Mémoire
LA BONNE FOI DANS LE RAPPORT DE TRAVAIL
REMERCIEMENT S
Je remercie très sincèrement Madame Delaunay et
Madame Trochard pour leur soutien et leur disponibilité.
Je remercie également Monsieur Jeammaud pour la confiance
qu'il a témoignée à mon égard, sa
disponibilité et ses précieux conseils. Merci de m'avoir
donné une chance.
Je remercie enfin les professeurs de l'I.E.T.L pour leurs
enseignements qui m'ont permis de mener à bien ce travail.
Principales abréviations
Art. Article
Bull. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambres
civiles
C. A. Cour d'Appel
C. C. Conseil Constitutionnel
C. E. Conseil d'Etat
C. E. D. H. Cour Européenne des Droits de l'Homme
Chr. Chronique
Civ. Chambre Civile
Crim. Cour de cassation, chambre criminelle
C. S. B. P. Cahiers Sociaux du Barreau de Paris
D. Recueil Dalloz
Dr. Ouv. Droit Ouvrier
Dr. Soc. Droit Social
Gaz. Pal. Gazette du Palais
I. R. Informations Rapides
JCP Juris-Classeur Périodique (La semaine juridique)
L. S Liaisons Sociales
Préc. Précité
RDT Revu de Droit du Travail
Soc. Chambre sociale
PLAN SOMMAIRE
PLAN SOMMAIRE :
REMERCIEMENTS 2
INTRODUCTION 7
PREMIERE PARTIE : La bonne foi, standard
régulateur du rapport
de travail 21
CHAPITRE I : La bonne foi dans la formation du contrat de
travail 23
SECTION I : Bonne foi et phase précontractuelle 23
SECTION II: Bonne foi et conclusion du contrat de travail 31
CHAPITRE II : La bonne foi dans l'exécution et la
rupture du contrat de travail 37
SECTION I : La bonne foi, surcroît de sujétion pour
le salarié 38
SECTION II : La bonne foi, une limite générale au
pouvoir de l'employeur 42
DEUXIEME PARTIE: La bonne foi, source d'enrichissement du contenu
du contrat de travail 49
CHAPITRE I : La bonne foi, un instrument de
sophistication du contenu obligationnel
du contrat de travail 51
SECTION I : La bonne foi, Tremplin d'élaboration de normes
à la charge de l'employeur 51
SECTION II : La découverte d'autres obligations implicites
ou secondaires 55
CHAPITRE II. La bonne foi, un outil de moralisation de
l'espace de stipulation 59
SECTION I : De la clause de non concurrence 61
SECTION II : Des clauses relatives au lieu de travail 63
CONCLUSION 67
BIBLIOGRAPHIE 69
INTRODUCTION
INTRODUCTION
S'interroger sur le rôle et la place de la bonne foi
dans le rapport de travail est une tâche très stimulante sur le
plan théorique mais fastidieuse en raison du flou qui entoure la notion.
Pour éclaircir à grands traits cette interrogation, il semble
opportun d'expliquer, à tout le moins, présenter la figure qui
donne naissance au rapport de travail .C'est à travers le contrat «
source du rapport de travail1 » que l'on
pourra mesurer toute la portée et l'impact de la notion de bonne foi
dans ce rapport. Pendant le 1 9ème siècle, ce type de
rapport en France était resté régi par les seules
règles du Code civil de 1804. Le législateur appréhendait
le rapport de travail à travers une espèce de contrat parmi
d'autres ; le louage de services. Il s'agissait donc d'appliquer à cette
opération les règles générales applicables au
contrat2. Le rapport était dès lors
abandonné aux mécanismes de droit commun, le Code
napoléonien soumettant le louage de services ou « louage des gens
de travail » qui s'engage au service de quelqu'un à ces
règles générales applicables au contrat. Aux termes de
l'article 1708 du Code civil, on pouvait distinguer deux sortes de contrats de
louage : celui des choses et celui d'ouvrages. Ces deux genres de louage se
subdivisent encore en plusieurs espèces particulières parmi
lesquelles ce que l'article 1711 nomme « loyer » le louage du travail
ou du service. Le louage des gens de travail est donc présenté
comme une variété de louage, d'ouvrage et d'industrie, et fait
l'objet d'une petite section dans le chapitre consacré à ce
contrat qui est composée de l'article 1780 et 1781 et intitulé
louages des domestiques et ouvriers3. A l'origine,
la distinction entre louage d'ouvrage et louage de services n'était pas
clairement établie par le Code civil. Le louage de services ne faisait
l'objet d'aucune réglementation particulière. Le Code autorisait
sa libre conclusion, permettait la libre détermination de son contenu et
lui donnait une force obligatoire. Le rapport de travail était donc
conçu comme une simple opération d'échange de travail
contre une rémunération. Un individu donnait à bail ses
services et l'employeur locataire lui versait un loyer sous forme de
salaire.
1 J. Pelissier, A. Supiot , A. Jeammaud, Droit du travail,
Dalloz, Paris, 22ème éd., 2004, n° 116 et
s., p 173.
2 J. Pelissier, A. Supiot , A. Jeammaud. préc., n°
116, p. 172.
3 Art. 1780 du Code civil, « On ne peut engager
ses services qu'à temps, ou pour une entreprise déterminée
», et art. 1781, abrogé par la loi du 2 août 1868 : « le
maître est cru sur son affirmation pour la quotité des gages, pour
le paiement du salaire de l'année courante ».
D'une « conception purement
matérialiste4 » du rapport de travail
qui confortait une soumission personnelle et une inégalité
juridique, le législateur français est venu encadrer davantage le
louage de services.
Aujourd'hui, réserve faite des controverses doctrinales
sur la place du « contrat » dans l'ordonnancement des relations de
travail5, le rapport de travail n'est pas
strictement contractuel. « La trame des relations de travail n'est pas
façonnée par la convention ; ce sont les règles du droit
du travail qui la modèlent6 ». Il faut
noter que le travailleur se trouve soumis au pouvoir que l'ordre juridique
reconnaît à l'employeur. Il acquiert en même temps des
droits qui ne proviennent pas directement de son contrat de travail mais qui
lui sont reconnus en sa qualité de travailleur. De même,
l'employeur est débiteur d'obligations légales qui ne se
rattachent pas directement au contrat auquel il est partie. Le rapport de
travail est certes fondamentalement contractuel mais le contrat, source du
rapport opère aussi la manière d'un acte condition pour certains
aspects de ce rapport composant sa dimension que l'on dira «
institutionnelle7 ».Cette double nature
n'enlève en rien le fait qu'il s'agit d'un « authentique contrat
» dont maintes solutions de droit positif attestent «
l'épaisseur8 ». Le contrat de travail a
un rôle normatif, il crée des droits et des obligations à
la charge des contractants et que par lui les parties fixent dans une certaine
mesure les conditions de leur relation. En dehors des obligations qu'il fait
peser sur chaque partie contractante du fait de la qualification de contrat de
travail, il est aussi synonyme d' « espace de stipulation
»9, libre donc aux parties de singulariser
leur rapport par des clauses, des garanties, des sujétions
particulières dans le cadre « du maillage normatif relativement
dense qui l'enserre10 ». Au demeurant, il
s'agit d'une technique d'aménagement et d'agencement de l'emploi. C'est
une figure qui a vocation à servir de référence pour
évaluer, interpréter les situations et rapports concrets, de dire
ce qu'ils sont et valent en droit notamment s'il survient un litige entre les
acteurs.
Cette double vocation instrumentale et heuristique atteste
l'adhésion implicite mais certaine du droit français à
« l'option contractuelle11 ». Ainsi, le
contrat de travail détermine d'abord ces conditions à travers les
obligations qu'il fait naître (contenu obligationnel) et les
4 J. Pelissier, A. Supiot , A. Jeammaud,préc. n° 1
16, p. 173.
5A. Jeammaud, « Les polyvalences du contrat de
travail », Etudes offertes à G. Lyon-Caen, Dalloz, Paris,
1989, p. 299. Sur ces controverses doctrinales voir notamment la thèse
de Mathilde Julien, Le contrat de travail, source d'obligation, sous
la direction de A. Jeammaud, Univ. Lumière-Lyon 2, n° 6, p. 19 et
s.
6 G. Couturier, droit du travail « Les relations
individuelles de travail » PUF, Tome I ,3é éd., 1996
n°43 p.89
7 A. Jeammaud, « Les polyvalences du contrat de travail
», préc. p. 301.
8 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc. n° 134,
p. 205.
9 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc.
10 Mathilde Julien, préc. n° 5, p. 19.
11 A. Jeammaud préc.p308 et s.
variables affectant ces obligations ou les modalités de
leur exécution (champ contractuel). Si le salarié est
débiteur d'une obligation complexe qui est d'abord de se tenir à
la disposition de l'employeur puis de fournir une prestation de travail,
l'employeur de son côté est débiteur de la fourniture d'un
poste ou des tâches correspondant à la qualification
professionnelle convenu et du paiement du salaire dès lors que la
prestation de travail a été exécutée. Le Code du
travail alors qu'il ne définit pas le contrat de travail en se
référant formellement au droit commun permet aux règles du
Code civil de conserver toute leur pertinence quand il s'agit d'approcher ou
d'appréhender le rapport de travail.
Si la définition de la catégorie « contrat
de travail » retenue par la doctrine dans le sillage des décisions
de la chambre sociale de la cour de cassation permet de régler les
enjeux de la qualification de contrat de travail, il ne s'agit là que
d'une définition « opératoire » qui ne prétend
pas exprimer « l'essence du contrat de
travail12 ». Au demeurant, l'opération
de qualification, notamment le critère du lien juridique de
subordination, marque plus ouvertement le registre institutionnel du rapport de
travail que sa dimension contractuelle. En effet, sous réserve des
obligations qui pèsent sur les contractants, l'employeur dispose de
pouvoirs que l'ordre juridique lui reconnaît et le salarié d'un
certain nombre de droits. Dès lors, comment concilier les obligations
respectives des parties, le pouvoir conféré à l'un et les
droits conférés à l'autre ? Il semble que le contrat soit
la figure la mieux adaptée pour le traitement juridique du rapport
d'emploi13.
Selon l'article 1 10114 du Code
civil, le contrat est un accord de volonté générateur
d'obligations. Et l'article 1134 alinéa 1 du même Code de
préciser que « les conventions légalement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Sachant que la
lecture de l'article 1134 alinéa 1 n'est pas univoque, cette force
obligatoire que la loi attache à la convention (espèce plus large
que le contrat) a pendant longtemps été fondée par
certains auteurs sur la théorie de l'autonomie de la volonté. En
effet, pour ces derniers, le contrat n'est obligatoire que parce que les
parties peuvent déterminer librement le contenu de leurs obligations.
Cette conception classique très libérale du contrat, qui fait de
la volonté des contractants « l'essence même du contrat
», ne correspond plus à la réalité contractuelle.
Aujourd'hui, l'idée d'autonomie demeure certes au coeur du contrat, mais
n'est pas le seul fondement invocable à l'appui de la force obligatoire
des contrats. Bon nombre d'auteurs
12 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc. n°120,
p.181
13 A. Jeammaud préc
14 Art 1101 du Code civil « le contrat est une convention
par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs
autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose
»
s'accordent sur le fait que l'autonomie de la volonté
doit être entourée de restrictions15
et que le contrat oblige parce que la loi en dispose ainsi.
Le rapport de travail, nous l'avons déjà dit,
demeure donc soumise aux règles du droit commun des contrats. De fait,
s'il est possible de replacer le contrat de travail dans la «
théorie autonomiste », il faut cependant noter qu'il a touj ours vu
intervenir le droit étatique dans son domaine. D'ailleurs, un auteur a
fait remarquer que « depuis un siècle, le législateur
intervient sous le sceau de l'ordre public et principalement celui de l'ordre
public de protection dans tous les types de contrats mais
particulièrement en droit du travail16
». Et d'un point de vue formel, le rapport de travail s'entend de
l'ensemble des règles juridiques relatives au travail subordonné.
Notons par ailleurs qu'à un certain type de travail subordonné
s'appliquent des règles statutaires, réglementaires
spéciales. Il s'agit pour une très large part du rapport de
travail de droit public qui est régi dans son ensemble pour ne pas dire
exclusivement par ces règles spécifiques. Ce type de rapport qui
exclut tout aménagement conventionnel17 ne
retiendra pas notre attention, sauf de façon marginale. Il s'y rajoute
que le droit du travail branche appréhende la relation de travail de
façon individuelle et de façon collective. L'incidence de la
notion de bonne foi ne sera étudiée ici que sur le premier
rapport. Aujourd'hui, les auteurs s'accordent pleinement à donner au
contrat toute sa place dans le rapport de travail. En droit du travail plus
qu'ailleurs, le contrat, avec la fonction heuristique que « les tenants da
la conception dualiste » ont mis en évidence, loin de
révéler l'âpreté de la relation qui peut exister
entre employeur et salarié, permet de concilier l'antagonisme qui peut
être relevé entre équilibre et soumission.
Au demeurant dans la théorie des contrats, rien
n'impose que les parties soient juridiquement, économiquement
égales, ni même que l'on doive relever l'existence dans une libre
discussion préalable. En revanche, si l'idée
d'égalité de fait ou de droit ne s'impose pas d'emblée
dans le contrat, on conçoit mal qu'un contractant fasse abstraction
totale des intérêts de l'autre contractant et le cas
échéant utilise tous les moyens pour parvenir à ce
pourquoi il s'est obligé. Il semble qu'une certaine «
éthique » des relations contractuelles soit exigée afin de
trouver un équilibre entre des intérêts, de
préoccupations souvent aux antipodes.
Cette recherche d'équilibre peut passer par le
développement de la législation. Cependant, le législateur
n'est pas le seul intervenant possible dans le contrat du travail, il y a le
juge aussi. Nous verrons que le rôle de ce dernier n'est pas des moindres
dans le rapport de
15 E.Dockés « valeurs de la démocratie
»Dalloz 2005, p.131
16G.Lyon-Caen, « Défense et illustration
du contrat de travail », Archives de philosophie du droit, tome13, 1968,
p.59et s.
17 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc. n°119,
p.177
travail. L'objectif est similaire, législateur et juge
tentent d'insuffler « de la justice, de la sécurité »
à tout rapport contractuel prenant le soin de laisser aux parties la
liberté de s'exprimer dans le cadre des règles et limites qu'ils
fixent.
Dès lors, on comprend que l'étude d'une notion
« éthico- juridique » comme la bonne foi dans le rapport de
travail puisse susciter autant d'intérêt. Aussi, le
législateur, soucieux de la rigidité que peut
générer l'alinéa 1er de l'article 1134
précité qui donne une force obligatoire au contrat, s'est
empressé d'y rajouter des exigences d'ordre moral en précisant
dans l'alinéa 3 de cet article que le conventions doivent être
exécutées de bonne foi. De la sorte, il délègue une
partie de son pouvoir normatif au juge, misant sur le pouvoir évocateur
et la souplesse de la notion de bonne foi afin de permettre que le rapport
contractuel soit à la hauteur de ce que les parties soient
légitimement en droit d'attendre. L'exigence de bonne foi posée
par l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil pour l'exécution
des conventions déborde le domaine du droit commun des contrats.
Toutefois, le législateur dans le cadre de la loi de modernisation
sociale du 17 janvier 2002 a crée un nouvel article L.120-4 dans le Code
du travail aux termes duquel « le contrat de travail est
exécuté de bonne foi ». Cette intégration formelle de
la notion de bonne foi dans le Code du travail à en juger par l'accueil
assez indifférent que lui a réservé la doctrine n'est pas
un apport majeur. D'ailleurs, l'utilité d'une telle disposition peut
paraître contestable au regard du renvoi au droit commun des contrats.
Cependant, il semble qu'une telle insertion à dimension symbolique
certes, devrait conforter et amplifier la mobilisation judiciaire de l'exigence
de bonne foi dans le régime de l'exécution du contrat de
travail18 .
Nul n'ignore l'hommage rendu par le Code civil à
l'exigence de bonne foi. Le droit romain, qui inspire le législateur de
1804 accordait une grande importance à l'idée de bonne
foi19. D'ailleurs, tous les systèmes
juridiques se référent à la notion. Du droit interne au
droit international, elle connaît une multitude d'applications et
d'utilisations. Même si elle fait bonne figure dans l'univers juridique
à travers le corps de règles qui la consacre et les constructions
prétoriennes qui s'y appuient, force est de constater que la
première difficulté à laquelle on se heurte tient au
vocabulaire. Le mot, composé d'un substantif d'allure religieuse auquel
est accolé un qualificatif d'appréciation morale ne rend pas
réellement compte de la teneur du concept de bonne
foi20. Il s'agit « d'une institution
essentielle de toute vie
18 C.Vigneau « L'impératif de bonne foi dans
l'exécution du contrat de travail »Dr., p.707
19 Y. Picod, « Le devoir de loyauté dans
l'exécution du contrat », L.G.D.J ; 1989, n°6, p.12 20 G. Lyon
Caen, « De l'évolution de la notion de bonne foi », RTD civ.
1946, p.76
sociale21 ». Tous les
systèmes juridiques font une certaine place à la bonne foi et la
doctrine nous livre plusieurs conceptions de la notion. Alors que certains
auteurs ont pu considérer que la bonne foi était dépourvue
de toute efficacité juridique, d'autres pensent au contraire qu'il
s'agit d'une notion très prometteuse en droit
positif22. De façon générale,
en nous référant au dictionnaire de vocabulaire
juridique23, la bonne foi est « l'attitude
traduisant la conviction ou la volonté de se conformer au droit qui
permet à l'intéressé d'échapper aux rigueurs de la
loi ». Cette définition, même si elle permet de cerner les
contours de la notion ne laisse que percevoir le caractère
polysémique du concept de bonne foi. Pour le Doyen
Ripert24, la bonne foi permettrait de faire
pénétrer la règle morale dans le droit positif. «
Elle représenterait un résidu d'équité que le droit
ne peut éliminer » selon Gérard Lyon
Caen25. La bonne foi serait l'expression de la
pérennité de l'idéal de la justice dans le droit des
obligations. Plus encore, elle aurait une portée particulière
puisqu'elle constitue « une norme éthique de conduite à
contenu indéterminé et à formulation
générale26 ». Enfin, dans le
rapport de travail subordonné, elle permettrait de restaurer
l'inégalité de l'une des parties envers l'autre. Que de fonctions
dévolues à la bonne foi et de définitions livrées
qui ne rendent pas compte de manière systématique de ce qu'elle
est réellement. S'agit il d'une notion rétive à tout
effort de conceptualisation qui ne correspondrait pas à une
qualification réductible à une logique d'ensemble ? Certains
auteurs parlent de la notion de bonne foi comme porteuse « d'une
irréductible incertitude et d'un incompressible
subjectivisme27 ». En tout cas le substantif
et le qualificatif posent plus de problèmes qu'ils n'en
résolvent. En effet, la connotation religieuse et morale participe de la
difficulté de cerner la notion. Toutefois, on peut noter que les
conceptions, les utilisations, les illustrations de la notion de bonne foi
dépendent de l'importance qui lui est accordée par les
législateurs et juges. Même s'il est devenu fréquent que
l'on souligne l'absence d'unité de la notion en droit français,
il faut noter que le concept de bonne foi exprime une réalité
juridique et a une portée reconnue dans le droit
positif28. Audelà de cette portée,
c'est à l'absence de définition unique de l'expression qu'il faut
se
21 D. Alland et S. Rials, Dictionnaire de la culture juridique,
PUF. 2003
22 Sur la portée juridique de la notion de bonne foi voir
Ph. Stoffel-Munck, « L'abus dans le contrat », LGDJ, 2000, n°64
et s.
23 Voir G. Cornu et Autres, vocabulaire juridique, PUF., V. bonne
foi
24 G. Ripert, « La règle morale dans les obligations
civiles », LGDJ, 4é éd., 1949, p.157
25 G. Lyon Caen, « De l'évolution de la notion de
bonne foi », RTD civ, 1946
26 C.Vigneau préc. p.707
27 J. flour, J-L. Aubert, E. Savaux, « Droit civil.les
obligations », vol. 1, l'acte juridique, 9è éd ; Armand
Collin, 2000, p.279
28 J. Ghestin, « La formation du contrat »,
Traité de droit civil, LGDJ, 3é éd., 1993 n°255
résoudre. En effet, « renoncer à faire
éclater la notion revient à la définir autrement que par
de vagues sentiments et à lui donner un réel
contenu29».
L'appréhension de la notion par un juriste semble donc
nécessairement impliquer une multiplicité de définitions.
Deux acceptions majeurs30 se dégagent
généralement de la notion de bonne foi : tantôt, elle
correspond à l'ignorance non fautive d'un vice juridique et
privilégie ici une attitude passive du sujet de droit ; tantôt
elle est considérée comme une norme objective de comportement et
donc privilégie une attitude active. Il s'agit là d'une
conception durable que l'on retrouve dans tous les systèmes juridiques
d'inspiration romano germanique31. La première acception si
elle n'est pas sans portée en droit des contrats y reste d'une
importance moindre. En revanche, la seconde a sans doute connu une
évolution plus remarquable à l'époque contemporaine. En
effet, la bonne foi saisie comme évoquant un comportement loyal, une
attitude d'intégrité et d'honnêteté « domine de
haut tout le droit des contrats32 ». C'est
d'ailleurs celle là qui est visée par le Code civil quand il
s'agit d'évaluer son impact sur le rapport contractuel. Pendant
longtemps, le « potentiel
dérégulateur33 »de
l'alinéa 3 de l'article 1134 a conduit la doctrine à minorer la
portée de ce texte. Toutefois, s'il y a bien un domaine où la
notion de bonne foi n'a pas fini de développer ces effets, c'est bien
dans celui de la sphère contractuelle. A ce titre, elle a fait l'objet
d'une grande attention de la part des juristes et de nombreuses études
lui ont été consacrées notamment en France. En droit
français des contrats, le thème peut paraître battu et
rebattu. Notons sans conteste que si c'est en droit civil des obligations et en
droit commercial34 qu'elle a commencé
à connaître ses manifestations les plus brillantes, le droit du
travail branche aujourd'hui n'est pas en reste35. Nous l'avons
déjà dit, si la bonne foi ne se prête pas à une
définition univoque, il est d'autant plus délicat de la cerner
qu'elle se démarque mal d'une notion voisine, l'équité. En
effet, cette dernière est bien la notion qui évoque le plus
spontanément l'idée de bonne foi. Même s'il s'agit bien de
deux notions visées distinctement par le Code civil, chez certains
auteurs et dans quelques décisions de justice, l'une n'allait pas sans
l'autre. Il est vrai que bonne foi et équité remplis sent des
fonctions voisines, notamment pour ce qui est de l'interprétation du
contrat. La frontière entre les deux notions est donc très floue,
et la doctrine n'est guère
29 Y. Picod préc.n°6, p.12
30 Voir par exemple Ph. Le Tourneau « bonne foi », Rep.
Civ. Dalloz 95, n°3 1 31Voir M. Ph. Stoffel-Munck préc.
n°57
32 Ph. Le Tourneau préc. n°5
33 Pour l'expression voir M. Ph. Stoffel-Munck préc.
n°55
34Voir Civ 5 nov 1913 Bull., n°190, p.365 sur la
présomption de bonne foi 35 CA Paris, 30 mai 1961 D.1961 jur. 669 n. G.
Lyon-Caen
unanime sur les rapports qu'elles entretiennent. Pour
certains, l'équité36 serait une
conséquence de la bonne foi, alors que pour d'autres, la bonne foi
serait un instrument d'application de l'équité. D'autres encore
ne voient entre bonne foi et équité que l'ombre d'une
différence. Enfin, certains auteurs entendent consacrer l'autonomie de
la bonne foi au regard de l'équité. La confusion qui règne
quant à la question du rapport entre bonne foi et équité
ne facilite pas l'appréhension du concept de bonne foi.
Au demeurant, le point commun le plus sûr entre les deux
est certainement leur caractère « insaisissable ».
Par ailleurs, les manifestations de la notion de bonne foi
sont tellement variées qu'elle a des liens intrinsèques avec la
notion de loyauté. En effet, il y a un grand flou qui règne en
doctrine sur l'emploi de ces termes d'où l'intérêt de
préciser nettement l'usage qui en sera fait. Chez nombre d'auteurs, les
mots « bonne foi » et « loyauté » sont
employés comme étant synonymes. Parfois, quelques auteurs tendent
à privilégier l'emploi du terme loyauté l'estimant plus
précis37. Toutefois, la distinction ne
semble pas fondée que sur une exigence de précision et il est
bien difficile d'établir un critère fiable permettant de tracer
la frontière entre les deux notions. D'après Monsieur
Aynès38, la loyauté n'a que de
lointains rapports avec la première conception de la bonne foi
c'est-à-dire celle qui renvoie en une croyance erronée. En
revanche, il admet qu'elle entretient des liens beaucoup plus étroits
avec la seconde acception. Ainsi, la seule différence entre cette bonne
foi et la loyauté tiendrait au fait que le devoir de loyauté
déborde selon lui largement les frontières de l'exécution
du contrat. Cependant, il n'établit pas un critère net de
distinction entre l'acception de la bonne foi qui nous intéresse et la
loyauté, d'autant plus que l'exigence de bonne foi ne semble pas se
limiter non plus au seul domaine de l'exécution du contrat.
Pourtant, il paraît alors préférable de
retenir une position assez généralement adaptée, selon
laquelle la loyauté est perçue comme une conséquence de la
bonne foi. Parallèlement à d'autres exigences découlant de
l'obligation de bonne foi, cette dernière exigerait aussi la
loyauté. Ainsi, il est généralement admis que dès
le stade précontractuel, les négociateurs doivent être
animés par une attitude loyale. Au moment de la conclusion du contrat,
l'idée de bonne foi est présente et impose un consentement
réel et éclairé qui ne doit pas être surpris par dol
ou par erreur. De même, lors de l'exécution du contrat, l'exigence
de bonne foi a permis au juge de découvrir une série
d'obligations s'imposant aux parties. S'agissant du
36 Art. 1135 du Code civil «Les conventions obligent non
seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les
suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à
l'obligation d'après sa nature »
37 Voir Y. Picod préc. .n°6 p.13
38 L. Aynès « L'obligation de loyauté »,
Archives de philosophie du droit, 2000, n°44, p198
contraire de la bonne foi, certains auteurs précisent
que la bonne foi et la mauvaise foi ne procèdent pas d'un système
binaire39. Ils considèrent en effet que le
contraire de la bonne foi est l'absence de bonne foi et vice versa. Outre ces
considérations, il faut noter que la mauvaise foi relaie essentiellement
les effets négatifs du concept de loyauté, tantôt il s'agit
d'une attitude dolosive ou frauduleuse de la part du contractant, tantôt
c'est l'abus d'un des droits que l'une des parties tient du contrat qu'il
convient de sanctionner. Le lien certain entre la bonne foi et ces notions
apparaît n'être plus qu'une manifestation de la règle de
civilité qui gouverne le comportement de l'honnête homme. Ainsi,
« tromper, mentir, trahir, exploiter la détresse de celui dont on
s'était dit le partenaire, y rester parfois simplement
indifférent, se montrer « brutal », discourtois », toutes
ces figures constituent le genre de déloyautés auxquelles renvoie
l'article 1134 alinéa 3 du Code civil.
Connaissant donc des illustrations extrêmement
variées l'exigence de bonne foi apparaît ainsi diffuse et
difficilement saisissable. Il est à redouter qu'elle perde toute
unité dans ses applications et réponde à des idées
infiniment diverses. En tout cas dans le cadre du rapport de travail, le juge
n'hésite pas à servir de la notion pour découvrir de
nouvelles obligations au contrat. Notons que ce « gonflement du contrat de
travail40 » s'accentue encore avec l'analyse
conceptuelle de la bonne foi. En effet, outre la
fonction41 interprétative traditionnellement
reconnue à la bonne foi, René Demogue lui aura rajouté une
fonction complétive et un auteur soulignera également qu'elle a
une fonction limitative. D'autres auteurs encore ont voulu raj outer à
la bonne foi une fonction modificatrice ou adaptative. Sous réserve que
la dernière fonction est loin d'être univoque en droit
français, la bonne foi dans sa fonction interprétative permet au
juge d'interpréter le contrat selon son esprit plutôt qu'à
la lettre, à la condition notable qu'une ambiguïté entache
celle-ci, c'est-à-dire en fonction du but que la bonne foi ne peut
manquer de lui donner. Certains auteurs soulignent que cette fonction est
largement redondante de l'article 1156 du Code
civil42.
Dans sa fonction complétive, la bonne foi permet au
juge de rajouter au contrat des obligations comprises comme nécessaires
à son accomplissement. C'est dans ce sens que l'article 1134
alinéa 3 se rapproche de l'article 1135 du Code civil.
Enfin dans la fonction limitative c'est essentiellement à
l'abus de droit qu'il est alors fait référence.
39 Y. Picod préc n°13 p.25
40 Expression empruntée à Mathilde Julien,
préc. n° 54 p.75
41 Pour les fonctions dévolues à la bonne foi voir
M. Ph. Stoffel-Munck préc. n° 60 et n° 61voir aussi M. Julien
préc.n°51 p.72
42 Ph. Stoffel-Munck, préc. n° 83
De même, et touj ours dans le cadre de la
conceptualisation de la notion de bonne foi, Robert Vouin
43a envisagé de
distinguer la bonne foi contractuelle et la bonne foi du contractant.
D'après cet auteur, il est possible d'envisager « la bonne foi
individuelle d'un contractant dans le but de lui accorder une faveur, comme
aussi considérer, d'une manière abstraite, les limites et les
exigences de la bonne foi pour prétendre en déduire, dans leur
nature et leur étendue, les droits et les obligations de l'une et de
l'autre des parties au contrat. On peut donc opposer, pour les étudier
séparément, la bonne foi des contractants et la bonne foi
contractuelle ». Il semble que cette distinction n'avait qu'une
portée descriptive, mais elle conduit tout de même à
s'interroger sur l'unité de la notion de bonne foi. S'agit il d'une
notion unitaire ou dualiste ? La question est d'autant plus pertinente que
cette distinction a été reprise par Monsieur
Picod44. En effet, ce dernier se
réfère à la loyauté contractuelle et la
loyauté du contractant dans l'exécution du contrat. Dans le
premier cas, il s'agirait de savoir à quoi les parties sont tenues alors
que dans la loyauté du contractant, il s'agirait de savoir comment les
parties exécutent ce dont elles sont tenues et comment elles se
comportent dans l'exécution des droits qu'elles tirent du contrat? En
effet, pour lui, le système juridique a une conception assez peu
dynamique de la loyauté, il penche plus vers une appréciation
« de façon négative » ou de façon «
abstraite ». C'est donc plus l'absence de déloyauté qui
produit des effets juridiques que la loyauté elle-même. Selon lui,
« la loyauté du contractant » et la « loyauté
contractuelle » sont deux aspects distincts. Le premier consiste à
apprécier directement une attitude, dans une large part sanctionner la
mauvaise foi du contractant. L'auteur souligne qu'il s'agit d'une notion non
autonome car le droit français ne récompense pas la diligence du
contractant. En revanche, le second est envisagé en tant que
critère de détermination du contenu contractuel et semble avoir
une autonomie propre du fait de son caractère neutre. « Elle n'est
ni à l'intérieur, ni au dessus de la volonté des parties,
mais elle est au-delà ». De ces deux conceptions, il ressort que
les auteurs opposent la bonne foi ou loyauté définie comme norme
d'interprétation et la création d'obligations dans le contrat et
la bonne foi ou loyauté conçue comme une exigence de
comportement.
Un autre auteur a de nouveau établi la distinction en
lui attribuant un caractère fondamental. En effet, pour Monsieur
Stoffel-Munck45, cette distinction ne semble pas
avoir qu'une portée descriptive. L'opposition entre la bonne foi
définie comme norme d'interprétation et la bonne foi
conçue comme une exigence d'humanité et de probité
parait
43 R. Vouin, « La bonne foi, notion et rôle actuels en
droit privé français », thèse Bordeaux, Paris :
LGDJ,1939 p.53
44 Y. Picod préc n°12 et n°64
45 Ph. Stoffel-Munck, préc. n° 81 p.8 1et s.
fondamentale. La loyauté contractuelle serait
absorbée dans l'article 1135 du Code Civil alors que seule la
loyauté du contractant constituerait le sens propre de la bonne foi
visée à l'article 1134 alinéa 3 du même Code. La
loyauté contractuelle se présente pour cet auteur comme «
une fidélité à l'opération que les parties ont
entendu réaliser par leur convention. Dans cette optique, le
critère opérant n'est pas la morale de la sociabilité mais
plus « prosaïquement » le respect du but économique
recherché. Il existerait donc une différence de nature manifeste
entre la bonne foi contractuelle et la bonne foi du contractant. En
réalité, ces approches confortent la dispersion et
l'imprécision de la notion de bonne foi. Or une telle dispersion et
imprécision peuvent s'avérer dangereuse. En effet, cela ne
signifie-t-il pas que les manifestations de la bonne foi ne sont guères
cohérentes ou en tout cas ne procèdent pas d'une logique parfaite
? Et que c'est finalement le juge, qui au gré des espèces,
détermine le sens de la notion et lui fait produire les effets qui lui
semblent répondre au mieux aux impératifs de justice et aux
intérêts des contractants. L'importance accrue de la notion en
droit positif n'est elle pas alarmante ? N'y a-t-il pas là un grand
danger pour les impératifs de « sécurité juridique
» dans le contrat ? D'ailleurs comment prévoir les effets de
l'exigence de bonne foi dans le rapport de travail si elle n'est
caractérisée par aucune unité et se perd dans ses
applications ?
Il semble en tout état de cause admis que la bonne foi
ne peut être appréhendée de façon unitaire et
qu'elle est une notion dont le sens et la portée sont fixés par
le juge qui s'appuie sur les conceptions et les efforts de
systématisation de la notion par la doctrine. Par ailleurs, même
si certains auteurs entendent limiter l'exigence de bonne foi au seul domaine
de l'exécution du contrat, la notion intervient aussi dans la phase de
formation et de rupture du contrat46. Il faut noter
que la bonne foi, synonyme « d'honnêteté et de correction
» n'est pas une notion spécifiquement contractuelle quoi que les
contractants ne puissent s'en affranchir. L'exigence de bonne foi irradie bien
au-delà de la matière contractuelle.
« Ne s'agit-il pas en fait de souligner que la bonne foi
joue une fonction heuristique et une fonction
instrumentale47 ? » car, si elle
appréhende directement la dimension contractuelle du rapport de travail,
celle dite « institutionnelle » n'est pas en reste.
De sources diverses et variées, la bonne foi intervient
dans la conclusion du rapport de travail, pendant son exécution et lors
de sa rupture. Peu ou prou, s'appuyant sur la bonne foi, le juge s'inscrit de
fait ou de droit dans une démarche de moralisation et de
modération du contenu du contrat de travail afin de lui apporter un
certain équilibre .
46 Ph. Le Tourneau préc n° 1 8
47 M. Julien préc.
La bonne foi constitue une référence morale
autorisant à juger de la qualité du comportement des
contractants. A travers cette dualité de fonctions, le juge dispose
aussi d'une notion malléable qui lui permet de moduler, modérer,
voire découvrir les obligations auxquelles sont tenus les
contractants48. De fait, la bonne foi semble plus
abordable par la définition des buts qu'elle permet d'atteindre.
Ainsi, elle devient un instrument mis à la disposition
du juge afin d'assurer une certaine régulation des relations entre
débiteur et créancier. Il faut noter que si le terme «
principe » a souvent été utilisé pour désigner
l'aspect normatif de la bonne foi, ce n'est plus en ce qu'elle permet de rendre
compte d'éléments éparses ou d'une tendance remarquable du
droit positif49. Si l'utilisation du terme «
principe » n'est pas contestée, elle n'est pas pour autant
consacrée unanimement par la doctrine. Définir la notion ne
pouvant permettre de percevoir toutes les applications auxquelles elle peut
renvoyer, il semble que la notion de bonne foi constitue un
standard50 « consistant à juger d'un
comportement moral donné dans des circonstances données par
référence au modèle considéré comme normal
par la société au par la fraction de la société
apte à élaborer le terme de référence ».
Conçue comme telle, le renvoi à la notion de normalité
permet au juge de s'immiscer dans le contrat en utilisant à la fois les
fonctions dévolues à la bonne foi et les liens
intrinsèques et extrinsèques qui existent entre la bonne foi et
d'autres notions.
Le recours au standard de la bonne foi offre au juge dans sa
lecture de la normalité, une parfaite adéquation entre son
pouvoir et son souhait de moraliser le contrat et donc d'infléchir le
déséquilibre favorable à la partie forte. Si ce standard
doit permettre pour une large part d'apprécier les décisions que
prend l'employeur à l'aune de la bonne foi, il constitue
également un moyen d'appréhender l'attitude du salarié
dans le cadre du rapport de travail. Ainsi, le rapport de travail, aussi bien
dans sa conclusion, son exécution et sa rupture, se trouve soumis
à l'exigence générale de bonne foi de façon
intrinsèque ou extrinsèque. On comprend dès lors que la
bonne foi puisse constituer un standard qui permet au juge de «
réguler » ce rapport.
Par ailleurs, le standard de la bonne foi, permet à la
cour de cassation d'interpréter extensivement le contenu du contrat de
travail, notamment à travers les obligations qu'il fait naître. Il
faut souligner qu'au fil des années, un certain nombre d'obligations ont
été
48 N. Pourias-Rexand « Le rôle du juge dans le contrat
de travail »La moralisation des obligations de l'employeur thése,
ANRT 2000 p.25
49 A. Jeammaud préc. Dr Soc 1982 p.618
50 S. Rials, « Le juge administratif français et la
technique du standard », Paris, LGDJ, 1980, n°72 p.61
découvertes par la jurisprudence, alors que rien ne
laissait présager leur présence dans le contrat de travail.
Ne s'agit-il pas là pour le juge d'user de la fonction
instrumentale de la notion de bonne foi ?
De plus, la faculté dont disposent les parties à
un contrat de travail, de singulariser leurs rapports, permet également
au juge d'intervenir dans cet « espace de
stipulation51 », notamment lors de la
survenance d'un litige.
Cette intervention, en tout cas, confirme la fonction
heuristique que peut jouer le standard de la bonne foi.
Au demeurant, si d'un côté, la bonne foi
constitue un standard régulateur du rapport de travail (1
ère partie), c'est aussi une source d'enrichissement du
contenu de ce contrat (2ème partie).
51 A. Jeammaud, préc.
PREMIERE PARTIE
LA BONNE FOI, STANDARD REGULATEUR
|
DU RAPPORT DE TRAVAIL
|
PREMIERE PARTIE : La bonne foi, standard
régulateur du rapport de travail
Les standards utilisés pas le droit du travail sont non
seulement nombreux mais en relation avec des catégories clés. Ils
vont conditionner l'application de telle ou telle disposition mais aussi des
pans entiers de la législation du travail52.
Sous réserve de la précision que la notion cadre et le standard
n'expriment pas la même chose, il est possible de la rapprocher au regard
de leur finalité. En effet, certains auteurs préfèrent la
notion cadre à celle de standard ; d'autres encore proposent la
combinaison des deux53. Il semble en tous cas que
la technique de la notion cadre s'apparente à celle du standard
juridique. Pourtant, la souplesse et la variabilité de la bonne foi
illustre de façon notable les possibilités offertes au juge par
le législateur à travers ce standard. Perçu comme
appréciation moyenne de la conduite qui doit être, selon les cas,
loyale, consciencieuse, raisonnable, prudente ou diligente. Il s'oppose
à la règle de droit, disposition rigide et fixe prescrivant une
solution précise, en tous cas enfermant le juge dans un carcan.
Le standard renvoie donc à la normalité devant
conduire à un possible rééquilibrage du contrat sans pour
autant que la notion d'équité n'intervienne. De ce fait, il
conduit le juge dans sa recherche de solutions pratiques adaptées aux
circonstances d'allier à la fois les critères de
normalité, de moralité et de raisonnable pour non pas ce qui est
de plus répandu mais ce qui est le plus fréquemment admis.
Notons que Robert Vouin54 a pu
écrire que « la règle de droit est l'élément
de stabilité du droit alors que le standard souple et changeant en est
l'élément de mobilité ». Le standard de la bonne foi
dans le cadre du rapport d'emploi permet à la cour de cassation de
moduler l'étendue et la portée des obligations de l'employeur et
du salarié mais aussi de se saisir de leurs attitudes. De la sorte,
à travers ce standard qui irradie la sphère
contractuelle55, le juge assure une certaine
régulation du rapport de travail aussi bien au stade de sa formation
(chapitre 1) que dans son exécution et sa rupture (chapitre 2).
52 S. Frossard, « Les qualifications juridiques en droit du
travail », LGDJ, n°30, p.31 53Y. Picod préc
n°7 1
54 R. Vouin prec.n°55
55 Ph. Stoffel-Munck préc.n°58 p.63
CHAPITRE I
LA BONNE FOI DANS LA FORMATION DU
CONTRAT DE TRAVAIL
CHAPITRE I : La bonne foi dans la formation du contrat
de travail
Il ne serait d'aucun intérêt de retracer la
formation du contrat de travail en y incluant les conditions communes à
tous les contrats56. Ce qui vaut pour tous les
contrats est sous entendu57. On s'attachera ici
plus à la portée et l'influence de la bonne foi dans le cadre de
la formation du rapport de travail. S'il s'agit d'un standard qui permet
d'assurer une meilleure adéquation du droit à la règle
morale, son caractère polysémique rend inopérant toute
tentative de dresser un catalogue de comportements qui relèverait ou non
de la bonne foi. Toutefois, l'exigence de bonne foi doit régner dans les
pourparlers précontractuels à travers la série de droits
et d'obligations qu'elle met à la charge des futurs contractants. Par
ailleurs, lors de la conclusion du contrat, l'obligation de négocier de
bonne foi secrétée par la confiance née des relations
précontractuelles est alors sanctionnée indépendamment de
la conclusion et généralement en l'absence de conclusion du
contrat projeté.
SECTION I : Bonne foi et phase précontractuelle
Cette période est placée sous le double signe de
la liberté et de la bonne foi. L'exigence de bonne foi vise à
maintenir dés les pourparlers (paragraphe 1) un certain équilibre
entre les futurs contractants .Il reste légitime que chaque partie
défende son propre intérêt mais avec avec un minimum
d'honnêteté et de loyauté de part et d'autre .Cette
exigence est somme toute confortée lors de la phase du recrutement
(paragraphe 2)
§I : L'Exigence de bonne foi dans le cadre des
pourparlers
Elle se traduit par le devoir général de
loyauté qui pèse sur quiconque prétend vouloir s'obliger
(A) mais aussi par un certains nombre d'informations que doivent
s'échanger les futurs contractants (B).
56 J. Ghestin, la formation du contrat, LGDJ ,1993 p.576 et s.
57 Art.1108 du Code civil
A. Du devoir général de loyauté
Avant même de connaître des implications
juridiques, le devoir de loyauté est indispensable à tous les
rapports sociaux. C'est dire qu'il existe un devoir autonome de loyauté,
à côté des règles proprement juridiques.
Etymologiquement « loyal » « leial » qui provient du
langage de la chevalerie traduisait la fidélité jusqu'à sa
mort, le sens de la parole donnée, le respect de
l'engagement58. Elle participe de l'honneur.
Il faut cependant noter que « leial » est une
déformation de « legalis » c'est-à-dire ce qui relatif
aux lois, conforme à la loi. Le devoir de loyauté qui est la
notion la plus imprégnée de morale est une exigence dans la
procédure d'élaboration du contrat. Ainsi, dans le cadre des
pourparlers pour la formation d'un contrat de travail, on attend des futurs
contractants qu'ils fassent preuve d'honnêteté et de
sincérité.
Ainsi, apprécier la loyauté, c'est porter un
jugement de valeur sur la conduite d'un individu, mais c'est aussi prendre
parti de déterminer le contenu des engagements pris et la façon
dont ils doivent être exécutés. L'idée de confiance
trompée ou de déloyauté inspire davantage les solutions
jurisprudentielles59 que la loyauté
elle-même. D'une part, si le futur contractant dispose d'une
liberté de rompre les pourparlers, il ne peut le faire de façon
abusive sans engager sa responsabilité. D'autre part, son devoir
étant de conduire loyalement cette phase, il doit donc s'abstenir de
toute manoeuvre déloyale. Ce devoir général de
loyauté saisi par l'ordre juridique permet d'appréhender les
exigences de comportement dont la méconnaissance est sanctionnée.
Il semble que fonder la sanction sur l'abus ne paraît guère
utile.60L'abus sanctionne simplement le «
comportement qui n'est pas conforme à celui d'un partenaire
honnête, normalement soucieux d'observer la morale ».
Pour monsieur Stoffel-Munck, abandonner l'idée de
contracter relève plutôt d'un usage négatif de la
liberté contractuelle « car ce n'est que d'usage de la
liberté de ne pas s'engager qu'il s'agit61
».
Ainsi, est source de responsabilité délictuelle,
le comportement de l'auteur de la rupture qui met fin dans des conditions
dommageables, aux pourparlers, après avoir fait croire à son
partenaire qu'ils allaient conclure le contrat. La loyauté exige donc de
ne pas tromper, de ne pas mentir, mais surtout adopter une attitude
cohérente, une unité de comportement qui permette au futur
contractant de déterminer avec confiance sa propre conduite. De la sorte
la
58 L. Aynès « L'obligation de loyauté »,
Archives de philosophie, 2000, n°44, p. 196
59 Soc., 1er juin 1972, Bull. civ. V, n° 398
60 Ph. Stoffel-Munck préc.n°121 p.111
61 Ph. Stoffel-Munck préc.
duplicité, la légèreté
blâmable, la rupture intempestive ou vexatoire des
pourparlers62 relèvent d'un manquement
à l'exigence de bonne foi. Il semble que la bonne foi, en l'absence
même d'un lien contractuel préexistant prend le « statut d'un
devoir social de comportement, dont la transgression relève en principe
de l'ordre délictuel63 ». Au final, le
devoir général de loyauté doit permettre aux futurs
contractants de prendre la mesure de ce à quoi ils sont en droit
d'attendre de leur relation64.
S'agissant d'une relation à exécution
successive, la formation du rapport de travail oblige les parties à
travers une série d'obligations particulières notamment
l'information du futur contractant.
B. De l'obligation d'information
Une relation conventionnelle implique inévitablement
que dès la phase précontractuelle, les parties soient loyales
l'une envers l'autre. Cette loyauté implique une clarification de la
portée des obligations respectives des parties. L'obligation
d'information doit permettre aux futurs contractants de mesurer la
portée et la nature de leur engagement65. Si
cette obligation s'avère plus exigeante vis-à-vis de
l'employeur66, c'est surtout qu'il s'agit de
prendre en considérations la situation du salarié dans son
rapport de droit avec l'employeur.
L'obligation d'information est au coeur du droit commun des
contrats, elle n'a de portée réelle que si la
spécificité du rapport contractuel est soulignée. Le juge
civiliste prend en considération l'ignorance du «
profane67 ». L'information doit offrir à ce dernier la
possibilité de s'engager dans une relation contractuelle en connaissance
de cause. Dans le rapport de travail, la démarche suivie par le juge
semble aller plus loin, donnant une extension concrète à la
loyauté contractuelle par le biais de l'obligation d'information, il
applique extensivement la politique générale du droit civil en
tentant d'amoindrir certaines disparités naturelles entre les parties et
ce dans le but de tenir compte tant du caractère durable du contrat que
de l'implication de la personne du salarié dans celui-ci.
62 Soc. , 2 février, 1994, D. 1995, jur. 550
63 Ph. Stoffel-Munck préc.
64 Certains comportements intempérants peuvent marquer une
déloyauté en l'absence de toute malignité.
65 Information sur l'objet et les conditions d'exécution
du contrat
66 Soc. ,05 février 1975, Bull. civ .n° 49, p. 46
67 Expression empruntée à M. Ph. Le Tourneau
préc.
L'obligation d'information invite donc le juge à
s'appuyer sur la volonté implicite d'une relation loyale. Dans le cadre
de la phase précontractuelle, on appréhende l'obligation
d'information comme l'outil permettant au consentement de s'exprimer
d'être donné en connaissance de cause. Ainsi, dans les contrats
à exécution successive, notamment le contrat de travail, les
parties doivent se communiquer les éléments pouvant faciliter
l'exécution de leur engagement68. Il faut
noter par ailleurs qu'en dehors des cas spécifiques où le
législateur a imposé une obligation d'information ou de
renseignement69 dans l'exécution du contrat,
la jurisprudence a élaboré un véritable devoir
d'information toutes les fois que l'intérêt du contractant
l'exigeait. L'information peut être définie à partir de
situations qui lui sont proches ou opposées .Elle peut aussi être
approchée à travers la finalité qu'on lui assigne dans le
contrat. L'information peut être appréhendée comme un
savoir qui circule, elle est un ensemble de connaissances. « Elle peut
être également définie par le rapport entre ce qui pourrait
être dit et ce qui est effectivement dit. Elle devient dans ce cas la
mesure du choix effectué entre les possibles
70». De ce fait, silence et information semble
se rejoindre notamment par le biais de la sanction au manquement à
l'obligation ou le devoir d'information.
Au demeurant, nous verrons plus loin que dans le cadre du
rapport de travail, le silence gardé par le candidat à l'embauche
peut avoir une portée réduite71. De
la sorte, l'obligation d'information autonome, certes, entretient aussi des
relations étroites avec celle de
renseignement72. Si ces concepts peuvent en effet
sembler identiques, l'information est cependant plus restrictive que le
renseignement. En effet, on peut retenir qu'ils peuvent s'opposer sur la
spontanéité de la transmission des éléments
communiqués. Alors que le renseignement est généralement
donné à la suite d'une demande expresse, l'information semble
découler naturellement du discours de l'une des parties. C'est au juge
dans tous les cas qui vient extraire à travers la bonne foi ou la
loyauté les suites à donner aux obligations expressément
souscrites ou qui fait ressortir les attentes implicites des parties. En effet,
la chambre sociale a largement suivi l'évolution jurisprudentielle et
doctrinale civiliste en s'appuyant sur l'article 1134 alinéa 3 pour
fonder l'obligation d'information.
68 J. Ghestin, la formation du contrat, LGDJ ,1993 p.576 et s.
69 Art. L121-6, L122-41, L122-14-1 du Code du travail
70 N. Pourias-Rexand préc. p197
71 Soc. 3 juillet 1990, D. 1991, p.507
72 P.Jourdain, La bonne foi « Rapport français
», travaux de l'association Henri Capitant, Tome XLIII, 1992, p.124 et
s.
En effet, si on assigne à l'information et au
renseignement la même finalité, c'est-àdire permettre au
contractant de se préparer à ce qu'il est en droit d'attendre, la
particularité du rapport de travail a permis au juge à travers le
standard de la bonne foi d'accroître ou de réduire la
portée de l'obligation d'information. Ainsi, le candidat à
l'embauche se doit d'informer le recruteur avec loyauté .Et le devoir de
se renseigner semble plus concerner le recruteur73.
En tout état de cause, durant cette phase précontractuelle, c'est
le juge qui au gré des espèces tente de concilier les
intérêts de celui qui recherche un collaborateur et celui qui veut
mettre toutes les chances de son côté pour le poste à
pourvoir et ce dans un esprit de loyauté.
§II : L'Impératif de bonne foi et
l'opération de recrutement
Entre un chef d'entreprise qui cherche un collaborateur et une
personne qui postule à un emploi, les intérêts sont
à priori antagoniques. Alors que le premier a le pouvoir d'opérer
un libre choix de la personne qui convient le mieux au besoin et
intérêt de l'entreprise, le deuxième, pour mettre toutes
les chances de son côté, peut être tenté de ne pas
révéler certains faits qui seraient de nature à ne pas
favoriser sa candidature.
Le recrutement est une opération qui s'avère
tellement complexe de par la dose de subjectivité qui s'en dégage
que le législateur a entendu, par le biais de « l'idée et la
technique de la bonne foi », imposer une certaine éthique aussi
bien du côté de l'employeur (A) que du candidat à un emploi
(B).
A. Du côté de l'employeur ou du recruteur
La finalité de l'opération de recrutement est de
permettre au chef d'entreprise de rechercher des personnes susceptibles de
tenir les emplois disponibles dans l'entreprise et à sélectionner
celles qui semblent les plus aptes. Par cette opération, il faut
entendre tout recrutement opéré par un intermédiaire
choisi par un employeur afin de l'assister dans le choix d'une personne
extérieure pour un poste à pourvoir ainsi que tout recrutement
opéré directement par l'employeur74.
Cette liberté, érigée en principe ayant valeur
constitutionnelle75 ne saurait s'affranchir du
respect de certaines règles. La liberté contractuelle de
l'employeur est somme toute relative.
73 Soc. 17 octobre 1973, JCP 1974, II ,17698
74 G. Lyon-Caen, Rapport « Les libertés publiques et
l'emploi », Doc. Fr., Paris 1992 75 Cons. Const. 20juillet 1988, Dr.
Soc.1988, p.755
En effet, face à la sophistication des techniques de
recrutement, d'évaluation et de contrôle de l'activité des
salariés, le législateur et le juge ont tenté de
circonscrire le cadre d'exercice de cette liberté de l'employeur. Si la
liberté de choisir le salarié ne peut être contestée
à l'employeur, l'intuitus personae qui caractérise le contrat de
travail renforçant cette prérogative. Ce dernier doit s'appuyer
sur des éléments objectifs pour arrêter son choix. Ainsi,
avant la loi du 31 décembre 1992 relative aux recrutements et aux
libertés individuelles, en dehors de quelques dispositions
éparses76 qui venaient assurer au candidat
à un emploi une certaine protection, l'employeur disposait d'une grande
liberté sur les méthodes de recrutement qu'il pouvait mettre en
oeuvre.
Suite au rapport Lyon Caen77,
l'éthique qui s'imposait à l'employeur a été
amplifiée notamment par l'introduction de nouvelles dispositions dans le
Code du travail78. L'employeur, soucieux de
l'intérêt de son entreprise doit sélectionner les candidats
de bonne foi. De fait, le législateur, en donnant une portée
réelle à l'obligation d'information qui pèse sur
l'employeur, a entendu apporter de la transparence face à des pratiques
pour le moins contestables. Par ailleurs, l'accès d'un candidat à
un emploi ne peut être entravé par des considérations
autres que celles tirées des aptitudes, de sa capacité à
occuper le poste et des caractéristiques spécifiques du poste
à pourvoir. Cette limitation du champ d'investigation de l'employeur est
d'autant plus forte que l'article L.120-279 du Code
du travail, article à formulation générale, pose une
règle de proportionnalité qui est soutendue par l'idée de
bonne foi. Au demeurant, même si la bonne foi de l'employeur qui cherche
un collaborateur n'est pas visée expressément par un texte, la
loi offre un paramétrage tout aussi pertinent et opérationnel
dans l'objectif de protéger le salarié susceptible d'être
confronté à l'usage de méthodes d'investigations sans
rapport avec les informations nécessaires à un employeur
potentiel pour procéder à un recrutement. Ainsi, dans la phase de
recrutement, même si la technique de la bonne foi n'est pas
mobilisée du côté de l'employeur, les limites qui lui sont
imposées sont précisément définies au regard d'une
finalité clairement énoncée par l'article
précité. Par ailleurs, il semble qu'avec la recodification du
Code du travail, la localisation de l'article L1 121-1 « risque de
suggérer une inadmissible limitation de son domaine
76 Art. 9 du Code civil, Loi informatique et libertés du 6
juin 1978 ,D. n°85-1203 du 15 novembre1985 portant publication de la
convention du conseil de l'Europe du 28 janvier 1981
77 G. Lyon-Caen, « Les libertés publiques et l'emploi
», rapport pour le ministre du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle, doc. Fr. 1992
78 Notamment art L121-7 et L121-8 L122-45 du Code du travail
79 Art.L120-2 ou L1 121-1 nouveau « Nul ne peut apporter
aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de
restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la
tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché
».
d'application80 ».Au surplus,
on peut penser que le juge continuera à donner à cette
règle toute sa portée normative.
En revanche, l'employeur n'est pas oublié et la
protection de ses intérêts est assurée par l'exigence
imposée au candidat à un emploi. En effet, celui-ci doit
répondre de bonne foi aux questions qui lui sont posées lorsque
ces dernières correspondent aux impératifs de recrutement.
B. De l'obligation de bonne foi du salarié
Le candidat à l'embauche doit se comporter en homme
honnête et consciencieux. Il est assujetti à une obligation de
loyauté dès lors que l'employeur l'interroge sur ses
capacités et aptitudes professionnelles81.
En effet, la loi du 31 décembre 1992 soucieux d'éclairer
l'employeur dans ses choix, précise que le candidat à un emploi
est tenu de répondre de bonne foi aux questions posées dès
lors qu'elles satisfont aux conditions légales de pertinence et de
finalité .Il faut souligner que la bonne foi se décline
différemment selon qu'il convient de considérer les obligations
mises à la charge de l'employeur ou du candidat lors de l'embauche. Le
candidat à un emploi a le « droit de ne pas révéler
sur le questionnaire d'embauche son état de
prêtre»82. Cette forme de dissimulation
quant aux réponses, a été perçue par certains
auteurs comme la consécration d'un « droit général de
non révélation » voire « un droit au
mensonge83 ». Si cette prétendue
consécration est somme toute à relativiser, la chambre sociale de
la cour de cassation avec une interprétation restrictive des obligations
qui pèsent sur un candidat à l'embauche. Elle confirme en tous
cas le fait que l'obligation de répondre de bonne foi qui incombe au
candidat à un emploi n'a pas une portée absolue .Ainsi lors de
l'embauche le salarié n'a pas l'obligation de faire mention de ses
antécédents judiciaires la dissimulation d'une condamnation
pénale n'a pas un caractère dolosif et le licenciement du
salarié pour ce fait est dépourvu de cause réelle et
sérieuse84. La bonne foi signifie en effet
« qu'il réponde dans des conditions qui ne lui permettent pas de
donner sur ses capacités professionnelles ou son expérience
passée des informations manifestement exagérées au regard
de ses capacités réelles85 ». En
l'espèce, une candidate a
80 A. Jeammaud, A. Lyon-Caen, « Le « nouveau Code du
travail », une réussite ? », RDT juin 2007,p. 358
81 Art. L 121-6 alinéa 2 « Ces informations
doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi
proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles. Le
candidat à un emploi ou le salarié est tenu d'y répondre
de bonne foi ».
82 Soc. 17 octobre 1973, JCP, 1974, éd. G, II ,17698
83 M. Hue « Le droit au mensonge du salarié »,
obs. sous Soc 30 mars 1999, CSPB 1999, A. 35
84 Soc. 25 avril1990, Bull. civ, V n°186
85 Soc. 16 février 1999, RJS4/1 999, n°468
été embauchée alors qu'elle avait
enjolivé son curriculum vitae et fait état d'une
expérience d'assistante de responsable de formation, alors qu'elle
n'avait en réalité suivi qu'un stage de quatre mois dans un
service de formation linguistique.
Pour la cour de cassation, la mention d'une expérience
professionnelle imprécise et susceptible d'une interprétation
erronée dans un curriculum vitae n'est pas constitutive d'une manoeuvre
frauduleuse et ne permet donc pas à un employeur d'obtenir en
application de l'article 1126 du Code civil la nullité du contrat de
travail pour dol. Il semble que le curriculum vitae ne soit pas une
réponse aux questions de l'employeur mais une indication
spontanée susceptible de provoquer une question. L'employeur doit
démontrer que le salarié a agi de façon frauduleuse et que
sans ses manoeuvres frauduleuses il n'aurait pas
contracté86. La cour de cassation, dans une
autre affaire, est allée plus loin en précisant que le
salarié peut ne pas révéler spontanément à
son employeur certains faits qui pourraient lui être défavorables
et seraient de nature à écarter sa candidature. « Il n'est
pas débiteur d'une obligation d'information mais au contraire a le droit
de se taire lorsque l'employeur ne prend pas l'initiative de se
renseigner87 ».Il faut toutefois noter que la
cour de cassation ne reconnaît au silence du candidat une certaine
légitimité que dans la mesure où « aucune question
précise ne lui a été posée à propos des
éléments litigieux ».
Quid du candidat qui tait la clause de non concurrence
à laquelle il est tenu ? Il semble que la cour de cassation
énonce clairement qu'il appartient au candidat, présumé
libre de tout engagement, de révéler l'existence d'une clause de
concurrence le liant à l'employeur précédent, l'omission
plaçant la conclusion du contrat sous le signe de la
déloyauté et constituerait une faute
grave88.Hors les cas de fraude manifeste,
curriculum vitae mensonger, faux certificats de travail portant la signature
contrefaite d'un précédent employeur, se prévaloir
faussement de diplômes afin d'obtenir un poste, la cour de Cassation a
une interprétation restrictive de l'article L.121-6 in fine du Code du
travail ce qui explique sans doute le rejet progressif du dol par
réticence sans pour autant qu'un droit général au mensonge
ne soit consacré. Au final, toutes les fois que l'employeur omettra de
se renseigner objectivement sur les candidats retenus, il ne pourra s'en
vouloir qu'à lui-même et ne pourra se fonder sur sa carence pour
rompre le contrat conclu. Dès lors, un auteur
89a pu se demander si
le droit à l'oubli pouvait poser les bases fiables d'un recrutement ?
86 Versailles, 19 septembre 1990, RJS 1/ 91, n°5
87 Soc .23 avril 1990 et 3 juillet 1990 D.1991 p. 507
88Soc. 3 janvier 1964 Bull. civ. V n°5
89 D. Corrignan-Carsin, « La loyauté en droit du
travail »,in mélanges offerts à H. Blaise, Paris ,Economica
,p ;131
SECTION II: Bonne foi et conclusion du contrat de
travail
Dans le cadre de la conclusion d'un contrat de travail,
l'employeur après un recensement précis des besoins de
l'entreprise le fait savoir à travers l'offre qu'il émet. Mieux
certains postes requérant des connaissances spécifiques, des
missions complètement de haute responsabilité, l'employeur peut
faire à la personne préalablement sélectionnée une
offre ou une promesse d'embauche (paragraphe 1) Par ailleurs il peut ainsi
décider d'assortir le début de l'exécution du contrat de
travail d'une clause d'essai (paragraphe 2).
Cette volonté de l'employeur de s'entourer d'un maximum
de garanties requises par l'intérêt de l'entreprise doit en tout
cas se faire avec loyauté.
§I : La bonne foi et la rupture de l'offre de
contracter
En principe, lorsque l'employeur s'engage par une promesse
d'embauche il a dores et déjà pris la décision. Lui seul
contracte des obligations. Alors que les pourparlers désignent la
période exploratoire durant laquelle les futurs contractants
échangent leur point de vue, formulent et discutent des les propositions
qu'il se sont faits mutuellement afin de déterminer le contenu du
contrat sans pour autant être assuré de la conclure, la promesse
d'embauche est constituée dès lors que les taches sont
décrites même globalement et que la rémunération est
précisée90.De même au cours des
pourparlers qui précédent la conclusion du contrat de travail,
les négociateurs peuvent choisir de donner un peu plus de force à
leurs discussions et de négocier un accord de principe. A la
différence de la promesse d'embauche ou l'employeur seul s'engage, dans
l'accord de principe aucune obligation d'embauche ne pèse sur
l'employeur. L'accord permettant seulement de constater la volonté des
intéressés sur la conclusion d'un contrat à venir, seule
la mauvaise fois d'un des négociateurs pourra être sanctionner le
biais des dommages- intérêts91.
Ceux-ci seront alors à la charge de celui qui ne respecte pas loyalement
son engagement de mener à bien les discussions pour aboutir à la
conclusion du contrat92.
90 Soc. 12 décembre 1983, Juri-social 1984,n°66 ,F
25
91 Civ. Iere, 12 avril 1976, Bull. civ In° 122 ,p.98 92
Soc.24 mars 1958, JCP 1958, II ,10868
Afin de cerner précisément l'objet et les
engagements souscrits par les parties, les juges s'attaches à
déterminer leur intention. Dans la promesse d'embauche l'employeur
s'engage à fournir un emploi au candidat qui est libre de l'accepter ou
non. Si la bonne foi précontractuelle fait obligation à
l'employeur de maintenir sa promesse d'embauche jusqu'à ce que le
candidat prenne sa décision, l'employeur n'est il pas libre de choisir
un autre candidat sur le fondement l'intuitus personae, un candidat qui
répondrait mieux aux intérêts de l'entreprise ?
Il semble que la promesse d'embauche étant un avant
contrat reste soumis aux droits communs des contrats et donc aux articles 1134
,1 142 ,1 147 du Code civil qui permettent à celui qui justifie que
cette promesse n'a pas été régulièrement
exécuté, de réclamer des dommages et intérêts
en réparation de son préjudice. En effet l'employeur est tenu
d'exécuter cette convention de bonne foi à savoir conclure le
contrat de travail si le candidat sectionné lève l'option. Ainsi
les juges vont caractériser le comportement de l'employeur par rapport
à ce que préconise le standard de la bonne foi
c'est-à-dire un comportement honnête et conscient et
apprécier les conséquences des agissements sur la situation du
candidat sélectionné. Il semble alors que les juges se fondent
sur une définition négative de la bonne foi pour ainsi
sanctionner la légèreté blâmable de
l'employeur93.Il faut noter toutefois que quelques
arrêts de la cour de cassation se placent sur le terrain du licenciement
pour accorder au bénéficiaire des dommages et
intérêts considérant de fait la promesse d'embauche suivie
d'une acceptation comme un véritable contrat de
travail94.La rétractation de la promesse
s'analyse alors en un licenciement95. Au demeurant
s'il y a une hésitation quant au fondement de l'obligation
d'indemnisation mis à la charge du promett ant. La difficulté est
de déterminer si le fait générateur consiste dans la
rupture de l'avant-contrat de promesse ou si au contraire c'est d'un
licenciement dont il s'agit ce qui suppose la reconnaissance d'un contrat de
travail définitivement formé. Il nous semble que la cour de
cassation en se plaçant sur le terrain du licenciement ne permet pas de
distinguer nettement le contrat définitivement formé de la
promesse d'embauche96. La conséquence au
regard de cette hésitation étant qu'entre les deux il n'y aurait
de l'ombre d'une différence. Notons cependant que les juridictions du
fond refusent d'accorder une quelconque indemnité de préavis au
motif que le contrat de travail n'a
93 CA. Paris 28 novembre 1991, RJS 3/92, n°381
94 Soc.12 décembre 1983, D. 1984, IR 111, Soc 12
avril1995, CSPB n°71, p.203
95 Soc. 3 mars 1965, Bull. civ. IV, n°184 ; Soc 12 janvier
1989 Bull. civ. V n°18
96 Soc 2 février 1999, Bull. civ. V n°52
pas encore commencé à être
exécuté. La bonne foi précontractuelle ne peut être
sanctionnée que par l'octroi de dommages et intérêts.
§II : La bonne foi et la période probatoire du
contrat de travail
S 'il est sans conteste que le contrat de travail
présente de grandes similitudes avec le contrat de droit commun en ce
qui concerne sa conclusion, il s'en distingue néanmoins par l'existence
d'une période d'essai qui est une entorse au principe selon lequel la
convention est normalement conclue à titre définitif par le seul
échange de consentement. Le contrat de travail présente la
particularité de pouvoir prévoir dès l'origine une
période dite probatoire se situant au commencement de l'exécution
du contrat97. Cette période a pour finaliser
de permettre à l'employeur de tester les aptitudes professionnelles du
salarié et à ce dernier de voir si les conditions d'emploi lui
conviennent. Pendant cette période dite d'essai les contractants peuvent
se délier librement sans justifier d'un motif particulier à la
condition de ne pas abuser de cette liberté de rompre. Cette
période est placée sous le double signe de la liberté et
la bonne foi qui saisissent l'essai aussi bien dans son existence, sa
durée, son renouvellement et sa rupture. Ainsi un employeur ne peut se
prévaloir de bonne foi, de l'existence d'une période d'essai qui
n'est pas prévue dans le document attestant le contrat de travail et
s'il n'a pas mis le salarié en mesure d'en prendre connaissance
même si cette période d'essai figurait dans la convention
collective. Si l'évolution jurisprudentielle montre nettement que la
rupture peut intervenir à tout moment de la période d'essai
qu'elle soit le fait de l'employeur ou du salarié, les juges vont
étudier dans le cas de contestation de l'un ou de l'autre les
circonstances dans lesquelles la rupture a été
décidée afin d'apprécier le comportement des parties, de
le sanctionner le cas échéant.
Il a été jugé ainsi que l'employeur n'a
pas conclu le contrat de travail de bonne foi si ayant recruté un
salarié dont les compétences étaient
avérées, le congédie pendant cette période au motif
que l'essai n'est pas concluant98. De même la
bonne foi commande l'impossibilité de mettre en concurrence deux
candidats à une embauche définitive l'essai présentant un
caractère individuel. L'employeur ne peut sans
légèreté blâmable mettre fin à la
période d'essai d'un salarié malade en raison du « dynamisme
et de la qualité des prestations de son remplaçant ». Les
parties au contrat doivent donc agir de bonne foi lorsqu'elles
97 Soc. 19 février 1997, Bull. civ. . V, n°69 ; Soc
27 janvier 1997, Bull. civ. n°33
98 Soc. 18juin 1996, JCP éd., G 98, II 22739
décident de mettre fin à l'essai et par
conséquent au contrat de travail, c'est-à-dire honnêtement
et de manière consciencieuse.
En outre, pour sanctionner le manquement des exigences de la
période probatoire, la cour de cassation recourt plus à la notion
d'abus de droit99 qu'au standard de la bonne foi
luimême pour caractériser le manque de diligence en particulier de
l'employeur ou sa précipitation légère ou encore sa
légèreté blâmable. Toutefois détourner la
période d'essai, de sa finalité, en somme tenter d'éluder
les règles relatives à la rupture du contrat de travail
relève d'un manquement à l'exigence de bonne foi. Par ailleurs il
faut noter que la bonne foi de celui qui prend l'initiative de la rupture est
présumée. Il appartient en effet au demandeur de rapporter la
preuve que l'autre partie n'a pas conclut le contrat de bonne foi
c'est-à-dire pour un motif étranger à sa
finalité100. Ainsi dans le cas de
détournement de la période d'essai la cour de cassation a
décidé que le comportement de l'employeur devait être
sanctionné par l'application de règles applicables en
matière de licenciement. Il faut noter que la preuve de ce
détournement de l'essai de sa finalité est souvent difficile
à rapporter même si en cas de litige l'employeur est tenu de
communiquer au juge tous les éléments de nature à
justifier sa décision. Cette rupture de l'essai n'étant que
l'exercice d'un droit subjectif, on comprend dés lors que l'abus soit
plus visé que la bonne foi. Par ailleurs les clauses d'essai sont
d'interprétation strictes, l'utilité et donc la finalité
principale des clauses d'essai demeure l'évaluation du salarié.
Alors que jusqu'ici la cour de cassation accordait des dommages et
intérêts pour rupture abusive de la période d'essai,
requalifiant parfois la rupture en licenciement. Elle refusait sauf le cas de
discrimination101 de se placer sur le terrain de la
nullité et ce, même pour les femmes
enceintes102.Depuis l'arrêt du 14 juin
2007103 une salariée prouvant que
l'employeur a rompu son essai en raison de sa grossesse peut invoquer la
nullité de cette rupture ce qui lui donne le droit d'exiger sa
réintégration dans l'entreprise et de réclamer le paiement
des salaires entre la date de la rupture et celle de la condamnation. En
définitive si la liberté de rompre sans motif en cours de
période d'essai reste acquise, c'est sous réserve de ne pas
abuser de son droit. En effet un employeur doit se tenir prêt à
donner
99 Soc., 17 mars 1971, Bull civ.V, n°216
100 Soc. ,5 octobre 1993 Bull. civ.V, n°223
101 Soc. 16 février 2005, n° 02-43.402
102 Soc. 8 novembre 1983,n°81-45.785 ;Soc.21 décembre
2006 ,n°05-44.806 ; L122-25-2 Code du travail ne s'applique pas pendant la
période d'essai à la différence de L122-45 voir soc.,16
février 2005 ;n°02-43.402 103 Soc., 14 juin 2007
n°05-45.219
les raisons objectives de sa décision au cas où le
salarié l'accuserait d'avoir abusé de son droit. Désormais
sa vigilance doit être plus forte quand il s'agit d'une femme
enceinte104.
104 Voir Loi n°2006-340 du 23 mars 2006 sur
l'égalité salariale
CHAPITRE II
LA BONNE FOI DANS L'EXECUTION ET LA
|
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
|
CHAPITRE II : La bonne foi dans l'exécution et
la rupture du contrat de travail
Le contrat de travail, contrat synallagmatique met à la
charge des parties des obligations réciproques. A ce titre il est comme
tous les contrats de droit commun, il génère des obligations
auxquelles les parties sont tenues. Dans cette flopée d'obligations,
certaines, « essentielles105 » sont qualifiées de
caractéristiques106 ou encore
d'irréductibles, car c'est à travers elles que l'espèce
contractuelle est identifiable. De ce fait, dès la conclusion du contrat
de travail, le salarié et l'employeur sont à la fois
créanciers et débiteurs des engagements qu'ils ont pris à
travers le contrat. De plus, du fait de la seule qualification de contrat de
travail alors qu'aucun engagement n'est souscrit, le salarié a
l'obligation de fournir une prestation de travail et l'employeur celle de lui
confier des tâches et de payer le salaire.
Pendant près d'un siècle faute
d'interventionnisme législatif, le contrat de louage de service a
constitué la source exclusive et la seule mesure des obligations
assumées par l'employeur et déterminées donc par lui seul.
Aujourd'hui l'évolution du droit du travail au cours du 1
9ème siècle, a permis de faire mieux apparaître
la force obligatoire du contrat de travail vis à vis de l'employeur.
Celle-ci s'attache à chacune des obligations contractuelles mais aussi
au contrat pris dans son ensemble, en ce qu'il doit être
exécuté de bonne foi. Si l'article L 120-4 du Code du travail
précise que « Le contrat de travail est exécuté de
bonne foi » sans précision sur la charge de la preuve, les
juridictions du travail n'ont pas attendu la loi sur la modernisation sociale
pour s'emparer de la notion de bonne foi. Par ailleurs si la cour de cassation
demeure très attachée au principe de la liberté
contractuelle, il n'en demeure pas moins qu'elle cherche dans le contrat lui
même par voie d'interprétation la nature et la portée des
engagements des parties. Le standard de la bonne foi permet de justifier des
obligations que la volonté des parties ne permet pas a priori de
déceler. Le contrat de travail étant également un contrat
à exécution successive, des règles spécifiques du
droit du travail tendent à assurer la permanence du contrat en
dépit des aléas ou évènements qui viennent
affecter, voire perturber son exécution. Au demeurant si le principe est
que le contrat de travail est conclu sans détermination de
durée107 c'est sous réserve de la
prohibition par la loi des engagements perpétuels mais aussi de la place
qui est
105 Soc. 28 novembre 2001, n° 99-45.423, soc. 15 octobre
2002, n°00-44.970
106 M. Julien thèse préc. n°38
107 Art. L122-4 ; L122-1 et L121-4 ; du Code du travail
faite aux contrats à durée
déterminée. Ainsi de l'exécution du contrat de travail
jusqu'à sa rupture, il semble qu'on puisse rattacher au standard de la
bonne foi des devoirs plus ou moins actifs. De plus tout au long de la vie du
contrat la bonne foi statique et celle dite
dynamique'°8 se conjuguent afin de permettre
au juge saisi d'assurer un équilibre contractuel. Afin qu'une partie ne
puisse s'enfermer dans la lettre du contrat pour en éluder
l'esprit'°9, ce standard a permis au juge de
dégager une série d'exigences, de comportements et d'obligations
implicites à la charge des salariés comme des employeurs. Ainsi
la bonne foi, même si elle n'est pas décisive dans
l'exécution de la prestation de travail, permet en tout cas
d'appréhender le comportement du salarié en dehors de cette
exécution et entraîne dès lors entraîne un
surcroît de sujétion pour le salarié (section I). De
même l'employeur titulaire d'un pouvoir de direction, de contrôle
et de gestion n'est pas en reste, car le standard de la bonne foi a permis au
législateur et au juge de limiter du moins d'encadrer l'exercice de ses
pouvoirs (section II) au point qu'on parle d'un « processus de bi
latéralisation de la bonne foi''° ».
SECTION I : La bonne foi, surcroît de sujétion
pour le salarié
Tout travailleur, partie à un contrat de travail,
quelles que soient les prévisions contractuelles, a pour obligation
principale de fournir une prestation de travail pour le compte d'un employeur
sous la subordination duquel il se place. Pour de nombreux auteurs, le lien
juridique de subordination''' donne la mesure des obligations du
salarié. Le salarié est en effet subordonné à
l'employeur dans l'exécution de sa tâche. Ce dernier peut donner
des ordres et directives au salarié, il peut décider du
changement de ses conditions de travail, sanctionner tout manquement du
salarié dans le cadre de l'exécution de sa tâche. Compte
tenu des pouvoirs très étendus''2 que
l'ordre juridique reconnaît à
l'employeur''3, est-il besoin de mobiliser la bonne
foi ou encore la loyauté pour justifier d'éventuelles sanctions
à l'encontre du salarié pour l'exécution stricto sensu de
sa prestation de travail ? Il semble que la chambre sociale de la cour de
cassation sanctionne avant tout une inexécution fautive
indépendamment de toute référence à la bonne
foi.
108 Ph. Le Tourneau préc. N° 32 à 36
109 J. Carbonnier, Droit Civil, Tome IV, Les obligations,
n°1 13
110 C. Vigneau préc.
111 Voir Note sur Soc. 19 décembre 2000 Dr. Soc. 2001,
p.227
112 J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc.
n°877
113 A. Jeammaud, « Les droits du travail en changement.
Essai de mesure », Dr. soc. 1998, p. 212
Au surplus, la subordination du salarié suffit à
imposer une certaine diligence dans l'exécution de la prestation de
travail114. De la sorte, si l'utilité et la
pertinence de la bonne foi nous paraissent loin d'être
avérées dans le régime juridique de la prestation de
travail du salarié, toute autre est sa portée quand il s'agit
d'appréhender une série de comportements en dehors de celle-ci.
(B)
§I : L'incidence de la bonne foi, dans
l'exécution et la prestation de travail
Nous l'avons souligné antérieurement, il s'agit
d'une incidence à la marge. Il n'empêche que l'idée de
bonne foi ou encore de la mauvaise foi peut être perçue à
travers les décisions rendues par la cour de cassation. Si de nombreux
agissements du salarié sont déclarés fautifs et
sanctionnés comme tels, il n'en demeure pas moins qu'ils évoquent
aussi une exécution déloyale. Les négligences volontaires,
les indélicatesses du salarié ne peuvent être
sanctionnées par l'employeur dans le cadre de son pouvoir disciplinaire
que parce qu'elles sont des comportements fautifs. La gradation des fautes ou
l'échelle des sanctions du règlement intérieur
prévues à cet effet disqualifie toute justification au regard de
la bonne ou mauvaise foi du salarié. Ainsi donc l'inobservation d'une
règle collective ou d'une instruction individuelle, une faute
disciplinaire peuvent certes révéler la bonne ou mauvaise foi du
salarié mais seules suffisent pour sanctionner le manquement du
salarié. Au demeurant il semble que la chambre sociale de la cour de
cassation ne mobilise pas le concept de bonne foi dans l'exécution de la
prestation de travail que pour disqualifier un comportement ne pouvant
l'être sur le fondement d'une autre disposition légale, d'une
règle conventionnelle ou des termes du contrat. Notons que le refus par
un salarié de terminer le déchargement d'un camion dans lequel
restaient deux colis au motif qu'il était au terme de son horaire de
travail a permis de sanctionner son attitude. Dans cet arrêt, même
si la bonne foi n'est pas visée expressément, il semble que le
comportement du salarié jugé incorrect et donc l'insubordination
dont il fait preuve justifient son licenciement115.
Il est donc possible de reprocher au salarié un acte d'insubordination
sans toutefois pouvoir lui faire grief d'une mauvaise exécution de son
obligation contractuelle. Il en est ainsi d'un salarié qui refuse de se
rendre à une réunion décidée par l'employeur
restant toutefois à disposition sans travailler du fait de l'arrêt
des machines116.
114 C. Vigneau préc. p.709
115 Soc. 7 juillet 1982 bull. civ. V, n°466 116 Soc. 19
novembre 1997, Bull. V, n°381
S 'il n'est pas possible d'exiger de lui un « altruisme
absolu négateur de ses propres intérêts
117», il doit en
tout cas être loyal et diligent de l'exécution de son travail. Un
comportement loyal n'est-il pas tout simplement un comportement normal ?
Il faut noter que l'intérêt de l'entreprise,
même s'il ne conditionne pas exclusivement le salarié dans
l'exécution de sa prestation de travail lui intime une certaine conduite
appréciable à l'aune du modèle de référence.
Dès lors ce qui peut être attendu du standard du bon père
de famille peut aussi à certain égard l'être pour un
salarié.
§I I : La portée décisive de la bonne
foi en dehors de la prestation de travail
Fournir matériellement une prestation de travail n'est
pas la seule obligation à laquelle le salarié est tenu. En effet,
il y a place pour d'autres obligations que certains auteurs qualifient de
secondaires118. Il faut noter que la
découverte de ces obligations dans le contrat de travail est due pour
une large part à la chambre sociale de la cour de cassation.
Le contrat de travail s'inscrivant dans une certaine
durée, le lien juridique de subordination ne pouvant développer
pleinement ces effets pendant les périodes dites de
suspension119, le standard de la bonne foi a
inspiré une série de devoirs implicites dégagés par
les tribunaux et destinés à protéger l'entreprise contre
les initiatives et comportements du salarié étrangers à la
prestation de travail. Alors que l'obligation d'exécuter
matériellement la prestation de travail cesse pendant la période
de suspension du contrat, certaines obligations dites continues pèsent
sur le salarié comme partie à un contrat de travail. Pendant la
suspension du contrat de travail, le salarié est fondé à
refuser de fournir sa prestation de travail. Pour autant, il n'est pas libre de
tout agissement. La jurisprudence a ainsi intégré au contrat de
travail une série de devoirs et d'obligations de portée variable.
En effet, leur étendue varie selon la nature de l'emploi, la fonction et
le poste du salarié dans l'entreprise. Si la bonne foi manifeste une
exigence de comportement dans les relations sociales indépendamment de
leur caractère contractuel ou extracontractuel, la cour de cassation
à partir de la bonne foi a dégagé un devoir
général de loyauté du salarié qui transcende la
suspension du contrat.
117 Expression empruntée à M. J. Mestre, «
Bonne foi et équité : même combat », RTDC 1990 p.652
118M. Julien préc. n°134
119 J.-M. Béraud « La suspension du contrat de
travail » éd. Sirey ,1980 ; J. Pélissier, A. Supiot, A.
Jeammaud, préc. n° 347 ; G. Couturier , droit du travail « Les
relations individuelles de travail » PUF ,Tome I ,3é
éd.,1996 n°203 et s.
Ainsi, le salarié doit s'abstenir de toute
activité, tout comportement constituant un acte de
déloyauté à l'égard de l'entreprise pendant cette
période120. Selon la cour de cassation, le
contrat de travail fait naître « une obligation de loyauté
» à laquelle le salarié est tenu envers son employeur. Par
ailleurs il pèse pendant toute la durée du contrat une obligation
de non concurrence sur le salarié. La bonne foi lui interdit notamment
d'avoir des activités concurrentes pendant la durée du contrat de
travail, soit à titre indépendant soit pour le compte d'un
employeur. Dans cette mesure, tout contrat de travail prévoit ne
serait-ce que façon implicite une obligation de non concurrence dite
parfois de fidélité121. Notons que
l'obligation de réserve et celle de discrétion dont seraient
débiteur le salarié doivent leur consistance ou leur
inconsistance à la place du salarié dans la hiérarchie de
l'entreprise. Si ces obligations peuvent être d'une importance
particulière pour certaines fonctions, la chambre sociale semble limiter
leur portée quand il s'agit d'un simple
salarié122. De même, elle adopte une
approche à tout le moins restrictive des devoirs assignés au
salarié au titre de la bonne foi contractuelle durant ces
périodes de soustraction à l'autorité de l'employeur.
Ainsi, il a été jugé que le
salarié dont le contrat de travail se trouve suspendu était
dispensé de toute collaboration avec
l'entreprise123. En revanche, si
l'intérêt et le bon fonctionnement de l'entreprise
requièrent un minimum de collaboration, le salarié doit
obtempérer sauf à manquer à son devoir de
loyauté124. L'employeur peut touj ours faire
grief au salarié de méconnaître la force obligatoire du
contrat. C'est bien de l'appréciation du comportement du salarié
au regard de l'intérêt de l'entreprise que les juges
apprécient l'attitude déloyale ou non du salarié.
De la sorte, dès lors que le salarié est saisi
par l'obligation de loyauté, son comportement ne relève plus de
sa vie personnelle mais de sa vie professionnelle et une sanction peut
être le cas échéant envisagée. Autrement dit, un
fait relevant a priori de la vie personnelle du salarié peut être
qualifié de faute s'il constitue un acte de déloyauté. Il
en est ainsi d'un agent de surveillance qui avait commis un vol dans un centre
commercial client de son employeur en dehors de son temps de
travail125. De même, manque à son
obligation de loyauté le salarié qui va suivre une formation chez
un employeur concurrent alors que son contrat de travail est
suspendu126.
120 Soc. 30 avril 1987 Bull. V n°237 ; Soc. 5 février
2001 Bull. V n°43
121G. Couturier, préc. n°197 et
s.
122 Soc. 11 décembre 1991, Bull. civ. V,n°564
123 Soc. 15 juin 1999 Bull. civ. V, n°279
124 Soc. 6 février 2001 bull. civ. V, n°43 ; Soc. 25
juin 2003 RJS10/03 n°1 119
125 Soc. 20 novembre 1991 Bull. civ. V, n°512 126 Soc. 21
juillet 1994 Bull. civ. V, n°250
En définitive, il faut également préciser
que le devoir de loyauté borne la liberté d'expression. Cette
dernière peut s'exercer dans l'entreprise et en dehors sous
réserve d'abus. La jurisprudence semble toutefois ne pas retenir la
simple critique de l'entreprise de la part du salarié. Cependant, elle
considère que le salarié commet un manquement au devoir de
loyauté lorsqu'il profère des insultes aux dirigeants et
personnel de l'entreprise127. En outre, l'employeur
peut mettre en jeu la responsabilité du salarié si l'intention de
nuire est avérée. A défaut de pouvoir retenir la
qualification de faute lourde128 seule susceptible
d'engager la responsabilité contractuelle du salarié. Il peut le
cas échéant prendre une sanction disciplinaire.
SECTION II : La bonne foi, une limite
générale au pouvoir de l'employeur
Il y a un lien indéfectible entre le pouvoir que le
droit reconnaît à l'employeur et le lien juridique de
subordination. Nul ne conteste que la subordination, permet à
l'employeur de diriger le salarié, de faire évoluer sa
tâche et qu'il conserve ainsi une certaine marge de
manoeuvre129. Toutefois, il faut aussi
reconnaître que le salarié ne s'engage pas à proprement
parler à se subordonner. Certes, il consent par le contrat qu'il conclut
à se soumettre à l'employeur dans l'exécution du travail,
mais retrouve en dehors de sa tâche sous réserve du devoir
général de loyauté qui pèse sur lui sa «
liberté ». D'ailleurs, le salarié n'est il pas que le simple
exécutant d'une obligation contractuelle ?
En s'engageant dans cette relation qui opère à
la manière d'un acte condition130, en
acceptant donc la subordination inhérente au contrat de travail, le
salarié met son corps et son esprit au service de l'employeur pendant le
temps de l'exécution de son travail. Le contrat de travail
n'étant pas un contrat intuitus rei, il nécessite l'engagement de
la personne du salarié pour l'exécution de la prestation.
Dès lors, comment assurer tant soit peu une
intégrité morale à ce dernier dans ce rapport par essence
inégalitaire ? Si c'est tout le rapport de travail tant dans sa
dimension institutionnelle que sa dimension contractuelle qui est saisie par le
pouvoir de l'employeur. Ce dernier doit aussi exécuter loyalement ces
obligations contractuelles. La cour de cassation, à travers le standard
de la bonne foi, tente d'imposer à l'employeur le respect de la personne
du salarié (paragraphe 1).
127 Soc. 25 juin 2002 Bull. civ. V, n°21 1
128 Soc. 31 mai 1990, Bull. civ. V, n° 260
129 E. Dockès « La détermination de l'objet
des obligations nées du contrat de travail », Dr. Soc. 1997,
p.141
130 A. Jeammaud préc.
Par ailleurs, étant titulaire d'un pouvoir qui lui
permet de sanctionner les manquements du salarié dans le cadre des
exigences posées par le législateur et le juge, ces sanctions
au-delà du fait qu'elles doivent être justifiées, doivent
répondre à une « certaine éthique » (paragraphe
2).
§I : Le devoir de respecter la personne du
salarié
Le contrat de travail n'est plus conçu comme un simple
contrat de louage de services. Conclu en considération de la personne,
l'existence de particularités propres à chacun des contractants,
même si elles ne trouvent pas à s'exprimer dans le cadre de
l'exécution du contrat, prennent pleinement leur place en dehors des
horaires et du lieu de travail. Dans le rapport d'emploi, c'est
l'exécution correcte du travail convenu qui importe et le regard
porté par l'employeur sur la façon dont le salarié
effectue la tâche qui lui est confiée. De fait, la première
obligation tant logiquement que chronologiquement de l'employeur est de fournir
du travail au salarié. Tout manquement à cette obligation engage
en principe sa responsabilité
contractuelle.131En outre, il doit mettre le
salarié dans des conditions telles, qu'il puisse exécuter
normalement la prestation convenue. Il s'agit là du respect de
l'exigence de bonne foi qui pèse sur le contrat de travail. Ainsi
l'employeur doit se garder de toute décision, mettant le salarié
dans l'impossibilité de faire son travail. De la sorte la chambre
sociale de la cour de cassation a considéré que l'employeur en
« cessant de faire bénéficier à une salarié
d'un avantage lié à sa fonction, l'avait mise dans
l'impossibilité de travailler, ce qui caractérisait un manquement
à l'exécution de bonne foi du contrat de
travail132 »De même il ne peut refuser
une demande de mutation fondée sur des raisons familiales, sans
justifier les raisons objectives qui justifient ce
refus133.En l'espèce la cour de cassation
précise que le refus injustifié « portait atteinte de
façon disproportionnée à la liberté de choix du
domicile de la salarié et était exclusive de la bonne foi
contractuelle ». S'il reste acquis, en principe que les contraintes
familiales du salarié ne créent aucun devoir à
l'employeur, ce dernier, d'après l'arrêt a « un devoir de
réponse circonstanciée » face à une demande touchant
à sa vie privée. . Il semble que la reconnaissance effective
d'une vie privée attribuée au salarié construit
l'opposition entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Alors que la
vie professionnelle concerne le domaine strict de l'exécution du contrat
et les obligations qui s'y rattachent, la vie personnelle quant à elle,
est plus difficile à cerner.
131 G. Couturier, préc. n°195
132 Soc. 10 mai 2006, n° 05-42.2 10
133 Soc. 24 janvier 2007, n° 05-40.639
Plus extensive que la notion de vie privée, englobant
également la vie publique du salarié, le concept de vie
personnelle à la différence de celle de vie privée peut
trouver sa place dans l'entreprise134 et dès
lors être pris en compte par l'employeur. Nul ne conteste aujourd'hui que
le rapport de travail soit fortement marqué par le respect des
libertés individuelles. Que l'on se situe en amont ou en aval de la vie
du contrat de travail, le législateur, le juge et la doctrine
s'accordent sur le fait qu'une conciliation entre le pouvoir patronal et les
libertés du salarié est nécessaire pour un certain
équilibre contractuel dans le rapport de travail
135.S'il existe des dispositions opératoires
pour cette conciliation, l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat
de travail, présente un caractère continu.
Au demeurant, la frontière entre la vie personnelle et
la vie professionnelle étant difficile à tracer, c'est au regard
des exigences de la bonne foi que le juge tente de concilier
l'intérêt de l'entreprise et la protection du salarié.
L'ingérence de l'employeur dans la vie personnelle du salarié
doit pouvoir trouver une justification inhérente à l'entreprise
et aux nécessités de celle-ci. Et la distinction entre vie
professionnelle et vie extraprofessionnelle est alors délimitée
par ce que l'employeur et le salarié sont en droit d'exiger du contrat.
« Il faut donc admettre qu'il existe dans la vie professionnelle
elle-même un aspect privé qui participe de la protection de la vie
privée : la subordination juridique subie dans la relation de travail ne
sèvre pas le salarié de vie privée dans
l'entreprise.136 ».Ainsi, on comprend
qu'à travers le standard de la bonne foi contractuelle que le juge tente
d'imposer à l'employeur un comportement respectueux da la personne du
salarié. De la sorte « si l'employeur a le droit de contrôler
et surveiller l'activité des salariés pendant le temps de
travail, tout enregistrement quels qu'en soient les motifs, d'images ou de
paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite
137». Il en
résulte qu'admettre l'existence de ce contrôle patronal ne permet
pas de justifier une entrave à la vie personnelle du salarié.
« La loyauté ne valide pas la dissimulation qui a pour but de
trahir le salarié ou de permettre la révélation
d'éléments qu'il taisait volontairement ou
involontairement138 ». Dans le même
sens, la chambre sociale de la cour de cassation a précisé que
« la loyauté qui doit présider aux relations de travail
interdit le recours à l'employeur à des artifices et
stratagèmes pour placer le salarié dans une situation qui puisse
ultérieurement lui être imputée à
faute139 ». Quand bien même les faits se
sont déroulés dans l'entreprise, il semble qu'un degré
d'intimité soit accordé au salarié. La vie
134 Ph. Waquet, « Vie personnelle et vie professionnelle du
salarié », CSPB, 1994, n°64
135 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc.
n°877
136 N. Pourias-Rexand préc. p286
137 Soc. 20 novembre 1991, Bull. civ. V, n° 519
138 N. Pourias-Rexand préc. p.304
139 Soc. 16 janvier 1991 Bull. civ. V, n° 15
privée du salarié semble
bénéficier d'une protection particulière accrue. La
chambre sociale de la cour de cassation dans l'arrêt
Nikon140, alors même que des données
relatives à la vie privée du salarié n'étaient pas
en cause, affirme clairement que le principe du respect de celleci puisse
justifier, à travers le secret de correspondances, l'interdiction faite
à l'employeur de prendre connaissance de messages personnels émis
par le salarié ou reçus par lui par courrier électronique.
Il s'agit de garantir tant soit peu l'autonomie du salarié dans son
rapport de subordination avec l'employeur et donc de donner une certaine
immunité au contenu des correspondances. Au final, il semble qu'avec
l'arrêt du 18 mai 2007, la cour régulatrice soit revenue à
une conception plus rigoureuse de la vie privée car elle ne permet pas
à l'employeur, de quelque manière de tirer une conséquence
d'un fait relevant de la vie privée du salarié peu importe ses
éventuelles répercussions dans l'entreprise. La chambre mixte
précise que « l'employeur ne pouvait pas, sans
méconnaître le respect dû à la vie privée du
salarié, se fonder sur le contenu d'une correspondance privée
pour sanctionner son destinataire141 ». Il en
résulte qu'un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise ne
doit plus permettre en lui-même, d'après cet arrêt de
prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel il
est survenu. En conséquence, le trouble peut certes toujours justifier
la rupture du contrat mais en dehors du terrain disciplinaire.
§I I : La bonne foi dans l'exercice du pouvoir de
sanctionner
Pour justifier le prononcé d'une sanction encore
faut-il qu'on puisse imputer au salarié une faute. Il peut s'agir
notamment d'une mauvaise exécution de la tâche qui lui est
confiée, du retard au travail, de la détérioration du
matériel, d'actes de violence .Dés lors que la faute existe, il
n'y a pas lieu donc d'exiger une justification du pouvoir de sanctionner. Sous
réserve de la précision que la loi
142prévoit expressément plusieurs
motifs qui ne sauraient fonder une décision ou une distinction entre les
salariés. Le juge vérifie que la décision de l'employeur
ne se fonde pas sur des motifs prohibés par la loi. Hormis ces cas,
l'employeur ne fait qu'user de son pouvoir d'individualisation quand il
opère une distinction entre les salariés. Partant, l'employeur
peut-il être saisi par la bonne foi dans l'exercice de son pouvoir de
sanctionner ? En d'autres termes est- ce que le juge peut recourir au standard
de la bonne foi pour censurer le prononcé d'une sanction ? Si la bonne
foi est une de ces notions volontairement indéfinies
140 Soc. 2 octobre 2001 Bull. civ. V, n° 291
141 Cass. Ch. mixte 18 mai 2007, n°05-40.803
142 Art.L122-45 ; L122-46 et L122-49 du Code du travail
dont le caractère vague est la garantie de leur
utilité aux yeux du législateur,143
il semblait que le fondement du pouvoir disciplinaire exclut logiquement tout
contrôle de proportionnalité à la faute. Et la chambre
sociale dans un arrêt du 22 février 1979 rappelle que les «
fautes les plus légères peuvent être sanctionnées et
il n'appartient pas au juge d'imposer à l'employeur une quelconque
modération dans l'exercice de son pouvoir144
». De la sorte, toutes les fois que les juges du fond s'avisaient de
relever l'existence d'un détournement de pouvoir, dans le cadre d'une
action contestant la proportionnalité de la sanction à la faute,
la cour de cassation cassait systématiquement la décision en
rappelant que la disproportion ne constituait pas un détournement de
pouvoir.145Ainsi en dehors de l'absence de faute ou
du caractère discriminatoire de la sanction, « la jurisprudence de
l'absence de détournement de pouvoir
»146prévalait.
Cette situation, délicate pour les salariés a
conduit le législateur dans sa réforme de 1984 à procurer
ces derniers, des garanties contre les abus de cette prérogative, d'une
part en soumettant la décision de prononcer une sanction à un
ensemble de règles de fond et de procédure, d'autre part en
ouvrant la voie à un contrôle judiciaire approfondi de la sanction
prononcé.147Avec la loi du 4 août
1982, un détachement s'opère entre le pouvoir d'individualisation
et le pouvoir disciplinaire. Le détournement de pouvoir qui était
jusqu'en 1982 synonyme de discrimination, devient une juste limite au pouvoir
d'individualisation de l'employeur.
Dans l'arrêt du 13 mai
1996148 la cour de cassation prend le soin de
distinguer discrimination et détournement de pouvoir. Au demeurant si
les juges peuvent prendre en considération les différences de
traitement infligées à des salariés pour des faits
identiques pour rechercher un éventuel détournement de pouvoir ou
une discrimination, le pouvoir d'individualiser la sanction reste acquise pour
l'employeur.149Toutefois quand il est question de
l'exercice d'une liberté fondamentale en l'espèce le droit de
grève, la chambre criminelle a pu considéré que chacun des
participants à un mouvement collectif aurait dû encourir la
même sanction.150
143 Ph. Stoffel-Munck, préc. n° 350 p.296
144 Soc. 22 février 1979 Bull. V, n° 165
145 Soc. 3 mai 1979 Bull. V, n° 382
146 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud préc. sous
n° 890
147 Art L122-43 du Code du travail
148 Soc. 13 février 1996 Dr. Soc. 1996,p. 532
149 Soc.14 mai 1998 Dr.soc.1998, p. 709 note A. Jeammaud
150 Cass. Crim 7 février 1989. Dr soc.1989, p.509
Cette même chambre a également reconnu aux juges
du fond le pouvoir de rechercher si l'employeur a pu prononcé une mise
à pied de bonne foi et au juste motif d'une faute
grave151.
Au final il faut souligner que les règles de fond et
procédurales qui enserrent l'exercice du pouvoir de sanctionner de
même que le contrôle de justification opéré par le
juge, constituent des garanties suffisantes pour que la bonne foi n'intervienne
qu'à la marge .Il incombe en tout état de cause à
l'employeur de faire preuve de loyauté l'exercice dans l'exercice de ce
pouvoir et ce d'autant plus que la qualification de la faute
disciplinaire152 n'est pas aisée et que les
juges du fond contrôlent désormais la proportionnalité de
la sanction à la faute commise.
151 Cass. Crim ,4 janvier 1991,Bull.crim. n° 10
152 Art. L122-40 du Code du travail, Voir aussi J. Pelissier, A.
Supiot, A. Jeammaud préc. n° 89 1et 893
DEUXIEME PARTIE
LA BONNE FOI, SOURCE
D'ENRICHISSEMENT DU CONTENU DU
CONTRAT DE TRAVAIL
DEUXIEME PARTIE: La bonne foi, source d'enrichissement
du contenu du contrat de travail
Si la notion de bonne foi a une fonction normative c'est
surtout parce qu'elle est enserrée dans des critères saisissables
et généralisables. Sa puissance d'intervention à travers
les concepts qu'elle véhicule dans le contrat de travail n'est plus
discutée. Elle n'est pas qu'une directive d'interprétation du
contrat, mais impose également aux parties de collaborer au mieux pour
la bonne exécution l'opération contractuelle. Rappelons que,
même si le rapport de travail et donc le contrat de travail qui lui donne
naissance sont enserrés dans « un maillage normatif relativement
dense153 », c'est l'intervention du juge qui
fait ressortir de façon prégnante certaines obligations parfois
dissimulées derrière d'autres plus apparentes. Un contrat,
déséquilibré par la puissance de l'une des parties ne
correspond effectivement pas, aux critères implicites de justice et de
liberté que le droit des contrats véhicule. Aussi, dans cette
conception, lorsque le juge consacre une obligation secondaire, il ne fait que
révéler cette obligation qui est nécessaire à
l'économie du contrat et qui répond à un objectif de
protection d'un contractant.
Dans la recherche d'un certain équilibre contractuel
entre employeur et salarié, le juge s'inscrit dans une démarche
de moralisation. Tenant compte de l'inégalité juridique
découlant de ce rapport, le juge se sert du standard de la bonne foi
afin de donner une certaine stabilité au lien contractuel. Cette
recherche de stabilisation du rapport de travail l'amène à
découvrir des obligations. De la sorte, la bonne foi devient un
instrument de sophistication du contenu obligationnel du contrat de travail
(chapitre 1). Par ailleurs, la fonction heuristique que joue le standard de la
bonne foi permet au juge d'en faire un outil de moralisation de « l'espace
de stipulation » (chapitre 2).
153 M. Julien préc.
CHAPITRE I
LA BONNE FOI, UN INSTRUMENT DE
SOPHISTICATION DU CONTENU
OBLIGATIONNEL DU CONTRAT DE
TRAVAIL
CHAPITRE I : La bonne foi, un instrument de
sophistication du contenu obligationnel du contrat de travail
Nous l'avons déjà souligné, le rapport
d'emploi présente une double dimension, l'une fondamentalement
contractuelle et l'autre qualifiée
d'institutionnelle154. Sous réserve de
l'inévitable interférence des deux registres, ce que l'on
découvre dans la dimension contractuelle circonscrit le «
rôle effectif du contrat dans la conformation du rapport de travail
155». En effet,
c'est l'aspect contractuel du rapport de travail qui permet de relever les
obligations contractées par les parties de même que les
modalités qui affectent la teneur de leur engagement. Ainsi « tout
contrat de travail détermine en partie les conditions d'emploi et de
travail du salarié à travers les obligations qu'il fait
naître156 ».
Ce contenu obligationnel du contrat de travail regroupe
l'ensemble des obligations réciproques que ce contrat met à la
charge des parties. L'objet du contrat est d'individualiser les normes
patronales, générales et individuelles, applicables aux
éléments caractéristiques de la situation
d'emploi157. S'il y a des obligations
rattachées au contrat de travail par le législateur, notamment
celle de l'employeur de fournir du travail au salarié, d'autres en
revanche ont été découvertes sur le tard par le juge.
Usant du standard de la bonne foi, le juge s'inscrit dans une
dynamique de sophistication du contenu obligationnel. D'un coté, la
bonne foi devient un tremplin d'élaboration de normes à la charge
de l'employeur (section 1), d'un autre, il permet également au juge de
découvrir d'autres obligations (section 2).
SECTION I : La bonne foi, Tremplin d'élaboration de
normes à la charge de
l' employeur
Si pour certains auteurs l'employeur est débiteur d'une
obligation ou d'un devoir contractuel de loyauté, il semble que la
chambre sociale de la cour de cassation ne le dit pas expressément. Elle
précise seulement que l'employeur est tenu d'exécuter ses
obligations avec « loyauté » ou de « les exécuter
loyalement ». Elle évoque également son obligation
d'exécuter de bonne foi le contrat de travail.
154 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud préc. n° 1
34
155 A. Jeammaud, préc.
156 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud préc.
157 P. Ancel « Force obligatoire et contenu obligationnel du
contrat », RTD civ. 1999 p.773
De la sorte, l'employeur titulaire de pouvoir est saisi par la
bonne foi plus par référence à la force obligatoire du
contrat que par son comportement prétendument
fautif158. Ainsi, avec le standard de la bonne foi,
le juge se fondant sur l'article 1134 alinéa 3 découvre des
obligations qui s'imposent aux parties contractantes. De plus, « le
contrat ne vit pas détaché de tout contexte temporel ou spatial,
isolé de la société civile, à l'abri des vents de
l'économie et du poids des idées dominantes ; le contrat est tout
imprégné de données économiques et sociales ; et
sans forcer les choses, l'exécution de bonne foi de l'article 1134
reflète approximativement cette idée. Les obligations incluses
dans le contrat de louage ne peuvent être strictement ce qu'elles
étaient en 1804159 ».
De fait, le recours à la bonne foi traduit à cet
égard une conscience plus aiguë des juges de
l'inégalité des parties mais aussi des intérêts en
jeu dans le rapport d'emploi salarié. Aussi, le bonne foi permettrait-
elle de dépasser le conflit des logiques pour mettre en évidence
une union des intérêts en présence ? Il semble qu'il soit
illusoire de prêter cette fonction à la bonne foi.
En revanche, celle-ci peut apparaître comme un moyen
offert par la loi au juge afin d'introduire une plus grande justice
contractuelle. Dès lors, on peut comprendre l'instrumentalisation dont
l'article 1134 alinéa 3 a fait l'objet et l'interprétation
audacieuse qu'en fait la chambre sociale de la cour de cassation.
Exécuter de bonne foi le contrat de travail commande de veiller à
sa pérennité160. Il semble que la
cour de cassation tente de concilier l'intérêt de l'entreprise et
celui du salarié dans le sens de la stabilisation du lien salarial.
Alors que le rapport de force entre employeur et salarié pourrait
être défavorable à ce dernier au regard de la situation de
l'emploi, le législateur et le juge interviennent en modifiant
radicalement la relation par le biais des obligations à la charge de
l'employeur. Les consécrations de l'obligation de reclassement et
d'adaptation (I) et de l'obligation de sécurité (II) confortent
en tout cas cette orientation.
158M. Julien préc.
159 G.Lyon-Caen, « Défense et illustration du contrat
de travail »,Archives de philosophie du droit , 2000 p.109
160 C. Vigneau préc. p.713
§I : L'obligation de reclassement et d'adaptation
La consécration de ces obligations traduit simplement
la vitalité du contrat de travail qui se manifeste par un enrichissement
de son contenu, non à travers une autonomie souvent revendiquée
mais par référence aux règles du droit commun des
contrats. Partant du fait que le contenu du contrat est déterminé
par la notion objective de bonne foi, en 1992, le chambre sociale de la cour de
cassation en se référant implicitement à l'article 1134
alinéa 3 du Code civil énonce clairement que « l'employeur,
tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir
d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs
emplois 161». La
même année, elle consacre au visa de l'article 1134 du Code civil
une « obligation de reclassement
162»
préalable à tout licenciement d'ordre
économique. L'obligation de bonne foi justifie donc l'adaptation et le
reclassement des salariés. L'originalité de la démarche du
juge social est de l'exprimer et de la reconnaître à la charge de
l'employeur163. Ainsi, l'employeur, comme tout
contractant, doit agir conformément aux attentes légitimes que le
contrat a fait naître auprès de son cocontractant. Le devoir
d'adaptation qui lui est imposé doit permettre à l'employeur
d'anticiper la gestion des emplois. Il le contraint à faire
évoluer la qualification des salariés au besoin par la formation
afin que ceux-ci puissent être à même de s'adapter à
des nouvelles fonctions dans l'entreprise. Si adapter et reclasser sont deux
concepts bien distincts puisque « reclasser c'est trouver un emploi, alors
qu'assurer l'adaptation c'est prévoir les changements et offrir les
moyens d'y faire face164 ».
L'intérêt pour le juge de faire ressortir ces obligations en se
fondant sur la bonne foi oblige tant soit peu l'employeur à rester dans
les liens du contrat.
Qu'il s'agisse de l'obligation légale de reclassement
qui pèse sur l'employeur en cas d'inaptitude
physique165 et des exigences de reclassement que la
loi impose dans le plan de sauvegarde de
l'emploi166 requis dans la procédure des
grands licenciements économiques, l'objectif est similaire, il s'agit de
maintenir l'emploi donc de stabiliser le lien salarial. L'obligation
contractuelle de reclassement découverte par la cour de cassation ne
présente pas de caractère collectif et découle directement
du rapport d'emploi. Ainsi, « il n'est pas faux de dire que l'obligation
de reclassement, devenue légale depuis la loi du 17 janvier 2002, est
grâce à la jurisprudence, la contrepartie du droit reconnu
à l'employeur de résilier un contrat à
161 Soc. 25 février 1992, Bull. V, n° 122 note
Défossez
162Soc. 8 avril 1992, Bull. V, n° 258
163 N. Pourias-Rexand préc.
164 A. Lyon-Caen « Le droit et la gestion des
compétences », Dr. Soc.1992, p. 579
165 Art.L122-24-4, L122-32-5 et L241-10-1 du Code du travail
166 Art.L321-1 alinéa 3, L321-4-1, L932-2
durée indéterminée pour un motif
étranger à la personne du
salarié167 ». Il faut que l'employeur
fasse la preuve de ses tentatives de reclassement, qu'il puisse justifier de
façon plus large encore de l'existence d'une cause réelle et
sérieuse.
Par ailleurs, l'obligation de reclassement se double d'une
obligation particulière de formation au profit de salariés
déterminés. Le devoir d'adaptation vient donc compléter
l'obligation de reclassement sans se confondre avec elle. Le devoir
d'adaptation consiste à fournir une formation au salarié afin de
lui permettre de compléter les compétences qu'il a
déjà acquises168. D'ailleurs, la cour
de cassation a eu à préciser qu'il ne peut être
imposé à l'employeur d'assurer la formation initiale qui fait
défaut au salarié mais seulement une formation
complémentaire requise en fonction de l'évolution de son
emploi.169 Au final, notons que l'obligation de
reclassement et son corollaire, le devoir d'adaptation gonflent le contenu
obligationnel du contrat de travail pour faire de celui-ci « l'instrument
privilégié du droit à l'emploi du salarié
»170.
§II : L'obligation de sécurité
Déceler l'obligation de sécurité dans le
contrat de travail n'est pas une idée
nouvelle171. Le respect de
l'intégrité physique de la personne n'est pas attaché
uniquement à l'existence d'une relation contractuelle. Ce respect est
souvent conçu à partir d'une obligation générale de
prudence et de diligence qui ne semble procéder expressément
d'aucun texte. L'obligation de sécurité prend une forme
particulière dans le rapport d'emploi qui s'explique dans une certaine
mesure par la situation du salarié envers l'employeur. L'obligation de
sécurité peut avoir des sources très variées. De
façon classique, cette obligation est presque exclusivement
approchée sous son aspect légal172.
Il semble également que le lien juridique de subordination modifie pour
une part l'approche et la justification classiques de cette obligation
contractuelle de sécurité. De la sorte, la valeur reconnue
à l'individu mais aussi la loyauté dans le contrat et
l'équilibre de la relation contractuelle conduisent à admettre
l'existence d'une obligation contractuelle de sécurité dans le
contrat de travail à la charge de l'employeur et ce
indépendamment de l'existence de textes spécifiques
régissent les règles d'hygiène et de
sécurité dans le cadre large de la relation de travail. La
consécration d'une
167 Ph. Waquet, « Le droit du travail et l'économie
à la cour de cassation. L'exemple du licenciement pour motif
économique », in Le droit du travail confronté à
l'économie, Dalloz, 2005, p.124
168Soc. 14 octobre 1994, Bull. V, n° 729
169 Soc. 3 avril 2001, Bull. V, n°114
170 A. Lyon-Caen, préc.
171 Soc. 11 octobre 1984, D. 1985 I.R. 442
172 Art.L 23 0-2
telle obligation paraît
récente173. Toutefois, l'idée
d'introduire l'obligation de sécurité dans le contrat a
été imaginée déjà dans de nombreux contrats
afin de mieux assurer la réparation du dommage
corporel174. En effet, l'existence de cette
obligation ressort bien évidemment du contrat lui-même et des
suites que l'employeur doit apporter à l'exécution de ses
obligations contractuelles. Ainsi, la bonne foi ou encore la loyauté
justifie tant soit peu que le chef d'entreprise exécute le contrat en
prenant soin de l'intégrité physique de l'autre partie au
contrat. S'agissant de la nature de cette obligation, si elle a une
portée décisive dans le cadre de la responsabilité civile,
il semble que dans le rapport d'emploi elle ne soit pas capitale. Toutefois,
selon la formule énoncée par la cour de cassation, l'obligation
de sécurité engage l'employeur à garder le travailleur
sain et sauf dans l'exécution de la prestation de travail. Il doit ainsi
prévoir des dispositifs de protection efficaces. Il doit établir
des signalisations. Il doit procéder à l'entretien des engins
notamment en ce qui concerne les dispositifs de
sécurité175.
Au final, l'employeur doit prendre toutes les mesures qui
s'imposent. Il faut souligner que la cour de cassation donne un objet plus
large à l'obligation que la « simple sécurité ».
Si la prévention et l'anticipation des risques s'impose à
l'employeur, il ne s'agit là que d'une obligation de faire en sorte que
le risque ne se réalisé pas. C'est assurément la fonction
extensive de la bonne foi que la cour de cassation mobilise pour faire peser
sur l'employeur une obligation contractuelle de sécurité.
Pourtant, à côté de ces obligations expressément
consacrées par la cour de cassation, certains auteurs recensent une
kyrielle d'autres obligations secondaires176 qui
seraient elles aussi dérivées de l'exigence de bonne foi. Notons
toutefois que faute de consécration prétorienne, leur consistance
ou leur inconsistance est discutée.
SECTION II : La découverte d'autres obligations
implicites ou secondaires
En plus de connaître une « frappante
prospérité législative177
», certains auteurs estiment aujourd'hui que le contrat de travail est
obèse d'obligations secondaires. En effet, l'exigence légale
d'exécuter le contrat de travail de bonne foi intime dans une certaine
mesure une conciliation d'intérêts de l'employeur et du
salarié.
173 Soc. 28 février 2002, Dr. Soc.2002 p.445 note A.
Lyon-Caen
174 Soc. 11 octobre 1994, D.1995 p.440 Note C. Radé
175 Soc. 11 avril 2002 Dr. Soc. 2002, p. 676, soc. 11 juillet
2002, Bull. V, n°261, soc. 23 mai 2002, Bull. civ. V, n° 117
176 M. Julien, préc. n°172, p. 237
177A. Jeammaud, « Les polyvalences du
contrats de travail », préc. p.299
L'étendue et la portée de leurs engagements sont
pour une large part déterminé par l'ensemble des obligations qui
pèsent sur l'une ou l'autre des parties.
Si l'article 1134 alinéa 3 a été
massivement utilisé pour multiplier les obligations tacites ou
implicites pesant sur le salarié, une sorte de retournement s'est
produite car des obligations implicites ont été également
imposées à l'employeur. De la sorte « il n'est donc pas
irrationnel de porter son dévolu sur le contrat de travail comme un
exemple de bouillon de culture où prolifèrent les obligations
implicites ou latentes178 » Au demeurant,
certaines obligations même si elles ne sont pas catégoriquement
affirmées inspirent des comportements convergents au service d'un
intérêt contractuel commun. Les parties à un contrat
doivent coopérer et collaborer en vue de réaliser ce pour quoi
elles se sont obligées. Pour M. Picod, le devoir de coopération
« tel qu'il existe dans le droit positif n'implique aucun sacrifice
particulier. Il est l'expression d'un minimum de loyauté entre les
parties consistant à prendre en considération
l'intérêt de son contractant, à lui faciliter les
choses179 ». De fait, si la coopération
n'incite pas les parties à s'associer, il leur suggère au moins
le sentiment d'un investissement supplémentaire. L'obligation de
coopération pèse tant sur le créancier et le
débiteur. Si le salarié doit dépasser le cadre d'une
simple exécution de sa prestation, l'employeur doit à son tour
exécuter utilement ses obligations.
Dans le rapport de travail, il semble que l'on ne peut compter
uniquement sur l'employeur pour sauvegarder l'intérêt des deux
parties au contrat et du contrat lui-même. D'ailleurs, comment compter
sur une des parties pour que celle-ci défende à la fois ses
propres intérêts et ceux de l'autre qui lui sont antagonistes ? Il
faut souligner comme M. Mestre180 que le «
contrat est de moins en moins perçu comme un choc de volontés
librement exprimées, comme un compromis entre des intérêts
antagonistes âprement défendus. Il apparaît de plus en plus
comme un point d'équilibre nécessaire, voire même comme la
base d'une collaboration souhaitable entre contractants ». En effet,
l'esprit de coopération et de collaboration par la mise en oeuvre d'un
intérêt commun contribue certainement de rétablir
l'équilibre du contrat. Et si le devoir de coopération contraint
pour partie à la « transparence » dans la gestion de
l'entreprise, la protection des intérêts de cette dernière
impose un devoir de collaboration. Nous voyons bien que coopération et
collaboration entretiennent un lien inextricable et revêtent un
caractère de réciprocité. L'une n'est guère
éloignée de l'autre. La collaboration signifie « que l'on
aide autrui alors que soit- même on en
178 G. Lyon-Caen « Défense et illustration du contrat
de travail », Archives de philosophie du droit, 2000 p.110
179 Y. Picod préc, n° 85
180 J. Mestre, préc.
retire un intérêt ». En effet il s'agit de
considérer que le contrat est un instrument de solidarité
permettant d'atteindre un but social. Au final si l'esprit de collaboration et
de coopération doit animer les parties à un contrat de travail,
il semble qu'on ne puisse pas les considérer comme ayant une
réelle portée normative faute de consécration
prétorienne .Au surplus ce qui est présenté comme objet
d'obligation n'est souvent que l'exigence légale d'exécuter le
contrat de bonne foi. Toutefois, appuyées sur le standard de la bonne
foi ou de la loyauté, ces devoirs impliquent à la charge de
l'employeur de satisfaire la confiance du salarié tout comme il est en
droit de l'attendre de celui-ci.
CHAPITRE II
LA BONNE FOI, UN OUTIL DE
|
MORALISATION DE L'ESPACE DE
|
STIPULATION
|
CHAPITRE II. La bonne foi, un outil de moralisation de
l'espace de stipulation
Tout contrat de travail fait naître des obligations. Et
le contenu obligationnel de ce contrat est d'abord fixé par le droit
étatique à la manière dont ce dernier procède pour
d'autres contrats spéciaux. La «densité du maillage
normatif181 » qui enserre le contrat de
travail peut laisser penser qu'il y a peu de place, laissé à la
volonté des parties dans la détermination de leurs
obligations.
Si certaines obligations relèvent du contenu
obligationnel légal, d'autres peuvent être le fait des parties. En
effet, à côté du contenu obligationnel, il y a place pour
« un champ contractuel 182»
qui signifie qu'un espace non négligeable demeure ouvert
à la liberté de stipulation aussi bien pour créer des
obligations accessoires véritablement autonomes que pour fixer les
modalités ou aménager l'exécution des obligations
principales liées à la qualification de contrat. De la sorte, le
contrat de travail peut accueillir des clauses créant des obligations
purement contractuelles à la charge de l'employeur ou du salarié.
Et l'on comprend que ce renouveau du contrat de travail tient également
aux vertus opératoires reconnues à l'élément
contractuel.
Aussi, ces clauses peuvent aménager, moduler les
variables importantes du champ contractuel. Elles viennent ainsi créer
des avantages ou accroître des sujétions pesant sur l'une ou
l'autre partie. Elles s'intègrent au contrat lors de sa conclusion ou en
cours d'exécution et leur interprétation peut affecter « la
puissance du contrat 183».
Qu'il s'agisse de stipulations avantageuses pour l'employeur ou
clauses favorables au salarié, il semble aussi que « le renouveau
du contrat de travail s'accompagne du développement d'une manière
de police jurisprudentielle184 » de ces
clauses, à travers une exigence de bonne foi dans leur innovation ou
leur mise en oeuvre.
L'intérêt de s'interroger sur la manière
dont opère les clauses au regard du dualisme du rapport d'emploi peut
montrer l'aptitude du contrat individuel de travail à élargir ou
sophistiquer les sujétions inhérentes à la
subordination.
181 A. Jeammaud, « les polyvalences du contrat de travail
» p.307
182 A. Jeammaud, « Le contra de travail, une puissance
moyenne » p.306
183 A. Jeammaud, préc.p. 303
184 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud préc. n°
135
Ce contrat dans son rôle d'instrument de gestion,
d'ajustement de la main d'oeuvre suggère à l'employeur de
rechercher une certaine flexibilité à savoir renforcer son
emprise sur la force de travail ou la situation du salarié.
De fait, le contrat est ainsi sollicité dans « le
modelage de la condition personnelle du
travailleur185 ». Pour autant, l'insertion de
clauses afin de singulariser davantage le rapport de travail permet-elle
à l'employeur de se soustraire aux rigidités qu'il reproche au
Code du travail ? Si la singularisation peut effectivement correspondre
à des hypothèses dérogatoires d'un point de vue normatif,
il serait réducteur de l'y enfermer186. Il
semble que l'usage de l'espace de stipulation ne peut avoir pour effet
d'infléchir l'impact des dispositions normatives. La singularisation
serait de la sorte la mise en exergue de la dimension personnelle
particulière de telle relation de travail.
Face à la multiplication, à la sophistication
des clauses, le standard de la bonne foi permet au juge de dresser une limite
qui s'ajoute aux précisions existantes et, d'exercer un contrôle
distinct de celui assuré par les normes formelles de validité. De
même, la bonne foi est mobilisée là où les
dispositions normatives explicites sont absentes pour cantonner dans des
limites raisonnables l'invocation ou la mise en oeuvre de telle ou telle
clause. Il semble que le juge utilise la bonne foi dans sa fonction
heuristique, à travers elle, l'obligation contractuelle peut être
modulée et les abus de son exécution peuvent être
sanctionnés. Le contrôle de la bonne foi apparaît donc,d'une
manière générale,comme un « instrument permettant aux
juges de jouer un rôle correcteur par rapport à la
sécheresse des clauses du contrat,en permettant tantôt d'ajouter
à la lettre du contrat tantôt de venir la tempérer,de
l'assouplir et de l'adapter187 ». Si en vertu
de la force obligatoire du contrat, une partie peut exiger de l'autre
l'exécution de l'obligation, le juge, par son intervention, se servant
de la notion de bonne foi tente de moraliser l'usage de cet espace de
stipulation. Le contrat ouvre, comme le révèle un auteur ouvre un
« espace de stipulation » dans lequel les parties vont
préciser les « modalités de l'agir contractuel
»188. Que les
clauses insérées au contrat de travail enrichissent le contenu
obligationnel ou précisent les composantes du champ contractuel, il
semble que l'initiative de leur insertion dans le contrat de travail est pour
une
185 A. Jeammaud, préc. p. 309
186 A. Jeammaud, préc. Voir aussi S. Frossard, « Les
incertitudes relatives au contrat » in Le singulier en droit du travail
Dalloz 2006 p.32
187 A. Benabent, La bonne foi « Rapport français
», travaux de l'association Henri Capitant, Tome XLIII, 1992, p.300
188A. jeammaud, préc. , « Le
contra de travail, une puissance moyenne » p.313
large part le fait de l'employeur. Il peut s'agir de clauses
liées à l'exécution du contrat de travail ou de sa
rupture.
Aussi, dans cette flopée de clauses, l'exigence de
paramètres objectifs ne devrait pas susciter de grands débats
tant elle devient générale en droit du travail. Les clauses,
n'étant pas appréciées selon les mêmes
critères, il convient de souligner que quelle que soit la stipulation
contractuelle elle ne saurait dépendre de la volonté
unilatérale de l'employeur189.
Par ailleurs est nulle toute clause contractuelle privant le
salarié d'une garantie ou d'un avantage prévu par la loi, ou lui
accordant moins que ne lui assure celle-ci .De même certaines clauses
sont spécialement affectées par une disposition légale ou
conventionnelle, qui compromet leur validité, la soumet à
condition, limite leur portée ou leur usage. La stipulation de clauses
d'exclusivité, de variabilité de rémunération,
d'objectifs, de dédit formation entre autres clauses est admise par la
cour de cassation. Notons cependant que la clause
d'essai190, la clause de non concurrence (section
I) la clause de mobilité (section II) demeurent les plus
fréquentes et retiendront seules notre attention.
SECTION I : De la clause de non concurrence
Tout contrat de travail prévoit dans une certaine
mesure, une obligation minimale et implicite de non concurrence , la bonne foi
interdit au salarié d'avoir pendant la durée du contrat de
travail, des activités concurrentes de celles de son employeur, soit
à titre indépendant, soit pour le compte d'un autre
employeur191 . On comprend dès lors que le
principe fondamental de la liberté de travail et de la libre concurrence
ne fassent pas complètement échec à l'insertion d'une
clause de non-concurrence dans le contrat de travail. Cette clause a pour objet
d'éviter la concurrence ou la déloyauté du salarié
envers l'entreprise192.
Sauf à porter gravement atteinte à la
liberté du travail, c'est à dire les clauses qui par leur
durée et la généralité de leur champ d'application
géographique et professionnel, revenait à interdire « de
façon absolue » à un salarié d'exercer une
activité « conforme à sa formation et ses connaissances
», l'introduction de clause de non concurrence dans le contrat de travail
est en principe licite depuis l'arrêt
Bedaux193.Alors que certains
auteurs194 estimaient que
189 Art. 1174 du Code civil
190 Voir, la bonne foi et la période probatoire du contrat
de travail, p. 32
191 G. Couturier préc. n°197
192 Soc. 21 juillet 1994 Bull. civ. V, n°250 ; Soc 21 mai
1996 RJS 7/96, n°782 193 Soc. 8 mai 1967 Bull. civ. IV n°373
toute clause de non concurrence porte atteinte à la
liberté de travail, suggérant l'admission de cette clause
qu'à titre exceptionnel et donc une « illicéité de
principe » de la clause. La cour de Cassation n'a pas été
sensible à ces critiques. De fait les clauses de non-concurrence furent
très largement admises en jurisprudence malgré les vives
protestations doctrinales qu'elles pouvaient susciter.
Toutefois, depuis 1992195, la
chambre sociale a adopté une nouvelle approche de la question. Elle
précise que « la clause de non concurrence n'est licite qu'autant
qu'elle protège les intérêts légitimes de
l'entreprise ». En effet, dans l'arrêt Godissart du 14 mai 1992,
où la relation contractuelle et la prestation de travail ne pouvaient
guère laisser de doute quant à l'absence de concurrence du
salarié. La cour de cassation remet en cause la valeur et l'existence de
la clause de non concurrence. Le salarié exerçait la profession
de laveur de vitres et la clause de non concurrence lui interdisait d'exploiter
directement ou indirectement une entreprise identique ou similaire à
celle pour laquelle il travaillait pendant quatre ans et ce tant dans son
département que dans les départements limitrophes et dans tous
les autres départements où son employeur créerait et
exploiterait une agence. La nouveauté qui caractérisait cet
arrêt est la mise en exergue de l'intérêt de l'entreprise
afin de justifier l'existence d'une clause de non concurrence. Ainsi, on ne
peut imposer au salarié plus que ce qui s'avère utile pour la
bonne exécution du contrat et pour l'intérêt de
l'entreprise.
Si cet arrêt ne fait pas référence
à la notion de bonne foi dans l'exécution du contrat, il faut
cependant revenir sur la démarche implicite du juge. Si la
liberté contractuelle justifie la possibilité d'inscrire cette
clause au contrat, elle ne peut être invoquée que de bonne foi. Il
faut donc pouvoir constater un acte de déloyauté du
salarié ou un risque potentiel d'atteinte aux intérêts
légitimes de l'entreprise pour caractériser un manquement
à l'obligation de non-concurrence. En tout état de cause les
juges ne se bornent pas à relever l'accomplissement par le
salarié d'une activité quelconque pour caractériser la
faute reprochée par l'employeur196.
Par ailleurs, dans le droit commun des contrats notamment des
contrats synallagmatiques, l'obligation de chaque partie doit avoir une cause
qui est la contre partie fournie par le contractant. La clause de non
concurrence n'étant pas subordonnée à l'octroi au
salarié d'une contre partie pécuniaire si celle- ci
n'était pas prévue par une convention
collective197 cette absence de contre partie
pécuniaire a fait dire à certains auteurs que la cour
194 J. Pélissier « Droit civil et contrat individuel
de travail » Dr. Soc. 1988 p.389, voir aussi C. Pizzio - Delaporte, «
la clause de non concurrence : Jurisprudence récente », Dr. soc.
1996, p.145
195 Soc. 14 mai 1992 Bull. civ. V, n°309
196 Soc.14 mai 1998 Dr. Soc. 1998, p 715, Note A. Jeammaud
197 Soc. 11 octobre 1990, Bull, V,n° 459 , soc. 11 juillet
2001, n°99-43.6 27
de cassation consacrait « la licéité d'une
obligation sans cause 198».
Aujourd'hui, il semble qu'au titre de la justice qui doit
régner dans le contrat la cour a infléchi sa position
opérant de la sorte un revirement. En effet, depuis les arrêts du
10 juillet 2002199 « Une clause de non
concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection
des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans
le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités
de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de
verser au salarié une contre partie financière, ces conditions
étant cumulatives ».
L'attrait de cette jurisprudence constante est de mettre
notamment en évidence la volonté du juge d'équilibrer le
rapport contractuel. Cette recherche d'équilibre étant du reste
conforté par l'article L120-2 du Code du travail. Il semble que cet
article combiné à l'article L120-4 du même Code serait de
nature à rendre pleinement opérationnel la notion de bonne
foi200. Ce contrôle de
nécessité et de proportionnalité, qui donne de grands
pouvoirs d'appréciation aux juges est d'une portée
générale, l'article L120-2 s'applique à toute clause qui
entend apporter une restriction aux droits et libertés fondamentaux du
salarié.
SECTION II : Des clauses relatives au lieu de travail
Si l'indisponibilité201 de
la qualification de contrat de travail rend moins discutable son existence, le
contenu des éléments contractuels l'est beaucoup moins. La
détermination de ce qui est un élément contractuel est en
effet essentiel pour circonscrire les droits de l'employeur et du
salarié. Selon une jurisprudence202
constante de la chambre sociale de la cour de cassation, la qualification
professionnelle, la durée du contrat, la rémunération et
le lieu de travail constituent la « socle contractuelle » du contrat
de travail. Toute modification par l'employeur de ces éléments
requiert l'assentiment du salarié. Le contrat de travail offre en
principe au salarié une raison de résister à certaines
évolutions du rapport d'emploi que l'employeur souhaite voir advenir. Il
s'agit des données dont la modification constitueraient celles du
contrat lui-même et non un simple changement des conditions de travail
qui lui, relève du pouvoir de direction de l'employeur. Si la chambre
sociale de la cour de cassation a pu, préciser que « la mention du
lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information à
moins qu'il ne soit stipulé pas une clause claire et précise que
le salarié
198 J. Pélissier préc.
199 Soc. 10 juillet 2002, Bull., V, n° 239
200 M. Plet, « Bonne foi et contrat de travail », Dr.
Ouv. 2005, p.102
201 Soc. 22 décembre 2000, Dr. Soc 2001, p.228
202 Soc. 10 juillet 1996, RJS 8-9/96, n° 900, Bull. V,
n° 278
exécutera son travail exclusivement sans ce
lieu203 ».C'est dans une certaine mesure pour
limiter les contraintes que l'écrit contractuel peut faire peser sur
l'employeur, les mentions en cause seraient-elles dues à son
initiative204.
Réserve faite de la distinction entre clause
informative et clause contractuelle205, il semble que cette
solution, contestable, ne change en rien le fait que le lieu de travail
constitue un élément du contrat. Notons que ce lieu n'est pas
celui mentionné par les parties mais le « secteur
géographique » de l'exercice de l'activité. Or il s'agit
d'une notion dont la configuration n'est pas déterminée par la
cour. On comprend dés lors l'intérêt de stipulations
contractuelles qui prévoient et organisent le déplacement du lieu
de travail. Ainsi la clause de mobilité valable en
principe206 fait entrer le lieu de travail dans le
domaine du pouvoir unilatéral de direction de l'employeur elle
opère d'une façon assez originale une disqualification en
changement de ce qui serait à défaut de clause, une
modification.
En outre il ressort d'une jurisprudence bien établie de
la chambre sociale de la cour de cassation que la mutation du salarié en
application d'une clause de mobilité de son contrat de travail
relève du pouvoir de direction de l'employeur et constitue à cet
effet un changement des conditions de travail qui s'impose au
salariè207. Toutefois l'exercice du pouvoir
de direction étant soumis à l'exigence générale de
bonne foi et ne pouvant par ailleurs contrevenir aux dispositions de l'article
L120-2 du Code du travail,la validité de la clause n'exclut pas un
contrôle de son usage par l'employeur. Selon la cour de cassation la
clause doit être proportionnée au regard de l'intérêt
de l'entreprise. Ainsi dans l'arrêt
Spileers208 rendu au visa de l'article 8 de la
CEDH, la cour de cassation énonce clairement que l'employeur ne peut en
vertu d'une clause de mobilité porter atteinte au libre choix du
domicile par le salarié,que la clause « n'est valable qu'à
la condition d'être indispensable à la protection des
intérêts légitimes de' l'entreprise et proportionnée
,compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé,au but
recherché ».
Au demeurant, si la chambre sociale affiche son attachement au
respect,par de telles clauses,des droits fondamentaux de la personne du
salarié,la clause de mobilité écarte toute localisation du
lieu de travail du salarié et pose le principe d'une affectation
possible en différents lieux. Ainsi elle a pu décidé
« qu'une mutation géographique ne constitue pas en elle même
une att einte à la liberté fondamentale du salarié quant
au libre choix de son
203 Soc. 3 juin 2003 RJS. 8-9/03 n° 980, soc. 21 janvier
2004 RJS.3/04 n°301
204 A. Jeammaud, préc. , « Le contra de travail, une
puissance moyenne » p.318
205 J. Pélissier, « La détermination des
éléments du contrat de travail », Dr. ouv. 2005, p. 92 et s.
206Soc. 14 octobre 1982, b Bull. civ. V n°554
207 Soc. 30 juin 1997 Bull. civ. V, n° 289, soc 3 mai 2006
n°04-41.880
208Soc. 12 janvier 1999, n° 96-40.755
domicile que si elle peut priver de cause réelle et
sérieuse le licenciement du salarié qui la refuse lorsque
l'employeur la met en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi
contractuelle, elle ne justifie pas la nullité du licenciement
209» .Il faut
souligner par ailleurs que la mise en oeuvre de la clause de mobilité
est facilitée par la présomption de bonne foi dont
bénéficie l'employeur210.C'est donc
au salarié de démontrer que la décision de mutation a
été dictée par des raisons étrangères
à l'intérêt de l'entreprise ou qu'elle a été
mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.
Dans un arrêt du 4 juin 2002 la cour de cassation précise que
« l'engagement de la responsabilité contractuelle de l'employeur
envers le salarié n'impose pas que l'employeur ait agi dans le but de
nuire au salarié,il suffit qu'il ait manqué à l'
obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de
travail211 »Il semble que cet arrêt
allége sensiblement la nature et le « degré
d'intensité »de la preuve que le salarié doit rapporter
.Ainsi il a été jugé qu'un employeur commet une faute en
n'avertissant la salarié qu'un mois à l'avance alors la
décision de mettre en oeuvre la clause de mobilité a
été décidé depuis
longtemps212.Aussi l'application d'une clause de
mobilité ne saurait entraîner d'autre modification du contrat de
travail .L'employeur ne peut revenir sur le télétravail convenu
avec le salarié sans modifier son contrat, ce en dépit d'une
clause de mobilité213.Il ne peut pas
également imposer au salarié une mutation qui entraîne une
réduction de sa
rémunération214.
La prohibition de principe de toute modification de la
portée de la clause semble être acquise .Dans un arrêt
récent confirmé, la cour de cassation met en exergue le
caractère nécessairement précis de la zone
géographique d'application de la clause de mobilité .Au visa de
l'article 1134 du Code civil, l'arrêt du 7 juin
2006215 met en relief l'impossibilité pour
un des contractants de modifier unilatéralement et ultérieurement
à la conclusion du contrat un des éléments de celui-ci. Il
n'apporte toutefois pas plus de précision sur l'étendue juridique
d'une clause de mobilité. Au demeurant, l'appréciation du secteur
géographique devant se faire de façon
objective216 on peut penser que la notion de zone
géographique d'application suivra le même chemin. Et il
appartiendra au juge du fond dans son appréciation in concréto de
préciser leur portée à l'aune de l'exigence de bonne foi
et de l'article L120-2 du Code du travail.
209 Soc. 28 mars 2006, n° 04-41.016
210 Soc 23 février 2005, n° 04-45.463
211 Soc. 4 juin 2002, Bull. V, n° 188
212 Soc. 4 avril 2006, n°04-43506 213 Soc. 31 mai 2006,
n°04-43.592 214Soc. 3 mai 2006, n°04-46.141 215 Soc. 7
juin 2006, n°04-45.846 216Soc. 25 janvier 2006, n°
04-41.763
CONCLUSION
CONCLUSION
Au terme de cette étude, il est tout aussi difficile de
discerner quel rôle exact peut jouer la bonne foi car le panorama est
très contrasté. Toutefois, il nous est apparu que la notion de
bonne foi répond toujours à une seule et même idée
dans le rapport de travail. Le standard de la bonne foi apparaît comme un
point d'équilibre entre des exigences plus complémentaires que
véritablement contraires. Il s'agit d'une notion assurément
bilatérale dont le juge se saisit pour apporter selon les circonstances,
au gré des espèces un certain équilibre au rapport
contractuel. S'il y a bien une notion, entre autres qui n'a pas fini de
développer ses effets c'est bien celle de la bonne foi. Le droit du
travail branche étant en évolution constante, l'ajustement du
droit aux transformations des réalités du travail donnera
certainement au juge des occasions de s'immiscer dans ce rapport par essence
inégalitaire. L'arrêt du 24 janvier 2007 illustre parfaitement ce
phénomène car il en ressort que la bonne foi implique la prise en
compte des contraintes familiales, lorsque c'est possible.
En définitive on peut affirmer que la notion de bonne
foi est certes un concept à multiples formes, mais conserve somme toute,
une portée réelle en droit positif Face à l'essor qu'a
pris la bonne foi au cours des dernières décennies, aux
controverses que son impact a suscité, nous avons ainsi jugé
prudent et utile de tenter de rechercher ce à quoi elle correspondait
notamment ses incidences sur le rapport de travail. La bonne foi nous semble
à la fois inventive et évolutive .Comprendre son impact dans le
rapport d'emploi, c'est ce à quoi nous espérons avoir
contribué.
BIBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
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février 2005, n° 04-45.463 Soc. 25 janvier 2006, n° 04-41.763
Soc. 28 mars 2006, n° 04-41.016 Soc. 4 avril 2006, n°04-43 506
Soc 3 mai 2006 n°04-41 .880
Soc. 3 mai 2006, n°04-46.141
Soc. 10 mai 2006, n° 05-42.2 10 Soc. 31 mai 2006,
n°04-43.592 Soc. 7 juin 2006, n°04-45.846
Soc.21 décembre 2006, n°05-44. 806 Soc. 24 janvier
2007, n° 05-40.639 Soc., 14 juin 2007, n°05-45.219
SOMMAIRE DETAILLE
SOMMAIRE DETAILLE
REMERCIEMENTS 2
INTRODUCTION 7
PREMIERE PARTIE : La bonne foi, standard
régulateur du rapport
de travail 21
CHAPITRE I : La bonne foi dans la formation du contrat de
travail 23
SECTION I : Bonne foi et phase précontractuelle 23
§I : L'Exigence de bonne foi dans le cadre des pourparlers
23
A. Du devoir général de loyauté 24
B. De l'obligation d'information 25
§II : L'Impératif de bonne foi et l'opération
de recrutement 27
A. Du côté de l'employeur ou du recruteur 27
B. De l'obligation de bonne foi du salarié 29
SECTION II: Bonne foi et conclusion du contrat de travail 31
§I : La bonne foi et la rupture de l'offre de contracter
31
§II : La bonne foi et la période probatoire du
contrat de travail 33
CHAPITRE II : La bonne foi dans l'exécution et la
rupture du contrat de travail 37
SECTION I : La bonne foi, surcroît de sujétion pour
le salarié 38
§I : L'incidence de la bonne foi, dans l'exécution
et la prestation de travail 39
§I I : La portée décisive de la bonne foi en
dehors de la prestation de travail 40
SECTION II : La bonne foi, une limite générale au
pouvoir de l'employeur 42
§I : Le devoir de respecter la personne du salarié
43
§I I : La bonne foi dans l'exercice du pouvoir de
sanctionner 45
DEUXIEME PARTIE: La bonne foi, source d'enrichissement du contenu
du contrat de travail 49
CHAPITRE I : La bonne foi, un instrument de
sophistication du contenu obligationnel du contrat de travail
51
SECTION I : La bonne foi, Tremplin d'élaboration de
normes à la charge de l'employeur... 51
§I : L'obligation de reclassement et d'adaptation 53
§II : L'obligation de sécurité 54
SECTION II : La découverte d'autres obligations implicites
ou secondaires 55
CHAPITRE II. La bonne foi, un outil de moralisation de
l'espace de stipulation 59
SECTION I : De la clause de non concurrence 61
SECTION II : Des clauses relatives au lieu de travail 63
CONCLUSION 67
BIBLIOGRAPHIE 69