DEA DROIT INTERNATIONAL
ANNÉE 2002/2003
LES RELATIONS ENTRE LES RÈGLES DES ACCORDS
MULTILATERAUX SUR L'ENVIRONNEMENT ET CELLES DE L'OMC
MEMOIRE REDIGÉ ET PRESENTÉ PAR SANDRINE
DAVANTURE SOUS LA DIRECTION DU PROFESSEUR CHARLES LEBEN.
UNIVERSITE PANTHÉON-ASSAS PARIS II.
LISTE DES PRINCIPALES ABREVATIONS
ALENA Accord de libre échange nord américain
AME Accords multilatéraux sur l'environnement.
CDB Convention sur la diversité biologique
CITES Convention sur le commerce international des
espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction
GATT General Agreement on Tariffs and Trade
OMC Organisation Mondiale du Commerce
OMPI Organisation Mondiale de la Propriété
Intellectuelle
ORD Organe de règlement des
différends
Périodiques :
AFDI Annuaire français de droit international
JDI Journal du droit international (Clunet)
RGDIP Revue générale de droit international
public
RJ.E Revue juridique de l'environnement
INTRODUCTION
Le libre échange est aujourd'hui bien ancré dans
les politiques commerciales poursuivies par les Etats et sa pratique semblerait
difficile à remettre en cause. En, effet depuis la chute du bloc
socialiste, l'expansion de l'idéologie libre-échangiste rencontre
peu d'obstacles et semble se répandre comme une traînée de
poudre sur toutes les surfaces du globe. Toutefois, la Communauté
internationale se trouve, aujourd'hui, confrontée à relever un
nouveau défi qui se concrétise dans la protection de
l'environnement et la sécurité alimentaire. Ainsi, la
Communauté internationale se doit
d' « arbitrer » un match entre deux
intérêts divergents. D'une part la promotion du libre
échange qui permettrait une amélioration incontestable de la
situation économique de l'ensemble des nations qui y participent, et
d'autre part la protection de l'environnement qui s'avère indispensable
à la pérennité des êtres humains et des autres
espèces vivantes. Alors comment choisir ? Le choix n'est pas
aisé mais n'est peut être pas non plus indispensable. Le
libre-échange ne serait-il pas un moteur indispensable à la
protection de l'environnement. En effet, certains estiment que la
liberté du commerce est la meilleure façon de créer des
richesses pour toutes les parties et ces richesses permettraient ainsi
d'employer les moyens les plus écologiques qui soient pour continuer de
produire et de commercer.
Toutefois, le libre-échange tend à
s'ériger vis-à-vis de l'impératif de protection de
l'environnement en un principe bien établi. On espère la
promotion de l'écologie à travers le développement
économique et non l'inverse. En effet, le libre-échange semble
primer sur la défense de l'environnement. Les Etats souhaitent avant
tout se développer économiquement et ensuite se préoccuper
des questions environnementales. Mais n'est ce pas illogique et dangereux pour
l'environnement que de se préoccuper avant tout de la santé
financière de la planète plutôt que de sa santé
physique ?
Pourtant, malgré la multiplication des manifestations
écologiques et de la prise de conscience progressive par les citoyens du
danger qu'encourt notre environnement, le libre échange semble
être, non pas l'unique, mais la principale préoccupation des
Etats. En effet, le libre échange apparaît comme un principe
sacré, un principe auquel il ne faut pas toucher. De plus, il
bénéficie de plus en plus de nombreuses enceintes de promotion et
il ne manque pas de séduire bon nombre d'Etats. En effet, la
majorité des Etats y compris les anciens Etats communistes ont
opté pour l'option marchande fondée sur le libre échange.
Ils participent au commerce libre soit au sein de l'OMC, soit dans des
groupements économiques régionaux au sein même desquelles
le libre échange est considéré comme un principe quasi
dogmatique n'autorisant des exceptions que dans des circonstances très
particulières.
Le libre-échange que le GATT promeut par
l'élimination successive des obstacles aux échanges n'avait,
à l'origine, aucune vocation universelle. Toutefois l'effondrement du
système soviétique, la globalisation de l'économie et la
création de l'OMC semblent instaurer désormais un
libre-échange mondial.
L'OMC fixe le nouveau cadre juridique des échanges
commerciaux internationaux, avec les accords commerciaux multilatéraux
et plurilatéraux, contenus dans les annexes à l'Accord de l'OMC.
L'ensemble forme un instrument juridique indissociable, car on ne peut
être partie à l'Accord de l'OMC sans l'être aux accords
commerciaux multilatéraux. L'OMC instaure en définitive un
véritable système de libre-échange multilatéral.
Les principes directeurs de l'OMC visent essentiellement
à libéraliser progressivement le commerce entre les Etats membres
(en éliminant les barrières tarifaires et non tarifaires) et
à assurer la sécurité dans les relations commerciales. Ces
principes peuvent se résumer à la non-discrimination, à la
non restriction, et à l'élimination générale des
subventions, tous tendant à la libéralisation du commerce et des
échanges.
A la lecture de ces principes, on pourrait être donc
amené à penser que la protection de l'environnement n'a pas sa
place dans le système de l'OMC, que l'OMC est avant tout une
organisation internationale à vocation économique et que les
questions environnementales ne semblent pas entrer dans son champ de
préoccupation. Ainsi des Accords multilatéraux sur
l'environnement conclus par des Etats soucieux de la préservation et de
la protection de l'environnement se trouvent en contradiction avec le droit de
l'OMC. En effet, aujourd'hui, sur les 180 AME existants, environ 10% d'entre
eux contiennent des dispositions commerciales restrictives (interdiction du
commerce d'un produit, quotas, permis d'exportation ou d'importation)
utilisées pour restreindre ou prohiber le commerce de produits
spécifiques. Peut-on alors considérer que ces AME,
édictant des mesures commerciales, ont une chance de s'articuler avec le
droit de l'OMC et plus particulièrement avec son principe de non
discrimination, fondement même des règles de l'OMC ?
Même si certains accords de Marrakech, notamment
l'Accord SPS et OTC prennent en compte l'environnement dans leurs dispositions
et que le préambule de l'Accord de Marrakech instituant l'OMC
énonce que : « les parties au présent accord,
reconnaissant que leurs rapports dans le domaine commercial et
économique devraient être orientés vers le
relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et
d'un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et
de la demande effective, et l'accroissement de la production et du
commerce de marchandises et de services, tout en permettant
l'utilisation optimale des ressources mondiales conformément à
l'objectif de développement durable, en vue à la fois de
protéger et préserver l'environnement et de renforcer les moyens
d'y parvenir d'une manière qui soit compatible avec leurs besoins et
soucis respectifs à différents niveaux de développement
économique », les dispositions commerciales contenues dans les
AME peuvent-elles considérées comme conformes aux prescriptions
de l'OMC, alors qu'elles font fi du principe de non discrimination ? Pour
certains, la présence dans le préambule d'un certain souci
écologique montre que l'OMC n'est pas fermée aux
préoccupations environnementales et qu'au contraire elle les
intègre dans sa perspective d'évolution.
Pour d'autres au contraire, ils estiment d'une part que le
préambule n'a pas de caractère contraignant, qu'ainsi les Parties
contractantes ne sont pas dans l'obligation de veiller à la
préservation et à la protection de l'environnement, et d'autre
part que le Comité du commerce et de l'environnement, institué
par l'OMC pour étudier les relations entre l'OMC et les AME, n'a pas
encore formulé de recommandations quant à ce sujet et que sa
vocation est « enserré dans une logique qui subordonne toute
problématique environnementale à la protection et à la
promotion de la mondialisation »1(*). Selon ces mêmes auteurs, la protection de
l'environnement est donc absente des préoccupations de l'OMC, comme elle
l'était du GATT, ces derniers ne cherchant qu'à promouvoir la
liberté du commerce à n'importe quel prix, se souciant peu des
conséquences que pourrait avoir le développement
économique sur les ressources planétaires.
Il est évident qu'à première vue, il
existe des éléments contradictoires entre les AME et les
règles de l'OMC, puisque certains AME prescrivent parfois une
interdiction absolue de commercer tel ou tel produit alors que la seconde a
pour objectif le développement économique de chacune des Parties
contractantes en les poussant à abaisser au maximum toutes les
frontières économiques existantes. Toutefois, même si
certains de ces AME constituent un élément perturbateur de la
libéralisation des échanges, les mesures qu'ils édictent
peuvent parfois trouver une justification dans les dispositions mêmes de
l'OMC. En effet, bien que les Accords de Marrakech ne prennent pas en compte de
manière explicite la protection de l'environnement, certaines de leurs
dispositions peuvent éventuellement assurer la justification des mesures
commerciales prises en vertu d'un AME. On peut par exemple penser à
l'article XX de l'Accord général relatif aux
« exceptions générales » qui envisage, dans
ses alinéas b et g, la protection de la santé
et de la vie des personnes et des animaux ou encore la conservation des
ressources naturelles épuisables. C'est ainsi que les restrictions
commerciales prises selon un AME pourront être justifiées.
Cependant, avant d'étudier les éventuelles
justifications et les solutions d'articulation entre les AME et les
règles de l'OMC (2ème partie), il faut étudier
précisément quelles sont les dispositions, contenues dans les
AME, qui ne sont pas a priori conformes avec les prescriptions de l'OMC
(1ère partie).
1ère PARTIE LES CONTRADICTIONS ENTRE LES REGLES DE
L'OMC ET CELLES DES AME.
On l'a vu, certains Accords multilatéraux sur
l'environnement peuvent comporter des éléments
économiques, qui parfois perturbent le système du
libre-échange tel qu'il a été instauré par les
Accords de l'OMC. En effet, l'OMC et les AME réglementent deux
intérêts a priori divergents : pour la
première il s'agit du commerce international, pour les seconds, il
s'agit de la protection de l'environnement. Partant de là, tout semble
opposer ces deux corps de règles, leurs objectifs n'étant pas les
mêmes, on peut craindre certaines contradictions entre leurs
dispositions. Les AME sont fondés sur un certain nombre de principes,
tel celui de précaution, alors que les Accords de l'OMC sont
fondées sur d'autres principes, opposés, comme celui de
non-discrimination dans les échanges. De plus, certains AME
réglementent le commerce de certains produits spécifiques, alors
que la réglementation du commerce est dévolue en principe
à l'OMC. De là, des conflits entre les AME et les Accords de
l'OMC semblent inévitables, dans la mesure où quelques AME se
substituent plus ou moins à l'OMC pour la réglementation du
commerce de certains produits.
Nous étudierons donc dans un premier chapitre certains
principes sur lesquels sont fondés les AME, puis dans un second
chapitre, la façon dont les AME réglementent le commerce de
certains produits.
Chapitre I Les principes généraux des
AME et leur adéquation aux règles de
l'OMC.
Chapitre II Les règles commerciales dans les
AME.
CHAPITRE
I LES PRINCIPES GENERAUX DES AME ET LEUR ADEQUATION AUX REGLES DE L'OMC.
Le principe le plus important et le plus omniprésent
dans les accords multilatéraux sur l'environnement est sans aucun doute
le principe de précaution. Il est présent dans la
majorité des AME, un tel accord ne se concevant pas aujourd'hui sans
lui. Que ce soit pour la protection d'espèces animales,
végétales, ou pour la santé et la vie des hommes, le
principe de précaution fait désormais foi, et apparaît
comme un principe de droit international de l'environnement à part
entière (Section 1).
Cependant, ce principe n'est pas le seul à guider la
protection internationale de l'environnement. Depuis le Sommet de la Terre
à Rio et la Convention sur la diversité biologique de 1992, le
principe de préservation de la diversité biologique fait figure,
lui aussi, de grand principe du droit international de l'environnement, et
c'est ainsi que beaucoup d'AME s'attachent à le défendre (Section
2).
Section 1
Le principe de précaution : un principe du droit international de
l'environnement.
Apparu dès la fin des années 1980
(Déclaration adoptée par une Conférence internationale sur
la mer du Nord en 1987) et inséré dans plusieurs conventions
internationales avant même la Conférence de Rio, ce principe a
depuis été consacré au niveau communautaire (art 130 R.
2° du Traité de Maastricht2(*)) et international (principe 15 de la
Déclaration de Rio) ainsi qu'au niveau national, dans un premier temps
par la loi du 2 février 19953(*) transposée dans le code de l'environnement sous
l'article L-110, et récemment dans la charte de l'environnement
présenté au conseil des ministres le mercredi 25 juin
20034(*) . Cette charte
« apparaît comme le texte à valeur constitutionnelle le
plus fort dans le monde à ce sujet »5(*) et il a pour mérite de
mettre au centre le principe de précaution montrant ainsi la
volonté française de faire de ce principe une norme
internationale6(*). Ce
principe consiste généralement à prendre, en l'absence de
certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du
moment, des mesures effectives et proportionnées ayant pour but de
prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à
l'environnement.
Nous verrons comment ce principe est abordé dans les
Accords multilatéraux sur l'environnement (I), et
quelle position entend prendre l'OMC quant à l'insertion de ce principe
dans l'interprétation de ses accords (II).
I. LES AME ET LE PRINCIPE DE
PRÉCAUTION.
A. Le contenu de ce
principe.
C'est en matière environnementale que le principe de
précaution est apparu pour la première fois. Divers accords
internationaux de ces dernières années le mentionnent. Les
textes communautaires ont également intégré ce principe
mais sans le définir.
Dans le cadre des accords multilatéraux sur
l'environnement, le principe de précaution concerne essentiellement la
protection de l'atmosphère terrestre, domaine qui se trouve être
« un terreau fertile au développement du principe de
précaution »7(*).
La Convention de Vienne de 1985 fut la première
convention à faire implicitement référence au principe de
précaution. En effet, même si seul le préambule
évoque « les mesures de précaution
déjà prises à l'échelon national et international
en vue de la protection de la couche d'ozone »8(*), l'idée de
précaution se retrouve cependant dans un certain nombre de dispositions,
ainsi les parties doivent prendre toutes les mesures appropriées pour
protéger la santé humaine et l'environnement des effets
néfastes « résultant ou susceptibles de
résulter des activités humaines qui modifient ou sont
susceptibles de modifier la couche d'ozone »9(*). Le texte envisage donc
l'éventualité de l'incidence des activités humaines et le
lien de causalité entre cette activité et les effets nocifs sur
l'environnement. Il demande aux Etats de prendre en compte cette
éventualité et d'agir sans attendre la preuve scientifique
absolue de la nocivité de l'activité concernée. Cependant,
l'on constate et on peut le regretter que le principe de précaution ne
soit pas défini dans le cadre de cette convention.
On peut évoquer également le Protocole de
Montréal de 1987, dont la référence à la
précaution est plus explicite que dans la Convention de Vienne. En
effet, il est indiqué que les parties au Protocole
se déclarent « déterminées à
protéger la couche d'ozone en prenant des mesures de précaution
pour réglementer équitablement le volume mondial des
émissions qui l'appauvrissent »10(*).
C'est surtout l'année 1992 qui constitue une
année charnière pour la protection de l'environnement en
général et pour le principe de précaution en particulier.
C'est durant cette année qu'il va peu à peu se préciser et
révéler l'ensemble de ses aspects. En mai 1992, la
Convention-cadre sur les changements climatiques énonce parmi les
principes devant guider les Parties celui qui les conduit à prendre des
mesures de précaution. 1992 est aussi l'année pendant laquelle
se tint, à Rio, la Conférence des Nations Unies sur
l'environnement et le développement, qui conduisit à l'adoption
d'une déclaration le 13 juin 1992. Selon son principe 15,
« pour protéger l'environnement, des mesures de
précaution doivent être largement appliquées par les Etats
selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou
irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas
servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de
mesures effectives visant à prévenir la dégradation de
l'environnement ». Ainsi les éléments
caractérisant le principe de précaution sont
présents : l'incertitude scientifique, le risque de dommages graves
ou irréversibles à l'environnement, la nécessité
d'agir sans attendre. C'est la première fois que la précaution
est recommandée de façon aussi générale.
Dans le Protocole de Carthagène sur la
biosécurité, adopté à Montréal le 28 janvier
2000, la Conférence des Parties à la Convention sur la
diversité biologique reprend, en ce qui concerne les OGM, une
idée très voisine en en élargissant le contenu au domaine
de la santé humaine dans son article 10 §6 :
« L'absence de certitude scientifique due
à l'insuffisance d'information et de connaissance scientifique
pertinente en ce qui concerne les effets négatifs potentiels d'un
organisme vivant modifié sur la conservation et l'utilisation durable de
la diversité biologique dans la Partie importatrice, prenant
également en compte les risques pour la santé humaine,
n'empêche pas cette Partie de prendre une décision, si cela est
approprié, concernant l'importation de l'organisme vivant modifié
en question dans le but d'éviter ou de réduire de tels effets
potentiellement négatifs ».
On peut enfin citer la gestion des déchets comme
domaine de prédilection du principe de précaution. La convention
de Bâle est certes le texte le plus important en la matière, mais
cet instrument ne fait pas expressément référence au
principe de précaution. Dans ce cas là, il vaut mieux se tourner
vers les instruments régionaux tels que la Convention de Bamako sur
l'interdiction d'importer des déchets dangereux et le contrôle de
leurs mouvements transfrontières en Afrique qui marque la
première consécration du principe de précaution au niveau
interétatique sur le continent africain. En effet, cette convention
dispose : « chaque partie s'efforce d'adopter et de mettre
en oeuvre, pour faire face au problème de la pollution, des mesures de
précaution qui comportent, entre autres, l'interdiction d'évacuer
dans l'environnement des substances qui pourraient présenter des risques
pour la santé de l'homme et pour l'environnement, sans attendre d'avoir
la preuve scientifique de ces risques »11(*). Ce principe de
précaution s'est ensuite généralisé à la
majorité des accords de gestion des déchets au niveau
régional.
Cependant on peut remarquer que la référence
à la précaution dans ces instruments n'est pas faite de
manière uniforme, il est donc extrêmement difficile de
définir avec précision le principe de précaution.
Même si ses éléments caractéristiques se retrouvent
tous dans toutes les définitions que nous avons vues du principe,
certaines y mêlent un aspect économique tel celle donnée
par le code rural français12(*) ou la Convention sur les changements
climatiques13(*), d'autres
pas.
De plus, la confusion autour de la notion de précaution
tient également au fait que le principe de précaution est souvent
confondu avec le principe de prévention qui pourtant est une chose tout
à fait différente. La différence semble résider,
selon L. Lucchini dans le degré plus ou moins élevé de la
gravité du risque. Selon lui, la prévention a un caractère
de généralité. Elle doit dicter en permanence et pour
toutes circonstances, le comportement des acteurs. La précaution quant
à elle, nécessite un renforcement de cette attitude face à
un danger plus grave et préoccupant et dont on sait pas, compte tenu des
connaissances scientifiques du moment, les conséquences qu'il pourrait
entraîner s'il venait se réaliser14(*).
Alexandre Kiss retient, à propos de la signification du
concept de précaution, le même critère de gravité
exceptionnelle du risque : « The difference between the
principle of prevention and the precautionnary principle is the evaluation of
the risk threatening the environment. Precaution comes into play when the risk
is highly -so highly in fact- that full scientific certainty should not be
required prior to the taking of the remedial action. »15(*).
La singularité de la précaution réside
également dans cet autre élément qu'évoque
Alexandre Kiss : l'insuffisance des connaissances qui conduit parfois
à l'incertitude scientifique.
Cependant quelle valeur peut-on apporter à un tel
principe qui ne figure que dans quelques conventions qui ne sont pas
ratifiées par tous les Etats ? Peut-on dire que ce principe est un
principe de droit international et un principe coutumier ?
La question de la valeur juridique du principe présente
un double intérêt. Il faut tout d'abord se demander si le principe
affirmé dans les conventions est un principe juridique de droit positif
conventionnel. Et ensuite s'interroger sur la question de savoir s'il a acquis,
par son affirmation constante dans les textes, une valeur coutumière.
B. La valeur de ce
principe.
A examiner les instruments récents qui se
réfèrent à la précaution, on est surpris par les
tâtonnements et flottements terminologiques qui les
caractérisent16(*).
Or c'est l'analyse de ces textes et l'évolution de la pratique qui
doivent permettre d'apprécier la valeur juridique du principe de
précaution.
Quant à l'analyse des textes, il faut, dans un premier
temps, noter que le principe ne figure pas toujours à la même
place selon les conventions et se trouve tantôt dans le
préambule17(*),
tantôt dans le dispositif parmi les obligations
générales18(*), les principes ou les dispositions
générales19(*). Il ne faut bien évidemment pas, et surtout en
matière environnementale, déduire de la place d'une disposition
dans une convention sa nature juridique20(*), d'autant plus que la majorité des textes
internationaux n'hésitent pas désormais à admettre la
qualification de « principe »21(*) au principe de
précaution.
Quant à la doctrine, elle n'hésite pas à
parler de « principe », mais elle est divisée quant
à l'appartenance de ce principe à la sphère
coutumière.
Ainsi, selon certains auteurs anglo-saxons, ce principe a une
valeur coutumière et pour cela ils se fondent sur des textes
internationaux, sur certaines législations ou décisions
judiciaires nationales22(*).
Lucchini, quant à lui, est plus dubitatif. Pour lui,
même si de nombreux textes internationaux se réfèrent au
principe, ainsi que certaines législations (i.e : allemande et
française notamment), il dénie à ce principe toute valeur
coutumière. Il faut en effet plusieurs éléments
réunis pour que le principe de précaution se mue en un principe
coutumier : une pratique étoffée et une opinio juris, un
contenu stable et une certaine précision. Or pour cet auteur,
l'état de développement de ce principe ne fait pas
apparaître que ces trois composantes soient d'ores et déjà
satisfaites.
Pour Mme Martin-Bidou, l'analyse des
expressions qui introduisent le principe dans les textes internationaux est
particulièrement révélatrice d'une absence de
volonté politique de lui accorder une portée précise et
certaine. Pour elle, comme pour Lucchini, il est douteux, que le principe de
précaution ait acquis un statut de principe de droit positif, car les
grandes conventions environnementales le tiennent plus pour un principe
directeur que comme un principe contraignant.
Il semble donc qu'il existe un certain consensus entre les
auteurs pour admettre que le principe de précaution n'a ni valeur de
principe de droit positif ni de droit coutumier. Il semble en fait que le
principe de précaution apparaît plus comme un principe
interprétatif, ce qui signifie que les engagements des Etats doivent
être compris à la lumière, entre autres, du principe de
précaution23(*).
Selon ces mêmes auteurs, cette absence de valeur coutumière est
due aux incertitudes qui pèsent sur ce principe et à ses contours
relativement flous.
Il est dès lors très difficile pour les Etats de
se sentir liés par un principe aussi mal défini dont ils
perçoivent les implications de manière fort différente.
Pour qu'il y ait coutume, la pratique seule est insuffisante, il faut aussi,
que les Etats aient entendu considérer cette pratique comme étant
le droit, c'est l'opinio juris.
Or, dans le cas du principe de précaution, d'une part
la pratique est irrégulière et d'autre part il n'existe pas
d'opinio juris, car il est douteux que les Etats qui appliquent le
principe le fassent en ayant le sentiment de se conformer à une
règle de droit. Il semble alors délicat d'affirmer que l'on se
trouve ici en présence d'un principe de droit international à
valeur coutumière.
Qu'en est-il de la position de la jurisprudence ? Pour
répondre à ces questions, on peut citer deux affaires dont la
Cour internationale de Justice à eu connaître.
Cette Cour a été saisie par deux fois du
principe de précaution dans un intervalle de temps très bref. Les
affaires des Essais nucléaires II et du Projet Gabcikovo-Nagymaros ont,
en effet, été l'occasion pour les parties de discuter le statut,
le contenu et les conséquences du principe.
Le principe a été soulevé pour la
première fois devant la Cour par la Nouvelle-Zélande, qui
l'invoquait afin de protéger les ressources naturelles du milieu marin
contre les effets des essais nucléaires français24(*). Selon la
Nouvelle-zélande, ce principe relevait clairement du droit international
coutumier, et imposerait une série d'obligations à l'Etat qui
envisage d'entreprendre une activité faisant peser des risques sur
l'environnement. Dans sa réponse, la France a émis de
sérieux doutes quant à l'appartenance du principe au droit
positif. La Cour a toutefois refusé d'examiner la requête au fond.
Dans l'affaire du Projet Gabcikovo-Nagymaros25(*), la question de la
cristallisation du principe de précaution en norme coutumière
opposait également les deux parties à propos de la question des
dommages, effectifs et potentiels engendrés par la construction d'un
système de barrages en travers du Danube. La Hongrie présentait
le principe comme un prolongement de l'obligation de prévention
destiné à empêcher la détérioration des
ressources naturelles par une activité dont l'innocuité n'est pas
certaine. La Slovaquie contestait l'appartenance du principe de
précaution au droit positif tout en indiquant que son comportement
n'allait nullement à l'encontre de ce qu'elle considérait comme
« un simple principe directeur non obligatoire ».
La Cour a évité de se prononcer sur le principe
de précaution, se contentant de noter que « les parties
s'accordent sur la nécessité de se soucier sérieusement de
l'environnement et de prendre les mesures de précaution qui
s'imposent »26(*). A aucun moment elle n'aborde le principe. Certes, la
Cour reconnaît bien que des normes nouvelles dans le domaine de
l'environnement sont apparues en droit international et qu'elles ont
été reprises par de nombreux instruments, mais le principe de
précaution n'en fait visiblement pas parties.
Que peut-on conclure de ces décisions ? Pour
certains auteurs, ces décisions sont autant d'occasion manquées
pour la Cour qui n'a pas saisi ces occasions pour consacrer le principe de
précaution comme un principe de droit international, peut-être
est-ce dû à la difficulté de la définition et au
manque de vision globale des implications de la notion27(*). Pour d'autres, au contraire,
par ces décisions, la Cour n'est pas restée indifférente
au principe de précaution puisqu'elle en fait mention aussi bien dans
son avis consultatif dans l'affaire relative aux essais
nucléaires28(*),
que dans l'arrêt rendu dans l'affaire relative au Projet
Gabcikovo-Nagymaros29(*).
On voit bien à travers ces décisions, que
même si le principe de précaution figure dans plusieurs
conventions internationales environnementales, il ne possède pas le
caractère de principe de droit international, en tout cas c'est ce que
l'on peut déduire de la jurisprudence internationale rendue en cette
matière. Ce principe aurait sans doute besoin d'acquérir de la
précision. Il semble finalement que ce soit le manque de clarté
des obligations engendrées par le principe de précaution qui
conduit à mettre en doute, pour le moment, son caractère
normatif.
Les AME ne sont toutefois pas les seuls instruments
internationaux à faire référence au principe de
précaution. En effet, ce principe semble s'affirmer, timidement, dans
d'autres secteurs comme celui du commerce international notamment grâce
à l'instauration de l'OMC et à la conclusion de certains Accords
de Marrakech. Toutefois, il n'est pas évident que l'Organe de
règlement des différents de l'OMC ait une approche
différente des autres juridictions internationales quant à
l'application du principe de précaution.
II. LA POSITION DE L'OMC ET DE SON
ORGANE DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS.
A. Le principe de
précaution dans les accords de l'OMC.
1. L'Accord sur les mesures
sanitaires et phytosanitaires (SPS).
En l'absence de référence explicite au principe
de précaution dans le texte même de l'Accord, on doit se livrer
à une analyse précise des termes de cet Accord. A la lecture de
cet instrument, on peut constater que certains éléments militent
en faveur du principe de précaution et d'autres au contraire vont
à l'encontre de la prise en compte de ce même principe.
En ce qui concerne les éléments
favorables à la prise en compte du principe, on peut citer l'article 5.7
de l'Accord qui dispose que « dans les cas où les
preuves scientifiques pertinentes seront insuffisantes, un Membre pourra
provisoirement adopter des mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base
des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent
des organisations internationales compétentes, ainsi que ceux qui
découlent des mesures SPS adoptées par les autres Etats membres.
Dans de telles circonstances, les membres s'efforceront d'obtenir les
renseignements additionnels nécessaires pour procéder à
une évaluation plus objective du risque et examineront la mesure SPS
dans un délai raisonnable ». La possibilité
offerte aux Membres de l'OMC est donc de refuser l'importation de produits dont
la nocivité pour l'environnement ou la santé n'est pas
prouvée scientifiquement mais seulement redoutée. Compte tenu de
ces arguments, si le principe de précaution est reconnu implicitement
dans le texte de l'Accord SPS, c'est de manière quasi-marginale, au
point que l'on a pu parler de seuil minimal de précaution dans l'Accord
SPS30(*).
D'autres dispositions de l'Accord SPS et plus
particulièrement l'article 5 renvoient à la possibilité
pour les Etats « d'agir avec prudence et précaution en ce
qui concerne les risques de dommages irréversibles, voire mortels pour
la santé des personnes. »
Pour ce qui est des éléments
défavorables, l'accent mis sur le caractère provisoire de la
mesure prise en application de l'article 5.7 de l'Accord SPS en constitue un.
En effet, un des éléments caractéristiques du principe de
précaution est le caractère provisoire des mesures
adoptées sur les bases de ce principe, puisqu'une telle mesure ne peut
« être maintenue sans effort de recherche, c'est à dire
sans tentative de lever les incertitudes »31(*), la solution alors retenue par
l'accord SPS est particulière.
Nous étudierons un peu plus loin et plus en
détail, l'interprétation de ces articles à la
lumière de la jurisprudence de l'Organe d'Appel.
2. Les autres dispositions
qui prévoient implicitement des mesures de précaution.
Les deux textes mentionnés ci-après ne
mentionnent pas le principe de précaution en tant que tel mais selon la
formule de G. Marceau, « ils prennent en compte certains aspects
d'un principe de précaution du fait de la reconnaissance du droit des
membres de choisir le niveau de protection qu'ils jugent
appropriés32(*) ».
a). L'Accord sur les obstacles techniques au commerce
(OTC).
Le principe de précaution n'est pas explicitement
inscrit dans le texte de l'Accord. Cependant pour C. Noiville, l'Accord OTC est
au moins dans ses objectifs plus favorable au principe de précaution que
ne l'est l'Accord SPS. En effet, alors que l'Accord SPS « vise
à orienter l'élaboration des mesures afin de réduire leurs
effets négatifs sur le commerce, l'Accord OTC cherche au contraire
à stimuler le développement de normes et règlements
techniques qui, s'ils ne sont pas sanitaires ou phytosanitaires, sont a
priori jugés de manière plus favorable »33(*). En outre, le préambule
de l'Accord OTC dispose, « reconnaissant que rien ne saurait
empêcher un pays de prendre les mesures nécessaires pour assurer
la qualité de ses exportations, ou nécessaires à la
protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux,
à la préservation des végétaux, à la
protection de l'environnement, ou à la prévention de pratiques de
nature à induire en erreur, aux niveaux qu'il considère
appropriés, sous réserve que ces mesures ne soient pas
appliquées de façon à constituer soit un moyen de
discrimination arbitraire ou injustifiable entre des pays où les
mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au
commerce international, et qu'elles soient par ailleurs conformes aux
dispositions du présent accord ».
Contrairement à l'Accord SPS, l'Accord OTC ne repose
pas exclusivement sur la notion de preuve scientifique. En effet, l'Accord OTC
insiste sur les circonstances qui ont conduit à l'adoption de la
mesure34(*). Ainsi les
négociateurs de l'Accord semblent laisser ouverte la possibilité
pour les Membres de l'OMC d'adopter des règlements techniques qui ne
reposent pas uniquement sur des justifications scientifiques. En outre, alors
que le GATT refuse la discrimination entre produits qui ne se distinguent qu'au
regard de leurs conditions de fabrication, l'Accord OTC permet de telles
discriminations en se fondant plus sur le critère de
nécessité que sur les justifications purement scientifiques.
Ce niveau de protection est mentionné dans le
Préambule et dans l'article 2.2 de l'Accord OTC. Ainsi, comme dans
l'accord SPS, les membres sont autorisés à poursuivre tout
objectif légitime, d'adopter le niveau de protection qu'ils
désirent, même face à l'incertitude scientifique et de
prendre toute mesure qui permettrait la non réalisation des risques
pouvant affecter la sécurité des personnes, la vie ou la
santé des animaux, la préservation des végétaux ou
la protection de l'environnement. Il n'est pas alors aberrant
d'interpréter l'Accord OTC comme prenant en considération dans
une certaine mesure, le principe de précaution.
b). Autres dispositions.
En sus des dispositions précitées, il ne faut
pas oublier l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture qui semble
reconnaître aux membres le droit de donner priorité à des
considérations non uniquement commerciales, ce qui inclurait le droit
à la prudence, même en l'absence de preuve scientifique certaine
et définitive (art 20 c)).
Enfin, le Préambule de l'Accord instituant l'OMC fait
référence à l'obligation de tenir compte d'un
développement durable. Cela impliquerait-il le droit ou l'obligation
pour les Etats d'agir avec prudence lorsqu'il s'agit d'apprécier la
légalité et la légitimité des mesures prises pour
protéger l'environnement ?
B. L'utilisation
jurisprudentielle de ce principe.
Le principe de précaution a été
évoqué devant les organes de règlement des
différends de l'OMC dans quatre litiges importants. Même si ces
litiges visent avant tout la sécurité alimentaire ou la
santé humaine et non la protection de l'environnement stricto
sensu, ils sont souvent évoqués lorsque sont
examinées les relations entre l'OMC et l'environnement. Même si
les deux sujets sont distincts, il existent toutefois des interactions sur le
fond et notamment le problème de l'application du principe de
précaution , qui nous conduise à étudier ces
différents dans le cadre de notre sujet.
1. L'affaire Viandes et
produits carnés (hormones), 16 janvier 199835(*).
Cette affaire est la première dans laquelle
le principe de précaution est invoqué par le défendeur
pour justifier certaines mesures. Le litige opposait les Communautés
européennes aux Etats-Unis et au Canada, ces derniers se plaignant des
mesures prises par les premières interdisant les importations de viande
et produits carnés provenant d'animaux auxquels des hormones naturelles
ou de synthèse avaient été administrées à
des fins anabolisantes. Les autorités communautaires estimaient que la
simple éventualité d'un risque suffisait, comme par exemple celui
de la progression des cancers.
L'article 5 § 1 et 2 de l'Accord SPS36(*) prévoit que ces mesures
adoptées par les Etats soient établies sur la base d'une
évaluation des risques, évaluation pour laquelle les Etats
tiennent compte des preuves scientifiques disponibles37(*).
Les groupes spéciaux avaient considéré
qu'il n'y avait pas de preuves scientifiques indiquant que l'utilisation des
hormones en cause entraînait un risque identifiable. L'Organe d'appel
estime que les Communautés n'ont pas réussi à apporter la
preuve d'un réel danger pour la santé de l'Homme et
l'évaluation des risques ne sera pas jugée suffisamment
pertinente.
L'Organe d'appel d'appel refuse des mesures sanitaires et
phytosanitaires qui ont des effets négatifs trop importants sur le
commerce38(*), et se
montre très sévère à l'égard de l'attitude
prudentielle des membres en exigeant que la mesure de précaution soit
effectivement justifiée par une étude stricte de l'impact
néfaste de la consommation de certaines viandes aux hormones sur la
santé de l'Homme. Mme Martin-Bidou se demande d'ailleurs, à ce
propos, « si une telle exigence n'est pas tout le contraire de la
précaution. »39(*). La précaution ne pouvant, en fait, conduire
les membres à violer gravement une obligation résultant de leur
participation à l'OMC.
Puis l'Organe d'appel a été amené
à prendre parti sur la valeur normative du principe de précaution
et a considéré que « le principe, du moins en
dehors du droit international de l'environnement, n'a pas encore fait l'objet
d'une formulation faisant autorité ». On peut donc,
considérer, a contrario, que ce principe de
précaution a, en droit international de l'environnement, fait l'objet
d'une formulation faisant autorité. Cependant, ni la Cour internationale
de Justice ni toute autre juridiction internationale ne s'étant
clairement prononcée sur la portée juridique de ce principe en
droit international de l'environnement, cette interprétation a
contrario ne semble pas permise d'autant que les débats doctrinaux
ne cessent quant à la détermination de la valeur de ce principe,
et qu'un consensus semble exister quant à l'absence de valeur
coutumière de ce même principe.
2. L'affaire des saumons
australiens, 20 octobre 199840(*).
La deuxième affaire relative à des mesures
sanitaires présentée à l'ORD concerne la mise en cause par
la Canada de la légalité d'une législation australienne
qui interdisait l'importation de saumons sauf si ceux-ci avaient
été au préalable, soumis à un traitement qui, de
l'avis du directeur des services de la quarantaine, garantissait leur
innocuité pour la santé humaine. Pour le Groupe spécial,
l'argument principal invoqué était que les mesures de quarantaine
étaient fondées sur une insuffisante évaluation des
risques en violation de l'article 5.1 de l'Accord SPS. L'Organe d'appel
confirme que l'évaluation des risques n'est pas suffisante car il faut
que trois critères soient remplis pour ce faire. Car elle ne permet pas,
notamment :
« d'évaluer la probabilité de
l'entrée, de l'établissement ou de la dissémination de ces
maladies ainsi que des conséquences biologiques et économiques
qui pourraient en résulter ; et d'évaluer la
probabilité de l'entrée, de l'établissement ou de la
dissémination de ces maladies en fonction des mesures SPS qui pourraient
être appliquées »
L'Australie voit ainsi ses mesures sanitaires remises en cause
en application de l'Accord SPS.
3. Affaire Japon - Produits
agricoles : les conditions de mise en oeuvre et de maintien des
mesures41(*)22 février
1999.
Dans cette affaire, les Etats-Unis mettaient en cause
l'interdiction d'importation de produits agricoles (essentiellement des fruits
tels que les pommes, cerises, pêches, abricots, poires, prunes,
châtaignes...) sur le fondement de la loi japonaise du 4 mai 1950 telle
que modifiée en 1996 relative à la protection des plantes. Ces
fruits en effet pouvaient véhiculer une maladie contagieuse et
infectieuse requérant au Japon des mesures de quarantaine. Cette
interdiction pouvait toutefois être levée si le pays exportateur
prouvait qu'il proposait un traitement assurant un niveau de protection
équivalent à la mesure d'interdiction.
Dans son rapport, le Groupe spécial condamne le Japon,
notamment pour avoir maintenu des exigences de test sanitaire non conformes
à son obligation aux termes de l'article 2.2 de l'Accord SPS qui
requiert que des mesures phytosanitaires ne soient pas utilisées sans
qu'il y ait une évaluation scientifique suffisante.
Ces mesures étaient, de fait, plus restrictives au
regard des règles de l'Accord SPS que celles requises pour maintenir un
niveau approprié de protection phytosanitaire, en prenant en compte leur
fiabilité technique et économique.
L'Organe d'appel, répondant à un argument du
Japon, réitère ses conclusions sur le principe de
précaution qui ne peut être utilisé pour justifier des
mesures sanitaires incompatibles avec l'Accord SPS. Il confirme ensuite la
conclusion selon laquelle les tests imposés n'étaient pas
fondés sur une évaluation scientifique suffisante, que les tests
par produit seraient une méthode alternative adéquate, ce qui
n'est pas un argument recevable par l'Organe d'appel.
En fait, l'Organe d'appel dans cette affaire va utiliser la
conception américaine de l'incertitude scientifique. Selon lui les
informations scientifiques pertinentes sont insuffisantes si elles ne
permettent pas de procéder à une évaluation satisfaisante
du risque. De ce fait, l'Organe d'appel condamne les mesures japonaises.
Pour de nombreux auteurs, il semble que le raisonnement de
l'Organe d'appel ait fermé la porte à la reconnaissance du
principe de précaution par l'OMC42(*). En effet, l'exigence générale d'une
évaluation objective des risques, même en situation d'incertitude
scientifique, est contraire à l'élément essentiel qui
compose le principe de précaution qui est le doute et qui est la
composante inhérente de ce principe. Le principe en question trouve
à s'appliquer justement quand il est impossible de procéder
à une évaluation objective des risques.
4. Affaire CE - Amiante43(*) : une consécration du
principe ?
Depuis quelques années, la France a mis en place un
programme de désamiantage des bâtiments, l'amiante étant
connue pour avoir des conséquences néfastes et pour tout dire
mortelles sur la santé humaine. Les édifices construits avec de
l'amiante doivent donc être remplacés par des produits similaires
qui n'en contiennent pas. Or le Canada est le plus gros fournisseur de la
France et de la Communauté Européenne en matière
d'amiante. Le Canada a donc déposé une plainte devant l'ORD sur
le fondement de l'obligation du traitement national et a affirmé que la
fibre d'amiante qu'il produisait ne présentait pas de risque
identifiable pour la santé humaine.
Dans la mesure où la prohibition des importations
était permanente et que le risque sanitaire était certain, la
Communauté européenne ne fonda pas son raisonnement sur
l'articles 5.7 de l'Accord SPS mais utilisa les dispositions
susmentionnées à savoir l'Article XX du GATT et l'Accord sur les
Obstacles Techniques au Commerce.
C'est en réalité l'Organe d'appel qui va
utiliser le principe de précaution comme un standard pour son
raisonnement juridique. Selon lui, et suivant la même logique que celle
utilisée dans l'affaire du boeuf aux hormones, « les
gouvernements responsables doivent agir de concert et avec précaution et
prudence en ce qui concerne les risques de dommages irréversibles, voire
mortels pour la santé des personnes ». Dans cette affaire et
en matière d'amiante, il est évident que les risques mortels
étaient bien présents et que les Etats devaient agir vite. La
mesure immédiate de restriction aux importations prise par la France ne
nécessitait selon l'Organe d'appel aucun délai et il était
de fait inutile pour la France de perdre du temps à envisager d'autres
possibilités de mesures alternatives. Pour reprendre les termes de
l'Organe d'appel dans son rapport : « le principe
sous-jacent est celui de précaution : le dommage est
irréversible et l'analyse scientifique conduit à penser qu'il
existe un risque substantiel ; attendre pour agir est de fait
inapproprié ».
L'exigence requise par les décisions de l'OMC n'est
donc pas la preuve d'un lien avéré entre le produit
réglementé et le dommage redouté, mais simplement
l'exigence d'un lien raisonnable, d'une relation logique entre les
résultats de l'évaluation et la mesure adoptée. Il n'est
donc pas nécessaire, pour adopter une mesure sanitaire, de
démontrer par une preuve scientifique qu'un produit présente un
risque sanitaire certain. Il suffit d'avoir vérifié qu'un risque
est possible et s'il est nécessaire de vérifier ce risque par la
méthode scientifique, il suffit qu'un courant scientifique même
minoritaire formule l'hypothèse d'un risque. C'est ce qui a
été affirmé dans l'affaire des Hormones. On se
retrouve alors ici dans les mêmes exigences que celles prescrites pas le
droit interne ou le droit communautaire à savoir que la
plausibilité d'un risque est l'unique condition à la mise en
oeuvre des mesures de précaution44(*).
Evidemment, ce raisonnement est un peu rapide et la situation
au sein de l'OMC est nettement plus complexe. L'affaire de l'amiante a
montré que le principe de précaution au sein de l'OMC
n'était en aucun cas limité aux dispositions de l'accord SPS
relatives à une éventuelle incertitude scientifique. Il s'agit
peut-être de la part de l'Organe d'appel d'une reconnaissance du fait que
très souvent les informations ne sont pas toujours disponibles et que
les décisions sont prises selon les connaissances utilisables. Il semble
dans tous les cas que la jurisprudence de l'Organe d'appel n'ait pas
souhaité, et cela toujours eu égard à la
multiplicité des définitions du principe, intégrer tel
quel un principe dont on ignore encore la portée exacte.
Néanmoins, ce principe pourrait trouver sa place en
tant qu'instrument d'interprétation et d'analyse pour l'Organe d'appel
lorsqu'il doit trancher des litiges. En d'autres termes, il pourrait et est
déjà considéré par certains auteurs45(*) comme un standard de
« raison » en cas de risques graves et
d'incertitude46(*).
Conclusion de la section 1 :
Même si le principe de précaution est sur toutes
les lèvres, il est évident qu'il n'est pas encore
complètement intégré dans les systèmes de droit.
Ses contours sont encore flous, sa pratique maladroite, et sa
compréhension parfois difficile. Certains auteurs dénoncent
même son utilisation irrationnelle par les politiques risquant de
perturber son évolution et sa marche vers la consécration d'un
principe de droit international à part entière47(*). Le principe de
précaution doit donc encore faire ses preuves et faire l'objet d'un plus
grand consensus au risque de servir de prétexte à la naissance de
plusieurs litiges, qui n'aboutirait pas forcément à l'unification
d'une conception de ce principe. Cependant, il n'est pas impossible que l'OMC
reconnaisse ce principe au cours de la conférence de Cancun comme le
souhaiteraient certains politiques48(*).
Section
2 Le principe de préservation de la diversité biologique.
Jusqu'à une date récente le droit n'avait pas
pris en compte la protection de la diversité biologique49(*) en tant que telle, en dehors
de la protection d'un « milieu »50(*). La Déclaration de la
Conférence des Nations Unies sur l'environnement, déroulée
à Stockholm en 1972, avait simplement insisté sur la
nécessaire préservation de la capacité du globe à
produire des ressources renouvelables, et la Recommandation 43 du plan d'action
demandait aux gouvernements de favoriser l'établissement de
réserves génétiques d'espèces sauvages. C'est
à partir de 1980 que, comprenant les enjeux énormes, les juristes
vont s'attacher à la protection de la biodiversité pour
elle-même. La Charte mondiale de la nature, du 28 octobre 1982,
réaffirme cette évolution et fait en même temps un pas en
avant, car après avoir proclamé dans son préambule que
« toute forme de vie est unique et mérite d'être
respectée, quelle que soit son utilité pour l'homme »,
la Charte déclare :
« La viabilité génétique de
la Terre ne sera pas compromise ; la population de chaque espèce,
sauvage ou domestique, sera maintenue au moins à un niveau suffisant
pour en assurer la survie ; les habitats nécessaires à cette
fin seront sauvegardés » (principe 2).
« Ces principes de conservation seront
appliqués à toute partie de la surface du globe, terre ou
mer ; une protection spéciale sera accordée aux parties qui
sont uniques, à des échantillons représentatifs de tous
les différents types d'écosystèmes et aux habitats des
espèces rares ou menacées » (principe 3).
C'est ainsi que l'on voit apparaître par la suite
plusieurs AME relatifs à la protection de la biodiversité
(I) dont certaines dispositions peuvent toutefois entrer en
conflit avec les accords de l'OMC notamment avec l'Accord ADPIC
(II).
I. LA DIVERSITE BIOLOGIQUE
DANS LES AME.
Plusieurs conventions internationales environnementales
concernent directement ou indirectement la diversité biologique. La plus
importante en la matière est sans aucun doute la Convention de Rio sur
la diversité biologique (A). Cependant d'autres
conventions, par la nature de leurs objectifs, tendent à
préserver cette diversité biologique (B).
A. La Convention de Rio de
1992.
La Convention de Rio sur la diversité biologique du 5
juin 1992, préparée par le comité de négociation
intergouvernemental à partir de 1991 et qui réunit 182 Etats
parties51(*),
définit la diversité biologique comme étant
« la variabilité des organismes vivants de toute origine y
compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et
autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques
dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des
espèces et entre les espèces ainsi que celle des
écosystèmes »52(*).
Aux fins de son article 1er, l'objectif assigné de la
convention est triple : il recouvre la promotion de la
« conservation de la diversité biologique, l'utilisation
durable de ses composantes et le partage juste et équitable des profits
tirés de l'utilisation des ressources
génétiques ».
Pour certains, l'un des mérites de cette Convention
est de fournir une vision globale regroupant tous les aspects de la
diversité biologique et de créer un cadre mondial consolidant les
différents concepts et acquis juridiques en matière de
biodiversité53(*).
Pour d'autres, au contraire, cette convention, malgré
ses aspects positifs qui sont de donner une définition de la
diversité biologique, d'introduire dans son préambule le principe
de précaution et celui de l'utilisation durable, marque « la
banalisation de la biodiversité », devenue « simple
élément du commerce extérieur des Etats »
puisque ceux-ci ont le droit souverain d'exploiter leurs propres
ressources54(*). En effet,
les principes de conservation énoncés, tels que la
création de zones protégées et de zones où des
mesures spéciales doivent être prises (art.8) ont une
portée réduite, car ces principes sont établis par les
Parties « dans la mesure du possible et selon qu'il
conviendra ». A. Kiss et J.P Beurier ainsi que S. Maljean-Dubois
dénoncent même l'idéologie utilitariste et les principes
mercantiles qui meuvent la Convention. Selon eux, les institutions
établies au sein de la Convention « s'intéressent
tout autant, sinon davantage, à l'exploitation des ressources
génétique, qu'à la conservation de la
biodiversité »55(*). D'autres auteurs encore, vont jusqu'à
dénoncer l'assimilation de la biodiversité à une
marchandise puisqu'ils déclarent : « la
biodiversité est une simple question de ressources
génétiques dont il s'agit de tirer les bénéfices
les plus élevés possibles »56(*).
Cependant, à première vue, la convention semble
adopter une « approche novatrice »57(*) en matière de
biodiversité, car elle contient des dispositions relatives à
l'accès aux ressources génétiques et au partage des
avantages découlant de leur utilisation.
1. L'accès aux
ressources génétiques.
La convention rappelle le principe de souveraineté de
l'Etat sur ses ressources naturelles58(*). Ainsi, selon l'article 15 de la convention :
« Etant donné que les Etats ont droit de souveraineté
sur leurs ressources naturelles, le pouvoir de déterminer l'accès
aux ressources génétiques appartient aux gouvernements et est
régi par la législation nationale » (§1). Cet
accès est « soumis au consentement préalable
donné en connaissance de cause de la Partie contractante qui fournit
lesdites ressources, sauf décision contraire de cette partie »
(§5). Ces dispositions soustraient donc la diversité biologique au
concept de patrimoine commun de l'humanité dont les pays en
développement et les pays développés redoutaient les
implications59(*).
2. Le partage des
avantages.
Pour assurer le « partage des avantages »,
chaque partie « prend les mesures législatives,
administratives ou de politique générale
appropriées » ; le partage doit s'effectuer
« selon les modalités mutuellement convenues » (art.
15 § 7). Par delà les initiatives contractuelles, les parties ont
une obligation plus générale d'assurer et/ou faciliter
l'accès aux technologies nécessaires et le transfert de ces
technologies (art. 16 § 1). Les pays en développement doivent
bénéficier des « conditions justes et les plus
favorables » (§2). Les parties doivent à cet égard
« comme il convient, les mesures législatives, administratives
ou de politique générale voulues » (§3), y compris
pour que « le secteur privé facilite l'accès à
la technologie (...) sa mise au point conjointe et son transfert au
bénéfice tant des institutions gouvernementales que du secteur
privé des pays en développement » (§4).
B. Les autres
conventions.
1. La Convention de Berne de
1979.
La Convention sur la conservation de la vie sauvage
et des habitats naturels de l'Europe a été signée à
Berne (Suisse) le 19 septembre 1979 et est entrée en vigueur le
1er juin 1982.
Les dispositions essentielles de la Convention visent à
la fois la protection des espèces et la protection des habitats, ce qui,
au moment où la Convention a été rédigée,
était une évolution majeure par rapport à une pratique de
la conservation de la nature qui restait essentiellement centrée sur la
seule protection des espèces menacées.
En ce qui concerne les espèces (article 5 à 9),
la Convention assure une protection stricte à plus de 600 espèces
de plantes énumérées en son annexe I et à plus de
700 espèces animales énumérées en son annexe II
(dont 111 espèces de mammifères, 363 espèces d'oiseaux, 84
espèces de reptiles...etc.). De plus, la Convention réglemente
l'exploitation des espèces de la faune protégées qui sont
énumérées en son annexe III. Enfin, l'utilisation des
moyens non sélectifs de mise à mort et de capture, dont la liste
est reprise à l'annexe IV de la Convention, est aussi interdite par la
Convention. Il faut noter toutefois que l'article 9 de la Convention
prévoit un certain nombre de dérogations à ces mesures
d'interdiction.
On peut donc constater que cette convention participe à
la préservation de la diversité biologique au même titre
que la Convention de Rio, et ne se pose pas en concurrente de celle-ci mais
plutôt comme une application de la Convention de Rio au plan
régional européen.
2. La Convention relative
aux zones humides d'importance internationale de 197160(*).
Cette convention a été signée à
Ramsar en Iran, le 2 février 1971 et est entrée en vigueur le 21
décembre 1975. Elle compte 85 parties61(*). Cette convention considère que l'habitat des
espèces à conserver doit être protégé tout
autant que l'espèce elle-même. L'objectif primitif était de
conserver les sites servant d'habitat à des oiseaux aquatiques.
Aux termes de la convention, chaque Partie contractante devra
désigner au moins une zone humide au moment de signer la convention ou
de déposer son instrument de ratification ou d'adhésion.
3. La Convention de
l'Unesco concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et
naturel62(*).
Cette convention a été adoptée par la
Conférence générale de l'Unesco en novembre 1972 et
comptabilise plus de 142 parties63(*). De vingt ans plus âgée que la
Convention de Rio, elle est considérée en général
comme précurseur dans le domaine de la préservation de la
diversité biologique. En effet, l'article 2 de la convention
définit les critères selon lesquels les biens culturels et
naturels pourront être inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial. Parmi
ces critères, deux concernent la diversité biologique. Il
s'agit :
ii. des exemples éminemment
représentatifs de processus écologiques et biologiques en
cours ; et
iv. des habitats naturels les plus
représentatifs et les plus importants pour la conservation in
situ de la diversité biologique.
Un autre critère peut concerner la diversité
biologique. Il s'agit de celui de paysage culturel, qui a été
élaboré assez récemment ; il est destiné
à protéger les « oeuvres conjuguées de l'homme
et de la nature », et les paysages ainsi désignés sont
le plus souvent le lieu de techniques traditionnelles d'utilisation des terres,
dont la protection est utile pour le maintien de la diversité
biologique.
II. L'ARTICULATION AVEC
L'ACCORD ADPIC.
La seule convention tenant à la diversité
biologique et susceptible de poser des problèmes d'articulation avec
l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle
qui touchent au commerce est la Convention de Rio de 1992. En effet, celle-ci
est structurée autour des droits de la propriété
intellectuelle alors que l'ADPIC est caractérisé par une
autonomie singulière en la matière. Autonomie d'une part en
raison de l'ordre juridique auquel il appartient : celui de l'OMC, dans
lequel persiste le problème de la conciliation entre commerce et
environnement. Autonomie d'autre part en raison de la logique même de la
propriété intellectuelle, caractérisée par son
cloisonnement.
Alors comment peut s'articuler la CDB avec l'Accord
ADPIC ?
Selon certains auteurs64(*), une conciliation entre les deux instruments semble
envisageable, c'est que nous étudierons dans une seconde sous partie
(B). Auparavant nous nous efforcerons de démontrer la
fragilité de la CDB (A).
A. L'apparente
fragilité de la Convention sur la diversité biologique.
Selon certains auteurs65(*), la CDB fait montre d'une certaine fragilité
dès la lecture de celle-ci. Pour d'autres, la convention comporte
plusieurs ambiguïtés66(*). Pour C. Noiville, la Convention se rattache trop aux
droits de la propriété intellectuelle, et pour S. Maljean-Dubois,
l'ambiguïté de la convention réside dans le fait qu'elle
reconnaît le principe de souveraineté des Etats sur leurs
ressources naturelles, en ouvrant largement en pratique l'accès aux
ressources génétiques à l'ensemble des Etats, tout en
prévoyant le « partage des avantages ». En effet, la
CDB, tel qu'elle est rédigée, pense que le rattachement de la
biodiversité aux droits de la propriété intellectuelle est
une chance et un soutien à ses objectifs. Selon la CDB, les droits de
propriété intellectuelle stimuleraient le commerce sur la
diversité biologique et opérerait ainsi un effet
d'entraînement des politiques de conservation et d'utilisation durable
par les Etats du Sud.
La CDB prévoit ainsi deux manières d'allier
biodiversité et propriété intellectuelle. D'une part,
grâce à un cadre contractuel, par lequel il y aurait un partage
des droits de propriété intellectuelle entre pays fournisseur de
matériel génétique et celui l'aidant à mettre au
point une innovation (le prospecteur). D'autre part, grâce à un
cadre institutionnel, et ce de deux façons : premièrement
par un accès privilégié des pays fournisseurs de
matériel génétique aux techniques brevetées, ce qui
signifie un transfert obligatoire des technologies brevetées. Tel est
ainsi le sens de l'article 16 de la Convention qui
dispose : « Chaque Partie contractante s'engage
à assurer et/ou à faciliter à d'autres parties
contractantes l'accès à la technologie et le transfert de
celle-ci, y compris à la technologie protégée par des
brevets et autres droits de la propriété intellectuelle, à
des conditions justes et les plus favorables, y compris à des conditions
de faveur et préférentielles ».
La seconde façon serait de créer un nouveau
droit de la propriété intellectuelle au profit des populations
autochtones, c'est à dire inciter les Etats à reconnaître
ou protéger les savoirs locaux (art. 8 alinéa j).
Les deux auteurs ici se rejoignent, car selon eux, cette
volonté de la convention de créer un droit de
propriété intellectuelle pour protéger les technologies et
savoirs traditionnels est illusoire pour l'un67(*) et utopique pour l'autre68(*). Ils sont tous deux d'accords
pour affirmer que les dispositions de la convention s'avèrent
insuffisamment précises et contraignantes quant au « partage
des avantages » entre pays du Nord et du Sud. Ces dispositions ne
garantissent pas la participation, après la réalisation des
produits dérivés, des pays en développement aux
bénéfices de l'exploitation, qu'elles se contentent d'encourager.
Toutefois malgré ces incohérences du
système adopté par la convention, C. Noiville considère
qu'une articulation semble possible entre elle et l'accord ADPIC
B. Une articulation
possible entre l'Accord ADPIC et la CDB.
Les deux instruments ne poursuivent pas le même
objectif, et il n'est pas étonnant que la lecture de leurs contenus
respectifs mette en évidence certaines incompatibilités de
principe. Là où la convention sur la biodiversité parait
être fondée sur les notions de bien commun, sur la
nécessaire protection de la diversité biologique et de relations
Nord/Sud équilibrées, l'accord ADPIC met l'accent sur la
protection des innovations et les principes du commerce international69(*). Ainsi, lorsque la Convention
tente d'organiser le « partage des avantages », l'Accord
ADPIC n'y fait aucune référence70(*). Quand la convention exige le consentement
préalable de l'Etat à l'accès aux ressources biologiques,
pour lutter contre la biopiraterie, l'Accord ADPIC en ne réglementant
pas la question pourrait tout au contraire favoriser la biopiraterie71(*).
Toutefois, les relations de la convention sur la
diversité biologique avec l'Accord ADPIC ne semblent pas
condamnées à être appréhendées en terme
d'opposition.
Selon S. Maljean-Dubois, l'articulation entre la convention et
l'Accord ADPIC est envisageable du fait que celle-ci ne rejette pas en bloc les
droits de propriété intellectuelle puisque son article 16 insiste
au contraire sur la nécessité de leur « protection
adéquate et effective ». De plus, l'accord ADPIC va dans le
sens de la convention à certains égards. Son article 28
prévoit par exemple la possibilité de contrats de licence, qui
peuvent être le support de transferts de technologie. Son article 66
incite au transfert de technologies vers les pays les moins avancés, qui
peut prendre la forme de licences imposées72(*). L'accord ADPIC repose ici sur
les solutions contractuelles, dans le prolongement de la Convention de Rio.
Selon C. Noiville, deux raisons peuvent être
évoquées à l'appui de cette possible articulation. La
première tient aux dispositions de l'ADPIC. Un avantage peut
éventuellement être tiré de celles-ci. La seconde tient aux
bouleversements institutionnels et à moyen terme juridiques
engendrés par l'existence de ce texte. Selon M.A Hermitte73(*), jusqu'à l'adoption de
l'ADPIC, la question de l'adaptation des droits de propriété
intellectuelle aux particularités des pays en développement avait
fait l'objet d'un certain blocage par l'OMPI, alors unique organisation
internationale dans le domaine des brevets d'invention. L'ADPIC change les
choses puisqu'il contraint les pays en développement à
« rentrer dans le système » et donc à faire
partie de l'OMPI. L'OMPI se voit donc contrainte de réfléchir
à la manière de trouver un compromis ente un système rendu
universel par l'OMC et les besoins hétérogènes des Etats.
Ainsi les revendications des pays en développement doivent
désormais être prises en compte. L'ADPIC conduit à une
recomposition institutionnelle favorable à la recherche de solutions
propres aux pays en développement et favorables au maintien de leur
biodiversité.
On peut citer un exemple qui illustre la tension entre la CDB
et l'ADPIC et qui pourtant semble démontrer qu'une conciliation est
possible. Il s'agit de la propriété intellectuelle et de la
valorisation des ressources génétiques locales. Selon C.
Noiville74(*), la
propriété intellectuelle peut constituer un moyen de valorisation
de telles ressources. Il s'agit d'un droit sui generis, et non de la
propriété intellectuelle actuelle. Comment concevoir ce
dernier ? Ce droit serait reconnu sans titre à solliciter, il
serait inaliénable et imprescriptible. S'agissant ensuite des conditions
d'existence du droit, les connaissances seraient protégées
seulement si elles sont fixées sur un support matériel (par
ex. : des registres locaux ou bases de données locales de savoirs
traditionnels). L'accès à ces bases de données serait
subordonné à la conclusion d'un accord prévoyant les
conditions d'utilisation de ces données, en particulier leur
rémunération. Enfin, s'agissant de la titularité des
droits, une telle propriété intellectuelle serait collective.
Cependant, certaines difficultés politiques devront être
dépassées dont une majeure, celle du contrôle.
L'institution d'un droit de propriété intellectuelle n'a en effet
de sens que s'il est accompagné d'un contrôle des
éventuelles utilisations non autorisées des savoirs locaux. Les
offices de brevets ont un rôle essentiel ici : si une demande de
brevet est sollicitée dans un pays quel qu'il soit, l'office de brevet
doit pouvoir soit demander l'origine géographique de la ressource, soit
consulter les bases de données de savoirs locaux afin de vérifier
si l'un d'entre eux a contribué à la mise au point de l'invention
dont la protection est demandée. Cependant pour que toute
velléité de contrôle ne soit pas d'avance un échec,
encore faut-il que tous les offices de brevets opèrent ce rôle de
relais avec la CDB. Enfin une autre question reste en suspens : celle du
partage du droit de propriété intellectuelle entre les
populations du pays fournisseur du matériel génétique et
celles du pays d'origine de ce même matériel75(*).
Pour conclure on peut dire que le conflit entre l'accord ADPIC
et la Convention de Rio n'est qu'apparent. Les deux instruments apparaissent
finalement complémentaires, toutefois il serait préférable
que l'Accord ADPIC et la Convention soit reliés matériellement,
que leurs institutions respectives travaillent de concert, par exemple en
accordant un statut d'observateur à la Conférence des Parties
à la convention au sein du Conseil de l'ADPIC, statut dont elle est en
attente.
CHAPITRE
2 LES REGLES COMMERCIALES DANS LES AME.
L'une des caractéristiques du droit international de
l'environnement est la multiplication des accords bilatéraux et
multilatéraux. Ils portent soit sur l'environnement en
général, soit sur des domaines qui le composent. Toutefois, si on
peut analyser ces accords en terme bilatéraux ou multilatéraux,
une autre classification en deux catégories plus strictes et
précises par rapport à son objet permet de mieux les
appréhender. La première concerne les règles
générales de protection de l'environnement c'est à dire
celles qui renvoient à tous les aspects de l'environnement : de la
protection de l'air et de l'atmosphère à la protection de la
nature et à la conservation des ressources naturelles en passant par la
protection du milieu marin etc. Ils lient de façon plus ou moins
sérieusement bon nombre d'Etats, en ce sens que les principes qu'ils
posent ont une certaine valeur coutumière indéniable mais aucune
sanction ne sera infligée à un Etat qui violerait ses obligations
issues de ces accords. La seconde concerne uniquement un des domaines de
l'environnement et lie un nombre plus ou moins restreint des Etats.
Qu'ils s'agissent des règles générales ou
spécifiques, les récents accords sur l'environnement sont
porteurs de normes qui défient celles régissant le commerce
international. Dès lors, il se pose la question de leur affirmation
mutuelle et plus précisément de leur compatibilité. C'est
le cas notamment de la CITES (Section 1), du Protocole de Montréal
(Section 2) et de la Convention de Bâle sur le contrôle des
mouvements transfrontières de déchets dangereux (Section 3).
Section
1 La CITES.
Jusqu'à une période relativement récente,
il était établi que le commerce des produits de base (les bois
tropicaux, des espèces de la faune et de la flore) source de devises
notamment pour des pays pauvres, pouvait porter atteinte à leur
conservation. Suite à ce constat, le commerce des espèces issues
de la faune et de la flore devait être réglementé par la
CITES (la Convention sur le commerce international des espèces sauvages
de la flore et de la faune menacées d'extinction, 1973)76(*). Il s'agit de l'exemple
typique d'accords internationaux agissant sur le commerce international dans un
but environnemental. Entrée en vigueur en 1975, elle a pour objectif
majeur de protéger certaines espèces de la faune et de la flore
en voie d'extinction, de surexploitation par suite du commerce international.
Pour ce faire, elle instaure un système de contrôle et de
réduction des échanges internationaux desdites espèces. Ce
système se présente en deux volets, d'une part elle accorde une
protection élevée aux espèces menacées d'extinction
en les interdisant au commerce, d'autre part pour les espèces qui font
l'objet d'une exploitation commerciale et qui ne sont pas pour le moment
menacées mais pourraient l'être, elle fait en sorte qu'elles ne le
deviennent pas, tout en empêchant une activité économique
lucrative pour les exportateurs.
Afin d'atteindre ses objectifs, la CITES a institué un
régime d'autorisation. Cette technique consiste en
l'établissement de trois catégories d'espèces
protégées aux régimes différents.
I. MECANISME DE CONTROLE DU
COMMERCE INTERNATIONAL DE LA FAUNE ET DE LA FLORE.
L'objectif principal de la CITES est de protéger les
espèces de la faune et de la flore menacées d'extinction en
contrôlant et en réduisant au maximum leurs échanges. Par
cet interventionnisme, les régimes juridiques de la CITES paraissent
dans leurs grandes lignes en conflit avec ceux de l'OMC. Il se manifeste plus
concrètement, par des restrictions au commerce des espèces
inscrites dans les annexes I (A), II (B) et
III (C).
A. L'annexe I : le
commerce interdit.
L'annexe I77(*) de la CITES énumère les espèces
menacées d'extinction immédiate. Au terme de l'article 2
alinéa 1, ces espèces sont interdites au commerce. En clair,
elles bénéficient d'une protection particulièrement
stricte les excluant du commerce international, facteur évident de leur
surexploitation. Il s'agit particulièrement de deux catégories
d'espèces : celles qui sont effectivement menacées
d'extinction, et celles qui sont potentiellement affectées par le
commerce international.
Cependant il peut paraître difficile de
déterminer quand une espèce peut être
considérée comme menacée d'extinction.
L'annexe I recense actuellement environ 60078(*) espèces animales et
végétales menacées de disparition. On y trouve par exemple
des mammifères (primates, tels que les grands singes, les grandes
baleines, les dauphins, les chats tachetés, éléphants
d'Asie) des oiseaux, des reptiles, des poissons et des mollusques, des
félins. Les espèces végétales englobent certains
cactus et orchidées, ainsi que le bois rose du Brésil.
A côté de ce régime juridique rigoureux,
relatif aux espèces inscrites à l'annexe I, il existe un autre
régime moins rigoureux mais qui nécessite une attention
particulière. Catégorie charnière entre l'annexe I et III,
l'Annexe II est assez révélatrice de l'état de
l'environnement, plus particulièrement de l'augmentation ou de la
réduction de la menace qui pèse sur telle espèce.
B. L'Annexe II : le
commerce réglementé.
L'article II alinéa 2 et 4 et l'article IV
alinéa 1-7 se rapportent à la deuxième catégorie
des espèces, c'est à dire celle qui comprend les espèces
qui, sans être menacées, courent le risque d'extinction à
court terme. Par extension, on y inscrit aussi les espèces qui, du fait
de leur ressemblance avec les précédentes, pourraient être
facilement confondues avec elles (article II alinéa 2). C'est la
catégorie la plus sensible, celle qui retient le plus l'attention de la
Conférence des Parties, parce que l'idée qui prédomine
dans la CITES c'est l'idée de préservation. Le souci principal
est d'éviter de voir s'agrandir la liste de l'Annexe I. C'est pourquoi
on peut remarquer, en revanche, qu'elle comprend un nombre d'espèces
beaucoup plus élevé que celles inscrites dans l'Annexe I.
Bien que moins rigoureux que le commerce des espèces de
la première annexe, celui des espèces inscrites en Annexe II,
sans être interdit, est néanmoins strictement
réglementé. Il est en fait soumis à la délivrance
d'un permis CITES à l'exportation et à l'importation dont le but
est de contrôler le volume des spécimens vendus. Toutefois,
contrairement à la délivrance des permis pour le commerce
international des espèces de l'Annexe I, celle relevant de l'Annexe II
est quasi automatique. Cependant si l'exigence préalable du permis
d'importation n'est pas nécessaire en ce qui concerne leur importation,
la présentation du permis d'exportation ou d'un certificat de
réexportation est tout de même indispensable. Le pays importateur
ne peut pas laisser entrer sur son territoire des spécimens si le permis
d'exportation ou le certificat de réexportation ne lui ont pas
été préalablement présentés.
Ainsi, l'esprit en ce qui concerne les espèces de
l'Annexe II consiste à en autoriser les transactions tout en intervenant
lorsque le volume desdites espèces devient incompatible avec le maintien
de leurs effectifs à un niveau suffisant. On y trouve
répertoriés environ 4000 animaux et plus de 25 000
espèces végétales79(*) qui ne sont pas forcément menacés
d'extinction à l'heure actuelle, mais qui peuvent le devenir si leur
commerce n'est pas soumis à une réglementation stricte
empêchant une exploitation incompatible avec leur survie. On y trouve
également des espèces « ressemblantes » qu'il
est nécessaire de contrôler pour protéger efficacement les
espèces du premier groupe.
L'Annexe comprend par exemple les cétacés, ours,
félins et hippopotames ; les oiseaux de proie diurnes,
perroquets et oiseaux apparentés ; crocodiles et les varans ;
les cobras d'Asie ; les bénitiers etc.
L'inscription d'une espèce à l'Annexe III est en
revanche tributaire de la libre appréciation de chaque Etat et non en
raison de son extinction imminente. Le régime de cette annexe est celui
d'un commerce simplement contrôlé.
C. L'Annexe III : le
commerce contrôlé80(*).
La Convention permet aux Parties de faire appliquer à
certaines de leurs espèces (non inscrites à l'Annexe I et
à l'Annexe II) leur propre législation par simple décision
unilatérale. En effet, étant donné que les besoins en
matière de protection de la faune et de la flore ne sont pas identiques
dans tous les Etats, certains d'entre eux sont disposés plus que
d'autres à protéger spécifiquement telle ou telle
espèce plus ou moins menacée. Ils peuvent, soit individuellement
soit de façon concertée avec d'autres, procéder au
contrôle du commerce desdites espèces à l'image de celle
inscrite à l'annexe I et à l'annexe II.
Par conséquent, l'exportation d'un spécimen
inscrit à l'annexe III nécessite la délivrance d'un permis
d'exportation. Celle-ci est délivrée à deux
conditions : premièrement, le spécimen ne doit pas
être obtenu en contravention à la législation du pays
d'exportation. Deuxièmement, s'assurer qu'il ne sera pas
maltraité. En outre, tout Etat importateur d'un spécimen inscrit
dans l'annexe III est tenu de présenter un certificat d'origine visant
à prouver que ce dernier ne provient pas d'un Etat ou des Etats l'ayant
inscrit à l'annexe III. Mais si l'importation avait lieu en provenance
d'un Etat qui a inscrit ladite espèce à l'Annexe III, l'Etat
importateur devra présenter préalablement un permis
d'exportation. Mais avant toute chose les Etats qui s'engagent à une
telle restriction doivent, au préalable déclarer au
secrétariat de la Convention leur désir d'inscrire de telles
espèces à l'annexe III. La même procédure est
recommandée lorsqu'un Etat manifeste le désir d'effectuer le
retrait d'une espèce qui y est inscrite (Article XVI).
D. Le cas du commerce
autorisé : les exceptions.
Il existe deux types d'exceptions en ce qui concerne la
discipline de la CITES. Le premier, que nous pouvons qualifier
d' « ordinaire », est relatif à l'obtention
d'un permis d'exportation et d'importation délivré par les
autorités scientifiques et administratives des deux pays
concernés. Celles-ci doivent prouver que de telles transactions ne
nuisent pas à la survie des espèces en question et qu'elles
respectent bien les lois du pays d'exportation (article 3 de la convention).
Cependant, si ces permis sont délivrés dans des conditions assez
rigoureuses, ils le sont de façon quasi automatique pour les
espèces inscrites dans l'Annexe II. Cela n'exclut pas pour autant un
certain contrôle quant au commerce desdites espèces. Le pays
importateur ne peut pas, par exemple, laisser entrer sur son territoire des
spécimens si le permis d'exportation ou le certificat de
réexportation ne sont pas préalablement présentés.
L'autorité scientifique du pays d'exportation doit aussi avoir la preuve
que, dans le cas d'un spécimen vivant, le destinataire a des
installations adéquates pour le conserver et le traiter avec soin et
qu'il ne s'agit pas d'une importation à des fins principalement
commerciales.
Le deuxième type d'exceptions
« spécifiques » est prévu à l'article
VII de la Convention : dérogations et autres dispositions
particulières concernant le commerce. Il énumère une
série de dispositions permettant l'adaptation des engagements
conventionnels des Etats à certaines situations particulières. Il
s'agit par exemple des dérogations pour des espèces
élevées en captivité, des spécimens servant de
prêts ou de donation et d'échange à des fins non
commerciales, entre hommes de science et des institutions
scientifiques81(*) etc. A
tous ces spécimens, la Convention prévoit que les articles III,
IV et V ne leur sont pas applicables à condition que l'organe de gestion
de l'Etat d'exportation leur délivre un certificat à cet effet.
L'alinéa 7 du même article autorise l'organe de gestion de l'Etat
d'accorder des dérogations aux obligations des articles II, IV et V et
permet (sans permis ou certificats) les mouvements des spécimens qui
font partie d'un Zoo, d'un cirque, d'une ménagerie, d'une exposition
d'animaux ou de plantes itinérants prévues aux alinéas a,
b et c.
Il existe d'autres exceptions portant sur des spécimens
dits préconventionnés. Il est question ici des spécimens
acquis avant l'entrée en vigueur de la Convention ou avant l'inscription
du spécimen concerné dans une annexe de la convention82(*). Selon les termes de
l'alinéa 2 de l'article VII « lorsqu'un organe de gestion
de l'Etat d'exportation ou de réexportation a la preuve que le
spécimen a été acquis avant que les dispositions de la
présente Convention ne s'appliquent audit spécimen, les
dispositions des articles III, IV et V ne sont pas applicables à ce
spécimen, à la condition que ledit organe de gestion
délivre un certificat à cet effet ». La
détention de ce spécimen, dès lors qu'il a
été acquis avant soit son inscription dans l'une des trois
annexes soit avant l'entrée en vigueur de la Convention n'est pas
illégale. La CITES en contrôle seulement les mouvements
internationaux, notamment en vérifiant leur antériorité
par rapport à l'application des dispositions de la convention. Toutefois
des problèmes peuvent surgir quant au contrôle de ces
spécimens. En effet, la Convention ne détermine pas les moyens
auxquels l'on fera recours en vue de décider de
l'antériorité ou non de ces spécimens. Sur quelle base
va-t-on déterminer la date d'acquisition d'un spécimen afin d'en
établir un certificat de préconvention ?
II. CITES/GATT :
RELATION CONFLICTUELLE.
Telle que se présente la structure normative de la
CITES, c'est à dire en tant qu'instrument réglementant
efficacement et même de façon coercitive des activités
commerciales classiques, il est évident qu'elle ne peut aller sans
enfreindre les règles de base du système commercial international
et notamment du GATT/OMC. Car tandis que la CITES tend à
réglementer et même interdire des transactions commerciales de la
faune et de la flore, le commerce international institue de plus en plus des
régimes de liberté douanière et tarifaires dans la quasi
majorité des domaines de la société83(*). Cette poursuite
d'intérêts divergents peut conduire à des conflits entre la
CITES et le GATT/OMC.
L'article XI, paragraphe I du GATT prohibe les restrictions
quantitatives à l'importation et à l'exportation des Parties
contractantes. Or le régime général de la CITES consiste
en une restriction (contrôle et interdiction) des échanges
internationaux de certaines espèces de la faune et de la flore. Il
semble donc qu'il y ait une atteinte évidente à l'article XI,
paragraphe I84(*).
De plus, les règles de la CITES, comme bon nombre de
conventions environnementales internationales, sont applicables non seulement
entre les Parties (A) mais aussi entre celles-ci et les
non-parties (B).
A. Restrictions
quantitatives entre les parties.
1. Les restrictions à
l'exportation.
Peu d'accords sur la protection de la faune et de la flore
imposent expressément une interdiction absolue d'exporter des
spécimens d'espèces menacées d'extinction ou de leurs
produits dérivés. Par exemple, il n'y a aucune interdiction
absolue d'exportation dans la CITES. Toutefois, les conditions d'obtention
d'une autorisation d'exportation sont, dans le cadre de la CITES, tellement
rigoureuses que cela a pour effet d'imposer une interdiction sur les
exportations de l'Annexe I et II, là où les exportations sont
préjudiciables pour la survie des espèces85(*).
Bien plus typique qu'une interdiction absolue et expresse est
la condition pour l'obtention d'une autorisation d'exporter. Les AME
spécifient habituellement les conditions pour l'obtention d'une
autorisation. Par exemple, pour le cas de la CITES, une autorisation est
possible pour l'exportation d'une espèce de l'annexe II, si
selon l'article IV :
« a) Une autorité scientifique de l'Etat
d'exportation a émis l'avis que cette exportation ne nuit pas à
la survie de l'espèce intéressée ;
b) Un organe de gestion de l'Etat d'exportation a la preuve
que le spécimen n'a pas été obtenu en contravention aux
lois sur la préservation de la faune et de la flore en vigueur dans cet
Etat ;
c) Un organe de gestion de l'Etat d'exportation a la preuve
que tout spécimen vivant sera mis en état et transporté de
façon à éviter les risques de blessures, de maladie ou de
traitement rigoureux. ».
Ces interdictions et restrictions à l'exportation
contenues dans la CITES sont prima facie contraires86(*) à l'article XI.I du
GATT qui dispose :
« Aucune partie contractante n'instituera ou ne
maintiendra à l'importation d'un produit originaire du territoire d'une
autre partie contractante, à l'exportation ou à la vente pour
l'exportation d'un produit destiné au territoire d'une autre partie
contractante, de prohibitions ou de restrictions autres que les droits de
douane, taxes ou autres impositions, que l'application en soit faite au moyen
de contingents, de licences d'importation ou d'exportation ou de tout autre
procédé ».
On pourrait toutefois arguer que les restrictions à
l'exportation des espèces menacées n'entrent pas dans le champ
d'application de l'article XI.I en raison notamment de l'exception de l'article
XI.2 a) qui dispose que les exceptions à la prohibition des restrictions
est autorisée temporairement « pour prévenir une
situation critique due à une pénurie de produits alimentaires ou
d'autres produits essentiels pour la partie contractante exportatrice, ou pour
remédier à cette situation ». Cependant, il
semble peu plausible que l'OMC considère une espèce
menacée comme « essentielle » à la partie
exportatrice, et des restrictions nécessairement longues pour la
protection des espèces ne seront pas perçues comme
« temporairement appliquées »87(*). En revanche, les exceptions
de l'article XX de l'Accord général sont susceptibles de
justifier les restrictions commerciales émises par la convention en
faveur des espèces menacées (cf. infra
2ème partie, Chapitre 1er)..
2. Les restrictions à
l'importation.
De même que peu d'AME relatifs à la protection de
la faune et de la flore comportent des interdictions expresses et absolues
d'exportation, il en va de même pour les importations. Il est plus commun
de conditionner l'importation à l'obtention d'une autorisation
d'importer, et ces conditions à l'obtention d'une telle autorisation
peuvent varier. Le plus souvent, il est demandé que le spécimen
ait été capturé légalement dans l'Etat
d'exportation, ou que l'Etat exportateur ait déterminé que
l'exportation ne sera pas préjudiciable à la survie de
l'espèce.
La compatibilité de ces dispositions avec le GATT est
douteuse. Elles constituent des restrictions quantitatives contraires à
l'article XI.I.
B. Restrictions
quantitatives envers les non-parties.
La CITES restreint le commerce non seulement entre les Etats
parties mais également à l'égard des Etats non-parties.
Ainsi l'exportation d'un spécimen de l'Annexe I envers une non partie
est subordonnée à l'obtention préalable d'une autorisation
d'importer par l'Etat non partie, et cette autorisation d'importer doit
être substantiellement conforme aux conditions requises par la CITES
(article X).
Section
2 Le Protocole de Montréal.
Entré en vigueur le 1er janvier 1989, le
Protocole de Montréal a été adopté le 16 septembre
1987. Actuellement près de 183 Etats y sont parties88(*). A l'origine de son adoption
se trouve la constatation par la Communauté internationale des
émissions à l'échelle mondiale de certaines substances
pouvant appauvrir et modifier de façon significative la couche d'ozone
d'une manière qui risque d'avoir des effets néfastes sur la
santé de l'homme et l'environnement89(*). L'analyse du protocole révèle plus ou
moins exactement des relations conflictuelles qu'il peut y avoir entre le
commerce international et la protection de l'environnement. En effet, le
Protocole de Montréal renferme certaines dispositions qui sont en
réalité des restrictions au commerce international. Ce faisant,
elles s'inscrivent, dans une certaine mesure, en porte-à-faux avec les
règles du commerce international et particulièrement celles du
GATT/OMC90(*).
Le protocole vise à interdire le commerce international
des substances dangereuses et progressivement leur fabrication, principalement
les chlorofluorocarbones (CFC) et pour cela il édicte des restrictions
aux importations (A) et aux exportations (B).
I. RESTRICTIONS AUX
IMPORTATIONS.
L'article 4 du protocole prévoit la
réglementation des échanges commerciaux avec les Etats non
parties. Echelonné dans le temps, les rédacteurs ont
établi un système d'interdictions d'importation vis-à-vis
des pays tiers qui sont les Etats non parties au protocole. Selon la paragraphe
1 de cet article, les parties interdisent l'importation de substances
réglementées c'est à dire celles détruisant la
couche d'ozone en provenance des Etats non parties au protocole.
Selon le paragraphe 3 de ce même article, ce sont les
produits contenant des substances réglementées qui sont
concernés par cette interdiction. Enfin, le paragraphe 4 envisage une
semblable interdiction à l'égard des produits fabriqués
à l'aide de substances réglementées mais qui ne
contiennent pas ces substances.
Ces mesures risquent d'une part d'être contraires
à l'article XI du GATT91(*) car celui-ci interdit les quotas et le refus
d'importer ou d'exporter et, d'autre part elles impliquent des discriminations
arbitraires ou injustifiées, contraires à l'article XIII du Gatt
qui dispose :
« Aucune prohibition ou restriction ne sera
appliquée par une partie contractante à l'importation d'un
produit originaire du territoire d'une autre partie contractante ou à
l'exportation d'un produit destiné au territoire d'une autre partie
contractante, à moins que des prohibitions ou des restrictions
semblables ne soient appliquées à l'importation d'un produit
similaire originaire de tout pays tiers ou à l'exportation du produit
similaire à destination de tout pays tiers ».
Toutefois, le problème majeur posé par le
Protocole est qu'il contient des restrictions fondées sur le processus
de fabrication (article 4.4). Or l'article XIII du GATT et l'Accord OTC font
obstacle à l'application de telles restrictions quand il y a une
distinction envers les produits selon leur mode de fabrication. La GATT
interdit les discriminations fondées sur le mode de fabrication,
entendant ainsi largement la notion de similarité92(*). Cependant il serait peut
être opportun d'opérer une distinction quant au mode de
fabrication sachant que certains produits peuvent détruire la couche
d'ozone.
Cependant on peut noter qu'une réunion des Parties
contractantes a décidé, en 1995, de ne pas poursuivre sa
politique d'interdiction à l'égard des produits fabriqués
à l'aide de substances réglementées mais n'en contenant
pas, parce qu'il parait techniquement impossible d'identifier de tels produits.
Avec cette décision, un conflit juridique du Protocole avec les
règles du Gatt, qui prévoit l'inadmissibilité des
« procédés et méthodes de production »
(PMP) en tant que critère pour restreindre l'accès au
marché, est devenu moins probable93(*).
II. RESTRICTIONS AUX
EXPORTATIONS.
Selon l'article 4.2 du Protocole de Montréal,
« à compter du 1er janvier 1993, les Parties
visées au paragraphe 1 de l'article 5 ne doivent plus exporter de
substances réglementées vers les Etats qui ne sont pas Parties au
présent protocole ». Ces parties sont les pays en
développement qui bénéficient d'une situation
particulière selon l'article 5.1.
De plus selon l'article 4.5, « chacune des
Parties décourage l'exportation de techniques de production ou
d'utilisation de substances réglementées vers tout Etat non
partie au présent protocole ». Afin que ces mesures
soient compatibles avec les dispositions du GATT, il faudra prouver leur
caractère nécessaire et qu'elles ne constituent pas des
restrictions arbitraires ou injustifiées au commerce international (cf.
infra 2nde partie Chap.1).
Section
3 La Convention de Bâle.
Cette Convention fait suite à une
série de résolutions prises par l'OCDE, résolutions qui
invitaient les Etats membres à contrôler les mouvements
transfrontières de déchets dangereux, et à surveiller et
contrôler les exportations de déchets dangereux ayant une
destination finale située hors de la zone de l'Organisation, et
d'interdire les mouvements de tels déchets vers une destination finale
dans un pays non membre sans le consentement de ce pays, et la notification
préalable des mouvements proposés aux pays de transit.
La Convention de Bâle sur le contrôle des
mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur
élimination a été adoptée le 22 mars 1989 et
compte 149 parties94(*).
Elle est une réponse au phénomène de la production
croissante et du transport fréquent de déchets dangereux, afin de
prévenir leurs effets nocifs sur la santé de l'homme et sur
l'environnement95(*).
Elle a de plus le mérite de contenir au niveau mondial la seule
définition de la notion de « déchets
dangereux »96(*)
et énonce les principes fondamentaux concernant la « gestion
écologiquement rationnelle de déchets »97(*). Elle établit un
système de contrôle des mouvements transfrontières de
déchets dangereux qui cherche à dévier la direction de ces
mouvements afin que les déchets ne soient plus uniquement
transportés vers les pays en développement. En effet, l'ensemble
des dispositions concernant la procédure de contrôle vise à
forcer les pays producteurs de déchets à faire marche
arrière en ce qui concerne leurs exportations vers les pays en
développement98(*).
Bien que la convention n'ait pas employé le terme
« commerce », elle contient des mesures environnementales
ayant un caractère commercial pouvant influencer de manière
significative le commerce des matières premières secondaires
puisque cet instrument régule les mouvements transfrontières de
déchets, y compris des déchets recyclables qui sont la cible
actuelle d'un important commerce consolidé au niveau international.
La Convention contient un certain nombre de restrictions sur
les mouvements transfrontières de déchets visant manifestement
à réduire leur nombre. Ces restrictions concernent aussi bien les
Etats parties (I) que les Etats non parties
(II).
I. RESTRICTIONS DES MOUVEMENTS TRANSFRONTIERES ENTRE LES
PARTIES.
La première des obligations générales que
cet instrument adresse aux Etats parties est celle d'interdire l'exportation de
déchets dangereux vers les Parties (B) exerçant
leur droit d'interdire l'importation de déchets (A).
A. Le droit de l'Etat
Partie d'interdire l'importation de déchets dangereux.
L'article 4, paragraphe 1, alinéa a) de la
Convention, confirme le droit des Etats Parties d'interdire l'importation de
déchets dangereux ou d'autres déchets en vue de leur
élimination99(*).
Il s'agit d'une interdiction générale, dans la mesure où
elle s'applique à l'égard de tout Etat, qu'il soit ou non partie
à la Convention. L'exercice de ce droit ne vise pas à justifier
une politique protectionniste du marché national des déchets mais
vise à réduire le nombre de mouvements transfrontières de
déchets dangereux afin de protéger l'environnement des
Etats100(*).
Dans la pratique, l'exercice du droit d'interdire
l'importation de déchets varie selon les pays. Ainsi un certain nombre
d'Etats ont introduit dans leur législation des mesures juridiques
interdisant l'importation de tout type de déchets quelle que soit
l'opération d'élimination à laquelle ceux-ci seraient
destinés (élimination finale, recyclage, réutilisation,
récupération). Il s'agit d'une interdiction totale
d'importation101(*).
D'autres Etats ont en revanche décidé
d'interdire uniquement l'importation des déchets destinés
à des opérations d'élimination finale, permettant
l'importation des déchets à des fins de valorisation. Autrement
dit, ils interdisent partiellement l'importation des déchets
dangereux.
Pour rendre effective l'interdiction d'importation totale ou
partielle, il est impératif que les Parties ayant adopté une
telle interdiction en informent les autres Parties contractantes
conformément aux dispositions de l'article 13 de la Convention de
Bâle.
B. L'obligation d'interdire
l'exportation de déchets dangereux.
En vertu de l'article 4, paragraphe 1, alinéa
b) de la Convention, « les Parties interdisent ou ne
permettent pas l'exportation de déchets dangereux et d'autres
déchets dans les Parties qui ont interdit l'importation de tels
déchets (...) ».
Lorsque l'Etat d'importation n'a pas interdit l'importation de
déchets, l'Etat d'exportation peut en autoriser l'expédition
à condition que l'Etat d'importation donne par écrit son accord
spécifique pour l'importation de tels déchets102(*).
Ces dispositions liées à l'interdiction
d'importation ou d'exportation des déchets peuvent s'avérer
contraires aux Accords du GATT dans la mesure où l'article XI interdit
les restrictions ou interdictions quantitatives. En effet selon le GATT les
Etats membres ne peuvent instituer ou maintenir à l'importation ou
à l'exportation de prohibitions ou de restrictions103(*). Dans la mesure où la
Convention de Bâle prohibe quasiment tout mouvement transfrontière
de déchets, elle s'oppose aux prescriptions de l'OMC qui tendent
à libéraliser le commerce dans le plus grand nombre de domaines.
II. RESTRICTIONS DES
MOUVEMENTS TRANSFRONTIERES ENTRE LES PARTIES ET LES ETATS-TIERS.
Selon l'article 4, paragraphe 5 de la Convention,
« les Parties n'autorisent pas les exportations de déchets
dangereux ou d'autres déchets vers un Etat non Partie ou l'importation
de tels déchets en provenance d'un Etat non Partie ».
Cette disposition empêche ainsi les Parties de traiter avec des Etats
tiers, puisque ces derniers ne sont pas tenus de respecter les normes et les
standards de la Convention. En outre cette disposition sert aussi à
inciter l'adhésion des Etats tiers à cette Convention, qui est le
seul instrument à vocation mondiale concernant le contrôle des
mouvements transfrontières de déchets dangereux. Ceux qui
s'abstiennent de le faire, s'interdisent, par conséquent, tout mouvement
de déchets avec les Etats parties.
Cependant la Convention autorise, en vertu de l'article 11,
les Parties à conclure des accords bilatéraux,
multilatéraux ou régionaux touchant les mouvements
transfrontières de déchets dangereux ou d'autres déchets
avec des Parties ou des non Parties afin d'aider les Etats ne disposant pas
d'une capacité suffisante pour gérer leurs propres déchets
d'une manière écologiquement rationnelle104(*).
Nous avons vu tout au long du second chapitre que plusieurs
conventions internationales environnementales peuvent contenir certaines
dispositions pouvant aller à l'encontre de celles de l'OMC et pouvant
ainsi donner naissance à un conflit entre les deux corps de
règles. En effet, les conventions internationales prescrivent souvent
des restrictions commerciales quant à certains produits, restrictions
qui concernent aussi bien les Parties contractantes aux conventions que les non
contractantes. Le cas des premières n'est pas choquant puisque celles-ci
ont souverainement choisi d'être soumises aux règles
édictées par ces conventions et de voir ainsi leurs
échanges commerciaux diminuer pour certains produits105(*). Cependant le cas des
secondes, c'est à dire des non parties aux conventions internationales
l'est beaucoup plus, car celles-ci n'ont pas choisi de voir leur
échanges commerciaux décroître dans certains domaines.
Elles se voient donc imposer des règles qu'elles n'ont pas voulu et
subissent donc la volonté des autres. C'est en cela que le
système des restrictions quantitatives (ou l'utilisation des instruments
commerciaux tels que l'interdiction du commerce d'un produit, quotas, permis
d'exportation ou d'importation) instauré par les AME est contraire aux
prescriptions de l'OMC. Celle-ci tend en effet à universaliser les
échanges commerciaux alors que les AME veulent les réduire dans
certains domaines. Ces mesures commerciales interfèrent avec les
règles du système commercial multilatéral qui est
fondé sur le principe fondamental de non-discrimination (clause de la
nation la plus favorisée et traitement national106(*)), principe mis à mal
par les mesures commerciales contenues dans les AME. Toutefois il semble qu'une
articulation est possible entre les conventions internationales relatives
à la protection de l'environnement et les règles de l'OMC en
raison d'une part de la formulation de certains articles du GATT, qui
permettent certaines exceptions quant à l'application du principe de non
discrimination, et d'autre part au droit des traités.
2ème PARTIE LES SOLUTIONS D'ARTICULATION ENTRE LES
DEUX CORPS DE REGLES.
Des conflits de normes entre les AME et l'OMC ne se sont,
certes, pas encore concrétisés devant un groupe spécial,
mais ces conflits sont latents. Sur les 180 AME existants, environ 10%
contiennent des dispositions commerciales restrictives utilisées pour
restreindre ou prohiber le commerce des produits spécifiques107(*). Il est dès lors
certain qu'un conflit surviendra un jour ou l'autre et que l'ORD aura a
tranché.
De plus, les deux régimes, celui de l'OMC d'une part et
celui des AME, d'autre part, ont à la base un conflit de méthode.
Alors que l'OMC promeut le commerce par l'élimination des restrictions
et par la promotion de la non discrimination, les AME protègent
l'environnement à travers le contrôle et la régulation
commerciale. Les restrictions commerciales protégeant l'environnement
sont alors suspicieuses car elles touchent directement le concept de l'avantage
comparatif (théorie sur laquelle le libre échange est
fondé), concept selon lequel les Etats bénéficient d'un
bas prix provenant d'une dégradation acceptée de
l'environnement108(*).
Toutefois même si un conflit venait à
s'élever entre une disposition de l'OMC et celle d'un AME, il ne serait
pas perdu d'avance pour l'AME en cause. En effet, d'une part certaines
dispositions des Accords du GATT peuvent justifier ou valider des mesures
prises en vertu d'un AME et allant à l'encontre du libre-échange
(Chapitre 1), d'autre part les règles du droit des traités,
contenues dans la Convention de Vienne de 1969 et notamment la règle de
la préséance, peuvent aider à régler cet
éventuel conflit (Chapitre 2).
Chapitre I Les exceptions de l'article XX du
GATT.
Chapitre II La règle de la
préséance entre les accords de l'OMC et les AME.
CHAPITRE
I LES EXCEPTIONS DE L'ARTICLE XX DU GATT.
Les règles du GATT et plus particulièrement
l'article XI interdisent les restrictions quantitatives aux échanges
commerciaux. Ainsi les Parties contractantes ne peuvent restreindre ni
l'accès à leur marché ni celui à leur marchandise.
L'objectif des accords du GATT est clair : éliminer les
barrières non tarifaires, qui sont les principaux obstacles à la
libéralisation des échanges internationaux. La lecture de
l'article XI laisse penser que les Parties contractantes ne disposent d'aucune
soupape de sécurité et qu'elles sont obligées d'avoir des
échanges commerciaux avec toutes les Parties contractantes en vertu de
la clause de la nation la plus favorisée (article 1er de
l'Accord général). Toutefois, l'article XX de l'Accord
général relatif aux « exceptions
générales » permet aux Etats parties, sous
certaines conditions, de prendre des mesures afin de protéger notamment
la moralité publique, la santé et la vie des personnes, de
préserver les végétaux, et les ressources naturelles etc.
Toutes les exceptions posées par l'article XX de l'Accord
général sont de nature fort différente mais elles ont en
commun d'être permanentes109(*). Concernant la protection de l'environnement, deux
alinéas de l'article XX peuvent être susceptibles de s'appliquer
et de justifier certaines mesures commerciales prises en vertu de certains AME.
Il s'agit des alinéas b et g (Section 1). Quant au
chapeau introductif de ce même article, sa mise en oeuvre paraît
plus difficile et moins favorable aux préoccupations environnementales
(Section 2).
Section
1 Les alinéas b et g.
La protection de l'environnement, à laquelle
s'attachent certaines Parties contractantes, passe très souvent par la
mise en oeuvre de mesures qui peuvent s'avérer être contraires aux
intérêts du commerce international. Un différend peut alors
naître entre une Partie contractante qui considère que les mesures
prises en vertu de la protection de l'environnement lui sont
préjudiciables économiquement et commercialement, et la Partie
qui édictera de telles mesures afin de protéger son
environnement. Cette dernière se tournera alors vers les prescriptions
de l'article XX, et plus particulièrement des alinéas b
et g, afin de justifier son action. En effet, les alinéas
b et g semblent être les seules dispositions
susceptibles de justifier des mesures environnementales contraires aux
dispositions du GATT /OMC. L'étude de leur contenu s'avère
donc indispensable afin de comprendre leur rôle justificateur dans le
cadre de la protection de l'environnement (I). Toutefois,
l'interprétation des ces alinéas par l'ORD apporte quelques
nuances (II).
I. LE CONTENU DE CES
ALINEAS.
L'article XX du GATT/OMC relatif aux « exceptions
générales » dispose : « sous
réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon
à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou
injustifiée entre les pays où les mêmes conditions
existent, soit une restriction déguisée au commerce
international, rien dans le présent Accord ne sera
interprété comme empêchant l'adoption ou l'application par
toute Partie contractante des mesures...
b) nécessaires à la protection de la
santé des personnes et de la vie des animaux ou la préservation
des végétaux ; (...)
g) se rapportant à la conservation des ressources
naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées
conjointement avec les restrictions à la production ou à la
consommation nationale ».
Les deux alinéas se rapportent tous deux à des
exceptions de nature différente. Selon D. Carreau et P.
Juillard110(*),
l'alinéa g se rapporte à l'exclusion dans le commerce de
certains produits particuliers alors que l'alinéa b aurait
trait à la défense de l'ordre public.
Selon l'alinéa g), les ressources naturelles
sont exclues des règles normales du commerce multilatéral en
raison de leur caractère « épuisable ». En
effet, ces ressources étant non renouvelables, elles peuvent faire
l'objet de mesures de conservation par le pays sur le territoire duquel elles
sont situées. Dans les faits, cette protection prendra la forme de
restrictions aux exportations. Se pose alors la question de la notion de
« ressources épuisables ». Ce sont, selon Carreau
et Juillard, des matières premières de nature minérale qui
peuvent s'épuiser, à l'inverse des matières
premières de nature agricole qui, elles, se renouvellent
périodiquement111(*).
Une Partie contractante peut donc prendre des mesures se
rapportant à la conservation des ressources naturelles
épuisables. Cependant pour bénéficier de l'application de
l'article XX, cette partie devra restreindre sa production ou sa consommation
nationale. En effet, une Partie ne peut pas prétendre que ses ressources
naturelles épuisables sont en danger si elle n'adopte pas une
discipline rigoureuse quant à la gestion de ses propres ressources.
Quant à l'alinéa b), il concerne la
protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou la
préservation des végétaux. Sa formule est beaucoup plus
laconique et aucune autre condition n'est posée quant à son
application, si ce n'est que cette mesure devra être nécessaire.
A la lecture de ces alinéas, on pourrait penser que les
restrictions commerciales édictées par les AME se trouvent
justifiées puisque les AME visent la protection de la santé et de
la vie des hommes (i.e : La Convention de Bâle), la conservation des
ressources naturelles épuisables (i.e : le Protocole de
Montréal), la préservation des animaux (i.e : la CITES).
Toutefois, l'interprétation que l'ORD entend donner à ces
dispositions particulières peut remettre en cause l'éventuelle
certitude que l'on pourrait avoir quant à la justification de ces
mesures commerciales par ces dispositions.
II. L'INTERPRETATION DE LA
JURISPRUDENCE DE L'ORD.
A. Thaïlande-
Restrictions à l'importation et taxes intérieures touchant les
cigarettes.
Ce premier différend concerne la mise en oeuvre de
l'article XX b) et l'interprétation de l'expression
« nécessaires à »112(*). Selon l'article XX
b), une mesure restrictive peut être prise si elle est
nécessaire à la protection de la santé et de la
vie des personnes (....). En l'espèce, la Thaïlande interdisait
l'importation de cigarettes sur son territoire mais autorisait la vente de
cigarettes nationales. Mise en cause, elle a invoqué l'article XX
b), car elle considérait que les cigarettes
importées contenaient des additifs plus nocifs que ceux
incorporés dans les cigarettes thaïlandaises. Le Groupe
spécial a donné tort à la Thaïlande,
considérant en particulier que la mesure n'était pas
nécessaire au sens de l'article XX b). En effet, une mesure
n'est pas considérée comme nécessaire si un même
niveau de protection peut être atteint par une mesure moins contraignante
pour le commerce international113(*). Et le Groupe spécial de considérer
que les restrictions aux importations de cigarettes imposées par la
Thaïlande constituaient une mesure discriminatoire non nécessaire
puisque celle-ci n'avait aucunement limité, sur son territoire, la
production et la consommation de cigarettes.
B. L'affaire
Thons/Dauphins.
L'analyse de la jurisprudence rendue par l'ORD peut
éventuellement permettre de répondre à la question de
savoir si les dispositions commerciales contenues dans le texte de la CITES
peuvent-elles être légitimées par l'interprétation
que donne l'ORD des alinéas b et g. Pour y
répondre, nous relèverons une affaire très importante que
le GATT a eu à connaître. Il s'agit du différend opposant
les Etats-Unis au Mexique à propos de l'importation de thons114(*). En l'espèce les
Etats-Unis avaient interdit les importations de thons en provenance du Mexique
au motif que les techniques de pêche utilisées par celui-ci
aboutissaient à la capture d'une espèce protégée de
mammifères marins (en l'espèce des dauphins). Devant le Groupe
spécial, les Etats-Unis ont fait valoir que leurs mesures s'inscrivaient
dans les prescriptions de l'alinéa g de l'article XX, c'est
à dire qu'elles se rapportaient à la conservation des ressources
naturelles épuisables. Deux questions centrales se posaient ici :
celles de savoir, d'une part, comment les groupes spéciaux entendaient
l'expression « se rapportant à », et d'autre part,
si un Etat peut adopter des mesures de protection à l'égard de
ressources qui ne se trouvent pas dans sa sphère de
compétence.
Pour répondre à la première question, le
Groupe spécial a estimé que la mesure prise en vertu de
l'alinéa g devait tendre principalement à la
conservation (selon l'expression anglaise « primarily aimed at the
conservation »).
En fait il faut déterminer si la mesure a
été prise uniquement pour des raisons de conservation
dépendantes de trois considérations : les
bénéfices tirés pour le programme de conservation, s'il
existe une véritable raison de conservation derrière cette mesure
ou si elle a été prise pour d'autres considérations, enfin
si l'objectif de conservation de la mesure était valable115(*).
En l'espèce, la mesure environnementale s'inscrivait
sans doute dans le champ de l'article XX g) car elle tendait
exclusivement à la protection des dauphins. Toutefois, cette mesure ne
s'appliquait pas exclusivement à des ressources relevant de la
juridiction américaine. Le groupe spécial, se fondant sur
l'historique de la rédaction de l'article XX a considéré
que la mesure américaine était illégale car elle revenait
à faire produire à la législation d'un Etat un effet
extra-territorial. Les mesures adoptées doivent s'appliquer
exclusivement dans la sphère de compétence de l'Etat importateur,
ce qui inclut son territoire mais aussi d'autres espaces où il aurait
reçu des compétences en vertu d'instruments internationaux.
En vertu de cette jurisprudence, les dispositions de la CITES
ne peuvent se justifier au regard de l'alinéa b ou g.
En effet selon l'interprétation donnée par le panel
Thons/Dauphins, les alinéas b et g ne s'appliquent pas
aux ressources naturelles situées en dehors de la compétence de
la Partie édictant les restrictions commerciales. Ainsi l'article XX
s'applique uniquement pour restreindre le commerce des espèces
nationales menacées, ce qui limite grandement l'intérêt de
la CITES. En effet, le but de celle-ci est de protéger les
espèces menacées d'extinction où qu'elles se situent,
notamment par le biais des interdictions à l'exportation mais surtout
à l'importation. Or en vertu de cette jurisprudence, un Etat ne peut pas
prendre de mesures environnementales ayant des effets à
l'extérieur de son territoire, ce qui limite donc la possibilité
d'articulation entre la CITES et l'OMC.
Toutefois, une autre jurisprudence rendue par l'ORD pourrait
éventuellement justifier les dispositions commerciales de la CITES. Il
s'agit de l'affaire crevettes/tortues opposant les Etats-Unis à
plusieurs pays d'Asie116(*). Deux rapports ayant été rendus, nous
les étudierons successivement après avoir exposé les
faits.
C. Les différends
Crevettes/Tortues.
En application d'une loi de 1973 sur les espèces
marines menacées d'extinction, les Etats-Unis avaient publié en
1987 des règlements obligeant tous les crevettiers des Etats-Unis
à utiliser des dispositifs d'exclusion des tortues marines (DET), ou de
réduire le temps de chalutage dans des zones déterminées
où la mortalité des tortues marines à bord était
très importante. Ces règlements ont été
modifiés de façon à ce que les DET soit d'utilisation
obligatoire en toute saison et en tout lieu lorsque le chalutage des crevettes
risque d'avoir des influences sur la survie des tortues marines. L'article 609
b) 1) de la loi adoptée le 21 novembre 1989 interdit à compter du
1er mai 1991 l'importation de crevettes péchées avec
des techniques de pêche commerciales susceptibles de nuire aux tortues
marines. L'article 609 b) 2) dispose que l'interdiction d'importer des
crevettes ne s'applique pas aux pays qui ont été
certifiés. A contrario donc, les pays non certifiés
voyaient leurs exportations interdites. C'est donc contre cette mesure que
l'Inde, la Malaisie, le Pakistan et la Thaïlande
s'élevèrent. Pour ces parties, cette réglementation aurait
pour effet d'établir une discrimination injustifiée entre les
pays pratiquant une pêche soumise à des DET selon que ces pays
soient ou non certifiés.
Par directives adoptées en 1991, les pays de la
région des Caraïbes et de l'Atlantique-Ouest
bénéficiaient d'un délai de trois ans
supplémentaires pour la mise en place de la certification, et une
convention interaméricaine pour la protection et la conservation des
tortues marines avait été conclue entre les Etats-Unis et
certains pays d'Amérique du Sud. Ces directives et convention faisaient
donc apparaître une différence de traitement par rapport aux Etats
tiers.
L'Organe d'appel devait décider de la
compatibilité de ces mesures avec les règles de l'accord
général, mesures ayant officiellement pour objectif la
préservation de l'environnement, mais qui en réalité
pouvaient constituer des restrictions commerciales déguisées.
Pour les Etats-Unis, cette réglementation était
pleinement conforme aux exigences de l'article XX de l'accord
général qui autorise l'application de mesures ayant pour effet de
restreindre les échanges commerciaux si celles-ci sont justifiées
par la protection de ressources naturelles épuisables (Article XX
g)).
1. Le premier rapport rendu
par l'Organe d'appel.
Dans son premier rapport, l'Organe d'appel a conclu à
l'incompatibilité des mesures américaines avec le système
du GATT. Mais il a tout de même reconnu que les mesures prises par les
Etats-Unis étaient justifiées au regard du point g) de
l'article XX. Tout d'abord parce que les tortues sont bien des ressources
naturelles épuisables, surtout les cinq espèces de tortues
marines en cause qui sont protégées par la Convention sur le
commerce international des espèces de faune et de flore menacées
d'extinction (CITES). Ensuite parce que les mesures concernées se
rapportent directement à la conservation de ces ressources naturelles
épuisables. Enfin parce que ces mesures sont appliquées
conjointement avec des restrictions à la production ou à la
consommation nationale puisque depuis 1987, les crevettiers américains
sont soumis à des règles similaires.
Ainsi, la mesure contestée (l'article 609)
répond aux critères de l'article XX g). Elle est donc
provisoirement justifiée à ce titre.
Même si ce premier rapport condamne les Etats-Unis en
vertu de la discrimination arbitraire qu'instauraient leurs mesures, il a le
mérite de reconnaître que les tortues sont des ressources
naturelles épuisables et que de ce fait les mesures prises par les
Etats-Unis pour les protéger peuvent bénéficier d'une
justification provisoire.
2. Le second rapport rendu
par l'organe d'appel.
La Malaisie a engagé une nouvelle procédure
devant l'ORD contre les Etats-Unis en soutenant que ceux-ci ne s'étaient
pas conformés à la première décision de l'ORD. Elle
estimait que les Etats-Unis ne pouvaient pas adopter de telles mesures
restrictives en l'absence d'accord international les y habilitant. Elle
considérait qu'une obligation de conclure (et pas seulement de
négocier) un accord international sur la protection des tortues pesait
sur les Etats-Unis. A la suite de la première décision de l'ORD,
les Etats-Unis avaient modifié leur réglementation qui n'exigeait
plus des techniques identiques à celles utilisées par les
crevettiers américains pour l'exclusion des tortues marines, mais une
réglementation d'efficacité comparable. L'Organe d'appel a
confirmé la conformité des mesures unilatérales
temporairement prises par les Etats-Unis, conformité déjà
soulevée par le Groupe spécial, dans la mesure toutefois
où les Etats-Unis poursuivent des efforts sérieux et de bonne foi
en vue de parvenir à un accord multilatéral (sur la protection et
la conservation des tortues marines)117(*).
Ce second rapport peut nous conforter dans l'idée que
les dispositions de la CITES peuvent éventuellement être conformes
avec celles de l'OMC. En effet, les Etats-Unis avaient décidé,
pour protéger des tortues menacées d'extinction selon la CITES,
de prendre des mesures commerciales contraires aux dispositions du GATT. Alors
que l'on craignait un éventuel rejet de telles mesures par l'Organe
d'appel, celui-ci a finalement reconnu qu'elles étaient provisoirement
justifiées au regard de l'article XX alinéa g.
D. Etats-Unis- Normes
concernant l'essence nouvelle et ancienne formules118(*).
Ce différend et sa solution pourraient
éventuellement permettre de justifier les restrictions commerciales
édictées par le Protocole de Montréal. Celui-ci ne
présente pas la même difficulté que la CITES et semble se
justifier selon l'article XX b) du fait de la menace évidente
sur la vie des hommes, végétaux et animaux et la santé due
notamment aux émissions de gaz et à leurs conséquences
sur la déplétion de la couche d'ozone.
Pour envisager son éventuelle compatibilité avec
les normes du GATT, on peut citer l'affaire de l'essence ancienne et nouvelle
formule.
Dans une loi de 1990, le Clean Air Act, les
Etats-Unis ont décidé de lutter contre la pollution
atmosphérique causée par l'utilisation des hydrocarbures sur leur
territoire. Cette loi, applicable au 1er janvier 1995,
prévoyait un système de détermination des seuils de
pollution applicable aux hydrocarbures raffinés, distribués ou
importés sur le territoire des Etats-Unis. Pour déterminer ces
seuils, l'administration américaine a organisé une consultation
des raffineurs, distributeurs et importateurs américains pour qu'ils
déterminent un « niveau de base individuel » de
pollution issue de ces hydrocarbures. Ce « niveau de base »
a permis à l'administration américaine de déterminer la
qualité moyenne de l'essence exigible. Celle-ci a ensuite
été posée comme norme et le Clean Air Act
prévoyait que l'essence qui n'atteindrait pas ce niveau de
qualité ne pourrait plus être vendue aux Etats-Unis après
son entrée en vigueur.
Le Brésil et le Venezuela, qui exportent des
hydrocarbures aux Etats-Unis, ont déposé une plainte le 21
janvier 1996 devant l'ORD fondée sur la violation du principe du
traitement national, car le seuil de qualité de l'essence défini
en application de la loi de 1990 était imposé aux producteurs
étrangers sans que ceux-ci aient pu participer aux consultations. Cette
violation de l'article III § 4 n'a pas été contestée
par les Etats-Unis ni devant le Groupe spécial ni devant l'Organe
d'appel. En revanche les Etats-Unis ont prétendu que cette violation de
la clause du traitement national était justifiée au regard de
l'article XX g) du GATT et, qu'une exception devait leur être
accordée à ce titre.
En l'espèce la loi de 1990 violait une disposition du
GATT et était appliquée conjointement avec des restrictions
à la production ou à la consommation nationale.
L'Organe d'appel analyse la compatibilité de la mesure
incriminée au regard de l'article XX en deux temps. Elle analyse tout
d'abord la compatibilité de la mesure au regard des termes de
l'alinéa g), puis au regard du texte introductif de l'article
XX.
Pour ce qui nous intéresse ici, c'est à dire
l'interprétation de l'alinéa g), l'Organe d'appel
considère que le terme de « mesures » figurant dans
le chapeau de l'article XX se réfère uniquement aux dispositions
particulières portant sur l'établissement des niveaux de base
pour les raffineurs nationaux et étrangers.
L'Organe d'appel affirme que l'air est une ressource naturelle
épuisable, et que les mesures prises par les Etats-Unis se rapportent
à la conservation des ressources naturelles épuisables.
Ces mesures sont appliquées conjointement avec des
restrictions à la production ou à la consommation nationales
puisque les règles s'imposent effectivement aux raffineurs tant
nationaux qu'étrangers. Elles sont donc justifiées au regard du
point g de l'article XX.
Si nous transposons cette affaire au problème
d'articulation que pose le Protocole par rapport aux règles de l'OMC,
nous pouvons éventuellement le solutionner.
Nous savons que le Protocole de Montréal a pour but de
réduire les émissions de gaz qui ont pour effet d'appauvrir la
couche d'ozone, ce qui menace directement la santé de l'homme et
l`environnement119(*).
Ainsi, si l'ORD considère que l'air est une ressource
naturelle épuisable, et que des mesures environnementales prises par les
Etats-Unis allant à l'encontre des règles commerciales
internationales sont justifiées par l'article XX alinéa
g, l'analogie avec les restrictions commerciales
édictées par le Protocole de Montréal est permise. Ce
Protocole vise à protéger la couche d'ozone, celle-ci
étant nécessaire à la vie humaine, animale et
végétale. Sa préservation est donc indispensable. C'est
une ressource naturelle épuisable, car la couche d'ozone ne se
renouvelle pas, et pour preuve, on peut citer le trou situé au-dessus de
la calotte glacière depuis plusieurs années et qui ne semble pas
se recomposer. Les restrictions commerciales visant à faire faiblir la
fabrication de CFC a donc pour but de protéger cette couche d'ozone,
protection qui est « nécessaire à la protection de
la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la
préservation des végétaux ».
L'objectif du Protocole de Montréal s'inscrit ainsi
parfaitement dans les prescriptions de l'alinéa b de l'article
XX de l'Accord général et peut ainsi être
considéré comme conforme à celui-ci.
Toutefois, le Protocole de Montréal viole les
dispositions du GATT en raison de son article 4 qui édicte des
restrictions commerciales uniquement envers les Etats non parties, ce qui
constitue une discrimination arbitraire.
En effet, pour être totalement justifiées au
regard des prescriptions des alinéas b et g, encore
faut-il que les mesures prises par les Parties contractantes pour
protéger l'environnement soient conformes au chapeau introductif de
l'article XX. Or l'interprétation que l'ORD fait des termes de ce
chapeau est stricte et sa mise en oeuvre pour justifier des mesures
commerciales prises en vertu de la protection de l'environnement parait
difficile.
Section
2 Le chapeau introductif de l'article XX.
I. LE CONTENU DU
CHAPEAU.
Le chapeau de l'article XX pose deux critères
généraux quant aux effets des mesures nationales restrictives
prises notamment en vertu de la protection de l'environnement.
Au titre du premier critère, la restriction nationale
en cause ne doit pas apparaître comme un « moyen de
discrimination arbitraire ou injustifié ».
Au titre du second critère, la mesure nationale en
cause ne doit pas apparaître comme une « restriction
déguisée au commerce international ».
Ces deux formules ont fait l'objet d'interprétation de
la part de l'Organe d'appel au travers des différends
« essence » et « tortues/crevettes ».
Nous l'avons vu, l'Organe d'appel avait considéré que les mesures
nationales restrictives, dans les deux espèces, étaient
justifiées provisoirement au regard de l'alinéa g de
l'article XX. Toutefois, cette conformité à l'alinéa
g n'a pas été suffisante pour que l'Organe d'appel
valide entièrement les mesures prises par les défendeurs, en
l'occurrence les Etats-Unis. En effet, lorsque l'Organe d'appel a
été appelé à se prononcer sur la conformité
de ces mesures avec les dispositions de l'article XX, il a
procédé en deux temps. Dans un premier temps, il a analysé
la conformité de la mesure au regard de l'alinéa concerné,
c'est à dire l'alinéa g. C'est cette étape que
nous avons étudiée dans la section précédente. Puis
dans un second temps, il a analysé la conformité avec les
dispositions du chapeau introductif de ce même article. Nous allons
maintenant étudier cette deuxième étape. Ainsi, nous
constaterons que les mesures prises par les Etats-Unis dans les deux cas
étaient peut-être valables au regard de l'alinéa g
mais ne l'étaient pas au regard du chapeau introductif de l'article XX.
II. LES RAPPORTS DE
L'ORGANE D'APPEL.
L'Organe d'appel avait certes décidé dans ses
deux rapports que les mesures nationales restrictives prises par les Etats-Unis
étaient justifiées eu égard à l'alinéa
g de l'article XX, mais ce même organe considérait que
ces mêmes mesures étaient toutefois arbitraires et
discriminatoires. Ainsi dans l'affaire essence, l'Organe d'appel va
s'interroger sur les raisons qui ont visiblement amené les Etats-Unis
à exiger des niveaux de base établis selon deux méthodes
différentes fondées sur la nationalité des raffineurs.
Pour l'Organe d'appel, les Etats-Unis n'ont pas tenu compte de deux
facteurs :
a) De la possibilité de coopérer avec les
gouvernements vénézuélien et brésilien pour
atténuer les problèmes administratifs découlant de la
vérification ;
b) De l'accroissement des coûts pour les raffineurs
étrangers devant se conformer aux niveaux de base réglementaire.
L'Organe d'appel condamne donc la réglementation
américaine sur l'essence ancienne et nouvelle formule.
Ce rapport a été le premier à montrer
comment désormais l'Organe d'appel entendait interpréter
l'article XX g). Tout d'abord il examine si la mesure elle même
entre dans le champ d'application de l'article g) puis, dans un second
temps, si elle respecte dans ses effets, le texte introductif de l'article XX.
En l'espèce la mesure était justifiée au
titre de l'article XX g), mais pas au regard du chapeau introductif
de ce même article.
Cette méthode a également été
utilisée pour le différend crevettes/tortues marines.
L'Organe d'appel a examiné si les mesures prises par
les Etats-Unis en vue de protéger les tortues étaient conformes
au chapeau introductif de l'article. Ainsi l'Organe d'appel constate que les
mesures constituent une discrimination injustifiable et discriminatoire, d'une
part parce que les procédures de certification effectuées par les
fonctionnaires américains ne tenaient pas compte des mesures autres qui
auraient pu être prises par un pays exportateur pour la protection et la
conservation des tortues marines (en effet les autres mesures prises par les
autres Etats pour la sauvegarde des tortues marines ne sont pas reconnues par
les Etats-Unis si elles ne sont pas semblables voire essentiellement les
mêmes à leurs propres mesures). D'autre part parce que, le
processus de certification était « informel et
simpliste », aucun droit de réponse n'étant
donné aux pays exportateurs, les décisions d'acceptation ou de
rejet de certification n'étant pas par ailleurs notifiées aux
demandeurs.
Les mesures américaines furent donc provisoirement
justifiées au regard de l'article XX g), mais pas au regard du
chapeau introductif de ce même article.
Conclusion du chapitre 1.
Peut-on conclure de cette jurisprudence rendue par l'ORD que
les règles de l'OMC ont la possibilité de s'accommoder avec les
AME contenant des dispositions commerciales ? La réponse pourrait
être positive si ces AME n'établissaient pas de discrimination
entre les Etats parties et les Etats tiers. En effet, les principes fondateurs
du système commercial multilatéral sont le traitement de la
nation la plus favorisée et le traitement national, c'est à dire
le principe de non discrimination. Or on voit bien que les AME
étudiés établissent des différences significatives
entre les Etats parties et ceux qui ne le sont pas. Un système
commercial multilatéral équitable ne peut pas tolérer
cela. La seule façon pour ces AME de ne pas être en opposition
avec les accords du GATT serait d'appliquer la clause de la nation la moins
favorisée, c'est à dire d'avoir un régime de restrictions
commerciales identique pour tous les Etats120(*). Ainsi les mesures commerciales restrictives prises
en vertu de la protection de l'environnement ne pourront pas être
taxées d'être discriminatoires car elles seront valables à
l'égard de tous, leur application aura un effet erga
omnes. Toutefois, cette solution n'est pas la plus pratique pour
inciter les Etats non parties à adhérer à certains
instruments environnementaux, car si le régime est le même pour
tous, quel serait alors l'intérêt d'adhérer à un
tel instrument. La solution d'articulation prise dans les prescriptions de
l'article XX n'est pas la plus facile à mettre en place. Elle pourrait
certes être la meilleure, mais la mise en oeuvre de cet article
apparaît complexe et il n'est pas certain que l'ORD accepte facilement de
justifier bon nombre de mesures commerciales prises en vertu d'un AME au nom de
la protection de l'environnement. Il ne faut pas oublier que l'OMC est avant
tout une organisation à vocation économique et que son rôle
n'est pas d'assurer la coordination entre l'environnement et le commerce. L'OMC
s'est d'ailleurs montrée assez indulgente envers la protection de
l'environnement car il faut souligner que dans son dernier rapport crevettes,
l'ORD a validé les mesures prises par les Etats-Unis au nom de la
protection des tortues marines, laissant ainsi entrevoir un espoir
d'articulation entre les deux corps de règles.
Toutefois, l'article XX n'est pas le seul instrument qui peut
permettre aux Accords multilatéraux sur l'environnement de s'accorder
avec les Accords de Marrakech. La relation entre le GATT et les accords
internationaux relatif à l'environnement peut en effet être
étudiée sous l'angle du droit international des traités
qui peut apporter des réponses aux questions de
préséance.
CHAPITRE
2 LA REGLE DE PRESEANCE ENTRE LES ACCORDS OMC ET LES AME.
Section
1 L'article 30 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités.
Un traité valide possède un caractère
obligatoire dès lors qu'il est entré en vigueur. Ceci implique
que toutes les Parties au traité sont tenues de l'exécuter de
bonne foi (article 26 de la Convention de Vienne121(*)). La doctrine désigne
cette règle par l'axiome Pacta sunt servanda.
Cependant, malgré la bonne foi que les Parties peuvent
mettre à vouloir exécuter les traités, des
difficultés peuvent surgir en ce qui concerne leur application. Car il
est des cas où les Etats en viennent à signer, sur la même
matière, plusieurs autres traités qui, sans le rechercher,
rentrent en contradiction avec leurs obligations antérieures. Il se pose
dès lors la question de l'application des traités successifs
portant sur la même matière. Cette question est régie par
l'article 30 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Il est
énoncé de la manière suivante :
1. Sous réserve des dispositions de l'Article 103
de la Charte des Nations Unies, les droits et les obligations des Etats parties
à des traités successifs portant sur la même
matière sont déterminés conformément aux
paragraphes suivants ;
2. Lorsqu'un traité précise qu'il est
subordonné à un traité antérieur ou
postérieur ou qu'il ne doit pas être considéré comme
incompatible avec cet autre traité, les dispositions de celui-ci
l'emportent ;
3. Lorsque toutes les Parties au traité sont
également Parties au traité postérieur, sans que le
traité antérieur ait pris fin ou que son application ait
été suspendue en vertu de l'article 59, le traité
antérieur ne s'applique pas dans la mesure où ses dispositions
sont compatibles avec celles du traité postérieur.
4. Lorsque les Parties au traité antérieur
ne sont pas toutes Parties au traité postérieur :
a) Dans les relations entre les Etats parties aux deux
traités, la règle applicable est celle qui est
énoncée au paragraphe 3 ;
b) Dans les relations entre un Etat partie aux deux
traités et un Etat partie à l'un de ces traités seulement,
le traité auquel les deux Etats sont Parties régit leurs droits
et obligations réciproques.
5. Le paragraphe 4 s'applique sans préjudice de
l'article 41 de toute question d'extinction ou de suspension de l'application
d'un traité aux termes de l'article 60 ou, de toute question de
responsabilité qui peut naître pour un Etat de la conclusion ou de
l'application d'un traité dont les dispositions sont compatibles avec
les obligations qui lui incombent à l'égard d'un autre Etat en
vertu d'un autre traité.
Ainsi, l'article 30 de la Convention de Vienne semble
solutionner a priori le problème puisqu'elle instaure une
certaine hiérarchie entre les traités, en fonction de leur
antériorité ou postériorité les uns par rapport aux
autres. Cependant, certaines difficultés restent à surmonter
quant à déterminer quel accord, entre le GATT ou un AME X, a la
primauté. En effet, les règles générales
énoncées par l'article 30 ne traitent que des problèmes de
primauté entre des traités portant sur le même
sujet122(*). Cela parait
logique puisque les traités ne portant pas sur la même
matière ne sont pas censés a priori comporter des
dispositions incompatibles les unes aux les autres. Mais dans le cas de notre
étude, nous avons des traités portant sur une matière
différente : les uns traitent de la protection et de la
conservation de l'environnement, les autres tendent à la
libéralisation du commerce international. Toutefois les premiers,
même s'ils traitent d'un sujet différent, édictent des
mesures commerciales, qui elles sont susceptibles d'entrer en conflit avec
celles édictées par les Accords du GATT (cf. supra,
1ère partie, chapitre II). Les règles
générales alors énoncées par l'article 30 de la
convention ne résolvent pas ce genre de conflits.
De plus le GATT n'est pas un traité comme les autres.
Il évolue sans cesse, et il est donc difficile de déterminer un
point précis dans le temps, et de dire quand le GATT a été
« adopté »123(*). Si on considère que le GATT a
été adopté en 1948, les règles
générales risquent de le désavantager
énormément par rapport aux accords multilatéraux sur
l'environnement, qui lui sont postérieurs, pour une large
majorité d'entre eux.
Comment se règlent alors les conflits entre deux
traités qui ne portent pas sur la même matière. Deux cas de
figure se présentent alors : soit les parties sont restées
silencieuses, et dans ce cas, la solution dépendra de l'identité
des parties ou non aux traités successifs, soit il y a des dispositions
conventionnelles expresses au sein des traités.
Section
2 La question de préséance.
Il s'agit de déterminer lequel du traité
antérieur et du traité postérieur l'emporte sur l'autre.
Deux hypothèses sont possibles : le cas du silence des parties
(I) et le cas de l'existence de dispositions conventionnelles
expresses (II).
I. LE SILENCE DES
PARTIES.
Il est question ici des traités successifs avec
identité des parties (A) et
des traités successifs sans identité des parties
(B).
A. Traités
successifs avec identité de parties.
C'est l'hypothèse la plus simple, elle trouve sa
réponse dans le paragraphe 3 de l'article 30 de la Convention de Vienne.
On fait recours à l'application du principe Lex posterior derogat
priori, c'est à dire que le traité postérieur
l'emporte sur le traité antérieur. C'est le cas lorsque les
dispositions du second traité sont incompatibles avec celles du premier
traité124(*).
Ainsi, l'engagement le plus récent se substitue au plus ancien dans la
mesure où ils sont incompatibles. L'idée ici est la modification
ou l'abrogation du traité antérieur : les Etats parties
au premier traité peuvent le modifier ou l'abroger par un accord
postérieur, exprès ou tacite dit la règle. Cependant
en vertu de cette règle, est-il possible de considérer que les
dispositions commerciales contenues dans un AME ont préséance sur
celles régissant un accord commercial ou économique tel que celui
régissant l'OMC ? En théorie on peut répondre par
l'affirmative, du moins lorsque les parties aux deux accords sont identiques.
Par conséquent, on pourrait estimer, par exemple, que toutes les
dispositions de la CITES prévalaient sur l'ensemble des dispositions
contraires du GATT, pendant toute la période où la CITES
était postérieure à l'Accord original du GATT 1947.
Cependant, la situation devrait être en principe différente en ce
qui concerne le GATT de 1994, qui est postérieur à la CITES. Car
hormis sa postériorité, l'article II.4 de l'accord instituant
l'OMC établit clairement qu'il s'agit d'un accord distinct :
« L'Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce de 1994 est juridiquement distinct de l'Accord
général sur les tarifs douaniers et le commerce, en date du 30
octobre 1947... ». Ainsi, partant du principe Lex
posterior..., c'est le GATT de 1994 qui prévaudrait à la
CITES125(*). Ce n'est
pourtant pas le cas. Une bonne partie de la doctrine soutien que dans les deux
hypothèses la CITES devrait prévaloir, car l'on peut tenir ces
dispositions pour décisives dans le sens où elles sont plus
spécifiques que l'article XI du GATT. C'est l'application du principe
speciala generalibus derogant malgré la
postériorité du GATT de 1994 sur la CITES126(*). En effet, le spécial
dérogeant au général, les dispositions de la CITES
devraient s'appliquer sans se préoccuper des dispositions du GATT. Le
caractère spécifique de la CITES ne fait pas de doute. Son objet
très précis, qui est celui du commerce international des
espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, lui
confère un caractère singulier que le GATT ne peut
prétendre concurrencer. La GATT apparaît ainsi comme un cadre
général du commerce international, et la CITES régit,
quant à elle, un domaine particulier de ce commerce international qui
est celui des espèces menacées. En vertu donc du principe
speciala generalibus derogant, les dispositions de la CITES l'emportent
sur celles du GATT.
B. Traités
successifs sans identité de parties.
C'est l'hypothèse la plus délicate du fait de la
diversité des parties liées par les deux traités. La
solution ici varie selon que les traités sont incompatibles ou non.
1. L'hypothèse de
deux traités compatibles.
Dans cette hypothèse, un accord postérieur peut
déroger un accord antérieur même
« général » si une telle possibilité a
été prévue par le traité initial ou simplement
parce que la modification est compatible avec les droits et obligations de tous
les Etats parties au traité initial ainsi qu'avec l'objet et le but de
ce traité. Il en va autrement, cependant, dans les relations avec un
Etat partie uniquement à l'un des deux accords. En effet si dans les
relations entre les Etats parties aux deux traités il est
appliqué le principe lex posterior derogat priori, les
relations entre les Etats parties aux deux accords et l'Etat partie à un
seul accord dépendront uniquement du principe de l'effet relatif des
traités. C'est ce qui ressort du paragraphe 4.b de l'article 30
précité qui dispose : « dans les relations
entre un Etat partie aux deux traités et un Etat partie à l'un de
ces traités seulement, le traité auquel les deux Etats sont
Parties régit leurs droits et obligations
réciproques ». Selon ces dispositions, un AME
postérieur auquel sont parties deux Etats prime sur un accord commercial
auquel est partie uniquement l'un d'eux, notamment en ce qui concerne leur
relation. De même un accord d'environnement antérieur conclu entre
deux Etats prime sur un accord commercial postérieur lorsque l'un d'eux
uniquement est concerné par le second.
2. L'hypothèse de
deux traités incompatibles.
Cette seconde hypothèse donne des solutions
différentes à cette question de préséance. Lorsque
les conditions posées par l'article 41 de la Convention de Vienne de
1969 sur le droit des traités ne sont pas réunies127(*), il y a primauté du
traité antérieur sur le traité postérieur. La
solution est nettement affirmée en jurisprudence :
« On peut également considérer comme
un principe reconnu que toute convention multilatérale est le fruit d'un
accord librement conclu sur ses clauses et qu'en conséquence il ne peut
appartenir à aucun des contractants de détruire ou de
compromettre, par des décisions unilatérales ou par des accords
particuliers, ce qui est le but et la raison d'être de la
convention »128(*).
Ce qui est établi dans les relations entre parties
à la convention particulière devrait l'être a
fortiori dans les relations avec les Etats non parties : le principe
pacta sunt servanda impose ici le respect de la primauté du
traité général sur le traité spécial, donc
du traité antérieur sur le traité
postérieur129(*).
Toutefois, il arrive que les parties aient envisagé les
problèmes de compatibilité et prévu la solution au sein
même des traités en cause.
II. L'EXISTENCE DE
DISPOSITIONS CONVENTIONNELLES EXPRESSES.
Les solutions conventionnelles consistent à
déclarer l'un des engagements applicable aux dépens de l'autre,
la clause en ce sens figurant soit dans le traité prioritaire soit dans
celui qui lui cède le pas130(*). Il n'est pas rare en effet, de trouver un
traité qui se subordonne à un autre, en affirmant dans le corps
de son texte sa compatibilité avec les engagements antérieurs ou
postérieurs liant les mêmes parties. Ainsi des formules telles que
« aucune disposition du présent traité ne sera
considérée comme contraire à... » ou
« ne s'opposera à... » peuvent se retrouver dans
certains traités. Ces dispositions sont dites
« déclaration de compatibilité » lorsqu'elles
indiquent expressément que le traité en question est
« compatible » avec tel autre traité131(*). Un traité qui
comporterait une telle disposition doit donc être
interprété de façon à en rendre l'application
compatible avec celle de l'autre, ou même écarté si la
conciliation ne parait pas possible. Pour illustrer notre propos, nous pouvons
donner comme exemple celui de l'ALENA. Signé en 1992 entre le Canada,
les Etats-Unis et le Mexique, l'accord de libre échange
Nord-américain est suivi d'un accord subséquent en matière
d'environnement. Celui-ci reconnaît expressément les objectifs et
les problèmes écologiques. Bien plus, il détermine ses
relations avec les conventions internationales relatives à la protection
de l'environnement. L'article 104 et l'Annexe 104.1 « Rapport avec
les accords de protection de l'environnement » indiquent clairement
qu'en cas d'incompatibilité entre l'ALENA et les dispositions
commerciales spécifiques découlant de la CITES, de la Convention
de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de
déchets dangereux, du Protocole de Montréal sur les substances
qui détruisent la couche d'ozone etc., ces accords prévaudront
sur les dispositions de l'ALENA. Cette disposition montre sans
ambiguïté que les signataires de l'ALENA reconnaissent la
primauté de la protection de l'environnement sur les règles
commerciales communes.
Conclusion du chapitre 2 :
On s'aperçoit, en fait, que la préséance
dépend de la volonté des Parties aux accords postérieurs,
de l'effet relatif des traités, du principe de Lex
posterior..., de la compatibilité ou incompatibilité des
traités en cause... Mais quels principes auront véritablement
préséance entre ceux du libre-échangisme et ceux contenus
dans les AME lorsqu'un conflit naîtra entre les deux corps de
règles ? Que décidera l'ORD ? Les dispositions de l'article
30 de la convention de Vienne répondent à ces questions.
Toutefois à la lecture des accords du GATT, nous nous apercevons que
l'OMC dispose d'un arsenal juridique bien plus important pour régler ce
genre de conflit que ne lui en fournit la Convention de Vienne. En effet, les
exceptions générales prévues par l'article XX du GATT de
1994, les Accords SPS, OTC, les accords de Marrakech...sont autant d'outils qui
permettent à l'ORD de valider des politiques de protection de
l'environnement. Grâce à la présence de tous ces
instruments dans le corpus de l'OMC, l'articulation entre le commerce et
l'environnement n'est peut être pas si difficile, tout dépendra au
fond de l'utilisation que l'ORD entendra de faire de l'arsenal juridique mis
à sa disposition.
CONCLUSION GENERALE
Les bonnes relations entre l'OMC et les AME semblent en fin de
compte soumises au bon vouloir de cette dernière et surtout de son
organe de règlement des différends. En effet, les conflits
potentiels entre ces deux corps de règles ne seront a priori
soumis qu'à l'ORD et seul cet organe décidera de la
compatibilité entre l'environnement et le libre échange.
Toutefois, on aurait pu penser que la protection de l'environnement serait
reléguée au second plan par cet organe, or la jurisprudence de
l'ORD montre que l`OMC entend prendre en compte les problèmes
environnementaux dans toute leur dimension, et notamment économique.
L'OMC ne peut pas en effet rester sourde aux revendications qui se font
ça et là, des manifestations et des heurts que chacune de ses
réunions peut provoquer, car on se trouve devant deux impératifs
vitaux dont il faut rechercher des pistes pour une meilleure harmonisation.
Selon certains, « we should not be forced to choose between
environmental protection and free international trade. Both values are
essential to our future survival and well-being... »132(*). Or pour une majorité
de personnes, l'OMC incarne cette mondialisation qui produit des effets
affectant bon nombre de domaines parmi lesquels figure l'environnement. Il est
donc difficile de penser que ces deux intérêts antagonistes que
sont le libre échange et la protection de l'environnement sont
conciliables. Pour cela, il est nécessaire d'une part que l'OMC s'adapte
à la nouvelle donne environnementale et qu'il y ait, d'autre part, une
meilleure collaboration entre l'OMC et les organisations internationales
édictant des AME.
S'agissant de la nécessaire adaptation de l'OMC
à la nouvelle donne environnementale, T. Schoenbaum concluait en ces
termes :
« ...those who are concerned with the GATT system
should acknowledge the necessity, and immediacy of environmental goals that did
not exist at the time GATT principles were formulated. In addition, they must
recognize that the relationship between GATT law and environmental protection
needs to be clarified and extended. The GATT should authorize the working group
on the environment to prepare for a full-fledged negotiation among the
contracting parties. Among the actions that might be considered by the working
group are the following:
- (1) conclusion of a side agreement on GATT Article XX to
define currently ambiguous criteria and resolve conflicts of interpretation;
- (2) utilization of the GATT Standards Code to provide a
forum for harmonization of environmental standards and regulations;
- (3) amendment of the GATT Subsidies Code to define the scope
of countervailing duties for natural resources and pollution subsidies;
- (4) conclusion of a new GATT environmental code to address
the issues of multinational environmental agreements and minimum levels of
pollution control for import-sensitive industries;
- (5) promotion of the new GATT code on the export of
domestically prohibited goods and other hazardous substances;
- (6) agreement on the criteria for considering differing
environmental standards as a basis for tariff differentiation; and
- (7) agreement on standards and criteria for
«eco-labeling» commercial advertising and packaging relating to the
ecologic characteristics of products133(*).
Selon V.T Bouangui, l'ensemble de ces mesures est très
important car si aucune harmonisation n'est faite dans ce sens, « ce
sera le chaos »134(*). Ainsi selon lui, il faut faire avancer le droit de
l'OMC qui devrait prendre en compte « les droits de certains secteurs
d'activités qu'il affecte au fur et à mesure que s'étend
son champ d'action »135(*), c'est le cas notamment de l'environnement. Pour
cela il propose trois approches : celle ex ante, celle ex
post et enfin la combinaison des deux. Quant à la première,
elle consiste pour l'OMC à inscrire, par le biais d'une
interprétation collective de l'article XX, les mesures commerciales
prises au titre d'AME, afin de prévenir tout conflit entre
l'Organisation mondiale du commerce et un accord multilatéral sur
l'environnement. Cependant certains membres de l'OMC considèrent que
cette approche aboutirait à une définition élargie des
exemptions prévues à l'article XX avec le risque d'augmenter les
abus protectionnistes136(*). Ce qui a ouvert la voie à une autre
approche, celle ex post. Cette approche consiste à associer
l'interprétation actuelle de l'article XX à la possibilité
de recourir ex post aux dérogations prévues dans le
cadre de l'OMC et qui seront prises au cas par cas. Toutefois selon la
Communauté européenne, cette approche donne l'impression que la
protection de l'environnement reste extérieure aux préoccupations
de l'OMC tout en le plaçant en position d'arbitre sur les questions
d'environnement. Une troisième approche fut donc explorée, il
s'agit de la combinaison des deux précédentes, combinaison
pouvant donner lieu à trois formules différentes. La
première consisterait à ajouter à l'article XX un
alinéa qui mentionnerait expressément les AME et renverrait
à un Mémorandum d'accord sur les rapports entre les mesures
commerciales fondées sur les AME et les règles de l'OMC. Ainsi
cette formule prendrait à la fois en compte les préoccupations de
la communauté commerciale et celles des défenseurs de
l'environnement en offrant un cadre juridique et procédural permettant
d'assurer une compatibilité de jure entre l'OMC et les mesures
commerciales fondées sur les AME. La deuxième consisterait
à élaborer un Mémorandum d'accord stipulant par exemple
que sous réserve de certains critères, les mesures admises par
l'article XX engloberaient les mesures prises en application d'un AME. Enfin,
la troisième formule consisterait à modifier l'article XX
b) du GATT afin d'y inclure de façon la plus claire possible
les mesures nécessaires à la protection de l'environnement et les
mesures prises en application d'un AME.
Toutefois en plus de s'adapter aux nouvelles normes
environnementales, l'OMC doit s'ouvrir à certaines autres disciplines et
notamment accepter l'entrée de quelques défenseurs de
l'environnement en son sein. En effet, même si l'OMC n'est pas une
organisation à vocation pluridisciplinaire, pour l'équité
et afin que ses décisions soient appliquées efficacement et sans
soulever de vagues, ces modifications s'avèrent nécessaires. A
ce propos, la déclaration de Doha adoptée le 14 novembre 2001
semble « porteuse d'un nouveau paradigme : celui de
l'interrelation, de l'interconnexion, et de l'interdépendance entre les
disciplines multilatérales, et particulièrement entre le commerce
et l'environnement »137(*). Cette déclaration contient en effet un
paragraphe selon lequel : « Nous réaffirmons avec force
notre engagement en faveur de l'objectif du développement durable, tel
qu'il est énoncé dans le Préambule de l'Accord de
Marrakech. Nous sommes convaincus que les objectifs consistant à
maintenir et à préserver un système commercial
multilatéral ouvert et non discriminatoire, et à oeuvrer en
faveur de la protection de l'environnement et de la promotion du
développement durable peuvent et doivent se renforcer mutuellement. Nous
prenons note des efforts faits par les Membres pour effectuer des
évaluations environnementales nationales des politiques commerciales
à titre volontaire. Nous reconnaissons qu'en vertu des règles de
l'OMC aucun pays ne devrait être empêché de prendre des
mesures pour assurer la protection de la santé et de la vie des
personnes et des animaux, la préservation des végétaux, ou
la protection de l'environnement, aux niveaux qu'il considère
appropriés, sous réserve que ces mesures ne soient pas
appliquées de façon à constituer soit un moyen de
discrimination arbitraire ou injustifiable entre des pays où les
mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au
commerce international, et qu'elles soient par ailleurs conformes aux
dispositions des Accords de l'OMC »138(*). Par ce paragraphe, la Déclaration rappelle
de manière subtile que l'OMC est une organisation
spécialisée dans le commerce international et non pas
orientée sur les aspects de politique environnementale. Ceux-ci
relèvent de la compétence nationale de chaque Etat membre. Selon
L. Boisson de Chazournes et M.M Mbengue, la déclaration crée
cependant une certaine confusion, car ces deux auteurs se demandent si elle ne
légitime pas l'adoption de mesures unilatérales dans le domaine
de la protection de l'environnement, puisque la déclaration n'incite
pas, contrairement aux décisions rendues dans l'affaire des crevettes,
les Etats membres de l'OMC à négocier des accords
multilatéraux en matière de protection de l'environnement.
De plus, le soutien mutuel qui est évoqué dans
le paragraphe 6 de la déclaration n'indiquerait pas un éventuel
effacement des règles de l'OMC devant celles des AME mais la
nécessité pour les règles de ces derniers de prendre en
compte les règles de l'OMC et inversement la nécessité des
règles de l'OMC d'être appliquées et
interprétées conformément ou de manière compatible
avec les règles des AME. Finalement le paragraphe 6 laisse croire qu'au
sein de l'OMC ce sont les règles des Accords de l'OMC qui priment et qui
s'imposent.
Quant au paragraphe 31 de cette même déclaration,
il traite de la clarification de la relation entre obligations commerciales
spécifiques contenues dans les AME et Accords de l`OMC. Cette
clarification permettrait d'assurer une plus grande sécurité
juridique aussi bien pour les AME que pour l'OMC, rendant les deux
systèmes plus efficaces et garantissant que la formulation de politiques
générales dans l'un et l'autre domaine soit
améliorée par le simple fait qu'aucun des deux systèmes ne
fonctionnerait isolement l'un et l'autre. Il faudrait négocier des
critères de compatibilité entre les AME et l'OMC, ce qui
contribuerait à créer un environnement décisionnel plus
prévisible à la fois pour les responsables de la politique
commerciale et pour les négociateurs des AME139(*). Cela pourrait
également prévenir les conflits.
Ces auteurs proposent également, notamment V.T
Bouangui, d'apporter quelques modifications à l'article XX afin que les
mesures commerciales prises en vertu d'un AME soient moins susceptibles
d'entrer en conflit avec les règles de l'OMC.
Quoiqu'il en soit, comme le considère l'ancien
directeur du GATT, M. Sutherland, « on ne peut demander aux seules
politiques commerciales de résoudre tous les problèmes
environnementaux. Ces politiques, et en particulier l'élimination des
restrictions et distorsions commerciales qui sont préjudiciables
à l'environnement, ont un rôle important à jouer, mais le
commerce n'est que l'un des aspects de la politique économique à
prendre en compte pour la protection de l'environnement et le
développement. Les financements et les transferts de technologie
constituent des pièces du puzzle tout aussi
importantes »140(*). Il est donc indéniable que le
libre-échange constitue un élément perturbateur dans la
protection de l'environnement, toutefois celui-ci n'est pas le seul. La
déforestation ou l'effet de serre sont par exemple des questions
environnementales vitales pour l'homme et les animaux et pourtant la solution
ne se trouve pas forcément dans la mise en place de restrictions
commerciales, mais peut être dans l'évolution des
mentalités de chacun. La cinquième Conférence
ministérielle de l'OMC qui aura lieu à Cancún, au Mexique,
du 10 au 14 septembre 2003 aura peut-être le mérite de
faire avancer les choses puisqu'elle visera essentiellement à faire le
bilan de l'avancement des négociations et des autres travaux requis par
le Programme de Doha pour le développement. Ainsi, au sortir de cette
conférence, les relations entre les AME et l'OMC seront peut être
clarifiées et permettront enfin une véritable collaboration entre
le libre-échange et la protection de l'environnement.
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IV. TEXTES CONVENTIONNELS:
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3ème édition, Dalloz 2002, p. 243-272.
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internationale, particulièrement comme habitats des oiseaux d'eau,
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- Convention concernant la protection du patrimoine mondial,
culturel et naturel, Paris, 23 novembre 1972
- Convention sur le commerce international des espèces
de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, 3 mars 1973, JO 17
septembre 1978, p. 3300 et suivantes.
- La Convention sur la conservation de la vie sauvage et des
habitats naturels, Berne (Suisse), 19 septembre 1979.
- Protocole relatif à des substances qui appauvrissent
la couche d'ozone, Montréal, 16 septembre 1987, JO du 23 février
1989, p. 2493 et suivantes.
- Convention pour l'interdiction d'importer des déchets
dangereux et le de leurs mouvements transfrontières en Afrique, Bamako,
30 janvier 1991
- Convention sur le contrôle des mouvements
transfrontières de déchets dangereux et de leur
élimination, 22 mars 1989, JO 2 septembre 1992, p. 11971 et
suivantes.
- Convention sur la diversité biologique, Rio de
Janeiro, 22 mai 1992, JO du 11 février 1995, p. 2312 et suivantes.
V. THESES :
BOUANGUI (V.T.), La protection de l'environnement et
l'OMC : nature des rapports et perspectives d'harmonisation, Reims
2001.
CAZALA (J.), Le principe de précaution en droit
international. Etude d'un mode conventionnel de gestion de l'incertitude
scientifique, Université Paris II, 2003.
VI. SITES INTERNET :
- www.ladocumentationfrancaise.fr
- www.copa.qc.ca/forces
- www.observateurocde.org
- www.wto.org
- www.cites.org
INTRODUCTION.........................................................................................
1
1ère PARTIE LES
CONTRADICTIONS ENTRE LES REGLES DE L'OMC ET CELLES DES AME.
7
CHAPITRE I LES PRINCIPES GENERAUX DES AME ET
LEUR ADEQUATION AUX REGLES DE L'OMC.
8
SECTION 1 LE PRINCIPE DE
PRÉCAUTION : UN PRINCIPE DU DROIT INTERNATIONAL DE
8
L'ENVIRONNEMENT.
8
I. LES AME ET LE PRINCIPE DE PRECAUTION.
9
A. Le contenu de ce principe.
9
B. La valeur de ce principe.
12
II. LA POSITION DE L'OMC ET DE SON ORGANE DE
REGLEMENT DES DIFFERENDS.
16
A. Le principe de précaution dans les
accords de l'OMC.
16
1. L'Accord sur les mesures sanitaires et
phytosanitaires (SPS).
16
2. Les autres dispositions qui prévoient
implicitement des mesures de précaution.
17
B. L'utilisation jurisprudentielle de ce
principe.
19
1. L'affaire Viandes et produits carnés
(hormones), 16 janvier 1998.
19
2. L'affaire des saumons australiens, 20 octobre
1998.
20
3. Affaire Japon - Produits agricoles : les
conditions de mise en oeuvre et de maintien des mesures22 février
1999.
21
4. Affaire CE - Amiante : une
consécration du principe ?
22
SECTION 2 LE PRINCIPE DE
PRÉSERVATION DE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE.
24
I. LA DIVERSITE BIOLOGIQUE DANS LES AME.
25
A. La Convention de Rio de 1992.
25
1. L'accès aux ressources
génétiques.
26
2. Le partage des avantages.
27
B. Les autres conventions.
27
1. La Convention de Berne de 1979.
27
2. La Convention relative aux zones humides
d'importance internationale de 1971.
28
3. La Convention de l'Unesco concernant la
protection du patrimoine mondial, culturel et naturel.
28
II. L'ARTICULATION AVEC L'ACCORD ADPIC.
29
A. L'apparente fragilité de la
Convention sur la diversité biologique.
29
B. Une articulation possible entre l'Accord
ADPIC et la CDB.
31
CHAPITRE 2 LES REGLES COMMERCIALES DANS LES
AME.
34
SECTION 1 LA CITES.
34
I. MECANISME DE CONTROLE DU COMMERCE
INTERNATIONAL DE LA FAUNE ET DE LA FLORE.
35
A. L'annexe I : le commerce
interdit.
35
B. L'Annexe II : le commerce
réglementé.
36
C. L'Annexe III : le commerce
contrôlé.
37
D. Le cas du commerce autorisé :
les exceptions.
38
II. CITES/GATT : RELATION
CONFLICTUELLE.
39
A. Restrictions quantitatives entre les
parties.
40
1. Les restrictions à l'exportation.
40
2. Les restrictions à l'importation.
42
B. Restrictions quantitatives envers les
non-parties.
42
SECTION 2 LE PROTOCOLE DE
MONTRÉAL.
42
I. RESTRICTIONS AUX IMPORTATIONS.
43
II. RESTRICTIONS AUX EXPORTATIONS.
44
SECTION 3 LA CONVENTION DE BÂLE.
44
A. Le droit de l'Etat Partie d'interdire
l'importation de déchets dangereux.
46
B. L'obligation d'interdire l'exportation de
déchets dangereux.
47
II. RESTRICTIONS DES MOUVEMENTS
TRANSFRONTIERES ENTRE LES PARTIES ET LES ETATS-TIERS.
47
2ème PARTIE LES SOLUTIONS
D'ARTICULATION ENTRE LES DEUX CORPS DE REGLES.
49
CHAPITRE I LES EXCEPTIONS DE L'ARTICLE XX DU
GATT.
50
SECTION 1 LES ALINÉAS B ET
G.
50
I. LE CONTENU DE CES ALINEAS.
51
II. L'INTERPRETATION DE LA JURISPRUDENCE DE
L'ORD.
52
A. Thaïlande- Restrictions à
l'importation et taxes intérieures touchant les cigarettes.
52
B. L'affaire Thons/Dauphins.
53
C. Les différends
Crevettes/Tortues.
54
1. Le premier rapport rendu par l'Organe
d'appel.
55
2. Le second rapport rendu par l'organe
d'appel.
56
D. Etats-Unis- Normes concernant l'essence
nouvelle et ancienne formules.
57
SECTION 2 LE CHAPEAU INTRODUCTIF DE
L'ARTICLE XX.
59
I. LE CONTENU DU CHAPEAU.
59
II. LES RAPPORTS DE L'ORGANE D'APPEL.
59
CHAPITRE 2 LA REGLE DE PRESEANCE ENTRE LES
ACCORDS OMC ET LES AME..................................
62
SECTION 1 L'ARTICLE 30 DE LA CONVENTION DE
VIENNE SUR LE DROIT DES TRAITÉS.........
62
SECTION 2 LA QUESTION DE
PRÉSÉANCE.
64
I. LE SILENCE DES PARTIES.
64
A. Traités successifs avec
identité de parties.
64
B. Traités successifs sans
identité de parties.
65
1. L'hypothèse de deux traités
compatibles.
65
2. L'hypothèse de deux traités
incompatibles.
66
II. L'EXISTENCE DE DISPOSITIONS
CONVENTIONNELLES EXPRESSES........
67
CONCLUSION GENERALE
69
BIBLIOGRAPHIE
74
ANNEXES................................................................................................84
* 1 R. ROMI, « OMC,
Mondialisation et Environnement : Qui a peur du grand méchant
loup... », Petites Affiches, 10 janvier 2000, n°6,
p.5.
* 2 Devenu l'article 174 du
Traité d'Amsterdam
* 3 « L'absence de
certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du
moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et
proportionnées visant à prévenir un risque de dommages
graves et irréversibles à l'environnement à un coût
économique acceptable » (art L 200-1 C.rural).
* 4 H. Kempf, « La
charte consacre et renforce le principe de précaution », in Le
Monde du 26 juin 2003, p. 7.
* 5 ibidem
* 6En effet selon l'article 10
de la charte, le principe de précaution « inspire l'action
européenne et internationale de la France ».
* 7 Selon l'expression de J.
CAZALA dans sa thèse, Le principe de précaution en
droit international. Etude d'un mode conventionnel de gestion de l'incertitude
scientifique, Université Paris II, 2003, p.25.
* 8 Convention pour la
protection de la couche d'ozone, Vienne, 22 mars 1985, préambule,
para 5.
* 9 Ibid, article 2.1,
italique ajouté.
* 10 Protocole relatif
aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone, Montréal, 16
septembre 1987, préambule, §6.
* 11 Convention pour
l'interdiction d'importer des déchets dangereux et le de leurs
mouvements transfrontières en Afrique, Bamako, 30 janvier 1991,
article 4.3f
* 12 cf. note de bas de page
n°2
* 13 Selon la Convention,
les mesures de précaution requièrent « un bon rapport
coût-efficacité, de manière à garantir des avantages
globaux au coût le plus bas possible », article 3 § 3.
* 14 LUCCHINI (L.),
« Le principe de précaution en droit international de
l'environnement : ombres plus que lumières », AFDI, 1999,
p. 715, §18.
* 15 KISS (A.), «The
Rights and Interests of Future and the Precautionary Principle», D.
Freestone, E. Hey, The Precautionary Principle and International Law, The
Challenge of Implementation, Kluwer 1996, p. 27.
* 16 Selon l'expression de L.
LUCCHINI, op.cit p. 716, §22.
* 17 Convention sur la
diversité biologique de 1992.
* 18 Convention de Bamako de
1991 (art. 4)
* 19 Convention sur le
Climat (art. 3, principes)
* 20 MARTIN-BIDOU
(P.), « Le principe de précaution en droit international
de l'environnement », RGDIP, 1999-3, p. 660.
* 21 i.e: le traité
de Maastricht (art. 130. R, § 2), la Convention d'Helsinki du 17 mars
1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières
et des lacs internationaux. L. Lucchini, op. cit., p. 717.
* 22 J. CAMERON et J.
ABOUCHAR : « this is currently sufficent state practice to allow
a good argument that the precautionary principle is a principle of customary
international law ». J. CAMERON et J. ABOUCHAR «The Status
of the Precautionary Principle in International Law», D. Freestone et e
Hey, op. cit. p. 52 ; H. HOHMANN, Precautionary Legal Duties and Principles of
Modern International Environmental Law, London, Graham and Trotman/ Martinus
Nijhoff, 1994, 377 pages.
* 23 MARTIN-BIDOU (P.),
« Le principe de précaution en droit international de
l'environnement », op.cit. p.661.
* 24 L'affaire des
essais nucléaires (Nouvelle Zélande/France), C.I.J.,
Ordonnance du 22 septembre 1995
* 25 Affaire relative au
projet Gabèíkovo - Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), C.I.J., 25
février 1997
* 26 Rec. 1997, § 113.
* 27NOUZHA (C.),
« Réflexions sur la contribution de la Cour internationale de
justice à la protection des ressources naturelles »,
RJE, 3/2000, p.398.
* 28 « L'emploi
d'armes nucléaires ferait courir les dangers les plus graves aux
générations futures », cf. CIJ, Rec. 1996, p.
244 §35.
* 29 Voir notamment LUCCHINI
(L.), « Le principe de précaution en droit international de
l'environnement : ombres plus que lumières »,
AFDI, 1999, p. 714.
* 30 RUIZ FABRI (H),
« La prise en compte du principe de précaution par
l'OMC », RJE, 2000, n°spécial, p.56
* 31 J. CAZALA, Le principe
de précaution en droit international. Etude d'un mode conventionnel de
gestion de l'incertitude scientifique, op.cit. p. 215.
* 32 MARCEAU
(G.), « Le principe de précaution et les règles de
l'OMC », Le principe de précaution. Aspects de droit
international et communautaire, Collection Droit international et
relations internationales. Edition Panthéon Assas, sous la direction de
Charles Leben et Joe Verhoeven, 2002, p. 142s.
* 33 LAUDON (A), NOIVILLE (C.),
« Le principe de précaution, le droit de l'environnement et
l'OMC », Rapport remis au Ministère de l'environnement, 16
novembre 1998, p.60.
* 34 « Les
règlements techniques ne seront pas maintenus si les circonstances ou
les objectifs qui ont conduit à leur adoption ont cessé d'exister
ou ont changé de telle sorte qu'il est possible d'y répondre
d'une manière moins restrictive pour le commerce » ;
Accord sur les obstacles techniques au commerce, Marrakech, 15 avril 1994,
article 2.3
* 35CE - Mesures
concernant les viandes et les produits carnés (Hormones), Rapport
de l'Organe d'Appel (WT/DS26, 48/ABR), 13 février 1998
* 36 Précit.
* 37 On sait que l'article
5§7 autorise une approche de précaution. Lorsque les preuves
scientifiques sont insuffisantes, le membre peut prendre des mesures
provisoires ; l'approche revêt donc un caractère temporaire.
Or, dans l'affaire de la viande aux hormones, les Communautés estimaient
que le principe devait s'appliquer aux autres dispositions de l'article 5.
* 38 Article 5 § 4 de
l'Accord SPS.
* 39MARTIN-BIDOU (P.)
« Le principe de précaution en droit international de
l'environnement », op. cit. p. 649.
* 40 Rapport de l'Organe
d'appel, WT/DANS/18/AB/R, 20 octobre 1998.
* 41 Japon - Produits
agricoles, Rapport de l'Organe d'Appel (WT/DS76/ABR), 19 mars 1999
* 42 LONDON (C.), Commerce
et environnement, Que sais-je ?, PUF, 2001, p. 61.
* 43 Canada contre
Communautés européennes, rapport de l'Organe d'appel,
WT/DS135/AB/R.
* 44 MARCEAU (G.),
« Le principe de précaution et les règles de
l'OMC », op. cit, p. 144.
* 45 DOUSSIN (J.P),
« Le principe de précaution en matière de
sécurité des aliments, démarche rationnelle ou
irrationnelle ? », Option Qualité, Avril 2001,
n°193, p.16.
* 46 KOSCIUSKO-MORIZET (N.),
« Environnement et commerce international », Les
Notes Bleues de Bercy, n°171 du 16 au
30 novembre 1999, p. 2.
* 47 DOUSSIN (J.P),
« Le principe de précaution en matière de
sécurité des aliments, démarche rationnelle ou
irrationnelle ? », op. cit, p.14.
* 48 Voir notamment
KOSCIUSKO-MORIZET (N.), député de l'Essonne, interview du 18
août 2003, Les 4 vérités, France 2.
* 49 Appelée
également biodiversité.
* 50 A. KISS, et J.P.
BEURIER, Droit international de l'environnement, Etudes
internationales, Pedone, 2ème édition, 2000, p. 305.
* 51 Traités
multilatéraux déposés auprès du secrétaire
général, état au 31 décembre 2001, Nations
unies, New York 2002, Vol. II, p.260 et s.
* 52 Convention de Rio sur la
diversité biologique du 5 juin 1991, Art. 2.
* 53 F. BURHENNE-GUILMIN,
« La diversité biologique dans les traités »,
Colloque international en Hommage à Cyrille Klemm : « la
diversité biologique et le droit de l'environnement »,
Council of Europe publishing, 2000.
* 54 A. KISS et J.P BEURIER,
Droit international de l'environnement, op.cit, p.310.
* 55 S. MALJEAN-DUBOIS,
« Biodiversité, biotechnologies,
biosécurité : Le droit international
désarticulé. », JDI, 4, 2000, p. 950.
* 56 J.P. MARECHAL,
« Quand la biodiversité est assimilée à une
marchandise », Le Monde diplomatique, juillet 1999, p. 6 et
suivantes.
* 57 S. MALJEAN-DUBOIS,
« Biodiversité, biotechnologies,
biosécurité (...) », op. cit, p. 954.
* 58 Article 3 :
« Conformément à la Charte des Nations Unies et aux
principes du droit international, les Etats ont le droit souverain d'exploiter
leurs propres ressources selon leur politique d'environnement ».
* 59 M.A. HERMITE, «La
convention sur la diversité biologique », AFDI, 1992,
vol. 38, p.859.
* 60 Convention relative
aux zones humides d'importance internationale, particulièrement comme
habitats des oiseaux d'eau, Ramsar, 2 février 1971.
* 61 Christian L. WIKLOR,
Répertoire des traités multilatéraux 1968-1995,
Martinus Nijhoff publishers, kluwer law international, 1998.
* 62 Convention
concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel,
Paris, 16 novembre 1972.
* 63 Christian L. WIKLOR,
Répertoire des traités multilatéraux 1968-1995,
op.cit.
* 64 Voir notamment C.
NOIVILLE, « La mise en oeuvre de la convention de Rio sur la
conservation de la diversité biologique et ses relations avec l'accord
de l'OMC sur les ADPIC », L'outil économique en droit
international et européen de l'environnement, sous la direction de
S.Maljean-Dubois, La Documentation Française, 2002, p. 281 et s.
* 65 ibidem.
* 66 S. MALJEAN-DUBOIS,
« Biodiversité, biotechnologie, Biosécurité
(...) », op. cit, p. 957s.
* 67 Ibidem.
* 68 C. NOIVILLE,
« La mise en oeuvre de la convention de Rio sur la conservation de la
diversité biologique et ses relations avec l'accord de l'OMC sur les
ADPIC », op.cit. p. 285.
* 69 S. MALJEAN-DUBOIS,
« Biodiversité, biotechnologie, Biosécurité
(...) », op. cit, p. 966.
* 70 C. NOIVILLE,
« La mise en oeuvre de la convention de Rio (...) »,
op.cit. p. 286.
* 71 J. P MARECHAL,
« Quant la biodiversité est assimilé à une
marchandise », op. cit, p. 6 s.
* 72 C. NOIVILLE,
Ressources génétiques et droit , Pedone, Paris,
1997, p. 359.
* 73 M.A HERMITTE,
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Madagascar, avril 2000, consultable sur :
http://panjuris.univ-paris1.fr
* 74 C. NOIVILLE,
« La mise en oeuvre de la convention de Rio (...) »,
op.cit. p. 300 s.
* 75 C. NOIVILLE,
« La mise en oeuvre de la convention de Rio (...) »,
op. cit. p.303.
* 76 La CITES comptabilise 162
parties selon son site internet, www.cites.org.
* 77 Article II
alinéa 1 et l'article 3 alinéa 1-5
* 78 Centre mondial de
surveillance continue de la conservation de la culture, Cambridge, Royaume-Uni,
cité in OCDE, Les mesures commerciales dans les accords
multilatéraux sur l'environnement, OCDE, 1999, p.17.
* 79 ibidem
* 80 Art. II alinéa 3 et
l'article V alinéa 1-4
* 81 Article VII para 6.
* 82 Article VII alinéa
2 de la CITES
* 83 BOUANGUI
(V.T), La protection de l'environnement et l'OMC : nature des
rapports et perspectives d'harmonisation , Reims 2001, p. 291.
* 84 LANFRANCHI (M.P),
« Quelles articulations entre les politiques commerciales et le
politiques environnementales ? », L'outil économique
en droit international et européen de l'environnement, sous la
direction de S.Maljean-Dubois, La Documentation Française, 2002, p. 133.
* 85 CAMERON (J.) and
ROBINSON (J.), « The Use of Trade Provisions in International
Environmental Agreements and Their Compatibility with the GATT»,
Yearbook of International Environmental Law, vol. 2, 1991, p. 8s
* 86 SCHOENBAUM (T.J.),
Agora : Trade and Environment. « Free International Trade and
Protection of the Environment: Irreconcilable Conflict? », The
American Journal of International Law, vol. 86:700, 1992, p.713.
* 87 Ibidem, p.
714.
* 88 Traités
multilatéraux déposés auprès du secrétaire
général, état au 31 décembre 2001, Nations
unies, New York 2002, Vol. II, p.351 et s.
* 89 Voir le Para 3 du
préambule
* 90 BOUANGUI
(V.T), La protection de l'environnement et l'OMC (...), op.
cit, p. 307.
* 91 Selon cet article
alinéa 1 : « Aucune partie contractante n'instituera ou
ne maintiendra à l'importation d'un produit originaire du territoire
d'une autre partie contractante, (...) de prohibitions ou des restrictions
autres que des droits de douane, taxes ou autres impositions, que l'application
en soit faite au moyen de contingents, de licence d'importation (...) ou de
tout autre procédé ».
* 92 Ainsi, selon l'ORD un
produit transgénique et un produit biologique sont similaires à
partir du moment où leurs caractéristiques physiques sont les
mêmes. C'est ce qui ressort de la jurisprudence Thons/ Dauphins selon
laquelle on ne peut distinguer des produits selon leur mode de pêche.
Ainsi un thon pêché de manière écologique pour les
dauphins est le même produit que le thon pêché de
manière non écologique.
* 93 W. LANG « Les
mesures commerciales au service de la protection de
l'environnement », RGDIP, 1995-3, p.545-564.
* 94 Traités
multilatéraux déposés auprès du secrétaire
général, état au 31 décembre 2001, Nations unies,
New York 2002, Vol. II, p.351 et s.
* 95 Préambule de la
Convention, alinéas 2 et 3.
* 96 Article 2 alinéa
1 : « on entend par « déchets » des
substances ou objets qu'on élimine, qu'on a l'intention
d'éliminer ou qu'on est tenu d'éliminer en vertu des dispositions
du droit national ».
* 97 M.T. PEREZ-MARTIN,
Que fait le village planétaire de ses déchets
dangereux ? La mise en oeuvre de la convention de Bâle sur le
contrôle des mouvements transfrontières de déchets
dangereux et de leur élimination, Bruylant, Bruxelles 2001, p.1et
s.
* 98 Ididem.
* 99 Une disposition
similaire est prévue à l'article 4, para 3, alinéa 1 de la
Convention de Bamako.
* 100 M.T. PEREZ-MARTIN,
Que fait le village planétaire de ses déchets
dangereux ? (...), op.cit, p. 6.
* 101 Ainsi l'article
1er de la loi camerounaise n°89/027 du 29 décembre 1989
portant sur les déchets toxiques et dangereux dispose que
« sont interdits l'introduction, la production, le stockage, a
détention, le transport, le transit et le déversement sur le
territoire national des déchets toxiques et/ou dangereux sous toutes
leurs formes ».
* 102 Article 4, paragraphe
1, alinéa c) de la Convention de Bâle.
* 103 J. CAMERON and J.
ROBINSON, « The Use of Trade Provisions in International
Environmental Agreements (...) », op. cit, p. 12.
* 104 M.T. PEREZ-MARTIN,
Que fait le village planétaire de ses déchets
dangereux ? (...), op.cit, p. 24.
* 105 LANG (W),
« Les mesures commerciales au service de la protection de
l'environnement », op. cit, p.558.
* 106 Article 1er
et 3 de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le
commerce.
* 107 N. KOSCIUSKO-MORIZET,
« Environnement et commerce international », op.
cit, p. 4.
* 108 CHEYNE (I),
« Environmental Treaties and the GATT », RECIEL,
1992, Vol. 1, n°1, p. 14.
* 109 D. CARREAU et P.
JUILLARD, Droit international économique,
4ème édition, LGDJ 1998, p. 293.
* 110 Ibidem.
* 111 Ibidem.
* 112 Thaïlande-
Restrictions à l'importation et taxes intérieures touchant les
cigarettes, rapport adopté le 7 novembre 1990, WT/DS10/R.
* 113 J. CAMERON and J.
ROBINSON, « The Use of Trade Provisions in International
Environmental (...) », op. cit, p. 9. ; CHEYNE
(I), « Environmental Treaties and the GATT », op.
cit, p. 17.
* 114 Etats-Unis -
Restrictions à l'importation de thon, Rapports distribués les 3
septembre 1991 et 16 juin 1994 non adoptés, WT/DS21/R ;
WT/DS29/R.
* 115 CHEYNE (I),
« Environmental Treaties and the GATT », op. cit,
p. 17
* 116 Etats-Unis
-Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains
produits à base de crevettes, rapport de l'Organe d'appel, WT/DS58/AB/R,
12 octobre 1998.
* 117 WECKEL (P.), Organe
d'appel, Rapport du 20 octobre 2001, Etats-Unis- Prohibition à
l'importation de certaines crevettes, RGDIP, n° du 1er janvier
2002, p. 193.
* 118 Rapport de l'Organe
d'appel du 22 avril 1996, WT/DS2.
* 119
Cf. préambule du Protocole de Montréal.
* 120 J. CAMERON and J.
ROBINSON, « The Use of Trade Provision in International Environmental
Agreements (...) », op. cit, p. 10.
* 121 Article 26 de la
Convention de Vienne : « Tout traité en vigueur lie
les parties et doit être exécuté par elles de bonne
foi ».
* 122 Article 30 § 1 de
la Convention de Vienne de 1969.
* 123 J. CAMERON and J.
ROBINSON, « The Use of Trade Provision in International Environmental
Agreements (...) », op. cit, p. 16.
* 124 DAILLER (P) et PELLET
(A), Droit international public, LGDJ, 7ème
édition, p. 271.
* 125 BOUANGUI (V.T), La
protection de l'environnement et l'OMC (...), op.cit, p. 351.
* 126 Ibidem.
* 127 Article 41 relatif
aux Accords ayant pour objet de modifier des traités
multilatéraux dans les relations entre certaines parties.
* 128 C.I.J., avis du 28 mai
1951, Réserves à la Convention sur le génocide,
Rec. 1951, p. 21.
* 129 DAILLER (P) et PELLET
(A), Droit international public, op. cit, p. 273.
* 130 J. Combacau, Le
droit des Traités, Que sais-je ? PUF 1991, p. 97
* 131 DAILLER (P) et PELLET
(A), Droit international public, op. cit, p. 268.
* 132 SCHOENBAUM (T.J.),
Agora: Trade and Environment. « Free International Trade and
Protection of the Environment: Irreconcilable Conflict? », op.
cit, p. 702.
* 133 SCHOENBAUM (T.J.),
Agora: Trade and Environment. « Free International Trade and
Protection of the Environment : Irreconcilable Conflict? », op.
cit, p. 726.
* 134 BOUANGUI (V.T), La
protection de l'environnement et l'OMC (...), op.cit, p. 375.
* 135 Ibidem.
* 136 L'OMC Comité
Commerce et Environnement, PRESS/TE 006, 8 décembre 1995, p. 5.
* 137 BOISSON DE CHAZOURNES
(L.) et MBENGUE (M.M.), « La déclaration de Doha de la
Conférence ministérielle de l'OMC et sa portée dans les
relations commerce/environnement », RGDIP, 2002-4, 855.
* 138 Paragraphe 6 de la
Déclaration.
* 139 BOISSON DE CHAZOURNES
(L.) et MBENGUE (M.M.), « La déclaration de Doha de la
Conférence ministérielle de l'OMC et sa portée dans les
relations commerce/environnement », op. cit, p. 880.
* 140 GATT press
communiqué, GATT 1636 du 10 juin 1994, p. 2-3.
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