La dépêche ci-dessus citée induit de
manière stricte notre réflexion suivant trois directions: le
rôle des pouvoirs publics dans le financement de l'économie via la
réglementation bancaire ainsi que le rôle du crédit
bancaire et ses incidences dans le financement des agents
économiques.
Le financement des projets d'investissement nous amène
à se poser la question de l'allocation optimale des ressources au sein
d'une organisation. Cette question a été abondamment
abordée par la littérature financière et en particulier
par Modigliani et Miller1. Selon leur théorème, il
n'existe pas de structure optimale de financement. Financer ses projets par
fonds propres (autofinancement et/ou capital social) ou par ressources externes
(dettes) serait sans conséquence sur la rentabilité des capitaux.
En suivant cette logique, le marché du crédit n'aurait pas une
incidence sur l'économie réelle. Mais cette position a
été réfutée par la pensée
néoclassique selon laquelle il existerait une structure optimale de
financement. En raisonnant sur cette base et suivant les indicateurs des
marchés financiers, Laurent CLERC2 constate que:
· le financement externe est probablement plus
onéreux que l'autofinancement,
· le financement intermédié semble
préféré au financement direct.
1 Modigliani & Miller (1958) : ce théorème
se base sur des hypothèses relativement forts à savoir qu'on est
sur le marché parfait des fonds prêtables, l'accès au
financement externe ne génère pas de coûts de transaction,
ni de coûts de recherche, de solvabilité ou d'agence ou de
rédaction de contrat, l'accès à l'information est
complète et identique pour tous, il n'existe pas de risque de faillite
et le taux d'intérêt est une donnée. Selon ce
théorème, le financement des investissements par fonds propres ou
par endettement n'a aucune incidence sur le coût de revient des capitaux,
mais plutôt une incidence sur la rentabilité financière par
effet de levier de l'endettement dans le cas où le taux
d'intérêt est inférieur à la rentabilité
économique.
2 Laurent CLERC: Intermédiation, prime de financement
externe & politique monétaire, Etudes. Bulletin de la banque de
France N°94 - Octobre 2001.
La remise en cause du cadre analytique
développé par Modigliani & Miller met en évidence
(nonobstant le marché financier) le rôle important que peut jouer
le crédit bancaire dans l'économie. Il en est de même de
l'importance accordée à la problématique d'accès au
financement des entreprises et au coût du crédit. Cette incidence
est illustrée par les statistiques de la Banque de France du 7
août 2007. Ces statistiques montrent que les taux d'intérêt
sur les crédits nouveaux sont en augmentation mensuelle continue (avec
une moyenne de 11%) de juillet 2006 à juillet 2007. L'augmentation nette
de cette période base juillet 2006 a été de 20.44% soit de
4.06% à 4.89% (annexe 1).
On peut penser que parler aujourd'hui de
l'intermédiation à l'époque où les marchés
financiers sont de plus en plus prépondérants sur le
marché des fonds prêtables - c'est-à-dire que la mise en
direct de l'épargne à la disposition des agents à besoin
de financement par l'achat et la vente des titres devient très courant
dans toute économie moderne - serait décalé. Non seulement
qu'il n'est pas démontré que le financement de l'économie
par les marchés financiers est la solution la plus optimale et la moins
risqué, on peut curieusement constater de nos jours que plus de 71% des
crédits alloués aux PME proviendraient des crédits
bancaires. En effet, suivant le rapport OSEO1, l'autofinancement
serait en baisse au profit du crédit bancaire pour le financement des
investissements des PME. Ce qui permettrait de penser suivant cette
enquête que l'intermédiation jouerait encore un rôle majeur
dans le financement des PME. Mais cette activité d'intermédiation
consistant à allouer des ressources collectées à court
terme pour les transformer en crédit à long terme n'est pas sans
conséquence en termes de risques. Ces risques peuvent revêtir
plusieurs natures telles2:
· le risque de marché: risque lié aux
conditions du marché comme le taux d'intérêt, les prix, les
conditions de la concurrence...
· le risque de crédit : risque essentiellement de
contrepartie,
· le risque opérationnel: risque de perte due
à une inadéquation ou une défaillance interne ou
externe.
1 45ème Enquête OSEO de juillet 2007:
malgré l'augmentation de la perception des chefs des PME sur les
obstacles à l'investissement: ces intentions en tant qu'obstacle sont
passées de 16 à 22% de novembre 2006 à mai 2007; mais le
financement des investissements par crédit bancaire représentera
43% contre 35% pour l'autofinancement par rapport à 2006. Voit chapitre
sur les obstacles à l'investissement, 3èmepartie.
2 Cette classification n'est pas universelle, la
littérature en propose plusieurs mais nous retenons celle-ci pour des
raisons d'analyse devant suivre et ce afin de rester en phase avec la
classification des risque par le comité de Bale que nous
développerons dans les pages suivantes.
M.B. DIKABOU 9
1 Mr. M. Porter dans Stratégie d'Entreprise: cours de
Daniel HAUMONT (2006) : Management Stratégique - DEP - Université
Paris Dauphine.
Les banques et autres établissements de crédit
se sont lancés autrefois dans une course effrénée dans la
mise en oeuvre des stratégies de coûts/volume1 afin de
gagner des parts de marché sans tenir compte à juste titre des
risques encourus.
Pour sécuriser l'épargne publique d'une part et
harmoniser puis rationner l'octroi du crédit bancaire, des
réglementations ont été mises en place. Nous pouvons
compter entre autres sur le plan national la loi de 1941 (création des
instances de contrôle), la loi de 1945 (sur la spécialisation
bancaire) et celle de 1984 (sur la définition et le
périmètre des activités de banque). Sur le plan
international, nous avons les accords de Bale de 1988 desquels découlera
le ratio prudentiel de solvabilité que devrait respecter tout
établissement de crédit. Ce ratio Cooke fixait une exigence en
fonds propres de 8% sur le total des engagements pondérés. Mais
la mutation dans le secteur financier a été ces dernières
décennies très rapide et un nouveau ratio appelé Bale II a
été mis en place pour réglementer avec efficience le
secteur bancaire international. Son application optionnelle va certainement
bouleverser les pratiques bancaires surtout en ce qui concerne l'octroi du
crédit aux agents économiques.
Dans l'esprit des accords de Bale I, les banques centrales
ont mis en place un ratio prudentiel devant garantir la solvabilité des
banques. Ce ratio détermine un seuil de 8% représentant le
coefficient des engagements pondérés aux risques sur le capital
propre des établissements de crédit. Ce capital
réglementaire représente un matelas de sécurité
pour couvrir des risques de défaillance éventuelle que peut
courir ces établissements. Mais compte tenu de l'évolution du
marché et des avancées sur le marché bancaire, cet accord
a fait l'objet des amendements et d'une évolution significative qui a
aboutit au nouvel accord dit de Bale II. Ce nouvel accord tient toujours compte
du seuil forfaitaire de 8%. Par contre, il a été enrichi par la
prise en compte des risques additionnels afin de tenir compte du profil de
risque effectif des preneurs de crédits et des banques.
Notre réflexion portera sur les incidences de ces
nouvelles dispositions baloises sur l'accès au crédit des
entreprises, plus précisément des PME compte tenu des
difficultés qui sont les siennes pour l'accès au financement.
Pour s'y prendre, nous allons d'abord mettre en relief de
façon brève l'histoire de l'activité bancaire en France.
Nous expliciterons ensuite les mécanismes de l'intermédiation
bancaire à travers une distinction entre les financements direct et
indirect de l'économie. Nous analyserons les faits ayant
nécessités la mise en place par voie règlementaire des
règles issues des comités de Bale I & II. Enfin nous nous
efforcerons de déceler les conséquences de ces dispositions sur
le financement des PME.
Il n'est pas de notre tentation de procéder à
l'explication des techniques quantitatives des différents ratios
prudentiels issus des exigences de financement et de contrôle de risque
de crédit. Nous allons par contre à travers une démarche
d'investigation des différents supports portant sur la
réglementation bancaire et de la réalité
opérationnelle sur le fonctionnement des banques, analyser l'incidence
des nouvelles dispositions de bale II surtout dans le domaine de
l'intermédiation bancaire afin d'en tirer une moralité
n'engageant que l'auteur du présent mémo ire.