Touristicité et urbanité. Pour une évaluation de la qualité des lieux.( Télécharger le fichier original )par Mathieu SOMBRET Université Paris VII - Denis Diderot - Master Géographie " Tourisme, Espace, Société" 2007 |
Cahiers Espaces, Tourisme Urbain, Décembre 1994, n°39La revue Cahiers Espaces réalise avec le concours de l'AFIT leur premier numéro sur le tourisme urbain en 1994, répondant à une lacune dans la littérature française sur ce sujet. Ce numéro propose 25 articles (universitaires et professionnels), réparties en quatre grandes parties. Nous n'étudierons pas tous les articles, sauf quelques uns qui nous intéressent pour notre sujet.
Commençons par l'introduction écrite par Claudine Barçon (AFIT) pour son « Plaidoyer pour une ville réunifiée ». Selon l'auteur, le tourisme urbain est sans doute l'une des formes les plus anciennes de l'activité touristique. Mais le développement des vacances et des congés payés ont engendré un tourisme fondé sur le refus de la ville. On partait chercher l'air pur et le calme, loin des villes polluées et saturées. Cette idée, selon laquelle le touriste fuirait la ville, était déjà énoncée par Georges Chabot dans L'évasion urbaine, en 1957 (cf. précédent). Cependant, depuis une vingtaine d'années, les réhabilitations faites sur l'habitat, les bâtiments remarquables, les aménagements dégageant les centres-villes du trafic, accompagné de l'augmentation des courts séjours, du fractionnement des vacances, du regain d'intérêt pour le patrimoine et l'engouement pour les manifestations événementiels, ont engendré un retournement bénéfique pour la ville, qui est de nouveau attractive. Dans un paragraphe intitulé « Des touristes qui sont d'abord des citadins », l'auteur écrit : « Le lieu commun de notre société de loisirs est une réalité qui rend la séparation entre vie quotidienne de travail et « vie de touriste » moins étanche. Le « passe muraille » touristique peut être quotidien, par exemple, pour un voyageur d'affaires, pour peu que la ville lui soit offerte » (p.17). Cette affirmation n'est pas si exacte, surtout en prenant l'exemple d'un homme d'affaire qui doit sûrement faire la différence entre un voyage imposé pour son emploi et un voyage choisit en famille. De plus la recherche actuelle nous montre bien que les critères de différence entre le tourisme et les autres formes de mobilité sont le choix et le hors quotidien, comme le montre le tableau suivant. Document 1
L'auteur considère la déambulation comme une activité propre au tourisme et que celle-ci induit une consommation et du temps de présence dans la ville. Même si elle n'emploi pas le terme, le touriste habite la ville qu'il visite par sa « consommation » et sa « présence dans la ville »4(*). C'est un point intéressant car cela considère le touriste comme un acteur, capable d'influencer son espace (impact). Dans une troisième partie, l'auteur nous explique que la mise en tourisme minimale de la ville passe par deux critères. D'abord la lisibilité, car un touriste a un temps limité pour « comprendre la ville », aussi bien pour la langue que pour le repère dans l'espace (facilité de se repérer, de se déplacer). Ensuite l'accessibilité, car c'est le seul moyen « de permettre l'utilisation maximum de la ville en tout lieu et à toute heure » (p.19) et par conséquent de maximiser son séjour dans la ville. Cette maximisation du séjour veut aussi dire rentabilité pour la ville, par les retombées économiques directes (emplois et ressources) et indirectes (capacité, par l'image, à attirer des nouvelles entreprises) du tourisme. L'auteur en vient aux limites du tourisme urbain et surtout de la mise en tourisme de la ville. Ainsi une mise en tourisme totale entraînerait la mort du tourisme urbain, car la ville deviendrait son propre musée. Par conséquent, « la spécificité du tourisme urbain étant de ne jamais être la mono activité de la ville où il s'inscrit » (p.20). Cette phrase soulève plusieurs questions : à quel niveau une activité est considérée comme une mono activité ? Peut-on considérer le tourisme comme une mono activité puisqu'il fait appel à différents services (restauration, services aux personnes, transports, hôtels, etc.) ? Existe-t-il une ville mise en tourisme totalement ? Cela a-t-il entraîné une mort de son tourisme?
Source : Direction du tourisme / Sofrès (SDT 2000), in Les clientèles du tourisme urbain, Direction du tourisme, septembre 2002. Sur la question du centre ville, l'auteur remarque qu'il est proposé « aux habitants comme aux touristes, de retrouver une identité par un ancrage dans le centre-ville. Les espaces publics sont restaurés afin de composer une scène urbaine plus attrayante » (p.48). Nous observons alors le lien hypothétique entre l'urbanité et la touristicité d'un espace. Une ville ayant une faible urbanité reçoit-elle des touristes ? Est-ce que le tourisme apporte un surplus d'urbanité ? Ce qui pose aussi la question de la centralité, puisque le tourisme urbain est souvent conçu autour du centre des villes. Le tourisme produit-il un regain ou un « transfert de centralité » (Florence Deprest, 1997) pour le centre des villes ? Pour finir, nous remarquons bien que le tourisme et la ville sont toujours liés entre eux lorsque l'auteur parle du besoin de rencontre (« n'est-ce pas, en définitive, une expérience collective que recherchent les touristes » p.49), ou de la déambulation dans la ville (« le déplacement en ville, qui se partage avec d'autres activités [...] est un mode d'urbanité important, comme l'a bien montré l'Ecole de Chicago » p.50). On retrouve cette idée de lien entre urbanité et touristicité dans l'article du professionnel Amaury de Varax (pp.129-133), lorsqu'il énumère les conditions de réussite du tourisme urbain : « Le tourisme dans les villes dépend à la fois du niveau de leur dynamique économique, de la richesse de leur patrimoine, de la qualité de leur environnement, de la densité de leur vie culturelle, de leur capacité à créer l'événement et de la qualité de leurs infrastructures et structures d'accueil. (p.150) Mais l'auteur ne va pas plus loin et ne donne aucun exemple. C'est bien dommage, car nous avons ici un travail intéressant qui n'est à chaque fois que vaguement évoqué. A nous maintenant de remédier à cette lacune. * 4Jacques Lévy et Michel Lussault écrivent pour la définition d'Habiter : « on peut concevoir des intensités très diverses dans l'habiter : le citoyen est l'habitant par excellence, mais le touriste habite aussi, à sa manière, l'espace qu'il découvre » (2003, p.442). |
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