed Rouasse professeur à l'université du KoweÏt lrevue « ÇáÇÓáÇãì» n° 440

idem

B. Le conseil religieux suprême

Il a été créé au niveau de la fédération des banques islamiques, pour le but d'unifier les opinions des membres des conseils religieux des différentes banques.

Il est composé des présidents des conseils religieux des différentes banques, et d'un certain nombre de jurisconsultes, ayant une connaissance approfondie de la Charia. (1)

(1) Une banque originale la banque islamique Mlika Kettani

Deuxième partie :
Les Opérations bancaires islamiques

Comme on a pu le toucher dans la première partie de cette recherche, la banque islamique repose sur des principes différents de ceux adoptés par leurs concurrentes conventionnelles, car le concept islamique de la profession bancaire se trouve guidé par la Charia, aussi bien en matière de réglementation, qu'en matière des produits proposés à leurs clients que nous proposons de voir sous cette deuxième partie.

Il convient aussi de faire une petite comparaison entre la banque islamique et la banque conventionnelle, pour permettre d'apprécier surtout la divergence entre la relation qu'entretient chacune des deux banques avec leurs clients.

Section 1 : Types de Comptes offerts par la banque islamique

De façon générale les banques islamiques peuvent collecter des fonds du public (individus et institutionnels), en utilisant deux types de comptes : les comptes courants et les comptes de partage des pertes et profits.

Sous-section 1: Les comptes courants

Il s'agit de comptes de dépôts sur demande qui ne génèrent aucun intérêt ni profit ni toute autre forme de rendement. Les titulaires de ces comptes bénéficient gratuitement de chéquiers, de services de transfert de fonds, etc. Ces fonds sont garantis par la banque islamique.

Les fonds collectés par le biais de ces comptes constituent une infime partie des ressources de la banque islamique, comparativement aux banques commerciales pour qui ces comptes génèrent beaucoup de ressources.

Sous-section 2 : Comptes de partage de pertes et de profits

Il s'agit là de comptes de dépôts à terme basés sur le principe de partenariat mudaraba, (Partage des pertes et des profits) entre la banque et le détenteur du compte. Le détenteur du compte autorise la banque à gérer ses fonds contre des frais de gestion (frais de Mudarib). Il partage les pertes ou les profits d'un pool / fonds d'investissement dans lequel il participe.

Bien qu'il n'ait aucun droit de regard sur la façon dont la banque gère ses fonds, celle-ci ne garantit au détenteur du compte ni son principal ni un taux de rendement prédéterminé comme le ferait la banque traditionnelle.

Section 2 : Les produits financiers islamiques

Les banques islamiques allouent la majeure partie de leurs ressources dans des opérations commerciales et d'investissement en utilisant les produits financiers suivants :

Sous-section 1:Financement de transactions commerciales 1(*)

1. La Murabaha.

Murabaha veut dire littéralement « prise de profit » dans le cadre d'une transaction commerciale. Une opération de Murabaha consiste à mettre des fonds à disposition d'une compagnie qui a besoin de liquidités à court terme. Pratiquement cela implique l'acquisition comptant, par la banque, de matières premières, de produits semi-finis et d'autres biens qu'elle revend à terme à des compagnies qui en ont fait la demande avec une marge préétablie. Ce type de financement allant de six mois à une année constitue une bonne partie des opérations des banques islamiques actuellement.

2. La Moukarada

Cet instrument ressemble à une obligation émise par une banque islamique en vue de financer un projet donné. Les investisseurs qui ne sont pas considérés comme actionnaires n'ont pas le droit de vote mais émargent aux profits ou pertes que génère le projet.

3. Ijara wa iqtina (Leasing)

Les banques islamiques s'engagent dans des opérations de leasing financier à moyen terme allant jusqu'à cinq ans. De telles opérations impliquent l'achat par la banque d'un actif fixe (Sujet à dépréciation), qu'elle loue à une entreprise dans le cadre d'un contrat de leasing financier. L'entreprise effectue des paiements périodiques tout au long du contrat et à la fin de celui-ci le titre de propriété lui est transféré. Ce type de transaction comme le précédant permet de contourner la question de l'intérêt que doit charger une banque commerciale classique.

4. L'istisna'

Il s'agit du financement du fonds de roulement d'une entreprise par la banque islamique. Plus précisément il s'agit du financement des matières premières ou inputs qui rentrent dans la fabrication des produits destinés à la vente. Dans le cadre d'une opération d'exportation c'est le financement pré exportation

5. Bai'Muajjal

Il s'agit d'une transaction commerciale dont le paiement est différé. Le vendeur accepte un paiement s'effectuant à tempérament ou en une seule fois sans pour autant ajouter un coût du fait du différé de paiement.

6. Bai' Salam ou Bai' Salaf (contrats à terme)

Dans ce type de transaction l'acheteur paie à l'avance le prix de la marchandise vendue, que le vendeur promet de livrer à une date future. Les spécifications de la marchandise quant à la qualité et à la quantité sont déterminées au moment de la vente.

Sous-section 2 : Les opérations de type participatif 2(*)

Il s'agit de transactions où les parties impliquées partagent les pertes et les profits des activités dans lesquelles elles s'engagent. Celles-ci sont essentiellement les suivantes :

1. Mudaraba/Mucharaka

La banque islamique participe dans certains projets viables qui lui sont soumis par les entreprises. Elle y participe soit en fournissant tout le capital requis, et il s'agit alors d'une opération dite de Mudaraba ou en fournissant une partie du capital et il s'agit dans ce cas d'une opération de Mucharaka. La banque et l'entreprise se partagent les pertes et les profits selon un ratio prédéterminé.

Le concept de Mudaraba est utilisé souvent dans les opérations à court terme. La Mucharaka par contre est une forme d'organisation d'affaire dans laquelle un certain nombre de partenaires mettent en commun leur capital financier en vue d'une entreprise commerciale ou industrielle. La Mucharaka s'applique à des activités commerciales ou de production à long terme. Dans cette combinaison le capital humain qui représente le travail et l'effort présent se trouve au même pied d'égalité que le capital financier .

2. Musaqat

Il s'agit d'une forme particulière de contrat de Mucharaka relative aux vergers dans le domaine agricole où la récolte est partagée entre les partenaires, qui participent au capital, et ce selon leur contribution respective.

3. Muzara'ah

La Muzara'ah est essentiellement un contrat de Mudaraba relative à l'exploitation d'une ferme où la banque peut fournir la terre ou les fonds nécessaires contre une part dans les récoltes.

4. L'investissement direct

Il s'agit de l'investissement direct classique avec les restrictions qui s'imposent, à savoir la banque islamique ne peut investir des fonds dans des activités prohibées tel, les distilleries, les charcuteries, les sociétés d'assurance, les banques classiques, les casinos etc.

En somme, tous les instruments que nous avons passés en revue sont conformes à la Charia, et ont un dénominateur commun, à savoir que les taux de rendement qui y sont associés sont plus reliés à la transaction elle-même qu'au temps.

Conformément à la Charia, aucune des transactions ci hautes mentionnées ne peut donner lieu à un rendement fixe pré-établi.

Section 3 : Analyse et Appréciations des Banques Islamiques

Sous-section 1 : Les Principales contraintes caractérisant le fonctionnement des banques Islamiques

Dans la doctrine islamique, l'argent est en soi improductif. L'élimination de l'intérêt joue un rôle central dans l'établissement de l'ordre économique islamique. L'économie islamique est basée sur une perception différente de la valeur du capital. C'est le travail qui génère la richesse et non le capital.

Le principe de coparticipation ou de prise de risque, c'est-à-dire le partage des pertes et des profits entre « prêteur » et entrepreneur est une autre grande contrainte. En effet, cela suppose un grand appétit pour le risque de la part de la banque. Ce principe va impliquer la banque dans des activités extra bancaires (industrielles, touristiques immobilières, etc.). Il est sensé assurer à la banque un substitut au taux d'intérêt.

Sur le plan organisationnel la banque islamique devra donc se doter de structures différentes de celles de la banque commerciale classique en ce qui a trait. La collecte de l'épargne et de sa transformation. De même les produits financiers développés en vue de la mobilisation de cette épargne et son allocation dans le cadre de transactions dépourvues d'intérêt va obliger la banque islamique à concevoir des stratégies, des structures et des procédures appropriées.

Ceci va se traduire, entre autre, par la création d'un conseil de la Charia ou « Charia Board » qui doit veiller à la conformité des produits financiers et à l'intégrité des transactions quant à leur caractère islamique.

Sous-section 2 : Comparaison entre les banques classiques les banques Islamiques

Si l'on examine la structure du portefeuille des banques classiques et des banques islamiques, on constate que ces dernières engagent directement plus de ressources que les banques classiques dans les transactions économiques et commerciales. Les banques commerciales canalisent de plus en plus de ressources vers l'acquisition de bons du trésor et d'autres obligations gouvernementales qui génèrent un taux de rendement élevé, représentent peu de risque et s'accompagnent d'avantages fiscaux importants. Dans le cas de la Turquie3(*) par exemple au moment où les banques islamiques allouent 80 à 85% de leurs actifs à des activités productives, les banques classiques n'en affectent que 40%. On remarque aussi que dans les pays musulmans, les firmes réduisent de plus en plus leur dépendance vis à vis des banques classiques en recourant aux opérations de Murabaha, les substituant aux lignes de crédit coûteuses que les banques classiques mettent à leur disposition pour financer leur fonds de roulement. Les opérations dites Ijara ou leasing offertes par les banques islamiques permettent de leur côté aux firmes de financer leurs opérations.

Dans le système bancaire classique, le rôle d'une banque est de collecter des fonds et de les utiliser pour des opérations de prêts, généralement à long terme, c'est à dire pour opérer l'intermédiation financière. La banque tire ses revenus en jouant sur les taux d'intérêts créditeurs et débiteurs. Contrairement à la banque islamique, elle ne se livre pas à des transactions commerciales, industrielles ou agricoles.

Le recours à l'intérêt est interdit à la banque islamique. Celle-ci collecte les fonds des épargnants comme la banque classique, qu'elle emploiera dans diverses opérations. Mais ces opérations seront fondées sur le principe de la participation ou celui du Partage des Pertes et des Profits. Dans la philosophie des banques islamiques les clients sont des partenaires. S'ils sont des «déposants» rémunérés, ils doivent accepter de partager les risques des activités financées par les dépôts. S'ils sont « emprunteurs », la banque leur avance des fonds et est de ce fait partenaire dans leurs activités.

La banque islamique, lorsqu'elle s'engage dans un processus d'allocation de ressources (dépôts des clients ), elle agit comme fiduciaire des déposants en même temps que principal vis à vis des entrepreneurs actifs à qui elle avance les fonds nécessaires au démarrage d'un projet (Moucharaka). Elle a donc une relation contractuelle double. De cette relation contractuelle double découlent des implications importantes. Malgré les conflits d'intérêt qui en découlent c'est la banque qui sort la grande gagnante.

En effet les déposants tout en assumant la totalité des risques payent des frais de gestion à la banque. La banque ne leur assure pas un revenu fixe sur leurs dépôts comme le ferait une banque classique, mais s'engage à leur verser une part du profit réalisé ou à défaut à les débiter d'une part des pertes encourues le cas échéant.

De plus les déposants ne bénéficient d'aucune assurance contre leurs dépôts et n'ont aucun droit de regard direct sur les choix d'investissements faits par la banque. Les entrepreneurs, qui sont en même temps agents et partenaires, ils recevront une part des profits, selon un pourcentage. Si le projet essuie des pertes, seuls le banquier et en dernière analyse les déposants les assument. L'entrepreneur quant à lui, son risque se limite à la perte de son temps et de son effort.

Dans la relation d'agence qui doit s'établir entre la banque et son agent, le choix de l'entrepreneur est donc crucial. Pour assurer un certain contrôle sur les activités du projet, la banque qui est actionnaire insiste toujours pour avoir un siège au conseil d'administration en plus d'imposer certains ratios comptables (covenants) en matière de gestion, le cas échéant. Cette situation est d'autant plus difficile voire normalement inacceptable pour les déposants que la banque ne semble avoir vraiment aucun pouvoir de gouvernance réel sur les dirigeants des firmes où elle investit.

Les investisseurs (déposants) ne sont pas des actionnaires à proprement parler et de ce fait n'ont aucun droit de vote. La banque islamique est l'actionnaire détenant le contrôle des fonds et compagnies d'investissement. C'est la banque qui à travers ces fonds a droit de regard sur les entreprises où ces fonds mutuels investissent. Les investisseurs (déposants) n'en ont aucun contrôle.

Les banques islamiques, n'étant pas prêteuses au sens classique du terme, n'ont aucun moyen de discipliner les dirigeants des firmes en tant que créancier comme le ferait une banque commerciale. Celle-ci se doit d'intervenir, par exemple, lorsque des indicateurs de défaut de paiement d'un prêt apparaissent. Les banques islamiques pour leur part ne peuvent intervenir qu'en tant qu'actionnaire par leur présence au conseil d'administration. Reste à savoir si cette présence au conseil d'administration conduit, en cas de besoin, à des changements au niveau de l'équipe de direction de la firme. En définitive il ne semble, donc, pas aisé pour les banques islamiques d'avoir une influence décisive en matière de gouvernance corporative.

Grâce aux indicateurs financiers, la banque islamique peut en principe intervenir par le biais de sa représentation au conseil d'administration, mais on ne connaît pas la véritable capacité des banques à discipliner les hauts dirigeants des entreprises. Les banques ne semblent pas être les garants de la gouvernance corporative. Elles ne semblent pas être équipées pour jouer un rôle de surveillance des hauts dirigeants des firmes.

La dette force les dirigeants à agir d'une manière plus conforme aux intérêts des actionnaires. Ce schéma suppose bien entendu que les dirigeants ne détiennent pas d'actions.

Dans un contexte islamique, cependant, certaines nuances sont de mise.

· Les marchés financiers dans les pays islamiques ne sont pas très développés et encore moins les marchés pour le contrôle corporatif.

· Le financement par voie de dette est supposé être prohibé, puisque tout financement doit se faire par voie d'équité ou sous d'autres formes excluant l'intérêt, telle le leasing ou la Moudaraba. Par voie de conséquence, il est difficile de parler d'une structure de capital optimale dans un contexte islamique, vu l'inexistence d'emprunts.

Cependant, on constate que dans un contexte où le schéma classique de transformation des dépôts en prêts est en train de perdre du terrain, les banques islamiques ont une longueur d'avance sur les banques classiques dans les pays musulmans en matière de «sécurisation » et de produits de même nature aux investisseurs (déposants).

L'avantage des banques islamiques réside dans le fait qu'en plus de la satisfaction psychologique sur le plan religieux que retirent les clients, les profits distribués par les banques islamiques ont toujours au moins égal aux intérêts que reçoivent les déposants des banques classiques pour des montants similaires.

Il ne faut pas, cependant, oublier que l'industrie bancaire islamique est à ses premiers pas, dont le véritable départ a commencé voilà une décennie seulement, comparée à l'industrie conventionnelle qui remonte à 500 ou 600 ans.

Conclusion

En conclusion, on peut dire qu'à cause de l'influence de l'environnement intangible les banques islamiques ont un fonctionnement qui leur est propre. En s'inspirant de la Charia pour établir leurs principes opérationnels, les banques islamiques diffèrent des banques classiques sur plusieurs points. La relation entre les banques islamiques et leurs clients n'est pas une relation de type classique entre créancier et débiteur. Il s'agit d'une relation où les deux parties partagent les risques et profits.

Une autre différence réside dans le fait que le profit n'est pas le seul objectif de la banque islamique. Elle doit satisfaire des besoins d'ordre religieux et éthique. Elle doit s'assurer que les fonds sont investis conformément à la Charia. A cet effet un comité de la Charia doit assurer la supervision des opérations de la banque. Etant donné la nature évolutive des opérations financières ce comité doit déterminer ce qui est Halal (licite) et haram (illicite).

Cela dit la banque islamique reste un marché à conquérir.

* 1 S.Sabeq « Fiq'h a'Sounna »

* 2 S.Sabeq « Fiq'h a'Sounna »

* 3 L.Siagh, « Le fonctionnement des organisations dans les milieux de culture intense »






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